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Journal de la Société des Océanistes
136-137 | 2013
Lapart«d’immatériel»danslaculture«matérielle»
Approche techno-typologique des peignes à tatouer
en nacre polynésiens. Un moyen d’appréhender la
pensée technique
GuillaumeMolleetÉricConte
Éditionélectronique
URL : http://journals.openedition.org/jso/7019
DOI : 10.4000/jso.7019
ISSN : 1760-7256
Éditeur
Société des océanistes
Éditionimprimée
Date de publication : 15 octobre 2013
Pagination : 209-225
ISBN : 978-2-85430-035-2
ISSN : 0300-953x
Référenceélectronique
Guillaume Molle et Éric Conte, « Approche techno-typologique des peignes à tatouer en nacre
polynésiens. Un moyen d’appréhender la pensée technique », Journal de la Société des Océanistes [En
ligne], 136-137 | 2013, mis en ligne le 14 novembre 2013, consulté le 16 avril 2020. URL : http://
journals.openedition.org/jso/7019 ; DOI : https://doi.org/10.4000/jso.7019
© Tous droits réservés
Journal de la Société des Océanistes, 136-137, année 2013
RÉSUMÉ
L’étude technologique d’une collection de 17 peignes à
tatouer en nacre, découverts en contexte archéologique dans
trois archipels de Polynésie française, ore une reconstitu-
tion des processus de fabrication intervenant dans la chaîne
opératoire et permet aussi d’intégrer ces objets originaux aux
typologies existantes. Les peignes en nacre sont également
replacés pour la première fois dans une perspective diachro-
nique qui ouvre de nouvelles voies de réexion quant au
modèle de développement régional de ces artefacts.
M- : tatouage, peignes, nacre, technologie,
Polynésie
ABSTRACT
We present here a technological study of a collection
of 17 archaeological pearl-shell tattooing combs. ey
have been discovered in three archipelagoes of French
Polynesia. e study oers a reconstitution of the
manufacturing processes involved in the “chaîne opéra-
toire”. en, the combs are integrated to the existing
typologies. For the rst time, we also put them back in a
diachronic perspective that allows new reections about
a model of regional development of these artifacts.
K: tattooing, combs, pearl-shell, techno-
logy, Polynesia
Les peignes à tatouer en nacre polynésiens.
Un moyen d’appréhender la pensée technique
par
Guillaume MOLLE* et Éric CONTE*
* Centre international de recherche archéologique sur la Polynésie ( - ), 7041 ArScAn (Équipe Ethnologie
préhistorique), LabEx , guillaume.molle@upf.pf, conte@upf.pf
La découverte de trois peignes à tatouer fabri-
qués en nacre lors de la fouille du site de Hane en
2009 (Molle, 2011 : 114) nous a amenés à nous
interroger sur la nature technique de ces objets
relativement rares en contexte archéologique et
absents des descriptions ethnohistoriques. Une
recherche approfondie nous a conduits à établir
un corpus quasi-exhaustif des objets de ce type
connus, soit 17 pièces provenant de diérents
sites fouillés dans trois archipels de Polynésie
française (Marquises, Société, Australes). En
fonction de leur lieu de conservation, certaines
pièces ont pu être étudiées plus précisément,
d’autres n’ont été observées que grâce à des pho-
tographies.
Cet article a pour but d’éclairer la place de ces
artefacts originaux dans la panoplie matérielle
des anciens Polynésiens. Nous nous intéresse-
rons plus particulièrement à l’analyse techno-
logique des pièces permettant de reconstituer la
chaîne opératoire de fabrication ainsi qu’à leurs
formes, orant ainsi une première perspective
typologique. Un essai de synthèse quant au dé-
veloppement des formes en Polynésie orientale
clôturera notre exposé.
Présentation du corpus
Dix-sept peignes à tatouer en nacre, dont 14 re-
cueillis en contextes archéologiques dans trois ar-
chipels de Polynésie française, composent notre
corpus d’étude.
210 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
Dix peignes proviennent du groupe Nord des
Marquises et plus particulièrement de l’île de
Ua Huka. Six d’entre eux ont été découverts lors
de la fouille du site dunaire de Hane en 1964-
65 dirigée par Y. Sinoto (Sinoto et Kellum,
1965) et en partie présentés dans un article de
synthèse (Sinoto, 1966 : 298, g.4b). Notons
que sur les planches publiées apparaissent des
peignes à tatouer en os, ici hors de notre pro-
pos. De plus, Sinoto interprétait l’une des pièces
(H86-4) comme un possible instrument de ta-
touage à bord coupant ayant pu servir à entailler
la peau, tels les peignes maori nommés uhi tapahi
en Nouvelle-Zélande (Best, 1904 : 167 ; Sinoto,
com. pers., déc. 2010). Toutefois, nous n’accor-
dons que peu de crédit à cette hypothèse et il nous
semble plus juste de considérer cet objet comme
l’ébauche d’un pendentif en nacre dont d’ailleurs
d’autres exemplaires sont connus, tant à Hane
que sur le site de Vaito’otia à Huahine (Sinoto,
1983). Cette conclusion fut aussi récemment
proposée par Ambrose (2012 : 5). En 2009, le
site de Hane t l’objet d’une nouvelle campagne
de fouille sous la direction de É. Conte et P. Mu-
rail (cf. Molle, 2011). À cette occasion ont été
découverts trois peignes en nacre qui s’ajoutent
donc aux précédents. Un autre exemplaire fut
recueilli dans les années 1990 par Marie-Josée
Vaatete lors de la construction d’une maison
dans la partie sommitale de la dune de Hane,
à l’entrée de l’actuel village. Enn, un peigne
fut découvert sur le site dunaire de Ha’atuatua
à Nuku Hiva par B. Rolett et É. Conte lors de
la reprise des fouilles de Suggs (Rolett et Conte,
1995 : 222, g.15). Le corpus marquisien s’élève
ainsi à 11 pièces.
Aux îles de la Société, on compte deux peignes en
nacre provenant du site de Vaito’otia à Huahine
fouillé par Sinoto (1983 : 588, g.4). Un troi-
sième fut découvert lors des fouilles de sauvetage
organisées sur le site de Rivnac à Punaauia, Tahiti
(Eddowes et Dennison, 1996 : 6, g.4b).
Enn, nous connaissons trois peignes en nacre
dans l’archipel des Australes. Tous proviennent
de la côte Nord de l’île de Tubuai. L’un fut re-
cueilli par R. Bollt en 2007 sur le site de Atiahara
sur lequel aucune synthèse n’a été publiée à ce
jour. Deux autres exemplaires ont été collectés
en surface sur des parcelles voisines de Atiahara
par Larry Miller, un habitant de l’île qui a par-
ticipé à la campagne de 2007, et sont depuis
conservés chez lui.
Les objets sont aujourd’hui dispersés dans plu-
sieurs collections dont celles du Musée de Tahiti
et des Îles, du Service de la Culture et du Pa-
trimoine de Tahiti et du laboratoire du
à l’Université de la Polynésie française. Nous
avons été en mesure d’étudier ces pièces en dé-
tail. Cinq peignes de Hane et de Vaito’otia sont
conservés au Bishop Museum de Hawaii. Le Dr.
Sinoto a très aimablement accepté de nous trans-
mettre ses clichés ainsi que quelques informa-
tions complémentaires sur leurs dimensions. Le
peigne recueilli en surface à Hane est conservé au
musée communal de Vaipaee, à Ua Huka. Celui
découvert à Ha’atuatua est présenté dans la salle
patrimoniale de Hatiheu à Nuku Hiva. Pour ce-
lui-ci ainsi que pour les exemplaires de Atiahara
toujours conservés à Tubuai, nous disposions des
photographies comme documents de travail, à
partir desquelles des dessins et des observations
ont été réalisés.
Terminologie descriptive
Tous les peignes recueillis sont taillés dans des
valves de l’huître perlière Pinctada margaritifera.
