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Les enjeux culturels des contrats de ville
Philippe Chaudoir *, Jacques de Maillard **
«Je veux tenter de faire avancer un peu la société à un moment où
l’image des banlieues est en permanence négative, sous le feu d’une vio-
lence totale. Pas de ghetto! C’est un cri du cœur 1.» C’est par ces mots
que Guy Darmet, le directeur de la Biennale de la danse de Lyon,
annonçait le fait que l’édition 2004 de ce festival reconnu internationale-
ment, réunissant 4500 participants et 300000 spectateurs dans les rues
de Lyon, serait lancée avec le spectacle Def’ hip-hop. Au cours de cette
soirée, en présence du ministre de la Culture, huit groupes européens de
hip-hop se sont affrontés au cours de battles, ces rencontres de danseurs
ritualisées comme des combats sportifs. C’est donc non seulement le
hip-hop qui était à l’honneur en ouverture de la Biennale mais une de
ses formes d’expression, les battles, qui marquent traditionnellement une
mise à distance des institutions.
Cet événement est emblématique d’un changement qui s’est produit
au cours des vingt dernières années dans les relations entre questions
urbaines, sociales et culturelles. D’abord, les festivals organisés dans les
quartiers populaires, mêlant souvent plusieurs types d’expressions cultu-
relles se sont multipliés, que l’on songe au carnaval de Bordeaux ou à
«Quartiers musiques » portés par l’association Musiques de nuit, aux
actions conduites dans les années 1990 par Cavales (le festival Racine) ou
Vitecri (« Ça bouge au nord ») à Toulouse ou encore au « Festival inter-
quartiers » organisé à Grenoble par l’association Sasfé. En ce qui
15
* Maître de conférences à l’Institut d’urbanisme de Lyon et chercheur à l’Institut de
recherche géographique.
** Chargé de recherche pour la Fondation nationale des sciences politiques, Pacte-
Cerat/IEP de Grenoble.
Nous tenons à remercier Guy Saez ainsi qu’Anne-Cécile Douillet pour leur première
relecture de ce texte et leurs précieux commentaires.
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concerne les équipements culturels, on peut noter la création du théâtre
du Merlan ou du café-musique l’Affranchi à Marseille, celle du Maillon à
Strasbourg ou de la Chaufferie à Grenoble, tous situés dans des quartiers
dits difficiles et résultant d’une volonté publique de changer les repré-
sentations extérieures portées sur ces quartiers. Enfin, pour ce qui est
des artistes émergents, on peut bien évidemment penser aux groupes de
la mouvance hip-hop (et plus généralement des rencontres de la Villette
organisées chaque année), mais également au groupe de musique gitane
Tekameli de Perpignan. La liste pourrait être allongée à loisir, tant ce
croisement entre social, urbain et culture a pris différentes formes.
Festivals dans les quartiers populaires, création d’équipements en dehors
des centres-villes, résidence d’artistes dans des quartiers dits difficiles,
émergence de nouvelles formes d’expressions culturelles en sont les
principales expressions. Il y a une dizaine d’années, Jacques Palard
s’interrogeait sur la raison d’être de toutes ces expériences: « Pourquoi
l’action culturelle fait-elle ainsi l’objet d’un tel investissement profes-
sionnel, politique et militant, au point de présenter les traits d’une quasi-
religion civile chargée, sinon d’opérer le réenchantement du monde
(urbain), […] du moins de produire du sens et de l’échange, des valeurs
et du lien social, du symbole et de la communication, du rite et de la soli-
darité 2.» C’est autour de ce questionnement que nous aimerions
conduire notre réflexion, en interrogeant les frottements, les tensions
mais également les hybridations qui naissent de ces rencontres.
De la décentralisation à la mutation des politiques culturelles
Avant d’aborder plus précisément la question du croisement entre poli-
tique de la ville et culture, notons qu’elle s’inscrit, somme toute, dans une
histoire récente et qui ne va pas de soi. Il convient, sans doute, d’opérer
une brève généalogie de cette rencontre, de la mettre en perspective au
regard de la montée en puissance d’un certain nombre de paradigmes.
Décentralisation et « culture de projet »
On ne peut d’abord véritablement poser cette question sans prendre
en charge les profondes modifications du fait territorial, tant du point de
vue des mutations de son assise institutionnelle que de celui de sa
construction sociale et symbolique. Rappelons que nous nous inscrivons
dans une tradition ancienne reposant, du point de vue de la théorie de
l’État et de ce qui en résulte en termes de cohésion sociale, sur des fon-
dements aterritoriaux et qu’historiquement, la tradition française est bien
celle d’un État unitaire et centralisateur. Il faudra attendre les années
1980 pour que se concrétise une certaine décentralisation et qu’appa-
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raisse une montée en puissance de collectivités territoriales autonomes et
de politiques publiques locales.
La reconnaissance de ces nouvelles entités a, bien évidemment, des
conséquences politiques mais fonde également, dans le même mouve-
ment, la légitimité du local comme espace social pertinent, c’est-à-dire
comme espace traduisant l’existence d’un territoire homogène, d’une
population identifiable, pourvus d’une identité propre. Les nouveaux
territoires qui en résultent, dotés de caractéristiques sociales et spatiales
définies et apparemment homogènes, inscrits dans un nouveau contexte
de développement souvent concurrentiel, vont être amenés à structurer
des stratégies prospectives, c’est-à-dire, d’une certaine manière, à donner
un contenu programmatique à une forme institutionnelle nouvelle.
L’émergence d’une « culture de projet » va trouver sa source dans ce
contexte et devenir un mode opératoire de plus en plus partagé entre les
autorités publiques et l’ensemble des opérateurs locaux, dont évidem-
ment les opérateurs culturels. Même si cela doit être pris avec une cer-
taine réserve, la généralisation de cette « culture de projet », mais
également la démultiplication (l’emboîtement) des territoires et, du
coup, des partenaires institutionnels et des opérateurs, va conduire à
l’apparition de mécanismes régulateurs de ces partenariats, à savoir
l’application de plus en plus fréquente de démarches contractuelles. Ces
démarches, que les politistes qualifient parfois d’activités de gouverne-
ment conventionnelles, semblent traduire une certaine modernisation de
l’action publique sous la pression du paradigme territorial.
Pour sortir du champ trop strictement institutionnel, ces paramètres
convergents vont également avoir des conséquences du point de vue socié-
tal, impact particulièrement prégnant dans la sphère culturelle. Sous cet
angle, l’apparition progressive de la notion de territoire va être à l’origine
de trois phénomènes. Le premier concerne la reconnaissance de cultures
vernaculaires et, parallèlement, la montée en visibilité d’une approche de
l’interculturalité. Pour le dire de façon plus caricaturale, on est ainsi passé
d’une seule approche de la culture comme forme reconnue, culture culti-
vée dirait certains, à l’acceptation collective de cultures plurielles avec
l’arrivée de formes expressives (les cultures urbaines), de moyens
d’expression (la mode, la bande dessinée, etc.), dans le champ global de la
culture. Le second paramètre, consécutif au premier, consiste en la prise
en compte du territoire comme ressource et non plus seulement comme
«stock », tant du point de vue de son espace et de ses qualités spécifiques
que de celui des formes expressives, des richesses individuelles, qu’il
recèle. Enfin, cette constitution institutionnelle et sociale du territoire
comme espace homogène, porteur de ressources endogènes, va s’incarner
également de manière symbolique dans la question identitaire. Celle-ci,
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pour le dire brièvement, va trouver deux modalités d’expression: la dimen-
sion patrimoniale et le recours à la mémoire, autrement dit cette question
va se concrétiser dans une recherche de ressources à la fois spécifiques,
symboliquement représentatives et valorisables à la fois au niveau local et
dans une relation à l’extérieur du territoire.
La mise en cause de la logique de démocratisation
Parallèlement à cette question du « paradigme territorial », le champ
culturel va également être traversé de quelques mutations d’importance.
On connaît le dessein qui a présidé à la mise en œuvre, dans les années
soixante, d’une politique publique de la culture du point de vue de
l’État et qui reposait, depuis Malraux, sur une prise en charge volontaire,
spécialisée et dirigée de la culture. Maisons de la Culture, soutien au
théâtre populaire, vont ainsi être les signes tangibles d’une volonté de
diffuser une « culture pour tous » qui se traduira par une multiplication
des équipements culturels sur le territoire. C’est sans doute avec l’his-
toire de la décentralisation théâtrale qu’apparaît le plus clairement cette
volonté de démocratisation culturelle. Les années 1990 marquent, de ce
point de vue, une étape quant à la prise de conscience, jusqu’au sein
même de l’institution, des limites d’une démarche, somme toute « verti-
cale », de démocratisation. S’y mesure, en particulier, l’insuffisance
d’une réponse apportée dans les seuls termes d’une offre de grands équi-
pements. Dans cette conception, l’accès généralisé à la culture, par le
biais d’une offre culturelle élargie, constituait tout à la fois un projet
social et un mode d’épanouissement de l’individu. Elle était, au moins
jusqu’à la fin des années 1970, encore assez largement partagée, tant par
le politique que par les opérateurs culturels ainsi que par de nombreux
artistes. Mais cette vision du monde reposait très largement sur des hié-
rarchies culturelles légitimes et sur une pensée de la culture comme un
tout homogène. La question démocratique, dans cette perspective, ne se
concevait qu’à travers l’accessibilité aux œuvres, c’est-à-dire à travers la
volonté de couvrir le territoire d’outils de diffusion, en pratiquant ainsi
une forme de « redistribution ». L’analyse montre cependant que cette
redistribution était liée, de fait, à une sorte de modèle vertical et élitaire.
