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Enseigner l'Histoire de l'Europe en Turquie: L'Histoire scolaire et les enseignants dans le contexte de l'intégration européenne

Authors:
  • Çanakkale Onsekiz Mart University College of Education (Turkey)
Ibrahim Hakkı Öztürk
Enseigner l’Histoire de l’Europe en Turquie
Ibrahim Hakkı Öztürk
Enseigner l’Histoire de l’Europe en
Turquie
L’histoire scolaire et les enseignants dans le
contexte de l’intégration européenne
Éditions universitaires européennes
1
Enseigner l’Histoire de l’Europe en Turquie
L’histoire scolaire et les enseignants dans le contexte de
l’intégration européenne
İbrahim Hakkı Öztürk
2
3
INTRODUCTION
Cet ouvrage est la version remaniée d’une thèse de doctorat soutenue en 2005 à
l’Université de Picardie Jules Verne (Amiens, France). L’ouvrage est rebaptisé pour
cette publication. Le titre de la thèse est La dimension européenne dans la formation
des enseignants et l'enseignement de l'histoire en Turquie.
L’enseignement concernant l’Europe est devenu l’un des enjeux importants de
l’éducation dans les pays européens, et en particulier dans ceux de l’Union européenne.
On emploie souvent le terme dimension européenne (de l’éducation, de l’enseignement,
ou à l’école) pour désigner cet aspect de l’éducation apparu avec le processus de
l’intégration européenne.
Comme nous l’étudierons plus à fond dans la première partie de cet ouvrage, le
terme dimension européenne de l’éducation peut renvoyer à des significations
différentes comme la mobilité des acteurs éducatifs (élèves, étudiants, enseignants, etc.)
en Europe, la convergence des systèmes éducatifs européens surtout au niveau de
l’enseignement supérieur, ou la coopération sur les différents aspects et problèmes de
l’éducation à l’échelle européenne. Dans notre étude, nous entendons par ce terme
l’enseignement des thèmes relatifs à l’Europe dans le cadre des matières scolaires telles
que l’histoire, la géographie, l’éducation civique, les langues étrangères, etc.
La dimension européenne de l’éducation, telle que nous l’entendons, s’inscrit d’une
façon générale dans le contexte des rapports entre la politique et l’école. Un nombre très
important de travaux, que nous en citerons quelques-uns dans la première partie, a mis
en évidence les rapports étroits entre les enjeux et les objectifs politiques et idéologiques
et l’organisation des contenus scolaires. En ce qui concerne l’enseignement de l’histoire,
il a été considéré pendant longtemps, avec celui de la géographie, comme un des moyens
principaux pour inculquer aux jeunes générations le sentiment d’appartenance à la
Nation. L’usage politique de l’enseignement de l’histoire ne se limite point aux
idéologies nationalistes. Par exemple, les régimes communistes avaient aussi élaboré
des histoires destinées totalement à la gitimation de leur projet politique et à la
transmission des valeurs idéologiques aux jeunes.
Le rôle assigné à l’école concernant la promotion du sentiment d’appartenance des
jeunes à l’entité politique et la transmission des valeurs conserve toujours son
importance. L’introduction d’une dimension européenne à l’école signifie d’abord une
évolution concernant les finalités de l’enseignement scolaire. Il s’agit d’un
« enseignement sur l’Europe et pour l’Europe »
1
. Le développement de la dimension
européenne dans les contenus scolaires est donc étroitement lié à l’intégration
1
Nicole TUTIAUX-GUILLON (sous dir.), L'Europe entre projet politique et objet scolaire au collège et
au lycée, Paris: INRP, 2000, p. 11
4
européenne
1
entamée après la Seconde Guerre mondiale. Les institutions européennes,
en particulier le Conseil de l’Europe, se sont intéressées très t aux contenus de
l’enseignement scolaire, et particulièrement à ceux de l’histoire. Surtout à partir du début
des années 1990, les thèmes et les objectifs concernant les enjeux européens occupent de
plus en plus de place à l’école. Les autorités politiques et éducatives accordent ainsi
généralement un rôle important à l’école pour la transmission de « l’idée de
l’Europe » chez les jeunes et pour la promotion d’une « identité européenne ». Mais, il
faut rappeler que le contenu de cette dernière est resté encore largement imprécis et
qu’aujourd’hui, il n’existe pas de consensus parmi les pays de l’Union sur les objectifs
et les contenus concrets de la dimension européenne à l’école.
La situation de la Turquie par rapport à l’intégration européenne s’avère assez
complexe. Après la Seconde Guerre mondiale, la Turquie a adhéré à certaines
institutions européennes comme le Conseil de l’Europe. Elle a noué des liens avec la
Communauté économique européenne dès la fin des années 1950. Mais, elle se heurte
depuis les années 1970 à divers obstacles dans son objectif de faire partie de l’Union
européenne.
Depuis le sommet d’Helsinki du Conseil européen en 1999, la candidature de la
Turquie a été reconnue pour la première fois par l’Union européenne, et surtout avec
l’ouverture des négociations d’adhésion le 3 octobre 2005, la perspective européenne est
devenue une possibilité concrète.
Pourtant, il faut dire qu’il existe encore des obstacles importants sur le chemin vers
l’intégration complète. Le Conseil européen a précisé que les négociations de l’adhésion
« auraient un caractère ouvert, c'est à dire que leur conclusion n'était pas garantie ». En
effet, depuis 2005 les négociations de l’adhésion n’ont pas marqué un progrès notable en
raison de nombreux problèmes.
Dans ce contexte, nous nous intéressons à l’enseignement des thèmes relatifs à
l’Europe dans le cadre de la discipline scolaire Histoire au niveau de l’enseignement
secondaire ainsi que dans la formation initiale des enseignants d’histoire en Turquie.
Notre étude comporte essentiellement deux volets. D’une part, elle porte sur la
représentation de l’Europe et de l’histoire de l’Europe à travers les programmes
scolaires, les programmes de la formation initiale des enseignants et les manuels
scolaires d’histoire. D’autre part, nous étudions la perception des enseignants d’histoire
concernant le développement d’une dimension européenne à l’école dans la perspective
de l’intégration de la Turquie à l’Union européenne. Ce dernier volet, qui s’est réalisé à
partir d’une enquête par questionnaire, comprend les enseignants en fonction dans les
établissements scolaires ainsi que les enseignant-stagiaires en formation initiale.
1
Dans ce travail, nous utilisons l’expression intégration européenne au sens large du terme incluant la
coopération européenne dans le cadre du Conseil de l’Europe aussi bien que l’intégration réalisée par
l’Union européenne.
5
La problématique de notre étude s’intéresse aux rapports étroits entre l’évolution
politique et les contenus scolaires dans la perspective de l’intégration européenne. Nous
envisageons tout d’abord de mettre en lumière comment l’étude de l’histoire de l’Europe
et d’une manière nérale la représentation de l’Europe s’organisent dans les contenus
du cours d’histoire ainsi que dans les contenus de la formation initiale des enseignants
d’histoire. En d’autres termes, quelle(s) idée(s) de l’Europe est véhiculée par les
contenus scolaires ? Nous observons également si les contenus scolaires concernant
l’Europe évoluent tout au long du processus de la candidature. Cette problématique sera
également au centre de notre enquête sur les attitudes des enseignants à l’égard de
l’enseignement de l’histoire de l’Europe : comment les enseignants perçoivent-ils
l’enseignement de l’histoire dans la perspective de l’intégration européenne ?
Nous procédons d’abord à l’étude de l’évolution du thème de l’Europe dans le
contenu de l’enseignement de l’histoire du début de l’époque républicaine (1923) aux
années 2000 à travers les programmes scolaires. Cette étude envisage d’éclairer les
fondements de l’étude de l’Europe à l’école aujourd’hui en montrant les continuités et
les ruptures importantes depuis les années 1920.
Conformément au programme scolaire, les manuels d’histoire turcs consacrent une
étude particulière à l’histoire de l’Europe surtout pour la riode située entre les 15
e
et
20
e
siècles. Le thème de l’Europe est également très présent dans l’étude de l’histoire
turque en particulier dans celle de l’histoire ottomane. La présence de l’Europe est ainsi
considérable surtout dans l’étude de la période entre les 14
e
et 20
e
siècles, qui est
enseignée au niveau de la deuxième année de l’enseignement secondaire. Notre analyse
porte donc essentiellement sur les manuels de ce niveau.
En ce qui concerne le deuxième volet de l’étude, nous allons procéder dans un
premier temps à l’analyse de la place et de la présentation de l’Europe dans les
programmes de la formation initiale des enseignant d’histoire, qui est assurée en Turquie
essentiellement par le département de professorat d’histoire des Facultés d’éducation
des universités.
Ensuite, à partir des sultats de notre enquête par questionnaire, nous analysons en
premier lieu les représentations des enseignants à l’égard de l’Europe et de l’intégration
de la Turquie à l’Union européenne. En second lieu, nous examinons leurs points de vue
sur l’enseignement de l’histoire de l’Europe ainsi que sur l’évolution de l’histoire
scolaire dans la perspective de l’adhésion à l’Union européenne. Autrement dit, notre
regard portera essentiellement sur leurs attitudes à l’égard du développement de la
dimension européenne dans l’enseignement en Turquie. Nous portons une attention
particulière à l’étude des représentations des enseignants d’histoire par rapport à
l’enseignement sur l’Europe. En effet, cette partie de l’étude nous permettra de porter
notre regard au-delà des contenus formels de l’enseignement (programmes officiels et
manuels scolaires).
6
Dans le contexte turc, nous entendons par le développement de la dimension
européenne une évolution à deux niveaux différents : d’une part, cela implique
l’introduction des finalités pro-européennes dans l’enseignement de l’histoire. Il s’agit
surtout de la promotion à l’école de l’idée selon laquelle la Turquie appartient à
l’Europe. D’autre part, cela suppose l’augmentation de la place réservée aux thèmes
relatifs à l’Europe dans les contenus scolaires et la réorganisation de l’enseignement de
ces thèmes dans la perspective européenne.
7
PREMIÈRE PARTIE
L’EUROPE, LA TURQUIE
ET
L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE
8
9
CHAPITRE I
LA DIMENSION EUROPÉENNE DANS L’ENSEIGNEMENT DE
L’HISTOIRE
L’EUROPE ET L’ÉDUCATION : ENJEUX POLITIQUES
Est-il besoin de démontrer que l’une des fonctions principales de l’école est de
transmettre aux jeunes un ensemble de valeurs, d’idées et de sentiments établis dans le
cadre politique et sociale de chaque société et destinés à assurer la cohésion et
l’intégration culturelle et sociale. Durkheim définit l’éducation comme « l’action exercée
par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale.
Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états
physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son
ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné. […] Il n’y a pas de
peuple où il n’existe un certain nombre d’idées, de sentiments et de pratiques que
l’éducation doit inculquer à tous les enfants indistinctement, à quelque catégorie sociale
qu’ils appartiennent
1
Ce constat ne concerne pas seulement la structure générale de l’éducation, ses
grandes orientations et ses finalités principales. L’organisation des contenus des matières
scolaires se rapporte aussi étroitement aux facteurs sociaux et politiques. Comme le
souligne D. Lawton, « certains aspects de notre mode de vie, certains types de
connaissances, certaines attitudes et valeurs sont considérés en effet comme revêtant
assez d’importance pour que leur transmission à la génération suivante ne soit pas laissée
au hasard. »
2
En effet, (un) curriculum, que définit J.-C. Forquin comme « l’ensemble de
ce qui est censé être enseigné et de ce qui est censé être appris, selon un ordre de
progression déterminé, dans le cadre d’un cycle d’étude donné »,
3
n’est pas seulement le
résultat d’une « transposition didactique » par laquelle le « savoir scolaire » procède du
« savoir savant ».
4
Comme le fait remarquer également C. Carpentier, le curriculum est
1
Emile DURKHEIM, Education et sociologie, Paris : PUF, 1985 (1
er
éd. 1922), p. 50 et 97.
2
D. LAWTON, Class, Culture and the Curriculum, London: Routledge and Kegan Paul, 1975, p. 6, cité
dans Claude CARPENTIER, « Rupture politique et enseignement de l’histoire en Afrique du Sud : Les
manuels de l’enseignement primaire », in : Revue Internationale de l’Education, n° 46, 2000, p.292
3
Jean-Claude FORQUIN, « Les approches sociologiques du curriculum : orientations théoriques et
perspectives de recherche », in : Etudes de Linguistique Appliquée, n° 98, 1995, p. 47
4
Ibid. p. 50-51. Comme l’explique Forquin, selon la théorie de la transposition didactique (Y.
Chevallard, 1985), « le savoir scolaire » enseigné à l’école est différent du « savoir savant » des
10
le « produit de la sélection de certaines connaissances parmi un ensemble presque
illimité de combinaisons possibles » et les facteurs idéologiques et politiques jouent un
rôle important dans son élaboration.
1
En effet, le pouvoir politique exerce presque partout dans le monde un contrôle plus
ou moins important sur les contenus de l’enseignement essentiellement par l’élaboration
du « curriculum formel », contenu prescrit officiellement par les autorités, même si les
modes d’élaboration des programmes, la forme des instructions, l’autonomie accordée
aux enseignants, aux établissements scolaires et aux autorités locales, le caractère et le
degré du contrôle sur l’application réelle des programmes varient énormément selon les
pays. Ce contrôle politique sur les contenus scolaires n’est pas totalement arbitraire.
Surtout dans les pays démocratiques, le « curriculum formel » est ouvert aux influences
des divers acteurs de la société. Autrement dit, le pouvoir politique est sensible aux
aspirations de la société lors de l’élaboration des contenus scolaires. Mais, il existe
toujours certaines valeurs et attitudes à inculquer d’en haut sous le contrôle du pouvoir
politique aux jeunes générations.
En conséquence, les transformations politiques ainsi que l’évolution générale de la
société se répercutent inévitablement sur les objectifs et les contenus de l’enseignement.