Les objets se présentent à divers stades de fabri-
F 1. – Schéma descriptif d’un peigne à tatouer
211
PEIGNES À TATOUER, MOYEN D’APPRÉHENDER LA PENSÉE TECHNIQUE
cation, allant d’une plaquette de nacre peu tra-
vaillée à la pièce achevée, voire même cassée suite
à son utilisation. An de faciliter leur descrip-
tion, il convient d’employer une terminologie
normalisée indiquée sur la gure 1.
Par convention, nous considérerons la partie
proximale de la pièce comme celle la plus proche
du praticien lors de l’opération de tatouage. Il
s’agira donc du sommet du peigne recevant di-
vers aménagements pour la xation au manche
de bois. Sur le schéma, nous indiquons l’encoche
centrale et les ailettes latérales qui constituent le
système le plus commun dans notre corpus, le
second mode reconnu étant celui de la simple
perforation centrale. La partie distale opposée
correspond à l’extrémité du peigne dans la-
quelle sont façonnées les pointes (parfois appe-
lées « dents » dans la littérature) qui pénétreront
directement l’épiderme du patient au cours de
l’opération. Chaque peigne est caractérisé par
sa longueur, sa largeur et son épaisseur, ces der-
nières mesures pouvant varier entre les parties
proximales et distales.
L’analyse des traces de fabrication repose sur
l’emploi des termes dénis pour les hameçons po-
lynésiens (Carlier, 2002 ; Conte et Carlier, 2010)
et dont les techniques de façonnage sont très
semblables de par l’usage du même matériau. De
plus, nous adoptons la même distinction entre
les deux faces. La face interne désigne la partie
interne de la valve huîtrière qui est aussi la plus
nacrée, tandis que la face externe correspond à
l’enveloppe extérieure de la valve aussi appelée
periostracum. Bien que les procédés d’abrasion
décrits plus loin aient en partie fait disparaître
cette enveloppe, il est possible de distinguer les
deux faces par la couleur et le brillant de la nacre.
Si tel n’est pas le cas, les deux faces sont désignées
de manière arbitraire.
Les descriptions des 16 peignes de notre corpus
sont proposées en annexe de cette étude.
Reconstitution du processus de fabrication
L’analyse technologique des objets découverts à
diérents stades de fabrication nous ore pour la
première fois l’opportunité de dénir les étapes
de la chaîne opératoire suivie pour le façonnage
de ces pièces, représentées schématiquement sur
la gure 2. Des éléments de comparaison et de
classication enrichiront nos propos.
Préparation du support de nacre et mise en forme
générale
La première étape consiste à découper dans
la valve d’une huître perlière une plaquette de
nacre qui servira à la confection du peigne. On
suppose que la plupart des supports ont été
découpés dans la partie centrale de la valve, à
l’instar du peigne n° TP12-4 de Ha’atuatua qui
présente sur sa face interne la zone d’attache du
muscle adducteur. Seul l’exemplaire n° O110-32
de Hane, qui d’ailleurs constitue un cas à part
dans notre corpus, est issu de la zone plus épaisse
de la valve à proximité de la charnière.
La plaquette est probablement découpée dans
un premier temps par rainurage bifacial dont
on retrouve les traces sur plusieurs pièces. Néan-
moins, il n’est pas exclu que les rainures obser-
vables témoignent d’une opération de rainurage
secondaire destinée à préciser la forme du peigne.
Si le recours au rainurage ne fait aucun doute, on
peut également supposer que la percussion était
utilisée de la même manière que pour la prépa-
ration des ébauches d’hameçons (Carlier, 2002 :
80). Ce n’est cependant qu’une hypothèse en
l’absence de trace visible.
Sans aucune pièce représentative, il est impos-
sible de connaître la forme primaire que prend
le support au cours de la première étape d’ébau-
chage. Cependant, celle-ci évolue assez vite vers
une forme plus élaborée tels qu’un pentagone
(n° Atiahara 1407) ou encore un hexagone (n°
Vaito’otia F17-5). A ce stade, la distinction la
plus nette est donnée par l’orientation des bords
latéraux qui peuvent converger soit vers le bord
proximal, soit vers le bord distal, et dont le prol
(droit ou concave) introduit également une va-
riété. Il semble que ces formes de support soient
préétablies en fonction du système de xation
proximal souhaité. Ainsi, on suppose que les
plaquettes hexagonales facilitent l’aménagement
ultérieur des ailettes en partie proximale. Notons
aussi que les bords distaux sont travaillés de ma-
nière à leur donner un prol convexe sur lequel
nous reviendrons plus loin.
Durant cette première étape de mise en forme
débute également un travail d’abrasion, réalisé
en frottant la pièce sur un morceau de corail hu-
midié. Cette opération a pour double objectif
d’enlever le periostracum sur la face externe et
d’amincir progressivement le support de nacre
en vue d’un façonnage plus élaboré. Bien qu’elle
puisse survenir régulièrement au cours du pro-
cessus de fabrication, l’abrasion commence dès
l’ébauchage et avant l’aménagement des parties
proximales et distales, comme en témoigne le
peigne de Hane n° E8#26.
Façonnage des parties distales et proximales
Une fois le support formé débutent à propre-
ment parler les aménagements des parties proxi-
males, avec la mise en place du système de xa-
tion, et distales, avec le façonnage des pointes. Ici,
le schéma opératoire peut suivre deux orientations
selon l’ordre d’exécution suivi par l’artisan. Notre
corpus montre en eet deux séquences possibles,
l’une débutant par la partie distale, l’autre par
212 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
la partie proximale. Pour la majorité des objets
(cinq pièces sur les huit représentatives), la par-
tie distale a été façonnée en premier. Seules deux
pièces, K98-5 et O112-11, ont subi un travail de
la partie proximale préalablement à la formation
des pointes. Ce parti pris de l’artisan ne peut être
explicité en raison du faible nombre de pièces
composant notre corpus. Il ne semble cependant
traduire aucune tradition locale puisqu’il ne s’agit
que de deux peignes parmi les neuf découverts
F 2. – Représentation schématique de la chaîne opératoire de fabrication des peignes à tatouer en nacre
213
PEIGNES À TATOUER, MOYEN D’APPRÉHENDER LA PENSÉE TECHNIQUE
sur le même site de Hane. Tous sont de même
type ce qui implique également que des schémas
opératoires diérents peuvent être suivis en vue
d’aboutir à une même forme. La raison de ce
choix serait donc d’ordre pratique, argument qui
pourrait être démontré par l’expérimentation.
• Mise en forme des pointes
L’aménagement de la partie distale consiste à
rainurer la matrice nacrée pour en dégager un
ensemble de pointes qui constitueront la partie
active de l’outil en pénétrant dans la peau du pa-
tient lors de l’opération de tatouage.
Comme nous l’avions mentionné précédem-
ment, le bord distal est déjà préparé avant la
réalisation des pointes par le façonnage d’un
prol convexe, ainsi qu’en témoigne le peigne
n° O112-11. Cette courbure implique que les
extrémités des pointes une fois dégagées ne se-
ront pas toutes sur le même plan. De fait, même
avec des pointes d’égales longueurs, celles de la
zone centrale du bord convexe seront plus avan-
cées que celles des bords. L’exemplaire n° N88-
13 de Hane est le seul peigne avec des pointes
conservées. Or, on constate là aussi une courbure
générale du prol distal à leur extrémité. La dif-
férence entre le centre et les bords est de près de
3 mm pour O112-11 et 4 mm pour N88-13.
Cette remarque induit une action particulière
recherchée sur l’épiderme du patient. En eet, si
le peigne est maintenu perpendiculairement à la
peau, seules les pointes centrales la pénétreront et
non les pointes latérales. Une rotation de la lame
du peigne (autour de l’axe du manche) au cours
de la percussion est envisageable mais on ignore
sa réelle ecacité en l’absence d’observation pré-
cise. Une autre explication est donnée par P. et
M.-N. Ottino (1998 : 55), selon laquelle cette
convexité était donnée aux lames utilisées pour
tracer sur la peau des lignes dont la réalisation
nécessitait un chevauchement à chaque frappe.