Les années 1980 vont voir apparaître une mutation déjà engagée préa-
lablement mais encore peu visible. Cette mutation repose essentiellement
sur la reconnaissance de l’existence d’autres légitimités que celles de la
culture cultivée et surtout sur la mise en évidence d’un principe de pro-
duction des œuvres s’initiant « de la base ». Le principe de penser le social
comme ressource potentielle et non plus seulement comme simple récep-
tacle des œuvres vient alors fonder une nouvelle référence, celle du déve-
loppement endogène comme facteur de démocratie culturelle.
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L’émergence de la politique de la ville
On connaît bien, par ailleurs, les caractéristiques de la crise urbaine
d’ampleur qui, dans le même temps, va apparaître dans les quartiers
périphériques des villes. Les faits « fondateurs » que sont les émeutes
de la banlieue lyonnaise vont rendre collectivement visible ce que cer-
tains ont qualifié de fracture territoriale, phénomène croisant un fort
accroissement des disparités économiques et une disqualification bru-
tale de certains territoires urbains. C’est dans ce contexte que se sont
élaborées, depuis une vingtaine d’années, des politiques successives,
d’abord directement tournées vers des logiques de quartier, tentant
ensuite d’élargir leur champ d’application à la question urbaine et aux
logiques d’agglomération. On sait également que ces politiques, tardive-
ment qualifiées de « politiques de la ville 3», vont suivre des aléas quant
à leurs logiques d’action centrale: morphologique, sociale, économique,
avec des effets de balancier plus ou moins continus. Ainsi vont se succé-
der, à partir des opérations originelles « Habitat et vie sociale » centrées
sur le logement, des approches en termes de développement social
(d’abord des quartiers, puis urbain), une logique plus économique (dont
la figure emblématique est celle des zones franches), pour en arriver
aujourd’hui à une nouvelle définition de la régénération urbaine. En
tout état de cause, et pour en rester à un éclairage « généalogique », ces
approches successives ont clairement posé un nouveau principe de
l’action publique tendant à identifier des publics spécifiques, une géo-
graphie d’intervention prioritaire, fondé sur des modalités de « discrimi-
nation positive territoriale » en rupture avec une certaine tradition
égalitaire et républicaine de l’action publique : un passage, au moins
dans les discours, de l’égalité à l’équité.
On voit bien alors en quoi ces mutations concomitantes font référence
à notre question initiale, celle du croisement entre politique de la ville et
culture. En fait, et depuis une vingtaine d’années, les collectivités
publiques vont singulièrement voir s’accentuer leur rôle territorial avec la
montée en charge de la décentralisation et les vagues successives de
transfert de compétences. Il en résultera à la fois une augmentation des
enjeux liés à la question locale et l’entrée dans un système de compéti-
tion entre villes.
Culture et villes: des injonctions contradictoires
Ces enjeux et ces concurrences accrues vont se décliner de deux
manières. Au plan interne, cette question va traverser les thématiques du
développement dans toutes leurs formes: développement local, écono-
mique, social, voire culturel. Ces logiques du développement impliquent
la sortie d’un certain modèle unitaire et la reconnaissance, de fait, de hié-
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rarchies territoriales et d’une diversité de publics. Ainsi, paradoxalement,
la prise en compte de ces diversités et la sortie d’un modèle homogène
de l’action publique va poser la question de la cohésion sociale: com-
ment reconnaître la diversité tout en maintenant la cohésion? C’est une
des questions centrales de bien des politiques territoriales depuis plus
d’une vingtaine d’années. Au plan externe, c’est à travers, cette fois, les
thématiques de l’image et du rayonnement de la ville que vont se décli-
ner ces nouveaux enjeux. En effet, une autre question qui se pose aux
collectivités peut s’exprimer ainsi: comment se positionner face à la mul-
tiplicité des registres territoriaux, dans une perspective à la fois nationale
et européenne (voire internationale)?
L’ action publique locale est donc prise aujourd’hui dans une triple
injonction: développer ses territoires à partir de leurs ressources endo-
gènes, se positionner face à d’autres territoires partenaires ou concur-
rents, maintenir la cohésion sociale. Cette triple injonction constitue le
fondement d’un nouveau champ de légitimité complexe. La culture,
parce qu’elle porte à la fois des valeurs expressives, une forte capacité
d’image et des valeurs universelles de cohésion, paraît être une sorte de
véhicule privilégié de l’action publique face à cette injonction. Ainsi, la
mise en tension de ces trois paramètres va se traduire par des formes de
prise en compte contrastées de la question culturelle, pouvant apparaître
comme contradictoires.
Aux logiques du développement répondent des formes d’actions
culturelles territorialisées telles que celles qu’on peut observer, par
exemple, dans les territoires de la géographie prioritaire de la politique
de la ville. La dimension concurrentielle et les problématiques d’image
et de rayonnement qui en résultent renvoient, le plus souvent, à la créa-
tion de manifestations événementielles à fort potentiel attractif. Ce qui
est visé ici ce n’est pas essentiellement le public local (il est présent et
«fait masse ») mais plutôt la médiatisation et ses retombées externes. La
question de la cohésion sociale repose, quant à elle, essentiellement sur
la capacité des formes festives à rassembler, à constituer une commu-
nauté éphémère prenant conscience de sa propre existence, voire de son
identité collective.
D’une certaine manière, et pour rebondir sur les propos de Guy
Darmet que nous citions en introduction, le défilé de la Biennale de la
danse à Lyon est emblématique de la synthèse qui parfois s’opère entre
ces injonctions si paradoxales. Elle répond aux trois dimensions que nous
venons d’évoquer mais, surtout, elle les articule autour d’un même évé-
nement artistique, à la fois local, festif et participatif prend en compte
les enjeux de la métropolisation. L’événement illustre, telle une méta-
phore, l’ensemble des problématiques qui sont à l’œuvre dans la ques-
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tion de la rencontre entre culture et politique de la ville au regard des
enjeux sociaux, spatiaux et symboliques que nous venons d’évoquer.
Culture et politique de la ville: vers de nouvelles
dynamiques locales?
Un des leviers essentiels de ce réinvestissement du champ urbain
par l’action culturelle a sans nul doute été la politique de la ville.
Depuis le lancement des actions « Habitat et vie sociale » en 1977, mais
surtout de développement social des quartiers à partir de 1983, les
actions culturelles ont toujours occupé une place dans les processus de
réhabilitation des quartiers. Les projets culturels de quartiers initiés en
1996 par le ministre de la culture, Philippe Douste-Blazy, sont d’ailleurs
un emblème de ce volontarisme public. La fin des années 1990 laisse
penser de la même façon que la culture doit se retrouver au centre des
actions en matière de développement social urbain. C’est notamment ce
qui résulte de la lecture de la circulaire conjointe du ministère de la
Culture et de la Communication/secrétariat d’État au Patrimoine et à la
Décentralisation culturelle et du ministère délégué à la Ville du 19 juin
2000. Y est notamment affirmé, alors que les contrats de ville du XIIe
plan commencent à se mettre en place, que « la culture, dans son ambi-
tion et dans sa capacité à interroger et à mettre en perspective
l’ensemble des enjeux de société, est une dimension à part entière de la
politique de la ville ». Mais les récentes réorientations de la politique de
la ville laissent penser que ces formes d’action culturelle risquent de
sortir du champ de cette politique, du moins telle que définie nationale-
ment. Il n’est pas question de culture dans la loi d’orientation sur la ville
et la rénovation urbaine adoptée en juin 2003 qui annonce les priorités
de l’État en matière de politique de la ville. Les responsables politiques
nationaux manifestent un souci pour recentrer les actions soutenues
autour de l’aménagement urbain et du logement, excluant de ce fait les
actions soft, au premier chef desquelles les actions culturelles (mais on
peut aussi penser aux actions en matière d’éducation) de leurs lignes de
financement.
Analyser les configurations locales
Par rapport à ces réorientations, la présente étude propose volontaire-
ment un regard décalé, en s’intéressant non pas aux doutes et retourne-
ments nationaux mais aux croisements locaux entre culture et politique
de la ville. Deux raisons justifient ce choix. On sait l’intérêt d’une analyse
localisée des politiques culturelles, tant une telle perspective permet de
«restituer la diversité des formes possibles de l’intervention publique
21
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dans le domaine culturel comme de mieux connaître les pratiques locali-
sées qui ont contribué à la mise en forme des politiques nationales 4».
Mais cette exigence est encore accentuée par la nature de la politique de
la ville. Rencontre entre des orientations nationales localisées et des prio-
rités locales, cette politique se construit sous la forme d’une contractuali-
sation mettant en tension État et collectivités locales et, plus largement,
une multitude d’acteurs locaux aux statuts divers et ressources inégales
(associations, établissements semi-publics, etc.). Autrement dit, le pro-
blème ne se pose pas uniquement en termes d’application différenciée de
politiques nationales mais plus largement de redéfinition de l’échange
politique territorialisé 5. L’épaisseur des relations sociales locales, le poids
des contextes urbains, l’importance de l’histoire politique ou des orienta-
tions partisanes constituent autant d’enjeux auxquels cette contribution
souhaite apporter quelques éléments de réponse 6.
