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Banque & Marchés
n° 61 – novembre-décembre 2002
15
Intégration du risque de liquidité
dans les modèles de valeur en risque
Erwan Le Saout
Maître de conférence
Université Paris Panthéon-Sorbonne
CREFIB et CREREG
erwan.lesaout@market-microstructure.org
Introduction
*
a crise russe qui s’est déroulée en juillet 1998 et
la propagation des effets qui s’en est suivie sur
l’ensemble des places financières mondiales a été
à l’origine de nombreux débats. Beaucoup se sont
interrogés sur les éléments constitutifs de cette crise systémi-
que. Si la sous-évaluation des risques de crédit est à l’origine
de la crise monétaire russe, l’un des facteurs prédominant de
cet embrasement des marchés financiers est certainement dû
à la corrélation des risques. Selon le FMI, le facteur qui a
déclenché ce processus d’interdépendance des risques est
l’illiquidité du marché des changes. En période de crise
financière
(1)
, la liquidité tend à s’assécher, ce qui se traduit
non seulement par une baisse de l’offre de liquidité mais
aussi par une augmentation de la corrélation des actifs, ce qui
a pour effet de rendre inopérant la diversification.
Ce risque de liquidité est difficilement prévisible en
dépit de nombreux modèles d’évaluation des risques, y com-
pris les modèles très usités de la
Value at Risk
car ceux-ci ne
prennent en général pas en compte les problèmes d’illiqui-
dité. Son origine réside dans le fait que la liquidité est diffi-
cilement quantifiable. Des moyens doivent être néanmoins
mis en œuvre pour améliorer la gestion de ce risque qui sem-
ble être de plus en plus présent sur les marchés comme l’indi-
que Dembo (1997) qui met en garde contre l’omission du
facteur de liquidité
(2)
dans l’estimation de la
Value at Risk
.
Notre article se présente de la manière suivante : au
cours d’une première partie, après avoir défini le risque de
liquidité, nous effectuons une revue de la littérature traitant
de la prise en compte du risque de liquidité dans l’évaluation
du risque de marché. Nous nous intéressons particulièrement
au modèle de décomposition de la
Value at Risk
proposé par
Bangia, Diebold, Shuermann et Stroughair (1999). La
seconde partie de cet article a une vocation empirique
puisqu’il s’agit d’une application de ce modèle sur le
Règlement mensuel.
1. De la nécessité de prendre en compte
le risque de liquidité
La liquidité figure parmi les qualités essentielles que
doivent garantir les bourses de valeurs. Celle-ci, bien qu’elle
tienne une place choix dans la littérature traitant de la micros-
tructure des marchés financiers, est une notion qui demeure
encore difficile à définir. Un consensus semble toutefois
s’établir pour affirmer que la liquidité d’un titre exprime la
facilité pour un investisseur à trouver rapidement une contre-
partie pour un ordre important quel que soit le sens de la tran-
saction sans provoquer de déviation élevée du cours. Ainsi, la
Banque des Règlements internationaux définit le concept de
liquidité autour de trois dimensions : la profondeur, l’étroi-
tesse et la résilience. L’étroitesse, mesurée par la fourchette
de prix, indique la divergence des cotations par rapport au
milieu de la fourchette. La profondeur dénote le nombre
maximum de titres qu’un investisseur peut négocier sans
modifier la meilleure limite. Enfin
(3)
, la résilience
(4)
corres-
pond à la capacité d’un marché à résorber un décalage de prix
résultant d’une négociation de taille importante.
A. Définitions du risque de liquidité
Le risque d’illiquidité sur les marchés d’actifs finan-
ciers correspond à la perte provenant des coûts de
liquidation
(5)
d’une position. Typiquement, l’illiquidité d’un
marché se manifeste sous forme d’importants coûts de tran-
saction, un
turnover
peu élevé, un faible nombre de transac-
tions durant la séance ou encore une fourchette de prix éle-
vée. Ces facteurs signifient que les investisseurs qui
souhaitent solder une position vont devoir payer des coûts
* L’auteur remercie vivement pour leurs remarques les Professeurs
Patrick Navatte, Patrice Fontaine, Jean-Pierre Gourlaouen, Jacques
Hamon, Michel Levasseur, et Charles-André Vailhen. L’auteur a
bénéficié de nombreuses suggestions et commentaires de la part des
participants au congrès des IAE (Biarritz 2000), à la conférence inter-
nationale de l’AFFI (Namur 2001) ainsi que les participants au
séminaire de recherche de l’IRG. La version initiale de cet article a
connu de nombreuses modifications à la suite des remarques pertinen-
tes formulées par le comité de lecture. Les erreurs qui pourraient sub-
sister relèvent de la seule responsabilité de l’auteur.
L
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conséquents pour le faire : ils peuvent supporter des coûts de
transaction importants, un délai d’attente relativement long
en raison de l’absence de contrepartie ou encore vendre rapi-
dement à un prix désavantageux. Il est manifeste que la plu-
part des marchés connaissent parfois des problèmes de liqui-
dité. En effet, de nombreux marchés ne présentent pas un
niveau de liquidité acceptable durant toute la séance ; il
n’existe que très peu de marchés, en général les places finan-
cières où sont cotées les grosses capitalisations, qui peuvent
se vanter d’offrir un niveau de liquidité adéquat aux interve-
nants financiers. Cependant, même la liquidité de ces gran-
des places boursières ne peut pas être garantie. Ces marchés
sont très liquides la majorité du temps, mais occasionnelle-
ment lors des séances de crise, leur liquidité “ s’assèche ”.
Ainsi, aucun marché de la planète ne peut garantir un niveau
de liquidité suffisant tout le temps. Le risque de liquidité est
donc un facteur potentiellement important, longtemps ignoré
par la théorie financière, dont ont conscience les investisseurs
mais ce risque est délicat à quantifier car la liquidité demeure
un concept qualitatif. De nombreuses mesures
(6)
ont été pro-
posées mais aucune d’entre elles n’est reconnue unanime-
ment même si la fourchette de prix [Demsetz (1968), Roll
(1984), Glosten et Harris (1988)] ou encore le coût marginal
d’une unité d’actif, qui correspond à une extension empiri-
que du coefficient lambda de Kyle (1985), semblent rallier
une majorité de suffrage.
Il est possible de distinguer deux types de risque de
liquidité selon Dowd (1998). Le premier est le risque de
liquidité “ normal ” qui augmente au gré des échanges sur
des marchés considérés comme peu liquides. Le second type
de risque de liquidité est plus insidieux. Il s’agit du risque de
liquidité qui augmente lors des crises boursières où le marché
perd son niveau courant de liquidité : l’investisseur qui solde
ses positions enregistre ainsi une perte plus importante que
lors de circonstances normales.
Le risque “ normal ” de liquidité
Le risque de liquidité correspond à la perte potentielle
que nous avons subie par rapport au prix que nous aurions dû
obtenir. Nous devons donc nous focaliser sur le prix du mar-
ché : le risque de perte survient en raison de mouvements
défavorables du prix de marché. Cependant il convient de
faire attention à ce que nous appelons “ prix de marché ” en
particulier lorsque nous nous situons sur un marché liquide :
le prix affiché ne signifie pas “ prix réel ”. Celui-ci peut très
bien résulter d’un manque de liquidité antérieur. Ainsi, le
prix dépend du sens de notre transaction. Le prix dépend
aussi de la taille de la transaction que l’on souhaite effectuer,
et aussi du temps que l’on s’accorde pour effectuer la tran-
saction. Toute chose égale par ailleurs, si nous souhaitons
vendre rapidement, le prix obtenu sera nettement défavora-
ble ; au contraire, si on a la possibilité d’étaler dans le temps
la transaction, le cours obtenu devrait être meilleur.
