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Université de Montréal
Étude du contrôle postural quasi-statique et dynamique en position debout des
personnes ayant une lésion médullaire incomplète
par Jean-François Lemay
École de réadaptation, Faculté de Médecine
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures
en vue de l’obtention du grade de
Philosophiae Doctor (Ph.D.)
en Sciences de la réadaptation
Octobre 2014
©Jean-François Lemay, 2014
iv
Université de Montréal
Faculté des études supérieures et postdoctorales
Cette thèse intitulée :
Étude du contrôle postural quasi-statique et dynamique en position debout des
personnes ayant une lésion médullaire incomplète
présentée par Jean-François Lemay
a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :
Dorothy Barthélemy, Ph.D.
Président-rapporteur
Sylvie Nadeau, Ph.D.
Directrice de recherche
Dany Gagnon, Ph.D.
Codirecteur
Robert Forget, Ph.D.
Membre du jury
Joyce Fung, Ph. D.
Examinateur externe
ii
RÉSUMÉ
Étude du contrôle postural quasi-statique et dynamique en position debout des
personnes ayant une lésion médullaire incomplète
L’atteinte sensorimotrice découlant d’une lésion médullaire traumatique affecte la
capacité à se tenir debout de façon sécuritaire. Chez les individus ayant une lésion
médullaire incomplète, les chutes lors des tâches locomotrices sont fréquentes après
la réadaptation, entraînant des blessures qui affectent la participation sociale et la
qualité de vie. Une meilleure compréhension du contrôle postural en clinique aiderait
à cibler des interventions efficaces à ce niveau. L’objectif général de cette thèse était
donc d’étudier le contrôle postural debout lors de tâches variées chez les personnes
avec lésion médullaire traumatique en utilisant une approche biomécanique. Les
objectifs spécifiques étaient d’étudier divers aspects du contrôle postural en lien avec
chacune des tâches et d’identifier les variables prédictives de la stabilité. Vingt-cinq
(25) personnes ayant une lésion médullaire traumatique incomplète ont été recrutées.
Elles ont été évaluées au laboratoire d’analyse de mouvement lors du maintien de la
station debout quasi-statique yeux ouverts et fermés, de l’exécution d’un test des
limites de stabilité multidirectionnelles, de la marche naturelle et de l’initiation et l’arrêt
de la marche. Des mesures biomécaniques caractérisant le déplacement du centre
de pression (COP) ainsi que le modèle du contrôle postural dynamique des forces
stabilisantes et déstabilisantes ont été utilisés pour comparer le contrôle postural des
patients à celui d’un groupe formé de 33 personnes en santé. Les résultats ont
montré une diminution du contrôle postural quasi-statique et dynamique chez les
personnes ayant une lésion médullaire comparativement aux personnes en santé.
Cette diminution s’accompagnait d’une contribution élevée des informations visuelles
à la station debout quasi-statique qui était associée au score du mini BESTest. Le
déplacement du COP lors du test des limites de stabilité multidirectionnelle se
caractérisait par une difficulté à suivre la direction indiquée. Ce manque de précision
causait une augmentation du trajet nécessaire pour atteindre la distance maximale
dans chacune des directions. Les résultats au maintien de la station debout quasi-
iii
statique et au test des limites de stabilité multidirectionnelle n’étaient pas corrélés. La
phase unipodale de la marche des personnes ayant une lésion médullaire différait de
celle des personnes en santé par une force stabilisante maximale moindre et une
force déstabilisante plus grande alors que l’arrêt de la marche se révélait plus
instable que l’initiation de la marche chez les personnes ayant une lésion médullaire.
Pour l’ensemble des tâches de marche, la vitesse du COM et la distance entre le
COP et la base de support étaient les facteurs explicatifs principaux des forces
stabilisantes et déstabilisantes. En somme, les résultats confirment l’impression
clinique d’une atteinte générale du contrôle postural debout des personnes ayant une
lésion médullaire; ils en précisent les caractéristiques et ciblent les paramètres à
considérer dans la rééducation.
Mots-clés : lésion médullaire, contrôle postural debout, ambulation, évaluation,
biomécanique, réadaptation.
iv
ABSTRACT
Analysis of quasi-static and dynamic postural control while standing among
individuals with an incomplete spinal cord injury
Sensorimotor impairments resulting from a traumatic spinal cord injury affect the
ability to stand safely. Individuals with incomplete spinal cord injury commonly
experience falls while performing locomotor tasks after rehabilitation, resulting in
injuries that affect social participation and quality of life. A better understanding of
postural control in the clinical setting would help to identify effective interventions in
this regard. The main objective of this thesis was to investigate standing postural
control during various tasks among individuals with traumatic spinal cord injury using
biomechanical assessments. The specific objectives were to explore the various
aspects of postural control associated with each task and to identify explanatory
factors of postural control. Twenty-five (25) people with incomplete traumatic spinal
cord injury were recruited and underwent biomechanical assessments in a
pathokinesiology laboratory. These assessments examined quasi-static stance with
eyes open and closed, comfortable multidirectional limits of stability, natural gait, and
gait initiation and termination. Biomechanical measures characterizing the
displacement of the center of pressure (COP) as well as the stabilizing/destabilizing
force model were used to compare the postural control of individuals with spinal cord
injury with 33 able-bodied individuals. The results showed a decrease in quasi-static
and dynamic postural control in people with spinal cord injury compared to their
healthy counterparts. This decrease was accompanied by excessive reliance on
visual information during quasi-static standing and correlated with the scores
achieved on the Mini-BESTest. Displacement of the COP during the comfortable
multidirectional limits of stability test was characterized by difficulty in following the
indicated direction. This lack of precision increased the distance required to reach the
maximal position in each direction. Measures of quasi-static stance did not correlate
with those of the comfortable multidirectional limits of stability test. The single-support
phase of gait among individuals with spinal cord injury was found to have a lower
v
maximal stabilizing force and a greater destabilizing force compared to able-bodied
individuals, whereas gait termination was more challenging than gait initiation for
individuals with spinal cord injury. For all gait tasks, the COM velocity and the
distance between the COP and the base of support were the main explanatory factors
of stabilizing and destabilizing forces. To summarize, the results confirm the clinical
impression of standing postural control impairment among individuals with spinal cord
injury and identify the characteristics and parameters to consider for rehabilitation.
Keywords: spinal cord injury, standing postural control, gait, evaluation,
biomechanics, rehabilitation
vi
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ ............................................................................................................ II
TABLE DES MATIÈRES ................................................................................... VI
LISTE DES TABLEAUX .................................................................................... X
LISTE DES FIGURES ...................................................................................... XII
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS ......................................................XIV
DÉDICACE ......................................................................................................XVI
REMERCIEMENTS ........................................................................................ XVII
CHAPITRE 1: INTRODUCTION.................................................................. 1-1
CHAPITRE 2: RECENSION DES ÉCRITS ................................................. 2-1
2.1 Lésion médullaire .................................................................................... 2-1
2.1.1 Incidence, prévalence et coûts associés .................................................... 2-1
2.1.2 Classification des lésions médullaires ........................................................ 2-1
2.1.3 Conséquences d’une lésion médullaire ...................................................... 2-4
2.2 Contrôle postural ..................................................................................... 2-8
2.2.1 Définition du contrôle postural .................................................................... 2-8
2.2.2 Composantes biomécaniques du contrôle postural .................................... 2-8
2.2.3 Physiologie du contrôle postural ............................................................... 2-11
2.2.4 Contrôle postural debout quasi-statique ................................................... 2-19
2.2.5 Contrôle postural debout dynamique ........................................................ 2-21
2.2.6 Évaluation clinique du contrôle postural debout........................................ 2-32
2.3 Résumé de la revue de la littérature ..................................................... 2-38
CHAPITRE 3: OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES .......................................... 3-1
3.1 Objectifs généraux et hypothèses générales de la thèse ........................ 3-1
3.2 Objectifs spécifiques de la thèse ............................................................. 3-1
CHAPITRE 4: MÉTHODOLOGIE................................................................ 4-1
vii
4.1 Approbations liées à la réalisation du projet ............................................ 4-1
4.2 Population à l’étude................................................................................. 4-1
4.3 Recrutement des participants ................................................................. 4-2
4.4 Procédure ............................................................................................... 4-3
4.4.1 Évaluations cliniques .................................................................................. 4-4
4.4.2 Évaluations en laboratoire .......................................................................... 4-8
4.4.3 Analyse des données ............................................................................... 4-12
4.4.4 Analyses statistiques ................................................................................ 4-12
CHAPITRE 5: RÉSULTATS ....................................................................... 5-1
5.1 Article # 1: Influence of visual inputs on quasi-static standing postural
steadiness in individuals with spinal cord injury ...................................... 5-3
5.1.1 Préface ...................................................................................................... 5-4
5.1.2 Abstract ...................................................................................................... 5-5
5.1.3 Introduction: ............................................................................................... 5-6
5.1.4 Methods: .................................................................................................... 5-6
5.1.5 Results: ...................................................................................................... 5-7
5.1.6 Discussion: ................................................................................................. 5-8
5.1.7 Conclusion: ................................................................................................ 5-9
5.1.8 Acknowledgements: ................................................................................... 5-9
5.1.9 Conflict of interest statement ...................................................................... 5-9
5.1.10 References ............................................................................................... 5-10
5.2 Article # 2: Center-of-pressure total trajectory length is a
complementary measure to maximum excursion to better
differentiate multidirectional standing limits of stability between
individuals with incomplete spinal cord injury and able-bodied
individuals ............................................................................................. 5-16
5.2.1 Préface .................................................................................................... 5-17
5.2.2 Abstract .................................................................................................... 5-18
5.2.3 Background: ............................................................................................. 5-20
5.2.4 Methods: .................................................................................................. 5-22
5.2.5 Results: .................................................................................................... 5-26
5.2.6 Discussion................................................................................................ 5-27
5.2.7 Conclusion ............................................................................................... 5-33
viii
5.2.8 References: .............................................................................................. 5-35
5.3 Article # 3: Postural and dynamic balance while walking in adults with
incomplete spinal cord injury ................................................................. 5-45
5.3.1 Préface .................................................................................................... 5-46
5.3.2 Abstract .................................................................................................... 5-48
5.3.3 Introduction .............................................................................................. 5-49
5.3.4 Methods ................................................................................................... 5-51
5.3.5 Results ..................................................................................................... 5-55
5.3.6 Discussion................................................................................................ 5-57
5.3.7 Conclusion ............................................................................................... 5-61
5.4 Article 4: Balance during gait initiation and termination of adults with
incomplete spinal cord injury ................................................................. 5-72
5.4.1 Préface .................................................................................................... 5-73
5.4.2 Abstract .................................................................................................... 5-75
5.4.3 Introduction .............................................................................................. 5-76
5.4.4 Methods ................................................................................................... 5-77
5.4.5 Results ..................................................................................................... 5-82
5.4.6 Discussion................................................................................................ 5-84
5.4.7 Conclusion ............................................................................................... 5-87
5.4.8 References ............................................................................................... 5-88
CHAPITRE 6: DISCUSSION GÉNÉRALE DES RÉSULTATS ................... 6-1
6.1 Synthèse des résultats de la thèse ......................................................... 6-1
6.1.1 Équilibre quasi-statique .............................................................................. 6-1
6.1.2 Intégration sensorielle ................................................................................ 6-4
6.1.3 Liens entre le contrôle postural quasi-statique vs dynamique ..................... 6-5
6.1.4 Modèle des forces stabilisantes et déstabilisantes ..................................... 6-6
6.2 Contribution à la pratique clinique ......................................................... 6-12
6.2.1 Évaluer de façon exhaustive le contrôle postural debout en clinique ........ 6-12
6.2.2 Améliorer le contrôle du COP ................................................................... 6-14
6.2.3 Favoriser la normalisation de l'intégration sensorielle ............................... 6-15
6.2.4 Paramètres à varier pour améliorer le contrôle postural dynamique ......... 6-15
6.3 Limites des travaux ............................................................................... 6-16
ix
6.3.1 Limites associées aux qualités métrologiques des tests utilisés ............... 6-16
6.3.2 Limites méthodologiques .......................................................................... 6-17
6.3.3 Généralisation des études ........................................................................ 6-19
6.4 Avenues de recherches futures ............................................................ 6-19
6.4.1 Évaluation de l’intégration sensorielle ...................................................... 6-20
6.4.2 Validation d’une échelle clinique .............................................................. 6-20
6.4.3 Évaluation biomécanique exhaustive de la marche .................................. 6-21
6.4.4 Déterminants du contrôle postural debout ................................................ 6-22
CHAPITRE 7: CONCLUSION ..................................................................... 7-1
CHAPITRE 8: RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ............................... 8-1
ANNEXE I: CERTIFICAT D’ÉTHIQUE ....................................................... I
ANNEXE II: FORMULAIRES DE CONSENTEMENT ................................ IV
ANNEXE III: ABRÉGÉS DES PRÉSENTATIONS PUBLIÉES .................XIX
ANNEXE IV: ABRÉGÉS NON PUBLIÉS ............................................... XXVI
x
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 2.1 : Échelle de sévérité de l'American Spinal Cord Injury
Association (ASIA). ................................................................................. 2-4
Tableau 2.2 : Épreuves de l'échelle de Berg ................................................. 2-33
Tableau 4.1: Critères d’inclusion et d’exclusion pour les participants
ayant une LM .......................................................................................... 4-2
Tableau 4.2: Provenance des participants selon les publications.................... 4-4
Tableau 4.3: Données démographiques et évaluations cliniques des
participants ayant une LM ....................................................................... 4-5
Tableau 4.4: Évaluations en laboratoire effectuées par les
participants ayant une LM ....................................................................... 4-6
Tableau 4.5 : Caractéristiques démographiques et évaluations des
personnes en santé................................................................................. 4-7
Tableau 4.6: Emplacement des marqueurs ................................................... 4-11
Tableau 4.7: Repères anatomiques sondés .................................................. 4-11
Tableau 5.1 : Median and quartiles for all COP-related measures and
Romberg ratios ..................................................................................... 5-15
Tableau 5.2: Descriptive characteristics of the participants (n=32),
mean (SD) and range............................................................................ 5-38
Tableau 5.3: Descriptive characteristics of the participants on the
dynamic and quasi-static tests .............................................................. 5-39
Tableau 5.4: Correlation matrix between the dynamic and the quasi-
static tests for individuals with SCI ........................................................ 5-40
Tableau 5.5 : Characteristics (mean ± SD) for all participants and
subgroups ............................................................................................. 5-65
Tableau 5.6 : Between-group comparisons on stability variables
during the single support phase of walking ........................................... 5-66
Tableau 5.7 : Pearson’s correlation coefficients between stability and
biomechanical parameters .................................................................... 5-67
xi
Tableau 5.8 : Multiple regression analyses (stepwise) on stability
parameters ............................................................................................ 5-68
Tableau 5.9 : Mean characteristics of the participants (n=12) ....................... 5-91
Tableau 5.10 : Median and range of stabilizing and destabilizing
forces as well as biomechanical explanatory factors during gait
initiation and termination ....................................................................... 5-92
Tableau 5.11 : Level of significance of the Wilcoxon signed-rank tests
and effect sizes (Pearson’s r correlation coefficient) on tasks
comparison. .......................................................................................... 5-93
xii
LISTE DES FIGURES
Figure 2.1 : Évaluation des fonctions sensitives et motrices de
l’American Spinal Cord Injury Association (ASIA) ................................... 2-3
Figure 2.2: Base de support, limites de stabilité et aire usuelle des
déplacements du COP lors de la station debout quasi-statique. ........... 2-10
Figure 2.3: Trajectoire du COM et du COP durant la marche ........................ 2-24
Figure 2.4: Trajectoire du COM et du COP durant l'initiation de la
marche .................................................................................................. 2-26
Figure 2.5: Trajectoire du COM et du COP durant l’arrêt de la marche ......... 2-27
Figure 2.6: Modèle d’évaluation de l’équilibre dynamique par les
forces stabilisantes et déstabilisantes ................................................... 2-30
Figure 2.7: Test des limites de stabilité du Balance Master ........................... 2-32
Figure 2.8: Épreuves du Balance Evaluation Systems Test et des
versions abrégées ................................................................................. 2-37
Figure 4.1: Standardisation de la position des pieds ....................................... 4-9
Figure 4.2: Test des limites de stabilité multidirectionnelle ............................ 4-10
Figure 5.1 : Profile of the COP velocity and displacement of two
participants ............................................................................................ 5-13
Figure 5.2 : Scatter plots of the Mini BESTest and Romberg ratio of
the COP parameters ............................................................................. 5-14
Figure 5.3 : Mean and standard deviation (SD) of the COPmax and the
COPlength for both groups of participants. .............................................. 5-42
Figure 5.4 : Example of COP displacement during the MLST for a SCI
and an able-bodied participant. ............................................................. 5-43
Figure 5.5 : Statistically significant level of association between the
QST and the MLST parameters in individuals with SCI. ....................... 5-44
Figure 5.6 : Profile of the stabilizing and destabilizing forces and their
potential explanatory factors for both groups of participants. ................ 5-70
xiii
Figure 5.7 : Scatter plots of the maximal stabilizing force and the
minimal destabilizing force as a function of their potential
explanatory factors ................................................................................ 5-71
Figure 5.8 : Comparison between the single-support and bipodal
phases of gait initiation and termination. ............................................... 5-95
Figure 5.9: Profiles of the stabilizing and destabilizing forces and their
potential explanatory factors. ................................................................ 5-97
xiv
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ABLE Activity-based Balance Evaluation Scale
AIS ASIA Impairment Scale
APA Ajustements posturaux anticipatoires
ASIA American Spinal Cord Injury Association
AVC Accident vasculaire cérébral
BBS Berg Balance Scale
BESTest Balance Evaluation Systems Test
BOS Base of support/Base de support
COG Centre de gravité
COM Centre de masse
COP Centre de pression
COParea Aire du polygone formé par le COPmax
COPlength Longueur du trajet du COP
COPmax Distance maximale franchie par le COP
CRIR Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation
ERRSM Équipe de recherche en réadaptation sensorimotrice
FRQ-S Fond de recherche du Québec-Santé
IRGLM Institut de réadaptation Gingras-Lindsay de Montréal
LM Lésion médullaire
LEMS Lower Extremity Motor Score
LOS Limits of stability/limites de stabilité
MBT Mini BESTest
REPAR Réseau provincial de recherche en adaptation-réadaptation
xv
RMS Root mean square/moyenne quadratique
RPA Réponse posturale automatique
SBM Smart Balance Master
SCI Spinal Cord Injury
SCI-FAI Spinal Cord Injury Functional Ambulation Inventory
SCIM Spinal Cord Injury Independence Measure
VPS Verticale posturale subjective
VVS Verticale visuelle subjective
WISCI Walking Index for Spinal Cord Injury
xvi
DÉDICACE
À Léonard et Philémon,
À Marie,
Vous m’êtes très précieux.