Notre souhait est ici de comprendre ce que la politique de la ville fait à la
culture (aux cultures). Comprendre cette interrelation entre culture et poli-
tique de la ville suppose de tenir compte de trois dimensions liées. Tout
d’abord, quels sont les acteurs qui sont au cœur de la mise en œuvre de
cette politique publique? Dans cette perspective, il est tout à fait essen-
tiel de se montrer attentif aux logiques tout comme aux processus de
mobilisation entre les protagonistes. Ensuite, quels sont les types de
définitions implicites et explicites de la culture qui sont retenus? Le
questionnement vise ici à repérer quelles sont les formes d’action cultu-
relle valorisées dans la mise en œuvre de cette politique publique. Enfin,
quel est le lien entre les actions soutenues dans le cadre du contrat de
ville et les politiques culturelles de droit commun, au premier chef des-
quelles les politiques culturelles municipales? Se pose ici la question de
la cohérence des politiques culturelles territoriales. Mais revenons
d’abord sur les interprétations qui ont été données des effets de la poli-
tique de la ville dans le champ culturel.
Vers un dépassement des oppositions traditionnelles ?
Ce traitement culturel de la question sociale a fait l’objet de juge-
ments différenciés. S’agit-il d’un assouplissement du modèle culturel
universaliste et élitiste permettant l’expression de formes culturelles non
reconnues habituellement dans les formes canoniques de la conception
républicaine de l’action publique? Ne faudrait-il pas y voir plutôt la mise
en œuvre d’une culture « au rabais », moins légitime que les formes de
culture officielle?
Plusieurs résultats ressortent des études précédemment conduites.
Certains ont estimé que cette politique était divisée quant aux défini-
tions de la notion de culture. Elle est constamment traversée par les
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oppositions entre culture légitime et culture relativiste, entre démocrati-
sation et démocratie culturelle, entre intégration républicaine et valorisa-
tion des expressions culturelles spécifiques, entre culture et cultures.
Cette tension ressort clairement dans le travail de Serge Proust sur une
opération DSQ à Limoges, où les animateurs sont animés par deux
logiques contradictoires, l’injonction à « programmer pour le quartier »
(propre à la logique DSQ) et la volonté de privilégier la qualité profes-
sionnelle 7. La politique d’ouverture au hip-hop conduite par l’opéra de
Bordeaux, analysée par Loïc Lafargue, recèle une logique similaire 8. La
volonté des responsables de l’opéra est de lier démocratie et démocrati-
sation par différents moyens: confronter le public du hip-hop au « grand
art » en demandant aux danseurs de hip-hop d’assister à la programma-
tion habituelle de l’opéra, en sélectionnant les créations de danse hip-
hop en fonction de la présence d’éléments de danse « savante », en
essayant d’intégrer un chorégraphe de danse contemporaine à l’équipe
en charge d’un projet intitulé Hip’ Opéra. Mais ces tentatives sont par-
fois perçues comme des dépossessions par les jeunes, et l’auteur note
que cette politique a « une faille »: une partie des jeunes amateurs de
hip-hop finira par préférer retourner aux « défis ».
D’autres chercheurs ont souligné que les initiatives soutenues dans le
cadre de la politique de la ville permettaient une hybridation de ces
oppositions canoniques, croisant qualité des projets et intégration socio-
spatiale. À partir du cas de Vaulx-en-Velin, Virginie Milliot indique que la
mise en œuvre de la politique de la ville favorise un assouplissement du
modèle républicain en permettant la reconnaissance d’expressions cultu-
relles émanant de la population niées par les représentations universa-
listes des professionnels de la culture. Elle aurait notamment fait passer
la culture hip-hop, et plus précisément la break dance, « de la rue à la
scène » 9. Dans le même ouvrage, l’expérience de la Casa musicale et du
groupe Tekameli dans le quartier Saint-Jacques à Perpignan lors d’une
opération DSQ est restituée. Grâce au travail d’un artiste médiateur, ce
groupe gitan né d’un projet social dans les quartiers défavorisés de la
ville finit par connaître un succès international 10. Mais ces deux derniers
textes soulignent en même temps les effets paradoxaux de ces poli-
tiques. À Vaulx-en-Velin, la reconnaissance de ces nouvelles formes
d’expression passe par l’acceptation par les acteurs culturels d’un certain
nombre de codes posés par les institutions: « La reconnaissance se fait
donc au prix d’une individualisation, d’un déracinement social, et d’une
domestication de la forme et du propos 11.» Et, paradoxalement, cette
assimilation des codes formels se double d’un rappel constant des trajec-
toiresde ces jeunes artistes qui sont toujours présentés en référence à
leurs origines, ce qui les renvoie à leurs différences. À Perpignan, le
23
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succès des Tekameli montre en même temps toute l’ambiguïté des poli-
tiques d’insertion et l’ambivalence du regard social sur les gitans: « La
mise en exergue des Tekameli, continue dans la presse locale et les dis-
cours publics depuis 1990, peut servir à renverser la charge sociale de
l’insertion en faisant peser sur la communauté gitane ès qualités le far-
deau de son refus de “se prendre en charge” 12. » Vincent Dubois, quant
à lui, à partir d’une analyse de la valorisation de la culture hip-hop organi-
sée par la direction des musées de France au début des années 1990, met
en évidence les réceptions imprévues, parfois violentes socialement,
marquées par la polémique partisane et la négation du caractère artis-
tique du mouvement hip-hop 13.
Autrement dit, ces travaux suggèrent les potentialités comme les ten-
sions, voire les paradoxes, associés à de telles expériences. Malgré des
points d’inflexion différents, ils soulignent la difficile combinaison de
modèles d’action publique différents, fondés le plus souvent sur des
conceptions spécifiques, voire contradictoires, de ce que doit être la cul-
ture. Notre objectif est précisément d’aborder ces interrelations en
incluant plus globalement ces actions dans le système d’action publique
des politiques culturelles.
Culture, politique de la ville et systèmes d’acteurs
Peut-être faut-il commencer par remettre la politique de la ville à sa
juste place. Politique emblématique du mouvement de réforme de
l’État, on y voit quelquefois plus que ce qu’elle induit réellement,
confondant ainsi le discours que ses acteurs produisent (« politique de
modernisation de l’État », « politique globale de lutte contre l’exclusion
territorialisée ») et ses moyens, en définitive relativement modestes. Les
financements issus de la politique de la ville ne constituent rarement,
voire jamais, la totalité des financements obtenus par un projet.
Autrement dit, cette politique ne constitue que l’un des soutiens des
actions développées que l’on labellise parfois trop rapidement de « pro-
jets politiques de la ville ». Fonds provenant des crédits d’insertion au
titre du revenu minimum d’insertion, crédits spécifiques des administra-
tions d’État, financements privés représentent autant de financements
qui souvent complètent, voire dépassent les financements attribués au
titre de la politique de la ville. Dès lors, on aurait tort de surestimer la
place réelle de cette dernière: celle-ci n’est que l’un des instruments de
transformation des pratiques, et ne constitue en aucun cas le seul moteur
des mutations en cours. De nombreux projets, portés par des équipe-
ments culturels, présentent des affinités avec la logique soutenue par la
politique de la ville, sans qu’il y ait nécessairement soutien véritable de
24
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la part de celle-ci. Ces précisions étant posées, nous allons maintenant
aborder cette politique sous deux angles différents: les acteurs mobilisés,
les effets de la « procéduralisation » de l’action publique.
Les réseaux d’acteurs: une pluralité de protagonistes
Ce qui frappe, c’est, on ne s’en étonnera guère, la multiplicité des
protagonistes concernés. Ces acteurs ont des statuts juridiques, des ori-
gines professionnelles, des inscriptions territoriales différents. Les impli-
cations sont inégales, variables en fonction des sites.
De nombreux acteurs dont on pensait a priori qu’ils donneraient une
impulsion à la mise en œuvre du contrat de ville se montrent plutôt dis-
crets. Dans cette perspective, il faut commencer par dire que l’État ne
joue pas un rôle de régulateur de l’action publique locale. D’abord, l’État
est divisé: les conflits entre préfecture et Drac ne sont pas nouveaux,
mais ils ne sont pas éteints pour autant. Ensuite, il faut reconnaître que
l’État n’est désormais plus qu’un financeur secondaire des actions
conduites dans le cadre des contrats de ville, les financements provenant
essentiellement des collectivités locales. Les données sont certes
instables et parfois difficiles à obtenir, aussi nous contenterons-nous de
citer le cas du contrat de ville de l’agglomération grenobloise : sur
l’ensemble des financements publics accordés au titre du contrat de ville,
l’État n’accorde que 12% des financements, contre 54 % pour les munici-
palités (19,8% pour le conseil régional, 10,3 % pour la Métro – commu-
nauté d’agglomération de Grenoble – et 1,7% pour le conseil général).
En outre, les Drac, si elles continuent de bénéficier localement d’un cer-
tain crédit pour apprécier la qualité artistique et culturelle des projets
déposés, manquent cruellement de personnel et sont de plus en plus
concurrencées dans leur expertise par des collectivités locales ayant
acquis compétences et expériences dans le domaine. Si l’on ajoute que
les changements de personnel (d’un sous-préfet ville à l’autre) et d’orien-
tations (avec notamment la loi d’orientation sur la ville et la rénovation
urbaine et sa mise en œuvre flottante au niveau local), on comprend que
les services de l’État ne sont pas toujours des partenaires valorisés dans
les configurations locales.
