L’intégration successive des jeunes générations au corps politique est importante, car elle permet le bon fonctionnement de nos sociétés démocratiques et le développement d’un sentiment d’appartenance des individus envers la communauté plus étendue. Cependant, ces dernières décennies, divers travaux scientifiques s’inquiètent du désengagement politique des jeunes, et s’intéressent au développement de nouvelles formes d’engagement, non-institutionnalisées ou médiatiques. En sciences de l’information et de la communication, et spécifiquement dans le champ de la littératie médiatique, des études postulent que l’éducation aux médias pourrait favoriser une citoyenneté active des jeunes. Ces études cherchent notamment à comprendre l’influence des activités éducatives, et des compétences médiatiques qu’elles développent, sur la participation civique (effective ou potentielle) des adolescent·e·s et des jeunes adultes. Dans la lignée de ces recherches, nous nous interrogeons : Quel est le lien entre la littératie médiatique et l’engagement civique ? De façon distinctive, nous choisissons de nous intéresser à des situations concrètes d’engagement civique et cherchons à comprendre le rôle que les médias y jouent. Notre thèse de doctorat porte sur le lien entre l’engagement civique de jeunes adultes (25-30 ans) au sein d’un groupe auto-organisé et leur littératie médiatique (envisagée sous l’angle des pratiques). Nous mobilisons une méthode qualitative et compréhensive, mêlant principalement des observations et des entretiens, afin d’étudier deux groupes civiques situés en Belgique francophone, dans le Brabant wallon (premier terrain) et en Région de Bruxelles-Capitale (second terrain). Le travail empirique réalisé au sein du premier terrain nous conduit à décrire les pratiques médiatiques de jeunes adultes engagé·e·s, et à mieux appréhender le paysage civique belge francophone. Le second terrain nous permet de comprendre la façon dont ces pratiques médiatiques s’insèrent dans des pratiques sociales plus vastes, et de découvrir comment les jeunes adultes étudié·e·s s’intègrent au collectif civique, comment iels y investissent du temps et de l’énergie, comment iels y participent en tant qu’individu, et comment iels agissent ensemble pour construire une société avec laquelle iels sont en accord. Dans une perspective théorique et méthodologique, nous identifions les axes de tension qui sous-tendent l’étude de la littératie, nous discutions du flou conceptuel qui entoure les notions d’engagement et de participation, et nous offrons un panorama des méthodes mobilisées pour étudier le lien entre médias et engagement civique. Dans une perspective empirique, nous soulignons l’influence croisée de l’individu et du groupe social dans le développement de pratiques (par exemple, la nature systémique des pratiques informationnelles, où les individus s’informent eux-mêmes, informent les autres et sont informés par eux). En conclusion, l’engagement civique au sein d’un groupe auto-organisé, orienté vers l’action, et valorisant la bienveillance, le dialogue et l’écoute, apparaît comme un contexte propice au développement de la littératie médiatique et, plus largement, d’une réflexivité relative aux pratiques sociales. En ce sens, nous formulons des recommandations, notamment à destination des initiatives d’éducation aux médias et à la citoyenneté, afin d’encourager les expériences civiques en contexte scolaire et dans l’éducation permanente. Nous mettons également en lumière des pistes de réflexion à destination des groupes civiques.