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La filière riz au Sud-Kivu: Modes de production et localisation

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Abstract

Based on the identification of productive chains (filières), this paper examines different modes of producing rice and investigates the determinants of the rice chain’ location in the South-Kivu province. This study aims at enlightening the economic role that this chain can play in poverty reduction strategy by raising the income of farmers and the purchasing power of citizens. The objective is to determine the main factors explaining the location of the different rice-fields in South-Kivu. This analysis will show how differences in endowments and geographic factors combine in structuring rural-urban good-exchange (domestic market integration). Observations show that three systems of rice crops are practiced in South-Kivu: rainwater growing rice or irrigated rice on low level plains and high mountain marsh rice. Location factors show that the production of rice in the province is due to effects of historic accidents and to feeding habits of autochthones. In other cases, accessibility to the market of consumption and effects of comparative advantages are factors determining the location. Access to inputs and final product markets has a positive impact on the location of rice crops. Finally, it also comes out that land insecurity measured through different modes of access to land constitutes an important obstacle for the effective location of the chain and the future increase of land spaces for rice crops.
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Modes de production et localisation de la filière riz au SudKivu
Célestin B. BUCHEKUDERHWA
1
Discussion Paper LEAD 2005
Résumé
Basée sur l’identification des filières productives, ce papier examine les différentes innovations
intervenues dans les modes de production rizicole et s’interroge sur les facteurs de localisation de la
filière riz au Sud-Kivu. Cette étude cherche à élucider le rôle économique que cette filière pourrait
jouer dans la lutte contre la pauvreté, autant par l’amélioration des revenus paysans que par celle des
revenus réels des habitants des villes. Elle se propose comme objectif de déterminer les principaux
facteurs à l’origine des localisations actuelles des rizicultures au Sud–Kivu. Au travers de cette
analyse, on verra comment les différences de dotations et les facteurs géographiques se combinent
dans la structuration des échanges villecampagne (intégration du marché intérieur). Les résultats
indiquent que trois systèmes de cultures de riz sont actuellement pratiqués au SudKivu. La culture du
riz pluvial, la culture du riz irrigué de basse altitude et la culture du riz de marais d’altitude.
L’analyse des facteurs de localisation montre que la production du riz dans la province est due aux
effets d’accidents historiques et aux habitudes alimentaires des populations. Dans d’autres cas,
l’accessibilité au marché de consommation et les effets des avantages comparatifs déterminent la
localisation. L’accès aux marchés d’intrants et de production a un impact positif sur les localisations
rizicoles. Il ressort enfin de l’analyse que l’insécurité foncière, mesurée à travers les différents modes
d’accès à la terre, constitue un important obstacle pour une localisation effective de la filière et pour
l’accroissement des étendues rizicoles ultérieures.
Abstract
Based on the identification of productive chains (filières), this paper examines different modes of
producing rice and investigates the determinants of the rice chain’ location in the South-Kivu
province. This study aims at enlightening the economic role that this chain can play in poverty
reduction strategy by raising the income of farmers and the purchasing power of citizens. The
objective is to determine the main factors explaining the location of the different rice-fields in South-
Kivu. This analysis will show how differences in endowments and geographic factors combine in
structuring rural-urban good-exchange (domestic market integration). Observations show that three
systems of rice crops are practiced in South-Kivu: rainwater growing rice or irrigated rice on low
level plains and high mountain marsh rice. Location factors show that the production of rice in the
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Chercheur au Laboratoire d’Economie Appliquée au Développement et Assistant à l’Université Catholique de
Bukavu. E-mail :bubace2000@yahoo.fr, bucekuderhwa.bashige@ucbukavu.ac.cd. Cette recherche a été menée
dans le cadre du Projet Interuniversitaire Ciblé « Dynamique des filières productives et développement rural
intégré » et a ainsi bénéficié du soutien de la Commission Universitaire de Développement C.U.D. du Conseil
Inter Universitaire Francophone (C.I.U.F.) de la Communauté française de Belgique, programme PIC 2003.
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province is due to effects of historic accidents and to feeding habits of autochthones. In other cases,
accessibility to the market of consumption and effects of comparative advantages are factors
determining the location. Access to inputs and final product markets has a positive impact on the
location of rice crops. Finally, it also comes out that land insecurity measured through different
modes of access to land constitutes an important obstacle for the effective location of the chain and
the future increase of land spaces for rice crops.
Remerciements
Comme l’une des études du LEAD sur « La dynamique des filières productives et développement
rural intégré au SudKivu », financée par la CUD, ce papier fournit des informations sur la filière riz
au SudKivu. Nous remercions les personnes sans lesquelles il ne nous aurait pas été possible de
réaliser cette étude. En premier nous remercions les chefs de divisions provinciales du plan et de
l’agriculture pour les données qu’ils ont fournies. Nous remercions l’ingénieur Xavier et le vétérinaire
Déocard tous deux du Centre Agro-pastorale de l’UCB d’avoir informé chaque fois les paysans de
notre arrivée et nous avoir aidé à récolter les données. Mais la coopération des riziculteurs de
Kavumu et de Nyangezi a été essentielle au bon déroulement des enquêtes. Merci à eux d'avoir
accepté de répondre à nos enquêtes, et de nous avoir conduit jusqu’à Kanyanja pour rencontrer
d’autres ménages riziculteurs. Nous sommes aussi reconnaissants à l’ingénieur Agronome de
l’Alimenkina pour les informations nous fournies durant notre enquête. D'autres personnes ont encore
alimenté nos réflexions lors d'intéressantes et fructueuses discussions lors de l’atelier organisé par
Louvain Développement. Il s’agit de Bernard WATUNAKANE de l’APIDE, de l’ingénieur MORISHO
du CDC Kiringye, de Didier de Fally du BEST, du Professeur Jean WALANGULULU de l’UCB, et
les agents du guichet d’économie locale.
Table des matières
INTRODUCTION
Section 1 : HISTORIQUE DE DÉVELOPPEMENT DE LA FILIÈRE
Section 2 : STRUCTURE DE LA FILIÈRE RIZ
2.1. Le système rizicole pluvial
2.2. Le système rizicole de basse altitude
2.3. Le système rizicole des marais d’altitude
Section 3 : LA PROBLÉMATIQUE DE LA LOCALISATION ET
SES APPLICATIONS AU SUD KIVU
3.1. La problématique de la localisation
3.2. L’analyse de la localisation des productions agricoles au SudKivu
3.2.1. Le riz pluvial
3.2.2. Le riz irrigué de basse altitude
3.2.3. Le riz irrigué des marais d’altitude
3.2.4. L’accès à la terre
CONCLUSION
2
INTRODUCTION
Quel rôle pourrait jouer une filière riz redynamisée dans la reconstruction et le
développement de la région du SudKivu ? En particulier, contribuera-t-elle à rééquilibrer
l’économie de la région en luttant contre la pauvreté et en développant des relations villes–
campagnes plus denses ? L’amélioration du revenu de la paysannerie, la réorganisation des
approvisionnements des centres urbains et la substitution aux importations sont autant
d’ingrédients importants pour une stratégie de développement rural intégré.
L’analyse de cette filière est motivée d’une part, par l’existence d’une demande de plus en
plus accrue de riz due à l’accroissement rapide de la population, et par un changement dans
les habitudes alimentaires de la population de la province. D’autre part, la production rizicole
constitue encore aujourd’hui une filière de poids par le fait qu'elle a placé la province parmi
les premières en production de riz dans la République Démocratique du Congo en 1981.
D’après les prévisions du "Programme Agricole Minimum"
2
, le Kivu devrait produire chaque
année 429.934 tonnes de paddy, ce qui le placerait en tête des provinces de la République
Démocratique du Congo
3
.Différents travaux montrent que le riz produit localement
approvisionnait en matière première la brasserie de Bukavu, des internats scolaires, des
paroisses, des hôpitaux et les cantines de la SOMINKI, la grande société minière du Kivu
(Programme Agricole Minimum 1981, de Failly 2000 et APIDE 2003).
Région de
production
Sousrégions
de production
Superficie
cultivée en Ha
Besoins en
semences en Kg
Production
estimée en
tonnes4
Kivu
SudKivu
66. 056
1.981.740
198.174
Maniema
77.220
2.316.600
231.660
Total
143.276
4.298.340
429.834
Source : Programme Agricole Minimum (PAM) 1981
L’instabilité politique, militaire et institutionnelle qu’a connue le Sud–Kivu depuis 1994 a
eu pour conséquences une dégradation des activités de production, des finances publiques et
des ressources naturelles. Les commerçants de la province ont eu recours de plus en plus aux
importations pour approvisionner celle-ci en produits vivriers notamment en riz, alors que les
2
Les zones (territoires) retenues au SudKivu pour le Programme National Riz étaient Shabunda, Mwenga et Uvira.
Aucune zone de la province du Nord–Kivu n’avait été retenue.
3
Pour comparaison, la province orientale devrait produire : 283.853 tonnes, l’Equateur : 241.685 tonnes et le Kasaï
oriental : 165.921 tonnes, soit respectivement 66 %, 56,22% et 38 % de la production du Kivu.
4
A en croire ce tableau, la production moyenne de riz paddy par hectare au Maniema et au Sud-Kivu serait de trois
tonnes environ. Cela semble assez optimiste quand on sait que de toutes les façons le riz pluvial produit en moyenne
autour d'une tonne à l'hectare, quand tout va bien.
3
conditions climatiques de la province sont favorables à sa culture. Tout ceci bien sûr a
contribué à amplifier la paupérisation ambiante en milieu urbain comme rural. On peut donc
s’interroger sur le rôle que cette filière pourrait jouer dans la lutte contre la pauvreté, autant
par l’amélioration des revenus paysans que par celle des revenus réels des habitants des villes.
En outre, dans l’hypothèse où des agents économiques décideraient de redévelopper cette
culture du riz, les choix qu’ils seraient amenés à faire en termes de localisation
contribueraient-ils au rétablissement des relations villecampagne? La dynamique équilibrée
des échanges entre ces deux milieux est une condition importante pour la stabilisation tant
économique que politique de cette région.
Au SudKivu les facteurs déterminant la localisation diffèrent selon le système rizicole.
Ils seraient dictés par les avantages intrinsèques des espaces que sont les considérations
géographiques (climat, géologie,…), historiques (habitudes alimentaires) et juridiques
(disponibilité des terres et modes d’accès à la terre souple). Cette localisation ne
s’expliquerait pas tellement par les hypothèses habituelles de concurrence imparfaite et
d’économies d’échelles internes. De même, les coûts de transport des marchandises
n’apparaissent pas toujours comme déterminants. Toutefois, à cause de l’introduction dans les
marais d’altitude depuis 1999 des variétés de riz tolérantes aux basses températures, la
production de riz se voit confrontée à des nouveaux choix en termes de localisation. La
question du choix de localisation contribue ainsi au niveau global de compétitivité de la
filière. Dans ces conditions, les avantages comparatifs seraient la source principale de la
localisation et donc de la compétitivité.
L’objectif de ce travail se propose de déterminer les principaux facteurs à l’origine des
localisations actuelles des rizicultures au SudKivu. Au travers de cette analyse, on verra
comment les différences de dotations et les facteurs géographiques se combinent dans la
structuration des échanges villecampagne (intégration du marché intérieur).
La section 1 traitera brièvement de l’historique de la culture du riz. Nous présenterons
dans la section 2 la structure actuelle de la filière. La section 3 abordera la localisation des
zones de production rizicole, les éléments qui la déterminent, son importance pour la
compréhension de la structure économique de la région. Au Sud-Kivu coexistent en effet trois
principaux systèmes de culture (pluvial, irrigué de marais d’altitude et irrigué de plaine). Dans
le premier système, c’est la capacité de défrichage de chaque agriculteur qui détermine
l’étendue de la surface à cultiver de telle sorte que ceux qui ont plus de force de travail
peuvent avoir de champs plus vastes que les autres supposés faibles ou n’ayant pas assez de
4
main-d’œuvre, alors que dans les deux autres systèmes ce sont essentiellement les
mécanismes à l’œuvre sur les marchés fonciers, les infrastructures d’irrigation et la maîtrise
de la technologie de production qui agissent sur la localisation.
Section 1 : HISTORIQUE DU DEVELOPPEMENT DE LA FILIERE
La culture du riz au SudKivu remonte aux années 1840, date de son introduction par les
arabes. Sa véritable expansion ne se situe toutefois qu’au cours des campagnes agricoles de
1935 à 1955 durant lesquelles plusieurs variétés sélectionnées par l’INÉAC (Institut National
pour l’Etude Agronomique au Congo) furent diffusées (Bibinge et Ngende (1990) cité par
Biruke (1998), Zihalirwa (1999) et Sabukiza (1999)
5
. Le riz est une ancienne filière
importante pour le Sud–Kivu et a contribué à la prospérité des territoires d’Uvira, de Mwenga
et de Shabunda du moins jusqu’au début des années 1990. Elle procure encore aujourd’hui
l’essentiel des revenus monétaires des ménages de Kavumu travaillant sur des sols de marais.