Les communautés d’agglomération et communautés urbaines étaient
également des acteurs attendus. Leur rôle en matière de politique cultu-
relle a reçu un intérêt renouvelé avec la mise en place des communautés
d’agglomération 14, intérêt accentué par le fait qu’une bonne partie des
contrats de ville 2000-2006 (70%) sont intercommunaux, ce qui est le cas
pour les quatre contrats analysés dans le cadre de cette recherche. Les
résultats montrent que le contrat de ville n’est pas en mesure d’impulser
une dynamique d’agglomération mais qu’il s’inscrit dans les dynamiques
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existantes. À Lyon ou à Grenoble, la mise en œuvre du contrat de ville est
conditionnée par l’absence de prise en compte de la compétence cultu-
relle par le niveau métropolitain. Le contrat de ville a beau être signé au
niveau intercommunal, le fait que la compétence culturelle reste dévolue
aux communes constitue une donnée de fond extrêmement déterminante,
limitant considérablement les éventuelles velléités de prise en charge
intercommunale des enjeux culturels dans le cadre de la politique de la
ville. On notera d’ailleurs que la culture fait plutôt figure d’exception au
regard des autres thématiques de chacun des contrats de ville: alors que
pour les autres volets (logement, éducation, etc.), une dynamique inter-
communale se dessine, le volet culturel reste, lui, fortement attaché au
niveau municipal. Du côté de Sénart, c’est moins directement un pro-
blème de compétence institutionnelle (le syndicat d’agglomération nou-
velle a la compétence culture) qu’un problème plus général de légitimité
que connaît le niveau agglomération dans l’élaboration et la mise en
œuvre des politiques culturelles. Le cas de Strasbourg est ici spécifique
dans la mesure où l’élaboration et la mise en œuvre du contrat de ville
dépendent très étroitement de la dynamique d’intégration entre la ville de
Strasbourg et les services de l’agglomération. En d’autres termes, les
contrats de ville n’ont pas impulsé de dynamiques d’agglomération; ils se
sont inscrits dans des logiques existantes de résistance municipale.
En revanche, les communes sont bien évidemment un acteur central
de ces nouvelles configurations: ce sont elles qui financent principale-
ment les actions, ce sont elles qui peuvent permettre ou non la pérenni-
sation des actions (au titre de leur droit commun), ce sont quelquefois
leurs services ou leurs satellites (régies, associations para-municipales,…)
qui sont porteurs de projets en tant que tels. Cette implication est bien
entendu liée à la place grandissante prise par les villes dans la gestion des
politiques culturelles locales. Mais ce rôle joué par les villes ne signifie
pas pour autant une gestion intégrée entre politique culturelle munici-
pale et volet culturel de la politique de la ville. Les deux logiques se
croisent, s’opposent, agissent en parallèle plus qu’elles ne se combinent
(cf. infra).
De leur côté, conseils généraux et régionaux, bien souvent signataires
de ces contrats de ville, ont des implications fort variables. Les conseils
régionaux d’Île-de-France et de Rhône-Alpes financent fortement les
actions soutenues au titre des volets culturels (à hauteur d’environ 20%
des financements distribués au titre des contrats de ville) tandis le
conseil régional d’Alsace reste en retrait.
Au côté des acteurs institutionnels, un autre acteur semble prépondé-
rant dans le portage des projets culturels territoriaux: la nébuleuse asso-
ciative. Cette question des porteurs de projets nécessite quelques
26
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 26
précisions. Le premier élément qui semble se dégager est celui de la
diversité des acteurs potentiellement porteurs de projets, qui renvoie à la
fois à la question des statuts différents de ces derniers (et donc de leur
capacité d’action, voire de leur mode d’intervention) ainsi qu’à leur pos-
sible combinaison pour le portage d’un projet. À l’analyse, les porteurs de
projets peuvent tout autant être des institutions culturelles publiques,
des acteurs institutionnels non culturels (comme les écoles par exemple)
que des structures relevant de l’initiative associative plus ou moins for-
malisée. Dans les trois cas, les statuts peuvent éventuellement être asso-
ciatifs, ce qui nous amène à dire que notre typologie est plus
fonctionnelle que statutaire. On définit souvent implicitement comme
«porteurs de projet » les habitants d’un quartier (sous-entendant par là
une certaine « informalité ») ou une sorte d’insaisissable catégorie « asso-
ciations » (signifiant, à l’inverse, un relatif mode d’organisation des initia-
tives). Dans les faits, la catégorisation nous semble plus complexe. Le cas
de Vénissieux, par exemple, met en évidence l’implication volontaire de
certains équipements et de certaines institutions publiques dans des
logiques de projets territoriaux mais également le fait que cette catégorie
«associations » ne forme pas un tout homogène.
S’il existe, effectivement, des initiatives portées par des associations
ne relevant pas directement de l’action culturelle, nous avons pu remar-
quer au moins trois autres types d’opérateurs adoptant le statut associatif
mais adoptant des logiques d’actions différentes. Il s’agit:
–des acteurs du secteur socioculturel et de l’éducation populaire.
Relevons là l’existence de modes d’intervention qui s’inscrivent dans
une histoire déjà longue, qui s’appuient sur des discours et des pratiques
structurés, qui participent à des réseaux nombreux et denses;
–des acteurs culturels non institutionnels. Nous entendons par là les
structures ayant comme objet central le développement culturel, sans
qu’elles soient liées à un équipement, et fonctionnant par projet;
–des opérateurs artistiques. On ne saurait effectivement oublier
ceux qui relèvent directement d’initiatives du secteur artistique lui-
même (compagnies, plasticiens, groupes musicaux…) et qui, au-delà de
l’exercice de leur pratique artistique, peuvent être amenés à investir le
champ culturel (pour des raisons politiques, éthiques ou économiques).
Au-delà de cette catégorie d’acteurs que sont les associations,
il convient également d’interroger le positionnement fluctuant, dans le
contrat de ville, des institutions culturelles locales telles que les biblio-
thèques, les musées, les théâtres de ville, etc. De ce point de vue, on
peut noter d’ores et déjà l’une des limites importantes de la politique de
la ville: ses acteurs n’ont pas su, ou pas pu, s’appuyer sur des équipe-
ments culturels pourtant structurants. Malgré les objectifs ambitieux
27
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 27
contenus dans de nombreux contrats de ville (« mettre en réseau les
équipements au niveau de l’agglomération », « adapter les politiques
tarifaires »), force est de constater que, de ce point de vue là, les objec-
tifs n’ont pas été remplis. L’analyse de nos terrains montre, en effet, la
difficulté pour les acteurs du contrat de ville de peser sur les orienta-
tions des grands équipements culturels. Dans cette discrétion, on doit
bien évidemment voir également les réticences d’un certain nombre de
professionnels de la culture, tout comme de leurs tutelles d’ailleurs, à
entrer dans des politiques innovantes en matière de relations avec le
public et une volonté de ne pas se voir instrumentalisé par le politique 15.
Dans le même temps, la multiplicité des acteurs et la diversité des
systèmes de valeurs auxquels ils font référence (éducation populaire,
approche socioculturelle, volonté de diversifier les publics, probléma-
tiques intégratives…) ne permettent pas d’aborder le débat de manière
aussi tranchée. En effet, les situations ne sont pas toutes identiques.
L’exemple de Vénissieux est intéressant à cet égard. Dans les faits, peu
d’actions proviennent directement des habitants ou d’associations
locales 16. À l’inverse, les équipements ou les associations plus « institu-
tionnelles » sont à la source de la plupart des projets. Ce sont donc
concrètement eux qui constituent les acteurs du contrat de ville.
Porteurs d’une logique d’élargissement et de fidélisation de leurs
publics, ils sont pourtant sensibles à la question des pratiques artis-
tiques.
Il est clair, dès lors, que la question du réseau d’acteurs et de la diver-
sité de ses logiques s’exprime selon deux modalités. D’une part, les
contrats de ville accueillent dans leur programme d’action des actions qui
renvoient à une logique de démocratisation. On peut penser ici au GPV
de Strasbourg: depuis 2000, quatre projets de résidence d’artistes y ont
été validés dans les disciplines artistiques suivantes : photographie,
théâtre, scénographie et « création de cuisine ». Le musée de Grenoble a
lancé une opération (« Musée hors les murs ») qui a consisté en une
exposition dans l’un des quartiers labellisé « politique de la ville ».
ÀVénissieux, les équipements intègrent tous, et parfois de manière
importante, des actions relevant de l’accessibilité à la culture, en particu-
lier en direction des territoires de la politique de la ville. D’autre part,
lorsque l’on examine les projets, il est fait référence fréquemment à des
professionnels de la culture (des artistes, des formateurs) censés apporter
une légitimité à l’action conduite. Le recours à des professionnels recon-
nus y est particulièrement fréquent. Cette professionnalisation de
l’action est étroitement liée à une seconde dimension au cœur des
contrats de ville: la « procéduralisation » de l’action publique.
