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Le transect urbain. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement

Authors:
  • Cresson - UMR CNRS/ECN/ENSAG/ENSAN n°1563 Ambiances, Architectures, Urbanités

Abstract and Figures

Le transect se présente comme un dispositif se situant entre la coupe et le parcours sensible empruntant à ces deux techniques pour les hybrider ; le transect se construit par le dessin, la photo, le texte, la vidéo autant qu’il se pratique in situ. Réhabilitant de fait la dimension atmosphérique dans les représentations urbaines, rendant possible l’inscription des récits et le débat entre les disciplines, le transect peut devenir un mode d’interrogation et d’expression de l’espace sensible et des pratiques vécues à l’articulation entre analyse et conception. Réaliser un transect, consiste à l’élaboration d’une méthodologie de prélèvement, de sélection et de montage. En visant d’être un dispositif projectif qui nécessite la comparution de l’existant dans sa répétitivité et ses différences, on introduit la question de son devenir en montrant autant qu’en suggérant des gestes, des expériences, des transformations possibles pour l’habiter comme pour les flux. Le transect emprunte à l’inventaire sa volonté de repérer et de collecter les situations singulières autant que paradigmatiques tout en restant ouvert et multipolaire, tels les atlas Mnemosynes d’Aby Warburg. Il vise littéralement à être une table de travail partageable et amendable entre les acteurs du territoire. Il est aussi espace horizontal où les documents entre eux et dans leur rapport à un contexte produisent des possibles autant que des échanges.
? Chaleurs urbaines ? : entretien avec des habitants, discussion autour des coupes L'atelier public a consist? ? ce que chacun prenne connaissance des situations travers?es et de leurs r?cits, tout en permettant que de nouveaux r?cits soient ?crits et dispos?s ? leur tour sur la table longue par ce processus cumulatif d?crit plus haut. Un deuxi?me temps a consist? ? d?battre collectivement des contenus lus ou ?nonc?s, un troisi?me temps ? inventorier les actions possibles (intervention construite, paysag?re, m?diatrice, informationnelle, etc.). Une des ouvertures rendues possibles par ce type d'approche est aussi de pouvoir d?ployer entre acteurs et disciplines un principe g?n?rique qui est qu'un objet ? c'est-?-dire pour nous un dispositif spatial ou technique ? serve aussi ? autre chose que ce ? quoi il sert. Constater des doubles voire triples usages existants, en chercher, en proposer d'autres et mettre en d?bat des configurations, des transformations qui ne soient pas uniquement techniques et monofonctionnelles mais qui touchent aussi aux usages et au contr?le des ambiances : ? savoir dans le cas concret, par exemple, d'une installation de panneaux solaires en toiture, la possibilit? d'agrandir un espace sous celle-ci pour rendre la surface habitable, offrir une vue, am?liorer les entr?es solaires en hiver et s'en prot?ger en ?t?, permettre une ventilation transversale et une ouverture m?me en cas de pluie, etc. ; ou encore, pour prendre un autre exemple classique, dans le cas
… 
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Chapitre 5
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des
ambiances et de l’environnement
Nicolas Tixier
La coupe urbaine peut-elle être un lieu de rencontre entre les enjeux
environnementaux globaux et les enjeux locaux d’ambiances situées
prenant en compte les dimensions sensibles de l’espace et les pratiques
habitantes ? Sur cette hypothèse de départ de la coupe urbaine comme
mode de représentation permettant d’articuler ce qui habituellement est
séparé, à savoir les objets construits, le monde sensible et les pratiques
sociales, nous avons mené un travail exploratoire1 appliqué aux
préoccupations environnementales, à travers deux thématiques, celles des
chaleurs urbaines (ville de Grenoble) et celle des déchets solides (ville de
São Paulo)2.
Ces expériences proposent d’éprouver l’opérationnalité de la coupe
urbaine dans deux domaines qui s’imbriquent : la gestion des enjeux
environnementaux dans le développement local et la prise en compte du
récit et des compétences habitantes dans le processus de projet urbain. À
cette double fin, nous proposons d’élargir les champs d’applications
ordinaires de la coupe urbaine avec l’apport d’un outil qui se veut à la fois
une pratique de terrain, une technique de représentation et peut-être même
une posture de projet, à savoir le transect urbain. Ce chapitre développe
principalement la dimension méthodologique de cette proposition en en
montrant ses origines, ses premières applications et en en esquissant
quelques prolongements.
Le terme transect désigne pour les géographes « un dispositif
d’observation de terrain ou la représentation d’un espace, le long d’un tracé
linéaire et selon la dimension verticale, destiné à mettre en évidence une
superposition, une succession spatiale ou des relations entre
phénomènes »3. À la fois, donc, pratique de terrain (dispositif
1 Projet L’ambiance est dans l’air du PIRVE (CNRS-MEDDE), sous la direction de Nicolas Tixier,
CressonENSA Grenoble (UMR CNRS/MCC/ECN 1564 Ambiances, Architectures, Urbanités), en
collaboration avec l’UMR CNRS 5194 PACTE et le département de Santé publique de l’Université de
São Paulo et en partenariat avec le service urbanisme de la ville de Grenoble et l’Agence de protection
environnementale de São Paulo (CETESB).
2 Pour un développement plus précis du travail mené sur chacune dentre elles, on peut se reporter soit
au rapport de recherche (Tixier, 2011), soit à Melemis, Tixier et al. (2012) et à Brayer et Masson (2012).
Les transects grenoblois ont été principalement construits par Damien Masson, Laure Brayer, Naïm Aït
Sidhoum, Thibaud Candela, Pierre Bouchon ; ceux de São Paulo, par Damien Masson, Laure Brayer et
Ouma Bouslama.
3 M.-C. Robic, art. « Coupe (transect) » [en ligne], in : Hypergeo, consulté le 3 mars 2016,
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 131
d’observation) et technique de représentation, le transect doit être
questionné dans ses applications à l’urbain. Pour nous1, il se présente
comme un dispositif se situant entre la coupe technique et le parcours
sensible empruntant à ces deux techniques pour les hybrider ; le transect se
construit par le dessin, la photo, le texte, la vidéo autant qu’il se pratique in
situ. Mais, tout au contraire de l’attitude du flâneur, celui qui opère un
transect sait qu’il devra effectuer des intrusions, des franchissements. C’est
une coupe qui, loin d’être clinique, engage le corps même de l’observateur
dans une traversée, pour justement… aller voir. Réhabilitant de fait la
dimension atmosphérique dans les représentations architecturales, rendant
possible l’inscription des récits, le transect peut devenir alors un mode
d’interrogation et d’expression de l’espace sensible et des pratiques vécues
à l’articulation entre analyse et conception.
De par différentes recherches et expériences menées, nous faisons donc
l’hypothèse2 que le transect est une posture autant qu’un mode de
représentation et d’expression qui peut devenir un lieu de débat et de
rencontre entre les acteurs de l’urbain (habitants, usagers, techniciens, élus
et concepteurs) et entre les disciplines de l’urbain (techniques, sociales et
design) afin de permettre le croisement des enjeux environnementaux et
des enjeux d’ambiances situés. Cette hypothèse amène à poser deux
questions qui servent de fil problématique aux différents contextes
d’expérience pour l’usage du transect :
• Celle qui concerne les différents registres de connaissance impliqués
lorsqu’on parle d’ambiance et d’environnement, ceci entre techniciens,
élus, scientifiques et usagers. Quand et comment les acteurs arrivent-ils (ou
pourraient-ils mieux arriver) à articuler leurs connaissances du territoire,
qu’elles soient principalement implicites (comme dans le cas des usagers)
ou plutôt explicites (notamment chez les scientifiques) ?