L’apparition des nouvelles valeurs, attitudes et connaissances à transmettre aux jeunes se
fait souvent lentement et progressivement. Mais, lors des changements politiques
radicaux comme par exemple l’effondrement des régimes communistes en Europe
centrale et orientale au début des années 1990, les contenus de l’enseignement
connaissent en général des ruptures surtout en ce qui concerne les matières relevant des
sciences humaines et sociales comme l’histoire.
Surtout à partir des années 1970, la dimension idéologique de l’éducation a fait
l’objet de nombreuses études critiques inspirées souvent par la théorie d’« Appareils
idéologiques d'État » d’Althusser.
2
L’enseignement de l’histoire fut l’un des domaines
privilégiés de ces études. En effet, l’histoire est sans doute l’une des matières scolaires
qui s’impliquent le plus dans la transmission des valeurs et des attitudes voulues aux
jeunes générations. Comme le précise J. Peyrot, avec la géographie et l’éducation
chercheurs. Mais, le premier prend sa légitimité du second et il se produit à partir du second par une
« transposition didactique ». « La culture scolaire se présente ainsi comme une culture « seconde » par
rapport à celle du chercheur ou du créateur, une culture dérivée, subordonnée à cette fonction de
médiation didactique ». En revanche, J.L. Martinand a montré que la référence du savoir scolaire ne se
situe pas toujours du coté des savoirs savants et qu’il existe une « multiplicité de pratiques sociales qui
peuvent servir de référence aux savoirs scolaires et aux apprentissages scolaires. » Cf. Y. Chevallard, La
transposition didactique, Grenoble : La pensée sauvage, 1985. J.L. Martinand, Connaître et transformer
la matière, Berne : Peter Lang, 1986.
1
Claude CARPENTIER, « Rupture politique et enseignement de l’histoire en Afrique du Sud : Les
manuels de l’enseignement primaire », in : Revue Internationale de l’Education, n° 46, 2000, p.292
2
Cf. Louis ALTHUSSER, « Idéologie et appareils idéologiques d'Etat » in : La Pensée, Juin 1970,
n°151, p. 3-38
11
civique, elle est « un instrument du pouvoir » plus que toute autre matière scolaire.
1
Elle
a surtout pour mission de transmettre une moire collective et le sentiment
d’appartenance au groupe social.
Les travaux sur la dimension politique de l’enseignement de l’histoire portent
surtout sur sa fonction particulière dans la construction des États-nations.
2
On a mis en
évidence que l’histoire scolaire était très largement destinée à la diffusion du récit de
l’histoire commune de la nation, et elle visait ainsi le renforcement du sentiment et de
l’identité nationale. Cette conception de l’enseignement de l’histoire est apparue dans les
pays de l’Europe occidentale au cours du 19
e
siècle et elle s’est reproduite ensuite
partout dans le monde. Comme le note E. Hobsbawm, l’école a ainsi joué un rôle
primordial surtout vers la fin du 19
e
et pendant la première partie du 20
e
siècle dans la
diffusion de « l’image et l’héritage de la nation » et l’inculcation de « l’attachement à
cette nation ».
3
En Turquie aussi surtout à partir du début des années 1930, la promotion
de la mémoire et de la conscience nationale chez les jeunes générations était la finalité
principale de l’histoire à l’école.
4
« L’appareil didactique de cet enseignement était simple, c’était une narration de
faits choisis : moments forts, étapes tournantes, grands personnages, événements
symboliques et, à l’occasion, quelques mythes gratifiants. Chaque pièce de cette
narration avait son importance et était sélectionnée avec soin. »
5
Dans son ouvrage, Les
Rois de France : Enfants chéris de la République, C. Lelièvre montre dans le contexte
français comment les manuels d’histoire véhiculent un message éminemment politique à
travers le récit des personnages historiques et surtout par l’utilisation massive de l’image.
Face à deux nécessités difficilement conciliables, « promouvoir la rupture nécessaire
avec l’Ancienne régime » d’une part, et « assumer le passé national afin d’instituer un
“État-nation” pérenne » d’autre part, les historiens de la III
e
République, et en tête E.
Lavisse, ont élaboré une représentation de la royauté fondée sur de « bons » et « mauvais
rois » au prix « d’infléchissements, de détournements et d’occultations manifestes » des
1
Jean PEYROT, « A quoi sert l’enseignement de l’histoire et de la géographie » in : Historiens et
géographes, n° 297, décembre 1983, p. 285
2
Parmi d’autres, on peut mentionner ici les ouvrages suivants: FERRO Marc, Comment on raconte
l'histoire aux enfants, à travers le monde entier, Paris : Editions Payot, 1992. CITRON Suzanne, Le
mythe national: l'histoire de France en question, Paris : Editions ouvrières, 1991. MONIOT H.,
SERWANSKI M. (sous la dir.), L'histoire et ses fonctions: une pensée et des pratiques au présent, Paris:
L'Harmattan, 2000.
3
Eric HOBSBAWM, Nation et nationalisme depuis 1870 : Programme, mythe, réalité, Paris : Editions
Gallimard, 1992, p. 119
4
Parmi les travaux en français sur l’enseignement de l’histoire nationale en Turquie, on peut citer surtout
ceux d’Etienne COPEAUX. Cf. COPEAUX Etienne, Espace et temps de la nation turque: Analyse d'une
historiographie nationaliste, Paris : CNRS Editions, 1997 ; COPEAUX Etienne, Une vision turque du
monde : à travers les cartes de 1931 à nos jours, Paris : CNRS Editions, 2000.
5
Christian LAVILLE, « La guerre des récits: Débats et illusions autours de l'enseignement de l'histoire »
in : MONIOT H., SERWANSKI M. (sous la dir.), L'histoire et ses fonctions: une pensée et des pratiques
au présent, Paris : L'Harmattan, 2000, p. 151
12
faits historiques. L’influence de cette représentation a perduré dans les manuels scolaires
français jusqu’à la fin des années 1960.
1
La fin de la Seconde Guerre mondiale a marqué une étape importante dans
l’évolution de l’enseignement de l’histoire dans les pays de l’Europe occidentale.
L’étude de l’histoire nationale a évolué vers une conception moins nationaliste et plus
ouverte au monde et son poids dans les contenus scolaires a progressivement diminué.
2
Pourtant la fonction politique de l’enseignement de l’histoire n’a rien perdu de son
importance. Dans les programmes scolaires des pays de l’Europe occidentale, l’histoire
est désormais considérée comme un instrument de la formation du « citoyen
responsable » et de transmission des valeurs comme « la paix, la liberté, la démocratie, le
respect de la vie et de la personne humaine, le respect des différences, la solidarité entre
les peuples ».
3
Il s’agit surtout de rendre les jeunes capables de participation
démocratique, et donc de développer chez eux les capacités intellectuelles et affectives
nécessaires pour cela.
4
Parallèlement à l’intégration européenne à partir des années 1950, un aspect
européen dans l’enseignement scolaire est apparu progressivement en particulier dans
les matières telles que l’histoire, la géographie, l’éducation civique, etc. D’ailleurs, ce
phénomène ne se limite pas aux pays de l’Union européenne. En effet, le Conseil de
l’Europe qui couvre une géographie beaucoup plus large que l’Union européenne est
l’un des cadres principaux où se développent les programmes éducatifs au niveau
européen.
La dimension européenne dans l’éducation : significations et aspects différents
Dans le domaine de l’éducation, le terme dimension européenne a été utilisé très
probablement pour la première fois dans la résolution du Conseil des ministres
européens de l’éducation de 1976.
5
Surtout à partir de la fin des années 1980, il est utili
fréquemment dans les travaux et les dispositions des institutions européennes (le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne), dans les textes officiels nationaux ainsi que dans les
1
Cf. Claude LELIÈVRE, Les Rois de France : Enfants chéris de la République, Paris : Bartillat, 1999.
2
Elisabeth S. BOLBENES, Comment on enseigne l’histoire: Analyse des programmes et manuels
d'histoire du seconde cycle de l'enseignement en France de 1902 à 1985, Thèse de doctorat, Université
de Brest, 1996, p. 73-78. Jean LEDUC et al., Construire l’histoire, Toulouse: Bertrand-Lacoste, 1994, p.
18-29. Julian DIERKES, « Absence, déclin ou essor de la nation: Manuels d'histoire d'après-guerre au
Japon et dans les deux Allemagnes » in : Genèses, n°44, septembre 2001, p.30-33
3
Jean LEDUC et al., op. cit., p. 30-31
4
Christian LAVILLE, op. cit., p. 152
5
Dominique BARTHÉLEMY, et al., La dimension européenne dans l'enseignement secondaire: Un
enseignement secondaire pour l'Europe, Strasbourg : Editions du Conseil de l'Europe, 1997, p. 11 ; Cf.
« Résolution du Conseil des ministres de l’Education, réunis au sein du Conseil de la Communauté
économique européenne, 9 février 1976 », in : Journal officiel de l'Union européenne, n°C38, le 19
février 1976.
13
ouvrages didactiques. Depuis le début des années 1990, le terme a été utilisé également
dans les études universitaires.
1
On emploie aussi d’autres termes pour désigner l’aspect européen de l’éducation. On
trouve par exemple dans certains travaux universitaires le terme Europe de
l’éducation qui évoque d’une façon nérale toute implication de l’intégration
européenne dans le domaine de l’éducation. L. N. Garmandia dégage trois aspects
différents du « concept d’Europe de l’éducation » : les politiques éducatives européennes
en vue du développement économique et technologique ; les politiques envisageant de
contribuer à la formation de « l’identité européenne » ; et enfin les politiques qui visent
la convergence des systèmes éducatifs en Europe mais en respectant la diversité et les
particularités nationales.
2
Même si on l’utilise parfois pour désigner un champ aussi vaste que l’Europe de
l’éducation telle que la définit L. N. Garmandia, la dimension européenne dans
l’éducation renvoie le plus souvent à une acception plus étroite. Elle se rapporte plutôt
aux contenus, aux finalités et aux pratiques de l’enseignement. Elle
implique l’enseignement sur l’Europe et l’éducation à l’Europe en définissant ainsi
l’Europe à la fois comme l’un des objets et des objectifs de l’école.
Par ailleurs, comme l’Europe de l’éducation, le terme dimension européenne ne peut
pas échapper à la polysémie. Comme le souligne A. Convery
3
, elle renvoie aux
significations assez différentes à la fois au niveau des objectifs qu’on lui attribue ainsi
que des domaines d’activité dans lesquels elle se réalise concrètement.
En ce qui concerne l’enseignement secondaire et la formation des enseignants du
secondaire auxquels nous nous intéressons dans cette étude, la dimension européenne
renvoie principalement à deux aspects différents. D’une part, elle se rapporte aux
contenus scolaires relatifs à l’Europe dans le cadre des disciplines telles que l’histoire et
la géographie. D’autre part, elle renvoie également aux activités et programmes de
coopération et de mobilité d’élèves, d’étudiants et d’enseignants. L’exemple typique de
ces derniers est COMENIUS, l’un des programmes communautaires de l’Union
européenne, qui a pour objectif d'améliorer la qualité de l’enseignement et d’encourager
1
On peut mentionner ici quelques uns parmi d’autres : VANISCOTTE Francine, Les écoles de l'Europe:
systèmes éducatifs et dimension européenne, Paris : INRP, 1996 ; BERTAUX Patricia, (sous dir.), La
dimension européenne dans l'enseignement: enjeux, réalités, perspectives, Nancy : Presse universitaire
de Nancy, 1999 ; LECLERCQ Jean-Michel, « La dimension européenne dans la formation des
enseignants: des enjeux universels », in : Recherche et formation, n°18, avril 1995, p.23-32
2
L. Naya GARMANDIA, « Comment et à quelles conditions, l’éducation comparée peut-elle faire
avancer l’Europe de l’éducation ? », in LADERRIERE P., VANISCOTTE F. (sous dir.), L’Education
comparée : Un outil pour l’Europe ?, Paris : L’Harmattan, 2003, p. 99-100
3
Anne CONVERY, « La dimension européenne », in : BERTAUX Patricia (sous dir.), La dimension
européenne dans l'enseignement: enjeux, réalités, perspectives, Nancy : Presse universitaire de Nancy,
1999.
14
la coopération transnationale entre les établissements scolaires au niveau de
l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire.
1
Sans vouloir être exhaustif, on peut dégager ici quatre aspects différents de la
dimension européenne dans les contenus scolaires. En premier lieu, la dimension
européenne signifie l’apprentissage sur les autres peuples de l’Europe: leurs cultures,
histoires, langues, etc. Elle correspond donc à une ouverture des contenus scolaires vers
l’extérieur au niveau de l’Europe. En second lieu, elle implique également
l’apprentissage de l’histoire et de la culture « commune » de l’Europe en envisageant
ainsi la formation d’une « identité culturelle européenne »
2
. En troisième lieu, pour les
pays membres, elle évoque l’apprentissage et la sensibilisation sur l’Union européenne:
l’évolution historique de l’intégration européenne, les institutions, l’euro, la citoyenneté
européenne, etc.
3
En quatrième et dernier lieu, la dimension européenne comprend également
l’enseignement des « valeurs » qui sont considérées généralement comme celles de
l’Europe : « démocratie », « droits de l’homme », « pluralisme », etc.
4
D’après C. Bîrzéa,
« par rapport à d’autres termes ou approches (« global education » aux États-Unis,
« éducation internationale » selon le langage de l’Unesco), la dimension européenne met
notamment l’accent sur la démocratie, le pluralisme et l’interculturalité. C’est un concept
spécifique à l’espace européen, avec des répercussions directes sur les politiques
éducatives. »
5
D’ailleurs, outre la fonction de l’instruction sur l’Europe, la dimension européenne
offre un nouveau cadre d’apprentissage à l’école à côté des autres « dimensions »
(régionale, nationale et mondiale) de l’enseignement. Selon D. Barthélemy, « elle
fournit les verres optiques justes pour refléter d’une façon critique la véritable dimension
de certains phénomènes transnationaux. Souple et adaptable, elle permet de concevoir un
cadre pertinent pour l’analyser. »
6
Enfin, il faut ajouter que, malgré toutes les précisions, le terme garde toujours une
partie de sa polysémie car, elle comporte inévitablement l’ambiguïté générale du terme
« Europe ». En effet, « Qu’est-ce que l’Europe ? » est la question incontournable dans
tous les ouvrages consacrés à l’Europe. Le débat reste toujours ouvert mais il existe un
1
Julien NICAISE, Christiane BLONDIN, La dimension européenne dans l'enseignement secondaire en
Europe : Étude comparative de la place occupée par l'Union européenne dans le curriculum de
l'enseignement secondaire dans les États membres et les Pays candidats, Etude demandée par le
Parlement Européen (Série Education et Culture : EDUC 113 FR), 2003, http://www.eurydice.org
2
Le terme d’«identité culturelle européenne » est employé surtout dans les textes du Conseil de l’Europe.