Selon cette armation, les pointes latérales ser-
viraient de repères pour des impressions suivies.
Les deux hypothèses proposées ne s’excluent ce-
pendant pas l’une l’autre. Notons que les peignes
en os décrits à la période historique ne présen-
taient pas ce prol convexe, toutes les pointes
étant situées sur le même plan.
Le rainurage s’eectue toujours du haut de la
plaquette vers le bas, comme en témoignent la
largeur et la profondeur progressives des stries en
direction du bord distal. La largeur maximale des
stries n’excède pas 1 mm. L’opération nécessite
donc un outil pointu et très n tel que des dents
animales emmanchées, de rat ou de poisson (de
requin notamment), formant une gouge. Sou-
vent, on note que la plaquette de nacre est amin-
cie par abrasion dans la partie distale. Cette opé-
ration permet de réduire l’épaisseur de la nacre
et ainsi de faciliter la réalisation des pointes.
D’une part, la quantité de matière à rainurer est
moindre ce qui réduit l’intensité de la pression
exercée sur la gouge et ore un meilleur contrôle
du geste. D’autre part, les stries réalisées sur une
face apparaissent en négatif sur la face opposée et
servent alors de repères pour régulariser le trait
lors du rainurage sur l’autre côté. On peut dès
lors se demander si les pointes sont dégagées une
à une, avec un va-et-vient constant entre les deux
faces, ou si une face est d’abord entièrement rai-
nurée. Seul l’exemplaire n° K98-5 témoignerait
de cette seconde proposition, du moins si l’on
suppose que les traits en relief sur la face posté-
rieure sont bien des négatifs de rainurage.
Les stries peuvent être plus ou moins longues.
Certaines débutent dès la zone proximale et
couvrent toute une face (n° E9#58), tandis que
d’autres, plus courtes, ne sont réservées qu’à la
zone distale. Le peigne non numéroté de Tu-
buai présente une face avec des stries longues
interrompues par la fracture tandis que l’autre
côté montre des stries plus courtes. Cela étant,
une même face peut aussi présenter des stries de
longueurs variées. Même en l’absence d’expéri-
mentation, on peut supposer qu’un rainurage
sur une plus grande longueur ore, d’un point
de vue pratique, un meilleur contrôle du geste
et du trait.
Nous n’avons pas pu déterminer systémati-
quement le nombre de pointes des lames étu-
diées, aussi ne tenons-nous pas compte ci-après
des peignes présentant une largeur incomplète
et que l’on ne peut objectivement restituer. Le
nombre de pointes varie entre neuf (n° Atia-
hara-1407) et 20 (n° N88-13 et n° K98-5). Le
peigne n° O110-32 n’en comporte que six mais
en raison de sa forme particulière, il n’est pas
intégré à cet échantillon. Pour trois pièces dont
la largeur distale n’est pas conservée, on suppose
néanmoins qu’elles présentaient un minimum
de 14 pointes. De manière très simple, il appa-
raît que le nombre de pointes est globalement
proportionnel à la largeur de la lame. Si l’on
s’attache au rapport entre la largeur distale et le
nombre de pointes, on pourrait parler de pièce
« équilibrée » pour le peigne d’Atiahara ayant
un rapport de 1:1. Le peigne de Hane n° E9#58
présenterait, quant à lui, des pointes serrées avec
un rapport inférieur à 1, alors que celles de Vai-
to’otia n° F17-5 seraient au contraire plus espa-
cées. La pertinence de ce critère est néanmoins
très relative.
• Mise en place du système de xation proximal
Le façonnage élaboré de la partie proximale du
support de nacre est lié à un système particulier
de xation du peigne au manche. Deux modes
de xation ont été mis en évidence au sein de
notre corpus, impliquant des aménagements dif-
férents du sommet des pièces.
214 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
a. Le système à encoche et ailettes
Nous avons nommé ce mode de xation « à
encoche et ailettes » an de rendre compte de
l’aspect singulier de ces lames en nacre. En eet,
aucune source ne décrit ce type d’aménagement
pour les peignes en os observés et recueillis à la
période européenne. Les pièces présentent trois
éléments remarquables : l’encoche centrale que
devait traverser le manche, et les deux ailettes
latérales servant au bon maintien de la ligature.
Ces éléments orent des variations morpholo-
giques d’une pièce à l’autre.
L’encoche centrale peut être caractérisée par sa
forme (quadrangulaire, circulaire ou ovale), son
diamètre ou sa largeur, et son degré d’ouverture.
Dans la plupart des cas étudiés, l’encoche est
réalisée par perforation contre le bord proximal,
une technique rendue possible par l’utilisation
d’un perçoir à volant dont on sait qu’il était aux
périodes anciennes un outil indispensable à bon
nombre de productions artisanales. Générale-
ment, les bords sont ensuite repris par limage
pour donner à l’encoche sa forme dénitive. En
revanche, le recours exclusif au limage pour le
façonnage de l’encoche n’est pas impossible, à
l’instar du peigne n° E9#58 de Hane. Une per-
foration unique conduit à façonner une encoche
étroite (environ 4-6 mm de diamètre), mais
certaines pièces montrent deux (cf. O112-11 et
G19-6), voire trois (exemple de Rivnac), perfo-
rations juxtaposées chevauchantes et présentent
donc des encoches plus larges (de 7 à 9 mm). Sur
l’objet n° E9#58 et peut-être aussi n° P86-27,
nous avons également noté la présence d’une en-
coche plus petite aménagée à partir du bord infé-
rieur de l’encoche principale. Il est fort probable
que celle-ci serve, comme les ailettes latérales, au
passage et au maintien des ligatures. La même
fonction pourrait être attribuée à l’encoche infé-
rieure du façonnage « trilobé » de Rivnac. Enn
le degré d’ouverture doit être pris en compte car
il dénit aussi la manière de xer le peigne au
manche de bois. Le degré d’ouverture est faible
lorsque la largeur de l’espace évidé sur le bord
proximal est inférieure au diamètre du bâton. Ce
dernier est alors bien maintenu dans l’encoche
et les deux éléments (manche et lame) ne peu-
vent être dissociés. C’est le cas des pièces G19-6,
Rivnac, TP12-4 et O112-11. Au contraire, si le
degré d’ouverture est plus élevé, la lame est direc-
tement encochée dans le manche mais reste libre
en l’absence de ligature (pièces E9#58 et K98-
5). Le peigne de Hane Surf.#1 est original car
l’encoche centrale présente une forme ovalaire
très marquée. On peut envisager l’usage d’un
manche en bois dont l’extrémité serait taillée et
aplatie pour l’adapter à l’encoche.
Les ailettes latérales sont façonnées ou mar-
quées par des opérations de natures diérentes.
Les têtes peuvent être dégagées par rainurage lors
de la mise en forme initiale de la plaquette. Elles
peuvent aussi être aménagées grâce à des gorges
transversales limées comme le montre le peigne
n° E9#58. Ces actions contribuent aux morpho-
logies variées qu’aectent les ailettes et que nous
résumons dans une typologie de cinq classes (cf.
g. 3) :
- Gorge transversale externe (E9#58, K98-5)
- Protubérance externe (O112-11)
- Protubérance sommitale (TP12-4)
- Protubérance interne et décrochement laté-
ral (G19-6)
- Protubérance interne et gorge transversale
externe (Rivnac)
F 3. – Morphologies des ailettes latérales
215
PEIGNES À TATOUER, MOYEN D’APPRÉHENDER LA PENSÉE TECHNIQUE
b. Le système à perforation simple
Si ce type d’action sur la matière est, semble-
t-il, commun lors de la préparation des peignes
à ailettes, la perforation centrale simple comme
mode de xation à part entière n’a été observée
que sur l’exemplaire achevé n° 1407 de Atiahara,
à Tubuai. Il semble en revanche privilégié pour
les peignes en os polynésiens anciens, notam-
ment aux Australes et en Nouvelle-Zélande (Da-
vidson, 1984 : 91).