Par conséquent, nous devons modifier notre conception
de la valeur en risque et prendre en compte ces coûts de liqui-
dité. La relation entre les coûts de liquidité et la
Value at
Risk
est indiquée par la
figure
1
ci-après. Elle indique des situations
de position liquide et de position illiquide. Nous pouvons sol-
der notre position liquide rapidement et obtenir le prix de mar-
ché sans coût de liquidité significatif. En revanche, nous pou-
vons solder notre position illiquide seulement en payant des
coûts de liquidation inversement proportionnels au délai qu’il
a été nécessaire pour clore sa position : plus le délai que
l’investisseur se sera accordé pour liquider ses positions est
long, moins les coûts seront élevés, cependant, il faut prendre
garde au fait que durant l’attente les cours peuvent varier de
manière très défavorable. Ainsi, si on se réfère aux travaux de
Dowd (1998), toute chose égale par ailleurs, une action illi-
quide aura une
Value at Risk
plus importante si les coûts de
liquidité sont pris en compte. Pour un même actif, la
Value at
Risk
variera en fonction de la stratégie de placement d’ordres
mis en place par l’investisseur. Plus l’ordre d’échange sera
agressif, plus la valeur en risque sera élevée.
Figure 1.
Value at Risk, période de détention
et coût normal de liquidité
Source : Dowd (1998).
Le risque de crise de liquidité
Le risque de liquidité peut s’accroître dans un autre con-
texte. Un marché peut être très liquide la plupart du temps et
devenir illiquide lors d’une crise majeure
(7)
. En règle géné-
rale, les troubles démarrent lorsqu’une chute de cours inter-
vient, c’est-à-dire quand nous assistons à un excès d’offre de
titres face à une demande qui tend à se réduire fortement par
défiance vis-à-vis des titres. La fourchette de prix tend à aug-
menter de manière importante. Cela s’explique par l’effet de
panique qui règne sur le marché, tous les investisseurs souhai-
tent vendre au même moment et dégarnissent le carnet
d’ordres du côté acheteur. Ceci explique d’ailleurs la mise en
place par les autorités boursières des réservations de cotation.
Nous sommes dans une situation où il n’existe plus de straté-
gie de placement : tout le monde souhaite vendre sa position.
La question qui se pose, maintenant que nous avons
clairement rappelé la nécessité de prendre en compte les
VaR (Position illiquide)
VaR (Position liquide)
Période de détention
VaR
Période de détention
Coût de liquidation
VaR
VaR (Position illiquide)
VaR (Position liquide)
Période de détention
Coût de liquidation
Période de détention
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coûts de liquidité dans l’estimation de la
Value at Risk
, est de
savoir comment le faire.
B. Une revue de la littérature
Ces dernières années, on a pu noter un regain d’intérêt
de la recherche académique et des milieux professionnels
pour la formalisation de la gestion du risque de liquidité. Le
risque de liquidité a donné lieu à différentes voies de recher-
che. Chordia, Roll et Subrahmanyam (2001), Hasbrouck et
Seppi (2001) ainsi que Huberman et Halka (2001) ont essayé
de détecter des facteurs communs de liquidité. Ces auteurs
considèrent l’existence d’un risque spécifique et systémati-
que de la liquidité. Amihud et Mendelson (1986), Brennan et
Subrahmanyam (1996) ou encore Jacoby, Fowler et Gottes-
man (2000) proposent une extension du CAPM et examinent
les relations entre l’espérance de rentabilité et le niveau de
liquidité.
Enfin, autre voie de recherche et non des moindres, plu-
sieurs suggestions ont été faites afin d’intégrer des coûts de
liquidité dans les modèles de
Value at Risk
. Jarrow et Subra-
manian (1997) considèrent l’effet de la taille des transactions
et le délai optimal de liquidation d’un portefeuille sur sa
valeur selon un horizon fixé. Les auteurs aboutissent à la pré-
sentation d’une
Value at Risk
ajustée du risque de liquidité ;
cette mesure incorpore le coût de liquidité, la volatilité de ce
coût ainsi que la volatilité durant la période de liquidation.
Malheureusement, derrière ce concept très attractif, se dissi-
mule une boîte noire aux paramètres difficilement mesura-
bles. Cette approche du risque de liquidité par la détermina-
tion d’un délai de liquidation de portefeuille constitue bien
souvent la solution proposée par de nombreux auteurs.
a) Valeur en risque et horizon de liquidation
Les analyses relatives à l’horizon de liquidation ont
pour fondement le principe selon lequel il n’est pas possible
de solder la totalité d’un portefeuille sans engendrer des per-
tes supplémentaires. Une des réponses à ce problème est
d’allonger l’horizon de la
Value at Risk
(on estime une VaR
sur 10 jours plutôt qu’une journée) de manière à considérer
qu’il existe suffisamment de temps donné à l’investisseur
pour que celui-ci solde son portefeuille. La perte de prix
subie par le fait d’une détention plus longue peut alors être
assimilée d’une certaine manière au risque de liquidité.
Cette idée est retenue par Bertsimas et Lo (1998) ainsi
que Almgren et Chriss (1999). Devant des fonctions de
demande et d’offre peu élastiques, Bertsimas et Lo (1998)
proposent un modèle d’optimisation des coûts de transaction
et cherchent ainsi à minimiser le coût attendu d’un échange
de bloc pour une durée d’échange fixée. Pour cela, les auteurs
modélisent les différents impacts des transactions sur les
prix. Dès lors, il semblerait possible de mettre en place des
stratégies de placement d’ordres. Almgren et Chriss (1999)
examinent le problème du solde d’un portefeuille avec
l’objectif de minimiser une combinaison du risque de volati-
lité et des coûts de transaction susceptibles d’augmenter de
manière temporaire et /ou permanente en raison de l’impact
des ordres sur le marché. A partir d’un simple modèle
linéaire de coût, ils construisent une frontière efficiente dans
un espace temps – stratégie de liquidation, qui possède un
niveau de coût attendu minimum pour un niveau de probabi-
lité donné. Cette analyse les amène à mettre en relief des stra-
tégies d’échanges ainsi que différentes applications incluant
une définition de la
Value at Risk
ajustée par le niveau de
liquidité. Hisata et Yamai (2000) proposent un modèle de
VaR ajusté au risque de liquidité qui reprend les fondamen-
taux du modèle d’Almgren et Chriss (1999). Contrairement
à ces derniers, Hisata et Yamai (2000) considèrent la période
de liquidation du portefeuille comme une variable endogène.
Ce modèle incorpore l’impact des transactions de l’investis-
seur en ajustant la valeur en risque selon le niveau de liqui-
dité du marché et la taille de la position de l’investisseur.
Les articles les plus aboutis sur le sujet sont certaine-
ment ceux de Lawrence et Robinson (1998) et de Häberle et
Persson (2000). Lawrence et Robinson (1998) figurent parmi
les premiers à s’interroger sur la non prise en compte dans
l’estimation de la
Value at Risk
du risque de liquidité. A partir
d’un exemple de calcul de
Value at Risk
, les auteurs estiment
que la perte calculée au seuil de probabilité ne correspond
pas réellement à la perte maximum pour un horizon de vingt-
quatre heures. En effet, selon eux le solde d’une position en
vingt-quatre heures entraîne un coût de liquidité supplémen-
taire sans pour autant entraîner un accroissement de volati-
lité. Ils remettent ainsi en cause l’horizon de la
Value at
Risk
:
plus l’horizon est faible, plus on sous-estime le risque de
liquidité, et ceci d’autant plus que la position prise par
l’investisseur est importante. L’acte de solder une position, en
lui-même, aura une conséquence, défavorable pour l’inves-
tisseur, sur la fourchette de prix.