3
Nicola SAVVIDES, «A Comparative Study of the European Dimension in the Curriculum of English
and Irish Compulsory Schooling», Paper presented as part of a seminar series at IREDU, Université de
Bourgogne, 02.12.2002., http://www.u-bourgogne.fr
4
Francine VANISCOTTE, op. cit., p. 296
5
César BIRZÉA, « La dimension européenne : orientations pour les auteurs des projets scolaires et
parascolaires », in BARTHÉLEMY D., et al., op. cit., p. 63
6
Dominique BARTHÉLEMY, op. cit., p. 24
15
point sur lequel tous les auteurs semblent être d’accord : le terme « Europe » revoie en
fait à plusieurs Europe(s), « Europe géographique », « Europe politique », « Europe
historique et culturelle », etc., qui, à leur tour, ne sont pas assez précises. Comme le
rappelle E. Morin, « l'Europe est une notion géographique sans frontières avec l'Asie et
une notion historique aux frontières changeantes. C'est une notion aux multiples visages
que l'on ne saurait surimpressionner les uns sur les autres sans créer le flou ».
1
La dimension européenne à l’école : un enseignement pour l’Europe ?
La dimension européenne à l’école, telle que nous la concevons ici, concerne donc
essentiellement la place de l’Europe dans les contenus et les objectifs de l’enseignement
scolaire. Les thèmes relatifs à l’Europe existaient déjà bien avant le début du processus
de l’intégration européenne dans les programmes scolaires des pays européens surtout
dans ceux de l’histoire et la géographie. Par exemple, E. Bolbènes explique que la
présentation de l’histoire mondiale dans les programmes français au début du 20
e
siècle
était largement centrée sur l’Europe, et en particulier sur l’Europe occidentale.
L’enseignement s’organisait très largement autour de l’histoire de France, mais les autres
grandes puissances européenne qui lui étaient concurrentes telles que la Grande-
Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne trouvaient aussi une place assez importante
dans le contenu scolaire.
2
Le changement que présente la dimension européenne apparue
à partir des années 1950 ne réside donc pas essentiellement dans le fait qu’on accorde
une place à l’Europe dans les contenus scolaires, mais dans les objectifs qu’on attribue à
cet enseignement.
En effet, selon D. Barthélemy, « pour l’éducation, l’introduction de la dimension
européenne implique un changement de perspective. L’école a pour mission de faire
prendre conscience du rapprochement des peuples et des États européens ainsi que de la
réorganisation de leurs relations. Elle est chargée de contribuer à ce que, dans la jeune
génération, s’instaure une conscience du sentiment d’appartenance européen et à ce que
naisse la compréhension du fait que, dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne,
l’Europe est présente. »
3
Pour sa part, F. Vaniscotte précise que « la dimension
européenne dans l’éducation apparaît […] comme un nouveau domaine et fait partie à la
fois de chaque discipline et de plusieurs disciplines réunies. Sa prise en compte ne peut
se traduire par la modification de quelques contenus disciplinaires. Elle demande une
mutation culturelle qui doit rechercher le rapport de la société à son passé, à son espace,
1
Edgar MORIN, Penser Europe, Paris: Gallimard, 1987, p. 26
2
Elisabeth S. BOLBENES, Comment on enseigne l'histoire: Analyse des programmes et manuels
d'histoire du seconde cycle de l'enseignement en France de 1902 à 1985, Thèse de doctorat, Université
de Brest, 1996, p. 282
3
Dominique BARTHÉLEMY, « Analyse du concept de la dimension européenne » in BARTHÉLEMY
D., et al., La dimension européenne dans l'enseignement secondaire: Un enseignement secondaire pour
l'Europe, Strasbourg : Editions du Conseil de l'Europe, 1997, p. 23
16
à son avenir, se pencher sur l’analyse des conflits anciens et sur leur évolution. Ce sont
ces axes d’analyse qui permettront l’évolution des contenus scolaires des études et des
recherches car enseigner n’est pas seulement transmettre un savoir mais les valeurs
attachés à des savoirs qui se modifient au fil des époques. »
1
En ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, l’enjeu de la dimension européenne
est particulièrement significatif. En effet, comme le soulignent A.-M. Gérin-Grataloup
et M. Solonel, l’une des finalités essentielles de l’enseignement de l’histoire est de
contribuer à la construction de « valeurs communes capable de donner à chacun le
sentiment d'appartenir à une communauté et la volonde lui subordonner ses intérêts
personnels ou immédiats ». Selon eux, aujourd'hui « il ne s'agit plus seulement de donner
le sens de l'identité nationale, mais aussi d'une identité, d'une conscience, de valeurs
européennes. »
2
C'est dans cet esprit que se conçoit un enseignement « sur l'Europe et
pour l'Europe ».
La dimension européenne signifie donc essentiellement l’introduction des nouvelles
finalités en faveur de l’Europe dans l’enseignement. Mais, cette perspective globale ne
peut pas cacher la diversité inévitable des points de vue. Comme l’explique F.
Vaniscotte, les définitions de la dimension européenne qui peuvent mettre en avant « les
aspects de la citoyenneté ou la recherche d’une identité culturelle ou encore la dimension
d’ouverture aux autres […] sont différentes parce qu’elles recouvrent des conceptions
diverses. »
3
En effet, puisque la dimension européenne est essentiellement la fonction
des finalités politiques et civiques de l’éducation, elle serait déterminée essentiellement
par la position des pays, des institutions ou des individus par rapport à l’Europe, et plus
exactement à l’intégration européenne. Autrement dit, on peut définir la dimension
européenne comme « un enseignement pour l’Europe », mais les divergences
apparaissaient dès qu’on pose la question inévitable : « Un enseignement pour quelle
Europe ? ».
L’étude d’Ivan Deschenaux sur le cas de la Suisse nous montre que ce sont des
considérations politiques qui déterminent essentiellement à la fois les attitudes des
autorités politiques et celles des acteurs du monde éducatif sur la question de la
« dimension européenne à l’école » et que les objectifs attribués à cette dernière
dépendent strictement de la position politique du pays.
4
Le projet mené entre 1990 et
1992 pour le développement des « supports didactiques » sur l’Europe, que Deschenaux
étudie dans son ouvrage, s’inscrivait tout d’abord dans le contexte politique de la Suisse
1
Francine VANISCOTTE, op. cit, p. 297
2
Anne-Marie GERIN-GRATALOUP et Michel SOLONEL, « Des valeurs partagées ? » in : Nicole
TUTIAUX-GUILLON (sous dir.), L'Europe entre projet politique et objet scolaire au collège et au
lycée, Paris: INRP, 2000, p. 63
3
Francine VANISCOTTE, op. cit., p. 297
4
Ivan DESCHENAUX, La dimension européenne dans le curriculum: une réalisation suisse,
Strasbourg : Editions du Conseil de l'Europe, 1996, p. 27-35
17
du début des années 1990 marqué par la tentative du rapprochement du pays avec la
Communauté européenne.
1
Il précise que si la Suisse n’avait pas songé à s’approcher de
la Communauté européenne à cette époque, un tel projet n’aurait certainement pas été
aussi soutenu par les autorités politiques. Pourtant, les grandes lignes adoptées pour le
projet reflètent bien la position politique traditionnelle qu’entretient la Suisse envers
l’intégration européenne :
« Finalement l’Europe est décrite comme un vaste espace, s’étendant de l’Atlantique
à l’Oural, espace dont on vise à comprendre l’organisation qu’elle que soit politique,
géographique, sociale, culturelle, économique, etc.- […] dont nous faisons partie.
L’Europe est donc implicitement présentée comme un territoire au sens géographique du
terme. […] les supports à créer ne seraient en aucun cas un matériel de propagande pro-
européen. »
2
Les finalités définies dans le cadre du projet privilégient plutôt l’aspect « culturel »
et envisagent entre autres de « faire connaître l’Europe et ses régions » aux élèves,
d’« encourager une prise de conscience de l’identité culturelle de l’Europe dans sa
diversité » et « développer leur personnalité sur la base de valeurs communes à tous les
Européens ».
3
Certes, un tel enseignement sur l’Europe s’inscrit dans la perspective de la
dimension européenne que l’on définit comme « pour » l’Europe. Mais, dans les pays de
l’Union européenne, les enjeux principaux de la dimension européenne à l’école seraient
certainement différents de ceux qu’on observe dans le cas de la Suisse.
En conséquence, même si la notion de la dimension européenne implique un
engagement positif à l’égard de l’Europe dans l’éducation, les finalités et le contenu à
enseigner peuvent largement changer selon la conception qu’on a de la coopération et de
l’intégration européenne. On peut les limiter à l’apprentissage des autres pays et cultures
de l’Europe, à la promotion des « valeurs communes » comme la démocratie, les droits
de l’homme, etc., à la promotion de la paix, de l’amitié et de la compréhension mutuelle
entre les peuples européens. En revanche, on peut la considérer aussi comme un outil
pour former des citoyens européens dans le cadre du projet de l’Union européenne. Par
exemple, selon F. Vaniscotte, « par rapport au projet européen, le processus éducatif
devrait pouvoir donner sens au vivre et à agir des citoyens, en stimulant les
comportements qui inciteraient les nations à modifier leurs institutions dans la
perspective d’une Union européenne plus cohérente et plus forte. »
4
Pour leur part, J.
1
La Suisse avait mené au début des années 1990 une politique du rapprochement avec la Communauté
européenne. En 1992, elle avait posé sa candidature à la Communauté européenne, mais ce processus a
été interrompu par le refus massif des électeurs suisses au mois de décembre de la même année contre
l’adhésion de leur pays à l’Espace économique européen.
2
Đbid. p. 31-33
3
Ibid. p. 29-30
4
Francine VANISCOTTE, op. cit., p. 305-306
18
Nicaise et C. Blondin affirment qu’«aujourd’hui encore plus qu’hier, l’école apparaît
bien comme étant le lieu d’initiation et d’information par excellence pour les citoyens
européens et en particulier pour ses plus jeunes générations. Dès lors, elle se révèle être
un atout majeur qui peut permettre et qui pourra permettre une affirmation continue de
l’Union européenne et de ses fondements dans le futur. Véhicule des valeurs les plus
fondamentales, l’école doit sans cesse réaffirmer son intérêt pour les matières
européennes. »
1
Comme l’évoquent ces différents points de vue, le recouvrement ographique de la
notion peut différer considérablement selon le cas. En ce qui concerne l’Union
européenne, la dimension européenne dans l’éducation se limite essentiellement aux
États membres. Par exemple, dans la Résolution de 1988, on écrit que les mesures prises
afin de renforcer « la dimension européenne dans l’éducation » devraient contribuer « à
améliorer leur connaissance [des jeunes] des aspects historiques, culturels, économiques
et sociaux de la Communauté et de ses États membres et leur faire comprendre l’intérêt
de la coopération des États membres de la Communauté européenne avec d’autres pays
d’Europe et du monde. »
2
En revanche, pour le Conseil de l’Europe la dimension européenne comprend un
espace beaucoup plus vaste. Dans un texte officiel du Conseil dont la date (1989) est
proche de celui de l’Union européenne que nous venons de citer, on souligne
particulièrement l’étendue de la dimension européenne :
« Considérant en ce qui concerne la dimension européenne de l’éducation, l’Europe
s’étend à l’ensemble du continent et ne doit pas être synonyme d’appartenance à une
quelconque organisation européenne. »
3
Avec l’adhésion de presque tous les pays de l’Europe centrale et orientale au
Conseil de l’Europe à partir du début des années 1990, la géographie de ses activités
éducatives a été réellement beaucoup élargie par rapport à celle de l’Union européenne.
Même si cette différence a désormais perdu son intensité en raison de l’élargissement de
l’UE dans les années 2000, ce point est important pour un pays comme la Turquie qui est
membre du Conseil de l’Europe depuis plus d’un demi-siècle (1949) et qui participe aux
programmes du Conseil dans le domaine éducatif, alors que son intégration à l’Union
européenne est largement hypothétique.
La diversité des objectifs attribués à la dimension européenne à l’école ne réside pas
seulement dans les différences concernant la conception d’Europe entre les membres
de l’Union européenne et les autres pays européens. On l’observe également parmi les
1
Julien NICAISE, Christiane BLONDIN, op. cit.
2
Communauté économique européenne, Résolution du Conseil et des ministres de l'éducation réunis au
sein du Conseil sur la dimension européenne dans l'éducation, le 24 mai 1988, Journal officiel, n° C 177
du 06/07/1988, p. 5-7
3
Conseil de l'Europe Assemblée parlementaire, Recommandation 1111 (1989) relative à la dimension
européenne de l'éducation, Texte adopté par l’Assemblée le 22 septembre 1989, http://assembly.coe.int
19
pays de l’Union. En effet, l’Union européenne reste toujours un projet en cours et
incomplet et il n’existe pas aujourd’hui de consensus dans les pays de l’Union sur ce qui
est (ou sera) l’Europe et l’identité européenne.
Développent de la dimension européenne dans l’enseignement de l’histoire
Les études menées dans différents pays européens mettent en évidence deux
constats. D’une part, dans presque tous les pays membres de l’Union européenne il
existe un intérêt en constante croissance à l’égard des thèmes relatifs à l’Europe dans les
programmes et les manuels scolaires. D’autre part, la place et l’organisation des
contenus consacrés à l’Europe présentent des différences considérables d’un pays à
l’autre.