En raison du très petit diamètre de la perfora-
tion (2,5 mm), on peut s’interroger sur sa fonc-
tion. La lame était-elle directement emmanchée
ou plutôt attachée ? Très peu d’éléments de com-
paraisons historiques nous sont parvenus mais la
synthèse des quelques informations disponibles,
tant dans la littérature que dans les collections
muséales, nous permet de proposer trois hypo-
thèses de xation (g. 5) :
- Emmanchement direct. Des exemplaires sont
connus qui montrent à l’extrémité du manche
en bois une réduction du diamètre permettant
de le faire pénétrer dans la perforation de la
lame, ensuite xée par des ligatures. Ce cas est
documenté dans les outliers polynésiens de Tiko-
pia (Pendergrast, 2000) et Ontong Java (Robi-
taille, 2007 : g.10), mais n’est apparemment
pas connu en Polynésie orientale.
- Fixation sommitale. La partie proximale de
la lame est posée perpendiculairement au som-
met du manche1 et maintenue par la ligature. Ce
mode de xation semble propre aux archipels de
Polynésie occidentale puisquon le retrouve sur
les peignes de Tonga et de Samoa (Buck, 1930 ;
Galliot, 2011).
- Encochement. L’extrémité proximale de la lame
est xée (soit perpendiculairement soit sous un
angle aigu) dans une fente taillée dans la largeur
du manche, à proximité de son sommet. Une li-
gature passant par la perforation centrale permet
de la maintenir en place. Ce mode de xation est
assez fréquent en Polynésie orientale puisqu’il est
décrit tant aux Marquises (Von den Steinen, 1925)
qu’aux îles de la Société (Roth, 1905), aux Cook
(Buck, 1927) et en Nouvelle-Zélande (Davidson,
1984). La distribution géographique du système
d’encochement pour les peignes en os nous laisse
supposer qu’il s’agissait également du mode em-
ployé pour la pièce de nacre de Atiahara mais n’ex-
clut pas pour autant les autres hypothèses, en par-
ticulier le principe de xation sommitale qui serait
tout aussi adapté à la lame de Tubuai au regard de
sa forme. Quant à l’exemplaire O110-32, dont la
forme est similaire à celles de lames en os connues
à la période historique, il était sans aucun doute
directement encoché dans le manche.
F 4. – Schémas de positionnement des points
de ligature latéraux
La mise en forme des types d et e est directe-
ment liée au degré d’ouverture de l’encoche dont
dépendent les protubérances internes.
Un dernier caractère peut être souligné, celui
du positionnement des points de ligature laté-
raux (gorge, protubérance et décrochement) par
rapport à l’encoche centrale. Le plus souvent, ils
sont situés plus bas que l’axe du manche mais
dans quelques cas (O112-11, TP12-4), ils sont
alignés sur un même plan transversal (cf. g. 4).
Si la forme des ailettes dépend probablement
d’une relative volonté esthétique, elle répond sans
doute aussi à un besoin pratique qui nous appa-
raît conditionné par le type de ligature que l’ar-
tisan souhaitait employer. Ce mode de xation
unique n’étant pas documenté sur les peignes à
tatouer de la période européenne, nous ne dispo-
sons d’aucune comparaison explicitant les procé-
dés de ligature. De plus, il n’existe aucune réelle
étude à ce sujet si ce n’est pour l’emmanchement
des herminettes (Mead, 1968, 1971). De fait, il
serait très présomptueux de nous lancer dans une
quelconque reconstitution sans même disposer
d’un référentiel expérimental exploitant un sa-
voir-faire technique qui, par ailleurs, a presque
entièrement disparu aujourd’hui en Polyné-
sie française. C’est donc un pan important du
schéma opératoire de fabrication qui nous reste
inaccessible en l’état actuel des connaissances.
1. Buck précise, dans la légende de la gure 328 (1930 : 639), que le sommet du manche était légèrement retaillé sur un côté
pour que sy intègre parfaitement lextrémité proximale de la lame qui dailleurs montre une forme semblable à celles observées
dans le corpus.
216 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
Opérations de nition et d’entretien
Lorsque la pièce est façonnée, des opérations de
nition permettent d’achever la fabrication des
lames, notamment un polissage dénitif de tous
les bords. Bien entendu, la chaîne opératoire ne
s’arrête pas à ce stade puisque comme n’importe
quel outil, les lames de peignes à tatouer devaient
être régulièrement entretenues pour leur conser-
ver une ecacité. Les pointes notamment devai-
ent être réautées en les frottant sur un support
en corail n ou en peau de requin2.Cet entretien
n’a cependant pas empêché certaines pièces de
se briser par la suite. Au vu des stigmates, il ne
fait nul doute que la cassure de l’extrémité des
pointes, d’une ailette et même de la pièce com-
plète par fracture au niveau d’une strie, met un
terme à l’utilisation de l’objet, sa petite taille
empêchant toute intervention de refaçonnage
complet. Ce scénario est au moins envisageable
pour les pièces G19-6, Rivnac, E9#58 et Atia-
hara 1407. Néanmoins, la disparition des pointes
suite à des eets taphonomiques n’est pas impos-
sible non plus dans certains cas.
Interprétation typologique et diachronique
Nulle part ailleurs qu’en Polynésie française,
la nacre n’a été utilisée pour la confection des
peignes à tatouer. Pour cette raison, ceux-ci n’ont
été que très rarement intégrés aux typologies,
certes peu nombreuses, de cette catégorie d’ob-
jets. Il nous faut souligner le remarquable eort
de B. Robitaille (2007) qui pour sa part, a bâti
une classication des outils à tatouer emman-
chés perpendiculairement3. Sa revue exhaustive
des connaissances en la matière dans tout le Pa-
cique s’attachait particulièrement aux objets en
os. Toutefois, sa typologie nous permet de mieux
distinguer la place des peignes en nacre dans une
panoplie océanienne plus générale.
Les peignes en nacre sont ainsi assimilés à la
catégorie des lames individuelles qu’il nomme
dans son étude « one-piece matrix comb » par op-
position aux pièces composites formées de deux
ou plusieurs lamelles juxtaposées et/ou superpo-
sées (« composite matrix combs »). Ces deux sous-
groupes appartiennent à la famille des seuls ou-
tils que l’on peut réellement qualier de peignes
et qui ne sont pas des instruments formés de
pointes indépendantes liées entre elles (« pointed
instruments »). Cette famille de peignes constitue
selon lui l’unique groupe monophylétique iden-
tiable en Océanie, représenté majoritairement
en Polynésie mais aussi dans quelques régions de
Mélanésie et de Micronésie. Les distinctions in-
ternes qu’il opère dépendent essentiellement de la
largeur des lames. Suivant son propos, toutes les
pièces de notre corpus seraient larges sauf celles
d’Atiahara-1407 et Hane-O110-32 qui seraient
des pièces étroites. Son étude portant sur les
peignes en os, il n’est fait aucun usage particulier
des aménagements proximaux dans l’élaboration
de la typologie, ce qui pose naturellement une
certaine limite à son interprétation. À ce titre,
nous pensons qu’une réexion plus systématique
sur les modes de xation serait un moyen utile
pour aner cette première vision générale.
Comme nous l’avons déjà souligné, il n’est fait
aucune mention de peignes à tatouer en nacre
dans la littérature ethnohistorique. De même,
aucun objet de ce type n’a, à notre connaissance,
2. On peut envisager quen cas de bris dune ou plusieurs pointes, lartisan souhaitant encore exploiter le peigne abrase la
partie distale avant de retailler de nouvelles pointes en réutilisant les stries de rainurage précédentes.
