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Carpocoris mediterraneus Tamanini,
est une espèce valide
Jordi Ribes et Santiago Pagola-Carte viennent
de publier un ouvrage de référence dans la
série de la Faune de France (n° ) concernant
les Pentatomidae [R P-C,
]. Ils considèrent dans ce livre comme
dans leurs articles antérieurs que l’espèce
Carpocoris mediterraneus Tamanini, est
synonyme de Carpocoris fuscispinus (Boheman,
) malgré un article récent démontrant la
validité de cette première espèce [L et
al., ]. Ce dernier article montre que des
critères morphologiques permettent de séparer
ces deux espèces, et que leurs distributions
géographiques sont très diérentes en France et
en Espagne: continentale pour C. fuscispinus et
méditerranéo-atlantique pour C. mediterraneus
atlanticus (seule la sous-espèce atlanticus étant
présente en France) avec quelques zones de
recouvrement. D’autre part, une analyse
moléculaire de type code-barre par séquençage
d’une partie de l’ADN mitochondrial,
corroborée avec les données morphologiques et
biogéographiques, a clairement montré que ces
deux espèces étaient distinctes. R P-
C [] sont passés ainsi complètement
à côté de réalités biologiques particulièrement
intéressantes que nous avons mises en
évidence, comme la présence de C. fuscispinus
uniquement dans les zones montagnardes de la
péninsule ibérique. Ces populations d’altitude
pourraient être étudiées génétiquement pour
savoir à quelle époque celles-ci ont été isolées
au cours des glaciations qu’a connu l’Europe.
R P-C [] ne contre-
argumentent aucun des points mis en évidence
par L et al. [] ; ils mentionnent
seulement à propos de ce travail: «Nous ne
sommes pas convaincus par leur démonstration
et n’avons pas tenu compte de ce rétablissement
dans le présent ouvrage». Malgré leur décision
de maintenir en synonymie ces deux espèces,
R P-C [] ont émis de
nombreux doutes auparavant et en émettent de
nouveaux dans leur livre.
Jordi Ribes a lancé une campagne de collecte
de spécimens de Carpocoris n à travers
l’Europe pour analyser l’ADN de ces deux
espèces, et j’ai personnellement envoyé en
octobre à son collègue espagnol en charge
des analyses, plusieurs spécimens de Carpocoris
en tubes d’alcool donnés par plusieurs
collaborateurs en France. Malheureusement,
et malgré mes relances, aucun résultat issu
de ces analyses ne nous a été communiqué
ou a été publié, et les spécimens ne nous ont
L’Entomologiste, tome 70, 2014, n° 1 : 51 – 55
Identication des larves du genre Carpocoris en France
incluant l’espèce valide Carpocoris mediterraneus Tamanini,
(Hemiptera Pentatomidae)
Roland LUPOLI
79 rue Jules-Ferry, f-94120 Fontenay-sous-Bois
lupoli@free.fr
Résumé. – R P-C [] n’ont pas argumenté leur récent maintien en synonymie de Carpocoris
mediterraneus, espèce antérieurement revalidée par L et al. []. Cette espèce reste alors valide
et cinq espèces de Carpocoris se rencontrent donc en France. Une clé d’identication des larves de
Carpocoris au stade V est donnée. Les critères d’identication sont montrés sur des photographies de
larves vivantes prises sur le terrain.
Summary. – Identification of the nymphs in the genus Carpocoris from France including the valid species
Carpocoris mediterraneus Tamanini, (Hemiptera: Pentatomidae). R P-C []
did not argue maintening their synonymy of Carpocoris mediterraneus, species previously revalidated
by L et al. []. is species is then valid and therefore ve species of the genus Carpocoris are
found in France. An identication key of stage V Carpocoris nymphs is given. Identication criteria are
shown on photographs of live nymphs collected in the eld.
Keywords. – Heteroptera, Pentatomoidea, Carpocoris, Nymphs, Larvae, Identication, Key, Rearing,
Mitochondrial DNA.
52 L’Entomologiste, tome 70, n° 1
pas été restitués. Nous avons donc poursuivi
nos récoltes an de mener également des
analyses moléculaires sur d’autres spécimens
de Carpocoris que nous avons ensuite publiées
[L et al., ].
Dans la monographie concernant
Carpocoris fuscispinus dans la Faune de France
, l’incertitude et la confusion se révèlent
pourtant encore chez ces auteurs. En page
, R P-C [] qualient
Carpocoris mediterraneus de « géotype », puis
neuf lignes plus bas de « phénotype », et
en page ils mentionnent que certaines
stations sont « trop réduites pour penser que
deux taxons [C. fuscispinus et C. mediterraneus
atlanticus] écologiquement si diérents puissent
cohabiter dans ces aires territoriales tellement
restreintes». Trois termes diérents: géotype,
phénotype et taxon, pour qualier la même
chose ! Dans l’introduction de leur ouvrage en
page , ils mentionnent aussi à ce sujet: «la
solution à laquelle nous avons abouti [...] a été
une mise en synonymie qui ne nous satisfait
pas [...]», et plus loin: «Toutefois, il faudra
poursuivre des études approfondies sur ces
punaises, spécialement à l’aide de techniques
moléculaires, nos recherches morphologiques
Figure 1. – Carpocoris melanocerus: a) adulte, b) larve
stade V (clichés Vincent Derreumaux).
Figure 2. – Carpocoris fuscispinus: a) adulte, b) larve
stade V (clichés Vincent Derreumaux).
Figure 3. – Carpocoris mediterraneus atlanticus :
a) adulte, b) larve stade V (clichés Vincent
Derreumaux).
Figure 4. – Carpocoris pudicus: a) adulte, b) larve
stade V (clichés Vincent Derreumaux).
Figure 5. – Carpocoris purpureipennis: a) adulte, b)
larve stade V (clichés Vincent Derreumaux).
Roland LUPOLI
L’Entomologiste, tome 70, n° 1 53
classiques ne nous ayant pas permis de conclure
de façon satisfaisante. Les résultats doivent être
considérés comme provisoires pour le moment
et par conséquent révisables». Pourquoi ne pas
avoir alors tenu compte du travail de L et
al. [] dans leur Faune de France qui se veut
un ouvrage de référence ? Nous considérons
donc qu’en présence de toutes ces incertitudes
et en l’absence d’argumentation, l’espèce
Carpocoris mediterraneus incluant la sous-espèce
Carpocoris mediterraneus atlanticus reste valide.
Nous nous proposons donc de rétablir les
identications des planches photographiques
de leur ouvrage. On peut identier sans
ambigüité les adultes de Carpocoris d’après leurs
photographies:
– dans la planche , les images b et c
représentent eectivement C. fuscispinus ; par
contre l’image d représente C. mediterraneus
atlanticus et les images e et f, C. mediterraneus
mediterraneus.
– dans la planche , l’image c représente
eectivement C. fuscispinus ; par contre les
images d et f représentent C. mediterraneus
atlanticus et l’image b, C. mediterraneus
mediterraneus .
R P-C [] ne
parviennent pas à séparer C. fuscispinus et
C. mediterraneus mais, comme L et
al. [], ils proposent une clé qui permet
d’identier correctement les adultes des autres
espèces de Carpocoris. Contrairement aux deux
autres tomes déjà publiés de la faune de France
des Pentatomoidea [D P,
; P, ], ils ne proposent
aucune clé des larves connues, y compris pour
les Carpocoris. Des dessins partiels des larves de
douze espèces de Pentatomidae sont seulement
présentés à la n de l’ouvrage page en gure
, et les autres larves sont des photographies
réalisées sur le terrain par Jean-Claude Streito et
Vincent Derreumaux. Les larves de Carpocoris
illustrées ne sont identiées qu’au genre.
Au vu des résultats obtenus, nous sommes
en mesure d’aner l’identication des larves de
Carpocoris illustrées dans la Faune de France.
Identication des larves du genre Carpocoris en France incluant l’espèce valide
Carpocoris mediterraneus Tamanini, 1958 (Hemiptera Pentatomidae)
Figure 6. – Agrandissements de l’angle huméral gauche du pronotum: a) Carpocoris fuscispinus, b) Carpocoris
mediterraneus atlanticus, c) Carpocoris purpureipennis, d) Carpocoris pudicus (clichés Vincent Derreumaux).
Figure 7. – Agrandissements de la tête et du
pronotum: a) Carpocoris fuscispinus, b) Carpocoris
mediterraneus atlanticus (clichés Vincent
Derreumaux).
54 L’Entomologiste, tome 70, n° 1
Deux photographies de larves de Carpocoris
sont présentées dans cette faune, mais elles
sont toutes deux identiées comme Carpocoris
sp. La photo de la page montre jeunes
larves au stade II et une larve au stade III
(pour l’identication des stades larvaires de
Pentatomoidea, j’adopte la dénition de
P D [ : p. ] : les
étuis alaires sont invisibles aux stades I à III, ils
sont visibles et atteignent le bord postérieur du
tergite I de l’abdomen au stade IV, et les tergites
III ou IV au stade V). À ces stades II et III,
je ne suis pas parvenu à trouver des critères
permettant de diérencier toutes les espèces
de Carpocoris. Les œufs gurants sur cette
photographie sont identiés comme des œufs
de Carpocoris, comme si les jeunes larves en
étaient issues. Or les larves n’ont pas éclos de ces
dix œufs car leurs opercules sont encore fermés.
Il pourrait donc très bien s’agir d’œufs d’un
autre genre de Pentatomidae comme Dolycoris
par exemple .
La photo e de la planche montre une
larve de Carpocoris sp. au stade V. Il s’agit selon
les critères que nous avons développés dans la
clé ci-dessous d’une larve de Carpocoris pudicus.
Méthodes
Pour savoir à quelle espèce appartient une larve
d’Hétéroptère au stade V, la méthode que nous
avons adoptée est de la photographier puis de la
maintenir en élevage pour qu’elle se transforme
en adulte identiable. Les larves au stade V que
l’on rencontre sur le terrain sont pour cela isolées
dans des petites boites en plastique (hauteur
mm × diamètre mm) contenant du papier
absorbant et dont on a percé le bouchon de
quelques trous pour en permettre l’aération. À ce
stade, il n’est en général pas nécessaire d’apporter
des morceaux de végétaux ou des graines pour
nourrir la larve. Il sut juste de maintenir les
boites au repos dans un endroit semi-ombragé,
et de déposer chaque jour une goutte d’eau sur
le papier absorbant, pour déclencher la mue en
adulte en quelques jours.
Les photographies de chaque espèce sont
ensuite comparées en s’aidant également de
larves conservées en collection pour trouver des
caractères discriminants reproductibles.
Les larves de Carpocoris et même les larves
d’Hétéroptères en général se conservent mal à
sec en collection. Leurs téguments sont mous
et leur cuticule se dessèche. Une larve collée sur
paillette prend alors une allure recroquevillée
qui n’a plus rien à voir avec celle de la larve
vivante alors que ce n’est pas le cas avec l’adulte.
Les larves sont donc conservées dans des tubes
remplis d’alcool à pour pouvoir les
observer plus tard.
La détermination des caractères discriminant
les larves au stade V des espèces de Carpocoris
est donc le fruit de multiples élevages,
d’observations de larves sur le terrain ou
conservées en alcool, et surtout de nombreuses
photographies dont sont issues les gures à
(taille des adultes: ± mm, taille des larves au
stade V: ± mm).
À ce propos, les photographies de la galerie
du forum « Le monde des insectes » (www.
insecte.org) m’ont été particulièrement utiles.
Il est eectivement important de consulter
beaucoup d’exemplaires provenant de régions
diérentes pour ne pas confondre la variabilité
intraspécique avec les caractères discriminant
les espèces. En eet, les colorations et les motifs
présents sur la tête, le pronotum, le scutellum
et les ébauches alaires des larves au stade V de
Carpocoris, sont à la fois extrêmement variables
et très semblables entre les diérentes espèces.
Clé d’identification des larves au stade V
des Carpocoris de France
. Taches abdominales latérales du connexivum
sombres et sclériées (une par tergite)
complètes et entières, ne formant pas de
cercle (voir la èche rouge sur la Figure b)
.....C. melanocerus (Mulsant Rey, )
– Taches abdominales latérales du connexivum
incomplètes formant un cercle sclérié,
parfois ouvert (Figures b, b, b, b) ...
. Pronotum large dont l’angle huméral
dépasse la base des ébauches des hémélytres
(voir ligne pointillée rouge sur Figures a
et b) formant ainsi une encoche latérale
marquée entre le pronotum et les hémélytres
(voir èche rouge sur Figures a et b) ..
Roland LUPOLI
L’Entomologiste, tome 70, n° 1 55
– Pronotum plus court dont l’angle huméral
ne dépasse pas la base des ébauches des
hémélytres, sans encoche très marquée,
comme en continuité avec la forme oblongue
du corps (voir ligne pointillée rouge sur
Figures c et d) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. Marges antéro-latérales du pronotum
convexes, pronotum à l’aspect large et
arrondi, tête comme enfoncée dans le
pronotum (Figures b et a, la ligne pointillée
rouge révèle la convexité de la marge) .....
.......... C. fuscispinus (Boheman, )
– Marges antéro-latérales du pronotum droits
(Figures b et b, la ligne pointillée rouge
révèle la rectitude de la marge). Dessins très
variables allant d’individus très clairs à des
individus très sclériés . . . . . . . . . . . . . . . .
C. mediterraneus atlanticus Tamanini,
. Dessins contrastés, parties sclériées noires
ou marron foncées sur fond blanc. Bord
latéral du pronotum blanc sur plus de la
moitié de sa longueur. Taches abdominales
violacées de part et d’autre des glandes,
localisées et contrastées (èche rouge sur
Figure b) ...... C. pudicus (Poda, )
– Dessins moins contrastés, parties sclériées
moins noires (brunes-verdâtres) sur fond
ivoire. Bord latéral du pronotum blanc sur
la moitié ou moins de sa longueur. Taches
abdominales roses plus diuses de part et
d’autre des glandes abdominales (Figureb).
Plus forte ressemblance globale avec C.
mediterraneus qu’avec C. pudicus ! .......
....... C. purpureipennis (De Geer, )
Remerciements. – Je remercie tout particulièrement
Vincent Derreumaux et Magalie Mazuy pour leurs
recherches de terrain et leurs élevages qui m’ont aidé
à décrypter les caractères discriminants des larves de
Carpocoris. Merci également à Vincent Derreumaux
pour la qualité de ses photographies dont il est ici
l’auteur et qu’il m’a autorisé à publier dans cet article.
Merci également aux organisateurs et utilisateurs du
forum «Le monde des insectes» pour leur aide et
leur dynamisme.
Références bibliographiques
D V. P J., . – Hémiptères
Pentatomoidea euro-méditerranéens. Volume .
Généralités. Systématique: Première partie. Faune
de France n° . Paris, Fédération française des
Sociétés de sciences naturelles, p., pl. coul.
L R., D F., C A., C-A
S. S J.-C., . – Morphological,
biogeographical and molecular evidence of
Carpocoris mediterraneus as a valid species
(Hemiptera: Pentatomidae). Zootaxa, ():
-.
P J., . – Hémiptères Pentatomoidea euro-
méditerranéens. Volume . Podopinae et Asopinae.
Faune de France n° . Paris, Fédération française
des Sociétés de sciences vaturelles, p., pl.
coul.
R J. P-C S., . – Hémiptères
Pentatomoidea euro-méditerranéens. Volume .
Pentatominae (suite et n). - Faune de France n°
. Paris, Fédération française des Sociétés de
sciences naturelles, p., pl. coul.
Manuscrit reçu le octobre ,
accepté le mars .
Identication des larves du genre Carpocoris en France incluant l’espèce valide
Carpocoris mediterraneus Tamanini, 1958 (Hemiptera Pentatomidae)