Celle des outils de représentation, communication, négociation.
Comment, et grâce à quels moyens de représentation, arrive-t-on à croiser
des données et à faire le passage du domaine de la réflexion à celui du
projet ? Si le transect n’est pas en soi garant de ce croisement, sous quelles
conditions, en étant soumis à quel protocole, pourrait-il donner lieu au
processus collaboratif et de négociation, ceci à la fois dans la production de
connaissances, dans l’activité de projet et enfin, dans les mouvements
réciproques entre l’un et l’autre ?
http://www.hypergeo.eu/spip.php?article60.
1 La plupart des travaux ont été réalisés en collaboration. Un fort compagnonnage au Cresson sest mis
en place depuis plusieurs années avec en particulier : Pascal Amphoux, Laure Brayer, Damien Masson,
Guillaume Meigneux, Steven Melemis, et Jean-Paul Thibaud et avec des chercheurs d’autres
laboratoires : Carlos Celso Do Amaral, Elena Cogato Lanza, Gilles Debizet, Patricia Mendes, Cintia
Okamura, Frédéric Pousin, Jean-Michel Roux.
2 Cette hypothèse s’appuie sur un ensemble de travaux menés depuis quelques années tant en recherche
(dans le cadre du laboratoire Cresson) qu’en projet (dans le cadre du collectif Bazar Urbain).
132 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
Nous proposons d’interroger la nature du transect, sa mise en place et
son efficacité selon trois médiums1, qui entretiennent entre eux de
nombreuses relations : la coupe urbaine, le parcours et le dispositif
vidéographique. Nous débattrons en conclusion du rôle possible de ce type
d’approche comme espace de négociation et d’énonciation de controverses
situées. Négociations entre acteurs qui entretiennent des rapports
différents au lieu, entre disciplines de l’urbain et de l’environnement, entre
les phases d’analyse et les phases de projet négociations qui se retrouvent
en jeu lors de l’organisation de « tables longues ».
Coupes urbaines
Qualifiant les situations d’interactions sensibles dont on fait
l’expérience à un moment donné dans un lieu donné, la notion
d’ambiances architecturales et urbaines2 resitue l’expérience de l’usager et
le rapport écologique qu’il entretient avec le monde, au cœur des enjeux
urbains et des logiques d’habiter. La dimension atmosphérique prend alors
toute son importance, que ce soit dans l’analyse ou dans le projet. Devant
la difficulté à représenter les ambiances, les conventions graphiques liées
aux disciplines architecturales et urbaines présentent quelques
opportunités. Si le plan peine à rendre compte de la complexité des
ambiances, à moins de démultiplier les couches et calques tel un Système
d’Information Géographique, la coupe se révèle apte à les intégrer et à les
mettre en dialogue. Une vision en plan risque paradoxalement d’échouer à
nous faire prendre de la hauteur et par même à intégrer l’air,
l’atmosphère, la hauteur à laquelle les individus pratiquent et respirent la
ville. La coupe, au contraire, met en avant le volume architectural, espace
des usages, réceptacle de lumière et d’air, et permet de comprendre la
composition de l’enveloppe construite dans sa capacité à modifier ou à
déterminer des conditions climatiques. Ce faisant, elle met en avant les
diversités entre le dedans et le dehors ainsi qu’elle permet de distinguer les
différentes ambiances intérieures aux édifices. En même temps, elle laisse
deviner les formes tridimensionnelles en nous montrant quelque chose de
leurs silhouettes.
À l’échelle architecturale, la coupe est traditionnellement le mode de
représentation statique, technique, voire clinique des données
constructives, mais dès qu’elle s’anime en présentant ou en suggérant une
synchronie de gestes pratiques, elle gagne en sens puisqu’elle propose une
véritable ouverture vers le récit (vers une multiplicité de récits possibles).
1 Au sens de l’esthétique allemande, médium désignant plus largement que le terme média, l’ensemble
des relations conditionnées par un dispositif technique spécifique (incluant le système des arts, sans se
limiter à celui-ci). Voir Kracauer (2010).
2 Sur la notion d’ambiance, cf. par exemple Augoyard (1995) ou Tixier et Laporte (2007).
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 133
Ainsi en est-il, pour ne citer que deux exemples architecturaux
remarquables, les coupes et les coupes-maquettes1 de l’opéra Garnier au
XIXe siècle, et plus récemment les nombreuses coupes et coupes-
maquettes de lagence Rogers Stirk Harbour + Partners exposées à Paris au
Centre Pompidou2 on peut clairement lire les articulations
programmatiques et en creux les continuités et contiguïtés narratives.
À l’échelle paysagère, elle est, plus récemment, mais déjà couramment,
le mode de représentation des géologues, géographes et paysagistes. Au
début du XXe siècle, l’urbaniste écossais Patrick Geddes avait insisté sur le
potentiel « synoptique » de la coupe, c’est-à-dire sur sa capacité à rendre
visibles des rapports, issus de longues durées historiques et observables
dans le présent, qui lient des formes de vie collective humaine à des cadres
de géographie physique3. Son utilisation de cette projection graphique
visait par ailleurs à faire rencontrer des perspectives disciplinaires
différentes dans une seule et même représentation visuelle. Cela explique
sans doute que, depuis les mêmes années, il s’esquisse une rencontre entre
les conventions graphiques et culturelles de la coupe architecturale et celles
du transect, pratiqué dans les domaines de la géographie humaine et des
sciences de la vie. La reprise de la célèbre Valley Section, imaginée par
Patrick Geddes cinquante ans plus tôt, par Team X4, issue à son tour des
travaux géographiques de Humboldt ouvre la possibilité d’une hybridation
des deux genres au service du projet architectural et urbain qui, jusqu’à ce
jour, reste peu développée.
C’est bien ce potentiel métonymique de la coupe qui permet d’inscrire
en filigrane dans une représentation graphique et statique les récits de vie
autant que les perceptions d’ambiances. La coupe n’implique pas de
dominante disciplinaire ni d’exhaustivité des données pour un lieu ; bien au
contraire, elle sélectionne tout ce qui se trouve sur son fil et autorise,
précisément, les rencontres entre les dimensions architecturales, sensibles
et sociales, entre ce qui relève du privé et ce qui relève du public, entre le
mobile et le construit, etc. Et, si on prend un peu du recul, elle peut
permettre la lecture des strates historiques autant que des répartitions
programmatiques. Cette dimension verticale et cheminatoire permet
d’échapper aux logiques de zonage et darticuler de nombreuses couches
programmatiques déjà fortement présentes dans toutes les villes. Les
éléments de récits et d’analyse disposés le long de la coupe dialoguent entre
eux par des mises en regard réciproques et par leur adhérence au contexte.