3. Un type doutils quil nomme « Perpendicularly-haed tattooing instruments » ou PHTI et qui est une particularité
austronésienne. Les deux autres variantes sont les instruments dont la pointe est alignée avec le manche (« straight-haed »)
et les aiguilles utilisées dans le procédé de « couture » (« needle and thread ») propre aux cultures sibériennes.
F. – Reconstitution des trois hypothèses de xation au manche (dessins G. Molle)
217
PEIGNES À TATOUER, MOYEN D’APPRÉHENDER LA PENSÉE TECHNIQUE
été collecté par les voyageurs européens suite
au Contact4. À cette époque, toutes les descrip-
tions s’accordent à dire que les matériaux privilé-
giés pour la fabrication de ces outils particuliers
étaient l’os, surtout de chien ou d’oiseaux voire
humains, ou l’écaille de tortue (Ottino, 1998 :
53). Il existait aussi des pointes constituées à par-
tir de dents de requin ou de barracuda servant de
poinçons de tatouage aux Tuamotu et peut-être
aux Gambier (Emory, 1975 : 97 ; Buck, 1938 :
179). L’emploi de ces matériaux est commun à
tous les archipels de Polynésie orientale, même si
des formes d’outils diverses existaient à Hawaii,
en Polynésie centrale et en Nouvelle-Zélande.
Est-ce à dire que l’usage de la nacre avait été
abandonné et n’était déjà plus réservé à cette
époque qu’à la fabrication d’outils usuels tels que
les hameçons ? Si oui, peut-on le conrmer au
travers des contextes chrono-stratigraphiques ?
La résolution de ces derniers n’est pas toujours
susante pour avancer une réexion pertinente,
car nous sommes tributaires à la fois de la qualité
des enregistrements stratigraphiques et des data-
tions des couches archéologiques.
Les trois peignes de Hane découverts en 2009
proviennent tous de la couche G, c’est-à-dire un
niveau de pavage d’habitat dont la mise en place
a été datée autour de 1200 A.D. (Molle, 2011 :
136). Les contextes de découverte des peignes
recueillis par Sinoto sont beaucoup moins précis
en l’absence de toute publication détaillée. Trois
d’entre eux (O110-32, P108-5 et O112-11)
proviennent du niveau III de l’aire A dont on
a démontré ailleurs que la séquence chronolo-
gique ne pouvait être armée en l’état (op.cit. :
130). Les autres peignes ont été découverts dans
l’aire B, dans les niveaux V et VI qui correspon-
dent à la n de la première phase d’occupation
du site dunaire et la construction des pavages,
soit une date contemporaine de celle indiquée
plus haut. L’exemplaire recueilli en surface est
plus problématique mais il provient d’un secteur
de la zone côtière ayant semble-t-il connu des
remaniements récents.
Le peigne de Ha’atuatua à Nuku Hiva fut dé-
couvert dans la couche C du sondage TP11-14,
datée entre 1275 et 1475 A.D. (Rolett et Conte,
1995 : 222).
Les deux exemplaires de Vaito’otia provien-
nent du niveau IV, initialement estimé à 1180
±90 A.D. (Sinoto, 1983 : 594) mais pour lequel
une datation récente semble indiquer une occu-
pation entre 1100 et 1200 A.D. (A. Anderson,
com. pers., août 2009).
Le peigne du site de Rivnac fut découvert dans
la couche 3 de la zone 2 supposée ancienne mais
pour laquelle on ne dispose à l’heure actuelle
d’aucune datation. Une réappréciation du site
par T. Maric est en cours, qui devrait apporter
de nouveaux éléments de chronologie.
Concernant les exemplaires de Tubuai, seule
la pièce n° 1407 fut recueillie en contexte au
cours de la fouille du site de Atiahara. Elle fut,
semble-t-il, découverte à l’interface des niveaux
D/E (L. Miller et A. Hermann, com. pers., mai
2012), avec plusieurs peignes en os. Il n’existe
aucun rapport ou document publié sur les ré-
sultats de cette campagne hormis un article ré-
cent dans lequel sont indiquées deux dates de
930 ±60 B.P. et 855 ±30 B.P. (soit entre les e
et e siècles de notre ère) se rapportant à des
couches qui ne sont pas clairement identiées
mais dont on suppose qu’elles marqueraient un
terminus post-quem (Worthy et Bollt, 2011 : 73).
Les deux autres pièces décrites pour Tubuai ont
été découvertes en surface, dans les zones de la-
bour à proximité de Atiahara.
La revue rapide des contextes chronologiques,
parfois très incertains, semble malgré tout in-
diquer que la majorité des peignes en nacre re-
monte à des périodes assez anciennes comprises
entre les e et e siècles, soit bien avant l’arrivée
des premiers Occidentaux en Polynésie orientale.
Sans remonter toute la séquence océanienne
proposée par Robitaille dans son étude, nous
ne pouvons cependant qu’accorder du crédit à
son scénario de développement technologique
des instruments polynésiens. Faisant suite à l’in-
vention ou à l’introduction des peignes (matrix
combs), plutôt étroits, en Polynésie occidentale,
la panoplie d’outils s’enrichit de pièces plus larges
destinées notamment à la réalisation d’aplats, ce
qui sous-tend aussi une évolution des motifs et
de la manière de les réaliser. Robitaille avançait
ainsi l’idée selon laquelle une période de change-
ments culturels, sociaux et esthétiques s’ouvrait
avec l’installation des communautés en Polynésie
orientale, justiant l’apparition de peignes larges
dans les assemblages archéologiques anciens.
Le développement conjoint de pièces larges et
étroites réalisées tant dans de l’os que dans de la
nacre est en eet attesté comme en témoignent
les collections découvertes dans les archipels cen-
traux, mais aussi à Mangaia aux Cook (Kirch et
al., 1995) et en Nouvelle-Zélande (Davidson,
1984). La réalisation de peignes larges a pu ce-
pendant se poser comme une véritable diculté,
un élargissement des lames allant de pair avec
4. Nous navons trouvé quune seule référence dun objet en nacre décrit comme un peigne à tatouer. Il sagit dune pièce
conservée au musée du quai Branly à Paris et enregistrée dans linventaire sous le n° 71.1880.49.29. Sa nomenclature indique
quelle provient des îles Salomon, sans plus de précision. Nayant pu étudier cette pièce plus en détail, nous ne pouvons pas
nous avancer sur sa véritable fonction. Néanmoins, les dents ou pointes visibles ne sont pas réalisées par la même technique de
rainurage.
218 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
une plus grande fragilité qui provoque souvent
des cassures sous l’eet répété de la percussion.
D’après notre corpus, deux voies d’expérimen-
tation technique ont pu être suivies : d’une part,
un travail important sur la partie proximale et le
mode de xation par ailettes qu’on retrouve aux
Marquises et aux îles de la Société ; d’autre part,
un accroissement de la résistance par un épais-
sissement des lames en os comme cela semble
être le cas aux Australes avec les assemblages de
Atiahara ainsi qu’en Nouvelle-Zélande avec les
peignes en os de moa. Dans ces deux derniers
cas, le mode de xation par encochement ou
xation sommitale reste comme auparavant
F 6. - Peignes à tatouer découverts sur le site de Hane, Ua Huka (Marquises)
219
PEIGNES À TATOUER, MOYEN D’APPRÉHENDER LA PENSÉE TECHNIQUE
culière doit être portée aux modes de xation et
aux aménagements sommitaux des peignes.
Le schéma opératoire décrit dans cet article
s’avère nalement complexe à mettre en œuvre
et, au-delà du questionnement technique, ren-
voie à l’identité et au statut de l’artisan qui doit
en maîtriser tous les aspects. Le tatoueur aux
périodes anciennes6 fabriquait-il lui-même ses
propres outils ou faisait-il appel à un spécialiste
du travail de la nacre ? Quelques remarques
iraient dans le sens de la première proposition.