De 1956 à nos jours, les besoins nationaux en riz ne sont plus couverts par la production
locale. Le pays recourt à l'importation de quantités de plus en plus grandes de riz étranger
pour satisfaire la demande nationale qui ne cesse de croître. Selon les données publiées par
l'OZAC (Office Zaïrois de Contrôle), ces importations sont passées de 2.950 tonnes en 1993 à
plus de 5.160 en 1995, soit un accroissement de 75% en deux ans (Batumike (1997),
Nyamangyoku, 1999)
6
.
Corroborant ce qui précède, l’examen de la consommation des ménages pendant les
années 70 et 80 montre que le riz consommé dans les villes et les centres ruraux était pour
l’essentiel produit localement, dans les territoires de la province.
7
La dynamique des relations
villes-campagnes et la stabilité des populations paysannes en dépendaient assez largement.
Mais cette filière riz a été fortement déstabilisée par une politique agricole et commerciale
instable
8
.
5
Il s’agit des variétés Y3, RZ111/1, MLE et R66 (GEORTAY, cité par NGENDE 1990). La variété R66 au
rendement de 2500 kg/ha fut la dernière création vulgarisée par l’INÉAC, tandis que la variété OS83 se trouvait au
stade d’épreuve comparative à la veille de l’indépendance.
6
Il est probablement plus exact de tabler sur un chiffre de 10.000 tonnes !
7
Voir le rapport PAM, Programme Agricole Minimum, de 1981.
8
L’éloignement des marchés et le mauvais état des routes constituent de véritables entraves à la production, à
l’approvisionnement et à la distribution du riz. La stabilité des approvisionnements dans le temps et dans l’espace est
menacée par l’instabilité de la production, les déficiences des infrastructures de stockage et des systèmes de
commercialisation, les fluctuations des prix, les fluctuations cycliques de l’offre et de la demande sur les marchés. Les
infrastructures de production, de même que celles de transformation, de stockage et de distribution des produits
agricoles ont été détruites depuis l’accession de la R.D.Congo à son indépendance et particulièrement durant les
guerres armées et conflits. Pendant que le pays s’est mis à évoluer dans un contexte d’effacement de l’Etat à partir
des années 1990 et avec lui les structures d’encadrement de la production agricole, l’on a parallèlement assisté à une
éclosion d’organismes non gouvernementaux qui jusque-là ont permis que certains des rôles (recherche et
5
Cette instabilité de la filière riz s’explique par deux ordres de facteurs. D’une part, elle a
été engendrée par l’exode rural et le faible rendement du riz pluvial (qui était plus répandu
que les autres variétés). Les villageois se sont trouvés dans l’obligation soit de diminuer
sensiblement la quantité produite, soit d’abandonner la culture et d'acheter les quantités à
consommer. Or, pour acheter, il faut disposer d‘un revenu, mais ayant abandonné l’activité
qui était génératrice de revenus pour eux, les paysans ont été ainsi poussés à immigrer vers les
villes à la recherche d’une activité rémunératrice alternative à la culture du riz. D’autre part, la
« libéralisation » de l’exploitation des matières précieuses minières depuis les années quatre-
vingt (or, coltan et cassitérite, etc., plus rémunératrices que l’activité agricole
9
), la pression
foncière (surtout pour le cas du Bushi et de la plaine de la Ruzizi), ainsi que les conflits des
dix dernières années, ont largement entraîné un changement structurel à tous les niveaux. La
dégradation des moyens de communication et les deux guerres ont ainsi contribué à
l’instabilité des populations rurales et surtout des classes jeunes de ces populations. Cette
situation a eu pour conséquence la chute drastique des productions agricoles, qui étaient déjà
entamées par le manque de politiques agricoles adéquates et soutenues au niveau national.
Pour pallier ce problème des importations sans cesse croissantes, des actions dans le sens
de l’amélioration de la quantité et de la qualité de la production rizicole ont été entreprises.
Citons la création du Centre de Développement Communautaire de Kiringye (CDC-
Kiringye), organisation non gouvernementale de développement visant à promouvoir les
initiatives agro–pastorales des paysans de la plaine. Sa création à l’initiative du diocèse
catholique d’Uvira remonte aux années 1970. Récemment l’Université Catholique de Bukavu
(U.C.B.) a de son côté créé le Centre agro-pastoral de Kavumu pour appuyer les paysans
riziculteurs des marais d’altitude du Bushi. La relance de cette filière riz devrait ainsi
permettre de réduire les importations, d’épargner des devises et de créer des revenus
monétaires pour les agriculteurs. Ceci faciliterait, par ricochet, la stabilisation des populations
rurales.
Le riz est cultivé dans les marais aménagés, en périmètre irrigué en plaine et sur brûlis
forestier. Les principales zones de localisation du riz pluvial sont les territoires administratifs
de l’Urega (terr. Shabunda et Mwenga), la plaine de la Ruzizi (terr. Uvira), la plaine du
Tanganyika (terr. Fizi) et le Bushi (terr. Walungu, Kabare, Kalehe et Idjwi). Il y a longtemps
vulgarisation, disponibilité des intrants et matériels agricoles, stockage, transformation et commercialisation des
produits agricoles) dévolus aux structures administratives étatiques continuent d’être joués tant bien que mal.
9
Le modèle de FEI RANNIS montre que le travailleur d’un foyer agricole ne sera incité à chercher du
travail à l’extérieur que s’il est sûr de gagner au moins autant qu’en restant à la maison et cultivant sa parcelle.
6
qu'il n'y a plus eu de recherches de variétés de riz pluvial plus productives; il y en a eu
davantage en ce qui concerne les variétés irriguées utilisées en basse altitude (périmètres
irrigués de la plaine de la Ruzizi) et en altitude moyenne (marais drainés au Bushi). La plus
forte production est réalisée pour le moment par le riz irrigué de plaine.
Section 2 : STRUCTURE ACTUELLE DE LA FILIERE RIZ
La région du Sud–Kivu est, au plan économique, une grande région agricole et d’élevage.
Une partie de son économie vivrière est basée sur la riziculture pratiquée sur une superficie
estimée en 1981 à environ 66.000 Ha.
Du point de vue agro-écologique, le SudKivu dispose de plusieurs zones bien
différenciées sur lesquelles trois grandes familles de systèmes de production de riz sont
pratiquées aujourd’hui :
Le système rizicole irrigué de plaine qui donne lieu à deux campagnes par an. Du fait
de la longueur du cycle végétatif, il est difficile d’avoir trois récoltes par an.
Le système rizicole de marais d’altitude se pratique en saison des pluies, au cours de
laquelle le paysan n’exploite pas totalement les marais pour les cultures maraîchères.
La récolte a lieu au début de la saison sèche, libérant ainsi le marais pour les cultures
maraîchères moins exigeantes en eau.
Le système rizicole pluvial à une seule campagne. La longueur du cycle végétatif (>
180 jours) et l’intervention d’une saison sèche empêchent de faire une seconde récolte
dans l’année (de Failly, 2000).
7
2.1. Le système rizicole pluvial.
Ce système se rencontre principalement dans les territoires de Shabunda, de Mwenga, de
Fizi et à Uvira vers Lubarika et une partie du territoire de Kalehe à Bunyakiri. Jusqu’en 1999,
ce système était le seul connu au SudKivu avec le système irrigué de plaine. Dans ce type de
culture, la rizière est alimentée en eau seulement par les pluies. Il est parfois appelé dans la
littérature « riz de montagne ». Le riz pluvial est cultivé dans des champs dégagés dans les
forêts (sur brûlis) à plus ou moins grande distance des agglomérations villageoises (qui sont
établies le long des routes)
10
. Les études montrent que le niveau de production en Urega est
directement lié à la possibilité de vendre du riz (en paddy ou en décortiqué) et donc
indirectement à l’état du réseau routier : si les gens sont sûrs de pouvoir vendre la partie non
auto-consommée dans le milieu villageois, ils produisent sérieusement, même si les
rendements sont très faibles.
Dans cette partie forestière de la province, le degré de concentration et de développement
de la filière est tributaire des moyens de communication. L’état catastrophique des routes a
réduit la production à la simple auto-consommation. Mais il reste toujours possible de
développer cette culture dans tous les différents coins des territoires (tableau 1) de
10
Cette culture connaît des problèmes de sélection variétale et de longue jachère (5-7 ans) mais la pluviosité
est suffisante et bien répartie. Elle nécessite une protection contre les oiseaux lorsque les épis arrivent à maturité. Lire
à ce titre les rapports des divisions provinciales de l’Agriculture et du Plan du Sud-Kivu.
8
Shabunda et Mwenga du fait de l’existence des espaces libres dus à une faible densité de la
population
11
. L’effort devra en outre être porté en même temps sur l’amélioration des
semences. Le mauvais état du réseau routier handicape donc toute la dynamique autour de la
filière riz. Une grande instabilité de la population agricole est observable à cause de cet
enclavement. La tendance des paysans est plus orientée maintenant vers l’exploitation
artisanale des matières premières (or, cassitérite, coltan, etc). Comme nous le voyons dans le
tableau (tableau 1), la production du riz pluvial dans le Sud-Kivu est principalement
concentrée géographiquement sur trois territoires (données de 1981 !).
Tableau 1
Identification des rizeries pour le riz pluvial au Sud-Kivu.
Territoire
Nom ou raison sociale
Capacité
SHABUNDA
KILAURI LUPIPI
8T/jour
MILINGANYO MBIKALO
8T/jour
KAKOBANYA BULAMBO
3T/jour
KAMATA AMURI
6T/jour
RAJANIS ASSANI
3T/jour
ASSUMANI MALAGHI
8T/jour
MALISIYA SUMAILI
4T/jour
MIDSART ANDRE
6T/jour
SOMINKI/LULINGU
3T/jour
KOKI RUNIGA
4T/jour
MAISON ASSANI
5T/jour
MOLIGI MABANZE
3T/jour
DAULA MUTINGWA
3T/jour
KASEKE NYAMUKABA
5T/jour
KITUMBU TAKILONGO
5T/jour
KASEKE
6T/jour
HABIMANA SOPAKI
3T/jour
SODERME
3T/jour
MWENGA
ASSUMANI MALGHI
9T/jour
SOCOPAR sprl
3T/jour
DIOCESE D’UVIRA
2T/jour
11
A condition qu'il soit possible d'amener des bras, par exemple depuis le Bushi (mobilité du facteur travail
de la production).
9
LUGANO MWENDA
2T/jour
UVIRA
PROJET DE LA RUZIZI
4,5T/jour
CENTRE DE KIRINGYE
9T/jour
* Rizeries qui ont cessé l’activité ** Rizeries encore en activité
De ce tableau on constate que le Sud-Kivu est une province rizicole mais qui montre des
rendements très variés selon la localisation. Toutes les rizeries présentées dans le tableau ci-
dessus ont cessé leur activité à l’exception du CDC-Kiringye. La plupart ne fonctionnent plus
par manque de techniciens et de pièces de rechange; d’autres ont arrêté simplement leurs
activités, ces endroits étant devenus difficilement accessibles. Seuls les transports par portage
ou par avion sont encore possibles pour le territoire de Shabunda. Or la plus grande
production de riz de la province provenait de ce territoire.
De ce fait, la dynamique des échanges entre Shabunda et la ville de Bukavu s’amoindrit
de jour en jour. La proportion de la population agricole qui se déverse dans le secteur minier
artisanal va toujours croissant. L’abandon de l’agriculture a ainsi été à la base d’une
malnutrition chronique et sévère dans la région. Sur 18 rizeries que comptait le territoire de
Shabunda, il n’y en a aucune qui transforme le riz aujourd’hui. Le rare riz acheminé vers les
centres urbains émane des commerçants ambulants qui amènent des produits manufacturés à
Shabunda sur leur tête ou par avion et qui au retour ramènent quelques kilos de riz pilé à la
main pour la consommation familiale. Et même s’il y avait des routes praticables entre les
centres de consommation et les centres de production, il faudrait encore un réseau de routes
de desserte agricole pour drainer le riz paddy vers les rizeries.
Concernant le territoire de Mwenga, sa situation est presque identique à celle de Shabunda
sauf que certaines de ses agglomérations sont encore accessibles, du moins pendant la saison
sèche. Les véhicules qui atteignent Kamituga reviennent avec quelques tonnes de riz
collectées par l’organisation non gouvernementale de développement « Appui-conseils aux
Projets et Initiatives de développement Endogène (APIDE) ». D’après cette ONGD, ce riz est
vendu à Bukavu à un prix compétitif par rapport au riz importé. Comme les rizeries ne sont
plus en activité, cette organisation a installé des petites décortiqueuses le long des routes afin
de permettre aux paysans de produire davantage de paddy, de le faire décortiquer et d'ainsi le
vendre sans problèmes. Quelques cantonniers ont été mis en place entre Kilungutwe et
Kamituga pour l’entretien de la route afin de permettre une évacuation plus ou moins grande
et régulière des produits agricoles, le riz y compris. Selon cette organisation et comme le
montrait déjà les chiffres de 1981 du tableau 1 ci-dessus, la riziculture était florissante dans le
territoire de Mwenga et plus particulièrement dans la plaine de l’Elila à Kitutu si bien que
10
toute l’industrie agro-alimentaire locale en dépendait (rizeries de Iwiwi, de Kagubaguba, de
Mulambula, de Kamwanga - et de Kalole en territoire de Shabunda, collectivité-chefferie des
Wakabango I).
