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Pre-print – Marin, B. & Morin, M.-F. (sous presse, à paraître septembre 2015). Litéracies
scolaires. Le Français Aujourd’hui, 190.
PRESENTATION
LITERACIES SCOLAIRES
Brigitte MARIN
Université Paris-Est Créteil
ÉSPÉ de l’académie de Créteil
&
Marie-France MORIN
Université de Sherbrooke
Faculté d’éducation
Les résultats des enquêtes internationales PIRLS et PISA1 ont attiré l’attention des professionnels de
l’éducation sur les limites de l’enseignement de la lecture-écriture au regard des indicateurs choisis. Ils
montrent que l’accroissement des écarts entre élèves, qui caractérise tout particulièrement le système
éducatif français – mais pas seulement –, pose en corolaire la question des inégalités scolaires et des
modalités de leur régulation, en lien étroit avec la problématique de l’équité et de la différentiation.
Dans cette perspective, le présent numéro de notre revue se veut un regard d’ensemble sur la litéracie
scolaire en abordant les premiers moments de l’appropriation de l’écrit jusqu’à une perspective
universitaire professionnalisante, en passant par la prise en compte de son appropriation progressive
aux différents niveaux scolaires, des cycles primaires et secondaires. En particulier, ce numéro permet
d’appréhender la manière dont se construisent les compétences en litéracie à tous les niveaux de
l’enseignement, de l’école maternelle à l’université, en se situant simultanément du côté de
l’apprentissage – construction des savoirs et des compétences – et de l’enseignement – analyse de
pratiques efficientes, par exemple. Il prend aussi en compte les buts explicites que s’assigne la litéracie
enseignante. Les contributions de ce numéro apportent un éclairage, d’une part, sur les acquisitions
litéraciques des élèves de tous âges et, d’autre part, aux pratiques enseignantes, voire aux compétences
professionnelles des enseignants, et à la manière dont élèves et étudiants traitent les tâches et activités
d’apprentissage qui leur sont dévolues. Les situations de réussite ou d’échec sont envisagées en relation
avec les aides permettant d’atteindre les niveaux de litéracie requis.
Dans le cadre de ce dossier thématique, nous nous intéressons également au décalage entre ce qui est
attendu, via les prescriptions curriculaires, et ce qui est réellement enseigné aux élèves dans les classes.
Les approches adoptées, qui peuvent être didactique, sociologique ou psychologique, permettront
d’apprécier la corrélation entre les inégalités sociales face à la fréquentation de la litéracie et ses
conséquences scolaires. Un intérêt est également porté à l’état de certaines connaissances, aux défis ou
encore aux difficultés que rencontrent les élèves à différents moments de leurs cursus scolaires. Ces
points de focalisation sur l’apprentissage devraient permettre aux enseignants d’être sensibilisés à la
complexité du parcours litéracique des apprenants qui, en réponse, nécessite des situations scolaires
optimales.
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1. PIRLS : Progress in International Reading Literacy Study ; PISA : Programme for International Student Assessment.
En particulier, ce dossier sur les litéracies scolaires comporte trois sections. La première permet de
dresser un état des lieux sur la question. En ce sens, il nous apparait central d’amorcer ce numéro en
invitant Jacques David à aborder, dans toutes ses nuances, le concept de litéracie, tel que revisité par les
new literacy studies. Cette notion peut être envisagée comme un analyseur des pratiques de lecture-écriture
et de leurs effets dans le rapport qu’elles entretiennent avec la visée d’efficacité. L’entrée choisie conduit
à une analyse des fondements théoriques du concept de litéracie. Cette évidence est appuyée par les
débats et les discussions toujours actuels à propos de ce concept, tant du point de vue de sa définition
que de son orthographe, dont les variantes se côtoient au fil des articles, donnant ainsi à lire et à voir
l’étendue des acceptions et des empreintes formelles qui accompagnent son émergence.
L’article de Stéphane Bonnéry et Christophe Joigneaux aborde la notion de litéracie en y associant les
lectures partagées d’albums ainsi que les modes de questionnement et d’étayage pratiqués hors la classe,
pour établir un lien entre litéracie familiale et litéracie scolaire. À partir de l’opposition établie entre
albums explicites et albums implicites, ou « indiciaires », ces auteurs analysent les pratiques de lecture
des familles en fonction des choix d’albums de jeunesse lus à la maison. Procéder à l’oralisation de
l’album, ou effectuer de simples rapprochements entre le contenu de ce qui est lu et d’autres contextes
– sans traiter les indices clés –, ou bien entrainer l’enfant/élève à la mise en relation de ces indices et à
l’appréhension de la complexité sémiotique requise à l’école, tels sont les usages différenciés des
lectures familiales qu’ils ont observées.