D’une part, il ne fait aucun doute que la forme
des peignes, leur largeur notamment, est adaptée
aux besoins spéciques du tatouage et des mo-
tifs. Or, seule la connaissance et la maîtrise du
geste lors de l’opération favorisent l’adaptation
technique. De manière plus pragmatique, il est
tout aussi évident que le tatoueur est lui-même
en charge de l’entretien de ses lames, ainsi que
de leur montage et démontage impliquant un
savoir-faire quant aux ligatures. Enn, rappe-
lons que le tatouage est un acte très important
et de ce fait, requiert des outils dont la fabrica-
tion et l’usage étaient entourés de précautions et
de tapu. Ces quelques remarques, malheureu-
sement fort peu étayées par les commentaires
ethnographiques tardifs, tendent à placer l’en-
semble de la chaîne opératoire sous la direction
d’un seul et même individu qui s’arme ainsi
dans l’ancienne société polynésienne comme un
spécialiste, tant dans le domaine technique de fa-
brication des peignes que dans celui du tatouage
à proprement parler, et de la conduite des rituels
et le respect des tapu entourant cette opération
chargée de signication.
ANNEXE : DESCRIPTION DES
PEIGNES À TATOUER EN NACRE
Hane (Ua Huka, Marquises), n° E9 #58 (g. 6)
Cette pièce achevée est presque entière. La
plaquette de nacre de forme carrée (16 mm de
longueur pour 15 mm de largeur maximale) pré-
sente une épaisseur de 1 mm égale sur toute la
surface de la pièce, hormis à l’extrémité distale
qui est amincie. La pièce a été découpée par rai-
nurage bifacial, sans doute dans la partie centrale
de la valve, mais il est impossible de distinguer
les faces externe et interne en raison du procédé
d’abrasion qui a fait disparaître toute trace de pe-
riostracum. Les bords sont parallèles sauf en par-
usité, montrant peut-être la permanence d’une
tendance culturelle ancienne.
Néanmoins, aux environs du e siècle, l’usage
de la nacre est abandonné de même que le sys-
tème d’ailettes. Les artisans privilégient dès lors
d’autres matériaux dont l’os, en plus grande
variété, et l’écaille de tortue, en particulier aux
Marquises (Ottino, 1998 : 53) et probablement
aux Tuamotu5, et inventent de nouvelles formes
de peignes. L’apparition des pièces composites
aux îles de la Société et à Hawaii (ainsi qu’à Sa-
moa où les pièces sont plus complexes encore)
constitue sans doute l’exemple le plus signicatif
puisque ces dernières permettent de réduire l’ef-
fet de fracture par la juxtaposition de plusieurs
lames étroites et indépendamment moins fra-
giles (Robitaille, 2007 : 168). Les xations par
encochement sont dès lors les seules employées.
Les composites continueront d’être utilisés dans
la panoplie des tatoueurs avec les peignes étroits
bien après l’arrivée des Occidentaux. L’absence
de peigne composite aux Australes et en Nou-
velle-Zélande semble conrmer dans ces régions
une permanence des formes larges anciennes, un
argument qui pourrait aussi être justié par la dé-
couverte de peignes en nacre datant de périodes
plus récentes à Tubuai (cf. Ambrose, 2012 : 7).
Se dessine ainsi un scénario plausible de dé-
veloppement des instruments de tatouage qui
témoigne à la fois de la capacité d’adaptation
dont rent preuve les artisans et d’une évolution
culturelle par laquelle des tendances régionales
apparaissent comme de nouveaux marqueurs à
prendre en compte dans des réexions générales
sur les séquences polynésiennes.
Conclusion
Notre étude d’un corpus le plus exhaustif pos-
sible de peignes en nacre découverts dans les ar-
chipels centraux de Polynésie a démontré l’utilité
d’une analyse technologique des schémas opéra-
toires dans la reconnaissance des choix réalisés
par les fabricants. La mise en relief de leurs ca-
ractéristiques originales au sein d’une réexion
typologique nous a permis de conrmer l’hypo-
thèse d’un scénario de développement régional.
Des études de ce type portant sur des collections
plus complètes regroupant des objets en maté-
riaux divers seraient protables. Ayant pressenti
l’existence de tendances culturelles marquées,
nous pensons par ailleurs qu’une attention parti-
5. Les motifs de tatouage aux Tuamotu et aux Gambier, documentés par la littérature ethnohistorique, se caractérisent par
de grands aplats ce qui implique lusage de peignes larges. Néanmoins, il nest fait aucune référence à ce type de peigne dans la
bibliographie spécialisée sur ces archipels.
6. À la période européenne, du moins aux Marquises, il ne fait aucun doute que le tatoueur, aidé de son assistant, fabri-
quait lui-même ses peignes (Ottino, 1998 : 52).
220 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
tie proximale où ils convergent vers le sommet
aménagé de façon à xer le peigne au manche.
Les deux surfaces de la pièce sont parcou-
rues par des stries de rainurage ayant permis la
réalisation des pointes. Il ne fait aucun doute
qu’elles ont été réalisées dans un premier temps
puisqu’elles sont interrompues par l’encoche
sommitale et les échancrures des ailettes latérales
et ce sur les deux faces. Elles sont au nombre de
15 et forment ainsi 16 pointes dont il manque
les extrémités brisées. À l’origine, le peigne de-
vait toutefois présenter 17 pointes. En eet, le
bord droit est, semble-t-il, cassé au niveau d’une
rainure ce qui a provoqué un enlèvement de ma-
tière. En tenant compte d’une symétrie initiale
de l’objet, nous pouvons rétablir sa largeur réelle
et armer qu’une pointe a entièrement disparu.
L’aménagement de la partie proximale du
peigne s’est déroulé dans un second temps. Il
s’agit d’une encoche centrale de 4 x 3 mm au
sommet de la pièce. Les bords ont été limés pour
leur donner un prol rectiligne. On note aussi
le dégagement volontaire d’une petite partie
(2 x 1 mm) au bord circulaire immédiatement
sous l’encoche principale. De part et d’autre, des
gorges d’environ 1 mm de profondeur forment
les ailettes latérales. Les traces de limage sont
bien visibles et recouvrent les stries de rainurage.
Elles sont cependant moins marquées, voire à
peine amorcées, sur la face interne où les échan-
crures sont d’ailleurs moins symétriques que sur
la face opposée.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° K98-5 (g. 6)
Cette pièce mesure 19 mm de longueur pour
22 mm de largeur maximale. Son épaisseur de
2 mm est régulière. L’une des faces, plus mate
que l’autre, montre des trainées d’abrasion ce qui
laisse supposer qu’il s’agit de la face externe de la
valve huîtrière.
L’aménagement de la partie proximale est
achevé et tous les bords ont été limés et même
polis. L’encoche principale présente une forme
circulaire. Les échancrures latérales, d’une pro-
fondeur de 1 mm, sont nettes. Une seule trace
très légère de limage est visible sur la face ex-
terne. Il s’agit là d’une opération ayant pu servir
à mettre en forme l’ailette mais son absence sur
les autres bords indique qu’elle n’était peut-être
pas nécessaire dans la mesure où les échancrures
étaient préalablement bien marquées. Une autre
trace de limage apparaît sur la face interne mais
celle-ci est accidentelle car située bien plus bas
que l’échancrure.
La partie distale est incomplète en raison d’une
ou plusieurs fractures ayant provoqué la dispari-
tion des pointes sur toute la largeur du peigne.
On compte 19 stries de rainurage sur la face in-
terne soit 20 pointes. Les stries étant interrom-
pues par la ligne de fracture, l’opération de rai-
nurage sur cette face était achevée avant que la
pièce ne soit brisée. En revanche, la face opposée
montre des traces de nature diérente qui soulè-
vent plusieurs questions. En eet, il ne s’agit pas
ici de stries à proprement parler mais de très nes
lignes marquées en relief. On pourrait supposer
que cet aspect particulier est donné par le rainu-
rage plus ou moins fortement appuyé sur l’autre
face et qui « imprime » en négatif sa marque sur
celle-ci. Cette hypothèse nous semble plausible
en raison de la structure de la nacre. Rappelons
qu’elle est faite de la superposition de nes la-
melles de carbonate de calcium qui en font un
matériau résistant mais également sensible aux
forces exercées à sa surface. Il est donc envisa-
geable que « l’écrasement » des lamelles provo-
qué par le rainurage aboutisse à une impression
négative en relief de l’autre côté. Seule l’expé-
rimentation pourrait valider cette proposition.