xvii
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance envers ma directrice, Dre
Sylvie Nadeau. Après mes études de maîtrise, je la remercie d’avoir accepté de me
superviser pour mes études doctorales. Elle a su me guider à travers les nombreuses
étapes du doctorat. Malgré son horaire chargé, j’ai toujours senti sa disponibilité et
son écoute. J’ai donc pu bénéficier d’un encadrement sans pareil qui m’a permis
d’approfondir encore plus mes connaissances en recherche. Merci mille fois, Sylvie.
J’aimerais également remercier Dr. Dany Gagnon, mon co-directeur, pour sa très
grande implication et sa complicité tout au long de mes études. J’ai particulièrement
apprécié sa contribution pour la rédaction des divers articles scientifiques inclus dans
cette thèse. Il a su m’apporter un éclairage nouveau à cet effet. Grâce à lui, j’ai mieux
compris la structure de ces productions écrites et l’interprétation des analyses
statistiques. Merci Dany pour ta rigueur et ton support.
Parallèlement, j’aimerais remercier Dr. Cyril Duclos pour son apport à mes études
doctorales. Sa connaissance profonde du modèle d’équilibre dynamique m’a été utile
pour peaufiner la rédaction des deux derniers articles de cette thèse. J’ai pu avoir
avec lui des discussions de très haut niveau sur le contrôle postural qui m’ont
grandement éclairé par la suite dans mes études. Merci Cyril pour ton implication.
Plusieurs personnes m’ont soutenu lors des collectes de données en laboratoire et du
traitement de ces données. J’aimerais remercier Philippe Gourdou, Youssef El-
Khamlichi, Carole Miéville, Guillaume Desroches et de feu Pierre Desjardins. Leur
assistance précieuse m’a permis de comprendre et réaliser ces tâches complexes. Je
tiens particulièrement à souligner la contribution importante de Philippe Gourdou pour
l’analyse du test des limites de stabilité multidirectionnelles. J’aimerais également
remercier Michel Goyette, ingénieur, pour son support en ce qui concerne le matériel
informatique.
Avec le recul, je réalise que l’examen de synthèse aura été une étape déterminante
pour développer et consolider mes connaissances. En plus de mes directeurs,
xviii
j’aimerais remercier Dr. Robert Forget, Dr. Luc Noreau et Dre. Debbie Feldmann
d’avoir accepté de prendre part à cet exercice aussi exigeant qu’instructif.
Parallèlement, j’aimerais souligner le travail de Marie Brodeur Gélinas et Gilles
Bisson pour la révision linguistique de mes épreuves.
L’aventure doctorale n’aurait pu se dérouler sans un soutien financier important. Les
bourses provenant du FRQ-S, de la faculté des études supérieures et postdoctorales,
de même que la contribution de ma directrice et de l’IRGLM m’ont permis de réaliser
mes études en minimisant les impacts financiers sur ma petite famille. Je remercie
également la fondation Craig H. Nielsen et l’ERRSM pour le support financier au
projet de recherche ainsi que le CRIR et le REPAR pour l’aide financière m’ayant
permis de participer à divers congrès et de réaliser des affiches scientifiques.
Tout aussi important que le soutien financier est le soutien moral dont j’ai pu
bénéficier. J’aimerais saluer chaleureusement la présence de mes amies du doctorat,
soit Carole Miéville, Séléna Lauzière et Martina Betschart, pour leur écoute et les
joyeux moments de décrochage délicieusement accompagnés de chocolat suisse!
Surtout, je vous souhaite bonne chance pour la suite. J’ai une bonne pensée aussi
pour tous les autres étudiants aux études supérieures de l’École de réadaptation de
l’Université de Montréal. Cette petite communauté m’a fourni un support exceptionnel
à de multiples niveaux et c’était avec grand plaisir que je les retrouvais quelques fois
par année lors de colloques ou de soupers informels. À tous ceux-ci, j’ajoute enfin les
encouragements de mes amis et collègues de travail dans les divers programmes de
l’IRGLM.
J’aimerais enfin remercier ma famille, ma belle-famille et mes amis. Un merci
particulier à Gilles, mon ami, pour son écoute unique. Je t’en dois plusieurs! Merci à
mes fistons, Léonard et Philémon, mon rôle de papa étant encore la meilleure façon
de décrocher du traitement de données, des analyses statistiques et des périodes de
rédaction. Leur présence fut salutaire pour me garder les pieds sur terre et poursuivre
mon autre doctorat, celui en paternité. Merci enfin à Marie, ma conjointe, pour son
amour, sa présence, sa compréhension, son support et sa complicité.
CHAPITRE 1: INTRODUCTION
Au Canada, on estime qu’environ 4 300 nouvelles personnes seront victimes d’une
lésion à la moelle épinière chaque année. Selon les différentes études, cela
représente une incidence se situant entre 35 et 53 cas par million, ce qui concorde
avec l’incidence rapportée sur le plan international(Dryden et al., 2003; Pickett et al.,
2006; Pickett et al., 2003; Wyndaele et Wyndaele, 2006). On retrouve jusqu’à 51% de
lésions médullaires (LM) d’origine traumatique (Farry et Baxter, 2010; Noonan et al.,
2012). La prévalence de cette condition au Canada s’élève à 85 556 personnes, une
donnée combinant tant les lésions de type traumatique que non traumatique (Farry et
Baxter, 2010). Les études rapportent une tendance vers un plus grand nombre de
lésions incomplètes (47,9 à 60%) par rapport aux lésions complètes (Wyndaele et
Wyndaele, 2006). Une proportion non négligeable de cette clientèle peut donc aspirer
à retrouver une certaine fonction en position debout.
Récupérer la locomotion est jugé prioritaire par les personnes ayant subi une LM
(Ditunno et al., 2008). Si l’atteinte de cet objectif est limitée suite à une lésion
complète, les statistiques révèlent que la plupart des gens présentant initialement une
certaine motricité sous le niveau lésionnel retrouvent un niveau de marche
fonctionnel après la réadaptation. En effet, alors que moins de 10% des personnes
ayant une lésion complète (AIS A) peuvent remarcher, cette statistique s’élève à plus
de 80% chez les personnes présentant une lésion incomplète de type AIS D
(Scivoletto et al., 2009).
Cependant, cette récupération de la station debout et de l’ambulation s’accompagne
d’un risque de chute particulièrement élevé chez ces individus. En effet, de récentes
études prospectives et rétrospectives rapportent que de 54 à 75% des personnes
atteintes d’une LM incomplète et ayant récupéré une certaine mobilité ambulatoire
rapportent avoir chuté au moins une fois durant la période évaluée (Amatachaya et
al., 2011; Brotherton et al., 2007a; Phonthee et al., 2013). Ces chutes ne sont pas
sans conséquence, telles que le révèlent les fractures (18%) et la réduction de la
1-2
participation sociale (45%) qui en résultent (Amatachaya et al., 2011; Brotherton et
al., 2007a). Comme le contrôle postural en position debout sert fréquemment de
facteur prédictif du risque de chute et de la fonction ambulatoire chez de multiples
populations dont celle atteinte d’une LM (Saraf et al., 2010; Scivoletto et al., 2008;
Wirz et al., 2010), il s’avère pertinent d’en comprendre les particularités chez cette
clientèle afin de mieux orienter les interventions visant à réduire le nombre de chutes
et à optimiser la fonction en position debout.
À l’heure actuelle, en dépit de la pertinence, peu d’études portent sur le contrôle
postural de personnes ayant une LM. Parmi celles-ci, Thigpen et al. (2009) ont
observé une latence plus importante des réponses posturales à une perturbation
externe chez huit personnes ayant une LM traumatique par rapport à autant de
personnes en santé. Lee et al. ont étudié le contrôle postural quasi-statique de 10
personnes ayant une LM incomplète et de 10 personnes en santé à l’aide du système
d’évaluation du contrôle postural Tetrax (Lee et al., 2012). L’ensemble des
évaluations révélait une stabilité diminuée, une plus grande intensité de la fréquence
des oscillations posturales, une distribution de la mise en charge plus asymétrique et
un indice de chute plus élevé dans le groupe de personnes ayant une LM. Des
informations somatosensorielles limitées ou une compensation insuffisante par les
informations visuelles expliqueraient les altérations du contrôle postural détectées,
selon les auteurs (Lee et al., 2012). Des évidences indirectes d’une atteinte de
l’intégration sensorielle nécessaire au contrôle postural émergent d’une étude de Van
Hedel et al. (2005) qui notent une capacité moindre à éviter un obstacle en marchant
sur un tapis roulant lorsque la vision est obstruée chez cette clientèle par rapport à
des individus en santé. Chez des individus présentant une myélopathie cervicale, on
rapporte aussi la présence d’une plus grande instabilité lors de la station debout et
des latences plus importantes des réactions posturales suite à une perturbation en
comparaison à des personnes en santé (Nardone et al., 2008; Yoshikawa et al.,
2008). Parallèlement, quelques recherches ont porté sur les qualités métrologiques
de certains outils de mesure clinique du contrôle postural debout tels que l’échelle de
Berg (Datta et al., 2012; Datta et al., 2009; Wirz et al., 2010), le Activity-based
1-3
Balance Level Evaluation (Ardolino, 2010; Ardolino et al., 2012) et certaines épreuves
du Balance Master (Lemay et Nadeau, 2013). Ces études mettent en relief plusieurs
lacunes dans ces évaluations, tels qu’un effet plafond et une validité prédictive limitée
du risque de chute. Elles suggèrent également une atteinte générale du contrôle
postural sans en préciser les caractéristiques.
En ce qui a trait à l’évaluation de la marche chez les personnes avec LM, elle semble
être caractérisée par une variabilité accrue des paramètres de marche (longueur,
largeur et placement des pas) et d’équilibre (marge de stabilité) par rapport aux sujets
en santé (Day et al., 2012). Des adaptations posturales sont également présentes
chez ces individus lors de la marche sur tapis roulant. Entre autres, Leroux et al.
(2006) rapportent une augmentation de la flexion antérieure du tronc et du bassin
durant la marche sur un plan horizontal ou incliné (Leroux et al., 2006) alors que
Pepin et al., (2003) constatent des modifications dans l’activité électromyographique
des muscles des membres inférieurs et de la cinématique du genou par rapport à des
individus en santé (Pepin et al., 2003). L’ensemble de ces observations suggèrent
une altération du contrôle postural lors des activités locomotrices usuelles et justifient
des études visant à mieux comprendre les atteintes de cette clientèle afin de guider la
réadaptation.
Jusqu’à présent, les interventions visant à améliorer principalement ou en parallèle le
contrôle postural debout des personnes ayant une lésion à la moelle épinière (LM)
ont fait l’objet de quelques études. Ces interventions sont composées d’exercices
réalisés sur une plateforme de force avec une tâche affichée sur un écran (Sayenko
et al., 2010; Tamburella et al., 2013) ou d’exercices généraux conventionnels de
physiothérapie (Alexeeva et al., 2011; Fritz et al., 2011; Harkema et al., 2011). Dans
cette dernière étude, les exercices ciblant le contrôle postural ne sont pas
suffisamment décrits pour répliquer la méthodologie. Même si toutes ces études ne
comprennent pas toutes un groupe contrôle, elles montrent néanmoins une
amélioration du contrôle postural suivant l’entraînement, quel qu’il soit. Des
1-4
connaissances supplémentaires sur le contrôle postural debout permettraient de
préciser comment en optimiser les paramètres.
En somme, les caractéristiques du contrôle postural debout suite à une LM ne sont
que partiellement exposées et ne suffisent pas à formuler des recommandations
quand aux évaluations et interventions à privilégier. Parmi les études répertoriées
précédemment, seulement trois ont tenté de caractériser le contrôle postural
d’individus ayant une LM traumatique à partir d’évaluations quantifiant des
paramètres biomécaniques (Day et al., 2012; Lee et al., 2012; Thigpen et al., 2009).
En comptant la présente introduction, cette thèse comprend sept (7) chapitres dédiés
successivement à la recension des écrits nécessaires à la compréhension de cet
ouvrage (cf. Chapitre 2), à la description des objectifs généraux et spécifiques ainsi
que la formulation des hypothèses qui en découlent (cf. Chapitre 3), à la présentation
de la méthodologie complémentaire à celle décrite dans les articles scientifiques (cf.
Chapitre 4), aux résultats de quatre (4) articles (cf. Chapitre 5), à la discussion
générale portant sur l’ensemble des résultats de la thèse (cf. Chapitre 6) et à la
conclusion (cf. Chapitre 7). Des quatre (4) manuscrits inclus dans la section résultat,
trois (3) sont maintenant publiés dans une revue avec comité de pairs et le dernier a
été soumis pour publication et est présentement en révision. En parallèle, 5 abrégés
ont été présentés dans des congrès sur les scènes provinciale, nationale et
internationale en lien avec les résultats de ce projet d’études doctorales. Des
exemples sont présentés aux annexes III et IV.
