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Recherches en langue et Littérature Françaises
Revue de la Faculté des Lettres
Année 5 , No 8
Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
(É tude du cas chez les apprenants iraniens)
Rouhollah Rahmatian1
Professeur associé, Université Tarbiat Modares
Maryam Molasadeghi
É tudiante en master de didactique du FLE, Université Tarbiat Modares
Marzieh Mehrabi
Doctorante en didactique du FLE, Université Tarbiat Modares
Résumé
Dans une conception traditionnelle, l’intelligence est fixée et peut être
mesurée par un nombre dans un contexte déconnecté de toute réalité et
s’attribuer une forme unique. Dans une vision nouvelle, en se basant
sur la théorie des Intelligences Multiples de Gardner, l’intelligence a
en revanche de différentes composantes et peut être développée
durant toute la vie. Le présent article s’introduit le domaine de
l’apprentissage du FLE chez les apprenants iraniens, en s’appuyant sur
la théorie mentionnée.
L’objectif principal de cette recherche consiste à connaître les types
d’intelligences fréquents chez les apprenants iraniens afin d’améliorer
la situation d’enseignement/ apprentissage du FLE de ce point de vue.
L’étude de terrain de cette recherche se servant d’un questionnaire
prouve que l’intelligence interpersonnelle et intrapersonnelle des
apprenants iraniens du FLE se situent à un niveau très élevé et que
leur intelligence musicale/ rythmique et l’intelligence corporelle/
kinesthésique se placent en bas d’échelle.
Mots-clé: intelligences multiples, apprentissage, FLE, apprenants
iraniens.
*
- لﻮﺻو ﺦﯾرﺎﺗ :13/3/1391ﯽﯾﺎﻬﻧ ﺪﯿﯾﺄﺗ ، :31/3/1391
1- E-mail: r_rahmatian@yahoo.com
Recherches en langue et Littérature Françaises, Revue de la Faculté des Lettres, Année 5, N0 8
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«L’homme est doué de possibilités illimitées qui se matérialisent à
travers l’apprentissage et l’enseignement »
Howard Gardner (1983)
Introduction
L’intelligence vient du latin intelligentare, c’est-à-dire, la faculté
de comprendre et intelligere dérivé de ce mot signifie comprendre.
Cette notion, avant le XXème siècle, se référait à un être obéissant,
éduqué, tranquille, capable de s’adapter ou quelqu’un qui possède des
pouvoirs magiques. Au XXème siècle le concept d’intelligence s’est
attribué plusieurs significations, en plusieurs disciplines, notamment
en éducation et en psychologie. L’une de ces significations se réfère
aux tests de QI (Quotient Intellectuel ou Quotient d’Intelligence),
organisé par Alfred Binet au début du XXème siècle (1905), pédagogue
et psychologue français. Le QI représente une vision de l’intelligence
s’appuyant à la fois sur des compétences particulières (le langage et la
logique) et sur un environnement culturel.
Mais l’intelligence au sens plein du terme, ne peut se réduire à ces
deux compétences. Dans une vision traditionnelle, l’intelligence est
fixée, elle peut être mesurée par un nombre et a une forme unique. On
mesure l’intelligence dans un contexte déconnecté de toute réalité.
Dans le système scolaire, l’intelligence est utilisée pour trier les élèves
et prévoir leur réussite. Dans une vision nouvelle de l’intelligence, en
revanche, elle peut être développée toute la vie, sous différentes
formes. L’intelligence n’est pas, de ce point de vue numériquement
quantifiable. Elle peut être exprimée de multiples manières et
appréciée dans des situations contextuelles variées ou dans la vie de
tous les jours. Selon l’approche classique, l’intelligence serait une
faculté unique et générale, mesurable par le QI (composé de deux
constituants : l’intelligence verbale/ linguistique et l’intelligence
logico/ mathématique), grâce à des tests. En effet, évaluer chaque
individu isolément sur quelques compétences hors contexte n’est plus
valable scientifiquement.