Seul le territoire d’Uvira est accessible et compte encore une de ses rizeries, à savoir le
CDC-Kiringye, qui se trouve à peu près au milieu de la plaine de la Ruzizi. Ce territoire ne
présente aucune entrave pour ce qui est du transport. Bien que la route ne soit pas
goudronnée, elle est praticable en toute saison. Ici les efforts doivent être orientés vers la
réhabilitation et l'aménagement des périmètres irrigués existants ou dont il s'agit de terminer
les aménagements. Sans compter qu'il existe également quelques endroits dans cette plaine de
la Ruzizi qui conviennent à la culture du riz pluvial
12
. Notons aussi qu’il est possible de
produire du riz pluvial dans le territoire de Fizi à condition de développer les moyens de
transport lacustre entre les différents centres de production, à savoir la plaine de Kenya I à
Nundu, la grande plaine (8.000 hectares) de Kenya II au sud de Baraka (vers le groupement
de Katanga), ainsi que la plaine de Nemba dans le golfe d'Ubwari. Dans cette zone les efforts
doivent être orientés au niveau de la commercialisation car l’absence des acheteurs du paddy
entraîne l’arrêt immédiat de la production étant donné que dans le panier du consommateur de
Fizi, le riz intervient rarement. D’après nos enquêtes, les paysans cultivent le riz dans la
plaine de Katanga pour le marché, mais comme les intermédiaires qui leur achetaient le paddy
n’y arrivent plus à cause de la guerre, ces paysans ne sont plus intéressés à cette culture.
Comme ces deux parties du territoire de Fizi sont accessibles par bateau, la province pourrait
s’y approvisionner en riz à condition de développer le transport lacustre au lieu d'employer ce
même transport lacustre sur ce même lac pour importer du riz depuis le port de Kigoma !
Disons aussi que le riz pluvial est localisable à Bunyakiri, mais le faible rendement
n’incite guère les agriculteurs à l’intensifier. Cette zone est aussi accessible bien que la route
soit en mauvais état.
Le développement de la filière riz pluvial par la création d’infrastructures adéquates de
production et de communication pourrait permettre une valorisation effective des avantages
comparatifs et une mobilité intense entre les pôles urbains et les zones rurales rendant les
agriculteurs compétitifs sur le marché par rapport au riz importé. Ce développement pourrait
ainsi devenir une source importante de création d’emplois et de revenus.
12
Le climat de la plaine de la Ruzizi est un climat semi-aride, recevant environ 1.000 mm de pluies par an. Le
riz pluvial se cultive normalement dans des clairières dégagées par brûlis dans les forêts et où la pluviométrie dépasse
souvent les 2.500 mm par an. Toutefois dans des endroits comme Rubanga (près de Kiringye) et de Runingo (entre
le village et la rivière), les villageois cultivent actuellement du riz pluvial.
11
2.2. Le système rizicole irrigué de plaine.
Ce système prend place en basse altitude (<1.000 m) dans les périmètres irrigués établis
dans la plaine de la Ruzizi. Ce terroir rizicole requiert d’importants ouvrages de captation et
d’irrigation qui ne sont pas tous aménagés. Dans les premières années de la culture du riz
irrigué près de 2000 ha avaient été aménagés, mais de nos jours seuls 500 ha sont encore en
bon état. L’irrigation de ces 500 ha a été faite simultanément par le CDC-K (Centre de
Développement Communautaire de Kiringye) et l'organisation "Solidarité Paysanne" grâce à
l’aménagement du barrage hydro-agricole de Kiringye dont la capacité permet d’irriguer 100
ha et de Runingu qui permet d’irriguer une superficie estimée à plus de 400 ha. A côté de ces
infrastructures, de nombreuses étendues cultivables en soi n’ont pas fait l’objet de grands
travaux d’aménagement. Certaines sont cultivées selon les méthodes traditionnelles sans
contrôle correct et permanent de l’eau. Elles sont aménagées parallèlement soit par les
lanières de bananiers soit par des gabions qui permettent d'irriguer de plus importantes
superficies. Ainsi, dans la plaine, suivant les types de milieu considérés, l’importance, la
qualité et l’entretien des travaux d’aménagement, les pratiques rizicoles (calendriers, cycles,
variétés..) demandent à être adaptées.
Les problèmes qui se posent dans la production du riz de plaine sont liés à l’infrastructure,
aux semences et terroirs, à l’organisation de la collecte et à la transformation du paddy. Ce riz
ne pose pas des problèmes de transport. Pour qu’il soit compétitif par rapport au riz importé,
l’amélioration de la qualité et l’augmentation de la productivité sont nécessaires du fait de la
préférence des consommateurs tournée vers le riz burundais et tanzanien qui sont plus clairs.
Par rapport au riz pluvial, le riz irrigué de plaine présente donc l’avantage d’être aisément
disponible sur le marché une fois produit.
Il convient de trouver les meilleurs compromis entre d’une part, des aménagements
efficaces (privilégiant les « meilleures » variétés irriguées) et d’autre part, la recherche de
variétés convenant aux milieux hydro-pédologiques considérés, pour lesquels il n’est pas
indiqué d’investir dans des aménagements lourds s’ils s’avèrent en définitive peu adaptés.
Les riziculteurs de la plaine disposent de dotations de facteurs diversifiées. Ces dotations
sont physiques et humaines : les terres de la plaine de la Ruzizi présentent l’avantage de
pratiquer deux systèmes de culture de riz (pluvial et de plaine irrigué). Il est possible de faire
12
la culture deux fois par an. Les infrastructures d’irrigation
13
sont disponibles et l’espace est
très vaste et couvre une superficie de 80.000 ha, dont 6.000 ha pour la seule culture de
paddy. La main d’œuvre maîtrise bien la technique d’irrigation des casiers d’irrigation.
14
Peu de coûts de transport sont liés aux échanges et ces productions bénéficient d’un accès
privilégié aux centres urbains (Uvira, Bukavu, Bujumbura, Bugarama, etc). Les moyens de
transport, routiers et lacustres, sont diversifiés et permettent l’accès à différents marchés. Ceci
offre une flexibilité intéressante aux riziculteurs. A titre d’exemple, le responsable du CDC-
Kiringye nous mentionne que, selon les conditions de marchés, les paysans de la plaine
atteignent les marchés burundais par bateau ou rwandais et de Bukavu par camion (Batumike
(1997) et Morisho 2004).
2.3. Système rizicole des marais d’altitude
Ce système est en extension en moyenne altitude (± 1.750 m) dans les marais du Bushi
(Kabare, Walungu). Cette culture est aussi signalée à Luzira au Buhavu en territoire de
Kalehe. Les différents périmètres déjà irrigués sont situés à une trentaine de kilomètres de la
ville de Bukavu. En effet, des essais de riziculture irriguée des marais d’altitude ont été
effectués entre 1998 et à 2000 à Kavumu par la faculté des Sciences Agronomiques de
l’Université Catholique de Bukavu pour réagir à une demande de plus en plus grande du riz
importé. Forte de cette expérience, la faculté a aménagé en l’an 2000 un champ de deux
hectares et neuf tonnes de paddy y ont été récoltées (Walangululu, 2004).
A partir de 2001, la faculté des Sciences Agronomiques de cette université a décidé de
mettre à la disposition des paysans, sous forme de "bwasa"
15
, les aménagements exécutés
entre 1998 et 2000 à titre expérimental pour la riziculture irriguée, et de leur offrir un
accompagnement technique afin de mieux vulgariser la culture. Cette activité a été confiée à
son centre agropastoral pour la promotion de la production végétale et animale dans le milieu
paysan. De 2 hectares cultivés en 2002, la superficie a plus que doublé en 2003 atteignant 4,5
hectares, en 2004 la superficie a atteint 5,5 ha et 12 hectares en 2005.
A côté des riziculteurs de Kavumu, l’Alimenkina, le Bureau Diocésain de Développement
(BDD) et les Sœurs de la Résurrection de Miti ont aussi adopté cette culture. D’autres groupes
13
Le terroir bénéficie de la présence de plusieurs cours d’eau qui permettent l’irrigation.
14
Elle exige cependant beaucoup d’investissement en formation pour qu’elle devienne professionnelle. Les
intervenants interrogés font la distinction entre la main-d’oeuvre à la production et la main-d’œuvre professionnelle.
15
D’après les "Eléments de codification des coutumes foncières du Bushi" en l’article 43, le bwasa est une
forme de contrat locatif donnant à l’emprunteur le droit d’usage d’un terrain pour une courte durée (souvent une
seule récolte). Le prix de location se calcule conformément à la fertilité supposée et il y aurait un partage d’un surplus
éventuel.
13
et organisations de développement envisagent de la pratiquer au courant de cette année. Ces
propriétaires terriens ont reçu les semences de l’UCB par le truchement de son centre
agropastoral, garant de leur qualité. L’Alimenkina est la seule entreprise spécialisée dans la
production et la commercialisation du riz de marais d’altitude. Sur les 80 hectares qu’elle
possède à Mumosho, 28 hectares sont déjà aménagés et irrigués pour la culture du riz. Dans
cette concession, l’Alimenkina jouit d’un droit d’emphytéose et non de propriété. Pour le
BDD, 2 hectares avaient été aménagés pour la circonstance (actuellement l’expérience est
suspendue par manque de superviseur qualifié). Les sœurs de Miti ont aménagé 0.75 hectare
et bénéficient de l’appui du centre agro-pastoral de l’UCB. Au demeurant, certains paysans
disposant des lopins de terres dans des marais qu’ils cultivent sous un contrat de « Kalinzi ou
de Bugule
16
» ont déjà exprimé le souhait d’adopter cette nouvelle technique de production
rizicole.
En conclusion, la diffusion de la culture du riz irrigué en marais d’altitude n’est pas
encore effective sur tous les territoires du Bushi. Le riz n’est pratiqué à nos jours que sur
0.05% des marais d’altitude du Sud-Kivu. Des prospections concluantes ont été menées au
mois d’octobre-novembre par la faculté d’Agronomie de l’UCB, invitée par l’ASOP et le
Comité Inter-Marais du Bushi : 200 hectares qui pourraient être immédiatement mis en valeur
ont été identifiés dans le marais de Nyamubanda à Nyangezi et d’autres dans celui de
Nyalugana à Ciherano en territoire de Walungu. La mise en valeur de ces marais va permettre
à la longue une localisation plus accentuée de la filière dans presque tous les marais du Sud
Kivu.
Le niveau de développement du système du riz de marais dépend non seulement des
différences agro-écologiques et des différences d’accessibilité à la technologie mais aussi de
la capacité des ménages agricoles producteurs d'utiliser les divers intrants à bon escient.
Enfin, étant donné la proximité géographique de la zone de consommation, les problèmes liés
au transport ne se posent presque plus.
Section 3 : LA PROBLEMATIQUE DE LA LOCALISATION DE LA FILIERE RIZ AU
SUD-KIVU.
3.1. La problématique de la localisation
16
Ces deux contrats, sont des droits de propriété traditionnelle qui confèrent un droit de jouissance
perpétuelle aux usagers. Ces contrats peuvent passer des droits coutumiers de jouissance de la terre aux droits légaux
modernes, mais la procédure est lente, lourde, compliquée et non transparente. Pour plus d’informations, lire les
livres de Muheme G. et de Mugangu S.
14
Le concept géographique de localisation désigne aussi bien l’action de se localiser que son
résultat. L’ensemble des localisations d’activités de production constitue l’organisation
économique de l’espace géographique. La localisation influence considérablement le niveau
des prix des biens et services à cause des coûts de transport et des possibles avantages
comparatifs liés à une localisation spécifique. En effet, deux biens identiques mais disponibles
en deux lieux distincts doivent être considérés comme des biens différents du point de vue
microéconomique du fait de l’incidence économique de l’espace (coûts de transport, dotations
diversifiées,...). Ainsi la marque ou la qualité ou encore la localisation sont des éléments
parfois importants de la différenciation des produits. La compétitivité d’une région ou des
entreprises est déterminée par l’ensemble de ces facteurs et leurs mises en oeuvre adaptées
aux conditions des marchés locaux, des cultures locales ou encore à des réglementations
particulières.
La question de la localisation évolue entre la théorie ricardienne des avantages
comparatifs, relayée en économie agricole par les approches « coûts de production » des
exploitations (Butault et al, 1995) et le modèle des cercles concentriques de Von Thünen
(Kellerman, 1989ab). Ce modèle spatial permet d’expliquer la formation de certains bassins
laitiers ou maraîchers localisés autour de pôles urbains. Cette théorie se heurte toutefois à
l’hypothèse d’homogénéité de l’espace productif. Les nouvelles approches en terme de
localisation relevant de la nouvelle économie géographique, impulsées par le modèle de
Krugman (1991), intègrent aussi les coûts de transport, et notamment leur diminution sur
longue période, comme des facteurs de concentration géographique des activités en même
temps que des structures de marché diversifiées au plan spatial. Les extensions du modèle de
Krugman concernent principalement les questions relatives à la localisation des activités
industrielles
17
.
La spécificité de la localisation des productions agricoles, en comparaison avec celle des
activités industrielles, a été analysée. Considérant les hypothèses théoriques sur les
déterminants de la localisation et l’étude de la concentration des productions, Karine et
Maillard (2000) ont mesuré l’influence respective des facteurs relatifs aux coûts de production
agricoles et de la localisation de la demande sur les phénomènes de concentration
géographique des productions agricoles dans le cas de l’Union Européenne. Sont considérés
d’une part le coût d’accès à la demande communautaire, d’autre part le coût d’accès à la
17
Karine Daniel et Maillard Laurent (2000), La concentration géographique des productions agricoles et ses
déterminants : Une analyse pour l’Union européenne, Séminaire Economie de la Production INRA, Paris, 28 novembre
2000,
15
demande de "proximité" ou périphérique. Le coût d’accès à la demande communautaire a été
assimilé à un coût d’exportation sur le marché de l’Union, alors que l’accès au marché
périphérique représente un coût de transport "intra-régional" assimilable au coût
d’approvisionnement de la demande régionale. Nous verrons dans la section suivante qu’une
telle approche peut-être transposable au SudKivu.
Piet (2002), dans une étude sur la spatialisation d’un modèle d’équilibre général
calculable pour l’étude de la localisation des activités agricoles à une échelle infra-nationale,
dégage trois facteurs de localisation des activités agricoles : les facteurs humains internes à
l'agriculture (exploitant et exploitation), naturels (sol et climat) et humains externes à
l'agriculture (marché, Etat).
Les premiers constituent la composante historique et socioculturelle de la localisation
agricole. Ils incluent principalement les connaissances techniques et le caractère plus ou
moins innovateur des agriculteurs. Ils sont à l'origine de la persistance ou non de productions
très traditionnelles et anciennes
18
dans certaines régions ou de l'apparition de nouvelles
cultures ou types d'élevage dans certaines autres.
Les seconds comprennent principalement le sol, la topographie, le climat ainsi que les
contraintes agronomiques. Certaines cultures ne s'accommodent pas, en effet, de n'importe
quelles conditions pédo-climatiques et sont dès lors cantonnées à certaines gions.
L'existence de dotations naturelles différentes pour Ricardo dans sa théorie des avantages
comparatifs, est le moteur de l'échange entre régions. Elle conduit à une spécialisation
régionale, c'est-à-dire à une localisation différenciée des activités.
Même en agriculture le poids des facteurs extérieurs à l'homme semble plus lourd
encore que dans d'autres secteurs, l'existence de ces avantages comparatifs naturels peut, dans
certains cas du moins, être remise en cause grâce aux progrès des technologies de
production
19
.
Même en l'absence d'avantages comparatifs, des paramètres économiques conduisent à
une localisation différenciée des différentes productions agricoles. En effet, l'organisation des
cultures sous forme concentrique, s'établit au sein d'une plaine homogène et isotrope, le
18
Le riz est une culture ancienne pour la population de Shabunda et de Mwenga, ce qui justifie la localisation
de cette culture dans ces milieux même en l’absence d’autres facteurs de localisation. Les paysans ayant acquis une
certaine expérience sur la filière, et le riz étant leur alimentation de base.
19
Irrigation, culture sous serre ou encore mise au point de nouvelles variétés représentent autant de moyens
de s'affranchir de contraintes environnementales préexistantes.
16
fameux Etat isolé de Von Thünen, aucun point de l'espace n'est a priori plus favorable
qu'un autre à telle ou telle production. Ce zonage de l'espace se déduit uniquement de la
décroissance de la rente foncière calculée comme la différence entre le prix de vente espéré au
centre et les coûts de production et de transport. Est ainsi mise en lumière l'importance de la
troisième catégorie de facteurs de la localisation, l'environnement économique et l’espace
comme facteur de détermination des coûts, principalement de transport.
L’étude de l'influence du facteur économique dans la localisation fait désormais appel à
des notions économiques plus variées et à des processus plus complexes que dans le modèle
initial de Von Thünen. Si l'on peut garder aujourd'hui encore une définition de la rente
foncière équivalente à la sienne, tout l'intérêt est d'étudier comment se forment et se
modifient, d'une part, les prix de vente au(x) centre(s) et, d'autre part, les coûts de production,
sous l'influence de la demande intermédiaire ou finale, de la disponibilité des facteurs de
production, des politiques publiques, bref de l'ensemble des processus économiques en amont
et en aval.
En conclusion, les facteurs naturels et économiques, ainsi que les facteurs socio-culturels,
sont en étroite interaction. Un modèle de localisation devrait idéalement tenir compte de
l'ensemble de ces facteurs plutôt que privilégier uniquement les uns ou les autres et rendre
compte de leur interdépendance. Le rôle des avantages comparatifs dans la localisation de
certaines productions agricoles apparaîtrait vraisemblablement plus faible que ce que l'on
pourrait croire. Remarquons que leur effet est finalement de modifier éventuellement les coûts
de production et que leur étude devrait donc, elle aussi, être intégrée dans le cadre d'une
approche économique de la localisation.
3.2. L’analyse de la localisation des productions agricoles au Sud–Kivu
Les hypothèses théoriques sur les déterminants de la localisation abordées dans la section
précédente peuvent nous aider à mieux comprendre les phénomènes de localisation et de
concentration géographique des productions rizicoles au SudKivu
20
. Elles présentent
l’avantage de prendre en compte à la fois les avantages comparatifs, les liens d’offre et de
demande, les facteurs humains et naturels. Nous nous proposons de vérifier empiriquement
que des facteurs naturels et historiques influencent de manière significative le processus de
localisation de la production du riz en plus des dotations de facteurs et des effets des
ressources scientifiques et technologiques. L’évolution de la localisation de la filière au sein
20
Nous nous inspirons des approches de Karine et Maillard (2000), Piet (2002) et Midelfart et alii (2003) cité
par Batisse et Poncet (2004).
17
des territoires du Sud-Kivu ne peut être totalement comprise sans tenir compte aussi de ses
singularités internes comme par exemple, le relief, le climat, l’hydrographie, les habitudes
alimentaires, la quantité de la terre, l’infrastructure, le marché foncier,...
D’une manière générale, la localisation des zones de production du riz est confrontée aux
contraintes spécifiques de production, notamment l’accès à la terre, ses qualité et quantité
pour la culture du riz, la disponibilité de la main-d’œuvre, la technique de production,
l’accessibilité et le niveau d’utilisation des intrants, l’infrastructure d’irrigation, la fréquence
du risque de production, la fertilité du sol et la durée des périodes de jachère, l’accès à la
vulgarisation et aux organisations rurales. Les moyens de transport qui permettent
l’évacuation des produits font défaut alors que la majorité des zones de production sont
situées à de centaines de Km des marchés de consommation. Et pourtant la présence des
moyens de transport devrait permettre aux différentes zones de production rizicoles de
répondre facilement à la demande croissante en riz des centres urbains et miniers. La
concurrence entre les vendeurs et les acheteurs en minimisant les coûts de transport serait
ainsi possible. L’interaction entre agents en tant que facteur de localisation de la production se
trouve entravée par ce manque de moyens de transport. La liaison entre d'une part les
productions présentées par les divers sites cultivateurs à des coûts divers et d'autre part la
demande générée de manière centripète par l'effet d'agglomération n'arrive souvent pas à se
nouer. La contrainte est liée à l’immobilité de certains facteurs de production et par la
localisation de la demande du consommateur final. Seul le riz irrigué de marais d’altitude et
une partie du riz irrigué de plaine bénéficient d’un transport bien organisé et d’un accès facile
à la demande finale et aux entreprises utilisant le riz comme consommation intermédiaire bien
que les infrastructures de transformation soient rares. Dans certains territoires (Mwenga et
Shabunda), la localisation des zones de production n’est liée ni à une grande disponibilité de
la main-d’œuvre, ni à l’accès à la terre et à la demande des centres de consommation mais
plutôt aux effets d’accidents historiques et aux habitudes alimentaires de la population
autochtone alors que dans d’autres territoires l’accessibilité au marché de consommation et les
effets des avantages comparatifs déterminent nettement cette localisation. En dernière
instance, les trois types de système de culture de riz représentent de véritables « modes de
production » différents.
21
Toutefois, qu'il s'agisse de culture de riz irrigué en périmètres
l'on amène de l'eau (dans la plaine de la Ruzizi) ou en marais (qu'il s'agit au contraire de
drainer), il y a une limite supérieure à la production car le nombre d'hectares aménageables
21
Le concept de « mode de production » fait férence à la cohérence interne entre les facteurs
technologiques, institutionnels (juridiques, hiérarchiques) qui caractérisent la mise en œuvre économique d’une
production déterminée et la répartition des revenus qu’elle entraîne.
18
n'est pas illimité. Par contre en ce qui concerne le riz pluvial qui se cultive en petites clairières
taillées dans la forêt (environ un demi-hectare), les espaces forestiers dans les territoires de
Mwenga et Shabunda sont si vastes que l'on peut augmenter presque sans limite les espaces
emblavés en riz pluvial.
Les territoires disposent des dotations des facteurs différents et supportent des coûts de
transport sur les échanges. Les dotations sont l’accès à la terre
22
, l’équipement et le travail
familial. La terre est l’ensemble des superficies des parcelles cultivées en riz par le ménage.
Elle est reconnue comme une source primordiale de richesse, de statut social et de pouvoir.
Elle est la principale source d'emploi dans les régions rurales. La disponibilité des terres est
une question essentielle car celle-ci est une composante cruciale de la production alimentaire,
avec des implications directes en matière de logement comme de développement
communautaire.
Les questions des modes d'accès à la terre, dans le cadre des projets et des programmes de
développement de la filière, ont une incidence directe sur les modes de subsistance et la
sécurité des populations localisées dans un espace déterminé, non seulement dans les régions
rurales mais également dans les contextes urbain et périurbain
23
. Négliger les intérêts fonciers
des parties prenantes, quelles qu'elles soient, en matière de développement ou de réforme des
ressources foncières, peut être à l'origine de problèmes de délocalisation de la culture et
d'inégalités qui risquent, de façon involontaire, de se percuter sur les catégories les plus
vulnérables et les plus défavorisées de la société.
Au Sud-Kivu, la localisation des différents systèmes rizicoles dépend de la disponibilité
des terres et de leurs modes d’accès. La nature des terres est différente selon que l’on se
trouve dans un système de riz pluvial, irrigué de plaine ou de marais d’altitude. Les disparités
régionales en termes de climat, de qualité du sol, de relief, en termes de mode d’accès à la
terre et aux moyens de communication et en termes de densité de la population sont autant de
facteurs qui déterminent la localisation. Une pression sur les terres disponibles est donc
observée dans les régions densément peuplées. La dynamique économique de la filière paraît
liée à la disponibilité des terres.
22
Par accès à la terre, il faut attendre ici la disponibilité des terres et les différents mécanismes de transaction
sur le marché foncier.
23
Certains ménages des villes pratiquent la culture rizicole de basses altitudes et des hautes altitudes. Ils
utilisent une main-d’œuvre journalière dans leurs rizières. La terre qu’ils exploitent est régie soit en kalinzi, soit en
bugule ou encore en bwasa. Pour certains la culture constitue leur moyen de survie. Le foncier étant un support non
négligeable des activités de productions rizicoles, ce facteur est au centre de l’activité de production agricole.
19
3.2.1. Le riz pluvial
La localisation du riz pluvial renvoie à la notion des zones concentriques de Von Thünen
pour certains territoires comme Uvira. La présence des dotations factorielles et des avantages
comparatifs déterminent la localisation. Dans la plaine de la Ruzizi, les habitudes alimentaires
n’interviennent pas dans la localisation de la production. Elle dépend plutôt de l’existence
d’une demande solvable de la population urbaine, de l’accès à la demande de l’entreprise
locale de production de bière et de la présence d’un climat et d’une terre favorables à la
culture du riz.