CHAPITRE 2: RECENSION DES ÉCRITS
2.1 Lésion médullaire
2.1.1 Incidence, prévalence et coûts associés
Au pays, l’incidence annuelle des lésions à la moelle épinière se situe entre 35 et 53
cas par million, ce qui représente environ 4300 nouveaux cas par année (Farry et
Baxter, 2010; Noonan et al., 2012; Pickett et al., 2006; Pickett et al., 2003;
Pirouzmand, 2010). L’âge moyen des personnes victime de ces lésions se situe à 35
ans, les hommes étant plus affectés par ce type de blessure que les femmes dans
une proportion allant de 3 à 5 pour un (Dryden et al., 2003; Guilcher et al., 2010;
Pickett et al., 2006; Wyndaele et Wyndaele, 2006). Les lésions médullaires entraînent
des coûts annuels élevés en soins de santé que l’on estime à 2,67 milliards au
Canada et de 4 à 9,7 milliards de dollars aux États-Unis (Ackery et al., 2004; Krueger
et al., 2013; Sekhon et Fehlings, 2001). La LM se retrouve ainsi au second rang des
conditions médicales les plus dispendieuses à traiter (Winslow et al., 2002). De ce
point de vue, toute amélioration dans les interventions prodiguées à ce groupe est
susceptible de se traduire par une diminution des coûts de santé.
2.1.2 Classification des lésions médullaires
2.1.2.1 Lésions traumatiques et non traumatiques
Une lésion médullaire se produit lorsque l’intégrité de sa structure est altérée. Cette
altération peut être de deux natures, soit traumatique ou non traumatique. Une lésion
traumatique se produit suite à un impact physique externe, les accidents de la route
(55%) et les chutes (18%) formant les deux causes les plus fréquentes (Dryden et al.,
2003; Farry et Baxter, 2010). La LM non-traumatique, souvent dénommée
myélopathie, résulte d’une condition médicale affectant la moelle telle qu’une
infection, une maladie ou une tumeur (Farry et Baxter, 2010). On estime que jusqu’à
51% des lésions médullaires seraient d’origine traumatique au Canada (Farry et
2-2
Baxter, 2010; Noonan et al., 2012). À noter que comme la population étudiée dans
cette thèse est celle ayant une LM traumatique, la recension des écrits se
concentrera particulièrement sur ce type de lésion. Cependant, comme la littérature
portant sur l’équilibre debout des personnes ayant une LM traumatique est encore
peu étayée, des compléments d’informations provenant de la clientèle myélopathique
(lésion non-traumatique) seront présentés pour mieux supporter le propos.
2.1.2.2 Lésions complètes et incomplètes
Les lésions médullaires se définissent également selon le degré de sévérité de la
lésion. D’emblée, on distingue deux sortes de lésions, soit les lésions complètes et
incomplètes. Cette division se base sur l’évaluation des fonctions sensitives et
motrices au 4ème et 5ème segments sacrés, soit les niveaux médullaires les plus
caudaux. La perception de sensation au niveau de l’anus et la préservation de la
contraction sphinctérienne à ce niveau définissent une lésion incomplète. Les lésions
incomplètes se subdivisent en cinq (5) catégories selon le degré de préservation de
la motricité et de la sensibilité aux 10 myotomes et 28 dermatomes spécifiques à
l’évaluation ASIA (American Spinal Cord Injury) (Figure 2.1, Tableau 2.1) (Marino et
al., 2003; Marino et al., 2008). Il est rapporté que la proportion de lésions incomplètes
irait de 47,9 à 60% (Farry et Baxter, 2010; Noonan et al., 2012; Wyndaele et
Wyndaele, 2006).
2.1.2.3 Paraplégie et tétraplégie
Les conséquences d’une LM se regroupent également en deux présentations
cliniques. La tétraplégie regroupe les lésions affectant la fonction des membres
supérieurs, du tronc, des membres inférieurs et des organes pelviens (Farry et
Baxter, 2010). La paraplégie exclut quant elle les atteintes au niveau des membres
supérieurs, ce qui se produit lorsque la LM est caudale au niveau médullaire D1
puisque l’ensemble des nerfs destinés aux membres supérieurs émergent au-dessus
de ce niveau (Farry et Baxter, 2010; Somers, 2001). La distinction entre ces deux
présentations cliniques provient également de l’évaluation sensitive et motrice ASIA
2-3
(Figure 2.1). Il est estimé qu’environ 56% des lésions médullaires entraîne une
paraplégie (Noonan et al., 2012).
Figure 2.1 : Évaluation des fonctions sensitives et motrices de l’American
Spinal Cord Injury Association (ASIA)
La perception du tact et de la piqûre aux 28 dermatomes identifiés sur la charte et
la motricité de 10 groupes musculaires des membres supérieurs et inférieurs
constituent la base de l’évaluation ASIA. La perception de tact et de piqûre au
niveau S4-S5 de même que la présence d’une contraction anale volontaire
distingue les lésions incomplètes des complètes. Le tout permet de préciser le
niveau neurologique, la zone de préservation partielle de même que le niveau de
sévérité de la LM. Tiré du site web de l’American Spinal Cord Injury Association
(http://www.asia-spinalinjury.org/elearning/ASIA_ISCOS_high.pdf)
2-4
2.1.3 Conséquences d’une lésion médullaire
2.1.3.1 Déficiences physiques
La moelle épinière est la principale voie nerveuse dans laquelle voyagent les
informations sensitives et motrices entre le cerveau et la périphérie (Kirshblum et al.,
2011). Toute LM est donc susceptible d’altérer le fonctionnement de ces voies et
d’entraîner les incapacités décrites ci-dessous.
Tableau 2.1 : Échelle de sévérité de l'American Spinal Cord Injury Association
(ASIA).
ASIA Impairment Scale (AIS)
A
Lésion complète: aucune motricité ou sensibilité aux segments S4-S5.
B
Lésion incomplète sensitive: sensibilité préservée sous le niveau
neurologique et inclus les segments sacrés S4-S5. Aucune motricité sous
le niveau neurologique ou au segment sacré. Pas de motricité préservée
plus de 3 niveaux sous le niveau moteur des deux côtés.
C
Lésion incomplète motrice: Motricité préservée sous le niveau
neurologique et plus de la moitié des muscles clés testés sous le niveau
neurologique unique ont un score < 3/5
D
Lésion incomplète motrice: motricité préservée sous le niveau lésionnel et
au moins la moitié des muscles clés testés sous le niveau neurologique
unique ont un score > 3/5
E
Normal: sensibilité et motricité normale à tous les segments alors que la
personne avait des atteintes précédemment.
Traduction de l’ASIA Impairment Scale (http://www.asia-
spinalinjury.org/elearning/ASIA_ISCOS_high.pdf)
2.1.3.1 Incapacités fonctionnelles
Les pertes de force et d’endurance musculaire sont des caractéristiques fréquentes
suite à une LM (Jacobs et Nash, 2004). Elles affectent les groupes musculaires situés
sous le niveau de la lésion et sont proportionnelles au niveau et à la sévérité de celle-
ci (Kirshblum et al., 2007). À noter que l’atteinte motrice se répercutera également sur
les fonctions respiratoires de deux façons différentes. Premièrement, une LM
supérieure à C4 causera une atteinte dans l’innervation du diaphragme, entraînant la
2-5
nécessité d’une ventilation mécanique pour certains individus (Sipski et Richards,
2006). En second lieu, toute atteinte supérieure à D12 entraînera à des degrés divers
d’atteintes des muscles intercostaux et abdominaux, ce qui limitera les capacités
inspiratoires et expiratoires et donc la capacité vitale et la force de toux (Sipski et
Richards, 2006). De ces incapacités découlent un risque plus élevé de complications
pulmonaires telles que l’atélectasie et la pneumonie suite à une infection respiratoire
(Somers, 2001). La LM peut finalement venir altérer le contrôle moteur volontaire des
sphincters vésical et anal externe, limitant la capacité d’éliminer de façon autonome
(Somers, 2001).
Le tonus musculaire sous-lésionnel sera également modifié par la LM. L’évaluation
clinique mettra en lumière une hypotonicité ou divers degrés d’hypertonicité (Adams,
2008; Adams et Hicks, 2005; Sipski et Richards, 2006). La spasticité s’accompagnera
d’une hyperréflexie, d’un signe positif de Babinski et de clonus à la cheville ou plus
rarement au poignet (Adams, 2008; Adams et Hicks, 2005; Benz et al., 2005).
L’atteinte sensitive est de nature polymodale (Jacobs et Nash, 2004). Une altération
dans la perception du tact, de la piqûre, de la température, de la vibration et de la
pression peut se retrouver dans les dermatomes situés sous le niveau de la lésion.
Cette hypoesthésie ou anesthésie est à l’origine de problèmes secondaires tels que
les plaies de pression qui constitue l’une des problématiques secondaires les plus
souvent retrouvées chez cette population (Noreau et al., 2000; Sipski et Richards,
2006). La proprioception peut également être atteinte dans les membres situés sous
le niveau de la lésion.
La LM entraîne également une atteinte des fonctions nerveuses autonomes, le
système sympathique faisant appel aux niveaux médullaires de D1 à L2 et le système
parasympathique nécessitant l’apport des segments médullaires de S2 à S4
(Krassioukov et al., 2012). Les afférences sympathiques aux fonctions
cardiovasculaires, respiratoires, sudomotrices, thermorégulatrices, vésicales,
intestinales et sexuelles pourront être altérées et limiteront ces fonctions organiques
(Inskip et al., 2009; Krassioukov et al., 2012). En conséquence, différentes conditions
2-6
médicales secondaires peuvent être susceptibles d’apparaître, telles que
l’hypotension orthostatique, la dysréflexie autonome, les dysfonctions sexuelles ainsi
que les complications gastrointestinales et urinaires (Krassioukov et al., 2012;
Somers, 2001).
Une diminution des amplitudes articulaires aux membres et au rachis est souvent
constatée à l’évaluation clinique, conséquemment à la stabilisation chirurgicale du
rachis ou à l’immobilité suite à l’atteinte motrice des membres (McKinley et al.,
2002). Deux types de douleurs sont fréquemment rapportés suite à une LM. On
retrouve d’abord des douleurs d’origine nociceptive viscérale et musculosquelettique
(Finnerup et Baastrup, 2012). Aussi, des douleurs résiduelles provenant de
l’intervention chirurgicale sont souvent présentes dans les semaines suivant la lésion.
Une sur-utilisation des membres, pour réaliser les nombreux transferts quotidiens et
la propulsion du fauteuil roulant manuel par exemple, est susceptible d’entraîner des
douleurs articulaires et tendineuses (McKinley et al., 2002) chez les personnes
incapables de marcher. Les douleurs neuropathiques, ressenties au niveau de la
lésion ou sous ce niveau, peuvent être accompagnées de phénomènes allodyniques
ou hyperalgésiques (Finnerup et Baastrup, 2012). Enfin, la LM entraîne également de
nombreuses conditions médicales associées telles que l’ossification hétérotopique,
l’ostéoporose et les thrombophlébites (Bergman et al., 1997; McKinley et al., 2002;
Somers, 2001).
2.1.3.2 Incapacités
Les incapacités décrites auparavant mènent à des situations de handicaps chez les
personnes ayant une lésion à la moelle épinière. Parmi celles-ci, nous aborderons
plus spécifiquement celles liées à l’ambulation et à la station debout.
2.1.3.2.1 Ambulation
La sévérité de l’atteinte sensitive et motrice est directement liée aux capacités
ambulatoires des personnes ayant subi une LM. Ainsi, alors que plus de 80% des
personnes ayant une LM de type AIS D ont un pronostic favorable quant à leurs
2-7
capacités ambulatoires un an après la lésion, cette proportion s’établit entre 76 et
87% pour les lésions de type AIS C. Elle diminue sous les 33% pour les lésions de
type AIS B et se situe à moins de 8,5% pour les lésions de type AIS A (Scivoletto et
al., 2009). Plusieurs facteurs cliniques sont directement associés à la performance
ambulatoire, parmi lesquels on retrouve la force musculaire, le tonus musculaire, la
coordination musculaire, l’amplitude articulaire, la proprioception, l’équilibre, la
posture et l’âge de la personne (Barbeau et al., 1999; Barbeau et al., 2006; Scivoletto
et al., 2008). L’amélioration des capacités ambulatoires est notée comme l’un des
buts principaux de la réadaptation par les individus ayant une LM (Ditunno et al.,
2008; Kirshblum et al., 2007).
2.1.3.2.2 Station debout
Les études prospectives actuelles révèlent qu’entre 54 et 60% des personnes ayant
une LM de type AIS C ou D traumatique ou non traumatique indiquent avoir chuté au
moins une fois dans la période couverte par l’étude (Amatachaya et al., 2011;
Phonthee et al., 2013). Une autre étude rétrospective rapporte un taux de 75% chez
des personnes ayant une LM traumatique (Brotherton et al., 2007a). Il est à noter que
cette statistique est supérieure à celle retrouvée chez les personnes âgées
(Brotherton et al., 2007a). Les chutes entraînent des conséquences importantes
telles que des fractures (18% de ceux ayant chuté) ou une réduction de la
participation sociale (45% de ceux ayant chuté) (Amatachaya et al., 2011; Brotherton
et al., 2007a). Parmi les facteurs distinguant les personnes ayant chuté des autres,
on retrouve notamment une peur de chuter plus grande et un niveau fonctionnel plus
restreint (Brotherton et al., 2007b; Phonthee et al., 2013). En outre, tant les études
actuelles que les observations cliniques montrent une diminution de l’équilibre debout
chez cette population, équilibre qui est par ailleurs un des facteurs prédictifs
principaux des fonctions ambulatoires (Scivoletto et al., 2008). En conséquence,
même si le pronostic de marche est satisfaisant pour bon nombre d’individus ayant
subi une LM, les difficultés d’équilibration encourues en position debout méritent
d’être davantage explorées. La prochaine section s’intéressera au contrôle postural
2-8
en position debout et inclura les informations retrouvées à ce chapitre pour la
population ayant subi une LM.
2.2 Contrôle postural
2.2.1 Définition du contrôle postural
L’équilibre se définit en science comme étant le fait, pour plusieurs forces agissant
simultanément sur un système matériel, de ne modifier en rien son état de repos ou
de mouvement; l’état d'un système matériel soumis à l'action de forces quelconques,
lorsque toutes ses parties demeurent au repos (Rey et Robert, 2005). Cependant, le
terme « contrôle postural » présente une plus grande utilité clinique pour décrire les
capacités d’équilibration en position assise ou debout, avec ou sans mouvement
ajouté. Il regroupe les fonctions d’orientation posturale et d’équilibre qui doivent se
réaliser simultanément pour avoir une station debout optimale (Horak et Macpherson,
1996). La posture implique une configuration des différents segments corporels
orientés en fonction du contexte environnemental telle que la référence gravitaire
(Horak et Macpherson, 1996; Shumway-Cook et Woollacott, 2007). Quant à
l’équilibre, il résulte du contrôle des forces internes et externes au corps qui
s’appliquent sur le centre de masse et ce, en fonction de la base de support (Horak et
Macpherson, 1996; Shumway-Cook et Woollacott, 2007).
2.2.2 Composantes biomécaniques du contrôle postural
Le centre de masse (COM) est un équivalent ponctuel à l’ensemble de la masse
corporelle qui conserve les mêmes propriétés mécaniques (Rose et al., 2006). On
doit le distinguer du centre de gravité (COG) qui représente la projection verticale du
COM, le point à travers lequel passe la force gravitationnelle (MacKinnon et Winter,
1993; Winter, 1995). La position du COM global d’un individu se détermine à partir de
la sommation spatiale du COM de chacun des segments corporels. L’emplacement
de ces segments est précisé par une évaluation cinématique et le COM des
segments est calculé à partir de la prise de mesures sur ces segments et de données
anthropométriques (Jian et al., 1993; Winter, 1990).