Dans leur étude publiée en 2003, J. Nicaise et C. Blondin analysent la dimension
européenne dans l’enseignement secondaire à travers des textes officiels régissant le
contenu d’enseignement dans les pays de l’Union et les pays candidats (dix pays qui ont
adhéré à l’UE en 2004). Ils indiquent que « l’encadrement et le soutien législatif et
réglementaire des notions de dimension européenne et de place occupée par l’Europe
dans le système éducatif sont relativement présents dans l’ensemble des États membres
et des pays candidats. »
1
Mais, la forme prise par ceux-ci est sensiblement différente
d’un pays à un autre. Dans certains pays, comme l’Autriche, l’Espagne et la partie
wallonne de la Belgique, le développement de la dimension européenne dans les
contenus scolaires est mentionné dans la législation scolaire générale. Mais dans la
plupart des pays, ce sujet est régi par des actes posés par les organes exécutifs
(circulaires, recommandations, notes d’information, etc.) et par des documents politiques
plus spécifiques émanant principalement des Ministères de l’éducation nationale. Dans
certains pays comme le Royaume-Uni et le Portugal, les thèmes relatifs à l’Europe sont
organisés dans une perspective plus large désignée en général comme « dimension
internationale de l’éducation ». Pourtant, dans les textes de beaucoup d’États membres,
l’accent est mis particulièrement sur « la dimension européenne de l’éducation ».
Du point de vue historique, J. Nicaise et C. Blondin distinguent quatre « types
d’événements » qui ont favorisé les initiatives nationales relatives à la «dimension
européenne dans l’éducation » des États membres de l’Union.
En premier lieu, l’établissement des premières institutions européennes de l’Union
(Communauté européenne du charbon et de l'acier, Communauté économique
européenne et Communauté européenne de l’énergie atomique) dans les années 1950 a
démarré les premières initiatives dans le domaine de l’éducation dans les pays fondateurs.
En second lieu, les grandes étapes de l’approfondissement et de l’élargissement de
l’Union, comme l’ouverture des frontières, l’Acte unique européen, le Traité de
1
Julien NICAISE, Christiane BLONDIN, op. cit.
20
Maastricht, l’entrée en vigueur de l’euro comme monnaie unique et l’élargissement à de
nouveaux États membres, favorisaient généralement le développement de l’aspect
européen à l’école.
En troisième lieu, l’adhésion d’un pays à l’Union européenne s’avère comme un
facteur déterminant pour le développement de la dimension européenne à l’école. Ce
phénomène qui a été observé jusqu’à présent lors de quatre vagues d'adhésion
successives se remarque encore particulièrement dans le cas des nouveaux pays
membres de l’Union. En effet, surtout dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, l’intérêt
envers les thèmes relatifs à l’Europe dans les contenus scolaires est apparu
essentiellement à partir du milieu des années 1990 et s les « premiers signes avant-
coureurs d’une éventuelle adhésion à l’Union européenne ».
En dernier lieu, la Présidence du Conseil des Ministres de l’Union européenne par
un pays constituenéralement pour ce dernier une occasion de multiplier des initiatives
nationales concernant l’éducation. J. Nicaise et C. Blondin montrent ainsi clairement
que dans les pays de l’Union européenne le développement de la dimension européenne
à l’école est essentiellement fonction de l’évolution politique par rapport à l’intégration
européenne.
Selon J. Nicaise et C. Blondin l’organisation de la dimension européenne dans les
contenus de l’enseignement secondaire dans les pays de l’Union pend principalement
de la structure générale de l’enseignement de chaque pays. Elle présente donc des
différences importantes d’un pays à l’autre. Néanmoins, dans presque tous les pays, trois
matières scolaires, l’histoire, la géographie et les langues étrangères, constituent en
général le cadre principal de l’enseignement relatif à l’Europe. Les cours d’histoire
comprennent généralement « l’étude de la construction de l’Union européenne » ainsi
que les événements et les mouvements « transeuropéens » comme les conflits, les
alliances, les mouvements d’art et de pensée, etc. Les cours de géographie incluent
« l’étude de l’Europe physique et politique, des États, des régions et des villes
européennes avec une insistance sur les pays limitrophes et les États membres de l’Union
européenne, le positionnement des pays dans une perspective géographique, les notions
transeuropéennes comme la climatologie, la protection de l’environnement, le cycle de
l’eau, etc. »
1
Enfin, les cours de langues étrangères donnent l’occasion d’étudier la
langue, la littérature et la culture des autres pays européens.
L’étude comparative de N. Savvides
2
sur la dimension européenne au niveau de
l’enseignement obligatoire en Angleterre et en Irlande souligne deux points qui ont été
montrés par d’autres études. La dimension européenne est devenue beaucoup plus
présente surtout à partir de la fin des années 1990 dans les programmes d’enseignement
en Angleterre et en Irlande. Avec la révision de National Curriculum en 2000 en
1
Ibid.
2
Nicola SAVVIDES, op. cit.
21
Angleterre, les programmes scolaires ont été marqués pour la première fois par une
insistance particulière sur les objectifs et les sujets d’étude relatifs à l’Europe, surtout
dans les matières comme l’histoire, la géographie, les langues étrangères et l’éducation
civique. Mais, il explique qu’en Angleterre, les entreprises du gouvernement pour
intégrer la dimension européenne dans son système d'éducation sont en pratique restées
limitées.
En Irlande, la dimension européenne s’est essentiellement intégrée dans les
programmes de l’enseignement primaire en 1999. En revanche, au niveau
d’enseignement secondaire, l’accent mis sur l’Europe est considérablement moins
évident, probablement parce que les programmes n’ont pas été révisés depuis 1989 (par
rapport à 2002). Contrairement à l’Angleterre, le gouvernement irlandais a pris plus au
sérieux la politique de l'Union européenne sur la dimension européenne d'éducation.
L’intérêt particulier est le fait que ces politiques du gouvernement ont eu des
implications significatives pour les programmes d'études des écoles irlandaises.
En ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, les objectifs généraux des
programmes scolaires en Angleterre et en Irlande sont semblables sur le fait qu’ils
suggèrent que les élèves devraient se renseigner sur différentes cultures en Europe et
qu’ils soulignent qu'on devrait enseigner des éléments de l'histoire européenne. Il y a
cependant des différences importantes entre ces deux pays par rapport à l’organisation
des sujets concernant l’histoire européenne. Au niveau de l’enseignement primaire, ces
sujets jouissent d’une présence concrète et importante dans le programme irlandais. Ce
dernier propose une variété de choix pour se renseigner sur de premiers peuples et
civilisations européens (par exemple Grecs, Romains, Celtes, Vikings etc.…) et de
thèmes (par exemple la Réforme, la Renaissance, etc.) pour étudier les différentes
périodes dans l'histoire de l'Europe. Dans les écoles primaires de l'Angleterre en
revanche, il n'y a aucun dispositif concret pour enseigner les matières liées à l'histoire
de l'Europe. Le choix pour inclure une dimension européenne dans l’enseignement de
l'histoire revient à l’enseignant.
Au niveau du secondaire, en Irlande on consacre une partie essentielle du contenu
aux matières concernant spécifiquement l'histoire européenne. Entre autres, le thème de
l’intégration européenne après 1945 s’avère un sujet d’étude important. D’ailleurs, dans
l’étude de l’histoire irlandaise, la dimension européenne est considérablement présente.
En Angleterre la majorité du contenu est consacrée à l'histoire britannique même si on
tient compte du contexte européen dans cette étude. Les matières consacrées
particulièrement à l'histoire européenne sont restreintes par rapport au programme
irlandais. D’ailleurs, l’étude de l’intégration européenne après 1945 figure dans le
programme comme une matière facultative.
22
Ces différences expliquées par N. Savvides entre l’Angleterre et l’Irlande par
rapport aux programmes scolaires d’histoire confirment les résultats d’autres études
1
montrant que les « petits » pays de l’Europe occidentale, qui avaient été profondément
influencés par leurs « grands » voisins européens dans l’histoire consacrent en général
plus de place à la dimension européenne que les « grands » pays qui accordent plus
d’importance à leur histoire nationale. D’ailleurs, ces derniers privilégient plutôt la
dimension internationale surtout dans l’étude du 19
e
et 20
e
siècle autour de leur histoire
nationale coloniale.
Cependant, les différences entre ces deux pays ne peuvent pas être réduites
seulement à ce facteur car, elles ne sont pas limitées à l’enseignement de l’histoire. En
Irlande, le programme scolaire de géographie consacre plus de place à l'étude de la
géographie de l’Europe que le programme anglais. D'ailleurs, les jeunes irlandais
commencent à apprendre la géographie européenne au primaire, à un âge beaucoup plus
jeune que les élèves anglais. Dans la matière d’éducation civique également, la
dimension européenne est plus développée dans les programmes irlandais que ceux
anglais. Les références à « identité européenne » et « citoyenneté européenne » sont
beaucoup plus explicites et directes dans le programme irlandais.
Ces différences peuvent s’expliquer peut-être en partie par les différences qu’on
observe par rapport aux attitudes générales vis-à-vis de l’Union européenne dans ces
deux pays. Comme le rappelle Savvides, l’Irlande est l’un des pays membres où le
soutien populaire est le plus élevé envers l’Union européenne alors qu’en Angleterre la
situation est totalement inverse
2
.
Dans son étude sur l’évolution du thème de l’intégration européenne dans les
programmes et les manuels scolaires français de géographie, d’histoire et d’éducation
civique, H. Beayens analyse l’émergence de ce thème au début des années 1950
3
. Selon
Beayens, « la socialisation scolaire à l’unification européenne » relève d’un mode de
construction tout à fait différent de celui de « l’éducation à la nation ». Il n’y a pas eu de
régime politique européen pour mettre en œuvre une politique de « l’éducation à
l’Europe ». En effet, dans l’organisation de l’Union européenne, l’éducation, surtout en
ce qui concerne les contenus et l’organisation de l’enseignement scolaire, est un domaine
1
Cf. Robert STRADLING, Le Contenu européen des programmes d'histoire à l'école, Strasbourg :
Conseil de l'Europe, 1995.
2
Selon l’enquête d’Eurobaromètre au printemps 2004, parmi les quinze membres avant l’élargissement
dernier l’Irlande est le quatrième pays, avec la Grèce, le soutien à l’UE est le plus élevé. 71 % des
Irlandais considèrent que l’appartenance à l’UE est « une bonne chose ». Par contre, la Royaume-Uni
occupe le dernier rang parmi les quinze avec seulement 29 % de soutien positif. (28 % « mauvaise chose
», 30 % ni bonne ni mauvaise »). Commission européenne, Eurobaromètre printemps 2004.1 : L’opinion
publique dans les pays adhérents et les pays candidats, 2004,
« http://europa.eu.int/comm/public_opinion »
3
Cf. BAEYENS Hélène, Les stratégies de socialisation scolaire à l'unification européenne: Une
dynamique saisie à partir des programmes et manuels scolaires de géographie, d’histoire et d’éducation
civique des années 1950 à 1998, Thèse de doctorat, Université de Grenoble 2, 2000.
23
relevant de la responsabilité du pouvoir national. Les politiques éducatives visant la
« socialisation scolaire à l’unification européenne » se sont donc développées lentement
et progressivement parallèlement à l’approfondissement de l’intégration européenne.
H. Beayens montre qu’en France les thèmes concernant l’intégration européenne
sont apparus s la fin des années 1950 dans les contenus scolaires, et d’abord dans
l’enseignement de la géographie. Ces thèmes ont été introduits dans l’enseignement de
l’histoire et d’éducation civique pendant les années 1980. La place et l’importance
accordées à ces thèmes dans les programmes et manuels scolaires ont progressivement
augmenté. « Le début des années 1980 introduit une rupture dans la présentation de la
CEE, en termes quantitatifs mais également en termes qualitatifs et marque l’émergence
d’une volonté de socialisation du publique scolaire à l’unification européenne. On
constate tout au long des années suivantes, la présence, dans les manuels scolaires,
d’éléments à caractère symbolique et affectif qui étaient totalement absents de la période
précédente : symboles d’appartenance à une entité commune, mise en exergue de mythes
fondateurs. »
1
Néanmoins jusqu’à la fin des années 1980, « l’éducation à l’Europe » n’était pas un
enjeu prioritaire et une préoccupation partagée dans l’enseignement scolaire en France.
Elle était « officiellement mais pas collectivement légitimée et son institutionnalisation
doit beaucoup à un volontarisme cantonné à une minorité d’acteurs politiques ou
administratifs impliqués dans le veloppement de la construction européenne et plus
particulièrement dans la coopération européenne en matière d’éducation.»
2
À partir des
années 1990, « l’institutionnalisation de l’éducation à l’Europe » a été accélérée et
consolidée. Il s’agissait désormais d’«une appropriation plus collective de l’enjeu
civique européen », d’« une codification institutionnelle renforcée » et des stratégies
multiples pour enseigner l’Europe.
3
Les thèmes concernant l’intégration européenne, et
d’une façon générale les sujets relatifs à l’Europe, ont obtenu ainsi un intérêt particulier
dans les programmes et les manuels scolaires d’histoire, de ographie et d’éducation
civique
H. Beayens explique cette évolution essentiellement par deux facteurs. C’est d’abord
l’approfondissement de l’intégration européenne à partir du milieu des années 1980 et
surtout au début des années 1990 (l’Acte unique européen en 1986, le traité de
Maastricht et l’accord sur l’Espace économique européenne en 1992 et l’entrée en
vigueur du Marché unique européen en 1993) qui a provoqué le renforcement de la
dimension européenne dans les contenus scolaires. H. Beayens rappelle ainsi à juste titre
le fait que dans les pays de l’Union, la dimension européenne dans l’éducation est
essentiellement fonction de l’évolution politique par rapport à l’intégration européenne.
1
Hélène BAEYENS, op. cit., p. 429-430
2
Ibid. p. 226
3
Ibid. p. 223
24
Le deuxième facteur est la fin de la division politique de l’Europe avec l’effondrement
du Bloc de l’Est déclenché par la chute du Mur de Berlin en 1989. L’Europe reconstituée
est devenue ainsi un nouveau centre d’intérêt pour l’école aussi bien que pour le
politique et l’économie.
1
Pourtant, il faut préciser que cette évolution intervenue dans les programmes et les
manuels scolaires ne se reproduit pas facilement quant aux pratiques des enseignants et
donc à l’enseignement réellement effectué à l’école. En France, un rapport d’Inspection
générale de l’éducation nationale explique de la façon suivante les difficultés
rencontrées pour la mise en œuvre d’une véritable dimension européenne :
« Peu d’enseignants semblent avoir franchi le pas d’un enseignement global de l’Europe
qui croiserait les approches de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique. On
en reste, pour beaucoup, à l’esprit des anciens programmes, centrés plus sur l’étude des
États que sur la présentation d’une Europe en gestation. Ne nous étonnons donc pas
d’une attitude prudente et du privilège toujours largement accordé à la dimension
hexagonale aux dépens de la dimension européenne. […] La dimension européenne
apparaît donc plus dans les discours et les projets d’établissement que dans les pratiques,
un fait qu’expérimentent chaque année les historiens-géographes volontaires pour donner
un contenu réel à des intentions qui ne coûtent rien, tant qu’elles demeurent seulement
affichées !… Encore faudrait-il que les programmes maintiennent le cap de la dimension
désormais européenne que devraient prendre les enseignements en collège et en lycée. »
2
Ces remarques témoignent sans doute une difficulté générale existant d’une manière
plus ou moins importante dans d’autres pays de l’Union. Néanmoins, les efforts pour le
développement d’une dimension européenne ne se limitent pas aux programmes et
manuels scolaires. On peut observer également ce gain d’intérêt pour l’Europe dans
l’enseignement scolaire à travers les divers supports didactiques destinés à l’école. En
France, à partir du début des années 1990, ce thème est abordé par les supports élaborés
par les institutions publiques comme les CRDP, ainsi que par les revues spécialisés pour
l’enseignement secondaire.
3
Le thème « l’Europe » est présent aussi parmi les
1
Ibid. p. 225-226
2
MEN Inspection générale de l’éducation nationale, Rapport de discipline ou de spécialité 1999-2000 :
L’Europe dans l’enseignement de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique, septembre 2000,
http://www.ac-reims.fr
3
On peut mentionner ici quelques exemples de ces travaux : Association européenne des enseignants,
Enseigner l'Europe, 2:Perspectives de l'Europe, Nantes : CRDP des pays de la Loire, 1994 ; « La
dimension européenne dans l'éducation: pourquoi et comment faire connaître l'Europe aux jeunes »,
Référence documentaire, 61, 1994 ; « L'Europe », IREHG, CRDP de Clermont-Ferrand, n°2,
décembre1995 ; KELLER Ivan, « La dimension européenne dans l'information et la documentation
scolaires », in : Informer Documenter, n°26, février1994, p.39-42 ; TITZ Jean-Pierre, « Comment
enseigner l'Europe: Histoire de l'Europe et enseignement de l'Europe », in : Historiens et Géographes,
347, 1995, p. 457-464 ; GARRIGUE Pierre, « Histoire(s) d'Europe(s): Une histoire de l'Europe est-elle
possible? » in : Education et pédagogies, n°18, 1993, p. 65-76; CARTON Jean Luc et al., « Vers un
enseignement européen de l'histoire: 4
èmes
rencontres de professeurs d'histoire de Cologne, Lille et
Turin », in Historiens et géographes, 360, 1998, p.25-44 ; MARELLE Philippe (sous dir.), Enseigner
25
publications des éditeurs privés destinées aux enseignants.
1
Parallèlement à cette
évolution, on constate également un gain d’intérêt chez les historiens pour la publication
des ouvrages de vulgarisation sur « l’histoire de l’Europe ».
2
LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES ET L’ENSEIGNEMENT DE
L’HISTOIRE
Bien que l’éducation reste toujours un domaine relevant essentiellement du pouvoir
des gouvernements nationaux dans l’organisation de l’Union européenne, les institutions
européennes, dont le Conseil de l’Europe qui est distinct de l'UE, jouent un rôle
important dans le développement de la dimension européenne à l’école. D’un côté, elles
constituent le cadre de coopération et de concertation pour les pays européens. Même si
les pays membres définissent et mettent en œuvre d’une manière indépendante les
contenus de l’enseignement scolaire, ils coopèrent au sein des institutions européennes
concernant la dimension européenne à l’école ainsi que les autres aspects de l’éducation.
De l’autre côté, c’est essentiellement dans le cadre des institutions européennes que les
réflexions et les travaux concernant la dimension européenne sont menés.
L’éducation s’avère depuis le début l’un des domaines privilégiés des activités du
Conseil de l’Europe (CE). L’intérêt que nous portons aux travaux du CE dans notre
étude vient du fait qu’ils s’intéressent considérablement à la fois à l’enseignement de
l’histoire et à la dimension européenne de l’éducation. On peut dire qu’il est
certainement la plus importante institution internationale qui prête une attention
particulière à l’enseignement de l’histoire dans le cadre européen.
3
Mais, comme le
souligne H. Beayens, l’importance du Conseil de l’Europe vient du fait qu’il est une
plateforme très active de réflexions sur l’éducation plutôt que de son rôle dans la
concrétisation de la dimension européenne.
4
l'euro en histoire, géographie, éducation civique au collège et au lycée, Amiens : CRDP d'Amiens,
1999.
1
Cf. GIOLITTO Pierre (sous dir.), Construire l'Europe à l'école, Paris : Hachette, 1993; MASSON
Michel, Comment enseigner l'Europe de l'école à lycée, Paris: Armand Colin, 1996.
2
On peut rappeler ici quelques uns de ces ouvrages : CARPENTIER Jean, LEBRUN François (sous dir.),
Histoire de l’Europe, Paris : Editions du Seuil, 2002 (1
er
éd. 1990); DUROSELLE Jean Baptiste,
L'Europe, Histoire de ses peuples, Paris : Perrin, 1990; DELOUCHE Frédéric (sous dir.), Histoire de
l’Europe, Paris: Hachette, 1997; CARBONELL Charles-Olivier, et al., Une histoire européenne de
l’Europe, (deux volumes), Toulouse : Editions Privat, 1999.
3
Denis Durand DE BOUSINGEN, Leçons d'histoire: Le Conseil de l'Europe et l'enseignement de
l'histoire, Strasbourg : Editions du Conseil de l'Europe, 1999, p. 7-8 ; Lluis Maria DE PUIG, L’histoire et
l’apprentissage de l’histoire : Rapport de la commission de la culture et de l’éducation, Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1996, p. 12-14
4
Hélène BAEYENS, op.cit., p. 238
26
Quant à l’Union européenne, si elle ne s’intéresse guère aux contenus scolaires, elle
constitue le cadre essentiel de la coopération européenne en matière d’éducation comme
dans presque tous les autres domaines. Il est indispensable d’étudier le statut de
l’éducation dans l’organisation de l’Union ainsi que les actions communautaires dans ce
domaine pour éclairer d’une manière plus concrète le contenu et les objectifs de la
dimension européenne dans l’enseignement secondaire.
Comme nous le verrons en détail ci-dessous, la nature des activités de ces deux
organisations concernant l’éducation est considérablement différente l’une de l’autre.
D’autant plus qu’elles présentent une différence importante en ce qui concerne leur
recouvrement géographique, même si tous les pays de l’Union européenne font
également partie du Conseil de l’Europe, nous les étudions ici séparément.
Toutefois, il faut préciser que ces deux organisations ont des rapports très étroits.
Cette relation complexe est évoquée de la façon suivante dans le site internet officiel du
Conseil de l’Europe :
« Le Conseil de l'Europe, la plus ancienne (1949) organisation politique du continent,
[…] est distinct de l'Union européenne des « 25 », mais jamais aucun pays n'a adhéré à
l'Union sans appartenir d'abord au Conseil de l'Europe. »
1
Surtout dans le domaine de l’éducation, elles entretiennent une coopération concrète.
Depuis le début des années 1990, les responsables de l’éducation des deux organisations
se rencontrent deux fois par an pour discuter de leurs orientations, perspectives et
éventuellement développer des thèmes en commun.
2
D’ailleurs, cette coopération est
prévue explicitement dans le traité instituant la Communauté européenne (version
consolidée):
« La Communauté et les États membres favorisent la coopération avec les pays tiers
et les organisations internationales compétentes en matière d'éducation, et en particulier
avec le Conseil de l'Europe. » (Art. 149)
3
En conséquence, quoique les actions de ces deux organisations en matière
d’éducation présentent des différences importantes, leurs grandes lignes convergent
surtout en ce qui concerne les objectifs généraux.
Enseignement de l’histoire et le Conseil de l’Europe
Fondé en 1949, le Conseil de l’Europe est actuellement la plus grande,
géographiquement parlant, des institutions politiques européennes. Il regroupe
actuellement 47 pays dont la Turquie depuis 1949. « Seules les questions de défense
nationale étant exclues de ses compétences, le Conseil de l’Europe déploie ses activités
1
Cf. Le site internet officiel du Conseil de l’Europe : http://www.coe.int
2
Hélène BAEYENS, op.cit., p. 238
3
« Traité instituant la Communauté européenne : Version consolidée », in : Union européenne, Recueil
des traités : Tome 1, Volume I, Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés
européennes, 1999, p. 214.
27
dans des domaines très divers: démocratie, droits de l’homme et libertés fondamentales;
médias et communication; questions économiques et sociales; éducation, culture,
patrimoine et sport; jeunesse; santé; environnement et aménagement du territoire;
démocratie locale et coopération juridique. »
1
L’Organisation formule ses « trois
objectifs majeurs » de la façon suivante : « protéger, renforcer et promouvoir les droits
de l’homme et les libertés fondamentales, ainsi que la mocratie pluraliste »;
« promouvoir la conscience de l’identité européenne »; « rechercher des solutions
communes aux grands problèmes et enjeux de la société européenne. »
2
Néanmoins, le
Conseil de l’Europe (CE) n’est pas doté des véritables pouvoirs politiques et
économiques comparables à ceux de l’Union européenne.
Les activités du CE dans le domaine de l’éducation présentent un intérêt particulier,
car elles ne reflètent pas seulement la conception de l’organisation, mais elles nous
informent aussi sur le débat général en Europe. En effet, à côté des responsables des
différents pays de l’Europe, les activités du Conseil réunissent également des historiens
universitaires, des chercheurs en science de l’éducation, des enseignants, des
planificateurs chargés d’élaborer des programmes scolaires, des observateurs
d’organisations non gouvernementales, etc.
3
Ces rencontres (séminaires, symposiums,
conférences, colloques, etc.) sont très fréquentes surtout depuis le début des années 1990.
D’ailleurs depuis le milieu des années 1990, le Conseil de l’Europe publie assez
régulièrement les textes de ces rencontres ainsi que de ses autres travaux. En
conséquence, on peut dire que le Conseil de l’Europe, que F. Vaniscotte décrit comme
« un laboratoire vivant d’idées, de projets et de concepts »
4
, est la principale institution
européenne les travaux et les réflexions sur la dimension européenne dans l’éducation,
et en particulier dans l’enseignement de l’histoire, se sont développés depuis le début des
années 1950.
Dans cette étude, nous nous intéressons essentiellement à l’évolution de la
conception de l’enseignement de l’histoire dans les travaux du CE à travers les textes
officiels (résolutions, déclarations et recommandations) ainsi que les publications de ses
activités différentes comme les symposiums, les conférences, les séminaires et les
travaux pédagogiques. Étant donné que le Conseil de l’Europe est une organisation
« intergouvernementale », ses textes et ses programmes reflètent évidemment les points
de vue des différents pays membres. Pourtant cela n’a pas empêché le développement
d’une conception assez homogène et propre au CE.
1
Conseil de l'Europe, Regards croisés sur le 20
ème
siècle: apprendre et enseigner l'histoire de l'Europe
du 20e siècle, Conférence finale, Bonn, 22-24 mars 2001, Strasbourg : Editions du Conseil de l'Europe,
2002, p. 2
2
Ibid. p. 2-3
3
Robert STRADLING, L'enseignement de l'histoire depuis 1815 avec une référence particulière aux
modifications de frontières: Rapport du symposium de Leeuwarden, Pays-Bas, 20-23 avril 1993,
Conseil de l'Europe, Conseil de la coopération culturelle, Strasbourg, 1994, p. 14
4
Francine VANISCOTTE, op. cit., p. 126
28
On peut dégager trois axes principaux dans les travaux du Conseil de l’Europe
concernant l’enseignement de l’histoire. D’abord, on observe un intérêt particulier
accordé à l’enseignement de l’histoire de l’Europe en mettant l’accent sur la promotion
de « l’identité européenne ». Ensuite, la promotion de « la paix et la compréhension
mutuelle » se manifeste comme un objectif et un sujet de réflexion très important. Enfin,
on attribue à l’histoire un rôle particulier pour promouvoir les « valeurs démocratiques »
et les « droits de l’homme ».
Enseigner l’histoire de l’Europe : vers la « conscience de l’identité européenne »
Dans la Convention culturelle européenne, le premier texte européen important sur
la coopération culturelle après 1945, élaboré et ouvert à la signature des États dans le
cadre du Conseil de l’Europe en 1954, les principales bases des actions qui allaient
suivre dans le domaine de l’éducation étaient déjà posées. Cette Convention a donné
ainsi une base juridique à toutes les activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de
l’histoire, dont elle constitue aujourd’hui encore le socle principal.
1
Enseigner l’histoire
des autres pays européens ainsi que « leur civilisation commune » s’avère dans ce texte
l’un des objectifs principaux de la coopération culturelle européenne. Eu égard à son
importance, nous citons ici les articles concernés de ce texte :
« Ayant résolu de conclure une Convention culturelle européenne générale en vue de
favoriser chez les ressortissants de tous les membres du Conseil, et de tels autres États
européens qui adhéreraient à cette Convention, l'étude des langues, de l'histoire et de la
civilisation des autres Parties contractantes, ainsi que de leur civilisation commune,
[…]
Article 2
Chaque Partie contractante, dans la mesure du possible:
a- encouragera chez ses nationaux l'étude des langues, de l'histoire et de la
civilisation des autres Parties contractantes, et offrira à ces dernières sur son
territoire des facilités en vue de développer semblables études; et
b- s'efforcera de développer l'étude de sa langue ou de ses langues, de son histoire et
de sa civilisation sur le territoire des autres Parties contractantes et d'offrir aux
nationaux de ces dernières la possibilité de poursuivre semblables études sur son
territoire.
Article 3
Les Parties contractantes se consulteront dans le cadre du Conseil de l'Europe afin
de concerter leur action en vue du développement des activités culturelles d'intérêt
européen. »
2
1
Denis Durand DE BOUSINGEN, op. cit., p. 7
2
Convention culturelle européenne, Paris, 19.12.1954, Conseil de l’Europe, Série des Traités euroens,
http://conventions.coe.int
29
Lors de la Conférence sur «l’idée européenne dans l’enseignement de l’histoire»
organisée par le Conseil de l’Europe en 1953 à Calw en Allemagne, un an avant
l’ouverture à la signature de la Convention, les participants avaient déjà évoqué une
« conception européenne de l’Histoire ». Mais, en limitant largement leur
« conception » à l’élimination des erreurs et des préjugés dans les contenus scolaires,
ils avaient clairement exprimés leurs réticences à l’égard d’un enseignement de l’histoire
pro-européen en tant que « moyen de propagande ». Parmi les recommandations
adoptées lors de la conférence, on précise ainsi :
« Notre objectif n’est pas d’utiliser l’Histoire comme moyen de propagande en
faveur de l’unité européenne, mais d’essayer d’éliminer les erreurs et préventions
traditionnelles et d’établir les faits dans leurs réalités. La conférence est persuadée
qu’ainsi se dégageront les grandes lignes d’une conception européenne de l’Histoire. »
1
Pourtant, les prémices d’une conception centrée sur l’enseignement de l’histoire de
l’Europe apparaissaient déjà dans les recommandations de la conférence. On conseillait
de faire ressortir dans les cours d’histoire « les aspects essentiels du rôle que l’Europe a
joués dans le monde au cours des temps modernes, et notamment la dissémination
universelle de sa population, de ses idées et de ses techniques. »
2
Dans les conférences suivantes organisées par le Conseil dans les années 1950 et
1960, l’idée d’une dimension européenne dans l’enseignement de l’histoire s’est
progressivement développée même si le terme n’avait pas encore vu le jour. Parmi les
recommandations de la conférence sur « les 17
e
et 18
e
siècles [dans les manuels
scolaires]» en 1956, on préconise le développement de l’enseignement de l’histoire
dans le « cadre européen » :
« Il convient de développer (si besoin est au détriment de l’histoire purement
politique des États) l’histoire des grands mouvements religieux, culturels, économiques
et sociaux, considérée dans le cadre européen et non seulement dans celui de chacun des
États. »
3
Enfin en 1965 lors de Symposium sur « L’enseignement de l’histoire dans
l’enseignement secondaire », l’idée de l’introduction d’une dimension européenne dans
le contenu scolaire se manifeste d’une manière considérablement explicite et
développée :
« […] l’histoire devrait faire ressortir un certain nombre de faits majeurs attestant la
communauté de destin des peuples de l’Europe. Il ne pourrait s’agir d’uniformiser
l’enseignement de l’histoire. L’introduction de « thèmes européens » devrait être réalisée
en tenant compte des conditions existant à l’intérieur de chacun des pays. Il serait
1
Conseil de l'Europe, Contre les stéréotypes et les préjugés: Les travaux du Conseil de l'Europe sur
l'enseignement de l'histoire et les manuels d'histoire, Strasbourg, 1995, p. 13
2
Ibid. p. 13
3
Ibid. p. 17
30
souhaitable que les professeurs dégagent, chaque fois qu’il y aura lieu, la portée
européenne des événements de l’histoire nationale. […] Dans la mesure du possible,
l’Histoire doit être présenté sous son aspect européen. Certaines questions sont
communes à l’histoire européenne et qui ont exercé une influence sur une partie ou sur la
totalité de l’Europe se prêtent ainsi tout particulièrement à une présentation
européenne. »
1
Il faut rappeler que même si les participants étaient majoritairement des historiens
universitaires, ces conférences et symposiums sont des organisations
intergouvernementales dans le cadre du Conseil de l’Europe au-delà d’être des réunions
scientifiques. Les recommandations élaborées lors de ces rencontres sont le fruit d’un
certain consensus parmi les représentants des différents États membres. Elles envisagent
« l’amélioration » de l’enseignement de l’histoire dans les pays du Conseil de l’Europe
même si elles n’ont pas la force juridique.
Vers la fin des années 1970, sont apparues les activités consacrées spécialement à
l’enseignement de l’histoire de l’Europe comme le séminaire sur le thème « l’Europe
dans les programmes d’enseignement secondaire » en 1978
2
et la conférence sur le sujet
« la coopération en Europe depuis 1945 telle qu’elle est présentée dans les matériels
d’enseignement de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique dans les écoles
secondaires » en 1979.
3
Dans les conclusions de cette dernière, on a établi que les
« études européennes » devraient viser entre autres les objectifs de « faire prendre
conscience [aux élèves] du patrimoine commun qui est le leur en tant qu’Européens » et
de « les aider à comprendre quelles seront pour l’avenir les possibilités et les limites de
la coopération européenne. »
4
Au début des années 1990, les travaux du Conseil de l’Europe relatifs à
l’enseignement de l’histoire ont connu à la fois un accroissement quantitatif
considérable et une évolution importante au niveau des objectifs. Ce changement
correspond à deux transformations politiques importantes que nous avons déjà évoquées
ci-dessus. D’une part, l’effondrement du bloc communiste à partir de 1989. En effet, cela
a ouvert une très vaste région à l’influence de l’Europe occidentale et donc aux activités
du CE. Ce dernier est devenu ainsi la première institution européenne englobant les pays
ex-communistes de l’Europe centrale et orientale. Le deuxième changement politique est
l’accélération et l’approfondissement de l’intégration européenne surtout à partir du
1992 avec le traité de Maastricht.
Recommandation relative à la dimension européenne de l'éducation de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe en 1989 marque ainsi le début d’une nouvelle
1
Ibid. p. 35-36
2
Ruht GOODWIN, L'enseignement de l'histoire: Bibliographie des documents du Conseil de l'Europe,
1953-1994, Strasbourg: Conseil de l'Europe, 1994, p.22
3
Conseil de l'Europe, Contre les stéréotypes …., op. cit., 1995, p.25-30
4
Ibid. p. 26
31
période pour les travaux du Conseil sur l’enseignement sur l’Europe, et en particulier sur
l’histoire européenne à l’école. Dans ce texte, l’Assemblée constate que les travaux du
CE dans les domaines de « l’histoire, de la géographie et des langues vivantes »
contribuent au « développement d’une authentique conscience européenne », mais il
observe également que la « dimension européenne de l’éducation […] reste une notion
qu’il convient d’intégrer plus efficacement dans les pratiques d’apprentissage. »
Il « recommande » ainsi au Comité des Ministres
1
« d’accorder une importance accrue
aux travaux en cours relatifs à l’enseignement de l’histoire » ainsi qu’aux langues
vivantes et à la géographie et «d’entreprendre des recherches sur la dimension
européenne dans d’autres matières » comme l’économie, les arts plastiques et la
musique.
2
Dans les autres textes adoptés par les différents organes du Conseil de l’Europe
pendant les années 1990 et au début des années 2000, on observe que le rôle accordé à
l’école dans la perspective de l’intégration européenne devient de plus en plus explicite
et développé. Dans la Résolution sur la dimension européenne de l'éducation: pratique
de l'enseignement et contenu des programmes adoptée par la Conférence permanente
des ministres européens de l'Education lors de 17
e
session à Vienne en 1991, on définit
de la façon suivante les objectifs de l’éducation :
« L'éducation doit sensibiliser les jeunes au rapprochement des peuples et des États
européens ainsi qul'édification de leurs relations sur de nouvelles bases. Elle doit les
aider aussi à prendre conscience de leur identité européenne sans qu'ils perdent de vue
pour autant leurs responsabilités à l'échelle mondiale, ni leurs racines nationales,
régionales et locales. Elle doit contribuer enfin à leur faire comprendre que la
perspective européenne s'applique à de nombreux domaines de la vie quotidienne et que
des décisions au plan européen sont nécessaires. Les jeunes doivent être incités à
façonner l'Europe conformément aux valeurs qui constituent leur héritage commun. »
3
En 1996, l’Assemblée parlementaire a adopté la première recommandation du
Conseil de l’Europe consacrée entièrement à l’enseignement de l’histoire. Dans ce texte,
l’accent était mis plutôt sur le rôle de l’histoire pour « favoriser la compréhension, la
tolérance et la confiance » entre les peuples européens. Mais, on souligne également
« l’histoire de l’Europe » et « l’identité européenne » :
1
Le Comité des Ministres composé des Ministres des Affaires étrangères (ou de leurs Délégués) des pays
membres est « l’organe de décision » du Conseil de l’Europe.
2
Conseil de l'Europe Assemblée parlementaire, Recommandation 1111 (1989) relative à la dimension
européenne de l'éducation, Texte adopté par l’Assemblée le 22 septembre 1989, http://assembly.coe.int
3
Conseil de l'Europe, Conférence permanente des ministres européens de l'Education, La dimension
européenne de l'éducation: Pratique de l'enseignement et contenu des programmes: Rapport de la 17
e
session, Vienne, 16-17 octobre 1991, Strasbourg : Conseil de l’Europe, 1993, p. 12
32
« L’histoire de toute l’Europe, l’histoire des principaux événements politiques et
économiques, ainsi que les mouvements philosophiques et culturels, qui ont formé
l’identité européenne, doivent figurer dans les programmes d’enseignement. »
1
Dans la recommandation du Comité des Ministres sur l’enseignement de l’histoire
adoptée en 2001, l’apprentissage de l’histoire de l’Europe occupe la place centrale. Son
rôle dans la construction européenne par le biais de l’élaboration d’une connaissance du
« patrimoine historique et culturel commun » et de la promotion de la « conscience
européenne » est particulièrement mentionné parmi les « objectifs de l’enseignement de
l’histoire au 21
e
siècle » :
« L’enseignement de l’histoire dans une Europe démocratique devrait:
[...]
- constituer l’un des éléments fondamentaux d’une construction européenne
librement consentie, basée sur un patrimoine historique et culturel commun, enrichi de
ses diversités, même dans ses aspects conflictuels et parfois dramatiques;
- s’inscrire dans une politique éducative qui participe étroitement au développement
et à l’évolution des jeunes, dans la perspective de construire avec eux l’Europe de
demain [...];
- permettre au citoyen européen de mettre en valeur son identité individuelle et
collective par une connaissance du patrimoine historique et culturel commun dans ses
dimensions locale, régionale, nationale, européenne et mondiale.
[...]
L’enseignement de l’histoire, s’il doit éviter une accumulation de savoirs
encyclopédiques, devrait cependant comprendre une sensibilisation à la dimension
européenne, prise en compte dans l’élaboration des programmes, cela afin de conduire
les élèves à une «conscience européenne» ouverte sur le monde. »
2
Conformément à l’évolution qu’on observe à travers les textes officiels, à partir du
début des années 1990, la promotion de la dimension européenne dans l’enseignement de
l’histoire est devenue l’un des thèmes principaux des activités du CE en matière
d’éducation.
3
L’idée de l’enseignement de « l’histoire et l’identité commune
1
Conseil de l'Europe Assemblée parlementaire, Recommandation 1283 (1996) relative à l’histoire et à
l’apprentissage de l’histoire en Europe, Texte adopté par l’Assemblée le 22 janvier 1996, in : L’histoire
et l’apprentissage de l’histoire, Strasbourg : Conseil de l’Europe, 1996, p. 5
2
Conseil de l'Europe Comité des Ministres, Recommandation (2001)15 relative à l’enseignement de
l’histoire en Europe au XXIe siècle, Adopté le Comité des Ministres le 31 octobre 2001,
http://www.coe.int
3
Cf. Simone BARTHEL, La pédagogie de projet: approche pluridisciplinaire de la dimension
européenne dans l'enseignement secondaire: Rapport de 55
e
séminaire européen d'enseignants,
Donaueschingen, 18-23 mai 1992, Strasbourg : Conseil de l'Europe, Conseil de la coopération culturelle,
1992 ; David HARKNESS, Enseignement de l'histoire et conscience européenne, Rapport du
symposium, Delphes, Grèce, 11-14 mai 1994, Strasbourg : Conseil de l'Europe, Conseil de la coopération
culturelle, 1994.
33
européenne » est assez souvent évoquée dans ces activités. Par exemple, on peut citer
du Rapport du 54
e
séminaire européen d'enseignants organisé en 1991 :
« Si nous voulons que l’Europe contribue à relever les défis qui pèsent sur l’avenir
de notre planète, il faut commencer par enseigner aux jeunes Européens des notions des
bases, l’histoire commune de notre civilisation et notre identi historique. Toute
question sur l’identité européenne trouve une réponse en étudiant et en examinant avec
l’esprit critique l’histoire. Il ne saurait y avoir de conscience européenne tant que l’on ne
prendra pas conscience de l’histoire européenne. »
1
En conséquence, on peut dire que dans les travaux et les textes officiels
(recommandations et résolutions) du Conseil de l’Europe, l’idée d’une « dimension
européenne dans l’enseignement de l’histoire » s’appuyant sur «la conscience et
l’identité européenne » et « l’histoire et la culture commune » est devenu de plus en plus
présente et explicite surtout à partir de la fin des années 1980. D’ailleurs, depuis le début
des années 1990, le but de « promouvoir la conscience de l’identi européenne » est
mentionné dans les textes du Conseil comme l’un des objectifs principaux de
l’Organisation.
2
Pourtant, la signification de « la conscience et l’identité européenne » ainsi que
celle de « l’histoire et la culture commune » sont toujours restées largement imprécises
dans les textes du Conseil de l’Europe. Cela s’explique en grande partie par la diversité
inévitable, que nous avons déjà évoquée ci-dessus, des conceptions différentes sur ces
questions.
D’ailleurs, même si l’enseignement de l’histoire de l’Europe est régulièrement
souligné dans les textes, la description du contenu à enseigner est néralement absente,
ou, quand elle ne l’est pas, elle est vaguement définie sauf quelques thèmes comme
l’histoire de l’intégration européenne depuis 1945. Dans la Résolution sur la dimension
européenne de l'éducation: pratique de l'enseignement et contenu des
programmes adoptée par la Conférence permanente des ministres européens de
l'Education en 1991, on indique que la dimension européenne en histoire implique
« l’étude de l’origine des peuples et des États européens et de l’étude des mouvements
sociaux, politiques, idéologiques et religieux, des luttes gémoniques, des idées et des
réalisations culturelles qui ont déterminé leur développement. »
3
On précise également
que l’école doit renseigner les élèves sur les « facteurs historiques qui ont façonné
l’Europe, notamment avec le développement de la pensée juridique européenne, de la
conception de l’État et de l’idée de liberté », sur les « grandes lignes du développement
1
Traute PETERSEN, Nouvelles approches de l'enseignement de l'histoire dans l'enseignement
secondaire, Rapport du 54
e
minaire européen d'enseignants, Donaueschingen, 4-9 novembre 1991,
Strasbourg : Conseil de l'Europe, Conseil de la coopération culturelle, 1993, p. 1
2
Simone BARTHEL, op. cit., 1992, p. 1
3
Conseil de l'Europe, op. cit., Conférence permanente des…, 1993, p. 12
34
et des traits marquants de la culture européenne » et « l’origine de l’idée européenne et
de son cheminement vers l’intégrations depuis 1945 ».
1
Dans Recommandation relative à l’histoire et à l’apprentissage de l’histoire en
Europe adoptée par l’Assemblée parlementaire en 1996, on estime que « les éléments de
base des diverses histoires des peuples de l’Europe qui, acceptés par tous, pourraient être
intégrés dans tous les manuels d’histoire européenne »
2
. Mais dans le texte on ne trouve
qu’une seule phrase, citée ci-dessus, qui explique très vaguement ces « éléments ».
Dans Recommandation relative à l’enseignement de l’histoire en Europe au
21
e
siècle aussi, adoptée par le Comité des Ministres en 2001, le contenu à enseigner de
l’histoire de l’Europe est défini d’une manière très globale même si ce texte est
relativement long et détaillé. Selon cette recommandation, les programmes d’histoire
devraient comprendre « les événements et moments marquants de l’histoire de l’Europe
en tant que telle, étudiée aux niveaux local, national, européen et mondial à travers les
périodes et des faits particulièrement significatifs » et les « moments ou des faits de
l’histoire dont la dimension européenne est la plus évidente, en particulier les
événements et courants historiques et culturels fondateurs de la conscience
européenne ». L’étude de l’histoire de l’Europe doit être « non seulement politique, mais
aussi économique, sociale et culturelle ». Il faut introduire ou développer dans les
programmes « l’enseignement de l’histoire de la construction européenne ». Et enfin,
elle incite les pays membres à « développer l’intérêt des élèves pour l’histoire des autres
pays européens ».
3
En revanche, certains travaux du Conseil menés sur l’enseignement de l’histoire de
l’Europe donnent une présentation plus concrète et précise des contenus à enseigner.
Mais, il s’agit ici de l’élaboration des thèmes et des « dossiers pilotes » plutôt que de la
définition d’un cadre pour le contenu de l’enseignement. L’exemple le plus notable de
ces travaux est « le projet “Apprendre et enseigner l'histoire de l'Europe du 20
e
siècle” »
mené entre 1998 et 2001. Dans le cadre de ce projet qui définit le 20
e
siècle comme une
période privilégiée pour l’étude de l’histoire de l’Europe, on a travaillé sur certains
thèmes choisis comme « l'histoire des femmes », « les nationalismes », « l'Holocauste »,
« les migrations » et « le patrimoine culturel et mémoire commune ».
4
Le caractère
particulier de ce projet par rapport aux travaux précédents était sa dimension
pédagogique considérablement développée qui a assuré la production des « pochettes
pédagogiques thématiques et méthodologiques » diffusées par des supports éducatifs
différents, essentiellement les manuels scolaires et les CD, dans les écoles des pays
1
Idem. p. 12
2
Conseil de l'Europe Assemblée parlementaire, Recommandation 1283…, op. cit., 1996, p. 6
3
Conseil de l'Europe Comité des Ministres, Recommandation (2001)15 …, op. cit., 2001.
4
Conseil de l'Europe, Pour une perspective pluraliste et tolérante de l'enseignement de l'histoire:
diversité des sources et didactiques nouvelles, Symposium, 10-12 décembre 1998, Bruxelles, Strasbourg:
Editions du Conseil de l'Europe, 1999, p. 9-14
35
membres du Conseil de l’Europe.
1
À partir de 1999, on a ainsi élaboré plusieurs dossiers
pédagogiques consacrés à des thèmes différents de l’histoire de l’Europe du 20
e
siècle :
« Enseigner l'histoire de l'Europe du 20
ème
siècle »
2
; « Enseigner l'histoire des femmes
au 20
ème
siècle »
3
; « L'Europe à l'écran: Le cinéma et l'enseignement de l'histoire »
4
;
« Enseigner l'Holocauste au 21e siècle »
5
et « Une Europe en évolution: Les flux
migratoires au 20e siècle »
6
.
Il est difficile de dégager une conception assez précise du Conseil de l’Europe sur le
choix des contenus de l’enseignement de l’histoire. Mais, on observe certains critères
généraux soulignés régulièrement dans les textes et les travaux du Conseil. Concernant
l’organisation générale des contenus, on constate surtout l’idée qu’on doit « réaliser un
juste dosage entre les aspects locaux, nationaux, européens et mondiaux » de l’histoire.
7
Cette idée, qui est gulièrement évoquée dès les années 1960, implique un consensus
sur la nécessité d’équilibre entre l’enseignement de l’histoire nationale et les autres
dimensions (locale, européenne et mondiale). On approuve ainsi la gitimité de
l’enseignement de l’histoire nationale, qui est d’ailleurs soulignée explicitement dans
plusieurs textes du Conseil, tout en affirmant la nécessité d’introduire suffisamment
d’autres dimensions, en particulier celle de l’Europe, dans les contenus d’histoire.
Le principe d’équilibre entre les dimensions différentes dont européenne et mondiale
implique également l’idée que l’enseignement de l’histoire ne doit pas être
« eurocentrique ». On constate cette idée surtout dans certains discours des responsables
du Conseil lors des rencontres sur l’enseignement de l’histoire. D’une part, on met en
garde contre «l’eurocentrisme : une conception de l’histoire partant de l’idée que
l’Europe est, et a été, le centre du monde, que l’histoire du progrès est celle du monde
occidental. »
8
D’autre part, on estime que l’histoire de l’Europe doit être enseignée dans
le contexte mondial sans se renfermer sur elle-même et qu’il faut donner aussi
suffisamment de place à l’histoire des nations non européennes dans les contenus de
l’enseignement.
9
Mais, il faut dire que ces idées ne sont pas particulièrement soulignées
dans les textes officiels du Conseil (recommandations et résolutions). D’ailleurs, la
1
Conseil de l'Europe, Regards croisés sur…, 2002, op. cit .,p. 7-9
2
Robert STRADLING, Enseigner l'histoire de l'Europe du 20
ème
siècle, Strasbourg : Editions du Conseil
de l'Europe, 2001.
3
Ruth TUDOR, Enseigner l'histoire des femmes au 20
ème
siècle: la pratique en salle de classe, Strasbourg
: Editions du Conseil de l'Europe, 2000.
4
Dominique CHANSEL, L'Europe à l'écran: Le cinéma et l'enseignement de l'histoire, Strasbourg :
Editions du Conseil de l'Europe, 2001.
5
Jean-Michel LECOMTE, Enseigner l'Holocauste au 21e siècle, Strasbourg: Editions du Conseil de
l'Europe, 2001.
6
Bülent KAYA, Une Europe en évolution: Les flux migratoires au 20e siècle, Strasbourg: Editions du
Conseil de l'Europe, 2002.
7
Conseil de l'Europe, Contre les stéréotypes…, op. cit., 1995, p. 32.
8
Lluís Maria DE PUIG, « L’histoire, maintenant », in : Conseil de l'Europe, Regards croisés…, op. cit.,
2002, p. 22
9
Robert PICHT, « Rapport de synthèse de la conférence finale », in : Ibid. p. 102
36
« dimension mondiale » n’est pas parfois évoquée parmi les dimensions différentes de
l’enseignement de l’histoire.
1
En conséquence, on peut dire que ce point ne constitue pas
une préoccupation majeure concernant l’enseignement de l’histoire, même si la critique
de « l’eurocentrisme » et l’idée de la nécessité d’introduire une dimension mondiale dans
les contenus scolaires sont bien présentes.
Enseigner l’histoire pour la paix et la compréhension mutuelle
Les premières activités du Conseil de l’Europe dans le domaine de l’enseignement
de l’histoire s’inscrivaient dans le contexte des travaux sur les manuels scolaires
d’histoire, menés à partir du début des années 1950 par les institutions internationales, en
particulier par l’UNESCO, dans le but de promouvoir « la compréhension
internationale »
2
. L’intérêt de ces institutions internationales pour l’enseignement de
l’histoire venait essentiellement de la conviction générale selon laquelle la manipulation
politique et nationaliste de l’histoire à l’école était l’un des facteurs majeurs dans la
formation des sentiments d’hostilité à l’égard des autres nations. L’objectif principal des
premiers programmes du Conseil était ainsi de contribuer à « l’élimination des
stéréotypes et des préjugés » contenus dans les manuels scolaires et à la prévention du
détournement de l’enseignement de l’histoire pour des fins politiques.
3
Dans les
Recommandations adoptées lors de la première conférence sur l’enseignement de
l’histoire en 1953, on l’expliquait de la façon suivante :
« Notre objectif […] [est] d’essayer d’éliminer les erreurs et préventions
traditionnelles et d’établir les faits dans leur réalité. […] Il est particulièrement
nécessaire d’éviter toute interprétation des événements historiques qui pourrait servir les
intérêts particuliers d’un État ou compromettre les relations amicales entre les peuples.
[…] Il serait souhaitable de ne pas transposer dans le passé des antagonismes nationaux
contemporains. Il faudrait, au contraire, souligner que les peuples ne sont pas
nécessairement impliqués dans les conflits entre États ou entre souverains. »
4
Pendant les années 1970 et 1980, la place de ce sujet dans les activités du Conseil
s’est relativement affaiblie même s’il est toujours resté l’une des préoccupations
importantes. Au début des années 1990, ce sujet est redevenu l’un des axes principaux
des activités du Conseil dans le domaine de l’enseignement de l’histoire. Cela se
1
Par exemple, dans Recommandation (2001)15 relative à l’enseignement de l’histoire en Europe au
XXIe siècle, les explications sur « Dimension européenne dans l’enseignement de l’histoire »
commencent ainsi : « La construction européenne étant l’expression à la fois d’un choix librement
consenti des Européens eux-mêmes et d’une réalité historique : il conviendrait de montrer les relations
historiques continues entre les niveaux local, régional, national et européen. […]». Cf. Conseil de
l'Europe Comité des Ministres, Recommandation (2001)15 relative..., op. cit., 2001.
2
UNESCO, La réforme des manuels scolaires et du matériel d’enseignement: Comment les mettre au
service de la compréhension internationale?, Paris: Unesco Editions, 1950.
3
Denis Durand DE BOUSINGEN, op. cit., p. 9
4
Conseil de l’Europe, Contre les stéréotypes…, op. cit., 1995, p. 13-14
37
rapporte étroitement au fait que les pays de l’ancien bloc de l’Est de l’Europe centrale et
orientale sont devenus à cette l’époque le principal champ d’intérêt des programmes
d’histoire de l’Organisation. L’une des causes majeures de l’insistance sur ce thème dans
les projets concernant ces pays, était sans doute les conflits et les massacres intervenus
dans les pays de l’ex-Yougoslavie au but des années 1990, qui ont clairement montré
que l’Europe n’était pas à l’abri des violences interethniques.
1
Dans Résolution sur la
dimension européenne de l'éducation: pratique de l'enseignement et contenu des
programmes adoptée par la Conférence permanente des ministres européens de
l'Education en 1991, on précise ainsi ce point :
« Les événements tragiques en Yougoslavie sont symptomatiques de la résurgence
dans toute l’Europe des vieux démons du nationalisme, da la haine fratricide, du racisme,
de l’antisémitisme et de la xénophobie qui menacent de saper les valeurs essentielles
démocratie pluraliste, droits de l’homme et prééminence du droit et dont la protection
et le développement constituent la raison d’être du Conseil de l’Europe, menaces que
l’on a récemment laissées remonter à la surface. L’éducation doit jouer un rôle vital dans
le renforcement de ces valeurs. »
2
Dans cette Résolution, le but de contribuer au « rapprochement des peuples » et à la
« préservation de la paix » est établi comme l’un des objectifs généraux de l’éducation,
et non seulement celui de l’enseignement de l’histoire.