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
La théorie des Intelligences Multiples (IM) est proposée pour la
première fois en 1986 par Howard Gardner2. Selon lui, il n’y a pas une
forme unique d’intelligence, mais plusieurs formes indépendantes
dont nous sommes tous dotés dans des proportions extrêmement
variables.
L’une des nouvelles conceptions dans le domaine de
l’enseignement des langues est le déplacement de l’enseignement
centré sur l’enseignant, l’apprenant est ainsi le centre de toutes les
activités pédagogiques. Ainsi donc, les intelligences multiples ont
particulièrement intéressé les spécialistes et les didacticiens dans le
domaine de l’enseignement/ apprentissage. Le présent article s’appuie
sur cette théorie et son application dans l’enseignement/ apprentissage
du FLE en Iran.
Ce qui nous a préoccupé est de savoir comment la théorie des
intelligences multiples pourra s’adapter à l’enseignement/
apprentissage du FLE en Iran et si cette connaissance peut influencer
le processus. Au cours de cet article, nous tenterons alors de répondre
aux questions suivantes:
1. Quels sont les facteurs qui influencent les intelligences
multiples?
2. Parmi les intelligences multiples, quelles sont les plus
fréquentes chez les apprenants iraniens du FLE du niveau A1 et A2?
L’objectif principal de cet article consiste à connaître les types
d’intelligences fréquents chez les apprenants iraniens du FLE. Nous
avons recouru à une méthode descriptivo- analytique accompagnée
d’une étude de terrain basée sur le questionnaire.
2Howard Gardner est chercheur en cognition et en éducation à la Harvard Graduate
School of Education, professeur de psychologie à l’université de Harvard, professeur
de neurologie à la faculté de médecine de l’universiré de Boston. Il a écrit une
vingtaine d’ouvrages et plusieurs centaines d’articles scientifiques.
Recherches en langue et Littérature Françaises, Revue de la Faculté des Lettres, Année 5, N0 8
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Il existe peu d’ouvrages sur la théorie des intelligences multiples et
son application dans le domaine de l’enseignement/ apprentissage.
Berman en 1998, a conçu un ouvrage dans lequel des activités pour
chaque type d’intelligence dans l’enseignement de l’anglais ont été
proposées. Il est la première personne qui a intégré la théorie des
intelligences multiples dans l’enseignement des langues étrangères.
Concernant la langue anglaise, on peut citer quelques mémoires de
maîtrise qui implantent les intelligences multiples, à titre d’exemple,
le mémoire de maîtrise de Sezginer (2000) et la thèse préparée par
Îsjsag (2000)
Quant à la langue allemande, il y a une thèse de doctorat de Snider
(2001).
Pourtant dans le domaine de l’enseignement du FLE, peu
d’ouvrages sont attribués à cette théorie.
Vu le rapport étroit de la théorie des IM et l’enseignement/
apprentissage du FLE comme d’autres langues étrangères, cet article
vise à s’enraciner dans ce domaine peu recherché.
Les principales théories sur l’intelligence:
Le modèle unifactoriel de l’intelligence de Spearman (1927)
ou la théorie du facteur G: Il existe une seule intelligence générale.
Les activités intellectuelles spécifiques d’un individu dépendent d’un
facteur général unique appelé « facteur ». Ce facteur concerne le
raisonnement, l’acquisition de connaissances et la résolution de
problème. Cette conception constitue la théorie standard de
l’intelligence (Sternberg, 2006, 691).
La théorie triarchique de Robert Sternberg: Cette théorie
considère le fonctionnement et l’organisation de l’intelligence. Selon
lui, l’intelligence contient 3 dimensions:
L’aspect interne ou composantiel, relatif au fonctionnement
des diverses composantes du traitement de l’information mises en
œuvre pour résoudre un problème;
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
L’aspect externe ou contextuel qui concerne l’application
pratique des composantes décrites ci-dessus à un contexte
environnemental donné (environnement culturel);
L’aspect expérientiel comprend les rapports entre le traitement
de la nouveauté et l’expérience (Sternberg, 2006,714-718).