1 Coupe longitudinale de lOpéra, dessin de Karl Fichot et Henri Meyer, gravure de F. Méaulle (Le
Journal illustré, 28 févr. 1875), puis sa maquette réalisée entre 1984 et 1986 par Richard Peduzzi (H. 240 ;
L. 578 ; P. 110 cm), Paris, Musée dOrsay.
2 « Richard Rogers + Architectes », exposition du 21 nov. 2007 au 3 mars 2008, Centre Pompidou.
3 Les premières publications de Patrick Geddes de ses célèbres coupes sur la vallée datent de 1925
(Geddes, 1925 a et b). Pour une archéologie de cette idée, se référer à Federico Ferretti (2012).
4 Cf. la célèbre feuille « The Doorn Manifesto » par Peter Smithson (1968).
134 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
Néanmoins, en dehors des représentations maintenant classiques de profils
de chaussées et gabarits de rues (cf. les travaux précurseurs d’Eugène
Hénard, réédités en 2013), donnant des règles et servant à l’exécution ou à
la compréhension d’un système pour partie enterré, la coupe reste encore
rarement utilisée à l’échelle urbaine comme espace de présentation des
enjeux urbains et de co-conception entre acteurs, en particulier à la lumière
des problématiques environnementales et sociales contemporaines,
croisant enjeux locaux et enjeux globaux.
Parcours et récits du lieu
S’intéresser à la fabrique ordinaire de la ville nécessite bien souvent de
recueillir ce que l’on peut appeler le récit du lieu. Ce récit, tout en étant à
chaque fois singulier, n’est jamais un. Par nature, il est pluriel et polyglotte.
Il s’intéresse aux pratiques et aux ambiances. Il mélange passé, présent et
futur et nous renseigne, habitants, décideurs comme concepteurs sur ce qui
fait le quotidien urbain, pour soi, tout autant que pour les autres.
Si, pour beaucoup, recueillir ces récits ne relève pas encore du projet,
c’est au moins une mise en situation d’écoute, de réflexion et d’énonciation
de son territoire et c’est, pour quelques-uns, déjà être « en projet »1. À cette
fin, de nombreuses méthodes ont été formalisées, issues le plus souvent de
la recherche urbaine : parcours commentés, itinéraires, observation
récurrente, techniques de réactivation (Grosjean et Thibaud, 2001)… Le
lieu est énoncé alors par la parole, la photo, le dessin, la vidéo ou même
l’expression du corps. Chaque lieu, chaque contexte de projet et d’acteurs,
devient l’occasion d’éprouver et de modifier des méthodes pour collecter
et faire se rencontrer les perceptions et les représentations de chacun.
Cette parole tout à la fois ordinaire et experte nous est donnée le plus
souvent in situ et en parcours ; le lieu intervient alors comme un tiers entre
le récitant et l’enquêteur. Ces méthodes ne sont pas en soi des outils de
concertation, mais elles permettent d’abord d’énoncer les caractéristiques
d’un site avec ses ambiances et ses pratiques, révélant par là même les
éléments de son patrimoine ordinaire. Elles permettent ensuite dans le
rendu de ces paroles une connaissance entre acteurs des représentations et
des enjeux de chacun (maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, maîtrise
d’usage). Elles permettent enfin, par leur synthèse, de dégager des enjeux,
des désirs, de repérer des leviers et d’inventorier des idées pour le projet.
Mais ces paroles données prennent un sens tout particulier lorsque,
quelque temps après, elles sont rendues matériellement à leur propriétaire
1 Les situationnistes à Paris l’ont décrit, le groupe Stalker en Italie, ensuite, l’a pratiqué, et quand
l’artiste-promeneur Hendrick Sturm, équipé d’un dispositif de géolocalisation, l’utilise à Marseille pour
dire la ville, il rend compte de la nécessaire transgression pour justement… aller voir. Sur ces
approches, nombreuses, on renvoie principalement à Thierry Davila (2002).
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 135
selon trois régimes : la retranscription de son propre récit (texte intégral,
photos prises, etc.), la mise en forme des éléments du récit des autres
(abécédaire, albums photos commentées, parcours polyglottes, etc.) et la
synthèse thématisée dégageant caractéristiques et enjeux pour le lieu.
L’attention à ces paroles ordinaires, la possibilité de se relire, de lire les
paroles des autres et de réagir à nouveau transforment l’enquêteur comme
l’enquêté.
Dispositifs vidéographiques
Marcher. Noter. Photographier. Filmer. Si les pratiques de traversées
urbaines utilisant la photo ou la vidéo sont nombreuses ; elles sont plus
souvent réalisées dans le cadre de productions artistiques ou de
communications post-projet, mais elles sont encore assez peu utilisées
pour projeter ou débattre des situations et des enjeux. Trois pistes, parmi
d’autres possibles, nous semblent prometteuses pour tenter des
coupes/transects vidéographiques : la notion de taskscape (pour articuler
dans une même composition l’activité et l’urbain), le compositing (comme
outil de montage permettant d’agencer de façon originale espaces,
temporalités et usages) et la notation vidéographique (comme outil permettant
des « regards signés » pluridisciplinaires).
Le taskscape, « paysage des activités » ou encore « paysage en pratique »
selon la définition que lui confère l’anthropologue Tim Ingold (1993),
permet de saisir dans un même mouvement l’échelle et les rythmes des
activités humaines avec l’échelle plus grande de l’urbain, voire de la
métropole. Cette notion, proposée par Ingold à partir de l’analyse de
tableaux et de photographies, est-elle utile pour appréhender ce que
révèlent les plans, les séquences et les constructions vidéographiques du
monde urbain ? Quels sont ces « paysages en pratique » qui s’en dégagent ?
Laure Brayer (2014) tente de répondre positivement par tout un ensemble
d’expérimentations sur le choix des plans, sur les cadrages effectués et
surtout sur les temporalités saisies ou restituées. Deux exemples parmi de
nombreux autres possibles permettent d’illustrer cette démarche : les
vidéos réalisées dans les années 1970 par William H. Whyte à New York
avec The Social Life of Small Urban Spaces et plus récemment, en 2010, les
chroniques vidéos sur l’ordinaire urbain de la ville de Washington1.
Le compositing, nous dit Guillaume Meigneux (2015), est une technique
permettant principalement de mélanger au sein d’une seule image-
mouvement une multitude d’autres images-mouvement. En d’autres
termes le déroulement linéaire, horizontal de l’image-mouvement inhérent
1 B. de la Cruz, As the city sleeps, 2010 ; W. Shefte, Moving through Metro, 2010. Podcast disponible sur le
site internet du Washington Post.
136 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
au cinéma (via le montage) est ici enrichi d’une construction verticale de (et
dans) cette même image. Cette technique permet par des agencements de
plans vidéographiques et de mouvement à travers ces plans de rendre
compte d’une ambiance architecturale et urbaine en mettant en scène dans
un temps resserré (mais non accéléré) et par un espace recomposé (mais
non déformé) la multiplicité des activités, la variation des rythmes
journaliers, les perceptions d’espace et de ses différentes échelles que peu
ressentir un usager. Une recomposition qui tente de mettre en scène des
éléments du taskscape du lieu. Il nous semble possible grâce à ce type de
travail de commencer à parler alors de coupe ou de transect
vidéographique.