28
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 28
La « procéduralisation » de l’action publique et ses effets pervers
Il faut souligner un élément central quant à la forme des projets ici
analysés: tous sont intégrés dans un programme d’action publique. Tous
passent donc par un processus de reconnaissance institutionnelle, impli-
quant que les actions conduites composent avec les contraintes institu-
tionnelles, avec leurs temporalités, leurs procédures, leurs codes. Une
telle exigence est encore renforcée dans un contexte où la localisation
des contrats de ville, souvent au nom d’une simplification des procé-
dures, se traduit par une complexifixation des structures tant sur un plan
territorial que thématique sans que la lisibilité soit nécessairement évi-
dente pour les porteurs de projet. Les négociateurs des contrats de ville
en 2000 ont pourtant cherché à tenir compte des erreurs du passé. Alors
que le caractère illisible des priorités de cette politique, le manque
d’évaluation, l’insuffisante prise en compte du niveau agglomération
étaient des critiques récurrentes, ils ont annoncé un renforcement des
dispositifs de pilotage, la conduite d’évaluations en continu ou l’exis-
tence de contrats gigognes censés permettre une meilleure articulation
des différents projets. Force est pourtant de constater quelques années
après que ces, souvent subtiles, montages administratifs n’ont pas vrai-
ment contribué à simplifier l’action publique. Le cas de Vénissieux est
intéressant: un contrat de ville a été signé au niveau de l’agglomération
avec l’établissement de priorités générales et une convention locale
d’application a ensuite été signée pour Vénissieux avec des priorités spé-
cifiques. Alors que l’on pourrait attendre que ce soit cette convention
locale qui rende opérationnelle les objectifs globaux du contrat de ville
d’agglomération, c’est en définitive ce dernier qui est le plus explicite
sur les actions à conduire en matière culturelle. Sénart est également
significatif: alors que le contrat de ville est signé en septembre 2000, la
convention identité/culture (qui encadre la mise en œuvre des actions
«culture ») ne l’est qu’en mars 2002, donc avec dix-huit mois de déca-
lage. Bref, la rationalité administrative et managériale pense pouvoir
cadrer l’action publique, ordonner sa mise en marche, mais l’analyse
montre les surprises, les retards, les effets non prévus. Plus, le raffine-
ment des techniques de gestion de ces dispositifs crée des instances qui
se superposent les unes aux autres. Nécessaires au bon fonctionnement
du contrat de ville, elles tendent à en accroître l’opacité. Cette com-
plexité est encore accentuée par le fait que le contrat de ville croise
d’autres dispositifs et d’autres logiques de financement, souvent, la spé-
cificité de la politique de la ville n’apparaît pas très nettement. À Sénart,
par exemple, elle ne se distingue pas de façon claire de la politique cultu-
relle du syndicat de l’agglomération nouvelle; dans les autres villes, cer-
taines associations, financées au titre du contrat de ville, le sont – ou
29
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 29
pourraient l’être – au nom des dispositifs de droit commun. À l’instar de
ce qu’écrit Didier Lapeyronnie à propos des opérations Ville-vie-
vacances, pour nombre d’acteurs « il ne s’agit plus que d’une ligne de
crédit supplémentaire, un travail administratif un peu fastidieux […]
mais indispensable pour faire vivre telle ou telle association 17 ».
Les volets thématiques culture des contrats de ville sont ainsi symp-
tomatiques des transformations affectant le gouvernement de la culture,
lequel passe désormais par la signature de conventions diverses entre
une pluralité d’acteurs. Mais cette coopération se traduit par une « procé-
duralisation » accentuée et une prolifération des niveaux d’action
publique. Autrement dit, la coopération est à la fois un gage d’ouverture,
dans la mesure où elle permet l’inclusion des associations diverses, et
une complexification, qui induit de ce fait filtrages et frustrations chez
les opérateurs. Pour être plus précis, notre étude révèle deux cas de
figure légèrement différents. Échirolles et Vénissieux présentent une
structure d’action publique identique: dans les deux cas, les porteurs de
projets sont satellisés autour de la municipalité et bénéficient à ce titre
d’une information et d’une assistance administrative dans le dépôt des
dossiers auprès du contrat de ville. Au contraire, à Sénart, Strasbourg et
Grenoble, la structure de gouvernance se présente comme plus éclatée:
de nombreux opérateurs associatifs sont porteurs de projets. Mais cette
prolifération de demandes se traduit par des mécontentements forts
quant aux conditions de leur reconnaissance: sentiment de ne pas être
entendus et de ne pas être considérés comme partenaires, versements
des financements tardifs, méconnaissance des règles présidant à la distri-
bution des financements, etc. Autrement dit, plus le jeu autour de la
culture dans la politique de la ville est ouvert, plus les controverses ont
des chances d’émerger et le système de se bloquer. Ainsi que l’écrit Guy
Saez, « la coopération se déroule […] dans une brume opaque où les
citoyens, s’ils ont quelque exigence de participation démocratique, ne
peuvent s’y retrouver. […] Le régime politique de gouvernance que
structure le principe de coopération cherche encore sa légitimité démo-
cratique 18.» Dans ces conditions, des acteurs intermédiaires (chargés de
mission, agents de développement, leader associatif…) jouent un rôle
central de traduction entre contraintes institutionnelles et mobilisations
sociales, et donc d’accompagnement des projets venant des quartiers.
On notera que la critique ne se limite pas seulement aux porteurs de
projets associatifs, critique qui, d’ailleurs, n’est pas nouvelle en ce qui
concerne la politique de la ville. Le fonctionnement de ces instances
génère également une frustration chez ceux mêmes qui sont censés les
animer. Manque de temps pour l’étude des dossiers, succession de cas
analysés sans qu’une vision d’ensemble n’en ressorte, complexité des pro-
30
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 30
cédures de financements : toutes ces critiques sont adressées par les
acteurs mêmes de ces instances. Situation délicate où la « procéduralisa-
tion » de l’action publique confine en définitive à sa bureaucratisation,
éloignant toujours plus les espoirs placés dans l’avènement de projets
culturels d’ensemble, cohérents et mobilisateurs. Tension permanente
dans la mesure où la rationalité administrative nécessaire au bon fonction-
nement de ces instances se confronte avec une logique de projet que des
professionnels submergés de dossiers divers peinent à mettre en œuvre.
La culture de la politique de la ville dans ses œuvres
Un des constats que nous avons pu faire concerne la diversité des
actions soutenues au titre des contrats de ville. Cette diversité tient
autant des champs disciplinaires mobilisés que de la forme même des
projets. Au-delà de cette diversité, c’est à la fois une dynamique certaine,
voire une relative capacité d’innovation que ces projets révèlent.
Une multiplicité de champs couverts
Une grande diversité de formes esthétiques (à l’exception notable de
l’architecture et ce, malgré les directives fixées dans la circulaire intermi-
nistérielle de juin 2000) sont représentées dans notre échantillon
d’étude, que ce soit le spectacle vivant dans son ensemble (théâtre,
musique, danse, arts de la rue, cirque, etc.), les arts visuels (art contem-
porain, photographie, cinéma) ou encore l’écrit (lecture et écriture, litté-
rature ou poésie).
Toujours sous l’angle de la diversité, les projets que nous avons pu
étudier relèvent tout autant de logiques événementielles que d’un
ancrage territorial. Ils s’inscrivent autant dans un renouvellement de
formes artistiques, en particulier à travers le recours à des formes artis-
tiques dites « émergentes », que dans une démarche plus classique
d’accessibilité aux œuvres dans le droit fil de la démocratisation cultu-
relle. Quelques exemples déclinent le « catalogue », parfois hétéroclite,
de cette diversité d’actions mettant en évidence le paradoxe d’un relatif
éclatement mais également d’une certaine richesse de propositions.
Concernant le champ global du spectacle vivant, on peut prendre le
cas, à Sénart, du « laboratoire polymorphe » où la création d’un spectacle
de dimension intercommunale, initié par les représentants du « réseau
des musiques » (conservatoire, écoles de musique, etc.), ambitionne de
faire se rencontrer autour d’une œuvre et du thème de la différence, des
musiciens d’univers artistiques différents. De la même manière, à
Strasbourg, l’action « Pratiquer les cultures » propose trois ateliers
artistiques (théâtre, arts plastiques et vidéo) à l’intention d’enfants
31
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 31
fréquentant le centre social. À Vénissieux, encore, et en dehors de mani-
festations spécifiquement dédiées à un champ artistique disciplinaire, de
nombreux projets croisent les formes d’expression (musique, danse,
théâtre, arts plastiques) dans une volonté pluridisciplinaire.
Dans le domaine plus spécifique du théâtre, on peut constater la pré-
sence, dans de nombreux cas, de résidences d’artistes (à Sénart,
Grenoble ou Strasbourg). Le théâtre de Vénissieux organise, dans cette
même logique, des rencontres régulières avec les compagnies qu’il
accueille en résidence, autour de temps de rencontres sur des théma-
tiques comme la naissance, les cultures et les mémoires du bassin médi-
terranéen ou encore des ateliers d’écriture pour la création spécifique
d’un spectacle.
Concernant la prise en compte des musiques actuelles et des cultures
émergentes, des projets comme « La face cachée des lascars », à Sénart,
proposent des ateliers de photographie, de vidéo, de danse hip-hop et
des musiques amplifiées ou des ateliers de musique encadrés par un ani-
mateur de la MJC de Combs-la-Ville; on peut encore citer un projet
autour du graf, intitulé « Les joutes du graf », qui consiste à organiser des
rencontres, des démonstrations et des défis autour de cette pratique gra-
phique. À Vénissieux, le théâtre de Vénissieux, la MJC du Cadran ainsi
que la compagnie Traction Avant interviennent de manière dense autour
de ces thématiques. On citera, par exemple, les ateliers de formation/pro-
duction qui ont donné naissance à des compagnies de danse urbaine
aujourd’hui reconnues comme la compagnie Käfig, des rencontres de
danse urbaine entre des jeunes danseurs vénissians et des chorégraphes
contemporains, une création « jazz-rap » sur le thème de la révolte, des
battles de danse et des cours de musiques actuelles. En outre, la com-
mune accueille le festival « Nuit métisse » particulièrement orienté vers
cette dimension.
Par ailleurs, les actions menées dans le cadre de la politique de la
ville couvrent aussi une autre dimension du spectacle vivant, celle de
l’événement festif. À Sénart, de nombreux événements de cet ordre se
déroulent autour de l’écomusée ou autour du Carré Sénart.
