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Revue générale
Vecteurs du paludisme :
biologie, diversité, contrôle et protection individuelle
Vectors of malaria: biology, diversity, prevention, and individual protection
F. Pages
a,*
, E. Orlandi-Pradines
b
, V. Corbel
c
a
Unité d’entomologie médicale, IMTSSA le Pharo BP 46, 13998 Marseille-Armées, France
b
Unité de recherche en biologie et épidémiologie parasitaire, IMTSSA le Pharo BP 46, 13998 Marseille-Armées, France
c
Laboratoire de lutte contre les insectes nuisibles, institut de recherche pour le développement, 911, avenue Agropolis, 34394 Montpellier cedex 05, France
Reçu et accepté le 9 octobre 2006
Disponible sur internet le 15 février 2007
Résumé
Seuls les moustiques du genre Anopheles assurent la transmission du paludisme. Parmi les nombreuses espèces d’anophèles, seule une cin-
quantaine joue actuellement un rôle dans la transmission ; 20 assurant l’essentiel de la transmission dans le monde. La diversité des comporte-
ments entre espèces et au sein d’une même espèce d’anophèles ainsi que les conditions climatiques, géographiques et l’action de l’homme sur le
milieu conditionnent le niveau du contact homme–vecteur et les différents faciès épidémiologiques du paludisme. Les anophèles sont avant tout
des moustiques ruraux et se rencontrent en théorie moins en ville. Dans la pratique, l’adaptation de certaines espèces au milieu urbain et la
pratique du maraîchage dans ou à la périphérie des grandes agglomérations sont à l’origine de la persistance de populations anophéliennes en
ville. En dehors de l’Asie du sud-est, le paludisme urbain est une réalité. Le risque de transmission du paludisme est hétérogène et varie au cours
du temps. Il existe une grande variation du risque au sein d’un même pays, d’une même zone voire à seulement quelques kilomètres de distance.
La transmission varie au cours du temps selon les saisons mais aussi selon les années en fonction du niveau des événements climatiques. Pour le
voyageur, la lutte doit reposer en toute circonstance aussi bien en milieu rural qu’urbain, sur l’application stricte des mesures de protection
individuelle.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Only the Anopheles mosquitoes are implicated in the transmission of malaria. Among the numerous species of anopheles, around fifty are
currently involved in the transmission. 20 are responsible for most of the transmission in the world. The diversity of behavior between species
and in a single species of anopheles as well as climatic and geographical conditions along with the action of man on the environment condition
the man vector contact level and the various epidemiological aspects of malaria. The anopheles are primarily rural mosquitoes and are less likely
to be found in city surroundings in theory. But actually, the adaptation of some species to urban surroundings and the common habit of market
gardening in big cities or in the suburbs is responsible for the de persistence of Anopheles populations in town. Except for South-East Asia, urban
malaria has become a reality. The transmission risk of malaria is heterogeneous and varies with time. There is a great variation of risk within a
same country, a same zone, and even within a few kilometers. The transmission varies in time according to seasons but also according to years
and to the level of climatic events. For the traveler, prevention at any time relies on the strict application of individual protection, as well in rural
than in urban surroundings.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Paludisme ; Anopheles
Keywords: Malaria; Anopheles
http://france.elsevier.com/direct/MEDMAL/
Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 153–161
*
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : imtssa.entomo@wanadoo.fr (F. Pages).
0399-077X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.medmal.2006.10.009
1. Introduction
Les moustiques (Diptera : Culicidae) constituent la plus
importante famille de vecteurs d’agents pathogènes. Un vecteur
n’est pas une simple seringue récupérant un agent pathogène
chez un vertébré pour l’injecter à un autre. C’est un point de
passage obligatoire pour la diffusion de l’agent pathogène qui
va soit « simplement » s’y multiplier (virus) ou y assurer une
part de son cycle (parasites). Les moustiques ont une vie aqua-
tique au stade larvaire puis aérienne au stade adulte. Parmi eux
figurent les anophèles, vecteurs de Plasmodium sp, parasite
responsable du paludisme. Il existe environ 500 espèces
d’anophèles, dont une cinquantaine sont capables de transmet-
tre le paludisme à l’homme [1]. Dans la pratique, 20 espèces
assurent l’essentiel de la transmission dans le monde. Les
autres ne participent pas à la transmission soit parce qu’ils
piquent de préférence l’animal, soit parce qu’ils sont réfractai-
res aux Plasmodiums ou à une souche de Plasmodium. Il existe
une grande variation dans la capacité des différentes espèces
d’anophèles à transmettre les différentes espèces plasmodiales.
Pour des espèces d’anophèle et de plasmodium données, il
existe aussi souvent des différences sensibles de capacité à
transmettre, selon l’origine géographique. Cette capacité est
déterminée génétiquement. Selon les zones géographiques, on
distingue des vecteurs principaux à grande répartition géogra-
phique, des vecteurs d’importance locale et des vecteurs secon-
daires dont le rôle reste à préciser [2].
2. Cycle biologique
Les moustiques femelles ne s’accouplent généralement
qu’une seule fois et conservent le sperme dans des spermathè-
ques tout au long de leur vie pour féconder tous les lots d’œufs
successifs. Elles ont besoin d’un repas sanguin pour porter
leurs œufs à maturité. Le premier repas sanguin est pris entre
le troixième et le sixième jour. Suivant la disponibilité d’un
hôte, une femelle peut parcourir jusqu’à 3 km pour trouver
un repas lui convenant. Si les hôtes sont abondants, les dépla-
cements n’excédent pas quelques centaines de mètres à un kilo-
mètre. La recherche de l’hôte se fait à distance en remontant les
émissions de gaz carbonique puis à proximité en fonction des
odeurs corporelles [3]. Cela explique les différences d’attracti-
vité existantes entre sujets. Selon une étude récente, les por-
teurs de gamétocytes (formes infectantes pour le moustique)
seraient plus attractifs pour An. gambiae (Fig. 1)[4].