Une notation vidéographique permettant commentaires, images, signes,
traitement local de l’image peut bien entendu être déployée sur l’image
même de la vidéo, à l’instar de ce que l’on peut réaliser sur une coupe
dessinée. Cette première piste est riche et permet de combiner une saisie
vivante du terrain avec des éléments d’analyses ou d’esquisse de projet
dans un même plan. Mais une autre piste d’annotation est celle proposée
par l’IRI1 (Institut Recherche et Innovation) avec son logiciel Ligne de
Temps. Ce logiciel dédié initialement à l’analyse de séquences
cinématographiques, mais aussi de conférences enregistrées, de parcours
d’expositions, et pour ce qui nous concerne, de traversées ou de travellings
urbains, permet la fabrication de « regards signés ». Nous pouvons ajouter
autant de lignes de temps parallèles que nous le souhaitons donc à la
séquence vidéo initiale. Elles permettent avec des signets et des segments
d’annoter par des marqueurs, des textes, des valeurs numériques ou même
des images des moments de la séquence vidéo. Une lecture verticale des
lignes de temps, tels des calques dun système dinformation géographique,
est alors possible, tout comme une lecture critique de différents regards
signés se répondant les uns les autres pour un même segment, ou encore
tout comme la fabrication automatique de nouvelles séquences
vidéographiques, montages originaux issus de critères de sélection
appliqués sur différentes lignes de temps.
Ces trois pistes sont bien entendu compatibles et modulables entre elles
et peuvent être agencées dans des dispositifs multimédia. Mais du parcours
à la coupe, en passant par des productions photographiques et
vidéographiques, comment justement mettre ces dispositifs de
représentation en débats ? Depuis quelques années, nous expérimentons
avec Pascal Amphoux ce qu’il nomme maintenant « La table longue ».
1 www.iri.centrepompidou.fr.
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 137
Figure 5.1 (en haut). « Santo Domingo n°863 » : Mosaïque vidéo dun caracole à Santiago
(espace commercial) le compositing permet ici de « présenter dans le même plan de projection
l’ensemble des pratiques et des usages que lespace permet (ou génère) sur un temps donné (dans ce
cas présent deux mois dobservation) » ; « On se retrouve face à un film composé dune multitude
de plans tous restitués simultanément dans la même surface de projection et représentant
l’ensemble de lespace dorigine en fonction des pratiques qui sy déroulent. »
Figure 5.2 (en bas). Guillaume Meigneux « Santo Domingo n°863 » : installation vidéo,
HD couleur, boucle de 8 min, production BVNM et Le Fresnoy, Studio National des Arts
Contemporains, 2007
138 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
L’exploitation du transect : le passage de la table ronde à
la table longue
Le dispositif de la table longue consiste à matériellement disposer…
d’une longue table sur laquelle on déploie la coupe urbaine réalisée, celle-ci
devant comporter un minimum d’éléments exprimant les enjeux à traiter
selon le projet en cours (paroles d’habitants, paroles d’experts,
photographies, expression des usages, données quantitatives, zoom sur un
point particulier, éléments de diagnostic et d’enjeux, esquisses de projet,
etc.). Il s’agit ensuite de convoquer des acteurs concernés par le lieu ou la
question à traiter et de procéder à une mise en débat grâce à la coupe par la
provocation de réactions à ce qui est déjà inscrit ou à propos de ce qui
manque, par l’ajout de commentaires, d’informations ou de récits
nouveaux, par l’écoute des discussions qui ont lieu à différents endroits
autour de la table, etc. Cette situation de mise en débat des enjeux autant
que des acteurs a l’avantage, par la présence de la coupe devant soi ou
entre soi, de toujours garder le contexte au cœur des échanges ; quand le
passage à la table ronde (nécessaire comme prise de distance) met souvent
le débat au niveau d’une énonciation de postures ou par des prises de
position qui peuvent s’éloigner des caractéristiques du site. L’amorce pour
obtenir des commentaires est en soi un travail d’animation, d’écoute et de
mise en débats des acteurs avec soi et entre eux. Trois propriétés servant à
un diagnostic prospectif sont possibles avec ce type de méthode : un
dispositif générateur de paroles, un dispositif collecteur de notations, un
dispositif révélateur de réalités vécues. La multiplicité des expériences
menées dans différents contextes a rapidement permis de dégager aussi
quelques principes qui participent d’une meilleure efficacité du dispositif :
• Après les premières tables longues réalisées, il est rapidement apparu
important d’avoir des éléments de « descriptions denses » (thick description,
cf. Clifford Geertz, 1973) ne visant pas trop vite une synthèse qui empêche
de rentrer dans l’épaisseur de la situation (par une représentation qui serait
trop technique) et des vécus (par des récits qui seraient trop simplifiés).
Positionner tout le long du transect un ensemble de données qui se
regardent les unes les autres deux images et cest déjà une histoire »,
aime à dire Jean-Luc Godard), et qui du fait du dispositif graphique ont
une adhérence au contexte, permet de garder chaque élément apporté dans
son mode dénonciation propre (un texte reste un texte, une image une
image, une mesure une mesure, etc.). On sécarte en cela très fortement des
logiques de calques thématiques superposables propres aux systèmes
d’information géographique nécessitant en général une codification
(couleurs, hachures, valeurs, marqueurs, etc.).
Pour quils sappliquent au mieux, les deux points précédents nécessitent
justement de passer le moins possible par des codes qui renvoient à une
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 139
légende pour être interprétés. Si une donnée nécessite une légende qui
permet de la contextualiser ou de la préciser, il est dans le dispositif du
transect bien plus clair de l’indiquer tout simplement comme une
information sous la donnée même.
L’analyse tout au long du déroulement de la table longue s’affine avec
les échanges entre les acteurs présents. Elle fait apparaître des consensus
ou au contraire exprime de fortes controverses locales, basculant souvent
dans des esquisses de projets à toutes échelles (de l’intervention habitante à
l’orientation urbaine) visant à conforter ou à faire évoluer la situation
(construite, sociale, autant que sensible). Une façon plurielle de mettre le
quotidien en débat et en projet.
Figure 5.3. Contexte pédagogique, ENSA Nantes, oct. 2010 : table longue mettant en débat
étudiants, techniciens et habitants Enseignement P. Amphoux et collaborateurs
140 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
Figure 5.4. Section de coupes : « Chaleurs urbaines », ville de Fontaine, juin 2012
Figure 5.5. Atelier citoyen : « Chaleurs urbaines », ville de Fontaine, juin 2012
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 141
Application aux questions environnementales : l’exemple
des chaleurs urbaines
Par deux fois nous avons pu tester un transect et l’organisation d’une
table longue sur les questions de chaleurs estivales en milieu urbain : à
Grenoble et à Fontaine, deux villes situées dans la cuvette grenobloise, peu
ventilée et très chaude en été avec des forts phénomènes d’îlots de
chaleurs.
Deux quartiers à Grenoble ont été étudiés : les quais de l’Isère, quartier
ancien situé au pied des contreforts de la Chartreuse, et le nouveau quartier
de la Caserne de Bonne, écoquartier se prolongeant avec les grands
boulevards requalifiés à l’occasion de l’arrivée du tramway. Le tracé des
coupes a été choisi pour passer par c’est-à-dire traverser les bâtiments
et les espaces publics les plus représentatifs de ces quartiers (cf.
illustrations).