ÀVénissieux, le défilé de la Biennale de la danse ainsi que la manifesta-
tion événementielle « L’art sur la place » accompagnant la Biennale
d’art contemporain ont permis la réalisation de spectacles déambula-
toires ou d’installations plastiques issus d’ateliers et présentés devant un
très large public. Des dispositifs éphémères et festifs sont également
très présents dans les quartiers eux-mêmes (ciné-concert dans le quar-
tier Pyramide, déambulation musicale dans le quartier Monmousseau).
On comprend comment la volonté de donner corps à une certaine cohé-
sion sociale traverse de telles actions.
32
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 32
En dehors du spectacle vivant, le secteur de la lecture publique est
également très présent. À Sénart, le projet « Lecture hors les murs »
consiste, durant la période estivale, à aller à la rencontre des habitants
des communes de Savigny-le-Temple et de Nandy, afin d’inciter à la lec-
ture une population qui ne côtoie pas les bibliothèques. À Grenoble, de
nombreuses actions sont conduites par le réseau des bibliothèques. À
Échirolles, une Maison des écrits est mise en place avec une probléma-
tique de sensibilisation et d’accompagnement dans la pratique de la lec-
ture et de l’écriture des populations en difficultés sociales et scolaires.
De la même manière, à Vénissieux, le festival intitulé « Paroles ambu-
lantes » est axé sur la littérature et la poésie. Il mêle organisation d’ate-
liers d’écriture et actions en faveur de la lecture publique. Dans le même
esprit, la médiathèque de Vénissieux s’investit particulièrement dans
une action autour de l’écrit dans le cadre de l’année de l’Algérie.
Les arts visuels sont également représentés de manière notable. Ils le
sont d’abord sous l’angle de la sensibilisation comme dans le projet
«Sénart à l’école » (sensibilisation à l’art contemporain dans le cadre des
écoles). Ils le sont également sous l’angle d’une pratique plastique
comme à Vénissieux où des ateliers de pratiques en amateur sont propo-
sés ainsi que des actions de diffusion de la création contemporaine (par-
fois en partenariat intercommunal). La photographie est également
mobilisée comme à Sénart, en tant que processus d’action culturelle, avec
la réalisation d’une exposition de photographies, « la Galerie des initia-
tives », réalisée à partir des témoignages d’habitants ou encore, à
Strasbourg, autour de résidences d’artistes.
Le cinéma constitue également un support d’action privilégié.
ÀSénart, un moyen-métrage, inspiré d’une légende locale, est réalisé en
associant les habitants aux différentes étapes de la réalisation de ce film.
À Vénissieux, l’action de la salle Gérard-Philipe est particulièrement des-
tinée à la formation du public (milieu scolaire, stage d’analyse filmique);
une compagnie comme La Cordonnerie met également en place des
stages d’initiation à la réalisation de l’univers sonore, musical et plastique
d’un film…
Une politique de démocratie culturelle cachée?
D’une certaine manière, et au-delà de la diversité que cette énuméra-
tion révèle, les actions menées dans le cadre des contrats de ville ren-
voient à des conceptions de la culture où se croisent, parfois
s’interpénètrent, des points de vue différents. Cela renvoie au débat
récurrent entre démocratisation de la culture et démocratie culturelle.
On sait que ce débat traverse la conduite des politiques culturelles
depuis leur création. Brièvement résumé, on peut dire que la démocratie
33
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 33
culturelle a pour objet de reconnaître et de valoriser les pratiques des
populations tandis que la démocratisation culturelle consiste à diffuser
des œuvres artistiques reconnues. Comment la politique de la ville se
situe-t-elle dans cette opposition? Contribue-t-elle à la dépasser ? Une
façon de poser la question consiste à se demander si la politique de la
ville est, en fait, une politique en faveur de la démocratie culturelle qui
ne dit pas son nom. On pourrait être tenté de répondre positivement
pour deux raisons différentes. D’une part, on trouve un nombre impor-
tant d’actions dans l’ensemble des contrats de ville portées par des habi-
tants et des associations qui s’inscrivent dans une volonté de soutenir les
pratiques artistiques et culturelles de la population. D’autre part, on note
une difficulté de la part des acteurs du contrat de ville à peser sur les
orientations des grands équipements culturels. Cela ne veut pas dire que
ces équipements ne peuvent pas mener des politiques de démocratisa-
tion culturelle, mais que ces politiques ne sont pas le fait des acteurs du
contrat de ville.
En dehors de cette relativisation, le schéma simplifié serait donc le
suivant: impuissants devant les logiques des grands équipements cultu-
rels, les acteurs de la politique de la ville soutiendraient les pratiques
émergentes portées par les populations des quartiers. En fait, on l’a com-
pris, la situation est nettement plus complexe. Il semble qu’il existe
deux tendances différentes, même si la réalité montre que les opposi-
tions ne sont pas aussi caricaturales. Dans certains cas de figure, on
relève des oppositions plutôt marquées, dans les représentations des
acteurs, entre excellence culturelle et lien social. À Strasbourg, il semble
que deux logiques coexistent sans pour autant être complètement
étanches : l’une, sur le registre de la « culture territoriale » (ce qui
devient premier dans l’expression culturelle, c’est son ancrage dans des
identités de territoires; le territoire pouvant être entendu comme projet
construit à partir de ressources endogènes), l’autre sur le registre de la
culture de la qualité (ce qui devient prioritaire, ce sont des critères rela-
tifs à la qualité culturelle des projets produits, et notamment au recours à
des professionnels du domaine). C’est aussi le cas dans l’instruction réali-
sée par certains services de la ville de Grenoble où l’on sent poindre une
opposition entre deux lectures différentes: l’une reposant sur la qualité
artistique des projets, l’autre sur les effets en termes de lien social des
actions engagées.
Pourtant, dans chacune des villes, des projets s’inscrivent dans les deux
dimensions. Prenons l’exemple de Grenoble, où de multiples projets relè-
vent d’une tentative de croisement. On pense, parmi d’autres, au projet
porté par la Compagnie des petits poids qui repose sur une action
d’accompagnement et de médiation sociale en même temps que d’éveil
34
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 34
artistique autour du spectacle vivant. On peut également citer le travail
réalisé à Échirolles, par DCAP (Développement culturel art et poésie), le
principe de cette structure étant à la fois d’accompagner les projets cultu-
rels des jeunes tout en contribuant à la formation de ces derniers en liaison
avec des professionnels de la culture. À Vénissieux, plusieurs actions tra-
duisent cette imbrication entre les deux dimensions: le travail d’initiation
théâtrale mené avec le théâtre de Vénissieux dans le quartier Léo-
Lagrange par la compagnie Image Aiguë, la réalisation d’une déambula-
tion musicale par le collectif « La tribu hérisson » sur le quartier de la
Darnaise, ou encore la création d’un ciné-concert par la compagnie La
Cordonnerie dans le quartier Pyramide. C’est également le cas du travail
d’accompagnement et de lien social engagé depuis quelques années par la
compagnie Traction Avant et de sa capacité à faire émerger des talents
aujourd’hui reconnus (l’exemple de la compagnie Käfig est également
emblématique).
Ce qui est intéressant dans cette combinaison, c’est que le débat entre
démocratisation et démocratie culturelle s’en trouve pour partie dépassé.
On retrouve sur ce point des travaux ayant souligné la combinaison entre
des légitimités différentes au cœur des projets culturels dans les quartiers
de la politique de la ville. Jacques Palard, analysant plusieurs initiatives à
Lyon et Marseille, parle de « perturbation du système d’action domi-
nant » pour désigner des opérations qui résultent de « l’effet d’un métis-
sage par conjonction de l’approche légitimiste et de l’approche relativiste,
qui résulte notamment de l’engagement d’un artiste professionnel dans
des secteurs urbains périphériques 19 ». Ainsi, il y a une tentative de
dépassement de l’opposition entre une vision légitimiste (la culture est
incarnée par les artistes professionnels en place dans les centres culturels)
et une vision relativiste de la culture (valorisant la production d’une cul-
ture non savante et les formes de participation collective). Faut-il pour
autant penser qu’il y a réconciliation des oppositions dans le cadre de ces
projets? Il semble qu’il faille plutôt y voir des compromis partiels, des
alliances ponctuelles entre des logiques différentes plutôt que des récon-
ciliations définitives.
En conclusion, la mise en œuvre de la dimension culturelle au sein de
la politique de la ville est liée à trois régimes de controverses, différem-
ment activés en fonction des sites. Le premier régime concerne la territo-
rialisation, et plus précisément la territorialisation sur les quartiers.
Certains acteurs culturels et administratifs nient la pertinence d’une
focalisation sur les quartiers, refusant de refermer la question sociale sur
cette répartition spatiale. D’autres, au contraire, soulignent la nécessité
de focaliser les efforts sur des sites paupérisés et stigmatisés. Souvent, les
acteurs publics bricolent, produisent des arrangements afin de soutenir
35
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 35
certains projets, hors des territoires prioritaires, mais présentant des affini-
tés avec le type de projet soutenu dans le cadre de la politique de la ville.
Le second régime concerne la qualité des actions entreprises. Bien sou-
vent, les acteurs issus du milieu culturel (fonctionnaires des services cultu-
rels des municipalités ou des Drac, artistes, responsables d’équipements)
critiquent dans cette politique ce qu’ils perçoivent comme les dérives des
«politiques sociales de la culture ». Les actions soutenues ne le seraient
pas au nom de la qualité culturelle des projets, de l’excellence artistique,
qui, finalement compteraient peu, mais au nom de la volonté de donner
des signes de reconnaissance à des populations, présentant certes des
carences sociales mais en même temps bien peu de gages de professionna-
lisme en matière culturelle. La troisième controverse concerne enfin les
liens entre culture et politique. Certains refusent cet enrôlement des
actions culturelles à des fins politiques, craignant les effets de récupéra-
tion et les objectifs par trop ambitieux donnés à la culture.
Ville, quartiers et projets culturels
Le dernier enjeu concerne la logique d’ensemble des actions
conduites en matière culturelle. La question que nous aimerions poser
est la suivante: est-ce que ces actions s’inscrivent dans un projet culturel
urbain d’ensemble? La réponse, on le devine aisément au regard de ce
qui précède, est négative. Ce qui transparaît de ces actions diverses, c’est
bien plus le foisonnement difficilement ordonné des initiatives cultu-
relles sur lequel il nous faudra donc revenir. Mais, lorsque l’on s’interroge
sur la cohérence des projets, il faut aussi poser la question du lien exis-
tant entre politique culturelle locale et volet culturel de la politique de la
ville. C’est d’une certaine façon la cohérence externe de cette politique
que l’on examine alors, c’est-à-dire sa capacité à être en lien avec
l’ensemble des actions portées par les institutions municipales.
Une action publique émiettée
On a indiqué plus haut la diversité des actions culturelles soutenues
ainsi que la multiplicité des positions défendues par les acteurs. On peut
dès lors s’interroger sur la question de la cohérence des volets culturels
des contrats de ville. Le constat général est plutôt celui d’un émiette-
ment. Dans la plupart des villes, on relève une succession d’actions ins-
crites dans le volet culturel, sans nécessairement de lien les unes avec les
autres, portées par des acteurs différents, voire concurrents et ne repo-
sant pas sur une vue d’ensemble. De ce fait, on est plus dans une logique
d’agrégation que d’intégration: des projets sont ajoutés les uns aux autres
sans qu’une perspective d’ensemble volontariste ne se dégage.
36
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 36
On peut ici faire un rapprochement avec le jeu du catalogue analysé il
y a quelques années par Erhard Friedberg et Philippe Urfalino. Ces deux
auteurs montraient que la croissance des politiques culturelles munici-
pales s’était traduite par une logique de catalogue qu’il définissaient à
partir de deux caractéristiques (« la juxtaposition d’éléments disparates
dont seuls des objectifs vagues et non discriminants peuvent s’accommo-
der » et « le caractère contingent de la présence des “rubriques” ») 20.
Selon ces auteurs, les politiques culturelles municipales sont des agrégats
sans cohérence, des productions éclectiques. Les élus et services munici-
paux ont à composer avec un ensemble disparate d’institutions et d’asso-
ciations diverses, bien souvent concurrentes et refusant de travailler
ensemble, ce qui limite considérablement la capacité des municipalités
de mettre en cohérence les progrès et actions. Un tel constat nous semble
valoir a fortiori pour les volets culturels des contrats de ville : ceux-ci sont
le résultat des demandes multiples, émanant d’acteurs de statuts divers,
en concurrence dans la recherche de financements, dans un contexte mar-
qué par une certaine déprime économique 21. Par rapport à l’analyse de
Friedberg et Urfalino, on ajoutera simplement que le fait que les com-
munes ne sont pas les seules institutions à décider des financements à
attribuer ne fait que renforcer cette tendance, les arrangements entre de
multiples financeurs aux priorités différentes ne contribuant guère à
la structuration d’une ligne d’action cohérente. La pluralité des acteurs
institutionnels en présence (Drac, DDJS, préfectures, FAS, municipalités,
agglomération, conseils régionaux, conseils généraux) ne favorise pas
la définition d’objectifs communs opérationnels. Pour parvenir à des com-
promis, ce sont plutôt des objectifs généraux qui sont retenus.
Difficulté à fixer des objectifs précis, multiplicité des porteurs de pro-
jets; on trouve ici rassemblées les conditions pour que se mette en place
une politique caractérisée par un fort émiettement des actions conduites.
Une précision s’impose cependant dans l’interprétation de cette situation:
le jugement porté n’est pas uniquement négatif, cet émiettement favorise
également la diversité des actions soutenues et, donc, le soutien au foi-
sonnement des actions culturelles. Elle permet également un appui à de
petits projets, souvent liés aux pratiques amateurs, qui ne trouvent pas de
soutien dans les formes canoniques des politiques culturelles françaises
de démocratisation. Cette question nous renvoie au lien existant entre
cette politique et les politiques culturelles des municipalités.
Volet culturel des contrats de ville et politique municipale :
des liens variables
La question ici posée est celle du lien entre politique de la ville
et politique culturelle des villes. Cette relation met en tension deux
37
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 37
orientations des politiques culturelles, différenciation qu’avait bien notée
René Rizzardo il y a maintenant quelques années: « La culture est bien
au centre des choix qui doivent être faits pour la rénovation du cadre bâti
et des espaces de vie. Pour autant, il règne dans ces espaces un malen-
tendu latent qui résulte d’une politique culturelle ambivalente. D’un
côté, elle privilégie, à l’instar des politiques de centre-ville, les institu-
tions et les services. De l’autre, prenant la forme d’une politique d’ani-
mation, elle fait la promotion de projets éphémères et de fêtes, plutôt
mieux acceptés par les populations intéressées. Il en découle une situa-
tion où les deux cultures se côtoient mais se rencontrent fort peu 22.» De
façon emblématique, cette dissociation s’incarne dans des politiques cul-
turelles municipales centrées sur une recherche de visibilité nationale,
voire internationale, tandis que la politique de la ville serait centrée sur
les quartiers (nécessairement en difficultés), avec un registre d’action for-
tement teinté de socioculturel. Que nous disent nos cas d’étude? Sur
cette question, les cas de figure diffèrent fortement en fonction des
villes. On distinguera trois logiques différentes: l’indifférenciation, la
séparation, l’intégration.
Dans le cas de l’indifférenciation, la distinction entre le volet culturel
de la politique de la ville et la politique culturelle est floue, vague. Les
deux registres visent un même public et poursuivent de mêmes objec-
tifs. Les actions financées au titre de la politique culturelle auraient pu
l’être au titre de la politique de la ville, et inversement. Sénart illustre
bien ce cas de figure. Le contrat de ville de Sénart est préventif et la
convention identité/culture du contrat de ville vise à conforter l’identité
sénartaise. Autrement dit, il n’y a ni publics ni territoires prioritaires. On
observe dès lors une sorte de dilution de la politique de la ville dans la
politique culturelle locale.
Dans d’autres situations, le volet culturel de la politique de la ville est
séparé de la politique culturelle municipale. Les publics, les territoires
d’intervention et les objectifs sont différents. La culture dans la politique
de la ville s’inscrirait alors dans une logique de lien social tandis que la
politique culturelle revendiquerait une visée d’excellence culturelle.
Une illustration idéale-typique serait le cas de Vaulx-en-Velin. Selon
Virginie Milliot, il existe un clivage fondamental entre une culture univer-
saliste, républicaine mise en avant par le service culturel de la municipa-
lité (principalement dans une logique de visibilité des actions culturelles
conduites par la commune vis-à-vis de l’extérieur) et les formes d’expres-
sion culturelles diverses (break dance, etc.) portées par les populations dont
la politique de la ville favorise la reconnaissance 23. Les cas de Grenoble et
de Strasbourg illustrent le mieux ce cas de figure. On continue d’observer
dans ces villes des tensions sur le choix des projets et la manière de les
38
Contrats de ville XP 8/12/04 12:37 Page 38
soutenir. Pour beaucoup d’acteurs culturels et socioculturels dans les
quartiers, la politique de la ville joue même un rôle de substitution vis-à-
vis d’une politique culturelle municipale jugée trop élitiste. Un tel clivage
induit bien évidemment une difficulté majeure quant à la pérennisation
des actions: dans la mesure où les financements tirés de la politique de la
ville sont censés être expérimentaux, la question du relais par des finan-
cements de droit commun devient du coup particulièrement probléma-
tique. On aurait cependant tort de trop durcir cette opposition, dans la
mesure où des accords et des hybridations s’opèrent: des équipements
culturels reconnus comme légitimes sont issus de la politique de la ville,
les actions croisant social et exigence culturelle peuvent également rece-
voir un soutien de la part des professionnels de la culture.
Enfin, le volet culturel de la politique de la ville peut se retrouver
intégré dans la politique culturelle municipale, les actions soutenues au
titre de la politique de la ville s’inscrivant dans les priorités de la poli-
tique culturelle municipale. Cette dernière, conduite au nom d’objectifs
de recherche de transversalité et de mise en réseau, intègre les objectifs
de la politique de la ville en encourageant un pluralisme de l’expression
culturelle. Le cas de Marseille au début des années 1990 semble illustrer
une telle configuration, la politique culturelle de la municipalité étant
conduite au nom d’une recherche de décloisonnement, de soutien aux
pratiques culturelles émergentes et, plus largement, de soutien à
une culture en « friches 24 ». Les cas de Vénissieux et surtout d’Échirolles
correspondent le mieux à cette conception. À Échirolles, c’est la direc-
tion municipale de la culture qui pilote le volet culturel de la politique
de la ville et qui sélectionne les actions en fonction de critères identiques
à ceux retenus pour sa politique municipale. Cette politique est mise en
œuvre au nom d’une recherche de démocratie culturelle et de mise en
réseau des différents opérateurs sur le territoire communal. À Vénissieux,
l’interaction avec la direction culture et fêtes n’est pas si flagrante, mais
les équipements en charge de la politique culturelle municipale (que ce
soit en régie directe ou par délégation) intègrent largement les objectifs
du contrat de ville dans leurs actions.