Ces trois aspects montrent l’existence de trois formes
d’intelligence:
1- L’intelligence analytique qui concerne l’aspect interne ou
composantiel, c’est-à-dire ce qui se passe dans la tête de la personne
lorsqu’elle raisonne. C’est l’intelligence académique valorisée par
l’école traditionnelle. Cette intelligence comprend 3 phases : analyse;
comparaison; évaluation.
2- L’intelligence pratique qui concerne les individus plus
efficaces dans l’adaptation au contexte. C’est la manière dont la
personne s’adapte au contexte social et culturel. Cette intelligence
englobe 3 phases: usage; utilisation; exploitation.
3- L’intelligence créative qui concerne les personnes plus
efficaces dans le traitement des nouvelles informations. C’est la façon
dont l’expérience affecte l’intelligence d’une personne. Cette
intelligence réfère à trois phases: création; innovation; le fait de
dessiner.
On peut dire que l’intelligence est conçue par Sternberg comme
l’autogestion mentale de la vie à travers les relations qu’on entretient
avec son monde intérieur (IA), avec le monde extérieur auquel on est
quotidiennement confronté (IP) et avec les expériences que l’on vit
(IC).
La théorie des intelligences multiples selon Howard Gardner:
Pour ce dernier, il s’agit au départ d’une remise en cause radicale des
tests d’intelligence qui s’appuient sur deux postulats: l’intelligence
peut être mesurée, quantifiée et fixée pour la vie. Gardner a cherché à
élargir les paramètres permettant de définir et de comprendre
l’intelligence, afin d’intégrer l’infinie diversité des capacités humaines
Recherches en langue et Littérature Françaises, Revue de la Faculté des Lettres, Année 5, N0 8
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et ceci dans toute culture et dans tout contexte social. Ses recherches
l’ont finalement conduit à rajouter un « s » au mot intelligence.
Les intelligences multiples dans l’enseignement/apprentissage des langues
La théorie des intelligences multiples de Howard Gardner est
considérée par le monde de l’éducation comme une vision pluraliste
de l’intelligence humaine.
Gardner distingue en 1983, sept sortes d’intelligences. Sa théorie
concerne plutôt les sciences cognitives et l’enseignement des langues
étrangères en a quand- même profité:
- L’intelligence verbale/ linguistique est la capacité à être sensible
aux structures linguistiques sous toutes leurs formes. Cette
intelligence aide à comprendre le sens des mots, leur ordre, leur
fonction grammaticale et enfin leur emploi. Ce type d’intelligence est
l’une des intelligences les plus importantes pour l’enseignement/
apprentissage d’une langue étrangère et il semble plus relié au langage
oral et à un mode auditif de fonctionner. Ce lien étroit avec le mode
auditif montre l’importance de proposer fréquemment des occasions
de parler dans une classe de langue étrangère. C’est pourquoi, il est
important d’établir un équilibre raisonnable entre le temps pendant
lequel l’enseignant parle, et le temps où les apprenants agissent.
- L’intelligence logique/ mathématique est la capacité à raisonner, à
compter et à calculer et à tenir un raisonnement logique. Cette
intelligence dépend de la raison et ainsi la compréhension de
l’organisation de la langue est facilitée par celle- ci.
- L’intelligence visuelle/ spatiale est la capacité à créer des images
mentales et à percevoir le monde visible avec précision. Elle se sert de
la vision. La pensée, la réflexion et la résolution de problème sont
considérablement enrichies par l’utilisation des images mentales. Sous
un autre aspect, la mémorisation est également grandement facilitée
grâce aux images mentales. Se créer des images mentales sur des
événements ou des informations aboutit à la création d’un « souvenir
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
» comme si l’événement nous est réellement arrivé. Plus de 90% de
l’information estoquée dans la mémoire est visuelle (Jensen, 2008,
55). « L’enseignement des langues étrangères est une excellente
occasion pour l’enseignant d’utiliser des moyens visuels- spatiaux »
(Safier, 2003, 22). Dans le but d’utiliser la langue cible, l’enseignant
pourrait recourir aux vidéos, aux dessins, aux images, aux magazines
et aux objets réels pour enseigner, afin d’éviter l’usage de la langue
maternelle des apprenants.