Concernant la pièce K98-5, l’artisan aurait
d’abord réalisé le rainurage d’une face avant de
faire de même sur l’autre, mais la cassure sur-
venant peut-être à ce moment-là aurait entraîné
son abandon, ce qui explique que la seconde face
ne soit pas achevée. Une telle assertion implique
aussi que le rainurage est survenu après l’aména-
gement de la tête.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° E8 #26 (g. 6)
Cette ébauche a été abandonnée en cours de
fabrication. Il s’agit d’une plaquette de nacre
rectangulaire de 31 mm de longueur, 17 mm
de large et 2 mm d’épaisseur. C’est l’un des
plus grands modules du corpus. Les deux faces
montrent des traces d’usure traduisant un tra-
vail d’amincissement de la plaquette mais l’une
d’entre elle, plus sombre, signale la face externe.
L’opération de rainurage est bien visible alors
que la tête ne présente aucun aménagement. La
réalisation des pointes est donc survenue dans
un premier temps. Les stries de rainurage sont
surtout présentes dans le tiers distal de la pièce,
par ailleurs plus n, et ne remontent pas aussi
haut que sur l’exemplaire E9#58.
Sur la face externe, on compte 14 stries de rai-
nurage dont l’une est recoupée par le bord droit,
tandis que seules 13 stries sont visibles sur l’autre
face. En revanche, ce sont bien 14 pointes que
l’on observe sur la pièce. Le bord gauche montre,
quant à lui, des traces de découpage bifacial et de
reprise, indiquant qu’il s’agissait bien du bord de
l’objet lui-même. À l’opposé, on suppose que le
bord droit s’est cassé de manière longitudinale
après le rainurage, puis a été repris pour ne pas
abandonner la pièce mais en produire une de
moindre largeur (il est toutefois dicile d’esti-
mer la largeur initiale de l’objet). Notons que
sept extrémités de pointes sont bien conservées
et montrent une longueur moyenne de 3 mm
pour la partie active.
221
PEIGNES À TATOUER, MOYEN D’APPRÉHENDER LA PENSÉE TECHNIQUE
ture privilégié en raison de leur plus grande fra-
gilité. De fait, toute la moitié gauche du peigne
est manquante.
Selon la manière dont on envisage le système
d’attache proximale, l’estimation de la largeur
initiale varie. Si l’on considère qu’il s’agit d’un
mode de xation par encoche et ailettes laté-
rales (qui dans ce cas n’auraient pas encore été
travaillées), alors la perforation correspondrait à
une première étape suivie d’un travail de régula-
risation par limage. En nous basant sur la forme
des pièces précédentes, on peut supposer une lar-
geur initiale de 18-20 mm. S’il s’agit d’une per-
foration centrale simple, alors cette largeur serait
réduite à 15-16 mm environ. Il est néanmoins
dicile de trancher sur la question du mode de
xation.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° P86-27 (g. 6)
Cette pièce est incomplète en raison de plu-
sieurs fractures tant en partie proximale que dis-
tale. Il s’agit d’un support de nacre de 21 mm de
longueur, 14 mm de largeur et 1,5 mm d’épais-
seur. Le bord gauche encore visible est celui de
la pièce elle-même car les bords sont limés et
polis. De fait, on peut considérer que la largeur
indiquée ci-dessus, prise dans la partie haute du
peigne correspond à la largeur initiale voulue par
l’artisan. En revanche, il est dicile d’estimer la
hauteur initiale de l’objet en raison de la cassure
en partie distale. Il semble que cette dernière ait
été aménagée par 12 stries de rainurage pour au
moins 13 pointes. Si les cassures ont provoqué
un enlèvement transversal, on note aussi que
le bord inférieur droit s’est détaché en suivant,
comme sur d’autres exemplaires, l’une des stries.
Le peigne comportait donc originellement plus
de 13 pointes. Les stries sont assez longues et oc-
cupent les deux-tiers de la lame.
La tête présente des traces d’aménagement qu’il
n’est pas aisé de dénir précisément dans la me-
sure où nos observations n’ont été réalisées qu’à
partir de photographies. On note sur le bord su-
périeur droit une protubérance interne de 5 mm
de long. Celle-ci semble avoir été formée par
une perforation en partie centrale. Une sorte de
petite encoche est également visible sur le bord
inférieur de la perforation. Partant de cette en-
coche, une ligne de fracture court vers le bord
gauche et a provoqué un enlèvement de matière
important, dont sans doute l’ailette opposée. La
question se pose de savoir à quel moment s’est
produite la fracture. On suppose que la reprise
de la perforation et/ou de l’encoche inférieure a
conduit à la cassure. Cette assertion impliquerait
qu’il s’agit d’un mode de xation par encoche
et ailettes. L’aménagement de ces dernières ne
semble pas avoir été entrepris, comme sur la
pièce P108-5. En revanche, l’encoche, s’il s’agit
bien de cela, ne semble pas être placée en posi-
Dans la partie proximale, l’angle gauche pré-
sente lui aussi une fracture plus nette qui n’a pas
été reprise. On peut penser que celle-ci est in-
tervenue en dernier lieu provoquant l’abandon
dénitif de la pièce pour laquelle l’aménagement
de la tête s’avérait impossible en l’état.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° F7 #34 (g. 6)
Cette pièce étant cassée, on ignore si elle était
achevée ou non. Nous ne disposons que de la
partie distale, occupée par les rainures. L’objet
mesure 12 mm de long et 20 mm de large pour
une épaisseur de 1 mm. Les deux bords sont lé-
gèrement convergents vers la partie proximale.
Bien qu’un peu émoussés, ils montrent des traces
d’un découpage bifacial ensuite repris par polis-
sage. La largeur de la pièce est donc bien celle
initiale de l’objet. Les pointes sont achevées en
partie distale. Les stries de rainurage visibles sur
les deux faces sont interrompues par une cassure
transversale qui a sans aucun doute entraîné
l’abandon de la pièce. Elles débutaient plus haut
vers le sommet. On en compte 18 qui forment
19 pointes dont seules deux sont bien conser-
vées (2 mm de longueur maximale). Les stries
latérales sont, quant à elles, interrompues par le
limage et le polissage des bords, ce qui démontre
que cette opération est survenue après l’aména-
gement des pointes.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° P108-5 (g. 6)
Il s’agit d’une pièce incomplète très probable-
ment cassée en cours de fabrication. Le support
de nacre mesure 26 mm de longueur pour 9
mm de largeur et 1,5 mm d’épaisseur. Les par-
ties proximales et distales sont aménagées à des
stades diérents. L’opération de mise en forme
des pointes distales était, semble-t-il, achevée.
En eet, on note sur ce fragment conservé sept
stries sur les deux faces pour huit pointes en-
core visibles. Leur extrémité est brisée mais sur
celles partiellement préservées, les pointes sont
dégagées d’environ 1 mm, ce qui suppose que
la hauteur de la pièce est complète. La majorité
des stries de rainurage débute dans le tiers distal
de l’objet même si deux d’entre elles sont plus
longues.
Dans la partie proximale, on note une rupture
du bord droit qui converge très nettement vers
le sommet. De plus, on constate une trace de
perforation biconique au centre de la tête. Celle-
ci avait probablement pour but d’aménager
soit une perforation centrale, soit une encoche
comme sur les exemplaires E9#58 et K98#5 dé-
crits plus haut. Cependant, il apparaît que l’opé-
ration s’est soldée par une cassure longitudinale
très nette qui a suivi la huitième strie dans la
partie distale. Sur cet objet comme sur d’autres,
les stries apparaissent comme un point de frac-
222 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
au cours de la nition de l’encoche ? Quoi qu’il
en soit, la disparition de cet élément essentiel a
provoqué l’abandon de l’objet avant même que
ne débute la réalisation des pointes.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° O110-32 (g. 6)
Cette pièce apparemment non achevée est très
diérente des autres peignes en nacre. Il s’agit
d’un support de forme allongée, mesurant 40
mm de long. Sa largeur varie entre 5 mm à l’ex-
trémité proximale et 11 mm à l’extrémité dis-
tale. Il a été découpé dans une partie épaisse de la
valve, à proximité de la charnière. Son épaisseur
est de 3-4 mm, formant au sommet une section
rectangulaire. La face externe du peigne est iden-
tiable par le periostracum conservé. Les bords
convergents vers le sommet sont émoussés mais
montrent bien des traces de reprise par limage et
polissage. Des stries de rainurage sont visibles sur
l’extrémité proximale. Elles sont très courtes (3
mm au maximum) et peu marquées. Aussi, au-
cune pointe n’est encore dégagée en raison sans
doute de l’épaisseur de cette zone. On compte
cinq stries ce qui suppose que six pointes devai-
ent être formées. L’aspect général de la pièce, très
allongé et étroit, la distingue du reste de la col-
lection. Elle se rapproche cependant de la forme
qu’adopteront les peignes en os décrits à la pé-
riode européenne.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° Surf.1 (g. 7)
Cette pièce fut découverte hors contexte ar-
chéologique. Elle est incomplète en raison de
plusieurs fractures survenues en parties distale
et proximale. En revanche, les deux bords sont
conservés. Le peigne mesure 16 mm de long et
18 mm de large. Les deux faces sont très délitées
et il n’est pas possible d’établir l’épaisseur initiale
du support de nacre.
Les stries de rainurage, au nombre de 15, sont
visibles. Elles formaient donc 16 pointes à l’ori-
gine. Leur extrémité est manquante en raison de
la fracture distale. La partie proximale présente
des aménagements avec l’ailette gauche marquée
par une protubérance interne et une gorge trans-
versale externe. La longueur de l’ailette est de
7 mm. L’ailette droite est désormais cassée mais
on peut toutefois reconstituer la forme générale
de l’encoche centrale. Celle-ci dessine un ovale
large d’environ 8 mm et haut de près de 3 mm.
Ha’atuatua (Nuku Hiva, Marquises), n° TP12-4
(g. 8)
Ce peigne achevé mesure 23 mm de long et
16 mm de large. Les bords latéraux sont légè-
rement convergents vers le sommet. Bien que
nous ne disposions que d’une photographie, il
tion centrale. Il n’est guère possible de trancher
entre la possibilité d’une « erreur » de l’artisan et
celle d’une forme de xation au moyen d’une en-
coche plus large que celles observées sur d’autres
pièces. La fracture est survenue soit en même
temps, soit après l’aménagement des pointes car
si la cassure distale était survenue auparavant, et
dans la mesure où celle-ci est bien trop préju-
diciable à l’emploi du peigne, l’objet aurait été
abandonné immédiatement et l’aménagement
du sommet aurait été inutile.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° N88-13 (g. 6)
Ce peigne constitue l’un des plus gros modules
de notre corpus. Il mesure 32 mm de longueur
pour une largeur maximale de 25 mm et une
épaisseur de 1,5 mm. C’est le seul exemplaire
présentant ses pointes en bon état de conserva-
tion (une seule est brisée). On compte 19 stries
de rainurage pour 20 pointes (détachées de 3
mm en moyenne). Les stries occupent surtout le
tiers distal de la pièce et sont donc assez courtes.
Notre observation à partir de la photographie
fournie par Y. Sinoto nous indique que les bords
latéraux ne sont pas entièrement conservés. Des
fractures sont survenues sur les deux bords du
peigne ainsi que dans sa partie proximale. De ce
fait, aucune trace d’aménagement du sommet
n’est visible et il est impossible de reconstituer le
mode de xation.
Hane (Ua Huka, Marquises), n° O112-11 (g. 6)
Cette ébauche a été abandonnée en cours de
fabrication. Le support de nacre de forme glo-
balement trapézoïdale mesure 20 mm de lon-
gueur, 18 mm de largeur et 1,5 mm d’épaisseur.
Il a été découpé par rainurage mais on ne peut
armer à partir de la photographie dont nous
disposons si les bords ont été repris. Les deux
bords latéraux sont convergents vers le sommet.
Il est intéressant de noter qu’avant même le rai-
nurage des pointes, la bordure distale a été pré-
parée selon une courbure convexe. Aucune strie
n’est visible alors qu’un travail important a été
réalisé sur la partie proximale. C’est la seconde
pièce du corpus (avec K98-5) à présenter un
schéma opératoire dans lequel l’aménagement
du sommet précède celui des pointes. En eet,
on note que l’extrémité gauche est formée par
une protubérance externe très marquée d’envi-
ron 2 mm. Cette ailette a fait l’objet d’un travail
n qui lui donne une forme relativement éla-
borée. L’encoche centrale est plus large que sur
d’autres exemplaires. Il est fort probable que sa
préparation ait nécessité plusieurs perforations
successives dont les bords ont ensuite été soi-
gneusement limés. Néanmoins, l’ailette latérale
droite est cassée. S’agit-il d’une fracture survenue
223
PEIGNES À TATOUER, MOYEN D’APPRÉHENDER LA PENSÉE TECHNIQUE
lontaire ou non ; mais si tel était le cas, ce serait
un fait unique dans notre corpus puisqu’ailleurs,
les pointes débutent dès le bord des pièces.
Le sommet du peigne montre un système de
xation par encoche et ailettes. Ces dernières
sont formées de deux protubérances internes
marquées notamment par un décrochement des
bords latéraux. L’encoche centrale a été réalisée
par deux perforations dont on observe encore la
jonction sur la bordure inférieure. Les bords ont
ensuite été régularisés.
Vaito’otia (Huahine, Îles-Sous-le-Vent), n° F17-5
(g. 9)
Ce support de nacre prend la forme d’un hexa-
gone allongé de 22 mm de longueur pour 19 mm
de largeur maximale. Les deux bords latéraux
principaux sont convergents vers la partie distale
occupée par les stries de rainurage au nombre
de 10, marquant 11 pointes désormais brisées.
Les stries sont assez courtes sur les côtés et plus
longues au centre de la plaquette sans toutefois
dépasser la moitié de la pièce. La tête n’est pas
aménagée si ce n’est par une rupture des bords
principaux dont le quart supérieur converge vers
la bordure sommitale. On n’observe pas de trace
de perforation ou de limage, mais la pièce n’est
aucunement cassée. L’objet semble donc avoir
été abandonné en cours de fabrication pour une
raison inconnue. En l’absence d’aménagement
proximal, on ne peut restituer avec certitude le
mode de xation prévu à l’origine mais le sys-
tème d’ailettes semble le plus probable au vu de
la largeur de la pièce.
Rivnac (Tahiti, Îles-du-Vent), s. n° d’inventaire
(g. 10)
Ce peigne est constitué d’un support de 21 mm
de long, 18 mm de large et épais de 1 mm. Les
bords latéraux sont parallèles sauf en partie dis-
tale où le bord gauche s’oriente vers le bas de
la pièce. On compte 16 stries sur la face anté-
rieure et 17 sur la face postérieure, mais seules
16 pointes sont encore discernables, une cassure
ayant provoqué un enlèvement important dans
l’angle distal droit.
La partie proximale a été aménagée par des ai-
lettes latérales dont il ne subsiste que celle de
gauche. L’ailette droite a été cassée à sa base ce qui
a sans doute provoqué l’abandon de la pièce, soit
au moment de sa fabrication, soit en cours d’uti-
lisation (ce qui impliquerait que la fracture distale
soit postérieure). