Les transports génèrent un impact environnemental s’appuyant essentiellement sur deux vecteurs: l’approvisionnement en énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Ces impacts sont visibles aussi bien sur un plan global (émissions de gaz à effet de serre) que local (congestion du trafic en milieu urbain, consommation d’espace, bruit, émissions de polluants, perte de temps, etc.). Les transports génèrent par ailleurs un impact social varié, illustré d’une part par des conditions de travail difficiles (un travail de nuit, un travail par roulement, faiblesse du nombre et des durées de pause...) qui semblent s’aggraver avec la concurrence internationale, et par l’accidentologie liée à cette activité. Ces effets environnementaux et sociaux ne sont pas cloisonnés et peuvent se combiner : la pollution engendre par exemple un impact social en dégradant la santé. L’exemple le plus médiatique est la pollution atmosphérique d’origine automobile. Le transport engendre donc à la fois de la croissance économique et des externalités environnementales et sociales négatives. Ces externalités ont un niveau élevé et une croissance particulièrement rapide dans le transport de marchandises. Nous avons ainsi focalisé notre travail exclusivement sur le fret.
Face aux externalités du transport, une politique de transport orientée vers la durabilité a progressivement été mise en place. Au niveau international, les Transports Ecologiquement Viables, inspirés notamment des réflexions de Herman Daly, ont été définis en 1996 par l’OCDE comme « des transports qui ne mettent pas en péril la santé publique et les écosystèmes et répondent aux besoins de mobilité compatibles avec (a) une utilisation des ressources renouvelables à un rythme inférieur à celui de leur régénération et (b) une utilisation des ressources non renouvelables à un rythme inférieur à celui du développement de produits de remplacement renouvelables » (CEMT, 1996). Au niveau européen, le transport durable officiellement défini en 1991 veut « contribuer à la prospérité économique, au bien-être social, et ce sans nuire à l’environnement et à la santé des hommes » (CEMT, 1991). A partir de 1992 et jusqu’en 2005, l’objectif de transport durable prend alors corps dans la notion de report modal, qui « s'attache à transférer, à niveau de trafic constant, une partie de ses trafics sur des modes susceptibles de moindres impacts sociétaux » (CCE, 2001). Il ne s’agit en effet pas de réduire la croissance des flux mais d’inciter les citoyens à utiliser des modes plus « doux ». En 2006, une évaluation à mi-parcours du livre blanc de l’Union Européenne de 2001 dresse un bilan critique : non seulement les résultats économiques de la politique européenne des transports ne seraient pas satisfaisants mais l’évolution des nuisances environnementales et sociales serait également peu encourageante. Seule une amélioration de la congestion routière nuancerait ce bilan mitigé. Les raisons invoquées sont une concurrence internationale renforcée et une croissance économique plus faible que prévue, qui ont ralenti la mise en œuvre d’une mobilité durable. Une nouvelle orientation est donc engagée : la co-modalité. Autrement dit, le recours efficace à différents modes de transport remplace aujourd’hui le report modal. Plutôt que de stigmatiser le mode routier, il s’agit ici d’optimiser l’usage des différents modes, en utilisant notamment les avantages reconnus du mode routier, et en développant ses liens avec les autres modes.
La notion de report modal comme celle de la co-modalité invitent à dépasser l’activité de transport stricto sensu pour se concentrer sur l’organisation logistique des entreprises. Modifier ses choix modaux ou optimiser ses déplacements nécessitent de facto un changement dans la gestion des flux de marchandises. La Commission souhaite d’ailleurs soutenir la mise en place de solutions logistiques avancées afin de contribuer à la co-modalité. « La logistique permet d’améliorer l’efficacité des différents modes de transport et de leurs combinaisons. Aussi, davantage de marchandises devraient être transportées au moyen d’un nombre moins élevé d’unités de transport, telles que véhicules, wagons et navires » (CCE, 2006).
Est-ce le cas ? Assiste-t-on à une durabilisation des pratiques logistiques dans les entreprises ?