Figure 5.6. « Chaleurs urbaines » Situations grenobloises
choisies pour réaliser les coupes urbaines
Les coupes ont été réalisées grâce aux éléments cadastraux et à un
travail de relevé photographique. Il s’agissait de mettre en évidence les
profils de rue, les cours intérieures, les appartements, les espaces sous
toitures, autant que ceux en sous-sol, les quais et la végétation, les
situations de pauses autant que les espaces de mobilités, bref, tout ce que
permet une coupe, si on accepte de lui donner un peu dépaisseur en
concentrant le long dun fil (le trait de coupe) ce qui est représentatif et
semble pertinent à cette problématique.
Sur ces coupes a été ajouté tout un ensemble de mesures, qui venaient
soit d’une campagne réalisée précédemment par la ville de Grenoble, soit
de nos propres relevés réalisés dans une optique de comparaison relative
142 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
(et surtout pas en valeur absolue) des variations de températures dans le
secteur concerné, permettant facilement de lire les différentiels entre le
haut et le bas, le devant et le derrière, le dedans et le dehors, la rue minérale
et les espaces verts, etc.
Un travail dentretien a ensuite été effectué. Les entretiens ont été
réalisés le plus souvent in situ, cest-à-dire, à ou près de lendroit concerné.
Ils étaient menés selon une double technique (Grosjean et Thibaud, 2001) :
la réactivation par un document : l’entretien avait lieu avec la coupe sous
les yeux autant que sous la main, support aux échanges et espace
d’inscription en direct d’une partie des éléments énoncés ;
et la récurrence entre les entretiens : à la fin de l’entretien on met en
débat quelques éléments amenés (parfois déjà annotés sur la coupe) par les
entretiens précédents afin de les affiner ou de les nuancer.
L’entretien, une fois la problématique et le contexte de l’étude amenés,
est non directif et vise plutôt à recueillir des mini-récits qui sont de fait
situés. Ces entretiens ont été réalisés avec des habitants des quartiers, des
commerçants, des techniciens de la ville qui soccupent des questions
environnementales, des spécialistes des questions dîlots de chaleur urbain,
etc. Il sagit alors, manuellement, de sélectionner dans les différents
entretiens des passages qui permettent de saisir telle ou telle question
environnementale, telle ou telle configuration spatiale, telle ou telle
pratique sociale collective autant quindividuelle, puis de les disposer le
long de la coupe pour les mettre en adhérence à une situation et/ou de les
mettre si nécessaire en complément et en débat avec dautres données.
Pour le travail sur les chaleurs estivales à Fontaine, nous ne disposions
pas dune campagne de mesures et lobjectif de la commande était tout
autant de saisir et de comprendre des situations face à cet enjeu que de
débattre dinterventions possibles. La coupe visait à traverser toute la ville
en se positionnant par segments, parfois non continus, afin dêtre
représentative de la variété des typologies des espaces publics et des
bâtiments de cette commune. Plus de 80 entretiens ont été menés in situ,
cette fois-ci uniquement avec des habitants et des usagers des différents
quartiers traversés. Ces entretiens ont permis de saisir plus de 100 mini-
récits (de cinq lignes à une page) qui étaient disposés sur des fiches bristol
qui comportaient au verso une information factuelle sur la personne
entretenue (âge, sexe, type d’habitat et quartier). Ces récits ont ensuite été
disposés verticalement sur la table longue (17 m de long). L’ensemble des
personnes entretenues était invité à cet atelier ouvert à tous.
Trois extraits de courts récits :
« Pour ce qui est de chez nous, on n’a pas le choix avec la chaleur.
On est obligés d’habiter là. Mais sous les toits il fait chaud. Des fois on
dort en bas, parce que la chaleur monte. On ne peut pas rafraîchir par
le jardin. C’est un peu particulier, il y a plusieurs appartements dans la
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 143
même maison, on ne peut pas faire comme on veut. »
« Nous avons une nouvelle aire de jeu mais ça fait deux ans qu’on
leur a réclamé quelque chose pour l’été parce qu’il y a beaucoup de
personnes âgées ici qui craignent le soleil. On peut pas jouer ici, c’est
pas possible alors on vient se mettre sur la petite bande il y a de
l’ombre et on attend. »
« Moi j’ouvre la fenêtre la journée mais pas la nuit. La nuit je ferme
tout, à cause des moustiques. Des fois, je vais sur la digue, le matin ou
le soir, quand il fait frais. »
Figure 5.7.
« Chaleurs
urbaines » : entretien
avec des habitants,
discussion autour des
coupes
L’atelier public a consisté à ce que chacun prenne connaissance des
situations traversées et de leurs récits, tout en permettant que de nouveaux
récits soient écrits et disposés à leur tour sur la table longue par ce
processus cumulatif décrit plus haut. Un deuxième temps a consisté à
débattre collectivement des contenus lus ou énoncés, un troisième temps à
inventorier les actions possibles (intervention construite, paysagère,
médiatrice, informationnelle, etc.).
Une des ouvertures rendues possibles par ce type dapproche est aussi
de pouvoir déployer entre acteurs et disciplines un principe générique qui
est quun objet – c’est-à-dire pour nous un dispositif spatial ou technique
serve aussi à autre chose que ce à quoi il sert. Constater des doubles voire
triples usages existants, en chercher, en proposer dautres et mettre en
débat des configurations, des transformations qui ne soient pas
uniquement techniques et monofonctionnelles mais qui touchent aussi aux
usages et au contrôle des ambiances : à savoir dans le cas concret, par
exemple, dune installation de panneaux solaires en toiture, la possibilité
d’agrandir un espace sous celle-ci pour rendre la surface habitable, offrir
une vue, améliorer les entrées solaires en hiver et sen protéger en été,
permettre une ventilation transversale et une ouverture même en cas de
pluie, etc. ; ou encore, pour prendre un autre exemple classique, dans le cas
144 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
d’une isolation à faire par lextérieur dun bâtiment existant, regarder les
possibilités de créer des doubles fenêtrages offrant un espace intermédiaire
ou permettant la création de mini-balcons, linstallation de systèmes de
persiennes ou de brise-soleil intégrés, la mise en place dun dispositif
végétal, etc. Linnovation nest plus alors uniquement dans le domaine de
la nouveauté, quelle soit technique ou esthétique, mais se loge dans
l’hybridation toujours singulière de différents enjeux propre à chaque
situation existante (Amphoux, 2009).
Avec ces deux expériences sur les chaleurs urbaines, nous pouvons
dégager quelques traits des éléments récités ou débattus qu’il est difficile
d’obtenir habituellement avec un seul outil (Melemis et al., 2012) : 1)
l’expression des effets vécus de la chaleur dans l’espace en question ; 2)
l’appréciation de composants du cadre de vie imposés ou donnés à
l’usager ; 3) les pratiques, les parcours habituels en temps de grande
chaleur ; et 4) les savoir-faire tactiques vis-à-vis de l’espace habité en ces
moments (stratégies, ruses, dispositifs, etc.).