En complémentarité de cette contribution – relevant la diversité des pratiques de lecture au sein de la
famille –, Nathalie Prévost et Marie-France Morin entendent également documenter les premières
acquisitions litéraciques en examinant l’évolution de la connaissance des lettres auprès de jeunes
enfants, du début à la fin de la grande section de maternelle. Ce portrait évolutif est enrichi par la
présentation de plusieurs écrits et procédures graphiques d’enfants, lesquels soulignent le lien complexe
entre le développement à caractère multidimensionnel de la connaissance des lettres et la production de
mots. En ce sens, cette étude est également occasion de mettre en lumière la complexité des
apprentissages litéraciques lors des premiers moments de l’entrée dans l’écrit, en particulier sur le
versant de l’apprentissage de l’écriture.
La deuxième section de ce numéro permet précisément d’envisager les inégalités dans les acquisitions
des élèves et leur décalage avec les prescriptions officielles. L’article de Catherine Delarue-Breton et
Élisabeth Bautier porte sur l’usage différencié que font les élèves du début de l’école élémentaire, des
textes « composites ». Il met en évidence la manière dont deux populations contrastées d’élèves – l’une
située en zone d’éducation prioritaire, et l’autre non – s’acquittent différemment des tâches scolaires, ne
retirant ni le même bénéfice des supports et dispositifs qui leur sont proposés, ni la même
compréhension des enjeux. Dans cette étude, les auteures s’attachent ainsi à préciser la manière dont
s’envisagent l’activité de l’élève et son objectif, qui, au-delà de la compréhension de textes, visent à la
production de significations.
La contribution de Catherine Brissaud s’attache, quant à elle, aux acquisitions orthographiques d’élèves
à la fin du cycle collégial. En particulier, une analyse approfondie des erreurs orthographiques des
élèves permet à l’auteure, dans un premier temps, de cibler leurs points de fragilité. Cette analyse
conduit ensuite à susciter des propositions d’enseignement de l’orthographe au collège et à réévaluer la
place de la dictée dans les pratiques scolaires.
Cette dernière contribution permet d’introduire la troisième section qui concerne particulièrement les
pratiques litéraciques d’élèves plus avancés, du collège à l’université.
Dans le premier article de cette section, Marie-France Rossignol s’intéresse à la construction d’une
culture et d’une litéracie humanistes avec des élèves de la fin du collège et du début du lycée. S’appuyant
sur le concept de bididactique lettres-histoire et la mise en relation de séances de ces deux disciplines
conçues en écho terme à terme, l’auteure montre que le dispositif pédagogique – qu’elle a conçu et
expérimenté pour les besoins de la recherche – a favorisé l’élaboration d’une définition mieux informée
de la culture humaniste pouvant être interprétée comme une forme d’engagement en « litéracie
humaniste ». Le pari épistémologique tenu montre tout l’intérêt de la notion de litéracie telle qu’elle est
utilisée au service de la construction de savoirs disciplinaires et transversaux.
En adoptant une perspective vygotskienne, Érick Falardeau et Daisy Pelletier procèdent à une analyse
du soutien permettant les progrès d’élèves québécois âgés de 14 à 17 ans dans leur compréhension et
leur appréciation d’un récit. Ces auteurs interpellent tout particulièrement la notion de zone proximale
de développement pour évaluer le niveau d’aide requis par l’élève et l’appropriation de cette aide dans
ses efforts de compréhension et d’appréciation littéraire. Cette contribution est aussi l’occasion de
révéler différents profils d’élèves quant à leur capacité à élaborer une compréhension suffisante du récit
pour parvenir à l’apprécier.
La litéracie universitaire est examinée de façon originale par Céline Beaudet en abordant la question
épineuse du plagiat qui relève, selon cette auteure, de difficultés plus profondes à propos du profil
litéraciques des étudiants. En interpelant le cas de différentes universités canadiennes et étatsuniennes,
la chercheuse présente des pistes d’actions qui visent à remédier à ce problème et, plus encore, à
soutenir le développement des pratiques scripturales des étudiants, lequel se doit d’être en cohérence
avec une posture professionnalisante et éthique.
Le numéro se clôt sur la postface rédigée par Denis Alamargot qui atteste de la nécessité de recourir à
différents travaux issus de disciplines variées pour éclairer les questions relatives aux litéracies scolaires
–telles que l’ensemble des contributions de ce numéro l’illustre. D. Alamargot attire également
l’attention sur un questionnement nécessaire à propos de l’utilisation du terme litéracie pour éclairer et
bonifier notre compréhension des différents moments de la construction et de la maitrise de la litéracie,
de la maternelle à l’université. Ce chercheur, spécialiste de la production écrite, réitère enfin
l’importance actuelle de ces nouveaux travaux de recherche pour la maitrise de la lecture et de l’écriture
à l’école ; importance qui se voit amplifiée par la généralisation des technologies de l’information et de
la communication.
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