2-9
Le centre de pression (COP) est la localisation ponctuelle de la force réactive du sol
(Rose et al., 2006). Il représente une moyenne pondérée des pressions exercées par
toutes les surfaces en contact avec le sol et est habituellement enregistré à l’aide de
plateformes de force sur lesquelles se tient l’individu évalué (Winter, 1995). Un
décalage entre la position du COP et du COM entraîne une accélération de ce
dernier dans le sens du vecteur COP-COM et proportionnel à celui-ci (Jian et al.,
1993). Les actions du COP viendront donc influencer la position du COM et pourront
donc contribuer à l’équilibrer (Winter, 1995).
La base de support (BOS) se définit comme l’aire comprise sous et à l’intérieur des
appuis au sol (Popovic et al., 2000). Elle est directement liée au centre de pression
puisqu’on pourrait également définir la base de support comme étant l’ensemble des
positions potentielles pouvant être prise par le COP (Hof et al., 2005). En position
debout, la base de support est essentiellement déterminée par la position des pieds,
un écartement plus important des pieds augmentant la dimension de la base de
support.
Les limites de stabilité (LOS) découlent de la base de support et se définissent
comme étant l’ellipse des positions extremums du COP à l’intérieur de la base de
support durant une tâche de portée maximale sans qu’il y ait une perte d’équilibre ou
une modification dans la configuration de la base de support (Popovic et al., 2000). Il
a été maintes fois démontré que la dimension des limites de stabilité est inférieure
aux dimensions de la base de support (Duarte et Zatsiorsky, 2002; Holbein-Jenny et
al., 2007; Popovic et al., 2000). Plus spécifiquement, l’aire couvrant le déplacement
du COP lors de la station debout quasi-statique occupera environ 0,035% de la base
de support alors que les limites de stabilité occuperont l’équivalent de 45% de l’aire
de la base de support (Duarte et Zatsiorsky, 2002)(Figure 2.2). Outre les facteurs
anthropométriques, la dimension des limites de stabilité variera en fonction de la
disponibilité des informations visuelles (Duarte et Zatsiorsky, 2002).
La notion des limites de stabilité recoupe celle du modèle des zones de stabilité de
Popovic et al (2000). Ceux-ci en ont défini quatre à l’intérieur desquels on risque de
retrouver le COP. En position statique non perturbée, le COP se retrouvera 99% du
2-10
temps dans la zone de haute préférence et 1% du temps dans celle de basse
préférence. Suite à une perturbation, le COP pourrait se retrouver dans la zone
indésirable, qui se caractérise par un décollement des talons ou des orteils ou dans la
zone instable qui implique la prise d’un pas pour retrouver la stabilité originelle
(Popovic et al., 2000). Deux des quatre zones identifiées dépendent donc d’une
perturbation pour déterminer leur location alors que les limites de stabilité se
retrouvent à partir de mouvements volontaires maximaux non perturbés. Il n’est donc
pas possible de déterminer précisément où se trouvent les limites de stabilité parmi
les quatre zones identifiées par Popovic et al (2000). Il demeure néanmoins qu’elles
devraient se retrouver soit dans la zone de basse préférence, soit dans la zone
indésirable, dépendamment de si l’on considère que les limites de stabilité sont
atteintes avant qu’il y ait mouvement des pieds ou non.
Figure 2.2: Base de support, limites de stabilité et aire usuelle des
déplacements du COP lors de la station debout quasi-statique.
L’aire des déplacements du COP représente la surface où il se retrouve en
station debout quasi-statique yeux ouverts et occupe seulement 0.035% de la
surface de la base de support. Les limites de stabilité occupent une surface bien
inférieure à celle de la base de support, occupant 45% de la surface de la base
de support. D’après Duarte et al. 2001.
Aire des déplacements
du COP (0.035%)
Aire des limites de
stabilité (45%)
Aire de la base de
support (100%)
2-11
2.2.3 Physiologie du contrôle postural
2.2.3.1 Voies médullaires impliquées
Les informations sensitives et proprioceptives ascendantes de la moelle épinière
amènent les informations nécessaires pour préciser la posture, la position du COM et
du COP ainsi que la configuration de la BOS (Horak et Macpherson, 1996; Winter,
1995). Il s’en suit que les voies sensitives médullaires transporteront en partie les
informations permettant de détecter les pertes d’équilibre.
Les voies motrices médullaires descendantes sont impliquées dans l’activation des
différentes synergies posturales responsables de prévenir les déséquilibres ou de
rétablir l’équilibre suite à un déséquilibre. Ainsi, les voies réticulospinales (Lyalka et
al., 2005; Prentice et Drew, 2001; Schepens et Drew, 2004; Stapley et Drew, 2009),
vestibulospinales (Lyalka et al., 2005), rubrospinales (Zelenin et al., 2010) et
corticospinales (Beloozerova et al., 2005; Jacobs et Horak, 2007; MacKinnon et al.,
2007; Petersen et al., 2009; Taube et al., 2006; Yakovenko et Drew, 2009) sont
reconnues comme jouant un rôle dans l’activation de ces synergies. De même, la
plupart des voies motrices descendantes de la moelle épinière jouent un rôle
prépondérant dans la stabilité ambulatoire. Ainsi, les voies réticulospinales et
vestibulospinales sont particulièrement activées lors de la marche sur une pente
(Matsuyama et Drew, 2000). Les voies réticulospinales et corticospinales sont
impliquées lors du franchissement d’obstacles (Prentice et Drew, 2001). La gestion
de l’équilibre par le placement du pied nécessite l’utilisation de la voie corticospinale
(Drew et al., 1996). Enfin, la voie corticospinale est associée à la levée du pied lors
de la phase d’oscillation de la marche des personnes ayant une LM, un pied tombant
pouvant être un facteur limitant la stabilité lors de l’ambulation (Barthelemy et al.,
2010).
En somme, une atteinte médullaire est susceptible d’altérer tant la perception
somatosensorielle à la base de la détermination de la posture et de la détection de
déséquilibres que la motricité responsable de prévenir une perturbation ou d’en
corriger les conséquences. Finalement, puisque les synergies musculaires à la base
2-12
de ces réactions sont localisées dans la moelle épinière, une lésion de celle-ci est
susceptible d’altérer le synchronisme (Torres-Oviedo et Ting, 2007).
2.2.3.2 Sens et équilibre
Le maintient de la posture et de l’équilibre exige l’utilisation d’informations
sensorielles. On en retrouve trois sources principales, soit les informations
somatosensorielles, visuelles et graviceptives (Fitzpatrick et McCloskey, 1994;
Keshner et al., 2004; Peterka, 2002).
2.2.3.2.1 Informations somatosensorielles
Les informations somatosensorielles proviennent d’une multitude de récepteurs
cutanés, articulaires et musculotendineux. Elles jouent un rôle crucial puisqu’en
dépend la configuration des différents segments corporels (Horak et Macpherson,
1996). En effet, elles renseignent sur les propriétés de la surface de support, sur les
forces et mouvements exercés par le corps sur cette surface et sur l’orientation de la
jambe par rapport au sol, ce qui permet de donner une approximation convenable de
la verticale (Horak et Macpherson, 1996; Peterka, 2002). Les capteurs de pression
situés au niveau de la plante du pied contribueraient également à détecter
l’orientation de la gravité (Winter, 1995). Les informations somatosensorielles telles
que la position articulaire, les longueurs et tensions musculaires ainsi que les
sensations cutanées sont particulièrement activées lors de fréquences d’oscillations
du corps supérieures à 0.1 Hz (Redfern et al., 2001). Le seuil de perception de ces
informations est relativement bas, ce qui en fait une des informations prédominantes
pour maintenir la station debout (Fitzpatrick et McCloskey, 1994; Vaugoyeau et al.,
2008).
2.2.3.2.2 Informations visuelles
Les informations visuelles servent à préciser la position de la tête et son mouvement
relatif par rapport à l’environnement immédiat (Peterka, 2002; Shumway-Cook et
Woollacott, 2007). Elles renseignent également sur la verticale étant donné que
plusieurs objets du milieu ambiant sont alignés avec celle-ci (Shumway-Cook et
2-13
Woollacott, 2007). Deux types d’informations visuelles sont disponibles pour
l’équilibration, soit les indices visuels statiques et dynamiques. Les indices visuels
statiques découleraient de la vision fovéale alors que les indices visuels dynamiques
proviennent de la vision périphérique, particulièrement sensible au glissement rétinien
provoqué par le mouvement (Amblard et Carblanc, 1980; Amblard et al., 1985;
Guerraz et Bronstein, 2008; Redfern et al., 2001). Les indices visuels statiques
contribueraient à la réorientation des segments. Les indices visuels dynamiques
auraient un rôle plus important dans l’équilibration que les indices visuels statiques, la
stimulation des récepteurs périphériques entraînant une oscillation du corps plus
prononcée qu’une stimulation fovéale (Guerraz et Bronstein, 2008; Redfern et al.,
2001). Des informations extra-oculaires pourraient être également impliquées dans le
contrôle de l’équilibre. On rapporte en effet qu’une stimulation vibratoire appliquée
aux muscles extra-oculaires provoque une modification de la mise en charge du côté
stimulé (Guerraz et Bronstein, 2008). La vision serait particulièrement efficace pour
stabiliser la posture soumise à de faibles oscillations telles que présentes lors de la
station debout non perturbée, étant sensible aux fréquences d’oscillation du corps
humain inférieures à 0.1 Hz (Fitzpatrick et McCloskey, 1994; Redfern et al., 2001).
2.2.3.2.3 Informations graviceptives
La verticale gravitaire et les accélérations de la tête sont principalement perçues par
l’appareil vestibulaire. Celui-ci est composé de canaux semi-circulaires et de
l’otolithe, sensibles respectivement aux accélérations angulaires et linéaires (Horak et
Macpherson, 1996; Redfern et al., 2001). Les canaux semi-circulaires sont disposés
orthogonalement les uns par rapport aux autres, ce qui permet de détecter une
accélération angulaire dans les trois plans. Ils s’activent à des fréquences
d’oscillations allant approximativement de 0.5 à 1.0 Hz (Redfern et al., 2001). Les
canaux semi-circulaires perçoivent les oscillations rapides (environ 1°/sec) et ne
contribueraient donc pas de façon importante au maintien de la station debout non
perturbée qui est caractérisée par des fréquences beaucoup plus basses (Fitzpatrick
et McCloskey, 1994; Horak et Macpherson, 1996; Redfern et al., 2001). L’otolithe
perçoit l’accélération constante induite par la gravité et les inclinaisons de la tête par
2-14
rapport à celle-ci en station debout (Horak et Macpherson, 1996; Redfern et al.,
2001). Il s’active à des fréquences d’oscillation inférieures à 0.5 Hz et détecte plus
particulièrement les mouvements linéaires et l’influence de la gravité en position
statique. Les informations vestibulaires sont particulièrement nécessaires pour
l’équilibration lorsque les informations visuelles ou somatosensorielles sont atténuées
ou absentes (Bacsi et Colebatch, 2005; Fitzpatrick et McCloskey, 1994). D’autres
organes pourraient posséder des propriétés graviceptives tels que les capteurs de
pression situés sous la plante du pied, dans les articulations et au niveau des reins
(Massion, 1998; Massion et al., 2004; Maurer et al., 2006; Mittelstaedt, 1996).
2.2.3.2.4 Intégration sensorielle
Pour former une image complète de la position du corps par rapport à
l’environnement, les trois sources principales d’informations sensorielles doivent être
mises en commun. En effet, une source d’information unique n’est pas en mesure de
capter la richesse contextuelle et le contrôle postural pourrait s’en trouver affecté. Par
exemple, bien que la vision puisse percevoir le mouvement, il est difficile de
déterminer dans certains contextes si celui-ci est exocentrique (mouvement de
l’environnement par rapport à soi) ou égocentrique (mouvement de soi par rapport à
l’environnement) (Shumway-Cook et Woollacott, 2007). Les informations
somatosensorielles et vestibulaires compléteront les informations visuelles pour
déterminer de quelle situation il s’agit. Une intégration sensorielle doit donc s’opérer
pour optimiser les réactions dépendamment du contexte.
Cependant, toutes les informations sensorielles ne sont pas traitées également. La
plupart des études indiquent que les personnes adultes utilisent de façon
préférentielle les informations somatosensorielles pour se stabiliser en position
debout (Fitzpatrick et McCloskey, 1994; Maurer et al., 2006; Vaugoyeau et al., 2008).
On rapporte en effet que l’équilibration en station debout dépendrait des informations
somatosensorielles à 70%, de la vision à 10% et des informations vestibulaires à
20%, proportions qui pourront s’ajuster selon le contexte (Horak, 2009; Peterka,
2002). Cependant, des personnes en bonne santé pourraient présenter une
2-15
priorisation différente dans ces modalités sensorielles (Shumway-Cook et Woollacott,
2007). De même, certains privilégieraient une même source d’information sensorielle
de façon inflexible peu importe le contexte, même quand cette source d’information
est faussée. On parlera alors de dépendance ou de surutilisation sensorielle
(Shumway-Cook et Woollacott, 2007). On observe ce genre de dépendance
également chez des populations ayant subi une lésion au système nerveux affectant
l’une ou l’autre des sources d’informations sensorielles ou encore leur intégration
(Bonan et al., 2004a; Slaboda et al., 2009; Yelnik et al., 2006). La personne
surutilisant les informations visuelles sera globalement moins stable en position
debout lorsque les informations visuelles sont faussées par rapport à une autre
pouvant compenser en privilégiant les informations somatosensorielles (Golomer et
al., 1999; Isableu et al., 1997, 1998; Isableu et al., 2010). Elle mènera également à
une différence dans les stratégies de stabilisation segmentaire, les individus visuo-
dépendant ayant tendance à stabiliser les différents segments corporels en bloc dans
une variété de contextes plutôt que de laisser un certain mouvement s’opérer entre
ces segments (Isableu et al., 2003).
2.2.3.2.5 Informations sensorielles suite à une LM
Tel que mentionné précédemment, une LM est susceptible d’affecter les informations
somatosensorielles périphériques. On retrouve également des altérations transitoires
au niveau des fonctions vestibulaires chez les personnes ayant une LM cervicale en
phase aiguë (Ribaric-Jankes et al., 2009). Cependant, aucune étude n’a
spécifiquement évalué l’intégration sensorielle chez la clientèle ayant une LM. Par
contre, quelques études indiquent la présence d’anomalies potentielles à ce niveau.
En effet, Van Hedel et al. (2010) rapportent que les personnes ayant une LM sont
particulièrement dépendantes des informations visuelles pour se stabiliser lors de
l’ambulation, ce qui pourrait être induit par une diminution de la perception des
informations somatosensorielles (van Hedel et Dietz, 2010). Une conclusion similaire
peut être extraite des études portant sur des personnes présentant une myélopathie
cervicale et présentant davantage de difficulté à se tenir debout yeux fermés que
yeux ouverts (Findlay et al., 2009), ou encore par rapport à un groupe de personnes
2-16
en santé bien qu’on n’ait pas calculé le ratio de Romberg comparant les mesures du
COP prises yeux ouverts et fermés (Yoshikawa et al., 2008). L’atteinte
somatosensorielle présente chez les personnes ayant une LM peut donc être
partiellement compensée par les informations visuelles pour maintenir l’équilibre.
2.2.3.3 Stratégies posturales
2.2.3.3.1 Ajustements posturaux anticipatoires
La plus fréquente source de déstabilisation du corps provient de ses propres
mouvements (Winter, 1995). Une flexion de l’épaule, par exemple, déplace le centre
de masse vers l’avant et produit des moments de force aux articulations sous-
jacentes (Patla et al., 2002). Pour contrecarrer ces perturbations prévisibles, des
synergies musculaires posturales s’activent au préalable (Huang, 2009; Massion,
1992; Massion et al., 2004). Ce sont les ajustements posturaux anticipatoires (APA).
Typiquement activés de 50 à 150 ms avant la contraction musculaire du mouvement
désiré, ils s’opposent à la direction attendue du déplacement du COG et stabilisent
les articulations impliquées (De Wolf et al., 1998; Massion, 1992; Winter, 1995).
Durant un mouvement volontaire, deux phases des APA doivent être distinguées: la
phase anticipatoire, qui précède le mouvement, minimise le déséquilibre et les
altérations posturales, et la phase compensatoire, qui accompagne le mouvement et
optimise sa vitesse et sa précision (Leonard et al., 2009; Massion, 1992, 1998;
Massion et al., 1999; Schepens et Drew, 2004). Les APA sont modulés en fonction
de la tâche demandée (Winter, 1995), du type de commande (De Wolf et al., 1998),
de la fatigue (Roerdink et al., 2011), des contraintes biomécaniques (Horak et
Macpherson, 1996; Horak et al., 2009; Patla et al., 2002) et de la pratique (Horak et
Macpherson, 1996). Elles s’activent tant dans les tâches d’équilibre quasi-statique
(lever un bras en position debout) que d’équilibre dynamique (marche et son initiation
(MacKinnon et al., 2007; Prince et al., 1994)). Plusieurs voies médullaires
descendantes sont impliquées dans l’activation des synergies musculaires utilisées
en anticipation à une perturbation dont les voies réticulospinales (Prentice et Drew,
2-17
2001; Schepens et Drew, 2004), vestibulospinales (Horak et al., 2009) et
corticospinales (MacKinnon et al., 2007; Petersen et al., 2009; Yakovenko et Drew,
2009). Les APA partagent certaines similarités avec les réponses posturales
automatiques en ce qui concerne les synergies posturales utilisées (Shumway-Cook
et Woollacott, 2007) qui seront abordées plus en détail dans la section suivante.
2.2.3.3.2 Réponses posturales automatiques
Une réaction rapide est nécessaire dès qu’un segment corporel subit une
perturbation susceptible de modifier l’équilibre ou l’orientation posturale (Horak et
Macpherson, 1996). Ce sont les réponses posturales automatiques (RPA) et elles
visent à corriger la position du centre de masse par rapport à la base de support
(Horak et Macpherson, 1996; Macpherson et Fung, 1999; Massion, 1992).
Les perturbations quotidiennes proviennent principalement des variations dans la
surface de support ou de poussées externes (Kang et Dingwell, 2006). En
laboratoire, plusieurs sources de perturbations ont été utilisées, telles qu’une
translation ou une rotation de la surface de support (Oude Nijhuis et al., 2007; Winter,
1995), un relâchement subit à partir d’une position déséquilibrée (Mackey et
Robinovitch, 2005) et une poussée externe (Popovic et al., 2000). L’efficacité des
RPA dépend de la position initiale du centre de masse à l’intérieur de la base de
support (Pai et Patton, 1997), de la vitesse et la force de la perturbation (Pai et
Patton, 1997) et des informations sensorielles disponibles (Horak et al., 1997). Elles
s’améliorent généralement avec la pratique (Horak et al., 1997). Elles s’ajustent en
fonction du type et de l’endroit d’application de la perturbation (Winter, 1995), des
attentes et de l’expérience antérieure avec ce type de perturbation (Horak et
Macpherson, 1996; Horak et Nashner, 1986; Nashner, 2009; Torres-Oviedo et Ting,
2007).
Différentes synergies musculaires composent les RPA en fonction de la direction de
la perturbation mais indépendamment de la configuration de la base de support
(Torres-Oviedo et Ting, 2010). Selon Torres-Oviedo et al. (2007-2010), suivant des
perturbations multidirectionnelles en position debout, 92% de la variabilité inter-sujet
2-18
quant à l’activation musculaire s’explique par 6 synergies musculaires différentes
regroupant plusieurs muscles des membres inférieurs et du tronc. Elles incluent les
traditionnelles stratégies de cheville et de hanche.
Typiquement, une déstabilisation induit une RPA survenant de 70 à 120 ms après la
perturbation (Horak et Macpherson, 1996). Ces réactions sont plus rapides qu’un
mouvement volontaire (180-250 ms) mais plus lentes qu’un réflexe d’étirement (40-50
ms) (Horak, 2009; Horak et al., 1997). Les réflexes de longues-latences, qui sont la
réaction motrice à une stimulation sensitive transitant par le cortex cérébral et qui ont
une latence d’environ 60ms, contribuent donc à ces réactions (Macefield, 2009). Les
synergies musculaires seraient encodées au niveau de la moelle épinière (Torres-
Oviedo et Ting, 2007). Les voies réticulospinales (Lyalka et al., 2005; Stapley et
Drew, 2009), vestibulospinales (Lyalka et al., 2005), rubrospinales (Zelenin et al.,
2010) et corticospinales (Beloozerova et al., 2005; Jacobs et Horak, 2007; Taube et
al., 2006) participeraient à la mise en œuvre des RPA.
Enfin, bien qu’on distingue les APA des RPA, plusieurs situations font appel à ces
deux composantes. Par exemple, RPA et APA interagissent lors d’une tâche de
portée antérieure perturbée, garantissant stabilité et précision pour bien exécuter
cette tâche (Trivedi et al., 2010).
2.2.3.3.3 Stratégies posturales suite à une LM
Il a été démontré que les réponses posturales à une perturbation externes sont
modifiées chez l’adulte ayant une lésion à la moelle épinière. Ainsi, Thigpen et al.
rapportent que les latences des réponses posturales automatiques chez les
participants ayant une LM étaient plus importantes que dans le groupe de personnes
en santé (Thigpen, 2001; Thigpen et al., 2009). De même, on retrouve des latences
plus importantes chez des personnes atteintes de myélopathie cervicale (Nardone et
al., 2008). À l’heure actuelle, on ne rapporte aucune étude ayant documenté l’état
des ajustements posturaux anticipatoires en position debout chez les personnes
atteintes d’une lésion à la moelle épinière.
2-19
2.2.4 Contrôle postural debout quasi-statique
2.2.4.1 Définition et généralités
La station debout chez l’être humain est accompagnée d’oscillations du corps,
principalement dans le plan sagittal. Ainsi, des mouvements du COP et du COM sont
présents même lorsqu’aucun mouvement ou perturbation n’est surimposée (Pai et
Pai, 2003). En ce sens, il est indiqué de parler de contrôle postural quasi-statique (ou
« quiet standing » en anglais) au lieu de contrôle postural statique lorsqu’on réfère à
la station debout non perturbée (Hsiao-Wecksler et al., 2003). Selon Prieto et al.
(1996), en moyenne, le déplacement maximal du COP est de 13.3±4.27 mm en
antéro-postérieur et de 8.48±3.89 mm en médio-latéral chez le sujet en santé (Prieto
et al., 1996). Ces valeurs correspondent à celles rapportées par Hasan et al. (1996)
qui mentionnent également un déplacement moindre du COM en comparaison avec
le COP, soit de 10.33±3.90 mm en antéro-postérieur et de 3.97±1.92 mm en médio-
latéral (Hasan et al., 1996). Une augmentation des oscillations du COM et du COP
est observée chez les personnes présentant un trouble de l’équilibre ou lors d’une
modification des apports sensoriels et des dimensions de la base de support (Hasan
et al., 1996; Prieto et al., 1996). Les auteurs s’entendent sur le fait que l’équilibre
quasi-statique en position debout peut être modélisé en considérant le corps comme
un pendule inversé pivotant autour des chevilles (Winter, 1995).
2.2.4.2 Évaluation du contrôle postural debout quasi-statique
Plusieurs auteurs se sont intéressés à l’évaluation du contrôle postural en position
debout. Parmi ceux-ci, Prieto et al. (1996) ont répertorié 36 paramètres différents du
COP regroupés en 2 domaines, soit les mesures temporelles et fréquentielles. Une
étude subséquente de Rocchi et al., en 2004, a identifié quatre paramètres pour
caractériser le trajet du COP : la dimension de ce trajet, la direction principale des
oscillations ainsi que la forme et la largeur de bande du graphique de sa puissance
de densité spectrale. D’autres analyses basées sur des modèles mathématiques
complexes existent pour caractériser les déplacements du COP mais elles ne seront
2-20
toutefois pas décrites dans cette thèse (Collins et De Luca, 1993; Peterka, 2003;
Raymakers et al., 2005; Yu et al., 2008).
L’évaluation du contrôle postural peut également se faire en mettant en relation le
COP et le COM. Entre autres, la distance moyenne entre le COP et la projection
verticale au sol du COM de même que la variabilité de cette mesure ont été utilisées
pour quantifier l’équilibre en position debout (Corriveau et al., 2004; Masani et al.,
2007; Yu et al., 2008). La différence entre les deux paramètres est reliée à
l’accélération du COM, laquelle constitue un autre paramètre qu’on doit considérer
pour comprendre les capacités d’équilibration quasi-statique en position debout (Yu
et al., 2008).
2.2.4.3 Contrôle postural debout quasi-statique et LM
Deux études rapportent les capacités d’équilibration des personnes ayant une LM en
position quasi-statique. Dans la première étude, Lemay et al. (2012) ont utilisé le
Balance Master® pour quantifier l’équilibre quasi-statique. Le Balance Master® est un
appareil composé de plateformes de force et d’un écran qui affiche une rétroaction
sur la tâche effectuée. L’appareil localise le centre de gravité (COG) à partir des
données des plateformes, de mesures anthropométriques et de données normatives
sur la position du COG et les limites de stabilité pour ensuite calculer divers
paramètres du COG quantifiant la performance. Les résultats sont ensuite comparés
à la normale, des données normatives étant disponibles pour chacun des tests. Le
contrôle postural des individus ayant une LM montrent des oscillations occupant un
plus haut pourcentage des limites de stabilité (0.89 vs 0.24%) à comparer aux
normes lorsqu’ils se tiennent debout yeux fermés par rapport à yeux ouverts (Lemay
et Nadeau, 2013). Ces résultats sont appuyés par ceux de Lee et al. (2012) qui ont
évalué l’équilibre quasi-statique avec le Tetrax®, un appareil également composé de
plateformes de force et d’une rétroaction visuelle. Ces auteurs ont montré que les
personnes ayant une LM qui maintiennent la position debout yeux ouverts et fermés
sur une surface ferme, sur un coussin ou avec la tête dans différentes positions
(rotation droite, gauche, flexion ou extension) ont une diminution significative de
2-21
l’équilibre debout par comparaison aux personnes en santé pour la majorité des
mesures prises (indice de stabilité, indice de distribution du poids, transformation de
Fourier, indice de chute) (Lee et al., 2012).
En plus de ces deux études chez les personnes avec LM traumatique, deux autres
concernent les capacités d’équilibration quasi-statique chez des personnes
présentant une myélopathie cervicale. Dans l’étude de Nardone et al. (2008), les
personnes ayant une myélopathie suite à une spondylolyse présentaient une
augmentation des oscillations du COP évalué sur une plateforme de force en station
debout quasi-statique, yeux ouverts ou fermés, en comparaison à des personnes en
santé ou porteur d’une spondylolyse sans myélopathie. La seconde étude, portant
aussi sur des personnes ayant une myélopathie cervicale, révélait que les mesures
d’oscillations obtenues sur un stabilomètre (mesure de l’aire de déplacement du
COP, qui quantifie les oscillations du COP, ainsi que la mesure de la longueur du
COP sur son aire de déplacement, représentant le contrôle proprioceptif de la station
debout (Ishizaki et al., 2002)) étaient de plus grandes amplitudes, témoignant une
réduction de l’équilibre quasi-statique chez ces participants (Yoshikawa et al., 2008).
Malgré le nombre restreint d’études, il ressort qu’une LM s’accompagne d’une
diminution du contrôle postural en position debout.
2.2.5 Contrôle postural debout dynamique
2.2.5.1 Définition et généralités
À partir du moment où une personne est en mouvement, que ce soit en l’initiant
volontairement ou suite à une perturbation externe, les conditions nécessaires pour
maintenir la stabilité diffèrent grandement de celles prévalant lors de la station debout
quasi-statique. En effet, le système nerveux central doit alors tenir compte de la
vélocité du COM et non seulement de sa position par rapport à la base de support
(Pai et Pai, 2003; Pai et Patton, 1997). Ainsi un COM positionné au-dessus de la
base de support pourrait tout de même être en état d’instabilité si sa vitesse
horizontale est supérieure à un certain seuil qui obligerait la personne à
éventuellement apporter une correction pour éviter qu’un déséquilibre ne survienne.
2-22
L’inclusion de ce paramètre à un modèle prédictif du risque de chute parvient
d’ailleurs à des prédictions plus justes lors de tâches accompagnées d’une
perturbation volontaire ou involontaire (Pai et Pai, 2003). En outre, des tâches
dynamiques telles que la marche peuvent difficilement être analysées à partir de la
seule position du COM au-dessus de la base de support puisque le COM s’y trouve
rarement durant le cycle de marche sans que cela soit incompatible avec la stabilité.
Par ailleurs, plusieurs études démontrent le peu de lien entre la performance lors de
la station debout quasi-statique et des tâches plus dynamiques, ce qui confirme le
besoin d’adopter d’autres méthodologies pour évaluer l’équilibre dynamique (Kang et
Dingwell, 2006; Karimi et Solomonidis, 2011; Liston et Brouwer, 1996; Shimada et al.,
2003). La prochaine section décrira la dynamique du COM et du COP lors de la
marche et lors des arrêts et départs de la marche. Puis, les méthodes d’évaluation
disponibles pour caractériser l’équilibration lors de ces tâches seront abordées.
2.2.5.2 Contrôle postural durant la marche
Durant la marche, le COM se déplace dans la direction de progression en suivant une
trajectoire sinusoïdale verticale et horizontale (Orendurff et al., 2004; Perry et
Burnfield, 2010; Rose et al., 2006). Il atteint sa position maximale latérale (Figure 2.3)
et verticale durant la phase d’appui unipodal de chaque côté, soit à environ 30% et
80% du cycle de marche. Le COM atteint sa position la plus médiale et minimale
verticalement au même moment, soit durant les phases de double appui et plus
précisément au début (0%) et à la fin (100%) du cycle de marche (Orendurff et al.,
2004).
L’amplitude de déplacement en latéral et en vertical varie en fonction de la vitesse de
marche adoptée. Une vitesse lente tend à augmenter le déplacement latéral et à
diminuer le déplacement vertical, alors qu’une vitesse naturelle ou plus rapide accroît
le déplacement vertical et minimise le déplacement latéral (Orendurff et al., 2004).
Pour une vitesse de marche naturelle, on rapporte un déplacement maximal du COM
de gauche à droite d’environ 4 cm et de 5 cm de haut en bas (MacKinnon et Winter,
1993; Orendurff et al., 2004). À sa position maximale en latéral, la projection du COM
2-23
passe le long de la marge médiale du pied en appui sans jamais se positionner au-
dessus de la base de support. La projection du COM sera au-dessus de la base de
support seulement durant les phases de double appui (Figure 2.3) (MacKinnon et
Winter, 1993; Winter, 1991).
Durant la phase de support, le COP sous un pied se déplace principalement en
antéropostérieur du talon vers les orteils. On observe aussi une légère composante
médiolatérale allant du talon latéral vers le gros orteil en médial (Richards, 2008;
Whittle, 2007). Tel que mentionné précédemment, le COM passe le long de la marge
médiale du pied. La position maximale du COP en latéral excède donc toujours celle
du COM, permettant éventuellement de recentrer ce dernier.
Le positionnement adéquat du pied, et donc du COP, est le principal mécanisme
permettant de contrôler le COM dans le plan frontal (MacKinnon et Winter, 1993).
Durant la phase d’appui, la position latérale et postérieure du COP par rapport au
COM accélère ce dernier en médial et vers l’avant. Une décélération du COM se
produit lors de la phase de double appui alors que le COP passe d’une position
postérieure à antérieure par rapport au COM (MacKinnon et Winter, 1993). La largeur
des pas influence l’accélération horizontale du COM, une position écartée des pieds
l’accélérant davantage qu’une position rapprochée.
2-24
Figure 2.3: Trajectoire du COM et du COP durant la marche
La ligne rouge en pointillé correspond au COM global du corps alors que le trait
plein en vert correspond au COP sous le pied en appui. (d) et (g) réfèrent au pied
droit et gauche, respectivement. Au contact du talon (d), le COM est en arrière du
pied (d) en appui. Le COM passe en médial du pied (d) en appui et accélérera
vers la position future du pied (g) opposé. Une oscillation de haut en bas du COM
se produit également durant un cycle. La position la plus élevée coïncide avec la
phase d’appui unipodal et la plus basse avec la phase de double appui. D’après
Winter et al. 1991.
2.2.5.3 Contrôle postural durant les arrêts et départs
L’initiation de la marche se définit comme la transition de la station debout vers la
marche (Richards, 2008). Elle pose donc un défi au contrôle de l’équilibre à cause de
ce passage d’une stabilité posturale relative vers une certaine instabilité (Halliday et
al., 1998). Elle est le processus mécanique et neurologique par lequel, suite au
relâchement des fléchisseurs plantaires, le COP s’écarte du COM en postérieur, ce
qui amènera le corps vers l’avant (Halliday et al., 1998; Martin et al., 2002; Richards,
2008; Viton et al., 2000). On peut diviser l’initiation de la marche en deux phases
Contact du talon (d)
Décollementdes orteils (d)
Contact du talon (g)
Décollementdes orteils (g)
Contact du talon (d)
COM
COP
2-25
principales, soit une phase préparatoire ou posturale et une phase ambulatoire
(Fiolkowski et al., 2002; Mickelborough et al., 2004; Remelius et al., 2008; Viton et al.,
2000). Une description des mouvements du COM et du COP suivra pour chacune de
ces phases (Figure 2.4). Pour des fins de clarification, le pied oscillant est celui
initiant le premier pas alors que le pied support est celui effectuant la première phase
d’appui unipodal. L’analyse de cette tâche s’arrêtera dès que le pied support
entamera sa phase d’oscillation.
La marche s’initie à partir de la station debout durant laquelle le COP se positionne
de part et d’autre du COM afin de le garder dans une position relativement constante
(Winter et al., 2003). L’initiation de la marche est divisée en deux étapes, soit le
relâchement, et le délestage. Durant l’étape de relâchement, le COP se déplace vers
l’arrière du pied support (Halliday et al., 1998; Malouin et Richards, 2000; Mann et al.,
1979; Winter, 1995). Ce positionnement du COP est accompagné d’un déplacement
antérolatéral du COM vers le pied support. Le COM amorce alors son mouvement
sinusoïdal caractéristique de la marche (Jian et al., 1993). Durant l’étape de
délestage, le COP et le COM se déplacent latéralement vers le pied en support, en
préparation pour la phase ambulatoire (Halliday et al., 1998; Remelius et al., 2008;
Winter, 1995). Il s’en suit donc un relâchement des forces d’appui sur le talon
oscillant, permettant le soulèvement du pied (Halliday et al., 1998; Remelius et al.,
2008).
Avant que le talon du côté oscillant ne touche le sol, la trajectoire du COM adopte le
comportement observé lors de la marche (Jian et al., 1993). Il est à noter que
l’amplitude de déplacement latéral du COM est toujours inférieure à celle du COP
durant l’initiation de la marche de sorte que la stabilité puisse être maintenue (Jian et
al., 1993).
2-26
Figure 2.4: Trajectoire du COM et du COP durant l'initiation de la marche
La ligne en rouge en pointillé illustre le trajet de COM alors que la ligne verte
représente celui du COP. Le cercle noir indique la position du COM et du COP au
départ. Le sujet se déplace vers la droite du graphique et le pied droit est le
premier à initier l’oscillation. Le trait bleu indique le vecteur d’accélération COM-
COP. Celui-ci détermine la direction de l’accélération que subit le COM, soit allant
du COP vers le COM. CT : contact du talon, DO : décollement des orteils, DT :
décollement du talon, Max COP : position maximale du COP en postérolatéral.
D’après Mickelborough et al., 2004
L’arrêt de la marche comprend une période transitoire pendant laquelle le corps
décélère jusqu’à l’arrêt complet. L’arrêt de la marche est caractérisée par trois
éléments: une décélération du COM, un placement des pieds pour établir la base de
support finale et un contrôle du COM à l’intérieur des limites de cette base de support
pour assurer la stabilité (Oates, 2007). La décélération subite du COM s’accomplit
principalement par le positionnement des pieds, un pas trop court pouvant limiter la
capacité à freiner le COM à l’endroit voulu (Sparrow et Tirosh, 2005). Oates et al.,
(2005) ont identifié trois facteurs qui influencent la position du COM lors de l’arrêt de
la marche: 1) la longueur du pas d’arrêt qui affecte la décélération; 2) un changement
de la cinématique sagittale des membres inférieurs qui influence la position verticale
du COM et modifie la capacité à l’accélérer ou à le décélérer; et 3) l’excursion du
COP à l’intérieur de la base de support (Oates et al., 2005).
Le tracé du COP lors de l’arrêt est similaire à celui de l’initiation, étant simplement
inversé par rapport à ce dernier (Figure 2.5). Avant l’arrêt de la marche, le COM et le
Départ
gauche
droite
postérieur antérieur
0.06
0.04
0.02
0
-0.02
-0.02 0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0.14 0.16 0.18 0.2 0.22 0.24
DT
DO
CT
Max COP
COM
COP
0.08
2-27
COP se comportent tel que décrit précédemment durant la marche. Lors de l’arrêt, le
COP se déplace antérolatéralement du côté du premier pied qui s’arrête (avant-
dernier pas). Il atteint sa position maximale dans cette direction au milieu de l’appui
unipodal (Vrieling et al., 2008). Cette phase réduit la vitesse du COM qui se déplace
vers l’avant et vers la ligne médiane (Jian et al., 1993). Le COP se dirige alors vers le
pied opposé (dernier pas) et atteint sa position maximale latérale lors de la phase de
contact du talon du pied réalisant le dernier pas. Le COM sera ainsi décéléré en
médial pour se stabiliser entre les pieds. Enfin, le COP viendra rejoindre le COM en
effectuant une courte correction en postérieur et en médial (Jian et al., 1993; Vrieling
et al., 2008). Du point de vue du déplacement vertical du COM, tout comme pour la
marche, il atteindra sa position la plus basse lors de la phase de double appui
précédent le dernier pas. La position la plus haute du COM est atteinte tout juste
avant l’arrêt final de la marche (Oates et al., 2005).
Figure 2.5: Trajectoire du COM et du COP durant l’arrêt de la marche
Le trait rouge représente le déplacement du COM alors que le trait vert
représente celui du COP. Le point noir indique la position finale du COM et du
COP. COM : Centre de masse, COP : centre de pression. La direction de la
marche est de la gauche vers la droite. D’après Vrieling et al., 2008
Dernier pas
Avant-dernier pas
COP
COM
gauche
droite
postérieur antérieur
2-28
2.2.5.4 Évaluation du contrôle postural dynamique
2.2.5.4.1 Modèles biomécaniques en laboratoire
Des mesures simples portant sur le COM et le COP sont rapportées comme étant
indicatrices de l’équilibre dynamique lors de la marche. Parmi celles-ci : l’excursion
maximale du COM en médiolatéral (Chou et al., 2003), (Kuo et Donelan, 2010;
O'Connor et Kuo, 2009), la vitesse et l’accélération maximales instantanées du COM
et du COP normalisées à la grandeur de la personne (Hsue et al., 2009), et l’angle
d’inclinaison formé par le COM et le COP (Lee et al., 2006). Cet angle est défini par
une droite allant du COP au COM et par une autre droite verticale passant par le
COP. L’angle est de 0° si les deux droites se superposent, indiquant une position
statique. Plus l’angle est grand, plus le COP se décale par rapport au COM et plus la
condition devient dynamique. Une mesure de l’angle dans les plans sagittal et frontal
est possible et la mesure de l’angle maximale est soumise à l’analyse. Pour simplifier
l’évaluation en laboratoire, des résultats similaires peuvent être obtenus en utilisant la
position de la malléole externe de la cheville plutôt que le COP (Chen et Chou, 2010).
Le centre de masse extrapolé est une autre mesure du contrôle postural dynamique
(Hof, 2008). Il tient compte de la vitesse du COM, un élément crucial pour pouvoir
évaluer la stabilité dans une tâche selon Hof, 2008. Ainsi, si la vitesse appliquée au
COM est grande, l’équilibre pourrait être compromis même si le COM se situe à
l’intérieur de la base de support ou des limites de stabilité (Hof et al., 2005; Pai et
Patton, 1997). Une mesure de la marge de stabilité, définie comme la plus petite
distance entre le COM extrapolé et la base de support, permet de déterminer à quel
point la personne est en état d’équilibre (Hof et al., 2005). Une grande marge de
stabilité est indicatrice d’une plus grande stabilité (Hof et al., 2005).
D’autres mesures reliées aux caractéristiques de placement du pied peuvent
également être utilisées pour caractériser le contrôle postural lors de la marche. Les
mesures temporelles, de distance, d’excursion maximale ou de la variabilité dans le
positionnement du pied en médiolatéral entrent dans cette catégorie (Chou et al.,
2003). Il en est de même pour la variabilité de la largeur et de la longueur du pas
(Day et al., 2012; Patla et al., 1999).
2-29
2.2.5.4.2 Modèle des forces stabilisantes et déstabilisantes
Comme l’équilibre se définit comme l’état d'un système matériel soumis à l'action de
forces quelconques, il apparaît indiqué de l’évaluer en considérant les forces
s’exerçant sur le corps à chaque instant. Un modèle évaluant l’équilibre dynamique à
partir des forces théoriques s’exerçant à chaque instant lors d’une tâche a été
récemment développé (Duclos et al., 2009). Ce modèle est composé de deux forces,
soit la force stabilisante et la force déstabilisante. La force stabilisante représente la
force théorique nécessaire pour stopper le COM et le COP à la limite de la base de
support à chaque instant de la tâche. Ainsi, plus la force stabilisante est élevée, plus
une force élevée devra être exercée pour stabiliser la tâche et donc plus celle-ci sera
considérée comme étant instable. Le calcul de cette force étant notamment basé sur
la vitesse du COM, la force stabilisante représentera la composante dynamique de
l’équilibre. La force déstabilisante représente quant à elle la force théorique
nécessaire pour amener le COM et le COP à la limite de la base de support. Une
valeur faible de cette force représente une plus grande facilité à déstabiliser la
personne en amenant le COM et le COP à la limite de la base de support. Cette force
représente la composante posturale de l’équilibre. Ce modèle évaluant l’équilibre
dynamique présente plusieurs avantages distincts. Premièrement, il évalue
simultanément les composantes dynamiques et posturales de l’équilibre, deux
dimensions fondamentales du contrôle postural décrites par Massion et Horak
(Horak, 2006; Massion et al., 2004). Ensuite, comme des mesures de forces sont
extraites, il devient possible de vérifier leur association avec la fonction motrice et les
efforts requis aux articulations pour assurer l’équilibre. Enfin, ce modèle développé
par Duclos et al. (2009) tient compte de la modification de la base de support lors
d’une tâche dynamique telle que la marche où les pieds sont constamment en
mouvement.
Ce modèle a été utilisé pour évaluer la marche à vitesse naturelle et maximale chez
des adultes en santé (Duclos et al., 2009), les transferts en position assise chez des
personnes avec LM (Gagnon et al., 2012) et des tâches d’équilibre dynamique sur la
2-30
console Wii Fit (Duclos et al., 2012). Le modèle permet d’identifier les instants les
plus instables des tâches dynamiques.
Figure 2.6: Modèle d’évaluation de l’équilibre dynamique par les forces
stabilisantes et déstabilisantes
L’utilisation du modèle d’évaluation de l’équilibre dynamique requiert une
captation complète de la cinématique et de la cinétique qui identifie la localisation
du centre de masse (COM) et du centre de pression (COP). La force stabilisante
est calculée à partir de la masse globale du sujet, de la vitesse du COM et de la
distance horizontale entre le COP et la base de support dans la direction de la
vitesse du COM. Elle représente la force théorique nécessaire pour freiner
l’énergie cinétique du COM aux limites de la base de support. La force
déstabilisante est calculée à partir de la force de réaction du sol, de la hauteur du
COM et de la distance horizontale entre le COP et la base de support. Elle
représente la force théorique nécessaire pour amener le COP à la limite de la
base de support potentielle. D’après Duclos et al. 2009 et Gagnon et al. 2012.
2-31
2.2.5.5 Contrôle postural dynamique debout suite à une LM
Quelques études rapportent une instabilité lors de la marche des personnes blessées
médullaires (Day et al., 2012; Lee et al., 2011). Cette instabilité se caractérise par
une plus grande variabilité dans la marge de stabilité et dans le positionnement du
pied en antéropostérieur et en médiolatéral en comparaison à des personnes en
santé (Day et al., 2012). La réduction de la vitesse de marche et l’élargissement de la
largeur du pas sont également considérés comme des adaptations dues au manque
d’équilibre (Lee et al., 2011). Par ailleurs, plusieurs études rapportent un lien direct
entre les capacités d’équilibre et la fonction ambulatoire (Lemay et Nadeau, 2009;
Scivoletto et al., 2008; Wirz et al., 2010). Amatachaya et al. ont observé que
seulement 56% de leurs participants ayant une LM de type AIS D et autonomes à la
marche avec ou sans aide technique étaient capables de franchir leur parcours à
obstacles sans entrer en contact avec les obstacles (Amatachaya et al., 2010).
Jusqu’à présent aucune étude ne semble avoir abordé l’étude du contrôle postural
lors des départs et arrêts à la marche chez les personnes avec LM.
L’évaluation des limites de stabilité sur le Balance Master® chez des personnes
ayant une LM a été étudiée par Lemay et Nadeau (2012) en utilisant le test décrit à la
Figure 2.7. Ils ont montré que les distances et le temps moyens sont supérieurs aux
valeurs normatives de l’appareil et à ceux rapportés par Ondo et al. (2000) dans leur
groupe contrôle d’individus en santé, ce qui témoigne des difficultés d’équilibre chez
les personnes ayant une LM pour cette épreuve (Ondo et al., 2000). En outre, Lemay
et Nadeau (2012) ont aussi montré des associations fortes et significatives entre les
résultats à ces tests et les scores à l’échelle de Berg, les individus ayant un meilleur
équilibre performant le mieux sur le test des limites de stabilité.
2-32
Figure 2.7: Test des limites de stabilité du Balance Master
Le test consiste à atteindre huit (8) cibles affichées à l’écran et situées
virtuellement autour de la personne exécutant le test. L’icône représente la
position en temps réel du centre de gravité (COG). La tâche débute lorsqu’une
des cibles change de couleur. La personne doit alors amener l’icône de la cible
centrale vers la cible indiquée le plus directement et rapidement possible en
transférant son poids sur les plateformes de force. Les cibles sont situées à une
distance correspondant à 75% des limites de stabilité, ce qui est déterminé à
l’aide de la taille du sujet et une base de données normatives. Différentes
mesures de résultats sont proposées telles que la distance totale parcourue par le
COG et le temps nécessaire pour atteindre la cible, un temps ou une distance
plus court représentant une meilleure performance.
2.2.6 Évaluation clinique du contrôle postural debout
Le contrôle postural peut également s’évaluer à l’aide d’échelles cliniques. Celles-ci
sont généralement composées d’épreuves évaluant tant l’équilibre quasi-statique que
dynamique. Parmi ces échelles, l’échelle de Berg a été la plus utilisée jusqu’à présent
dans les études portant sur les personnes ayant une lésion LM. Toutefois, le Balance
Evaluation Systems test (BESTest) comble certaines lacunes de l’échelle de Berg
tout en offrant une évaluation plus exhaustive des différents systèmes impliqués dans
le contrôle de l’équilibre. Ces deux échelles ont été privilégiées dans le présent projet
d’étude et elles seront décrites dans les sections qui suivent.
2-33
2.2.6.1 L’échelle de Berg
L’échelle de Berg a été développée il y a une vingtaine d’années pour permettre
l’évaluation clinique de l’équilibre, principalement chez les personnes âgées (Berg et
al., 1995; Berg et al., 1989; Berg et al., 1992a; Berg et al., 1992b). Constituée de 14
épreuves d’équilibre et possédant une applicabilité élevée, l’échelle de Berg a fait
l’objet de plusieurs études portant sur ses qualités métrologiques qui sont
considérées adéquates pour diverses populations présentant des atteintes
neurologiques telles que les accidents vasculaires cérébraux (AVC) (Blum et Korner-
Bitensky, 2008), la sclérose en plaque (Cattaneo et al., 2006) et la maladie de
Parkinson (Qutubuddin et al., 2005) (Tableau 2.2). Sa fidélité test-retest, inter et
intrajuge, sa consistance interne, sa sensibilité au changement de même que sa
validité sont satisfaisantes (Berg et al., 1995; Blum et Korner-Bitensky, 2008; Bogle
Thorbahn et Newton, 1996; Juneja et al., 1998; Liston et Brouwer, 1996; Mao et al.,
2002; Tyson et Connell, 2009). L’instrument possède une validité de critère adéquate
pour la clientèle parkinsonienne (Qutubuddin et al., 2005) et les personnes âgées
(Berg et al., 1989). Certains considèrent même cette échelle comme une mesure
étalon de l’équilibre clinique pour valider d’autres évaluations de l’équilibre (Creel et
al., 2001; Liston et Brouwer, 1996; Tyson et DeSouza, 2004; Tyson et al., 2004).
Tableau 2.2 : Épreuves de l'échelle de Berg
1. Assis à debout
2. Station debout sans appui
3. Station assise sans appui
4. Debout à assis
5. Transfert de la chaise au lit
6. Station debout, yeux clos
7. Station debout, pieds joints
8. Portée fonctionnelle antérieure
9. Ramasser un objet au sol
10. Se retourner et regarder derrière
11. Tourner 360°
12. Pied en alternance sur un tabouret
13. Station debout en tandem
14. Station debout unipodale
D’après Berg et al. 1989
2-34
L’instrument présente cependant quelques limites importantes. Certaines études
rapportent un effet plancher ou plafond significatif (Blum et Korner-Bitensky, 2008;
Chou et al., 2006; Mao et al., 2002). La validité prédictive du risque de chute est
mitigée (voir Ardolino et al. pour un résumé (Ardolino, 2010)). Le niveau élevé des
alphas de Cronbach (≥ .92) indique une potentielle redondance dans les épreuves
(Blum et Korner-Bitensky, 2008; Mao et al., 2002). De même, l’échelle ordinale et le
nombre d’épreuves pourraient être ajustés à la baisse sans nuire aux qualités
métrologiques de l’instrument (Chou et al., 2006; Kornetti et al., 2004). Enfin, de
nouvelles évaluations de l’équilibre plus exhaustives telles que le Balance Evaluation
Systems Test font ressortir la validité de contenu limitée de l’échelle de Berg, qui
n’évalue pas de façon satisfaisante l’intégration sensorielle, les réponses posturales
automatiques et l’équilibre lors de la marche (Horak et al., 2009).
Quatre études rapportent spécifiquement les qualités métrologiques de l’échelle de
Berg pour la population ayant une LM. La fidélité interjuge a été trouvée adéquate par
Wirz et al. (ICC=.95) (Wirz et al., 2010). La validité concurrente a fait l’objet de deux
études. L’échelle de Berg est fortement associée à des mesures d’incapacités et de
fonctions telles que le score moteur de l’échelle ASIA, l’échelle de mobilité du Spinal
Cord Independence Measure (SCIM), le Fall-Efficacy scale, le Walking Index for
Spinal Cord Injury (WISCI), le Spinal Cord Injury Functional Ambulation Inventory
(SCI-FAI), la vitesse de marche sur 10m, le test de marche de 2 minutes et le Timed-
up and go (0.62 <rs<0.816; p ≤0.01) (Forrest et al., 2012; Lemay et Nadeau, 2009;
Wirz et al., 2010). Bien qu’il n’y ait pas de différence significative entre les scores des
personnes ayant une paraplégie et une tétraplégie, le profil de performance aux
différentes épreuves n’est pas le même, appuyant la validité de critère de l’instrument
de mesure (Lemay et Nadeau, 2009). Une exploration de la capacité des différentes
épreuves de l’échelle de Berg à mesurer les changements obtenus suivant un
entraînement locomoteur a également été effectuée à l’aide d’une analyse en
composante principale pour cette même population. Datta et al. (2009) ont constaté
qu’outre l’épreuve mesurant l’équilibre assis, l’ensemble des épreuves était
étroitement associé à la première composante, interprétée comme représentative du
2-35
taux d’améliorations induites par le traitement et expliquant une part importante de la
variance, soit 48%, témoignant ainsi de la capacité de l’échelle de Berg à détecter
une amélioration . Dans une étude subséquente, Datta et al. (2009) ont démontré que
l’échelle de Berg était peu utile chez des personnes ayant une lésion incomplète de la
moelle épinière lorsqu’ils ne peuvent encore marcher ou lorsqu’ils sont autonomes à
la marche, considérant le peu d’épreuves destinées à évaluer plus spécifiquement les
capacités d’équilibration lors de ces stades.
L’applicabilité et la sensibilité au changement de l’échelle de Berg peuvent être
potentiellement limitées par un effet plafond présent pour la population ayant une LM.
En effet, Lemay et Nadeau (2009) ont rapporté que 37.5% des personnes évaluées
ont obtenu un score maximal sur cette échelle, ce qui excède la valeur de 20%
perçue comme indiquant un effet plafond significatif par Mao et al. (Lemay et Nadeau,
2009; Mao et al., 2002). De plus, l’échelle de Berg possède une faible association
avec le nombre de chutes (rs= -.17; p=.28) observées dans l’année précédant
l’évaluation (Wirz et al., 2010). À l’heure actuelle, on ne retrouve aucune étude
portant sur la fidélité test-retest, la consistance interne et la validité prédictive de
l’échelle de Berg pour la population ayant une LM. Malgré les nombreuses limites
soulevées, il demeure que cet outil est celui dont les qualités métrologiques sont les
plus connues et qui est le plus utilisé en clinique et en recherche pour documenter le
contrôle postural debout des personnes ayant une LM.
2.2.6.2 Le Balance Evaluation Systems test (BESTest) et ses versions
abrégées
Le Balance Evaluation System Test (BESTest) est une évaluation de l’équilibre
récemment développée (Horak et al., 2009). Elle pourrait pallier l’effet plafond (Godi
et al., 2012) et la moins grande représentativité des composantes de l’équilibre de
l’échelle de Berg. En effet, cette échelle clinique comporte six sections portant sur les
composantes fondamentales de l’équilibre, soit : les contraintes biomécaniques, la
perception des limites de stabilité et de la verticale, les ajustements posturaux
anticipatoires, les réponses posturales aux perturbations externes, l’intégration
sensorielle et la stabilité durant la marche (Figure 2.8). En tout, l’évaluation comporte
2-36
36 épreuves réparties dans ces six sections, épreuves notamment tirées
d’évaluations de l’équilibre reconnues telles que l’échelle de Berg, la portée
fonctionnelle, le Dynamic Gait Index, le test d’intégration sensorielle et le Timed up
and go (Horak et al., 2009). Par contre, le temps d’évaluation s’élève à 35 minutes,
en comparaison à environ 15 minutes pour l’échelle de Berg, ce qui peut constituer
une limite à son applicabilité en milieu clinique (Horak et al., 2009). Cependant, il est
également possible de n’évaluer que les sections du BESTest pertinentes pour un
usager (Horak et al., 2009). Selon les auteurs du BESTest, les résultats aux six
composantes variant en fonction du type d’atteinte (Horak et al., 2009), l’outil
identifierait les lacunes d’équilibration spécifiques à différentes clientèles. Par
exemple, le BESTest pourrait déterminer les problèmes spécifiques d’équilibre d’un
groupe de patients par rapport à un autre (ex. atteinte neurologique vs atteinte
orthopédique). Les qualités métrologiques (validité, fidélité et sensibilité au
changement) du BESTest sont jugées excellentes auprès de populations présentant
des incapacités différentes (Beauchamp et al., 2012; Duncan et al., 2012; Horak et
al., 2009; Jacobs et Kasser, 2012; Jones et al., 2009; Leddy et al., 2011a, b; Padgett
et al., 2012).
Afin de réduire le temps d’évaluation, deux versions écourtées de l’outil ont été
développées, soit le mini-BESTest (Franchignoni et al., 2010) et le Brief BESTest
(Padgett et al., 2012). Le mini-BESTest est constitué de 14 épreuves représentant 4
des 6 composantes originales (Franchignoni et al., 2010). Ces épreuves ont été
sélectionnées suite à une analyse de Rasch et une analyse factorielle sur 115
participants présentants des pathologies neurologiques diverses telles que
l’hémiparésie, la maladie de Parkinson, des maladies neuromusculaires non
spécifiées, l’ataxie héréditaire, la sclérose en plaque, les atteintes vestibulaires
périphériques, les troubles du contrôle postural relié à l’âge mais non spécifiés, le
traumatisme crânien, l’encéphalopathie diffuse, la myélopathie cervicale et les
néoplasmes du système nerveux central (Franchignoni et al., 2010). L’ensemble des
épreuves représenterait le construit d’équilibre dynamique (Franchignoni et al., 2010).
L’évaluation prend 15 minutes à compléter et possède également des qualités
2-37
métrologiques adéquates (Bergstrom et al., 2012; Duncan et Earhart, 2013; Duncan
et al., 2013; Franchignoni et al., 2010; Godi et al., 2012; King et al., 2012; Leddy et
al., 2011b; Pickett et al., 2012; Tsang et al., 2013). Les études soulignent notamment
sa capacité à identifier les personnes à risque de chute chez une population atteinte
de la maladie de Parkinson (Duncan et Earhart, 2012; Duncan et al., 2013; Leddy et
al., 2011b) quoique cette capacité soit inférieure à l’échelle de Berg pour une clientèle
ayant subi un AVC (Tsang et al., 2013). Il est à noter que, dans la littérature
scientifique, seule cette version du BESTest a été utilisée auprès de la clientèle
blessée médullaire jusqu’à présent (Lemay et al., 2013).
Figure 2.8: Épreuves du Balance Evaluation Systems Test et des versions
abrégées
MBT: mini BESTest, BBT: Brief BESTest. Les épreuves inclues dans le mini-
BESTest sont indiquées en bleu alors que celles inclues dans le Brief BESTest
sont indiquées en rouge. À noter que deux sous-épreuves de l’épreuve 19 sont
inclues dans le mini-BESTest, soit la station debout yeux ouvert sur surface ferme
et la station debout yeux fermés sur une surface en mousse. Cette dernière sous-
épreuve est également retenue pour le Brief BESTest. Le choix des épreuves
pour chacune de ces deux échelles abrégées a été fait à partir d’analyses
différentes. Le Brief BESTest a été développé de façon à retenir une épreuve
pour chacune des 6 composantes de l’équilibre, ce qui n’est pas le cas du mini-
BESTest.
MBT BBT Contraintes biomécaniques MBT BBT Contrôle postural réactif
1. Base de support 14. Réponse antérieure
2. Alignement du COM 15. Réponse postérieure
3. Force et amplitude des chevilles 16. Réaction de protection antérieure
4. Force du tronc et des hanches 17. Réaction de protection postérieure
5. Assis au sol à la station debout 18. Réaction de protection latérale
Limites de stabilité/verticalité Orientation sensorielle
6. Portée fonctionnelle assise et verticalité 19. Intégration sensorielle
7. Portée fonctionnelle antérieure 20. Surface inclinée, yeux fermés
8. Portée fonctionnelle latérale
Ajustements posturaux anticipatoires Équilibre à la marche
9. Assis à debout 21. Marche sur surface nivelé
10. Aller sur la pointe des pieds 22. Changement de vitesse de marche
11. Équilibre unipodal 23. Marche avec rotation de la tête
12. Pied en alternance sur un tabouret 24. Marche avec demi-tour
13. Levé du bras en position debout 25. Marche par dessus les obstacles
26. Timed up and go
27. Timed up and go avec une double tâche
2-38
Le Brief BESTest a été développé à partir du constat que le mini-BESTest n’évalue
que quatre des six composantes fondamentales de l’équilibre originalement incluses
dans la version complète du BESTest. Utilisant des analyses statistiques basées sur
la théorie classique de la mesure, elle conserve l’épreuve la plus représentative pour
chacune des composantes, ce qui réduit le temps de passation à moins de 10
minutes avec la sélection finale (Padgett et al., 2012). La fidélité et la validité du Brief
BESTest sont adéquates et l’outil possède également la capacité de distinguer les
individus parkinsoniens à risque de chute (Duncan et al., 2013).
2.3 Résumé de la revue de la littérature
En somme, le contrôle postural debout est une fonction complexe permettant de
réaliser en toute sécurité des activités dans cette position. Une lésion à la moelle
épinière, en affectant les afférences sensitives et les efférences motrices, est
susceptible de modifier le contrôle postural quasi-statique et dynamique en position
debout qui dépend de ces informations pour s’accomplir de façon satisfaisante. Ceci
pourrait expliquer le risque de chute plus élevé observé chez cette population.
Cependant, la littérature actuellement disponible sur le contrôle postural des individus
ayant une LM est incomplète et ne permet pas de la caractériser exhaustivement.
Cette thèse vise justement à mieux comprendre les capacités d’équilibration de ces
individus, ce qui devrait mener à une meilleure compréhension des évaluations et
interventions à privilégier pour effectuer la réadaptation de cette capacité.
CHAPITRE 3: OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES
3.1 Objectifs généraux et hypothèses générales de la thèse
Encore à l’heure actuelle, on recense peu d’études décrivant le contrôle postural
debout des personnes ayant une LM traumatique incomplète. Le but de cette thèse
était d’étudier le contrôle postural lors de diverses tâches réalisées en position
debout. L’objectif principal était de développer les connaissances en utilisant
principalement des évaluations en laboratoire afin d’objectiver les caractéristiques du
contrôle postural et les facteurs qui l’influencent lors de différentes tâches
fonctionnelles. L’hypothèse générale était que le contrôle postural debout des
individus ayant une LM était diminué par rapport à celui de personnes en santé, que
cette diminution du contrôle postural était modulée par le type de tâches (ex. station
debout quasi-statique vs marche) et que des facteurs biomécaniques pouvaient
notamment expliquer les différences observées. Cette hypothèse générale est basée
sur les quelques études recensées portant sur le contrôle postural debout d’individus
ayant une LM incomplète traumatique et non traumatique ainsi que sur des
observations cliniques recueillies auprès de cette clientèle.
3.2 Objectifs spécifiques de la thèse
Les articles contenus dans cette thèse présentent les objectifs spécifiques. Le
chapitre portant sur les résultats reprendra ces objectifs de façon plus explicite et
introduira les hypothèses spécifiques à ceux-ci. Pour ces raisons, ils ne sont pas
rapportés dans cette section de la thèse afin d’éviter les répétitions. Les objectifs des
quatre (4) articles de la thèse sont respectivement:
1) Comparer le contrôle postural quasi-statique en position debout yeux ouverts et
fermés chez des individus ayant une LM et des individus en santé (cf. Article # 1;
publié dans Gait and Posture).
3-2
2) Quantifier le contrôle postural dynamique en position debout chez des individus
ayant une LM à l’aide du test des limites de stabilité multidirectionnelles (cf. Article
#2; publié dans Journal of Neuroengineering and Rehabilitation).
3) Comparer le contrôle postural de personnes ayant une LM à celui d’individus en
santé durant la phase unipodale de la marche à l’aide du modèle des forces
stabilisantes et déstabilisantes (cf. Article # 3; resoumis au Journal of
Electromyography and Kinesiology).
4) Décrire et comparer les composantes posturales et dynamiques du contrôle
postural durant les phases de l’initiation et de l’arrêt de la marche chez des
personnes ayant une LM à l’aide du modèle des forces stabilisantes et
déstabilisantes (Article # 4; soumis et en révision à Human Movement Science).
CHAPITRE 4: MÉTHODOLOGIE
L’essentiel de la méthodologie utilisée pour réaliser ce projet de recherche est décrit
dans les publications inclues dans le chapitre suivant portant sur les résultats.
Cependant, quelques aspects méthodologiques de l’évaluation clinique et en
laboratoire nécessitent des explications supplémentaires pour clarifier la
compréhension du projet, ce qui fera l’objet du présent chapitre.
4.1 Approbations liées à la réalisation du projet
Le projet a reçu l’approbation du comité d’éthique des établissements du Centre de
recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR). Deux
formulaires de consentement ont été utilisés pour ce projet, que l’ont retrouvent à
l’annexe II. En effet, comme certains participants étaient recrutés dans le cadre du
projet intitulé « Understanding the links between postural control and mobility
activities », des modifications du formulaire initial étaient nécessaires pour obtenir
l’accès aux données provenant de cette étude afin de réduire les chevauchements
entre les évaluations du présent projet de thèse et celles du projet déjà en cours. Le
comité de la convenance institutionnelle de l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay
de Montréal a donné son accord quant à la réalisation du projet dans l’établissement.
4.2 Population à l’étude
Le projet de recherche portait sur des personnes ayant subi une lésion LM provenant
de la population interne et externe de l’IRGLM. Vingt-cinq personnes ayant une LM
médullaire ont été recrutées. Il s’agissait d’un échantillon de convenance de
participants volontaires à l’étude. En outre, 33 personnes en bonne santé ont été
évaluées en laboratoire pour fins de comparaison avec les personnes ayant une LM.
Il s’agissait également d’un échantillon de convenance possédant des
caractéristiques similaires au groupe de personnes ayant une LM (âge, sexe,
données anthropométriques). Les personnes participantes devaient par ailleurs
respecter les critères d’inclusion et d’exclusion décrits dans le tableau 4.1.
4-2
Tableau 4.1: Critères d’inclusion et d’exclusion pour les participants ayant une
LM
Critères d'inclusion
Critères d'exclusion
Adulte avec une LM traumatique de type
AIS D Atteinte de la marche ou de l’équilibre
antérieure à la LM
Capacité à se tenir debout 2 minutes sans
assistance physique, avec ou sans aides
techniques
Atteinte neurologique ou
musculosquelettique, autre qu’associée à
la LM
Capacité à marcher 5 mètres sans
assistance physique, avec ou sans aides
techniques
Atteinte du cône médullaire ou de la
queue de cheval
Condition médicale stable
4.3 Recrutement des participants
Les participants ayant une LM ont été recrutés selon la procédure suivante. Les
physiothérapeutes du programme lésions médullaires de l’IRGLM ont identifié et
vérifié l’intérêt des personnes admises au programme répondant aux critères
mentionnés ci-dessus. Parallèlement, le coordonnateur du projet de recherche a
consulté les archives médicales des cinq dernières années de l’IRGLM de façon à
retrouver des candidats potentiels rencontrant les critères d’inclusion et d’exclusion.
Ceux-ci ont été contactés par appel téléphonique pour sonder leur intérêt à participer
au projet de recherche. En tout, 18 personnes ayant une LM ont été recrutées par
ces deux méthodes (Code du projet : SN_DE). Ensuite, quatre participants au projet
intitulé Understanding the links between postural control and mobility activities (Code
du projet : SN_MO) ont également été approchés pour faire partie de notre étude.
Dans tous les cas, les personnes intéressées ont été rencontrées par le
coordonnateur pour être informé sur le projet de recherche et signer le formulaire de
consentement. Le recrutement s’est étalé de février 2011 à décembre 2012. Enfin,
pour la partie du projet de recherche portant sur l’équilibre lors de la marche (article
3), trois participants ayant déjà été évalué à la marche lors du projet
intitulé Comparaison des stratégies de montée et descente d’un plan incliné versus
un escalier ont été ajoutés aux analyses (Code du projet : SN_PP). Ces participants
4-3
ont également été sélectionnés en tenant compte des critères d’inclusion et
d’exclusion présentés au tableau 4.1 et ont signé un formulaire de consentement du
projet après avoir reçu des explications sur la nature du projet et l’étendu de leur
participation.
Pour ce qui est des sujets en santé, ceux-ci proviennent de trois projets différents qui
incluaient des tâches correspondantes à celles de notre étude. Les participants au
projet portant sur l’équilibre quasi-statique (article 1, n=14) et la portée
multidirectionnelle (article 2, n=16) proviennent du projet intitulé Stabilité
multidirectionnelle en position assise chez les individus ayant une lésion médullaire:
De l'évaluation en laboratoire à l'intervention novatrice en réadaptation (Code du
projet : DG_EQ). Pour ce qui est du projet portant sur la marche (article 3), 7
participants provenaient du projet intitulé Comparaison des stratégies de montée et
descente d’un plan incliné versus un escalier (Code du projet : SN_PP) et 10 du
projet intitulé La réalité virtuelle grand public pour l'entraînement du contrôle postural:
les jeux de la WiiMD peuvent-ils être utilisés pour améliorer l'équilibre ? (Code du
projet : CD_WF). Dans tous les cas, ces participants ont signé un formulaire de
consentement propre à ces projets après avoir reçu des explications détaillées sur le
projet et la nature de leur participation. Le tableau 4.2 résume la provenance de tous
les participants en fonction des différents codes de projet pour chacun des articles.
Par la suite, le tableau 4.3 rapporte les caractéristiques démographiques et les
résultats aux évaluations cliniques des participants ayant une LM. Le tableau 4.4
contient les évaluations en laboratoire effectuées pour ces mêmes participants. Enfin,
le tableau 4.5 résume les caractéristiques démographiques et les évaluations en
laboratoire faites par les participants en santé.
4.4 Procédure
Les données démographiques et les informations portant sur la condition médicale
des participants ayant une LM ont été extraites de leur dossier médical (âge, niveau
et type de lésion, date de la lésion). Les participants ayant une LM et hospitalisés à
l’IRGLM étaient conviés à une ou plusieurs séances d’évaluation en clinique et en
4-4
laboratoire selon leur niveau de fatigue et leur disponibilité. Les participants ayant
une LM et ne résidant plus à l’IRGLM étaient conviés à une séance unique
d’évaluation. Les différentes évaluations ont été réalisées au département de
physiothérapie, au centre de recherche et dans le laboratoire de pathokinésiologie
situé au 4ème étage de l’IRGLM. Des physiothérapeutes expérimentés auprès de la
clientèle blessée médullaire ont accompli l’évaluation à l’aide d’échelles cliniques
standardisées. Les évaluations en laboratoire ont été réalisées conjointement par des
physiothérapeutes et des assistants de recherche ayant une expérience adéquate
dans ce genre d’expérimentation.
Tableau 4.2: Provenance des participants selon les publications
Nombre de participants
Type de participants
Code
du projet
Article 1
Article 2
Article 3
Article 4
LM SN_DE 15
14
10
9
SN_MO 0
2
4
3
SN_PP 0
0
3
0
Normaux SN_PP 0
0
7
0
DG_EQ 14
16
0
0
CD_WF 0
0
10
0
Total LM 15
16
17
12
Normaux 14
16
17
0
Total
29
32
34
12
LM: Lésion médullaire
4.4.1 Évaluations cliniques
Les participants au projet SN_MO n’ont pu être évalués à l’aide du mini BESTest
pour des raisons logistiques. En effet la quantité d’évaluations cliniques et en
laboratoire inclues dans ce projet limitait l’ajout de toute évaluation supplémentaire.
Le mini-BESTest n’était pas inclus parmi les évaluations du projet SN_PP.
4-5
Tableau 4.3: Données démographiques et évaluations cliniques des participants ayant une LM
Caractéristiques des participants ayant une lésion médullaire Évaluations cliniques
Code du
projet No de
sujet Provenance Type de
lésion Âge
(année) Poids
(kg) Taille
(cm) IMC
(kg/m2) Temps post-
lésion (jour) Mini BESTest
(/28) BBS
(/56) Vitesse de marche
naturelle (m/s) LEMS
(/50) LESS
(/64)
SN_DE 132 H P 25.0 85.0 165.0 31.2 61.0 25 56 1.35 50 41
SN_DE 150 E T 48.0 88.9 178.0 28.1 399.0 19 55 0.84 45 54
SN_DE 151 E T 71.0 71.6 164.0 26.6 467.0 13 49 0.59 43 61
SN_DE 154 E T 67.0 59.5 161.5 22.8 161.0 21 56 1.39 47 64
SN_DE 157 E T 65.0 79.0 176.0 25.5 467.0 16 50 42 45
SN_DE 158 E P 65.0 89.5 174.0 29.6 279.0 24 55 1.5 48 64
SN_DE 173 H P 54.0 79.5 170.0 27.5 79.0 16 56 0.80 48 28
SN_DE 190 H T 54.0 53.6 158.0 21.5 178.0 15 51 0.53 39 60
SN_DE 194 H T 20.0 74.7 178.0 23.6 57.0 27 56 1.00 50 52
SN_DE 197 E T 27.0 105.4 180.5 32.4 448.0 26 56 1.01 49 64
SN_DE 200 E T 60.0 84.0 170.5 28.9 392.0 9 46 0.73 42 64
SN_DE 201 E P 58.0 94.3 171.0 32.2 695.0 21 56 1.05 48 58
SN_DE 203 E P 52.0 105.5 177.5 33.5 590.0 15 50 0.95 41 31
SN_DE 206 H T 70.0 65.6 167.5 23.4 73.0 17 43 0.95 50 35
SN_DE 217 E T 56.0 59.7 169.5 20.8 740.0
SN_DE 218 H P 52.0 67.5 175.0 22.0 106.0 20 53 1.18 45 36
SN_DE 232 H T 67.0 91.8 173.0 30.7 15.0 17 32 0.59 46 35
SN_DE 310 H P 22.0 67.5 183.0 20.2 61.0 26 56 1.24 42 48
SN_MO 262 E T 20.0 80.2 175.5 26.0 231.0 56 1.26 50
SN_MO 265 E T 71.0 66.6 165.0 24.5 227.0 56 0.96 50
SN_MO 266 E P 52.0 72.4 173.0 24.2 273.0 56 1.18
SN_MO 381 E P 26.0 59.5 181.5 21.1 221.0 56 1.35 42
SN_PP 25 E T 49.0 84.5 172.0 28.6 661.0 56 1.11 49
SN_PP 28 E P 61.0 70.8 167.0 25.4 43.0 56 1.19 38
SN_PP 981 E T 63.0 53.0 159.0 21.0 73.0 53 0.96 38
Moyenne 51.0 76.8 171.4 26.0 279.9 19.2 52.7 1.02 45.3 49.5
Écart-type 17.2 14.3 6.8 4.1 224.7 5.2 5.7 0.26 4.1 13.4
H : Hospitalisés, E : Externe, P : Paraplégie, T : Tétraplégie, IMC : Indice de masse corporelle, BBS : Berg Balance Scale, LEMS : Lower extremity motor score. LESS : Lower
extremity sensory score. Ceci représente la somme des scores au toucher léger et à la piqûre des dermatomes L1 à S3 bilatéralement de l’évaluation ASIA sensitif. Les zones
vides indiquent les tests qui n’ont pas été effectués pour un individu donné.
4-6
Tableau 4.4: Évaluations en laboratoire effectuées par les participants ayant une LM
Caractéristiques des participants ayant une
LM
Tests du contrôle postural en laboratoire
Titre du projet
No du sujet
Provenance
Type de lésion
Quasi
-
statique
Test des
limites de stabilité
multidirectionnelles
Marche
naturelle
Arrêt et
départ
SN_DE 132 H P
SN_DE 150 E T
SN_DE 151 E T
SN_DE 154 E T
SN_DE 157 E T
SN_DE 158 E P
SN_DE 173 H P
SN_DE 190 H T
SN_DE 194 H T
SN_DE 197 E T
SN_DE 200 E T
SN_DE 201 E P
SN_DE 203 E P
SN_DE 206 H T
SN_DE 217 E T
SN_DE 218 H P
SN_DE 232 H T
SN_DE 310 H P
SN_MO 262 E T
SN_MO 265 E T
SN_MO 266 E P
SN_MO 381 E P
SN_PP 25 E T
SN_PP 28 E P
SN_PP 981 E T
H : Hospitalisés, E : Externe, P : Paraplégie, T : Tétraplégie. Les zones vides indiquent les tests qui n’ont pas été effectués pour un individu donné.
4-7
Tableau 4.5 : Caractéristiques démographiques et évaluations des personnes en santé
Caractéristiques des
participants en santé
Évaluations
Code du
projet No du
sujet Âge
(année) Poids
(kg) Taille
(cm) IMC
(Kg/m2) Vitesse de
marche
naturelle (m /s)
Quasi-
statique Test des limites de
stabilité
multidirectionnelle
Marche
naturelle
CD_WF 16 20.0 87.5 182.0 26.4 1.67
CD_WF 18 80.0 77.0 174.0 25.1 1.46
CD_WF 20 19.0 71.0 83.0 21.2 1.60
CD_WF 21 73.0 82.0 160.0 32.0 1.18
CD_WF 23 68.0 69.5 158.0 27.8 1.30
CD_WF 24 70.0 95.5 179.0 29.8 1.42
CD_WF 26 66.0 81.0 158.0 32.4 1.21
CD_WF 29 64.0 62.0 161.0 23.9 1.65
CD_WF 37 73.0 78.5 163.0 29.5 1.37
CD_WF 979 22.0 62.5 167.0 22.4 1.44
DG_EQ 117 53.5 89.0 174.0 29.4
DG_EQ 118 23.0 76.9 174.0 25.4
DG_EQ 129 33.0 74.3 175.0 24.3
DG_EQ 130 29.0 91.1 166.0 33.1
DG_EQ 134 54.0 80.0 170.0 27.7
DG_EQ 135 67.0 70.2 174.0 23.2
DG_EQ 139 25.1 123.5 181.0 37.7
DG_EQ 143 60.0 80.9 167.0 29.0
DG_EQ 144 53.0 73.7 178.0 23.3
DG_EQ 145 33.0 78.6 178.0 24.8
DG_EQ 146 38.0 83.6 179.0 26.1
DG_EQ 149 50.0 65.8 165.0 24.2
DG_EQ 155 35.0 86.3 181.0 26.3
DG_EQ 156 37.0 87.5 189.0 24.5
DG_EQ 167 30.0 94.0 173.0 31.4