Après chaque repas sanguin, la femelle se réfugie dans un
abri, appelé gîte de repos, jusqu’au développement complet des
oeufs (cycle gonotrophique), cela se fait généralement en
48 heures. Quand les œufs sont prêts, elle se met à la recherche
d’une collection d’eau (gîte larvaire). Le type de collection
d’eau varie selon l’espèce d’anophèles (taille, exposition
solaire, collection artificielle ou naturelle, temporaire ou per-
manente, avec ou sans végétation) mais il s’agit la plupart du
temps d’eau douce, non polluée et peu agitée (Fig. 2). Ces
caractéristiques font que les anophèles sont principalement
des moustiques ruraux ou des périphéries urbaines et que le
risque de transmission du paludisme est plus élevé en milieu
rural qu’urbain. Toutefois, le développement récent et plus ou
moins anarchique des cultures maraîchères au sein même des
grandes agglomérations africaines sont autant d’éléments qui
peuvent contribuer à augmenter la densité des anophèles vec-
teurs en milieu urbain et par conséquent les risques de trans-
mission du paludisme.
Les œufs sont pondus un par un sur la surface de l’eau. Ils
sont reconnaissables à leurs minuscules flotteurs sur les côtés.
La femelle alterne ponte et repas sanguin tout au long de sa vie
(deux mois en moyenne en élevage, un mois en moyenne dans
la nature). Quand les conditions extérieures ne permettent plus
le développement des œufs ou la survie des adultes (absence de
gîte, hygrométrie trop basse, température trop fraîche en zone
tempérée etc.), certaines femelles vont attendre jusqu’à six
mois (estivation ou hivernage) la venue de conditions plus
favorables et dès leur survenue, iront à nouveau pondre assu-
rant le maintien de l’espèce dans une zone pourtant défavorable
à sa survie une grande partie de l’année.
Fig. 1. Anophèles gambiae (copyright : « IRD, Dukhan »).
Fig. 1. Anopheles gambiae (copyright: “IRD, Dukhan”).
Fig. 2. Gîtes à An. gambiae s.s. Guiglo Côte-d’Ivoire 2003 (copyright
« collection personnelle F. Pagès »).
Fig. 2. An. gambiae s.s. breeding sites in Guiglo Côte-d’Ivoire 2003 (copyright
“F. Pagès personal collection”).
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Une fois le gîte larvaire choisi, de chaque œuf sortira une
larve qui a un mode de vie exclusivement aquatique. Après
quatre stades larvaires, la larve donnera une nymphe d’où
émergera un individu adulte (imago). De l’œuf à l’adulte, il
s’écoule entre huit jours (à 31 °C) et 20 jours (à 20 °C).
Après l’émergence, les femelles sont fécondées puis partent à
la recherche d’un repas de sang. Les mâles restent à proximité
des gîtes larvaires attendant l’émergence de nouvelles généra-
tions de femelles pour les féconder. Parmi les femelles, on dis-
tingue schématiquement celles qui préfèrent se nourrir à l’inté-
rieur (endophagie), celles qui se nourrissent à l’extérieur
(exophagie) et des femelles qui se reposent soit à l’intérieur
(endophiles) soit à l’extérieur (exophiles). Ces caractéristiques
varient d’une espèce à l’autre mais varient aussi au sein d’une
même espèce selon la localisation géographique [5]. Ce para-
mètre est d’ailleurs déterminant dans la mise en place des stra-
tégies de lutte contre les anophèles.
Les femelles piquent dès la tombée de la nuit jusqu’au lever
du jour mais les pics d’agressivité varient selon l’espèce, selon
l’endroit. Seules les espèces du sous-genre Kerteszia en Amé-
rique du sud ont une activité diurne (An. cruzii,An. bellator,
etc.) [6]. Le vol des anophèles est silencieux et la piqûre est
décrite comme indolore par opposition aux piqûres beaucoup
plus prurigineuses des autres genres de moustiques.
3. Infection
Si une femelle prend son repas sur un porteur de gamétocy-
tes et si les conditions extérieures le permettent, les Plasmo-
diums vont se développer et se multiplier chez le moustique
(cycle sporogonique ou extrinsèque). Une fois infectée (pré-
sence de sporozoïtes dans les glandes salivaires), la femelle le
reste toute sa vie et infecte ses hôtes à chacun de ses repas
sanguins jusqu’à sa mort.
La capacité vectorielle est un index qui défini la capacité
d’un vecteur à transmettre le paludisme, soit le nombre
d’inoculations secondaires à partir d’une personne infectante,
par jour. La formule de la capacité vectorielle (CV) est la
suivante :
CV ¼
ma a pn
ln p
Cette formule permet de prendre en compte tous les paramè-
tres impliqués dans l’aptitude des anophèles à être infectés et à
transmettre le paludisme :
●la densité du vecteur dépend des conditions climatiques
(température, hygrométrie) et géographiques (variations
saisonnières) ;
●le degré d’anthropophilie (goût pour le sang humain) varie
selon les espèces : certaines se nourrissent préférentielle-
ment sur chien, sur bœuf ou sur homme tandis que d’autres
n’ont pas de préférences trophiques marquées. L’anthropo-
philie varie selon les espèces mais aussi au sein d’une même
espèce. Ainsi, An. arabiensis peut selon les zones d’Afrique
être principalement zoophile et ne jouer aucun rôle dans la
transmission du paludisme ou être plus anthropophile et
jouer un rôle majeur dans la transmission. Ces comporte-
ments peuvent évoluer et des anophèles compétents pour
transmettre les plasmodiums mais ne jouant aucun rôle car
principalement zoophile peuvent modifier leur comporte-
ment et entrer dans le cycle de la transmission si leur source
habituelle de sang disparaît. Ainsi après la grande famine de
1921 en URSS, le pays a connu jusqu’en 1935 une pandé-
mie de paludisme (neuf millions de cas par an) due aux
modifications des comportements des anophèles suite à la
raréfaction du bétail [7]. La proportion des repas faits sur
l’homme dépend à la fois de son accessibilité et de préfé-
rences déterminées génétiquement ;
●la durée du cycle gonotrophique (intervalle entre deux pon-
tes) chez les anophèles est supposée être de deux jours ;
●le taux quotidien de survie prend en compte la parité des
moustiques. Un moustique nullipare (qui n’a pas encore
pris de repas sanguin ni pondu) ne peut pas transmettre le
paludisme parce qu’il n’a pas encore pu acquérir l’infection
par Plasmodium. Le développement des sporozoïtes prend
en moyenne 12 jours. Il faut au moins six cycles gonotro-
phiques avant d’être en mesure de transmettre le paludisme.
Donc plus une femelle est âgée et plus elle a de risque d’être
infectée : on parle d’âge épidémiologiquement dangereux ;
●la durée de la phase sporogonique varie en fonction du type
de Plasmodium et de la température extérieure. Pour
P. falciparum, il s’écoule entre l’ingestion de gamétocytes
et la présence de sporozoïtes (formes infectantes pour
l’homme) dans les glandes salivaires : 12 jours à 25 °C,
23 jours à 20 °C. En dessous de 18 °C et au-dessus de
33 °C, le cycle s’arrête ;
●pour qu’une femelle devienne infectante et puisse transmet-
tre, il faut donc qu’elle ait une durée de vie supérieure au
cycle sporogonique.
4. Faciès épidémiologique
La répartition du paludisme dans le monde dépend en partie
des caractéristiques intrinsèques du vecteur (compétence vecto-
rielle) et de sa capacité vectorielle. La compétence vectorielle
se définit par l’aptitude intrinsèque d’une espèce d’anophèle à
assurer le développement complet du parasite (du stade ooci-
nète dans l’estomac moyen au stade oocyste dans l’épithélium
et éventuellement jusqu’au stade de sporozoïte infectant dans
les glandes salivaires). L’incapacité de Plasmodium de se déve-
lopper chez certaines espèces de moustiques peut être causée
par l’absence chez ce moustique de facteurs métaboliques
indispensables au développement parasitaire, mais elle peut
également résulter de la présence de toxines qui inhibent acti-
vement la croissance du parasite. Les mécanismes immunitai-
res chez le moustique jouent un rôle important dans la compé-
tence vectorielle (en perturbant par exemple la formation ou le
développement du parasite).
La présence de vecteurs dépend de conditions locales qui
expliquent une part importante de l’hétérogénéité de la distri-
bution du paludisme [8].
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Dans le monde, on distingue des zones non impaludées sans
anophèles (continent antarctique, Groenland, Islande, Polynésie
centrale et orientale), des zones non impaludées avec anophèles
(Anophélisme sans paludisme) et des zones d’endémie palustre.
L’anophélisme sans paludisme (Europe et Amérique du nord)
regroupe des zones avec des anophèles non-vecteurs et des
zones avec des anophèles anciennement vecteurs de souches
plasmodiales qui ont disparu au cours des siècles ou qui ont
été éradiquées au cours du programme mondial d’éradication
du paludisme (1960–1970) [9]. Dans ces zones, subsistent des
anophèles qui ont assuré au cours des siècles la transmission des
différentes espèces de plasmodium et dont la capacité à trans-
mettre des souches de même espèce, originaires d’autres conti-
nents, ne doit pas être négligée. Dans les zones d’endémie palus-
tre (zones intertropicales), différentes tentatives de classification
ont été proposées. Basées sur des indices cliniques (indice splé-
nique, Kampala 1950) ou parasitologique (indice parasitaire,
Yaoundé 1962), elles ne prenaient pas en compte la composante
vectorielle ni l’apparition d’une immunité de prémunition et les
variations de ces indices n’avaient pas les mêmes significations
suivant les régions où sévissent les plasmodies. En 1984, Carne-
vale et al. ont proposé le concept de faciès épidémiologique pour
l’Afrique de l’Ouest, concept étendu ensuite à toute l’Afrique et
généralisé en 1992 [8,10]. La classification épidémiologique est
dorénavant locorégionale. Un faciès épidémiologique est un
ensemble de lieux et régions où le paludisme présente dans ses
manifestations pathologiques des caractères communs liés aux
modalités de transmission du parasite. En conséquence, dans
ces lieux, la stabilité de la maladie, la prévalence parasitaire,
l’incidence clinique et les paramètres entomologiques définis
par l’indice de stabilité du paludisme, St, y sont similaires. St
est une estimation du nombre de piqûres sur homme effectuées
par un moustique pendant toute sa vie. Il repose sur a, le nombre
de sujets humains piqués par la même femelle en une nuit et sur
1/-ln p, l’espérance de vie des anophèles [2].
Indice de stabilité du paludisme ¼St ¼
a
ln p
On distingue ainsi des « faciès primaires » stables, intermé-
diaires et instables.
Dans les zones de transmission élevée (de l’ordre d’une cen-
taine à quelques centaines de piqûres infectantes par personne
et par an) et régulière, la morbidité et la mortalité sont concen-
trées chez les jeunes enfants. C’est la situation de « paludisme
stable », St>2,5, décrite par McDonald en référence à la diffi-
culté d’arrêter la transmission et d’éradiquer le parasite [11].
Une prémunition est acquise tôt dans l’enfance.
Dans les zones où la transmission est habituellement moins
importante (de l’ordre d’une à quelques dizaines de piqûres
infectantes par personne et par an), St est compris entre 0,5 et
2,5, on parle de stabilité moyenne ou intermédiaire. Il peut
exister de brefs pics de transmission intense et de grandes
variations saisonnières dans l’aspect épidémiologique du palu-
disme. La morbidité et la mortalité touchent alors des enfants
jeunes mais aussi plus âgés ; les adultes sont plus souvent
malades. La prémunition est lente à s’établir.
Dans les conditions où la transmission est très basse (moins
d’une piqûre infectante par personne et par an) ou interrompue
pendant plusieurs années, la prémunition ne peut s’établir dura-
blement et le paludisme peut se manifester sur le mode épidé-
mique. La morbidité et la mortalité concernent alors indistinc-
tement toutes les classes d’âge de la population. C’est le
« paludisme instable », St<0,5.
Appliqués à un continent ces faciès permettent de découper
celui-ci en strates épidémiologiques. C’est ainsi qu’il est
convenu de diviser l’Afrique au sud du Sahara en six strates
majeures : équatoriale, tropicale, sahélienne, subdésertique,
australe et montagnarde. La sous-région indochinoise peut-
elle être subdivisée en quatre strates : les zones d’altitude, les
zones de collines et de plateaux, des zones de plaine et les
régions côtières. Mais à l’intérieur de ces strates la situation
n’est pas homogène. Il faut tenir compte de modulateurs natu-
rels de la transmission (cours d’eau, retenues et salinité, nature
des sols) et des modulations induites par l’homme (déforesta-
tion, barrages, irrigation, stabulation des bétails, urbanisation et
lutte antivectorielle) qui peuvent changer radicalement les
conditions de transmission (jusqu’àl’éradication dans certaines
îles tropicales ou la réintroduction sur le mode épidémique
après arrêt du contrôle) [8].
5. Diversité entre espèces
La nature des sols, leur pente, le régime des pluies, le cou-
rant, la température et donc l’altitude, la salinité de l’eau, la
présence de prédateurs et la végétation naturelle ou l’agriculture
rendent les gîtes larvaires plus ou moins propices aux espèces
vectrices et conditionnent leur reproduction dans un écosys-
tème donné. Les larves d’Anopheles gambiae ont besoin pour
se développer d’eau douce, peu chargée en matière organique,
calme et ensoleillée. L’eau retenue dans les traces de pas à la
saison des pluies est un gîte classique pour cette espèce. Les
larves d’An. funestus ont-elles besoin d’abris végétaux de
même que les larves d’An. albimanus en Amérique. L’évolu-
tion de la végétation permet à certaines espèces de se succéder
au cours des saisons : ainsi en Afrique dans les rizières, les
espèces héliophiles du complexe gambiae prolifèrent lors de
la mise en eau et du repiquage et sont remplacées au fur et à
mesure de la croissance du riz par des espèces umbrophiles
telles An. funestus et An. pharoensis. Certaines espèces préfè-
rent les eaux saumâtres côtières : An. melas et An. merus en
Afrique, An. Aquasalis en Amérique du sud et An. Sundaïcus
en Asie du Sud-est [12].D’autres espèces se sont adaptées à
des eaux courantes plus ou moins rapides telles An. nili et
An. moucheti en Afrique et An. minimus en Asie du Sud-est.
D’autres ont pu s’adapter à des milieux particuliers comme le
milieu urbain. Ce fut le cas pour An. arabiensis qui supporte
des eaux polluées dans des villes d’Afrique de l’ouest ou
d’An. stephensi qui se développe dans les réservoirs d’eau des
villes du sous-continent indien [13]. De même, des populations
d’An. minimus, moustique classiquement rural et d’eau vive,
sont retrouvés dans des citernes d’eau stagnantes à Hanoi. Les
anophèles du sous-genre Kerteszia en Amérique du sud pon-
dent leurs œufs dans les collections d’eau de plantes tropicales
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épiphytes accrochées aux branches des forêts d’Amérique du
sud et centrale (les broméliacées) et sont responsables du palu-
disme dit des broméliacées [14]. La présence de gîtes favora-
bles détermine la présence des espèces et la répartition du palu-
disme. En Asie du Sud-est, le paludisme est rare ou absent dans
les zones rizicoles qui présentent peu de gîtes favorables aux
deux vecteurs principaux (An. minimus et An. dirus) et sévit
essentiellement dans les zones boisées et les collines forestières
où ruisseaux et collections d’eaux ombragées abondent.
En zone d’endémie palustre, il est classique de considérer les
grandes villes modernes comme peu propices à la transmission
du paludisme du fait de la rareté des gîtes naturels et aussi du
niveau de pollution des gîtes potentiels. Si le paludisme est
absent des villes du sud-est asiatique, An. stephensi est respon-
sable de la transmission du paludisme dans bon nombre de villes
du sous-continent indien (Calcutta, Delhi, Madras, Bangalore,
Salem etc.) et An. gambiae s.s.et/ouAn. arabiensis assurent la
transmission dans la plupart des grandes villes modernes africai-
nes [2,13,15]. Classiquement, l’agressivité des anophèles et
l’incidence du paludisme diminuent de la périphérie au centre
des villes africaines [16,17]. Ces données doivent être relativi-
sées notamment du fait des possibilités d’adaptation des anophè-
les à des gîtes artificiels, de la présence dans de nombreuses
villes de jardins maraîchers (Fig. 3) ou horticoles plus seulement
en périphérie mais aussi à l’intérieur des villes qui produisent
tout au long de l’année (Abidjan : une piqûre infectée par
homme par semaine) ou à la saison humide (Dakar : une piqûre
infectée par homme par semaine en moyenne durant l’hivernage
de septembre à novembre 2005 ; F. Pagès communication per-
sonnelle) des populations anophéliennes suffisantes pour assurer
la transmission [18,19]. De plus, on observe souvent dans ces
zones de forts niveaux de résistance des anophèles aux insecti-
cides de part l’utilisation massive et souvent anarchique des pes-
ticides pour la protection des cultures [20].
6. Perspectives en Europe
Des données de laboratoire anciennes suggéraient que les
anophèles européens n’étaient pas aptes à cette transmission.
Ainsi, An. labranchiae et An. sacharovi, vecteurs naturels de
P. falciparum en Europe méditerranéenne (30 % des cas en
corse dans les années cinquante) n’avaient pas été capables
lors d’une étude de transmettre des souches africaines de
P. falciparum. Depuis, la responsabilité d’un anophèle indigène
An. plumbeus a été prouvé dans la survenue de deux cas de
paludisme autochtone en Allemagne et de nouvelles études
sur la compétence vectorielle des anophèles européens sont
en cours [21,22]. Aux États-Unis, 156 cas de paludisme
autochtone sont survenus depuis l’éradication dans les années
1950 [23]. Depuis 2000, on assiste en fédération de Russie à
une reprise de la transmission du paludisme à Plasmo-
dium vivax dans la région de Moscou : 206 cas autochtones soit
24 % des cas de 2000 à 2005 [24]. Si actuellement le palu-
disme menace principalement les voyageurs en zone intertropi-
cale, les possibilités d’une résurgence en Europe existent que
ce soit par l’importation de souches plasmodiales transmissi-
bles par des vecteurs autochtones européens ou de vecteurs
d’autres continents profitant des modifications climatiques
pour augmenter leur zone d’expansion.
7. Complexe d’espèce
Les complexes d’espèces regroupent des espèces jumelles
non différentiables à l’aide de critères morphologiques connus
quel que soit leur stade. Mêmes au sein d’un complexe, on
retrouve des différences plus ou moins sensibles dans les com-
portements mais aussi dans les aptitudes à transmettre. En
Afrique subsaharienne, les vecteurs du paludisme se répartis-
sent entre le complexe gambiae (sept espèces dont deux seule-
ment vectrices : An. gambiae s.s. et An. arabiensis), le groupe
funestus (neuf espèces dont deux vectrices : An. funestus s.s. et
An. rivulorum), le groupe nili (quatre espèces dont trois
vectrices : An. nili s.s., An. carnevalei et An. ovengensis)[25–
27]. En Tanzanie et en Afrique du Sud, après un programme de
lutte destiné à lutter contre des populations endophages
d’Anophèles funestus, on a constaté la persistance de popula-
tions qui semblaient devenues exophages et hors d’atteinte de
la lutte menée. Il s’est avéré, après une étude minutieuse des
individus persistants, qu’il s’agissait d’autres membres du
groupe funestus non-vecteurs ou très mauvais vecteurs
(An. parensis,An. rivulorum ou An. vaneedeni selon la région)
[28].An. funestus avait bien été éliminé. Cela souligne l’impor-
tance des outils moléculaires dans le quotidien de la lutte.
8. Lutte antivectorielle
8.1. Historique
Depuis l’antiquité, l’homme a cherché à se protéger contre
l’agression des vecteurs mais ses efforts restaient cependant
limités à la destruction ou à l’aménagement des biotopes favo-
Fig. 3. Jardins maraîchers et puits le long de la voie ferrée dans Dakar 2006
(copyright « collection personnelle F. Pagès »).
Fig. 3. Market-garden and wells along the railway in Dakar 2006 (copyright
“F. Pagès personal collection”).
F. Pages et al. / Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 153–161 157
rables à leur développement : assèchement des marais, intro-
duction de poissons prédateurs et application des premiers lar-
vicides tels les huiles de pétrole. L’amélioration des conditions
économiques et sociales s’est le plus souvent accompagnée
d’une diminution lente et régulière du poids du paludisme.
À partir de 1939 et de la découverte du DDT, la guerre
chimique contre les insectes a commencé. Les succès promet-
teurs obtenus dès les premières pulvérisations intradomiciliai-
res de DDT (élimination du paludisme aux États-Unis, en
Grèce et en Corse) furent à la base du lancement du pro-
gramme mondial d’éradication du paludisme dans les années
1960 [29]. Les premiers résultats furent excellents en Asie et
en Amérique mais plutôt décevants dans les grandes savanes
d’Afrique de l’ouest où la transmission se maintenait à un
niveau élevé [30]. Rapidement, l’apparition de résistance au
DDT constatée dès 1951 en Grèce, la difficulté à atteindre les
populations de vecteurs amphophiles (qui piquent aussi bien le
bétail à l’extérieur que l’homme à l’intérieur) et l’impossibilité
de stopper la transmission dans les zones de paludisme stable
amenèrent à parler dès 1962 de « régions à problèmes ». Les
échecs de la chimioprophylaxie de masse, ajoutés à ceux des
pulvérisations intradomiciliaires, ont finalement compromis le
succès du programme d’éradication du paludisme, particulière-
ment dans les zones endémiques de la maladie. Il est clair
cependant, que la régression ou la disparition du paludisme
furent grandement accélérées par les programmes de lutte et
d’éradication systématiques [31,32]. Malgré quelques résur-
gences, notamment en Inde, au Sri Lanka, à Maurice et en
Turquie, ce programme a été un succès dans les régions où le
paludisme était instable et a le plus souvent échoué où il était le
plus stable [29]. Dans ces dernières régions, les moyens mis en
œuvre dans la lutte antipaludique (lutte antivectorielle, chimio-
prophylaxie) ont eu un impact mais leur efficacité, même en
l’absence de résistance des parasites ou des vecteurs, n’était
pas à la hauteur de « l’enracinement » du paludisme [32].
Désormais, la lutte contre le paludisme, et les maladies à
transmission vectorielle en général, s’oriente vers des méthodes
visant, non plus à éradiquer les populations d’insectes nuisi-
bles, mais à réduire et à contrôler leur densité en dessous
d’un seuil épidémiologique tolérable. Ce changement radical
de politique repose sur des méthodes de lutte intégrée compre-
nant l’éducation sanitaire des populations humaines et l’aména-
gement de l’environnement, mais également sur l’utilisation
raisonnée d’insecticides chimiques ou d’origine biologique.
Compte tenu de l’hétérogénéité dans la transmission du palu-
disme tant au sein d’une région, d’un pays ou d’un départe-
ment (variations à quelques kilomètres de distance des vecteurs
et de leurs comportements), la lutte antivectorielle, pour être
efficace, doit être adaptée à la bioécologie des espèces visées.
D’un point de vue épidémiologique, il est préférable de classer
les méthodes de lutte selon le « maillon » qu’elles affectent au
niveau du cycle de la transmission. En effet, certaines métho-
des visent principalement à réduire la production de mousti-
ques ou à augmenter la mortalité des adultes tandis que
d’autres visent à réduire le contact homme–vecteur.
8.2. Méthode de lutte : A) Réduction de la densité
de moustiques
●Une lutte antilarvaire est bénéfique quand les gîtes sont
limités en nombre, facilement identifiables et faciles
d’accès. Les méthodes utilisées dans la lutte antilarvaire se
classent en quatre catégories :
○l’aménagement de l’environnement : travaux de drainage
et l’hygiène péridomestique ;
○la lutte chimique : la plus utilisée, traitement des gîtes
larvaires avec des insecticides chimiques ;
○la lutte biologique : utilisation de prédateurs ou de bac-
téries entomopathogènes. En santé publique, les seuls
succès enregistrés par l’utilisation de poissons larvivores
culiciphages concernent les zones de paludisme instable,
dans des gîtes larvaires souvent très limités et facilement
réparables [33,34]. Concernant les bactéries entomopa-
thogènes, Bacillus thuringiensis (Bti) avec ses quatre
toxines est une alternative intéressante aux larvicides
chimiques [35] ;
○la lutte génétique : réduction de la densité des popula-
tions de moustiques par modification de leur patrimoine
génétique ou par leur autodestruction [36]. Elle concerne
essentiellement le lâcher de mâles stériles dans certaines
régions bien délimitées [37] ;
●une lutte « imagocide » peut se faire de deux manières :
○principalement par l’aspersion intradomiciliaire. Cette
technique est encore utilisée en Afrique pour lutter
contre les vecteurs du paludisme endophiles et anthropo-
philes comme An. funestus et An. gambiae. Les traite-
ments intradomicilaires présentent cependant l’inconvé-
nient de ne pas éliminer les moustiques les plus
exophages, maintenant ainsi un niveau minimal de trans-
mission. Le DDT a petit à petit été remplacé par des
insecticides moins toxiques pour l’environnement mais
tout aussi efficaces comme certains organophosphorés
(malathion), carbamates (bendiocarb) ou pyréthrinoïdes
(deltaméthrine) [38]. Récemment, l’utilisation de cham-
pignons entomopathogènes (Beauveria bassiana et
Metarhizium anisopliae) en pulvérisations intradomici-
laires s’est avérée prometteuse en Inde et en Afrique
[39,40] ;
○par les pulvérisations spatiales extradomiciliaires de
pyréthrinoïdes ou d’organophosphorés. Cette technique
définie comme la destruction des moustiques en vol
par contact avec des insecticides en l’air, a une faible
activité résiduelle, un coût élevé et son utilisation doit
être réservée aux situations d’épidémie.
8.3. Méthode de lutte : B) Réduction du contact homme–
vecteur
8.3.1. Moustiquaires
Bien que les moustiquaires non traitées soient depuis long-
temps utilisées pour se protéger des piqûres de moustiques,
l’avènement de moustiquaires imprégnées d’insecticides (MI) a
F. Pages et al. / Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 153–161158
considérablement augmenté leur efficacité [41], ajoutant à l’effet
de barrière physique [42], un effet répulsif et létal vis-à-vis des
moustiques. En effet, l’effet répulsif des pyréthrinoïdes empêche
le moustique de se gorger au travers de la moustiquaire et d’y
pénétrer lorsque celles-ci sont trouées après un certain temps
d’utilisation. L’effet létal sur les moustiques est important mais
variable selon l’insecticide choisi et l’espèce cible.
Dans la mesure où la plupart des anophèles piquent la nuit
et à l’intérieur des maisons, les moustiquaires imprégnées
d’insecticides sont considérées par l’OMS comme le meilleur
outil de protection individuel contre le paludisme et ce quel
que soit le contexte épidémiologique. Si elles sont utilisées à
l’échelle d’une communauté, avec une couverture supérieure à
80 % (« effet de masse »), elles entraînent une diminution de la
transmission palustre en réduisant la densité vectorielle, la
durée de vie du moustique, ainsi que les indices sporozoïtiques
[43]. De nombreuses études ont permis de montrer que l’utili-
sation des MII permet de réduire la morbidité et la mortalité
liées au paludisme [44–46] parfois même dans les zones ou
les moustiques sont devenus fortement résistants aux pyréthri-
noïdes [47]. Cependant, pour que les moustiquaires puissent
être acceptées par les communautés, il est indispensable
qu’elles protègent efficacement contre les autres insectes nui-
sants tels que les culex, les punaises ou les blattes [48], que
leur prix soit accessible à l’ensemble de la population, et
qu’il n’y ait pas besoin de réimprégner la moustiquaire [49].
C’est pourquoi, depuis quelques années, des moustiquaires à
« longue durée d’action » (Long Lasting Nets : LLN) sont dis-
ponibles sur le marché (Olysset
®
, Permanet
®
) et présentent
l’avantage de ne nécessiter aucun retraitement durant la durée
de vie de la moustiquaire (estimée à quatre ou cinq ans) [50].
8.3.2. Rideaux imprégnés
L’utilisation de rideaux imprégnés peut également consti-
tuer une méthode complémentaire aux moustiquaires impré-
gnées. Au Burkina Faso, l’utilisation de rideaux imprégnés de
perméthrine a par exemple permis de réduire significativement
la transmission du paludisme [51]. En revanche, des résultats
mitigés ont été obtenus sur les hauts plateaux de Madagascar
par l’utilisation de rideaux de porte et de fenêtre imprégnés de
deltaméthrine [52].
8.3.3. Répulsifs, serpentins antimoustiques, aérosols, tortillons
Des outils complémentaires de protection individuelle sont
disponibles et largement utilisés comme les diffuseurs d’insec-
ticides, les bombes insecticides, les serpentins ou les répulsifs
(appliqués sur la peau ou sur les habits). Ces outils complé-
mentaires sont utiles pour les gens qui se trouvent à l’extérieur
pendant les pics d’activité des vecteurs.
8.3.3.1. Répulsif. Un répulsif se compose d’une substance
active (synthétique ou naturelle) et de différents excipients for-
mant une formulation pouvant se présenter sous forme de
spray, de lotion de crèmes ou de lingettes. Il existe de nom-
breux produits sur le marché. Les critères de choix doivent se
faire selon la substance active, son dosage, l’âge des utilisa-
teurs et selon l’état physiologique (grossesse, allaitement).
Les produits à base d’essences de plantes ont une efficacité
inférieure à celle des répulsifs de synthèse. Actuellement,
l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé) a donné un avis favorable uniquement pour des pro-
duits utilisant comme principe actif un des trois répulsifs de
synthèse suivants : le citriodiol, l’IR 3535 et le diéthyl tolua-
mide (DEET) [53]. Chez la femme enceinte et chez les sujets
ayant des antécédents de convulsions, seuls les produits à base
d’IR 3535 (20 à 35 %) sont utilisables. Chez les sujets de plus
de 12 ans sans antécédent de convulsion, sont recommandés
des produits à base de DEET (30 à 50 %), d’IR 3535 (20 à
35 %) ou de citriodiol (30 à 50 %). Chez les sujets de
30 mois à 12 ans sans antécédents de convulsions, les trois
répulsifs de synthèse sont utilisables aux mêmes concentrations
pour le citriodiol et l’IR 3535 mais à une concentration infé-
rieure pour le DEET (20 à 35 %). Pour l’enfant de moins de
30 mois, aucun produit n’a fait la preuve de son innocuité et
l’accent doit être mis sur les autres mesures de protection
notamment les moustiquaires de lits et les diffuseurs d’insecti-
cides. La durée de protection varie de 6 à 12 heures selon la
substance active, la formulation et la température extérieure.
8.3.3.2. Aérosols. Les aérosols sont très populaires dans les
pays en voie en développement et se composent essentielle-
ment d’insecticides pyréthrinoïdes de première génération (res-
méthrine, esbiothrine, etc.) à action rapide et à fort effet KD. Ils
n’ont aucun effet rémanent. Certaines firmes commercialisent
des aérosols contenant du propoxur (carbamate) qui possède un
mode d’action différent des pyrethrinodes (action anticholines-
terasique).