Dans les territoires de forêts, ce sont au contraire les habitudes alimentaires, les conditions
climatiques et la demande des centres miniers qui déterminent la localisation. Les problèmes
d’accès à la demande des centres de consommation et à l’offre des intrants constituent une
véritable contrainte à la localisation de la culture. Les voies de communication sont quasi
absentes et les coûts de collecte sont élevés à cause du manque des routes de desserte
agricoles, les lieux de production étant éloignés des lieux d’habitation. Une diminution
suffisamment importante du coût de transport des produits agricoles et la création des voies de
communication adéquates favorisent l’augmentation de la production agricole car la
population réalise une économie d’approvisionnement en intrants agricoles. Quand les coûts
de transports des biens et services sont très faibles, la compétitivité des productions locales est
influencée par le prix. Les conditions d’accès à la terre ne constituent pas une véritable
entrave à la localisation de la culture étant donné que c’est le premier à avoir occupé la terre
qui en assure le droit de jouissance bien que l’Etat congolais soit le seul propriétaire des sols
et sous-sols se trouvant sur son territoire. Les terres qui permettent l’intensification de cette
culture du riz sont disponibles.
24
Mais les institutions foncières traditionnelles continuent à
jouer un rôle significatif dans les prises de décision d’accès à la terre. De plus, elles
permettent le cas échéant la gestion de grandes surfaces de terres d’une manière relativement
stable et cohérente. Les espaces agricoles, en riz pluvial notamment, couvraient jusqu’en 1981
une superficie d'environ 66.000 ha
25
. Des possibilités d’augmentation existent au cas on
décidait de développer cette filière.
24
Plus d’un million d’hectares de terres qui peuvent être utilisées pour la culture de riz sont encore
disponibles dans les territoires de Shabunda, Fizi, Mwenga et Kalehe.
25
Cfr Joseph Kyalangilwa, Programme Agricole Minimum : le riz pluvial, réalisation du P.A.M. dans le Kivu,
1981.
20
Un obstacle à la localisation de la culture et à son développement dans cette zone de forêt
pourrait être la découverte des matières premières dans un site qui lui serait consacré. Ceci
pourrait conduire à une expropriation du paysan par le chef coutumier du milieu alors que son
bien-être et la dynamique des relations villes-campagnes et la stabilité de la population
dépendaient de la culture du riz. Dans ces conditions la disponibilité des terres devient source
de conflits et de pauvreté. Les paysans se trouvent donc dans une situation d’insécurité
juridique quant à l’accès à la terre par rapport à leur tenure foncière. Une politique foncière
incitative au développement de la filière se traduirait dans le cas d’espèce par la sécurisation
foncière du producteur ou, à tout le moins, par le payement de compensations adéquates en
cas d’expropriation
26
.
3.2.2. Le riz irrigué de plaine ou de basse altitude
Pour le riz irrigué de plaine la localisation est déterminée à la fois par la disponibilité des
infrastructures d’irrigation et de transformation, la géographie et l’accès au marché. De façon
intuitive, du fait de la faiblesse des coûts de transport, la distribution spatiale devrait être en
partie déterminée par l’interaction des caractéristiques du milieu et des conditions d’accès à la
terre. La terre utilisée en agriculture, simple support pour l’activité industrielle, est un facteur
fixe par définition. Son utilisation du fait de sa localisation génère des coûts de transport
spécifiques. Ces coûts au sein des exploitations induisent, à partir d’une certaine dimension de
l’exploitation, des rendements d’échelle décroissants (Boussard, 1997). Au niveau des bassins
de production, la dispersion des exploitations sur le territoire génère des coûts liés à la
collecte
27
des produits dans les exploitations. Ces coûts de transport, ou coûts de collecte,
diffèrent selon le niveau d’intensification de la production sur le territoire, et sont donc un
facteur favorable de compétitivité régionale d’un éventuel secteur agro-industriel
28
. Le
territoire d’Uvira compte de larges espaces cultivables pour le riz irrigué que l’on appelle
communément « périmètres irrigués » et dont la potentialité se chiffre à plus ou moins 5.000
hectares. Mais la pression foncière entre la culture de la canne à sucre, de l’arachide, du
coton, du manioc et du riz détermine de fait l’intensification de la culture du riz. La chute de
la production de la canne à sucre qui a conduit à l’arrêt des activités de la sucrerie de Kiliba a
mis au chômage environ 3.000 employés dont 80% de manœuvres recrutés lors des
26
Faut-il alors dans le cas d’espèce accroître la sécurité foncière des paysans ? Cela dépend de ce que l’on veut
atteindre. Il se peut en effet qu’il y ait un arbitrage à faire entre efficience et équité.
27
La dimension spatiale de l’activité de production agricole engendre une dispersion des unités de production
sur le territoire. Cette dispersion génère un coût de transport spécifique relatif à la collecte des produits dans les
exploitations. La collecte permet de centraliser la production au sein de chaque région.
28
Par contre l’exploitation du quinquina par la société Pharmakina était un exemple de l’importance des coûts
de collecte : ses itinéraires de collecte étaient très dispersés et cela pesait sur les coûts de production.
21
campagnes. Leur conversion en riziculteurs a permis une amélioration de leurs conditions de
vie. La reprise des activités de la sucrerie de Kiliba risque maintenant de les déposséder des
terres qui furent occupées par eux pour la production durant la période d’arrêt de la sucrerie et
de ce fait conduire à une délocalisation accentuée de la culture rizicole dans cette zone
29
.
3.2.3. Le riz irrigué des marais d’altitude
La localisation du riz irrigué en marais d’altitude est déterminée à la fois par les dotations
en facteurs de production et les facteurs naturels. L’intensité des dotations en facteurs, pour
comprendre la localisation de ce type de culture, intervient conformément à la théorie
standard. Les structures de production sont également influencées par la localisation de la
demande de plus en plus grande de la population urbaine. Les interactions entre agents
(consommateurs et producteurs) sont ici considérées comme déterminantes de la localisation.
A côté des dotations de facteurs, de ressources naturelles et des forces de la nouvelle
économie géographique, les recherches agronomiques influencent la localisation de ce type de
riz.
La culture de riz de marais d’altitude est une innovation dans la province et sa localisation
va dépendre de l’adoption de cette nouvelle technique de production. En effet, le riz des
marais d’altitude n’avait jamais été cultivé dans le Kivu montagneux et cette culture peut à la
longue suppléer le manioc, peu nutritif. Le riz d’altitude est une des variétés adaptées aux
basses températures dont la localisation tient compte des avantages comparatifs et de la
disponibilité des terres. Sa diffusion va dépendre de ses résultats. Sur 52 exploités interrogés,
70% estiment les résultats atteints satisfaisants. Ils ont déclaré être en mesure de subvenir aux
besoins monétaires de leurs familles grâce à la culture du riz. 20% des paysans de Kayanja
toujours en groupement de Bugorhe ont déclaré avoir adopté la culture depuis 2003. Mais le
manque de structures d’encadrement a entravé le développement de la production.
D’autres ménages cultivant en marais dans les territoires de Walungu et de Kalehe
souhaiteraient adopter cette culture mais demandent d’abord d’être formés car celle-ci
demande une connaissance parfaite des différentes techniques d’irrigation. L’accès à la
technologie donnée nécessite au préalable la diffusion de l’information de son existence, ses
caractéristiques, son prix, son rendement qui permet sa propagation dans le milieu. On trouve
aujourd’hui au Bushi plusieurs sources d’information informelles qui contribuent à la
29
Un problème de choix se pose alors entre la culture du riz et celle de la canne à sucre. Cette même situation
est observable pour la culture du riz irrigué des marais d’altitude.
22
diffusion des technologies agricoles, mais pour la culture du riz de marais d’altitude, seule
l’Université Catholique de Bukavu à travers son Centre Agro-pastoral de Kavumu se propose
aujourd’hui de diffuser cette culture. 75% des ménages riziculteurs affirment avoir reçu une
assistance de l’université en termes de fourniture de semences, d’encadrement, de formation
et conseil et l’appui d’un organisme de développement (PAIDEK) en terme de crédit à la
production. 100% disent avoir reçu de la FAO des outils de production et 25% reconnaissent
avoir reçu des semences que celle-ci avait acheté à son tour au Centre Agro-pastoral de
Kavumu.
Cette présence du Centre Agro-pastoral Kavumu fait qu’on ne peut localiser les seuls
riziculteurs de riz irrigué de marais d’altitude qu'à ses alentours. Cette présence est due au fait
que l’UCB y dispose d’un marais qu’elle utilise pour l’expérimentation des différentes
variétés et qu’elle accorde aux paysans riziculteurs sous forme de bwasa. En d’autres termes,
c’est l’importance croissante de la demande, la disponibilité des ingénieurs agronomes et les
modes d’accès à la terre qui déterminent la localisation du système rizicole de marais
d’altitude.
Selon le Comité Inter-Marais, le Bushi est couvert d’une étendue d’environ 8.000 hectares
de marais qui, mis à profit pour la culture de riz, pourraient non seulement produire assez de
riz pour nourrir la population de la province, mais en vendre aussi aux provinces voisines. La
très forte compétition foncière entre le riz, la canne à sucre
30
et les autres céréales (maïs et
sorgho) et les cultures maraîchères constitue toutefois une entrave sérieuse à l’implantation de
cette culture. En effet les cultures maraîchères sont très développées au SudKivu, les marais
destinés à la culture du riz ne sont pas nombreux. Dans nos enquêtes, 80% des riziculteurs ont
déclaré être des producteurs de tomates et de choux et 35% des producteurs de sorgho.
L’intensification va pendre de la haute valeur ajoutée que présente la production du riz
comparée à celle de la production maraîchère et autres cultures.
Un autre facteur de localisation est la nature de l’équipement de production et
transformation. L’équipement agricole est la valeur investie dans l’acquisition des outils
utilisés par le ménage pour la production. Il est principalement constitué d'outillage manuel
(coupe-coupe, haches, machettes, houes,...), mais également de charrues, de herses et de
sarcleuses pour la culture attelée et de charrettes pour le transport. Les riziculteurs de Kavumu
et Kayanja utilisent tous des équipements manuels (houes, pelles, tridents, machettes,...). 99%
30
La canne à sucre de bouche est cultivée par les paysans pour des fins monétaires. Elle est consommée par
la population rurale et urbaine (Uvira et Bukavu) en mâchant des tronçons de canne ou sous forme de boisson
appelée « VINCA, vin de canne à sucre ». Elle prend place dans les marais d’altitude du Bushi.
23
des ménages producteurs de riz possèdent ces équipements. Pour le transport vers le lieu de
décorticage, ils utilisent les porteurs familiaux qui transportent des sacs de 50 kg de paddy,
sur leurs têtes pour les hommes et sur le dos pour les femmes. Tous les riziculteurs affirment
n’avoir vu la décortiqueuse pour la première fois que le jour de l’inauguration de son
installation au mois de décembre 2004. Avant cette période le paddy était transporté par
camion à Mumosho à plus ou moins 50 km du centre de production, à l’Alimenkina, la seule
entreprise rizicole qui se spécialise aujourd’hui dans cette culture de riz de marais d’altitude.
Cet état de chose n’encourageait pas les riziculteurs étant donné qu’ils devaient attendre
plusieurs mois avant de voir leur riz décortiqué. Certains affirment même qu’il y a eu des
moments leur paddy a été attaqué par des charançons. La présence aujourd’hui de cette
décortiqueuse à côté des rizicultures va ainsi permettre une localisation plus accentuée de la
culture. Elle va même permettre aux riziculteurs de riz pluvial de Bunyakiri d’augmenter leurs
espaces cultivables étant donné que les marchands de paddy n’auront plus de difficultés de
décortiquer le paddy en provenance de cette zone car Kavumu est entre Bukavu, centre de
consommation, et Bunyakiri, centre de production. D’après le comité d’encadrement des
riziculteurs de riz pluvial de Bunyakiri, le manque d’équipement de transformation et des
semences améliorées est un grand handicap à la diffusion de la culture du riz. Le problème
soulevé par les riziculteurs est donc en train de trouver des solutions. A terme, l’installation
d’une décortiqueuse à Bunyakiri s’avèrera toutefois nécessaire.
Le travail familial est une autre variable déterminante dans l’étude de la localisation de la
filière riz de marais d’altitude au Sud–Kivu. Le travail familial est l'ensemble des jours de
travail agricole déclarés par les membres du ménage soit au titre de leur activité principale,
soit au titre d'activité secondaire. Cette déclaration d'activité comporte quatre modalités de
participation : à plein temps, à mi-temps, saisonnièrement et quelques heures par semaine.
L'enquête montre que 50% du travail familial agricole est utilisé pour la production du riz.
Les travaux débutent au mois d’octobre par l’aménagement de la pépinière et se terminent au
mois d’octobre par la récolte et le décorticage du paddy. Au moins 95% des riziculteurs
affirment avoir fait recours à une main d’œuvre extérieure et familiale sous forme soit
d’entraide soit de travail salarié. 81% ont utilisé une main-d’œuvre journalière pour les
travaux de semis, de sarclage, de récolte et de transport de la riziculture jusqu'au lieu
d’entreposage. 98% disent avoir fait recours à la main d’œuvre familiale durant le semis, le
sarclage, la récolte, le vannage et le transport jusqu’à la maison. 2% seulement des paysans de
notre enquête n’ont recours ni à la main d’œuvre familiale, ni à l’entraide. Le seul moment où
24
l’entraide intervient dans les activités des riziculteurs prend place pendant la canalisation des
eaux pour l’irrigation.
La taille du ménage joue donc un rôle crucial dans la localisation de la filière. D’autant
plus que l’augmentation des espaces cultivables demandent qu’on puisse accroître la main-
d’œuvre pour la période de semis. Un grand espacement de cette période peut entraîner des
pertes en termes de rendement. Cette situation est souvent observée au sein de l’Alimenkina
qui réalise une moyenne de 3 à 3.5 tonnes au lieu d’une moyenne de 4.5 tonnes réalisée par
les paysans de Kavumu. La raison en est l’augmentation des étendues de riz sans une
augmentation corrélative de la main-d’œuvre. En d’autres termes, la variable « dotations
familiales » interagit de manière complémentaire avec l’intensité d’utilisation du capital
humain, appréhendée par le rôle de la taille du ménage sur la production de chaque famille.
Enfin, les dotations familiales en main-d’œuvre ayant déjà acquis une certaine expérience de
ce type de culture ont une incidence évidente sur le rendement. Certains enquêtés nous ont
indiqué être en mesure de faire la culture sans pour autant faire recours à l’expérience des
agronomes de l’UCB
31
. Dans ces conditions les produits rizicoles sont différenciés en qualité
et en quantité selon leur origine géographique. Ceux provenant de Kavumu seront moins
chers
32
parce que la productivité factorielle de la terre du ménage de Kavumu est supérieure à
celui de l’entreprise Alimenkina malgré son éloignement du marché de consommation.
3.2.4. L’accès à la terre
L’accès à la terre joue un rôle primordial dans la localisation de la culture du riz en
système irrigué de marais d’altitude au Sud–Kivu. La culture du riz de marais d’altitude est
une activité qui se développe afin de répondre à une demande excédentaire en produits
alimentaires émanant des populations rurales et urbaines. Les zones marécageuses permettant
de faire la culture du riz sont très nombreuses. La zone la plus active, où l’on pratique pour le
moment la culture, est localisée à Kavumu et à Mumosho en territoire de Kabare et à
Nyangezi en territoire de Walungu. Les essais des variétés qui ont été développés ont donné
31
Nous avons même assisté durant notre enquête a une leçon de formation qu’un des riziculteurs de Kavumu
a dispensé à ses collègues riziculteurs de Kayanja.
32
Parce que pour une même étendue de terres cultivées, les paysans de Kavumu réalise un rendement plus
élevé que l’entreprise Alimenkina. Le ménage disposant d’une main-d’œuvre leur permettant d’augmenter la
superficie cultivée sans pour autant faire des dépenses supplémentaires en termes de rémunération du facteur travail,
celui-ci étant familial et gratuit.
25
des résultats concluants
33
. C’est pourquoi, les superficies cultivées ont été augmentées
dépassant 40 hectares en l’espace de 4 ans.
L'augmentation progressive des productions serait due autant à une augmentation des
superficies cultivées qu'à l'augmentation des rendements. Seulement, pourrait être observée
une relative stagnation des productions due à plusieurs facteurs de dégradation et de
raréfaction des ressources qui avaient été jusqu'ici favorables aux productions. L’accès à la
terre est très onéreux pour les paysans et d’une campagne à une autre il n’ y a aucune garantie
donnée au producteur de pouvoir continuer à pratiquer sa culture dans les mêmes champs, les
riziculteurs étant des locataires de terres et non des propriétaires.
Les menaces constituées par les facteurs d’accès à la terre et le manque de communication
territoriale constituent un très grand handicap à l’intensification et à la localisation effectives
de la riziculture. La région comprend une vaste étendue de terre, mais dénote des
particularités
34
qui doivent être prises en compte quant au mode d’accès aux terres agricoles
par les riziculteurs.
Pour la culture rizicole en marais d’altitude, les exploitants accèdent à la terre sous les
régimes de bwasa, de kalinzi
35
et de bugule. Les marais appartiennent aux chefs coutumiers, à
certains paysans qui les ont acquis par héritage, à certains planteurs, à des institutions de
formation et à des dénominations confessionnelles. L’acquisition des terres par le bugule
36
n’est pas très développée pour ce type de terre. Elle est plus favorable aux ménages riches
qu’aux ménages pauvres, les premiers disposant de plus de moyens pour l’achat de la terre.
En conséquence, l’inégalité dans la possession des terres est grande sous ce régime foncier.
33
Les variétés de riz qui ont été introduites sont V0 46, FC 53, FC 57, FC 908, FC 911, FC 46, FC 59, FC
18, FC 234 et FC 911. De toutes ces variétés, la variété de riz V0 46 s’est très bien adaptée et produit 4,5 tonnes de
paddy à l’hectare.
34
Si les paysans des zones de forêt accèdent a la terre par un simple défrichage, le premier occupant étant
considéré comme propriétaire de la terre, ceux des zones de savane doivent se conformer à plusieurs modes d’accès
que sont le kalinzi, le bwasa et le bugule, etc. pour le Bushi ; et ceux de la plaine de la Ruzizi par des contrats de types
coutumiers et juridiques.
35
Le kalinzi est un échange d’une attribution foncière exigeant une soumission à l’autorité du donateur. Même
un étranger peut obtenir un kalinzi à condition d’accepter le « kushiga » ou « faire acte d’allégeance », c'est-à-dire
encore accepter d’habiter une terre moyennant des rentes foncières. Le kalinzi n’est en rien un don, ni un prix d’achat
car la terre soumise est inaliénable. En effet, il s’agit d’un droit d’user de la terre à long terme, sauf abandon. Le
contrat du kalinzi ne comprend pas la notion du droit d'« abusus » (jus abutendi : droit de disposition), le fait
d’abandonner ou de ne pas mettre en valeur son terrain. Le détenteur de la terre en kalinzi jouit seulement de l’usus
et du fructus.
36
Bugule, comme le nom l’indique en langue mashi, signifie « le fait d’acheter ». Le bugule est l’achat en
pleine propriété d’un terrain aux conditions fixées par la codification des coutumes et qui n’a pas de relation avec les
dispositions du code civil relatives aux biens. Le contrat bugule s’érige en forme évoluée du kalinzi exigeant certaines
garanties du propriétaire, notamment l’usage du cadastre pour se rassurer sur la légitimité de la propriété.
26
Puisque les paysans pauvres possèdent moins de terres et n’ont pas accès aux marais pour
pratiquer la culture du riz ni assez de moyens financiers pour procéder à l’achat d'une terre, la
seule voie d’accès qu’ils utilisent est le marché de location. Dans nos enquêtes, 52 paysans
étaient soumis à un contrat «bwasa » à Kavumu en 2003 et 80 autres se sont fait inscrire pour
la campagne de décembre 2004. La terre est mise en location par des grands fermiers à un
groupe de paysans. Un exemple de contrat de bwasa est celui signé entre les paysans de
Kavumu en tant que locataires de terre et l’Université Catholique de Bukavu en tant que
fermier-propriétaire. La durée du contrat est de 7 mois, allant de décembre à juillet. Le
montant de la location est de 80 US$/hectare, repartis en deux tranches selon la possibilité du
locataire. Cette somme représente un peu plus de 15% des coûts de production. La première
tranche est payable en espèces et au début de la campagne, alors que la deuxième peut être
acquittée en espèces ou en nature (en la prélevant sur la production du paddy). Pour un casier
de 25m x 62.5m, la somme à payer est de 12.5$ payable en deux tranches, 5$ au début de la
campagne et 7,5$ à la fin de la campagne en espèce ou en nature (37,5 kg de paddy).
Le contrat de location (« bwasa ») établi est conclu entre tout paysan ou non désireux
d’apprendre comment pratiquer la culture du riz de marais d’altitude. Ces terres sont données
aux paysans dans l’objectif de permettre au propriétaire terrien d’avoir des périmètres irrigués
bien aménagés afin d’y pratiquer à son tour à la prochaine campagne la culture du riz lui-
même. L’aménagement des périmètres pour les fermiers est en effet coûteux et la supervision
des travaux de drainage et d’irrigation complexe. Les riches préfèrent donc louer leurs terres à
court terme parce qu’ils savent que les coûts d’aménagement des casiers sont élevés lors de la
première campagne rizicole.
Ce contrat met l’agriculteur dans une situation de grande insécurité foncière car le fait
d’avoir aménagé un périmètre ne lui donne pas la certitude de pratiquer la même culture à la
prochaine campagne. Elle pourrait, à la longue, constituer une entrave à l’intensification de la
production dans cette localisation et au développement des relations villes-campagnes, du
moins celles qui sont concernées par la filière riz. L’insécurité foncière apparaît ici donc
comme un élément parmi d’autres qui bloque les processus d’intensification de
l’agriculture et de renouvellement des ressources naturelles. Sans véritable assurance de
pouvoir conserver sa terre, tout paysan sera réticent à investir du travail ou du capital pour la
bonification et la durabilité de ses terres agricoles (Teyssier, 2000). Tout dépend de la volonté
du propriétaire terrien. Dans ces conditions, les paysans ne sont pas utilisés pour accroître la
production mais plutôt pour permettre au propriétaire terrien d'aménager ses marais,
autrement dit d'augmenter la valeur de sa propriété.
27
L’aménagement de ces marais apparaît ainsi comme une forme d’exploitation pure et
simple des agriculteurs pauvres et pourrait à la longue déboucher sur des conflits d’intérêts
entre locataire en bwasa et propriétaires fonciers, conflits engendrés par des cessions de terres
irrégulières et imprécises. Une étude menée à Madagascar indique que la location des terres
sous des contrats imprécis comme le métayage est un problème foncier de taille surtout
lorsque qu’il est répandu sur les périmètres irrigués.
37
Les résultats de notre enquête indiquent
un taux de bwasa des surfaces de riz de marais d’altitude de 99 % dans le marais de
Nyacibamba à Kavumu. Dans la mesure où presque tous les marais du Bushi sont concernés,
le bwasa apparaît ainsi comme un facteur structurel de blocage à l’intensification et à la
localisation de la culture du riz de marais d’altitude et même du riz irrigué de plaine au Sud-
Kivu. La plupart des aménagements agricoles créés par les investissements des locataires en
bwasa (et des financements issus de dons extérieurs) et la plus-value qui en découlent
finissent par générer une rente foncière pour les non-exploitants propriétaires. Il s'agit sans
doute d'une dérive et d'un détournement de finalité de ces programmes d’aide aux paysans
pauvres, sur lesquels donateurs et structures bénéficiaires auraient dû être plus vigilants.
Cette situation menace les objectifs d’amélioration de la productivité et d’autosuffisance
alimentaire en riz. Cela a pour conséquence l’instabilité des exploitations, la précarité de
certaines occupations et la faible garantie que constitue une exploitation agricole dont l'auteur
n'est pas propriétaire du sol. L’origine initiale et directe de ces conflits pourrait être non pas
un conflit sur l’accès et l’usage de la terre, mais plutôt la remise en cause inattendue par le
riziculteur du contrat. La question foncière, la nature des contrats, demeure ainsi une
préoccupation pour le futur, surtout dans le développement de la productivité de cette culture
de rente pour le paysan dont la durabilité exige une sécurisation foncière particulièrement
forte. Stifel et al (2002, cité par Minten et Razafindraibe, 2003) montrent à partir d’une
fonction de production, que toutes choses restant égales par ailleurs, les titres de propriété ne
semblent pas conduire à une productivité plus élevée. Il est possible qu’il en soit ainsi à cause
du manque de maîtrise de la technique de production par les titulaires de titres de propriété ou
encore par la nature des relations sociales de production qui caractérisent l’exploitation des
propriétés agricoles. En tout état de cause, nos enquêtes montrent que la productivité par
hectare des métayers de l’UCB est de 4,5 tonnes à l’hectare alors que celle de l’Alimenkina
qui possède un titre d’emphytéose est de 3 tonnes à l’hectare.
37
DROY, (1997), Que sont les greniers à riz devenus? , in Economie de Madagascar N°2, 1997, cité,
RASOLOARISON, O., RAKOTOVAO, J.-M., et BOCKEL, L., (2001),
Accès au capital, crédit, accès au
foncier et pauvreté rurale à Madagascar
, Note d'analyse UPDR.
28
Face à cette situation conflictuelle, et aussi pour d’autres raisons comme la recherche
d’une plus grande efficacité dans l’allocation de la ressource foncière par la sécurisation et le
caractère transférable des droits, le législateur congolais devrait chercher une solution
d’ensemble. Cette solution pourrait passer par une définition du métayage en faveur d’une
meilleure curisation des agriculteurs paysans pauvres sans pour autant léser les fermiers.
Ceci devrait permettre une plus grande diffusion ultérieure de la culture du riz.