Ainsi, sur les marchés peu liquides tels que certains
compartiments destinés à échanger des matières premières,
l’investisseur qui détient des volumes conséquents d’actifs
doit supporter un risque élevé de liquidité que ne prend pas
en compte la
Value at Risk
traditionnelle.
A partir de ce constat, Lawrence et Robinson (1998) pro-
posent un modèle générique de
Value at Risk
. Elle doit selon les
auteurs répondre à la question suivante : “ Quelle peut être la
perte maximale subie par un investisseur, à un niveau de pro-
babilité donné, lorsqu’il solde ses positions et assure la liqui-
dation de son portefeuille à une vitesse optimale ”. En réponse
à cette question, Lawrence et Robinson (1998) émettent
l’hypothèse selon laquelle “ Tout portefeuille d’actifs doit
pouvoir être soldé de telle manière que la perte des actionnai-
res soit minimisée. Ceci implique que le gérant de portefeuille
choisisse les techniques de couvertures adéquates et la vitesse
appropriée de liquidation des actifs sur le marché. ”
Cette hypothèse implique que l’horizon du risque doit
être compatible avec un bon management du risque et une
mesure de la
Value at Risk
qui correspond au réel problème
économique auquel les institutions financières font face. En
ce qui concerne le risque de liquidité, Lawrence et Robinson
(1995) le décomposent en trois composantes :
• Les coûts de transaction encourus lors de la liquidation, qui
sont déterminés principalement par la fourchette de prix et
la taille normale de marché.
• Le coût d’exposition qui mesure le risque d’un mouvement
défavorable du “ vrai ” prix (dans le cas présent, il s’agit du
milieu de la fourchette) pendant que la position est mainte-
nue ; cela correspond approximativement à une
Value at
Risk
.
• Le coût de couverture de l’exposition quand cela est pos-
sible.
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L’investisseur doit pouvoir assurer la liquidation de son
portefeuille de telle manière qu’il minimise la
Value at Risk
ajustée par le risque de liquidité, qui correspond à la somme
des coûts de transaction, d’exposition et de couverture, en
choisissant un horizon de liquidation (qui correspond aussi à
la vitesse de liquidation).
Il est à noter qu’il existe un lien étroit
(“ trade-off ”
)
entre les coûts de transaction et les coûts d’exposition. Plus
l’horizon de liquidation est court, plus le risque d’exposition
est faible et donc moins onéreux. Cependant le coût de tran-
saction risque d’être plus élevé en raison de l’élargissement
de la fourchette de prix. Le gérant de portefeuille doit donc
effectuer un choix en déterminant l’horizon de liquidation
optimal. Pour cela, il est nécessaire de spécifier les différen-
tes fonctions de coût.
Une fois qu’ont été quantifiés la nomenclature de la
fourchette de prix, l’exposition du “ vrai prix ” du porte-
feuille et le coût de la couverture, il est désormais possible de
déterminer le taux optimal de liquidation et ainsi de calculer
la
Value at Risk
ajustée du risque de liquidité.
La modélisation proposée par Lawrence et Robinson
(1998) a donc pour ambition de tenir compte du risque qu’il
faut gérer pendant la liquidation du portefeuille, c’est-à-dire
durant la période qui sépare la décision de l’opération de
vente et la réalisation effective de cette opération.
Dans une optique sensiblement similaire, Häberle et
Persson (2000) proposent une modélisation nettement plus
aisée à mettre en œuvre empiriquement. Les auteurs définis-
sent une
Value at Risk
ajustée pour la liquidité comme la perte
potentielle lors de la liquidation conventionnelle d’un porte-
feuille. Ainsi, le but d’une telle mesure de risque est de pren-
dre en compte non seulement la distribution des rentabilités
mais aussi la distribution de la “ liquidité ” et si possible ses
corrélations avec les variations de prix. La différence entre
une
Value at Risk
standard et la
Value at Risk
ajustée pour la
liquidité que les auteurs proposent est, selon eux, que la
mesure standard considère un horizon de liquidation fixe
quelle que soit la volatilité des volumes échangés. Häberle et
Persson (2000) supposent qu’une fraction du volume moyen
quotidien peut être vendue par un investisseur sans que cela
provoque une réaction sur le prix de marché
(8)
.
Les auteurs ont testé empiriquement leurs modèles et
effectuent différentes comparaisons. Si nous comparons les
deux méthodes d’estimation de
la Value at Risk
, nous pou-
vons constater que les résultats diffèrent selon la position
détenue. Ainsi, si l’investisseur possède une faible quantité
de titre, la VaR ajustée pour le risque de liquidité semble
sous-estimer le risque déterminé par une mesure classique de
Value at Risk
. Inversement, lorsque la position de l’investis-
seur est élevée, i.e. il est plus exposé au risque de liquidité, le
risque apparaît plus élevé si l’on emploie la mesure proposée
par Häberle et Persson (2000) plutôt qu’une
Value at Risk
standard. Cette observation peut s’expliquer par le fait que
lorsque l’on a recours à une
Value at Risk
standard, le risque
est jugé comme étant linéaire à la taille de la position déte-
nue, c’est-à-dire que si un investisseur détient une ligne
d’actions deux fois plus importante qu’un autre investisseur,
alors sa
Value at Risk
sera deux fois plus élevée. En revanche,
le modèle d’estimation du risque ajusté pour le risque de
liquidité ne dépend pas linéairement de la position détenue,
c’est-à-dire que si la ligne d’action est deux fois plus élevée,
la Value at Risk va plus que doubler.
Ce modèle permet de styliser de manière relativement
simple l’importance du risque de liquidité. Néanmoins, il
présente quelques limites au niveau du traitement du risque
de liquidité. Outre l’hypothèse contraignante liée à la non
influence des volumes sur les cours, la principale limite à la
modélisation, comme le soulignent ses auteurs, est qu’elle ne
prend pas en compte la volatilité de la fourchette de prix. Or
il apparaît que la volatilité de la fourchette est loin d’être sta-
ble ce qui n’est pas sans conséquence sur les coûts de tran-
sactions induits par les échanges. Ce dernier argument est
l’une des fondations du modèle proposé par Bangia, Diebold,
Shuermann et Stroughair (1999) que nous présenterons.
b) Incorporation du risque de liquidité dans un modèle
de Value at Risk traditionnel
Bangia, Diebold, Shuermann et Stroughair (1999), ci-
après BDSS (1999), présentent un modèle de
Value at Risk
intégrant le risque de liquidité qui peut survenir sur les mar-
chés lorsque les intervenants financiers décident de solder
certaines positions de leur portefeuille. BDSS (1999) esti-
ment qu’un allongement de l’horizon de la
Value at Risk
ne
constitue pas une bonne réponse au problème posé en raison
de la subjectivité de l’estimation de ce délai de liquidation.
Préalablement à toute modélisation, les auteurs étu-
dient la nature de ce concept qu’est la liquidité. Ils effectuent
ainsi la distinction entre une liquidité endogène et une liqui-
dité exogène. Par la suite, BDSS (1999) replacent le risque de
liquidité dans le contexte général des risques de marchés.