- L’intelligence musicale/ rythmique est la capacité à être sensible
aux structures rythmiques et musicales. La musique dans le processus
d’apprentissage d’une langue excite simultanément la partie
rationnelle et la partie émotionnelle du cerveau, ce qui semble aider
les apprenants à mieux comprendre, à retenir et à appliquer
l’information. Le cerveau se divise généralement en deux parties: la
partie émotionnelle et la partie rationnelle. L’apprentissage est facilité
quand ces deux parties s’activent simultanément. L’intelligence
musicale/ rythmique comme l’intelligence verbale/ linguistique
dépendent de l’ouïe et de la parole.
- L’intelligence corporelle/ kinesthésique est la capacité à utiliser
son corps d’une manière fine et élaborée, à s’exprimer à travers le
mouvement et à être habile avec les objets. L’introduction du
mouvement dans l’apprentissage d’une langue semble donc exciter
plusieurs parties importantes du cerveau, favorisant la compréhension
et la mémorisation à long terme de l’information. Le manque de
mouvement, a contrario ne permettrait pas au cerveau de réaliser son
plein potentiel. Il est donc, dans l’intérêt de l’enseignant de langue de
faire bouger ses apprenants. On peut les comparer à l’enfant qui
débute sa communication linguistique d’une nouvelle langue à travers
les expressions de son corps. On peut dire que les activités physiques
s’avèrent très importantes pendant les deux premières années de
l’apprentissage d’une langue seconde (Safier, 2003, 25).
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- L’intelligence interpersonnelle est la capacité à entrer en relation
avec les autres. Elle est importante dans les activités en partenariat ou
en groupe. Les apprenants afin de réussir dans l’apprentissage d’une
langue, ont besoin d’utiliser la langue pour la communication. Ils
doivent se parler, s’entendre et débattre. Favoriser les interactions
dans une classe permet de développer le langage, la capacité
d’expression, l’écoute, la participation et ainsi donc l’intelligence
interpersonnelle.
- L’intelligence intrapersonnelle est la capacité à avoir une bonne
connaissance de soi-même. Dans l’apprentissage d’une langue,
connaître ses points forts et ses points faibles est un facteur de
réussite. Cette intelligence paraît importante car une forte intelligence
intrapersonnelle, permet à l’apprenant d’investir sur ses points forts et
de combler ses lacunes.
Gardner, en 1999 (Gardner, 2003, 48), a ajouté une intelligence
supplémentaire intitulée l’intelligence naturaliste. C’est en effet, la
capacité à reconnaître et à classifier des formes et des structures dans
la nature3. La théorie des intelligences multiples développée par
Howard Gardner est elle-même une forme de catégorisation, c’est-à-
dire une utilisation de l’intelligence naturaliste. L’une des démarches
de l’intelligence naturaliste est la recherche des structures. Toutes les
disciplines font appel à la faculté de classer. Toute langue dispose des
structures et l’intelligence naturaliste aide l’apprenant à classer les
structures afin de mieux comprendre leurs fonctionnements.
Les conditions extérieures permettant à une intelligence de bien
s’éveiller et de bien se développer semblent nombreuses, mais
difficilement programmables. (Hourst, 2006, 33). On n’en mentionne
alors que quelques- uns:
3D’autres intelligences possibles sont la morale, l’existentielle et la spirituelle. Ces
intelligences ne peuvent pas être définies par un système scientifique; donc Gardner
n’inclut que huit intelligences jusqu’à ce jour, y compris l’intelligence naturaliste.