29
Tableau 3
Synthèse des facteurs de localisation de la filière au Sud-Kivu
Localisatio
n
Système de
Culture
Dotations, Contraintes de
production
Transports
Proximité des marchés
Demande locale
Shabunda
Mwenga
Système rizicole
pluvial
Conditions climatiques
favorables à la culture, et
conditions d’accès à la terre
favorables à la localisation
de la culture étant donné que
c’est le premier à avoir
occupé la terre qui en assure
le droit de jouissance.
Production dispersée,
stockage difficile. Main
d’œuvre peu disponible à
cause de la compétition entre
le secteur minier et agricole.
Problèmes d’accès à la
vulgarisation et aux
organisations rurales. Faible
utilisation des intrants.
Décorticage manuel au pilon,
ou à l’aide de petites
décortiqueuses mais souvent
le courant électrique fait
défaut.
Le transport génère des
coûts élevés. Les
moyens de transport
qui permettent
l’évacuation des
produits font défaut
alors que la majorité
des zones de
production sont situées
à de centaines de km
des marchés de
consommation.
L’absence des routes a
réduit la production à la
simple auto-
consommation.
Approvisionnement
difficile à maîtriser.
Manque d’information
sur les prix et rareté des
circuits fiables de
distribution.
Habitudes alimentaires,
demande des centres
miniers, mais les
problèmes d’accès à la
demande des centres de
consommation et à l’offre
des intrants constituent
une véritable contrainte à
cette localisation de la
culture.
Uvira
Système rizicole
irrigué de basse
altitude (avec
quelques
possibilités de riz
pluvial).
La présence des dotations
factorielles diversifiées et
des avantages comparatifs
détermine la localisation :
- climat et terre sont
favorables à la culture du riz.
- disponibilité des
infrastructures d’irrigation et
de transformation.
Les moyens de
transport sont
diversifiés: routier,
lacustre, et permettent
l’accès à différents
marchés. Cela offre une
flexibilité intéressante
aux riziculteurs.
Accès faciles aux
différents marchés de
consommation et
d’approvisionnements en
intrants. Circuit de
commercialisation
développé.
La localisation dépend de
l’existence d’une
demande solvable de la
population urbaine (Uvira
et Bukavu), et aussi de
l’accès à la demande de
l’entreprise locale de
production de bière.
30
- main-d’œuvre disponible
en quantité suffisante et
maîtrise de la technique
d’irrigation.
- mais la pression foncière
entre les différentes cultures
joue comme entrave à la
localisation. .
31
Fizi
Système rizicole
pluvial
Conditions naturelles
favorables à la culture.
Absence de décortiqueuses
modernes. Difficile accès
aux intrants.
Les moyens de
transport lacustre entre
les différents centres de
production à savoir la
plaine de Kenya à
Nundu et la grande
plaine de Katanga à
Baraka doivent être
développés. Réseau
routier précaire.
Accès plus ou moins
facile aux marchés de
consommation (Burundi
et Uvira) par le lac
Tanganyika.
La localisation de la
demande est déterminée
par les centres urbains.
Bushi
Buhavu
Système rizicole de
marais de moyenne
altitude
Localisation déterminée à la
fois par les dotations en
facteurs et les facteurs
naturels. Les recherches
agronomiques influencent la
localisation de ce type de riz.
Accès facile à la technologie.
La main-d’œuvre est
abondante. Infrastructures de
transformation non encore
diversifiées. Terres
disponibles mais leur accès
est soumis à certaines
conditions. La forte
compétition foncière entre la
canne à sucre, le riz, et les
autres céréales (maïs et
sorgho) et les cultures
maraîchères constitue une
entrave sérieuse à la
localisation de cette culture.
Le transport routier est
possible. Problème de
transport lors de
collecte : les
agriculteurs supportent
des coûts de collecte,
les exploitations
rizicoles étant
dispersées.
Accès facile au marché
de consommation et
d’intrants. Plusieurs
marchés locaux sont
solvables.
Accès facile à la
demande urbaine et aux
entreprises utilisant le riz
comme consommation
intermédiaire. Les
interactions entre agents
(consommateurs et
producteurs) sont ici
considérées comme
déterminant de la
localisation. L'effet de
grossissement des
agglomérations crée une
force centripète qui attire
l'offre de riz.
32
Bon accès aux ressources
technologique et scientifique.
Bunyakiri
Système rizicole
pluvial
Conditions naturelles.
Infrastructures de
transformation absentes.
Problèmes d’accès aux
intrants agricoles.
Routes en mauvais état
Marché de
consommation proche : il
se situe à plus ou moins
100 km de la ville de
Bukavu
Consommation locale et
demande des centres
urbains et territoires
voisins.
CONCLUSION
La localisation des productions rizicoles sur le territoire constitue à la fois un enjeu en
termes d’aménagement de l’espace rural, puisqu’elle influence notamment le développement
de l’emploi agricole dans la filière et la valorisation des espaces, un facteur important dans le
développement d’une meilleure sécurité alimentaire des populations rurales et un vecteur
significatif d’augmentation des revenus paysans. L’histoire montre que le Sud-Kivu est
traditionnellement une région de cultures rizicoles. La dynamique des relations villes-
campagnes et la stabilité des populations paysannes dépendaient assez largement de cette
filière du moins jusqu’aux années 1980. Mais cette filière a é fortement déstabilisée non
seulement par une politique agricole et commerciale non incitative, mais aussi par la
libéralisation de l'exploitation des matières minières précieuses depuis le début des années
quatre-vingt (1982).
De cette étude, il ressort que trois systèmes de cultures de riz sont pratiqués au SudKivu.
La culture du riz pluvial qu’on rencontre dans les zones de forêt à Shabunda, Mwenga, Fizi,
Kalehe (Bunyakiri) et Uvira ; la culture du riz irrigué de basse altitude qu’on rencontre dans la
plaine de la Ruzizi et la culture du riz de marais d’altitude dans le Bushi. De ces trois
systèmes, seuls les systèmes irrigués de plaine et de marais d’altitude continuent à être
pratiqués comme cultures de rente. Le riz pluvial est encore produit mais plutôt comme
culture pour l'autoconsommation des ménages dans les villages (de la zone forestière surtout),
car le manque de voies d’évacuation gêne considérablement son expansion.
L’analyse des facteurs de localisation montre que la production du riz, telle qu'elle est
pratiquée, n’est liée en général ni à une grande disponibilité de main-d’œuvre, ni à une facilité
d’accès à la terre et ni même à la demande des centres de consommation dans certains
territoires. Elle est plutôt due aux effets d’accidents historiques et aux habitudes alimentaires
des populations autochtones. Dans d’autres cas, l’accessibilité au marché de consommation et
les effets des avantages comparatifs déterminent la localisation. Dans la région forestière, les
habitudes alimentaires, les conditions climatiques et la demande des centres miniers
déterminent la localisation. Pour le riz irrigué de plaine, la localisation est déterminée à la fois
par la disponibilité des infrastructures d’irrigation et de transformation, la géographie et
l’accès au marché. La localisation du riz irrigué de marais d’altitude est déterminée à la fois
par les dotations en facteurs et les facteurs naturels. L’intensité des dotations en facteurs, pour
comprendre la localisation de ce type de culture, intervient conformément à la théorie
standard. A côté des dotations des facteurs, des ressources naturelles et des forces de la
nouvelle économie géographique, les recherches agronomiques influencent la localisation de
ce type de riz. L’accès aux marchés d’intrants et de production a un impact positif sur les
localisations rizicoles.
Il semble aussi que l’accès à la vulgarisation et aux organisations et aux ressources
technologiques et scientifiques ait un grand effet final quant aux localisations rizicoles.
L’importance de liens solides au niveau local entre la recherche universitaire et les milieux
productifs constitue le levier de la re-dynamisation de la culture du riz au SudKivu.
Autrement dit, une interaction directe et souvent informelle entre les divers intervenants est
nécessaire pour harmoniser les orientations scientifique et commerciale de la recherche
universitaire et pour élaborer des plans visant à coordonner le cheminement de la filière, de
l’étape du laboratoire à celle du marché. Ainsi les scientifiques peuvent faire une contribution
utile aux efforts locaux de production, de transformation et de commercialisation du paddy
même s’ils ne sont pas intégrés à la collectivité locale. À titre d’exemple, des agronomes bien
formés peuvent être amenés pour servir de consultants sur une question pointue ou pour siéger
au conseil d’administration d’une entreprise. De ce fait, on peut confier à des consultants de
l’extérieur des activités facilement codifiables ou de nature générique, par exemple pour aider
à obtenir des capitaux à risques. Il s’ensuit que les mesures publiques de financement de la
recherche qui visent à encourager la formation de grappes d’activités à forte intensité de
savoir seront probablement plus efficaces à l’étape pré-concurrentielle. Ainsi, la localisation
de la filière va dépendre des institutions impliquées dans sa diffusion pourvu qu’elles soient
en mesure de garantir une formation à la population désireuse d’adopter cette nouvelle
technologie. La diffusion de semences apparaît aussi liée à la présence d'un opérateur capable
de prendre en charge une activité de recherche sur le développement de variétés adaptées à
l'écosystème considéré (comme c’est le cas à Kavumu) étant donné que tous les marais du
Bushi voire du Sud–Kivu n’ont pas les mêmes caractéristiques agronomiques. Cette activité
doit être complétée par une mise à disposition des intrants nécessaires pour compléter le
paquet technique proposé
Il ressort enfin de l’analyse que l’insécurité foncière, mesurée à travers les différents
modes d’accès à la terre, constitue un important obstacle pour une localisation effective de la
filière et pour l’augmentation des étendues rizicoles ultérieures
38
. Face à cette situation
38
conflictuelle, et aussi pour d’autres raisons comme la recherche d’une plus grande efficacité
dans l’allocation de la ressource foncière par la sécurisation et le caractère transférable des
droits, le législateur congolais devrait chercher une solution d’ensemble. Cette solution pourra
passer par une redéfinition des différents contrats en vigueur sur le marché foncier au Sud-
Kivu, plus favorable aux agriculteurs paysans pauvres. La contribution du riz à l’économie de
la province pourrait ainsi être intensifiée par l’amélioration des techniques de production et
l’infrastructure pour le transport dans les régions productrices et prendre la voie de
l'expansion.
Voir à ce sujet l’étude d’UTSHUDI, I., (2005), « Les transactions foncières paysannes : le cas de la chefferie de
Kabare », LEAD, Projet PIC « Dynamique des filières productives et développement rural intégré », CUD, Document
de travail, miméo, 39 pp.
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BOUSSARD, J.-M., (1987), « Economie de l'agriculture ». Paris, Economica, 310 pp
de FAILLY, D., (2000), « L’Economie du Sud-Kivu : mutations profondes cachées par une
panne », in MARYSSE, S., et REYNTJENS, F., (Eds), "L’Afrique des Grands Lacs
Annuaire 1999-2000", Paris, L'Harmattan, pp. 161-188.
DROY, I., (1997), Que sont devenus les greniers à riz ? Economie de Madagascar n° 2, cité
par RASOLOARISON, O., RAKOTOVAO, J.-M., et BOCKEL, L., (2001), Accès au capital,
crédit, accès au foncier et pauvreté rurale à Madagascar, Note d'analyse UPDR, 12 pp
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Contribution à la mission de pré-évaluation du Projet Sectoriel de Développement Rural,
mission Banque Mondiale/Coopération Française, miméo,
UTSHUDI, I., (2005), « Les transactions foncières paysannes : le cas de la chefferie de
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WALANGULULU, J., « La riziculture des marais d’altitude dans la province du Kivu :
l’expérience de la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Université Catholique de Bukavu
(U.C.B) », Communication lors d’un atelier organisé par Louvain Développement à Bukavu
le 21 août 2004, mimeo, 3 p.
WATUNAKANE, B., « Expérience de l’Appui-conseils aux initiatives de développement
Endogène (APIDE ) dans l’accompagnement des paysans riziculteurs en territoire de
Mwenga et de Fizi », Communication lors d’un atelier organisé par Louvain Développement à
Bukavu le 21 août 2004, mimeo, 3p.
ZIHALIRWA, J-D., (1999). « Etude du comportement des variétés du riz pluvial de
montagne dans les conditions éco-climatiques de Mulungu », Mémoire, UCB, 43 pp
39
ANNEXES
ANNEXE 1 : Inventaire des marais d’altitude
NOTE : Cet inventaire encore très incomplet a été établi au B.E.S.T en avril 2003, à partir de diverses sources (voir infra). Il est présenté ici dans
l'espoir de recueillir des compléments et des actualisations d'information, qui seront très volontiers reçus à l'adresse suivante :
didier.de.failly@bestkivu.net.
Nom du marais
et localisation
(selon nom du
ou des
groupement-s)
Altitude
et conditions
climatiques
Superficie
et état de son
aménagement
Situation juridique
Observations
(intervenants extérieurs,…)
REF.
Collectivité de
KABARE
a) Axe
Nord
(depuis
Bukavu)
Mwendo (Miti)
Non drainé
-
Bushumba
Non drainé
Propriété des
planteurs
HD
Kashusha
Non drainé
-
HD
Rwangebe
(Bugorhe)
96,4 Ha
CIM
(1995)
Chongoloka (à
Muhungu/Katan
a)
Non drainé
HD
Luhihi
Drainé à moitié
HD
Mushweshwe
Drainé à moitié
HD
Mudaka
(Cidorho)
Non drainé
HD
40
Chishinja
(Mudaka)
94,59 Ha
CIM
(1995)
Mbiza
40
Non drainé
HD
(Collectivité de
KABARE)
b) Axe
Ouest
(Kabare-
Haut)
Mukongola
Non drainé
HD
Bugobe
(Ludaha ?)
Propriété des
planteurs
Début d'aménagement avec le Programme Kivu
(1990)
HD
Murhundu
(Cirunga et
Bugobe)
282,76 Ha
CIM
(1995)
Nyamunve
(Cirunga et
Bugobe)
200,76 Ha
CIM
(1995)
Kanywiriri
Propriété de la
Pharmakina
HD
Collectivité de
NGWESHE
Nyamubanda
(Karhongo,
Nyangezi)
1050 Ha
Drainé
partiellement
Vérifier Karhongo ou Karhango ???
CIM
(1995)
Kanyantende
(Karhongo,
Nyangezi)
335 Ha
CIM
(1995)
41
Kanacigogo
(à Kamisimbi)
Env. 6 Ha
Géré de manière
coutumière
DF
Hogola
500 Ha
Non drainé
Moitié = propriété de
la Pharmakina
HD
Karado (à
Ibanda)
Non drainé
HD
Nalugana
(Ciherano,
Lurhala)
1.750 m
T° : >10,5° - <
29,5°
T° moyenne :
20°C
914 Ha
Drainé
partiellement
Interventions du GTER
HD
CIM
(1995)
Cibeke
(Tshibeke)
Drainé
HD
Muzinzi
Non drainé
HD
Cisheke
(Mubimbi)
(Walungu,
Ikoma, Nduba)
496 Ha Drainé
partiellement
GTER
HD
CIM
(1995)
Mirhumba
(Mirhumba,
Mulamba)
102 Ha
CIM
(1995)
Bulonge
Propriété privée
Faisait partie de la concession KINAPLANT
Racheté par le pilote NDAGANO (à vérifier)
HD
DF
Cidorho
(Mulamba,
Burhale,
Kaniola,
Walungu)
1.276,75 Ha Non
drainé
HD
CIM
(1995)
Chiyanja
(Kaniola)
Tenure coutumière
ILD FESO (FEmmes SOlidaires) de Kaniola,
appuyée par PIAD (Programme d'Initiatives Agro-
pastorales de Développement)
PIAD
42
Mugurhi
(Kaniola)
Tenure coutumière
ILD FESO (FEmmes SOlidaires) de Kaniola,
appuyée par PIAD (Programme d'Initiatives Agro-
pastorales de Développement)
PIAD
Chimembe
(Kaniola)
Tenure coutumière
ILD FESO (FEmmes SOlidaires) de Kaniola,
appuyée par PIAD (Programme d'Initiatives Agro-
pastorales de Développement)
PIAD
Collectivité de
KAZIBA
Luzinzi
Exploité
HD
Cikoma
Exploité
HD
Collectivité de
LUHWINJA
Nakadeke
(Mulama)
Non drainé
Nakadike ? (vérifier orthographe)
HD
Collectivité de
KALEHE
Collectivité
NTAMBUKA
(Idjwi-Sud)
Collectivité
RUBENGA
(Idjwi-Nord)
43
Source : CIM = Comité Inter-Marais (Rapport annuel 1995)
DF = Didier de FAILLY s.j. (Documentation BEST)
HD = Hugues DUPRIEZ et ADI-Kivu, Bushi L'Asphyxie d'un peuple, mai 1987
PIAD = Programme d'Initiatives Agro-pastorales de Développement
44
ANNEXE 2. Périmètres irrigués dans la Plaine de la Ruzizi
Source : D. de Failly, Données recueillies dans la documentation du CDC-Kiringye et complétées à partir de MASHIKA Bin Kasongo Albert,
Maîtrise des unités hydro-agricoles dans la Plaine de la Ruzizi au Sud-Kivu/Zaïre : acteurs, stratégies et enjeux, mémoire inédit, ISDR/Bukavu, 1995,
Localisation des
périmètres irrigués
Nbre et type
de barrage
Nom du barrage (et
longueur du canal
primaire)
Capacité
d'irrigation
Superficie
irrigable
Observations
Kamanyola
-
sur Luvubu (10.000 m)
300 Ha
En projet (1976)
Lubarika
1
Min (3.000 m)
200 Ha
1995 : Barrage en réhabilitation (?)
Kiringye
1 en génie civil
7 en artisanal
Lubumba
Mukindwe
500 Ha
500 Ha
Débit insuffisant; Mauvais entretien du réseau
d'irrigation; Dimensions variables des "casiers";
Baisse de fertilité des sols
Kakamba
1 en génie civil
Munyowe
(10.000 m)
1.000 Ha
1.000 Ha
Ensablement permanent de la prise d'eau;
Enherbement du réseau; Vannes détruites
Luberizi
1 en génie civil
Tenge-Tenge
(10.000 m)
500 Ha
(1.000 Ha ?)
350 Ha
Digue arrachée et prise d'eau insuffisante;
Barrage ensablé; Manque d'entretien des canaux;
Nyamutiri-Rubanga
6 en artisanal
(6.000 m)
300 Ha
Manque d’entretien du réseau d’irrigation ;
Baisse de fertilité des sols
Sange
1 en artisanal
(3.000 m)
200 Ha
(800 Ha ?)
200 Ha
Réseau d'irrigation déficient (avait déjà été
modifié par équipe chinoise)
Runingu
1 en génie civil
1 en artisanal
Réservoir Runingu
350 Ha
(100 Ha ?)
350 Ha
Captation insuffisante d'eau; Aménagement
abandonné avant construction des canaux
secondaires; de même "casiers" pas nivelés
Kiliba
1 en génie civil
Kiliba (3.000 m)
3.000 Ha
800 Ha
A réhabiliter
Kavimvira
-
(3.000 m)
(60 Ha ?)
200 Ha
Aucun barrage
Kawizi
-
(3.000 m)
350 Ha
Vanne endommagée à Nyakisasa
Nyakagobe
1 en artisanal
Lubumba
400 Ha
300 Ha
Travaux d’aménagement inachevés
... In this context, technical progress must be appropriate and take into account the particularities of each production area and context of each region. For example, the adoption of new technologies in rice systems of South Kivu depend on the soil quality, location of research institutions, availability of water and agglomeration effects (Bucekuderhwa, 2005). ...
... According to Cox (2012) this is not just a matter of low incentive, but of active disincentive. Indeed, Bwasa tenants have to walk a fine line with regard to their production to avoid drawing the attention of the landlord who might want to take the plot back [Muheme (1996), Mugangu (1997), Bucekuderhwa (2005) and Cox (2012). The strategy is just to plant a patch of crops and leave it be. ...
... Land rental puts subsistence farmer in high insecurity tenure because it gives no guarantee to them to recover the invested the money in soil management. Land rental seems to be a hindrance agricultural intensification and the development urban-rural trade (Bucekuderhwa, 2005). Tenure insecurity appears here as element among others that blocks the process of agriculture intensification, renewal and management of natural resources. ...
Thesis
Full-text available
This research is part of the general problematic of access to technical progress in rural areas. It aims at contributing to understanding the subsistence farmer household behavior vis-à-vis technologies adoption. To do so, it first tries to identify whether there exist opportunities for technical progress under subsistence farming and then examines the behavior dynamic in the presence of a technology package to enable a better understanding of the constraints that hinder agricultural technologies adoption. The problematic of technical change in developing areas is relatively large; in the framework of this dissertation, we devote three essays on this topic. Second chapter endeavors to extend technical progress concepts and principles to small scale subsistence farmers of low-income countries. We consider that the possibility of technical progress under subsistence farming can be manly explained by the forms of technology focused on biological, organisation and information system considering their farm size. Moreover, we find that the probability of adopting a practice is conditional on adopting practices that precedes it in sequence. Chapter 3 analyses the technology adoption problem in the subsistence farming. It deals with subsistence consumption as an important barrier to adoption even if learning costs and other impediments to adoption are neglected. Finally, chapter 4 seeks to explore the empirical importance of factors in fertilizer adoption in South Kivu province. These results imply that policy-makers and development practitioners should seek to strengthen local institutions and service providers, maintain or increase household asset bases and establish and strengthen social protection schemes in order to improve the adoption of different types of fertilizers.
Article
Full-text available
Cet article étudie les determinants de la localisation sectorielle au sein des provinces chinoises, en portant une attention particuliere au role du protectionnisme local. Les auteurs estiment un modele de localisation de la production combinant dotations de facteurs, considerations geographiques et politiques d’integration. Les resultats indiquent que la dynamique des avantages comparatifs et les liens d’offre et de demande sont a l’œuvre dans les choix de localisation des activites en Chine. L’etude vérifie empiriquement que l'interventionnisme des autorites provinciales influence de maniere significative le processus de localisation des activites a travers les entraves aux echanges inter-provinciaux et la politique d’ouverture internationale.
« Relations terres agricoles–pauvreté à Madagascar
  • B Minten
  • R Et Razafindraibe
  • Y Morisho
MINTEN, B. et RAZAFINDRAIBE, R., (2003). « Relations terres agricoles–pauvreté à Madagascar », Centre National de la Recherche Rurale Appliquée au Développement Rural, Antananarivo, 8 pp MORISHO, Y., « La problématique de production de la culture du riz irrigué dans la plaine de la Ruzizi : une vision du Centre de Développement Communautaire de Kiringye (C.D.C-K) », Communication lors de l'atelier organisé par Louvain Développement à Bukavu le 21 août 2004, miméo, 3 p.
Que sont devenus les greniers à riz ? Economie de Madagascar n° 2, cité par RASOLOARISON
  • O Rakotovao
  • J.-M Et
DROY, I., (1997), Que sont devenus les greniers à riz ? Economie de Madagascar n° 2, cité par RASOLOARISON, O., RAKOTOVAO, J.-M., et BOCKEL, L., (2001), Accès au capital, crédit, accès au foncier et pauvreté rurale à Madagascar, Note d'analyse UPDR, 12 pp Division Provinciale de l'Agriculture du Sud-Kivu, Rapports annuels, 1993-1994
« L'Economie du Sud-Kivu : mutations profondes cachées par une panne
  • J.-M Paris
  • Economica
  • Failly Pp De
BOUSSARD, J.-M., (1987), « Economie de l'agriculture ». Paris, Economica, 310 pp de FAILLY, D., (2000), « L'Economie du Sud-Kivu : mutations profondes cachées par une panne », in MARYSSE, S., et REYNTJENS, F., (Eds), "L'Afrique des Grands Lacs -Annuaire 1999-2000", Paris, L'Harmattan, pp. 161-188.
« Déterminants de la localisation des activités en Chine : avantages comparatifs, forces géographiques et interventionnisme politique », Centre de recherches sur l'économie wallonne, 32 pp Ministères des Colonies
  • K H Midelfart
  • H G Overman
  • S Redding
  • A J Venables
  • C Batisse
  • S Poncet
  • Bruxelles
  • B Minten
  • R Razafindraibe
MIDELFART, K.H., OVERMAN, H.G., REDDING, S., VENABLES, A.J., 2003. The location of European Industry, cité par BATISSE, C. et PONCET, S., (2004), « Déterminants de la localisation des activités en Chine : avantages comparatifs, forces géographiques et interventionnisme politique », Centre de recherches sur l'économie wallonne, 32 pp Ministères des Colonies, (1957). « Aperçu sur l'économie agricole de la province », publication de la Direction de l'Agriculture, des Forêts et de l'Elevage, Bruxelles, MINTEN, B. et RAZAFINDRAIBE, R., (2003). « Relations terres agricoles-pauvreté à
« La riziculture des marais d'altitude dans la province du Kivu : l'expérience de la Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université Catholique de Bukavu (U.C.B) », Communication lors d'un atelier organisé par Louvain
  • J Walangululu
WALANGULULU, J., « La riziculture des marais d'altitude dans la province du Kivu : l'expérience de la Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université Catholique de Bukavu (U.C.B) », Communication lors d'un atelier organisé par Louvain Développement à Bukavu le 21 août 2004, mimeo, 3 p.
« Expérience de l'Appui-conseils aux initiatives de développement Endogène (APIDE ) dans l'accompagnement des paysans riziculteurs en territoire de
  • B Watunakane
WATUNAKANE, B., « Expérience de l'Appui-conseils aux initiatives de développement Endogène (APIDE ) dans l'accompagnement des paysans riziculteurs en territoire de