La nature de l’illiquidité
L’illiquidité exogène est le résultat des caractéristiques
du marché. Elle affecte l’ensemble des participants présents
sur le marché, sans que l’on puisse attribuer à l’un d’entre
eux la responsabilité de cette dégradation du niveau de liqui-
dité. Celle-ci est bien souvent le résultat d’une action collec-
tive. Les marchés liquides tel que le marché des changes se
caractérisent par des volumes de transaction importants, une
fourchette étroite et stable et une profondeur de marché éle-
vée peu volatile. Les coûts de liquidité sont donc négligea-
bles dans la mesure où la fourchette et les risques sont fai-
bles. Par opposition, les marchés illiquides, tels que les
marchés émergents, présentent de larges fourchettes volatiles
et une contrepartie absente.
En ce qui concerne l’illiquidité endogène, elle est attri-
buée aux positions spécifiques de chaque participant. Con-
crètement, l’exposition au risque de liquidité d’un interve-
nant est déterminée par la taille de sa position : plus la taille
est importante, et plus l’illiquidité endogène s’accroît. Cette
liaison est décrite par la
figure
2
. Cette figure illustre les rela-
tions entre les cours de transactions et la taille des ordres. Si
l’ordre est de faible taille, alors la transaction s’effectue au
cours affiché ; dans ce cas, le coût de liquidité équivaut à la
moitié de la fourchette, c’est-à-dire le montant de la liquidité
exogène. En revanche, si la taille de l’ordre dépasse la pro-
fondeur du marché, le coût sera supérieur à la demi-four-
chette et peut atteindre un pourcentage élevé de frais supplé-
mentaires en fonction de l’importance des échanges. Cette
différence de prix correspond à la liquidité endogène telle
qu’elle est définie BDSS (1999).
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Figure 2.
Effet de la taille d’une position
sur la valeur liquidative
Risque de liquidité et risque de marché
Le risque de marché se caractérise par l’incertitude des
prix ou des rentabilités provoquée par les mouvements de
marché. Dans un marché sans frictions, le management des
risques de marché conventionnel ne traite que des distribu-
tions des rentabilités calculées à partir du milieu de la four-
chette. Une gestion des risques plus rigoureuse implique
donc la prise en compte des “ frictions ” telle que la compo-
sante liquidité des actifs, d’autant plus que celle-ci tend à
augmenter lorsque de fortes positions sont soldées. Le prix
obtenu sera donc le “ vrai ” prix minoré de la fourchette, ce
qui accroît les risques encourus par les investisseurs.
Ce raisonnement permet aux auteurs de décomposer
l’incertitude régnant sur la valeur de l’actif en deux types de
risques : le risque de cours et le risque de liquidité tel que le
résume la
figure
3
. La
Value at Risk
traditionnelle se concen-
tre sur le premier risque et non sur le risque global.
Figure 3.
Décomposition des risques de marché
Modélisation de la Value at Risk ajustée par le risque
de liquidité
La modélisation s’effectue en deux temps : dans un
premier temps, BDSS (1999) estiment la
Value at Risk
con-
ventionnelle ; dans un second temps, ils incorporent le risque
de liquidité exogène. Dans cette seconde étape de leur modé-
lisation, seul le risque de liquidité exogène va être pris en
compte : l’illiquidité endogène sera ignorée puisque son
niveau dépend des positions individuelles des investisseurs.
La
Value at Risk
ajustée par le risque de liquidité intè-
gre donc bien deux risques : une composante de marché, et
une composante de liquidité. Cette formulation apporte selon
les auteurs une preuve que l’omission du risque de liquidité
dans le calcul de la
Value at Risk
conduirait à minimiser le ris-
que total du portefeuille de l’investisseur et, par voie de con-
séquence, entraînerait une mauvaise couverture de celui-ci
quand bien même le risque de liquidité serait relativement
faible par rapport au risque de marché. Une telle modélisa-
tion repose implicitement sur une hypothèse selon laquelle
les évènements “ extrêmes ” du risque de cours et du risque
de liquidité (représentée ici par la fourchette) surviennent
simultanément. La corrélation entre les mouvements du
cours (i.e. le milieu de la fourchette) et la fourchette n’est pas
parfaite mais le lien est suffisamment étroit pour traiter les
deux risques conjointement. Ainsi, en estimant la
Value at
Risk
ajustée par le risque de liquidité, BDSS (1999) incorpo-
rent à la fois le centile du mouvement de prix et le centile de
la variation de la fourchette. L’hypothèse qui peut apparaître
comme la plus restrictive demeure la normalité de la distri-
bution des rentabilités. La suppression de cette hypothèse ne
modifie pas les résultats obtenus. En effet, il est possible
d’introduire le phénomène des mouvements extrêmes, qui
nous éloigne de la distribution gaussienne. Il suffit en effet de
considérer des multiples de l’écart type basé sur la normalité.
Le modèle BDSS (1999) présente donc l’avantage de
pouvoir être mis en œuvre relativement aisément dans la
mesure où les données nécessaires sont disponibles facile-
ment contrairement à d’autres modèles. L’objectif d’un tel
modèle est avant tout de montrer que le risque de liquidité est
un élément non négligeable qu’il convient de ne pas oublier.
En ce qui concerne l’évaluation d’une valeur en risque opti-
male, il semble préférable d’analyser le prix acheteur plutôt
que rechercher la décomposition du risque. Dans une même
optique, Le Saout (2002) distingue la valeur en risque intra-
journalière et la valeur en risque interjournalière. L’auteur
propose une nouvelle mesure du risque de liquidité en séance
qui est construite à partir de la rentabilité observée durant un
événement de marché défini par une quantité de titres signée
négociée. Ses résultats indiquent que l’on peut distinguer
également un risque de liquidité exogène propre au marché
et un risque de liquidité endogène qui relève de la position de
l’investisseur.
2. Application empirique
Nous allons mettre en œuvre le modèle de BDSS
(1999) sur le marché français des actions. Dans un premier
temps, nous présentons les éléments méthodologiques. Dans
un deuxième temps, nous procédons à l’estimation du risque
de marché et du risque de liquidité. Dans un troisième temps,
nous présentons la synthèse des résultats obtenus. Nous con-
cluons ce paragraphe par la mise en relief des limites appa-
rues lors de l’analyse empirique d’une telle modélisation.
A. Éléments méthodologiques
Nous avons extrait de la base de données BDM Paris-
Bourse SBF les prix acheteurs et vendeurs horodatés de qua-
rante et une actions : Saint-Gobain ainsi que quarante autres
titres présentant des niveaux de liquidité différents. Aucun
critère de sélection n’a été retenu, néanmoins nous avons
choisi des sociétés qui présentaient des niveaux de capitalisa-
tions boursières différentes, comme en atteste le
tableau
1
.
Nous avons par la suite calculé les moyennes de ces diffé-
rents cours afin d’obtenir des prix moyens acheteurs et ven-
deurs quotidiens.
Taille de la position
Cours Niveau d'illiquidité endogène
Cours
Niveau d’illiquidité endogène
Taille de la position
Incertitude sur la
valeur de marché
Incertitude sur les
rentabilités de l’actif
Incertitude due au
risque de liquidité
Liquidité
exogène
Liquidité
endogène
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20
Banque & Marchés
n° 61 – novembre-décembre 2002
Tableau 1.
Capitalisations boursières (en milliers d’euros)
moyenne des actions composant l’échantillon
Sources : Euronext, Datastream.
Notre période d’étude s’étale du 1
er
octobre 1997 au
3 janvier 2000, soit un peu plus de 500 séances consécutives.
Nous avons opté pour une base de données quotidiennes afin
d’estimer une
Value at Risk
journalière. Ceci signifie que
nous allons estimer le montant de perte maximale que peut
subir un investisseur au cours d’une séance de cotation, pour
un niveau de confiance donné.
B. Estimation des paramètres du modèle
Suivant BDSS (1999), nous allons évaluer la
Value at
Risk
d’actions cotées sur le premier marché de la Bourse de
Paris, en procédant à une décomposition en deux types de ris-
que : le risque de marché qui correspond au potentiel de perte
lié à la dépréciation du titre, et le risque de liquidité qui cor-
respond au coût de liquidité supporté par l’investisseur
désireux de vendre une position.
De manière analytique, le modèle qu’il convient de
mettre en œuvre est le suivant :
[1]
[2]
[3]
où : exprime la perte potentielle ajustée pour la
liquidité de l’actif ;
est le cours (milieu de la fourchette) de l’actif à la
date
t
;
désigne le cours potentiellement le plus faible au
seuil de 1 % ajusté par la prise en compte du coût de liqui-
dité : ce cours correspond à notre valeur en risque ajustée au
risque de liquidité ;
correspond à la baisse maximale du milieu
de la fourchette au seuil de 1 % que l’on peut espérer obtenir
à la date : il s’agit de la perte enregistrée sans tenir
compte de la dégradation de la liquidité ;
correspond au coefficient correcteur qui permet de
corriger l’éloignement de la normalité de la distribution des
séries de rentabilité ;
représente la volatilité (l’écart-type) de l’actif à la
date
t
;
CEL indique le coût exogène de liquidité. Il est estimé
à partir des variables ci-dessous. Le coefficient est ajouté de
manière à ne prendre en compte que la moitié du niveau de la
fourchette de prix estimée dans la mesure où les estimations
de la valeur en risque sont effectuées à partir du milieu de la
fourchette ;
correspond au cours (milieu de la fourchette) le
plus faible au seuil de 1 % que l’on peut espérer obtenir à la
date , il s’agit donc de la différence entre et
;
désigne la fourchette moyenne de l’actif considéré,
représente la volatilité de la fourchette moyenne,
que l’on multiplie par un coefficient de manière à couvrir
99 % des fourchettes. La valeur de ce coefficient dépend de
la loi de probabilités de la distribution de la fourchette de
cotation qui diffère de la distribution gaussienne ;
correspond au coefficient correcteur de la liquidité
de l’actif.
La résolution de ce modèle nécessite donc le calcul
préalable de deux inconnues, à savoir les facteurs correcteurs.
a) Estimation de la VaR traditionnelle
La première partie de la modélisation consiste à esti-
mer la
Value at Risk
du milieu de la fourchette, i.e. le cours
“ fondamental ” du titre qui ne prend pas en compte les coûts
de liquidité nécessaires à la négociation de l’actif.
Afin d’estimer cette
Value at Risk
, nous devons donc
calculer le coefficient correcteur en raison de la présence de
queues épaisses dans la distribution des rentabilités. En effet,
lorsque les rentabilités dévient de la normalité, le recours à
un multiple d’écart type basé sur la normalité (ici 2,33 pour
un niveau de confiance de 1 %) tend à entraîner une sous-esti-
mation du risque.
Afin d’exprimer une relation explicite entre le coeffi-
cient d’aplatissement et le facteur de correction, BDSS
(1999) considèrent tout d’abord la relation entre l’écart-type,
la kurtosis et la probabilité empirique de queue selon une dis-
tribution de
student
avec un certain nombre de degrés de
liberté. Or, la distribution de
student
converge vers une loi
normale lorsque l’on augmente le nombre de degrés de
liberté. Ainsi il est possible d’établir la relation suivante :
[4]
est une constante dont la valeur dépend de l’intervalle de
confiance fixé (i.e. 1 %, 5 %…). Ceci signifie que si la distri-
bution est normale, alors la Kurtosis est égale à 3 et le facteur
de correction vaut l’unité : il n’y a pas d’ajustement néces-
saire ; la constante
est donc nulle. En revanche, si la distri-
bution dévie de la normalité, nous obtenons un facteur de
correction supérieur à l’unité, un coefficient d’aplatissement
supérieur à 3 ; notre constante n’est alors pas nulle.
Nom
Accor Air
Liquide Alcatel Atos BIC
Capitalisation
7812872 11883853 25468234 2058297 3023638
Nom
BNP Bongrain Bouygues CANAL+ CAP
Gemini
Capitalisation
18370413 828285 6031103 7379479 9871244
Nom
Carrefour Casino Clarins Club Med Dynac-
tion
Capitalisation
28191670 6050663 1270689 1258219 97997
Nom
Elf From. Bel Info-
grames Labinal Lafarge
Capitalisation
34651971 1047745 774322 975720 8827094
Nom
L'Oreal LVMH Michelin Montupet Moulinex
Capitalisation
36520263 20252434 5986548 296473 522498
Nom
Paribas Penauille Rexel SEB Seita
Capitalisation
15059559 340990 3855213 1365945 2539345
Nom
Skis
Ross. Sodexho SPIR
Com. Suez Technip
Capitalisation
184474 5338437 370718 22973584 1585136
Nom
Total Usinor Valeo Vivendi Zodiac
Capitalisation
35339174 3165189 5982388 33370827 1007127
Perte*PtP*
–P_VaR CEL+==
P_VaR Pt1e2,33θσt
–
–()=
CEL 1
2
---pαSaσ
˜t
+()[]=
Perte*
Pt
P*
P_VaR
t1+
θ
σt
Pt
Pα
t1+Pt
P_VaR
S
σ
˜t
a
θ1φ+Ln K
3
----
⋅=
φ
φ
BM60_Le Saout Page 20 Mercredi, 6. novembre 2002 8:34 08
Banque & Marchés
n° 61 – novembre-décembre 2002
21
L’estimation de la constante est obtenue en effec-
tuant une régression transversale des prix potentiellement les
plus bas au seuil de 99 % de notre échantillon (en ayant
recours à la méthode d’estimation de la
Value at Risk
historique
(9)
) avec la partie droite de l’équation qui suit :
L’obtention de la valeur de la constante s’effectue en
transformant l’équation ci-dessus sous la forme polynomiale
suivante :
Avec : et
et
Nous nous apercevons que la constante correspond à
la valeur du coefficient de la régression. Ainsi, nous avons
obtenu une valeur de 0,039 pour le coefficient , après avoir
effectué la régression à partir des quarante et une valeurs qui
constituent notre échantillon. Nous pouvons alors calculer la
valeur du facteur de correction pour chaque action compo-
sant notre échantillon. Les résultats sont répertoriés dans le
tableau 2
. Il apparaît que les rentabilités des actions ne sui-
vent pas une loi normale. Néanmoins, les facteurs de correc-
tion de normalité ne sont pas très élevés en général.
Tableau 2.
Estimation des valeurs en risque
Le
graphique
1
illustre le cas de l’action Saint-Gobain
que nous analysons à titre d’exemple. Le titre Saint-Gobain
présente une kurtosis égale à 4,388. Ceci implique un facteur
de correction équivalent à 1,129. Nous ne sommes pas si
éloignés de la loi normale, néanmoins, comme l’indique
l’observation de la fréquence cumulée des rentabilités, la dis-
tribution gaussienne ne couvre pas les fortes baisses.
Graphique 1.
Distribution et fréquence cumulée
des rentabilités
Nom Prix
(euros) Kurtosis Volatilité
VaR
99 %
(euros)
Accor 48 6,088 0,024 1,241 44,77
Air Liquide 169 3,427 0,021 1,045 160,51
Alcatel 227,7 4,728 0,033 1,155 208,43
Atos 172,8 7,804 0,029 1,325 157,83
BIC 44,01 4,036 0,025 1,101 41,30
BNP 92,5 4,928 0,028 1,169 85,60
Bongrain 331,4 5,864 0,020 1,228 313,33
Bouygues 636 7,667 0,026 1,319 587,15
CANAL + 135 7,571 0,026 1,315 124,80
Cap Gemini 255,9 6,764 0,032 1,276 232,82
Carrefour 183,5 4,848 0,022 1,163 173,09
Casino 115,1 6,428 0,019 1,259 108,85
Clarins 118 11,628 0,023 1,461 109,10
Club Med 114,1 10,769 0,022 1,435 105,98
Dynaction 28 5,334 0,021 1,196 26,44
Elf 149,1 7,176 0,026 1,297 137,89
From. Bel 700 5,305 0,016 1,194 669,05
Infogrames. 35 4,685 0,025 1,152 32,76
Labinal 110 4,106 0,026 1,107 102,80
Lafarge 115,5 3,282 0,024 1,031 109,11
L'Oréal 789 4,448 0,024 1,134 740,04
LVMH 444 3,896 0,024 1,089 418,01
φ
P99
%
P
t
e
2,33 1
φ
k
3
---
ln
+
σ
t
–
=
YtαX1t,βX2t,γX3t,δ+++=
YtLn P99
%
()
=X1t,Ln Pt
()=
X2t,2,33σt
–=
X3t,2,33Ln k
3
---
σt
–=
φ
φ
θ
θ
Michelin 39,79 4,688 0,025 1,152 37,16
Montupet 33 13,168 0,029 1,503 29,77
Moulinex 10,1 5,090 0,026 1,180 9,40
Paribas 110,4 8,890 0,024 1,369 102,32
Penauille 400 5,730 0,022 1,220 376,04
Rexel 88,45 4,399 0,024 1,130 83,11
SEB 74,8 6,177 0,026 1,246 69,27
Seita 42,2 4,965 0,023 1,171 39,66
Skis Ross. 16 6,682 0,020 1,272 15,07
Sodexho 168 3,777 0,023 1,078 158,58
SPIR Com. 77,5 10,968 0,024 1,441 71,46
Suez 159,9 4,446 0,018 1,134 152,56
Technip 104,6 4,377 0,026 1,128 97,78
Total 132 4,624 0,023 1,147 124,05
Usinor 18,92 6,094 0,026 1,241 17,55
Valeo 76,2 3,453 0,025 1,048 71,69
Vivendi 87,2 3,793 0,018 1,080 83,32
Zodiac 208 5,726 0,023 1,220 194,94
6 %
5 %
4 %
6 %
2 %
1 %
0 %
loi normale Saint-Gobain
–7,0 % –6,5 % –6,0 % –5,5 % –5,0 % –4,5 % –4 % –3,5 %
12 %
10 %
8 %
6 %
4 %
2 %
0 %
–7 % –6 % –4 % –3 % –1 % 1 % 2 % 4 % 5 % 7 %
loi normale Saint-Gobain
BM60_Le Saout Page 21 Mercredi, 6. novembre 2002 1:49 13
22
Banque & Marchés
n° 61 – novembre-décembre 2002
b) Estimation du coût exogène de liquidité
De manière analogue à l’estimation de la
Value at Risk
,
BDSS (1999) incluent dans la formule du coût exogène de la
liquidité [3], un facteur de correction qui va permettre de
s’assurer que 99 % des fourchettes soient prises en comptes.
Bangia, Diebold, Schuermann et Stroughair (1999) estiment
qu’une queue épaisse sur le marché monétaire signifie un
manque de liquidité des actifs. Suivant ce principe, l’échan-
tillon est décomposé en deux sous-échantillons dits de
“ moindre ” et de “ grande ” liquidité. Cette interprétation est
discutable dans la mesure où une faible fourchette peut pré-
senter des variations extrêmes tandis qu’une fourchette large
peut évoluer de manière relativement stable. Néanmoins, il
convient de signifier que ce découpage est avant tout destiné
à séparer les actions selon leur
kurtosis
afin de leur attribuer
un coefficient de correction adéquat. Le facteur de correction
s’obtient en régressant le coût exogène relatif de la liqui-
dité (transformé sous une forme polynomiale) sur la valeur
en risque de la fourchette, estimée en utilisant la méthode
historique, pour chacun des échantillons.
Le
graphique
2
démontre que la distribution des four-
chettes est éloignée de la normalité. Les mouvements de
fourchette apparaissent de manière relativement fréquente.
De plus, le coefficient de symétrie est éloigné de sa valeur
d’origine.
Graphique 2.
Distribution et fréquence cumulée
des fourchettes quotidiennes
Ainsi, nous obtenons des facteurs de correction égaux
à 6.724 pour les actions figurant dans le sous-échantillon de
grande liquidité et 7.809 pour les actions dans le second
échantillon composé des actions présentant une moindre
liquidité. Ce résultat est tout à fait logique dans la mesure où
les actions “ illiquides ” doivent être couvertes de manière
plus importante que les actions plus liquides.
Une fois calculé le coefficient correcteur de l’action
Saint-Gobain, ici égal à 6.724, nous pouvons désormais esti-
mer le coût exogène de liquidité qui s’élève à un montant de
0.43 euros.
Les différentes inconnues ayant été maintenant éva-
luées, il nous est maintenant possible de déterminer le risque
total de perte encourue par l’investisseur possédant des
actions Saint-Gobain dans son portefeuille.
C. Commentaires des résultats
Le
tableau
3
répertorie la décomposition des risques de
marché (risque de liquidité et risque de cours) pour l’action
Saint-Gobain. La part du risque de liquidité n’est que de
3,81 % pour l’action Saint-Gobain.
Tableau 3.
Décomposition des risques de marché
de l’action Saint-Gobain
Nos résultats s’interprètent de la manière suivante. La
rentabilité la plus faible, au niveau de confiance de 99 %, se
calcule ainsi :
Nous pouvons alors craindre au seuil de 1 % le prix sui-
vant :
euros,
soit euros.
L’introduction du risque de liquidité, au seuil de 1 %,
réduit alors l’espérance de prix comme l’indiquent les cal-
culs suivants :
euros.
d’où
euros.
a
a
35 %
30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
5 %
0 %
0,10 % 0,15 % 0,20 % 0,25 % 0,30 % 0,35 %
loi normale Saint-Gobain
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0 %
0,35 % 0,33 %0,30 %0,28 % 0,25 %0,23 % 0,20 %
loi normale Saint-Gobain
Saint-Gobain
Prix initial 193
Capitalisation boursière (milliers d’euros) 13243597
Écart-type des rentabilités 0,022
Kurtosis 4.388
Coefficient correcteur 1,129
Composante de marché de la Value at Risk : 10,94
Fourchette moyenne 0,208 %
Écart-type des fourchettes 0,041 %
Coefficient correcteur de la fourchette 6,724
Composante de liquidité de la Value at Risk :
0,43
Value at Risk ajustée pour la liquidité 11,37
% de la composante de liquidité 3,81 %
Pte2,33θσt
–
1
2
---P_VaR S aσ
˜t
+()[]
rSaint-Gobain
99
%
1,129*0,022*2,33
–
5,84
%
–==
rSaint-Gobain
99
%
193
e
5,84
%
– 182,06
==
P_VaR 10,94=
CEL 1
2
---182,06 0,208
% 6,724 0,041
%
⋅
+
()[]
0,43
==
PSaint-Gobain
*182,06 1
2
---182,06 0,208
% 6,724 0,041
%
⋅
+
()[]
–=
181,63=
BM60_Le Saout Page 22 Mercredi, 6. novembre 2002 8:34 08
Banque & Marchés
n° 61 – novembre-décembre 2002
23
Ainsi, le risque de perte global au seuil de 1 % en une
séance est de :
euros soit une
variation négative de 5,89 %.
La part du risque de liquidité pour le titre Saint-Gobain
apparaît comme relativement faible, néanmoins le risque de
liquidité peut représenter une proportion du risque total net-
tement plus élevé (20-30 %) comme en atteste le
tableau
4
qui répertorie les parts du risque de liquidité pour les autres
actions de notre échantillon. Ainsi, en ce qui concerne
l’action Fromagerie Bel, on peut s’apercevoir, d’une part,
que la
value at risk
totale correspond à une perte potentielle,
au seuil de 1 %, de 64,74 euros soir une rentabilité négative
de 9,24 % et d’autre part, que la part du risque de liquidité est
de 52,20 %. Il semblerait donc que le risque de baisse pro-
vienne pour moitié de l’assèchement de la liquidité lors des
périodes de tourmente boursière.
Tableau 4.
Synthèse des valeurs en risque ajustées
par la liquidité
En complément à cette première analyse, nous avons
souhaité étudier le lien qui pouvait exister entre le risque de
liquidité et d'une part la volatilité du titre, et d’autre part la
capitalisation boursière. Nous avons donc réalisé deux
régressions linéaires transversales entre le coût exogène de
liquidité relatif et, respectivement, la relative ainsi
que la transformée logarithmique de la capitalisation bour-
sière. Les résultats sont reportés dans les
tableaux 5 et 6
.
Tableau 5. Estimation de la régression 1
R
2
= 0,001 F = 0,046
Tableau 6. Estimation de la régression 2
R
2
= 0,319 F = 18,312
A la lecture des résultats que nous avons obtenus, il
semblerait qu’il n’existe pas de corrélation entre le coût exo-
gène de liquidité et le risque de cours. La relation est invali-
dée aussi bien par le test de S
tudent
que par le test de
Fisher
.
On pouvait penser obtenir un lien positif, dans la mesure où
le manque de liquidité d’un titre devrait générer de la volati-
lité compte tenu des faibles contreparties existantes, que ce
soit à l'achat ou à la vente. En effet, le milieu de la fourchette
devrait connaître des mouvements plus importants puisque la
profondeur se dégarnit plus rapidement. Néanmoins, il est
vrai que les échanges sont relativement faibles sur les valeurs
illiquides ce qui peut atténuer les variations de cours. C’est le
paradoxe de la liquidité. Une autre explication de ce résultat
peut être délivrée par la pertinence de la dissociation des dif-
Nom Prix VaR 99 % Four-
chette
VaRL
99%
Part %
liquidité
Accor 48 44,77 0,259% 44,59 5,05%
Air
Liquide 169 160,51 0,215% 160,14 4,16%
Alcatel 227,7 208,43 0,172% 208,02 2,11%
Atos 172,8 157,83 0,502% 156,49 8,19%
BIC 44,01 41,30 0,417% 40,97 10,82%
BNP 92,5 85,60 0,189% 85,32 3,93%
Bongrain 331,4 313,33 0,811% 306,17 28,39%
Bouygues 636 587,15 0,369% 582,88 8,04%
CANAL + 135 124,80 0,315% 124,22 5,38%
Cap
Gemini 255,9 232,82 0,307% 231,36 5,94%
Carrefour 183,5 173,09 0,151% 172,80 2,71%
Casino 115,1 108,85 0,264% 108,42 6,47%
Clarins 118 109,10 0,514% 108,06 10,51%
Club Med 114,1 105,98 0,633% 104,51 15,28%
Dynaction 28 26,44 0,886% 25,97 23,08%
Elf 149,1 137,89 0,231% 137,34 4,65%
From. Bel 700 669,05 1,376% 635,26 52,20%
Info-
grames 35 32,76 0,640% 32,32 16,54%
Labinal 110 102,80 0,739% 101,17 18,51%
Lafarge 115,5 109,11 0,241% 108,74 5,60%
L'Oréal 789 740,04 0,197% 738,34 3,35%
LVMH 444 418,01 0,197% 416,98 3,80%
Michelin 39,79 37,16 0,230% 37,03 4,75%
Montupet 33 29,77 0,971% 28,77 23,60%
Moulinex 10,1 9,40 0,661% 9,26 17,21%
Paribas 110,4 102,32 0,243% 101,82 5,76%
PerteSaint-Gobain
*193 181,63–11,37==
Penauille 400 376,04 1,434% 363,16 34,96%
Rexel 88,45 83,11 0,777% 81,76 20,26%
SEB 74,8 69,27 0,693% 68,37 13,91%
Seita 42,2 39,66 0,646% 39,06 19,20%
Skis Ross. 16 15,07 0,904% 14,76 25,44%
Sodexho 168 158,58 0,436% 157,08 13,71%
SPIR
Com. 77,5 71,46 0,862% 69,69 22,70%
Suez 159,9 152,56 0,159% 152,18 4,81%
Technip 104,6 97,78 0,653% 96,57 15,12%
Total 132 124,05 0,187% 123,76 3,61%
Usinor 18,92 17,55 0,320% 17,47 5,52%
Valeo 76,2 71,69 0,387% 71,03 12,84%
Vivendi 87,2 83,32 0,162% 83,10 5,48%
Zodiac 208 194,94 0,573% 192,51 15,65%
Coefficients Écart-type Statistique t
Constante 0,011 0,008 1,431
P_VaR -0,025 0,121 -0,214
Coefficients Écart-type Statistique t
Constante 0,014 0,002 8,826
Capitalisation -4,93E-10 1,15E-10 -4,279
P_VaR
CEL a P_VaR⋅Cste+=
CEL b Capi Cste+⋅=
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24 Banque & Marchés n° 61 – novembre-décembre 2002
férents risques – risque de cours et risque de liquidité – sup-
portés par l’investisseur. En effet, une corrélation significa-
tive aurait remis en cause la césure retenue, puisque cela
aurait impliqué que les deux risques étaient imbriqués et que
par conséquent ils ne pouvaient être dissociés.
En ce qui concerne le lien entre le coût exogène de
liquidité et la capitalisation. Nous obtenons une relation
négative significative au seuil de 1 %. La régression est vali-
dée par le test de Fisher au seuil de 1 %. Le risque de liqui-
dité est d’autant plus élevé que la capitalisation boursière est
faible. Ceci était tout à fait prévisible et indique une nouvelle
fois les problèmes de liquidité auxquels doivent faire face les
investisseurs qui retiennent des petites et moyennes capitali-
sations au sein de leurs fonds. Quand on connaît l’encours
des sicavs profilés mid-caps et small-caps, on peut penser
que les décisions d’investir ou de désinvestir, au-delà du ris-
que de dégradation de la liquidité, ne vont pas être sans con-
séquence sur la valorisation de la société cotée.
D. Les limites de la modélisation
Le principal intérêt du modèle BDSS (1999) ne réside
pas dans l’estimation de la Value at Risk puisque celle-ci a
pour fondement des techniques traditionnelles mais dans la
décomposition du risque de marché en deux types de risque :
le risque de marché et le risque de liquidité. D’ailleurs, le
comité de Bâle recommande l’élaboration de scénarios de
stress sur la liquidité. En effet, selon Upper (2000) qui ana-
lyse la liquidité des obligations d’état allemandes en période
de stress de liquidité, les coûts de liquidité s’élèvent durant
ces périodes de turbulence en raison du désir des investis-
seurs à clôturer rapidement (10) les positions, souvent larges,
qui leur sont défavorables. Or, la fourchette indique le coût
d’immédiateté pour l’échange d’une action ou encore d’une
profondeur bien souvent plus faible que la position détenue
par les investisseurs institutionnels. Il est donc plus que pro-
bable pour que le gérant de fonds “ touche ” plusieurs limi-
tes. Par conséquent, l’impact de la transaction sera largement
supérieur à la taille de la fourchette. La part du risque de
liquidité est donc sous-estimée.
Bangia, Diebold, Schuermann et Stroughair (1999) en
ont conscience puisqu’ils précisent clairement qu’ils ne pren-
nent pas en compte le risque de liquidité endogène, c’est-à-
dire le risque lié à la taille de la position de l’investisseur.
Une solution alternative pourrait être de considérer la four-
chette moyenne pondérée. C’est pourquoi, à titre indicatif,
nous avons considéré le titre Saint-Gobain et la fourchette
moyenne pondérée, estimée pour 5 000 titres, que diffuse
Euronext. Cette fourchette indique le coût d’instantanéité (11)
que supportera l’investisseur désireux de négocier 5 000
actions. Nous obtenons les résultats répertoriés dans le
tableau 7 suivant.
Nous pouvons nous apercevoir que la part du risque de
liquidité augmente nettement lorsque la position détenue est
importante. Si nous nous référons à l’analyse fondamentale
de BDSS (1999), nous pouvons considérer que la compo-
sante de liquidité de la Value at Risk correspond ici aux ris-
ques exogène et endogène (propres à l’investisseur et à la
taille de sa position) de liquidité. Ainsi, nous pouvons écrire
que le coût endogène de liquidité d’un investisseur corres-
pond à la différence entre le montant de la composante de
liquidité de la Value at Risk et le coût exogène de liquidité
trouvé précédemment. Dans le cas de l’action Saint-Gobain,
le risque de baisse du titre passe ainsi de 5,89 % à 7,17 %. Le
risque de liquidité représente désormais 20,94 % du risque
total contre 3,81 % auparavant.
La mise en œuvre empirique de ce modèle nous a per-
mis de soulever une autre limite. Celle-ci concerne l’asyn-
chronisme des deux variables analysées dans le modèle : la
fourchette et le cours. Si nous considérons le cas de l’action
Fromagerie Bel, la part du risque de liquidité apparaît comme
très importante. Or, les fourchettes élevées n’apparaissaient
qu’en période de stabilité et des volumes insignifiants. Par
conséquent, il y a très peu de chances pour que les mouve-
ments extrêmes de prix et de fourchette apparaissent
simultanément (12). Ainsi, la modélisation de BDSS (1999) va
surestimer le risque de l’action.
Tableau 7. Décomposition des risques de marché de
l’action Saint-Gobain pour une position égale à une TNB
Conclusion
Le risque de liquidité, en raison de son caractère non
quantifiable, est souvent omis des modèles actuels d'évalua-
tion des risques dont la fameuse Value at Risk. L'objectif de
cet article consistait à appliquer sur le marché français des
actions le modèle de Bangia, Diebold, Shuermann et Strou-
ghair (1999).
Le modèle présente des limites liées à la non prise en
compte des volumes échangés, i.e. la taille de la position des
investisseurs, ainsi qu’à l’hypothèse de synchronisme des
mouvements extrêmes des rentabilités et des fourchettes. Ce
modèle n’en demeure pas moins pertinent. Sa mise en œuvre
permet de mettre en relief que le risque de liquidité pouvait
représenter une part non négligeable du risque de marché, y
compris pour les actions qui se caractérisent habituellement
par une très bonne liquidité. Ceci signifie que le risque est
parfois insuffisamment couvert par les institutions financiè-
res, ce qui les rend plus vulnérables en période de crise bour-
sière. Les autorités compétentes en ont d’ailleurs tout à fait
conscience, puisque les recherches consacrées à la liquidité
Saint-Gobain
Prix initial 193
Écart-type des rentabilités 0.022
Kurtosis 4.388
Coefficient correcteur 1.129
Composante de marché de la Value at Risk : 10.94
Fourchette moyenne 1,15%
Écart-type des fourchettes 0,31%
Composante de liquidité de la Value at Risk :
2,90
Value at Risk ajustée pour la liquidité 13,84
% de la composante de liquidité 20,94%
Pte2,33θσt
–
1
2
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avaient une place de choix au cours des deux précédentes
conférences annuelles, organisées par la Banque des
Règlements Internationaux.
Par ailleurs, nous avons pu mettre en relief la corréla-
tion négative prévalant entre le risque de liquidité et la capi-
talisation boursière de la société cotée. Cette validation a per-
mis de rappeler que certains fonds profilés en moyenne
capitalisation ont une épée de Damoclès au-dessus d’eux.
Enfin, nos résultats permettent de rappeler les vertus de
la diversification. Celle-ci permet de réduire non seulement
le risque spécifique d’un portefeuille mais également le ris-
que de liquidité en abaissant le niveau du risque endogène de
liquidité.
(1) Cependant, il convient de ne pas associer tous les krachs boursiers
à des crises de liquidité comme le signalent Engle et Lange (1998) et
Le Saout (1999). Un exemple concret est celui de l’action Alcatel qui a
chuté de 38% en une séance dans des volumes records. Certes dans le
cas de l’action Alcatel, la contrepartie acheteuse n’a pu absorber le flux
d’ordre important des ventes mais cela correspond avant tout à une
modification de la valorisation de la société compte tenu des résultats
et perspectives annoncées.
(2) L’auteur démontre d’ailleurs à cette occasion que la prise en
compte de l’illiquidité n’est pas sans incidence sur la frontière effi-
ciente.
(3) Il est aussi évoqué la dimension d’immédiateté qui correspond au
délai séparant le placement d’un ordre et son exécution. Cette dimen-
sion incorpore les aspects de profondeur, d’étroitesse et de résilience.
(4) Voir Bellegarde et Le Fol (2000).
(5) Nous nous plaçons dans le cas d’une cession d’actif, mais le rai-
sonnement demeure identique dans le cas où l’intervenant souhaiterait
investir.
(6) Nous pouvons citer le Market Efficiency Coefficient, les capitaux
échangés, la fréquence de transaction, le flottant, la résilience ou
encore le débit.
(7) Nous nous focalisons sur les crises boursières généralisées et
n’analysons pas les crises spécifiques propres à un titre tel qu’Alcatel
ou encore à un marché tel que cela s’est déroulé récemment en Argen-
tine où la situation a entraîné des retraits massifs de capitaux.
(8) Dans leur article, les auteurs considèrent une fraction de 20%. Il
s’agit d’un pourcentage élevé qui ne correspond certainement pas à la
réalité mais qui permet aux auteurs de mettre en relief les performan-
ces de leur nouvelle mesure.
(9) Voir Esch, Kieffer et Lopez pour une présentation détaillée des
principales méthodes d’estimation de la valeur en risque.
(10) Ceci remet donc également en cause les recherches relatives à
l’allongement de l’horizon temporel de la valeur en risque.
(11) Dans la réalité, la négociation sur le marché central de 5000
actions impliquera un coût d’immédiateté moindre car l’estimation de
la fourchette moyenne pondérée diffusée par Euronext ne prend pas en
compte les volumes cachés [Auguy et Le Saout (1999)]
(12) Cet asynchronisme est peut-être à l’origine de l’absence de corré-
lation entre le coût exogène de liquidité et la volatilité.
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