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
- Un environnement riche de toutes sortes de stimuli intellectuels et
sensoriels qui ne refuse pas l’accès à certaines intelligences. Dans
certaines sociétés, par exemple, la musique est considérée comme une
occupation frivole. Il faut remarquer qu’un environnement riche peut
aider l’individu à avoir ce que Gardner appelle « une expérience
cristallisante » qui sert de déclencheur puissant au développement
d’une intelligence spécifique. A contrario, des « expériences
paralysantes » sont des événements qui éteignent, parfois
définitivement, une intelligence. Elles sont souvent liées à des
expériences de honte, de culpabilité, de rejet ou de négation de la
personnalité;
- Un enseignement donnant à chacune des intelligences des
occasions nombreuses et variées de se développer. Donner la
prépondérance presque absolue aux intelligences verbale/ linguistique
et logico/ mathématique dans l’enseignement restreint ou empêche
l’utilisation et le développement d’autres intelligences;
- Une reconnaissance et un soutien actif des personnes
compétentes. La sensibilité et la tendance d’un individu à une
intelligence particulière ne sont au début que potentielles, jusqu’à ce
que des expériences particulières ou donc des expériences
cristallisantes permettent à cette intelligence de fonctionner, de se
développer, et de s’épanouir.
Si une personne peut profiter d’un bon enseignement, d’un
encouragement ou d’une reconnaissance de personnes compétentes,
ou d’être dans un environnement riche de toutes sortes de stimuli
intellectuels et sensoriels, elle pourra développer chacune de ses huit
types d’intelligences à un état satisfaisant ou bien même à un niveau
optimal.
Selon Safier (2003, 12), l’enseignement des langues étrangères
procure une multitude d’occasions pour utiliser la théorie des
intelligences multiples, car il contient plusieurs sujets: l’histoire, la
géographie, la culture, les mathématiques, l’art, etc. Selon lui,
Recherches en langue et Littérature Françaises, Revue de la Faculté des Lettres, Année 5, N0 8
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l’enseignement d’une langue étrangère est unique puisqu’il est très
diversifié mais aussi très riche. Cette théorie est en effet, un regard
nouveau sur les questions à savoir : comment les apprenants peuvent
apprendre? Comment les enseignants peuvent enseigner? Comment le
système éducatif peut fonctionner et peut être adapté à chaque classe
selon les besoins?
Les apprenants apprennent de manière différente, c’est une
évidence pour la plupart des psychologues, mais moins pour les
enseignants. La théorie des intelligences multiples prouve que chaque
personne est unique dans ses capacités à apprendre, à raisonner, à
s’adapter de manière efficace aux situations de son environnement, à
tirer parti de l’expérience (Hourst, 2006,78-80). L’enseignant de
langue doit connaître au départ les aptitudes de ses apprenants mais
aussi les siennes. Autrement dit, celui- ci a besoin d’inclure toutes ces
intelligences afin d’obtenir la participation de chaque apprenant dans
la classe. Il paraît efficace de solliciter l’utilisation de plusieurs
intelligences dans une leçon. Si l’enseignant suit, à titre d’exemple, la
méthode grammaire- traduction pour pratiquer des exercices de
grammaire, la mémorisation du vocabulaire ou la lecture sèche d’une
histoire, il perdra l’attention et l’intérêt de plusieurs apprenants.
L’enseignant faisant appel aux intelligences multiples motiverait la
plupart de ses apprenants parce qu’ils sont captivés pour les leçons.
L’enseignant n’étant pas le centre de la classe, est surtout là pour
diriger les activités que les apprenants vont apprendre eux-mêmes en
ayant recours à leurs propres intelligences.
Le profil des intelligences multiples des apprenants iraniens du FLE
La connaissance générale que les enseignants acquièrent par les
profils de ces apprenants pourrait les aider à planifier le contenu de
leur programme d’étude. Dans ce cas, ils sauraient capables d’offrir un
éventail plus large d’activités tout en considérant les caractéristiques
individuelles de chaque apprenant. Les huit formes d’intelligences
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
multiples font partie de ces caractéristiques individuelles. Ainsi plus
de choix sont laissés aux apprenants.
La population d’étude de cet article a été constituée de 56
apprenants de la langue française de l’institut Qotbé Ravandi à
Téhéran. Ils ont le niveau A1 (30 apprenants) et A2 (26 apprenants).
Leur âge a varié de 18 à 52 ans.
Présentation générale du questionnaire
Le questionnaire a été composé de quatre- vingt- dix- huit
questions à choix multiple (Q.C.M). Toutes les quatorze questions
englobent une des formes des intelligences multiples. Il est issu de
l’article de recherche rédigé par Raymont Leblanc. La validité et la
fiabilité du questionnaire ont déjà été vérifiées dans l’article
mentionné.
Analyse descriptive et statistique des réponses du questionnaire:
Afin d’analyser les données issues de notre questionnaire, le
logiciel SPSS a été utilisé. Le test de Friedman paraît pertinent pour
obtenir le résultat escompté. Nous avons évalué, à l’aide du
questionnaire, l’influence de l’âge et du sexe sur les intelligences
multiples des apprenants iraniens du FLE des niveaux A1 et A2.que
l’intelligence intrapersonnelle pour tous les 2 niveaux est la plus
fréquente et l’intelligence corporelle est la moins fréquente parmi les
intelligences données. On ne constate pas une grande différence
concernant les types d’intelligence pour les deux niveaux.
La différence des intelligences d’après le niveau peut se visualiser
sur le diagramme suivant :
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Diagramme 1: Les intelligences multiples d’après le niveau de français
L’influence de l’âge sur les intelligences multiples
Nous avons choisi trois catégories d’âge différentes:
- âge moins de 25 ans (âge <25);
- âge entre 25 et 30 ans (25 ≤âge≤30);
- âge plus de 30 ans (âge>30).
Pour les trois catégories d’âge choisies, les intelligences
interpersonnelle et intrapersonnelle sont les plus fréquentes. Afin
d’obtenir une analyse complète, tous les résultats ont été comparés.
Nous avons constaté que le rang moyen (Mean Rank) de l’intelligence
logico-mathématique dans tous les trois groupes est presque
semblable. Les intelligences corporelle, musicale, linguistique et
interpersonnelle diminuent par augmentation de l’âge des apprenants.
L’intelligence spatiale est la maximum pour 25 ≤ âge≤ 30, un peu
moins pour âge <25et la moins pour âge>30 Les différences entre le
degré de l’intelligence intrapersonnelle de ces 3 groupes ne sont pas
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
remarquables. Ce qui est très important, c’est que l’intelligence
intrapersonnelle est la plus pour les facteurs du niveau et d’âge.
L’influence de l’âge sur les intelligences multiples de notre
population d’étude est résumée dans le tableau ci- dessous:
Diagramme 2: L’influence de l’âge sur les intelligences multiples
Parmi les catégories d’âge que nous avons choisies, il n’y avait pas
de différences significatives. Quand- même pour la catégorie âge>30,
la moyenne de l’intelligence musicale est remarquablement plus basse
que les autres groupes. Ce qui rend difficile la prononciation d’une
langue étrangère pour eux.
L’influence du sexe sur les intelligences multiples
La comparaison des moyennes des résultats prouve que
l’intelligence intrapersonnelle s’attribue le statut le plus supérieur.
Pour les femmes, l’intelligence corporelle/ kinesthésique s’accorde
la moyenne la plus basse et pour les hommes, l’intelligence musicale
se place en bas des rangs.
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Diagramme 3: l’influence du sexe sur les intelligences multiples
Nous pouvons, par conséquent, conclure que d’après les résultats
obtenus de notre population d’étude, l’intelligence intrapersonnelle est
la plus fréquente sans être influencée par les trois facteurs mentionnés,
c’est- à- dire le niveau, l’âge et le sexe.
Les intelligences peuvent se développer grâce aux activités
proposées aux apprenants. Il est donc conseillé aux enseignants du
FLE de créer des activités adaptées à leurs intérêts et à ceux de leurs
apprenants vu leur profil. Chaque activité doit inclure plusieurs
intelligences de manière à joindre et stimuler tous les apprenants.