8.3.3.3. Les tortillons fumigènes. Ces tortillons sont très utili-
sés. Une fois allumés, ils brûlent lentement et régulièrement et
diffusent de l’insecticide qui tue ou tient les moustiques à dis-
tance par un effet aérien. Ces produits sont énormément répan-
dus dans les pays pauvres car ils sont accessibles et bon mar-
ché. Toutefois, de grandes différences sont observées entre les
différents produits. À l’origine, les tortillons étaient imprégnés
de pyréthrine ou de pyrèthre ; actuellement, ils sont à base
d’alléthrine (à 0,2 % ou 0,3 %) et/ou de transalléthrine (à
0,10 % ou 0,15 %). Le tortillon se consume généralement
entre 6 et 8 heures et doit reposer sur un petit support métal-
lique pour être efficace.
Plus récemment sont apparues des plaquettes thermodiffu-
seurs composés également de pyréthrinoïdes à action rapide
qui procurent un confort certain contre les moustiques. Il est
toutefois nécessaire de disposer d’une plaque électrique chauf-
fante afin de permettre la diffusion progressive du produit actif
dans l’atmosphère.
9. Protection chez le voyageur
La protection du voyageur repose essentiellement sur les
moyens qu’il peut mettre en œuvre à son niveau : la réduction
du contact homme–vecteur. En zone impaludée, le voyageur
F. Pages et al. / Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 153–161 159
doit dormir de manière systématique sous une moustiquaire
imprégnée d’insecticide. Celle-ci doit être bien bordée afin de
ne pas laisser de zones de passage au moustique. Il est néces-
saire de faire l’acquisition d’une moustiquaire imprégnée avant
son départ ou dès son arrivée en zone impaludée. Pour des
séjours supérieurs à six mois ou récurrents, il est préférable
de s’orienter vers une moustiquaire à imprégnation permanente
qui permet de s’astreindre des contraintes de réimprégnation.
On trouve toutefois des kits d’imprégnation simple et efficace
composés d’une dose d’insecticide unique (comprimé efferves-
cent, sachet, flacon) à mélanger à de l’eau pour l’imprégnation
des moustiquaires (K-OTAB
®
et Iconet
®
).
La climatisation ne constitue en aucun cas une protection
contre les piqûres de moustique et ne doit pas faire abandonner
l’usage de la moustiquaire. La climatisation réduit l’agressivité
du moustique mais ne l’empêche pas de piquer.
L’utilisation de serpentins, de diffuseurs électriques (piles ou
secteurs) d’insecticides, de bombes insecticides dans la chambre
est un bon complément de lutte. À partir de la tombée de la nuit,
il faut adopter une tenue longue. Pantalons et chaussettes sont
indispensables, le port de manches longues est l’idéal. L’utilisa-
tion de répulsifs sur les zones découvertes vient compléter la
protection mécanique offerte par les vêtements. Pour la préven-
tion du paludisme, il est conseillé d’appliquer les répulsifs dès la
tombée de la nuit et de renouveler l’application si on doit se
coucher après 23 heures. Il n’est pas nécessaire d’utiliser du
répulsif durant son sommeil sous moustiquaire. L’application
doit se faire sur les parties découvertes (visage, nuque, avant-
bras) et les parties pouvant être découvertes (coudes, bras, che-
ville et bas des jambes). Il faut éviter le contact avec les yeux,
les muqueuses et les lésions cutanées étendues (eczéma, coup de
soleil). Pour la protection du visage, l’emploi de pulvérisateurs
est à proscrire au profit d’une application manuelle. Pour les
produits à base de DEET (produit le plus utilisé) qui présentent
l’inconvénient d’attaquer les plastiques et les verres organiques,
il est conseillé de préférer les applications manuelles aux pulvé-
risations.
Par ailleurs, pulvériser du répulsif sur ses vêtements, aug-
mente la protection pour une durée de plusieurs jours à plu-
sieurs semaines (Corbel, communication personnelle). Il est
aussi possible d’imprégner ses vêtements avec de la permé-
thrine, insecticide rémanent peu toxique pour l’homme. Une
imprégnation par pulvérisation à la dose de 1 g/m
2
offre une
protection pour une durée de deux mois et résiste à huit lavages
àl’eau et au savon. En milieu urbain, le voyageur aux prises
avec les piqûres nombreuses et prurigineuses des moustiques
nuisants diurnes et nocturnes des genres Aedes et Culex, peut
trouver là une source de motivation pour se protéger. En milieu
rural, les nuisants sont plus rares fautes de gîtes larvaires adap-
tées mais les anophèles sont quant à eux bien présents [54].Le
voyageur ne recevant pas de piqûres prurigineuses, n’étant pas
dérangé par des bruits de vol, peut baisser sa garde devant
l’absence ressentie de moustiques et s’exposer alors aux piqû-
res d’anophèles et par conséquent aux parasites. En milieu
rural, l’application des mesures de protection individuelle doit
être systématique.
10. Conclusion
L’identification morphologique, moléculaire et la connais-
sance des comportements des espèces d’anophèles rencontrés
dans une zone sont essentielles pour proposer une lutte adaptée
et efficace et ceux-ci doivent être étudiés sur le terrain avant de
proposer une stratégie. Pour le voyageur, la protection repose
essentiellement sur la protection individuelle. Étant donné que
le vol des anophèles est silencieux et que la piqûre est décrite
comme indolore par opposition aux piqûres d’autres genres de
moustiques, les individus ne se protègent pas. On dénombre
toutefois près de 10 000 cas de paludisme d’importation en
France chaque année. Un seul mot d’ordre, protégez-vous !
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