Mais nous touchons aussi à d’autres éléments de récit : 1) la mémoire et
des souvenirs personnels ou collectifs ; 2) les moments où, en parlant de la
chaleur urbaine, on évoque des éléments qui lui sont connexes (l’écoute
d’un bailleur social, un problème technique avec ses volets, la sensation de
l’humidité, le prix d’un trajet en voiture pour partir au frais en
montagne…) ; 3) les évocations des scènes ou décors dété (le parc avec les
vieux sur les bancs, des jeunes qui se retrouvent sur les quais…) ; et 4)
jusquà parfois des récits relatés ou des « mises en intrigues ».
Le transect urbain, un dispositif ouvert
Réaliser un transect consiste à élaborer une méthodologie de
prélèvement, de sélection et de montage. En visant ensuite un dispositif
projectif qui nécessite la comparution de l’existant dans sa répétitivité et
ses différences, on introduit la question du devenir de cet existant en
montrant autant qu’en suggérant des gestes, des expériences, des
transformations possibles pour l’habiter comme pour les flux (des
personnes, des activités, du végétal, de l’atmosphère, etc.). Le transect n’est
pas cadré par une discipline, mais se veut ouvert aux savoirs et aux
représentations de chaque discipline qui potentiellement peuvent se mettre
en dialogue de façon multipolaire. Il emprunte à l’inventaire sa volonté de
repérer et de collecter les situations singulières autant que paradigmatiques.
Il emprunte à l’album sa capacité à mettre en regard des choses et des
situations. Mais il reste ouvert, tels les atlas Mnemosynes d’Aby Warburg1.
Il n’oblige pas à des cadrages similaires et à une unité des modes de
représentation. On peut passer d’une échelle à une autre, d’un document à
1 Cf. sur cette réflexion, P.-A. Michaud (2012) et G. Didi-Huberman (2013).
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 145
un autre. Il est littéralement un plan de travail (une table, un mur,
numérique ou physique) partageable et amendable où les documents en se
côtoyant entre eux et dans leur rapport à un contexte donné par le fil de la
coupe produisent du sens.
Loin d’opposer les enjeux locaux (correspondant à la compétence
usagère) et globaux (reflétant les savoir et savoir-faire d’acteurs et de
scientifiques de l’urbain), cette démarche nécessite :
l’implication des instruments techniques dans la recherche ou le projet,
qu’ils soient ceux des rendus environnementaux autant que ceux des outils
de communication, de médiation et de participation des usagers ;
la redéfinition de nouveaux enjeux pour la production de connaissances
liées à des pratiques et à des processus situés et en cours ;
• l’expérimentation d’un dispositif de recherche ou de projet qui ne
séparerait plus la production de connaissance générale, l’implication
territoriale et la réflexion d’outils de représentation et de communication.
En résumé, le transect urbain, tel que nous en esquissons lusage, se
met en œuvre par : la production de représentations partageables, la mise
en situation et en débat des enjeux et des acteurs et limplication dans une
logique de projet.
D’une façon structurelle, le transect ouvre un espace singulier et une
temporalité non hiérarchique permettant léclosion de cent et un projets ou
expériences à mener. Lensemble nest plus dabord un projet défini par le
jeu classique des échelles (lecture du territoire, définition dun plan-masse,
conception architecturale, réalisation des détails), il ne se limite pas non
plus à lapplication dune solution technique, il nest ni un projet qui
s’impose uniquement par des concepteurs ou inversement qui ne naît que
de la pratique des usagers. Il sagit plutôt dun espace intermédiaire, de
dialogue et de négociation, où tous les acteurs du territoire (de lhabitant au
concepteur, du politique au gestionnaire) peuvent trouver matière à projet
à leur échelle, dans leurs domaines et en fonction de leurs pratiques. Le
transect apparaît comme un décadrage par linterdisciplinarité et les
échanges quil oblige et peut-être même comme une critique implicite du
zonage et de ses règlements, pour remettre au centre des débats les
singularités locales et les pratiques habitantes, afin de travailler le devenir
des choses par et avec leur milieu en quelque sorte. Renforçons alors
l’hypothèse qu’un bâtiment, un quartier, un territoire ne sera durable qu’à
une double condition :
d’une part, que les transformations architecturales, urbaines, paysagères
ou culturelles s’appuyent sur des qualités et des potentiels existants, quil
convient didentifier et de mobiliser dans une logique de projet ;
d’autre part, que les citadins soient impliqués dans le processus de
formulation et d’appropriation de ces transformations.
146 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
Figure 5.8. « Chaleurs urbaines » : zoom sur une coupe au niveau des berges de l’Isère
Transects urbains. Pour une écriture corrélée des ambiances et de l’environnement 147
Entre le grand récit d’une ville, et les micro-récits d’usages, le transect
urbain, dans sa capacité à ouvrir sur une dimension narrative acceptant la
juxtaposition en fragments et par sa prise en compte de la dimension
atmosphérique, pourrait peut-être nous aider à mieux penser ensemble les
ambiances et l’environnement urbains en particulier, et peut-être quelques
traits de l’expérience du monde urbain en général.
Bibliographie
Amphoux, P. « L’innovation architecturale nest pas toujours là où on l’attend »,
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148 Les sens de la ville : théories, expériences et mesures
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recherche, (113), 2007, p. 8-39.
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architecturales et urbaines dans les approches environnementalistes. Rapport de recherche
pour le compte du PIRVE (CNRS et PUCA). Grenoble : Cresson, 2011, 250 p.

Supplementary resource (1)

... Although food is an emerging, even orphaned subject in French urban and metropolitan planning policies, it does not leave the inhabitants indifferentquite the contrary. This is the observation shared by all the participants of the Grenoble transect (Tixier, 2016) on 23 May 2018. On that day, twenty researchers, associations and agricultural, food and/or urban professionals met to cross the Grenoble metropolitan area and meet the places of production, housing, commercialization etc. and its inhabitants with the aim of grasping the relationship between the urban agglomeration and its agricultural and food systems. ...
... The restitution of these sections facilitates public debate on these issues. This method, inspired by the work of the Scottish geographer Patrick Geddes (1925) and more recently explained by Nicolas Tixier (2016), has given rise to various practical applications in recent years and transects have been developed in various contexts ranging from urban planning projects to scientific research (Pousin et al., 2016) and educational experiences. It is a transversal approach valued by schools of architecture but intrinsically open to other disciplines. ...
Article
Full-text available
Our contribution aims at pointing out how the food issue challenges metropolitan areas while at the same time identifying potential for sustainable urban planning. To that end, we investigate to what extent taking into account agricultural and food-related issues enables to rethink urban planning which is usually qualified as sustainable. Our analysis will be based upon the two French urban regions of Grenoble and Caen where participatory research was conducted through collective and prospective walks. These urban explorations, which provide insights on metropolitan spaces and the interrelations that underlie them, underly the disconnections of contemporary urban planning with the inhabitants, their vital needs and, more generally, the soil, while highlight working paths for a more nourishing, meaningful and rooted urban planning. By considering urban planning through the scope of agri-food stakes, we contribute then to the renewal of urban concepts and thus highlight three workshops aiming at further developing sustainable urban planning issues and tools.
... Si l'alimentation est un sujet émergent, voire orphelin, des politiques de planification urbaine et métropolitaine, il ne laisse pas pour autant les habitante-s indifférent-e-s -bien au contraire. Tel est le constat partagé par l'ensemble des participant-e-s au transect (Tixier, 2016) grenoblois du 23 mai 2018 réalisé dans le cadre du PSDR FRUGAL 1 . Ce jour-là en effet une vingtaine de chercheure-s, d'associatifs, de professionnel-le-s de la question alimentaire et/ou urbaine s'étaient donné rendez-vous pour traverser de part en part la métropole grenobloise et aller à la rencontre des paysages agriurbains et des habitant-e-s avec comme objectif de prendre le pouls de la relation entre la métropole et son système alimentaire. ...
... La restitution de ces coupes permet la mise en débat public de ces problématiques. Cette méthode inspirée des travaux du géographe écossais Patrick Geddes (Geddes, 1925) et explicitée plus récemment par Nicolas Tixier (Tixier, 2016), a donné lieu à différentes mises en pratiques sur ces dernières années et des transects ont été développés dans des cadres divers allant du projet d'urbanisme (Tixier, 2010-12) à la recherche scientifique (Pousin, 2014 en passant par l'expérience pédagogique . C'est une approche transversale prisée par les écoles d'architecture mais intrinsèquement ouverte à d'autres disciplines (Pousin et al., 2016). ...
... ] implique immédiatement une critique des concepts à connotation visuelle qui prédomine dans tout discours rationnel, qui ac-5. Voir le travail de coupes temporelles de Noha Gamal Saïd (Said, 2014), la méthode du transect urbain (Tixier, 2016), les représentations thermiques, lumineuses, aérauliques de Philippe Rahm (Rahm, 2015), ou encore le rapport au corps dans l'espace dans les coupes architecturales (Claude Parent et Paul Viriolio ont fait figure de pionniers sur la question avec la théorie de la fonction oblique) compagne la production de l'espace, et , très souvent , structure les analyses de l'espace urbain » (Augoyard & Liochon, 1978) Ainsi, il n'est pas question ici de déclarer le son et l'espace sonore comme un espace perçu indépendant et individuel, mais plutôt comme une facette du prisme de la perception que nous pouvons explorer et exploiter comme une ressource pour l'analyse et la prospective architecturale et urbaine. ...
Thesis
Cette thèse de doctorat en architecture s'inscrit dans le champ des recherches sur les phénomènes sensibles et les environnements vécus menées par le laboratoire AAU et l'équipe CRESSON depuis plusieurs années. Ce travail a plus spécifiquement pour objet l'étude de l'espace sonore en tant que paramètre de l'environnement physique et de la qualité de vie des espaces qui y sont associés. Ainsi, partant de l'espace sonore, nous avons tenté d'élargir les interrogations induites par la prise en compte des phénomènes physiques afin d'y faire rentrer d'autres considérations tout aussi importantes pour la qualité des espaces vécus - à travers le lien social, la notion d'intimité, les rapports de perception proches et lointaines ou plus largement l'enjeu de l'expérience subjective, toujours en relation avec le contexte environnant.Nous avons pour objectif de tester dans quelle mesure le son peut être un médium approprié à une prise en compte plus large des ambiances dans la conception architecturale en favorisant une posture -au sens propre comme au sens figuré- du concepteur. Ceci lui confère une autre relation avec l'environnement projeté en décadrant son rapport au projet. Le développement d'un outil numérique et les interrogations que cela suscite nous pousseront également à envisager l'apparition des nouveaux outils de conception et d'évaluation numériques dans l'environnement du concepteur spatial comme un élément potentiel de redéfinition des modes de projet en renouvelant une réflexion sur la qualité des ambiances et des espaces vécus.Pour cela, nous avons développé un logiciel appelé "EsquisSons" permettant d'esquisser l'environnement sonore. Il a été testé à travers des expérimentations en contexte qui ont pris la forme d'ateliers ou d'expériences impliquées. Cela nous a permis de parcourir et de questionner le processus du projet architectural de la conception jusqu'à l'évaluation à travers le prisme du sonore et de l'outil numérique "en acte" ce qui se traduit par les questions suivantes : Comment le son peut-il être associé à un ou des vecteurs particuliers de prise en compte des espaces vécus au-delà des évaluations quantitatives acoustiques traditionnelles ? et : Quels peuvent-être la place et le potentiel de l'outil numérique dans une perspective de prise en compte des ambiances dans le projet architectural ?Nous avons choisi de répondre à ces questions à travers l'observation de trois corpus, tous associés à l'outil. C'est l'outil lui-même qui constitue le premier corpus, il s'agit d'analyser et d'expliciter ses évolutions du début à la fin de la recherche. Le second corpus est constitué des observations menées lors des ateliers et des productions des participants. Le troisième et dernier corpus regroupe les autres expériences que nous avons pu mener avec EsquisSons en dehors des ateliers et qui nous sont apparues pertinentes pour appuyer nos observations.Les différents temps de progression du développement de l'outil, à travers les questionnements, les améliorations, les ajouts dont il a fait l'objet, ainsi que l'analyse des observations menées concernant son utilisation nous ont permis de tester nos hypothèses et de montrer le potentiel, mais aussi les limites des outils numériques et du sonore pour la conception architecturale dans une perspective sensible.
... Par exemple, en octobre 2015, les étudiants-es du master « design urbain » de l'Institut d'Urbanisme de Grenoble et ceux du master « design & espace » de l'École Supérieure d'Art de l'Agglomération d'Annecy ont parcouru à pied le Sud de l'agglomération grenobloise 1 . A l'issue de ces trois jours de marche exploratoire le long de lignes abstraites, préalablement définies en atelier et que nous appelons transect (Tixier, 2015), une restitution a été organisée sous la forme d'une « table longue », première expression des rencontres, émotions, réflexions et intentions de projets . Ce même dispositif de transect et de table longue a aussi été déployé dans le grand Rovaltain Ardèche -Drôme 2 , dans le Centre Ardèche 3 comme dans l'Ouest genevois 4 . ...
... To conclude, we propose a protocol for observing and enhancing the abiotic landscape values of the agglomeration in the system of valleys, on the slopes of the massifs and on the areas considered as "mountain". We follow a transect method (Tixier, 2016), inspired by geological and geomorphological sections, which is a path along a line drawn on a map crossing the roughly defined sets. This will involve moving along the defined line and making stops where participants will take photographs and collect rocks and abiotic materials. ...
Article
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This paper presents an architecture teaching approach intended to final year architecture students, which is based on a human-centered design perspective, while respecting environment in all its compounds. The present work claims, as a hypothesis, that to design inclusive projects, it is worthy to develop in future architects' capacity to analyze and reconcile both environment requirements and users' needs as well. The large array of environment key elements and the complexity of users' global apprehension, make it crucial for the future architects and urban planners to control the appropriate set of analysis methodologies and put to contribution the most efficient design tools. The pedagogical approach we deal with in this article, educates students in empathy, listening, and developing an open-mindedness that according to this study, allows them design better inclusive spaces. I am adopting such a vision for several years now, and I am experimenting pedagogical strategies and tools accordingly, either within the final year Architectural Design Studio I share with other colleagues, or during the Seminar I offer to the same audience. In trying to subscribe to a perspective of action research and reflexivity, I chose to present in this paper the analysis of four architectural dissertations addressing inclusive design concerns. This analysis aims to fathom how experienced analysis tools, such as SWOT grid, urban transect and qualitative social survey, as well as design tools, such as sequential approach of space, functional analysis and value creation tools, may help final year architecture students better analyze and design inclusive projects.
Thesis
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Le vent joue un rôle important dans différentes disciplines, parmi lesquelles l’ingénierie, l’architecture et l’urbanisme. Ses représentations dans ces champs sont principalement visuelles. Elles permettent de comprendre l’influence du phénomène sur le projet. Néanmoins nous pensons qu’elles peuvent être réductrices de sa dimension sensible. Cette dimension peut être mieux identifiée par d’autres moyens d’expression, tel que la peinture et le cinéma. En plus de ces représentations visuelles et audiovisuelles, il existe aussi des questionnements sur la restitution tactile du vent au moyen de la réalité virtuelle. Notre thèse a pour objectif d’explorer ces différents modes de représentation du vent qui peuvent transmettre une intention d’ambiance. Nous avons utilisé pour ce faire une plateforme de réalité virtuelle dans laquelle nous avons adapté un système de ventilateurs commandés numériquement depuis la scène virtuelle. Nous y avons évalué la compréhension des effets du vent et leur incidence sur le sentiment de présence. Dans un premier temps, nous avons étudié la perception en fonction de quatre types de représentation. Nous avons trouvé que les situations qui incluaient une restitution tactile du vent ont favorisé la compréhension des propriétés du vent ainsi que l’augmentation du sentiment de présence dans la scène. Dans un second temps nous avons analysé la perception de la force et la direction du vent par rapport à l’échelle de force de Beaufort. Les résultats ont montré une surestimation de la force du vent par rapport à l’échelle.
Chapter
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The transect is presented as a device between the section and the sensible route, hybridizing both techniques; the transect is constructed by drawing, photography, text, video, just as it is practiced in situ. Rehabilitating the atmospheric dimension in urban representations, enabling the registration of stories and discussion among disciplines, the transect can become a way of questioning and expressing the sensitive space as well as practices that articulate the analysis and design. El transecto se presenta como un dispositivo situado entre la sección y el recorrido sensible, hibridando ambas técnicas; el transecto se construye mediante el dibujo, la fotografía, el texto, el vídeo, del mismo modo que se practica in situ. Rehabilitando la dimensión atmosférica en las representaciones urbanas, haciendo posible la inscripción de los relatos y el debate entre las disciplinas, el transecto puede convertirse en una forma de cuestionamiento y de expresión del espacio sensible así como de las prácticas que articulan el análisis y la concepción.
Article
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The construction of a new infrastructure on a territory is commonly dealt with in a dual logic: The layout on one hand, and the compensation of occasional pollutions on the other. More generally, it raises a set of issues that stimulates several research fields such as ecology, socio-ethnology of usages, and landscape urbanism. There is a challenge for the development of the 21st century territories in connecting these fields, in articulating them in theory and through action. Based on the research D-TRANSECT – programming ITTECOP 2012, this article outlines the methodology of the urban transect, a sensitive methodology that captures in one single gesture the different stakes specific to each of the research fields involved in an infrastructure project. Such a methodology enables us to develop a tool capable of organizing a multi-stakeholder debate around the sites of projects that are not determined right away by the layout of the infrastructure, but rather defined by taking advantage of opportunities in the territory, particularly the wastelands. So the infrastructure project goes beyond just the project of a layout. It opens towards project forms that can’t just be expressed in the space of a plan and requires new tools and procedures of expression. Through three different types of transects, the article will analyze the advantages of the transect as a tool for interdisciplinary dialogue. How do the approaches make the disciplines interact and alter one and another? It will also analyze the advantages of the transect as a tool for dialogue among the many stakeholders (experts, residents, professionals). Finally, it will show how such a dialogue, embedded in an original “long table”, helps to anchor the projects in a participatory process that renews the consultation practices.
Article
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Au début du XXe siècle, les idées de Patrick Geddes sont à l'origine d'une des premières théories de l'aménagement régional, un champ de la connaissance où son influence est largement reconnue. Suivant une démarche paysagère, il fonde son modèle graphique de la Valley Section (coupe de vallée). C'est, à la fois, une coupe longitudinale de vallée aménagée et une métaphore de la dimension géographique du progrès économique et social que Geddes veut promouvoir. Des géographes comme Gary Dunbar et Claude Raffestin ont affirmé que l'idée de cette Valley Section s'inspire du modèle du «bassin fluvial» d'Élisée Reclus avec qui Geddes a entretenu une longue et amicale collaboration que l'on peut suivre à travers les textes de leurs archives.
Thesis
Cette recherche interroge les enjeux heuristiques et opérationnels de la vidéo dans la pratique de l'urbanisme. Pour ce faire, elle opère une rencontre entre la notion d'ambiances architecturales et urbaines, telle qu'elle est développée au CRESSON, et les concepts d'image-mouvement et d'image-temps développés par Deleuze. Puis elle propose de rendre cette rencontre effective dans le cadre de la pratique de l'urbanisme à travers le compositing numérique, technique de manipulation des images animées.L'hypothèse qui guide cette recherche est qu'il est possible de définir une image-composite capable de faire valoir et de mettre en débat des phénomènes d'ambiances spécifiques aux territoires étudiés. Cette hypothèse se formalise autour de deux corpus, le premier est issu d'une pratique artistique de la vidéo qui motiva la mise en place de ce projet de thèse, le deuxième est issu d'une pratique de la vidéo en agence d'urbanisme qui s'effectua tout au long de cette recherche.Ce travail permet de valoriser la vidéo comme support de connaissance d'un côté et comme posture de projet de l'autre. Support de connaissance, car la vidéo offre la possibilité de renouveler l'approche phénoménologique en vigueur dans le champ des ambiances par une appréhension des phénomènes sensibles dans le temps de leur actualisation. Posture de projet, car la vidéo est susceptible de reconfigurer les modalités relationnelles en œuvre dans les dynamiques d'analyse et de conception de l'espace et du territoire
Article
Landscape and temporality are the major unifying themes of archaeology and social‐cultural anthropology. This paper attempts to show how the temporality of the landscape may be understood by way of a ‘dwelling perspective’ that sets out from the premise of people's active, perceptual engagement in the world. The meaning of ‘landscape’ is clarified by contrast to the concepts of land, nature and space. The notion of ‘taskscape’ is introduced to denote a pattern of dwelling activities, and the intrinsic temporality of the taskscape is shown to lie in its rhythmic interrelations or patterns of resonance. By considering how taskscape relates to landscape, the distinction between them is ultimately dissolved, and the landscape itself is shown to be fundamentally temporal. Some concrete illustrations of these arguments are drawn from a painting by Bruegel, The Harvesters.
Pratiques vidéographiques et ambiances urbaines, Doctorate supervised by Jean-Paul Thibaud and Nicolas Tixier, Laboratoire Cresson, in collaboration with Agence InterLAND, with a scholarship from CIFRE
  • Guillaume Meigneux
Guillaume Meigneux, Pratiques vidéographiques et ambiances urbaines, Doctorate supervised by Jean-Paul Thibaud and Nicolas Tixier, Laboratoire Cresson, in collaboration with Agence InterLAND, with a scholarship from CIFRE, 2010-2012.