Ainsi, il n’y a pas d’unicité dans l’usage de la culture dans les contrats
de ville. En fonction des priorités municipales, mais également du tissu
urbain, la nature des relations entre politique culturelle municipale et
volet culturel de la politique de la ville varie fortement, illustrant de ce
fait les combinaisons variées entre les différentes formes d’actions cultu-
relles contemporaines. Plus généralement, l’analyse réalisée sur
quelques villes permet de souligner plusieurs variables différentes: le
poids de l’alternance politique, le rôle de la dynamique urbaine et
l’importance des orientations politiques. Pour ce qui concerne la pre-
39
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mière dimension, seule Strasbourg a connu une alternance politique au
cours de la mise en œuvre du contrat de ville. Dans ce cas, il est évident
que l’arrivée de la nouvelle équipe politique a bouleversé les relations
avec les acteurs culturels et socioculturels, remettant en cause les
accords passés et, donc, la légitimité des interlocuteurs de l’ancienne
municipalité. À ce propos, les auteurs de la monographie strasbourgeoise
se demandent si cette alternance n’a pas eu paradoxalement des effets
bénéfiques en obligeant les porteurs de projet à faire un travail supplé-
mentaire d’argumentation. Le cas de Sénart illustre, quant à lui, le poids
de la dynamique urbaine dans les choix effectués en matière de poli-
tiques culturelles. Ville nouvelle, l’agglomération sénartaise, privée
d’histoire, peine à exister comme un tout, supérieur à la somme de ses
parties urbaines. Aussi, on ne s’étonnera guère que la préoccupation
centrale consiste à soutenir des projets culturels qui puissent aider à
constituer cette identité sénartaise. Les autres villes sont ici bien diffé-
rentes. Villes centres disposant d’un rayonnement culturel, Strasbourg
et Grenoble sont éloignées de telles préoccupations, tandis que
Vénissieux et Échirolles sont plus occupées à composer de nouveaux
pôles de centralité au sein d’agglomérations dont elles sont des compo-
santes importantes sans pour autant disposer des ressources et de la visi-
bilité de la ville centre. Enfin, dernier élément, l’orientation politique
des municipalités peut constituer également un facteur de différencia-
tion : les communes de Vénissieux et d’Échirolles, toutes les deux
gérées par le parti communiste français, présentent trop de similarités
pour qu’on ne fasse pas cette hypothèse. En effet, dans les deux cas, on
trouve des actions culturelles soutenues au titre de la politique de la
ville qui sont très fortement impulsées et encadrées par l’institution
municipale. On se trouve ici devant des formes d’action culturelle forte-
ment encadrées par des municipalités, qui disposent d’un tissu d’équi-
pements dense, s’appuient sur une ligne d’action relativement
structurée et font principalement appel à leurs ressources internes ou à
des acteurs extérieurs proches du pouvoir municipal 25.
*
Que dire au terme de cette recherche? On commencera par effectuer
une brève mise en perspective historique, pour, ensuite, évoquer l’avenir
possible des formes d’action culturelle évoquées ici. Il est évident, tout
d’abord, que les actions envisagées rappellent l’action socioculturelle des
années 1970. À certains égards, en effet, il semble bien que ces différents
projets ne font que traduire le retour de cette oubliée. Un tel jugement
n’est pas faux, mais il fait l’impasse sur la diversité des actions soutenues
40
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au titre de la politique de la ville (qui, rappelons-le, est susceptible de
soutenir un projet de démocratisation d’un équipement culturel aussi
bien qu’un projet hip-hop porté par des jeunes de quartiers). Par ailleurs,
par rapport au socioculturel traditionnel, les acteurs ne sont pas les
mêmes, les maisons des jeunes et de la culture ou les centres sociaux ne
constituant qu’une partie des porteurs de projets. La plasticité de la poli-
tique de la ville, tant du point de vue des objectifs que des acteurs mobili-
sés, ne rend donc pas facile son rangement dans des catégories standard.
Enfin, sur le plan des principes d’action, et surtout des stratégies de légiti-
mation, les projets actuels se développent bien souvent sur fond de cri-
tique des pratiques socioculturelles traditionnelles (souvent associées à
des pratiques insuffisamment sensibles à la qualité artistique du projet).
On terminera en indiquant que ces actions, soutenues ou non par
l’État, ont toutes les chances de durer, et ce pour deux raisons. D’abord,
parce que, comme l’ont fait remarquer nombre de nos interlocuteurs,
elles viennent contrebalancer un mode de financement très élitiste de la
culture en France. Dans de nombreuses villes, elles complètent, voire se
substituent aux politiques culturelles municipales principalement cen-
trées sur les questions de visibilité nationale et internationale. La
deuxième raison est qu’elles sont sous-tendues par une demande forte
de culture, de la part de militants, de médiateurs culturels, voire de la
population. Dans un contexte où les financements privés ne permettent
pas de soutenir des actions expérimentales, sans que les financements
publics soient toujours en mesure d’assurer le développement de ces
nouvelles pratiques, il y a fort à parier que les villes, certes engagées
dans des concurrences intervilles mais, en même temps, réceptacles des
expressions culturelles multiples sur leur territoire, continueront de sou-
tenir des pratiques qui ne sont pas près de se tarir.
Notes
1«À la Biennale de Lyon, l’Europe du hip-hop », Le Monde, 11 septembre
2004.
2J. Palard, « Stratégie politique, action culturelle et intégration socio-
spatiale », Sciences de la société, n° 31, février 1994, p. 14.
3Politique complexe, aux frontières mal identifiées, on considère qu’elle
recouvre les dispositifs contractualisés avec des quartiers dits « à pro-
blèmes ».
4V. Dubois, Institutions et Politiques culturelles locales : éléments pour une
recherche socio-historique, Paris, La Documentation française, Comité d’his-
toire du ministère de la Culture, 1996, p. 40-41.
5Cf. J. de Maillard, Réformer l’action publique. La politique de la ville et les
banlieues, Paris, LGDJ, 2004.
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6La recherche dont est issu cet ouvrage prolonge une étude de contenu
sur les documents contrats de ville réalisée par Ma Ville et Moi (La Place
de la dimension culturelle dans les contrats de ville, étude pour la DIV et le
ministère de la Culture, 2001). Conduite à partir de 69 contrats de ville,
elle montrait que la dimension culturelle était présente dans la totalité
des conventions analysées mais que la priorité culturelle n’était pas tou-
jours affirmée comme un volet à part entière. Seulement 17 % des
contrats de ville comportaient un volet thématique « culture », dans les
autres cas la culture était immergée dans un volet thématique plus large
(loisirs et sports, cohésion sociale, etc.).
7S. Proust, La Transformation du champ culturel local, Bordeaux, Les
Cahiers du CERVL, 1993.
8L. Lafargue, « L’opéra de Bordeaux, la danse hip-hop et ses publics », in
O. Donnat, P. Tolila (dir.), Le(s) Public(s) de la culture. Politiques publiques et
équipements culturels, vol. I, Paris, Presses de Sciences-po, 2003, p. 343-357.
9V.Milliot, « Culture, cultures et redéfinition de l’espace commun :
approche anthropologique des déclinaisons contemporaines de l’action
culturelle », in J. Métral (coord.), Cultures en ville ou de l’art et du citadin,
L’Aube, 2000, p. 143-168.
10 L. Assier-Andrieu, C. Charras, G. Fontaine, « Les paradoxes de la sollici-
tude publique: les Gitans dans la ville et l’insertion par la musique », in
J. Métral (coord.), Cultures en ville ou de l’art et du citadin, L’Aube, 2000,
p. 187-210.
11 V. Milliot, op. cit., p. 162.
12 L. Assier-Andrieu et alii, op. cit., p. 207.
13 V. Dubois, « Action culturelle/action sociale : les limites d’une fron-
tière », Revue française des affaires sociales, vol. 48, n° 2, avril-juin 1994.
14 A. Faure, E. Négrier (dir.), La Politique culturelle des agglomérations, Datar,
Observatoire des politiques culturelles, La Documentation française,
2001.
15 Voir A. Blondel, « “Poser du Tricostéril sur la fracture sociale.” L’inscrip-
tion des établissements de la décentralisation théâtrale dans les projets
relevant de la politique de la ville », Sociétés et Représentations,
février 2001, p. 306 sq.
16 On entend ici par « associations » celles dont l’objet n’est pas directe-
ment culturel.
17 D. Lapeyronnie, « Ville, vie, vacances. Un bilan général », in
D. Lapeyronnie (dir.), Quartiers en vacances, Paris, éditions de la DIV,
2003, p. 17.
18 G. Saez, « Villes et cultures : un gouvernement par la coopération »,
Pouvoirs, n° 73, 1995, p. 123.
19 J. Palard, op. cit.
20 « La gestion des politiques culturelles municipales: de l’inflation cultu-
relle à l’évaluation politique », Politiques et Management public, 2 (1), 1984,
p. 7. À lire, des mêmes auteurs, Le Jeu du catalogue, Paris, La
Documentation française, 1984.
21 Au moment de la réalisation de cette étude (2003-2004), plusieurs trans-
formations cumulaient leurs effets pour placer le secteur culturel sous
pression: remise en cause de la convention collective des intermittents
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