Dans Recommandation 1283 (1996) relative à l’enseignement de l’histoire, ce
thème était central:
« L’histoire a aussi un rôle politique clé à jouer dans l’Europe d’aujourd’hui. Elle
peut favoriser la compréhension, la tolérance et la confiance entre les individus et entre
les peuples d’Europe. Elle peut aussi devenir une force de division, de violence et
d’intolérance. […]
Les hommes politiques ont leur propre interprétation de l’histoire, et certains sont
tentés de la manipuler. Presque tous les systèmes politiques ont utilisé l’histoire pour
servir leurs intérêts et ont imposé leur version des faits historiques ainsi que leur
définition des bons et des méchants dans l’histoire. […]
Les citoyens ont le droit d’apprendre une histoire non manipulée. L’État devrait
donc assurer ce droit et encourager une approche scientifique appropriée, sans
déformation religieuse ou politique, tout ce qui est enseigné. […]
Il importe d’identifier les stéréotypes et autres perversions fondés sur des préjugés
nationaux, raciaux, religieux et autres. »
3
Dans Recommandation (2001)15 relative à l’enseignement de l’histoire en Europe
au 21
e
siècle, la prévention du « détournement de l’histoire » est toujours l’une des
1
Lluis Maria DE PUIG, op. cit., 1996, p. 9
2
Conseil de l'Europe, Conférence permanente…, op. cit., 1993, p. 12
3
Conseil de l'Europe Assemblée parlementaire, Recommandation 1283…, op. cit., 1996, p.3-4
38
préoccupations majeures. D’ailleurs, les significations du « détournement » sont
expliquées assez précisément et d’une manière peu commune dans ce type de textes :
« L’enseignement de l’histoire dans une Europe démocratique devrait : [...] ; être un
facteur décisif de réconciliation, de reconnaissance, de compréhension et de confiance
mutuelle entre les peuples. […]
L’enseignement de l’histoire ne peut être un instrument de manipulation
idéologique, de propagande ou de promotion de valeurs ultranationalistes, xénophobes,
racistes ou antisémites
1
et intolérantes.
Les recherches historiques et l'histoire telle qu'elle est enseignée à l'école ne peuvent
en aucune manière, et avec quelque intention que ce soit, être compatibles avec les
valeurs fondamentales et le Statut du Conseil de l'Europe si elles permettent ou
popularisent des représentations de l'histoire erronées, au moyen de l'un ou l'autre des
subterfuges suivants : falsification de faits historiques, statistiques frelatées, images
truquées, etc. ; fixation sur un événement pour justifier ou occulter un autre événement ;
déformation du passé à des fins de propagande ; version excessivement nationaliste du
passé, susceptible de créer une dichotomie entre «nous» et «eux» ; distorsions de
sources historiques ; négation de faits historiques ; omission de faits historiques. »
2
Dans ces textes, bien que l’accent soit mis essentiellement sur la critique de la
« manipulation » de l’histoire, on souligne également la nécessité de l’enseignement des
« influences mutuelles positives » :
« Les événements controversés, sensibles et tragiques devrait être équilibrés par
rapports aux influences positives mutuelles. »
3
« L’enseignement de l’histoire, […], devrait cependant comprendre : […] ;
l’élimination des préjugés et des stéréotypes en mettant en évidence dans les
programmes les influences mutuelles positives entre différents pays, religions et écoles
de pensée dans le développement historique de l’Europe ; […]. »
4
Le développement chez les élèves de « l’esprit critique », « capacité intellectuelle
d’analyser et d’interpréter l’information de manière critique et responsable à travers le
dialogue », qui assurerait « un jugement indépendant et objectif et le refus des
manipulations »
5
, est un autre point particulièrement noté dans les Recommandations,
surtout dans celle de 2001. Dans les cours d’histoire, on préconise ainsi « l’étude critique
des détournements de l’histoire, qu’il s’agisse de détournements par négation d’une
évidence historique, par falsification, par omission, par ignorance ou par récupération
1
C’est nous qui mettons en italique ces mots ainsi que les phrases dans le paragraphe suivant.
2
Conseil de l'Europe Comité des Ministres, Recommandation (2001)15..., op. cit., 2001.
3
Conseil de l'Europe Assemblée parlementaire, op. cit., 1996, p.5
4
Conseil de l'Europe Comité des Ministres, op. cit., 2001.
5
Ibid.
39
idéologique ; [et] l’étude des questions controversées par la prise en compte des faits, des
opinions et des points de vue différents, et par la recherche de la vérité. »
1
Ces flexions constituaient surtout dans la deuxième moitié des années 1990 et
constituent encore une des bases principales des activités du Conseil dans le domaine de
l’histoire.
2
Cet aspect de la dimension européenne dans l’enseignement de l’histoire est
particulièrement prépondérant dans les projets régionaux qui regroupent plusieurs pays
d’une région européenne, surtout dans l’Europe centrale et orientale. Par exemple le
projet L’histoire et l’enseignement de l’histoire en Europe du Sud-Est, une série de
conférence et de séminaire organisée entre 2000 et 2002 avec la participation de presque
l’ensemble des pays balkaniques dont la Turquie
3
; le projet L'Initiative de la mer Noire,
une série de séminaire organisée en 1999 qui réunit des professeurs d'histoire bulgares,
géorgiens, moldaves, roumains, russes, turcs et ukrainiens
4
et le projet Initiative de
Tbilissi comprend une série de séminaire organisée en Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie et
Russie.
5
Enseigner l’histoire pour promouvoir les valeurs démocratiques et les droits de
l’homme
Un autre aspect important, que nous observons dans les travaux et les textes officiels
du Conseil de l’Europe dans le domaine d’histoire, est le rôle attribué à l’enseignement
de l’histoire dans la transmission aux jeunes générations des valeurs politiques
1
Ibid.
2
Cf. STRADLING Robert, La compréhension mutuelle et l'enseignement de l'histoire européenne: défis,
problèmes et stratégies, Rapport de Symposium de Prague, 24-28 octobre 1995, Strasbourg : Conseil de
l'Europe,1996 ; NIELSEN Henrik S., Le rôle de l'histoire dans la formation de l'identité nationale:
Rapport du séminaire européen d'enseignants, York, Royaume-Uni, 18-24 septembre 1995, Strasbourg :
Conseil de l'Europe,1996; Conseil de l'Europe, Pour une perspective pluraliste et tolérante de
l'enseignement de l'histoire: diversité des sources et didactiques nouvelles, Symposium, Bruxelles, 10-12
décembre 1998, Strasbourg: Editions du Conseil de l'Europe, 1999; Conseil de l’Europe, Détournements
de l'histoire : Symposium « Face aux détournements de l'histoire, Oslo, 28-30 juin 1999, Strasbourg :
Editions du Conseil de l'Europe, 2000.
3
Cf. Robert STRADLING, Meeting of the Working Group on “History and History Teaching in South
East Europe”, Blagoevgrad, Bulgaria, 14-15 December 2000, Report, http://www.coe.int ; Robert
STRADLING, Conference on “History textbooks and teaching resources in South East Europe: a
future?”, Sinaia, Romania, 6 - 8 June 2002, Report, http://www.coe.int ; Jean-Michel LECLERCQ,
Séminaire sur « L'enseignement de l'histoire nationale dans les écoles secondaires d'Europe du Sud-
Est », Sarajevo, Bosnie-Herzégovine, 13 - 15 juin 2002, Rapport du séminaire, http://www.coe.int.
4
Cf. Susan BENNETT, Report of Seminar on "History Curricula for Secondary Schools in the Black Sea
Countries", Constanta, Romania, 6 - 8 May 1999, http://www.coe.int
5
Cf. Roger AUSTIN, Seminar on "How to teach controversial and sensitive issues in history in present
day secondary schools", Baku, Azerbaïjan, 10 - 11 May 2000, Report, http://www.coe.int; Vadim
TREPAVLOV, Seminar on New approaches in teaching history in secondary schools in a regional
context, Kislovodsk, Russian Federation, 13-15 September 2000, Report, http://www.coe.int ; Asle
SVEEN, Seminar on "How to teach controversial and sensitive issues in history in present-day secondary
schools", Yerevan, Armenia, 9 - 10 October 2000, Report, http://www.coe.int ; Susan BENNETT,
Seminar on "How to teach controversial and sensitive issues in present-day secondary schools", Tbilisi,
Georgia, 13-14 November 2000, Report, http://www.coe.int
40
« européennes », et surtout les valeurs démocratiques et les droits de l’homme. Le thème
de « l’éducation aux droits de l’homme et pour la citoyenneté mocratique » est apparu
au milieu des années 1980, une période relativement tardive, comme un champ d’intérêt
particulier dans les activités du Conseil.
1
C’est surtout à partir du début des années 1990
que ce thème est devenu l’un des axes principaux des programmes éducatifs de
l’Organisation. Dans deux textes officiels du Conseil, Recommandation relative à la
dimension européenne de l'éducation en 1989 et Résolution sur la dimension européenne
de l'éducation: pratique de l'enseignement et contenu des programmes en 1991, on met
ainsi un accent particulier sur la transmission de ces valeurs :
« […], l’éducation doit préparer chaque personne à vivre dans une société
démocratique, en la rendant capable d’exercer ses devoirs et ses responsabilités de
citoyen, en l’initiant à la politique et en lui enseignant les principes et valeurs
fondamentaux qui sont à la base de notre société tels que le respect des droits de
l’homme et la démocratie, mais aussi la tolérance et la solidarité qui découle d’une
meilleurs connaissance de l’« autre ». »
2
« […] les buts politiques qui sous-tendent l'objectif général de promotion de l'unité
européenne par un renforcement des liens culturels, économiques et politiques entre les
nations européennes […] visent à : […] sauvegarder les acquis et encourager le
développement du patrimoine européen commun de valeurs politiques, culturelles,
morales et spirituelles dans lesquelles s'enracine une société civilisée (droits de l'homme,
démocratie pluraliste, tolérance, solidarité et prééminence du droit). […] Les valeurs
fondamentales de la vie politique, sociale et individuelle qui sous-tendent le processus
éducatif doivent être conçues dans le cadre d'une communauté élargie de l'Europe des
peuples et des États. Cela implique : [...] la défense de la liberté, de la mocratie, des
droits de l'homme de la justice et de la sécurité économique, […]. »
3
Parallèlement à l’évolution des objectifs généraux de l’éducation établis par le
Conseil, dans les textes et les travaux concernant l’histoire on constate à partir du début
des années 1990 une attention particulière faite au rôle de l’enseignement de l’histoire
pour « l’éducation à la démocratie ». Dans la conclusion du symposium sur le thème
d’« histoire, valeurs démocratiques et tolérance en Europe » en 1994, on précise ce
point de la façon suivante:
« Malgré le risque que le Conseil de l’Europe soit accusé de « manipulation », même
pour les meilleures raisons du monde, il faut garder la conviction que l’enseignement de
l’histoire doit refléter les valeurs positives qui fondent nos sociétés mocratiques
libérales. Il est si facile de se servir de l’histoire pour sanctionner ou même pour
1
Ruht GOODWIN, op. cit., p. 24-25
2
Conseil de l'Europe Assemblée parlementaire, Recommandation 1111…, op. cit., 1989.
3
Conseil de l'Europe, Conférence permanente…, op. cit., 1993, p. 11-12
41
favoriser les préjugés raciaux, religieux ou culturels, la haine et la violence. On doit
veiller au contraire à ce qu’elle transmettre des valeurs et des comportements civilisés. »
1
Dans Recommandation relative à l’enseignement de l’histoire en Europe au 21
e
siècle en 2001, on souligne également cet aspect :
« L’enseignement de l’histoire dans une Europe démocratique devrait : [...] jouer un
rôle essentiel dans la promotion de valeurs fondamentales telles que la tolérance, la
compréhension mutuelle, les droits de l’homme et la démocratie ; [...]. »
2
Comme nous pouvons observer dans ces deux citations, le thème de « valeurs
démocratiques » est généralement abordé avec celui de « compréhension mutuelle », que
nous étudions ci-dessus. Mais, il faut dire que la place accordée à ce thème dans les
programmes du Conseil concernant l’enseignement de l’histoire est toujours restée
relativement faible, car les activités se rapportant à ce sujet ont été organisés
essentiellement dans le cadre des projets relevant plutôt de « l’éducation civique ». On
peut noter surtout les programmes d’«Education à la citoyenneté démocratique » (ECD)
qui occupent une place primordiale dans les projets éducatifs du Conseil depuis 1997.
3
Les principes généraux et les grandes lignes de ces programmes sont exposés dans
Recommandation relative à l'éducation à la citoyenneté démocratique, adoptée par le
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en 2002. Dans ce texte, l’importance de ce
thème pour le Conseil est affirmée de la façon suivante:
« L'éducation à la citoyenneté mocratique est une composante majeure de la
mission première du Conseil de l'Europe, qui est de promouvoir une société libre,
tolérante et juste, et qu'elle contribue, […], à la défense des valeurs et principes de liberté,
de pluralisme, des droits de l'homme et de l'État de droit qui sont les fondements de la
démocratie. »
4
« L’éducation à la citoyenneté démocratique » est définie ainsi comme toute action
éducative « permettant à un individu, tout au long de la vie, d'agir en tant que citoyen
actif et responsable tout en respectant les droits d’autrui »
5
. Parmi les autres objectifs et
valeurs particulièrement soulignés dans le texte, on trouve : « cohésion sociale »,
« compréhension mutuelle », « dialogue interculturel et interreligieux », « principe
1
David HARKNESS, Histoire, valeurs démocratique et tolérance en Europe: l'expérience des pays en
transition, Rapport du symposium, Strasbourg: Conseil de l'Europe, 1995, p. 11
2
Conseil de l'Europe Comité des Ministres, Recommandation (2001)15..., op. cit., 2001.
3
Cf. François AUDIGIER, Projet: Education à la citoyenneté démocratique, Strasbourg: Editions du
Conseil de l'Europe, 1998; Jean-Marie HEYDT, et al., Education à la citoyenneté démocratique et
cohésion sociale, Strasbourg: Editions du Conseil de l'Europe, 2001; Paul BELANGER, Education à la
citoyenneté démocratique: méthodes, pratiques et stratégies: Conférence organisée conjointement par le
Conseil de l’Europe, l’Unesco et la Commission européenne, Varsovie, 4-8 décembre 1999, Rapport
final, Strasbourg: Editions du Conseil de l'Europe, 2001.
4
Conseil de l’Europe Comité des Ministres, Recomman