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
Des matériels et des activités proposés pour développer les
intelligences:
Les dictionnaires, les films avec sous-titre, les cassettes (textes lus
ou présentation verbales), les magazines ou des magnétoscopes
vidéodisques, etc. intéresseraient les apprenants ayant une intelligence
linguistique forte dans une classe de langue. Ces apprenants
apprennent souvent mieux par les présentations verbales, la lecture,
l’écriture et les discussions. L’enseignant pourrait par exemple,
enseigner la grammaire ou le vocabulaire à l’aide des contes, des
poèmes, des histoires drôles, des jeux de vocabulaires, des jeux de
lettres et des mots croisés suivant leur niveau de langue. La lecture à
haute voix, l’enregistrement d’un extrait de roman ou d’un poème etc.
seraient efficaces pour le développement de cette intelligence.
Afin de développer l’intelligence logique/ mathématique, les
activités ou les jeux qui encouragent ou exigent une pensée critique,
des questions ou phrases philosophiques pourraient se servir.
L’enseignant proposerait aux apprenants des activités de
comparaisons, de classifications, de raisonnements par découvrir les
relations comme la déduction dans l’enseignement de la grammaire.
Des activités prenant en considération la musicalité des mots et des
phrases s’avèrent utiles pour le développement de l’intelligence
musicale. L’enseignant demanderait, à titre d’exemple, aux
apprenants de partager les mots dont ils préfèrent la sonorité ou
aborderait un point grammatical en se servant des chansons. Les
matériaux à savoir des enregistrements sonores, des magnétophones,
des cassettes et des cédéroms de musique francophones, des paroles
des chansons françaises, etc. seraient adéquats afin de développer
cette intelligence.
Pour le développement de l’intelligence spatiale, les matériels
comme les photographies, les dictionnaires illustrés, les dessins, les
vidéos, les diapositives, les films sous- titrés ou non, les jeux de
constructions et des symboles graphiques paraissent convenables.
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Dans l’activité de lecture par exemple, quand les apprenants auront lu
un texte ou une partie de texte par exemple, on leur demandera de
fermer les yeux une ou deux minute et de revoir dans leur tête ce
qu’ils viennent de lire. Plus précisément, il faut laisser aux apprenants
suffisamment de temps afin qu’ils puissent visualiser ou esquisser des
dessins pendant leur lecture. L’apprenant se fait une image mentale
pour se rappeler certaines règles. La démarche de la méthode Silent
way par exemple dans l’utilisation des fonds de couleur serait efficace.
Les activités convenables pour le développement de l’intelligence
corporelle/ kinesthésique contiendraient des mouvements corporels et
des signaux visuels à savoir le théâtre, les jeux de rôle et l’utilisation
des gestes et du langage corporel.
Les apprenants ayant une forte intelligence interpersonnelle
apprennent mieux lorsqu’ils sont en situation de groupe ou lorsqu’ils
interagissent avec les autres et avec le contenu. Leur façon naturelle
de s’approprier un nouveau contenu implique une discussion avec les
autres. Les jeux et les activités non compétitives, les jeux et les
activités de révision en groupe et tous les matériels de communication
s’avèrent efficaces pour le développement de cette intelligence à
savoir travailler en groupe (chaque apprenant doit être responsable
d’une tâche), lire un conte et le discuter avec un partenaire, écrire un
texte en collaboration de ses camarades. L’environnement de la classe
est également important, les apprenants doivent faire confiance aux
autres et à l’enseignant. Des chaises ou des tables disposées en cercle
pourraient ainsi favoriser les échanges.
Les apprenants ayant une forte intelligence intrapersonnelle
apprennent mieux si on leur laisse le temps pour traiter l’information,
pour clarifier leurs idées, pour s’exprimer et pour réfléchir aux
apprentissages en cours. Les projets individuels, les tests de
connaissance de soi (tests IM), le journal de bord de leurs
apprentissages ou la préparation du portfolio d’apprentissage
favoriseraient le développement de cette intelligence. À titre
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Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
d’exemple, laisser le choix de ne pas faire une activité avec les autres;
interpréter un poème, un passage ou une image; faire un exposé sur
PowerPoint; travailler de façon individuelle plutôt qu’avec les autres;
se décrire dans des compositions; exprimer ses sentiments et créer des
objectifs personnels. Concernant l’environnement de la classe, la
disposition des chaises et des tables doit être de manière à ce que les
apprenants puissent travailler indépendamment, ils doivent disposer
du temps pour la réflexion et le travail solitaire. Chaque apprenant doit
avoir un espace propre. Les textes de différents genre d’émotion à
savoir le désir, l’espoir, la peur, la description d’un jour gai/ triste
dans la vie, ou d’une journée où on se sent tout seul, réveilleraient
cette intelligence.
Si l’enseignant se sert d’un questionnaire sur les intelligences
multiples comme ce qui vient d’être servi dans cet article, il pourra
mettre les apprenants ayant les mêmes types d’intelligence dans les
groupes selon l’activité visée. Par exemple, s’il existe, dans un groupe,
des apprenants avec une forte intelligence interpersonnelle et un seul
apprenant ayant une forte intelligence intrapersonnelle, ceux qui
disposent de l’intelligence interpersonnelle s’entendent bien et
coopèrent parfaitement, tandis que celui ayant une forte intelligence
intrapersonnnelle sera poussé au silence et ne pourra pas participer
dans les activités.
Il y aurait d’autres cas également: Si par exemple, l’enseignant a
l’intention de travailler sur l’activité de lecture en groupe à haute voix,
il peut mettre un apprenant ayant une forte intelligence musicale/
rythmique et linguistique dans chaque groupe pour que celui- ci
oriente les autres à une meilleure prononciation.
Nous pouvons en conséquence résumer de cette façon que la
reconnaissance des types d’intelligences de la part de l’enseignant
peut faciliter le parcours d’apprentissage des apprenants.
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En guise de conclusion
D’après les études effectuées sur les intelligences multiples, on
s’est rendu compte qu’à part les facteurs biologique, individuel,
culturel et historique, le facteur d’âge et sexe affectent certains types
d’intelligences des apprenants iraniens.
Les résultats de cette recherche prouvent que l’intelligence
interpersonnelle et à sa suite, intrapersonnelle se situent à un niveau
très élevé. Ce résultat a de bons avantages dans l’enseignement de la
langue, puisque ces deux intelligences peuvent améliorer les autres
intelligences. Lorsque les apprenants iraniens sont conscients que leur
intelligence musicale laisse à désirer, ils s’efforcent eux-mêmes de
combler les lacunes.
D’après nos observations de terrain, on a compris que l’intelligence
musicale/ rythmique et l’intelligence corporelle/ kinesthésique des
apprenants iraniens se placent en bas d’échelle, ce qui pourrait être
considéré comme un inconvénient vu que celles- ci jouent un rôle
primordial dans l’acquisition d’une langue étrangère.
La théorie des intelligences multiples justifie donc le choix d’une
position éclectique et pluri-méthodologique au moment d’apprendre
ou d’enseigner une langue étrangère, ainsi donc, les intelligences
seront développées vue qu’elles ne sont pas statiques.
En guise de conclusion, on dirait que connaître les types
d’intelligence des apprenants aidera à améliorer le degré d’acquisition
de nouvelles informations dans tous les domaines, le cas échéant, dans
l’acquisition de la langue française.
Le champ de recherche dans ce domaine n’est pas clos et reste à
explorer: des enquêtes sur les manuels connus et récents de langue
française et les types d’intelligences développées par ces derniers ou
une étude sur les enseignants iraniens du FLE afin de connaître leur
types d’intelligences utilisés dans une classe du FLE en Iran pourront
être les sujet des recherches ultérieures.
73
Les intelligences multiples et l’apprentissage du FLE
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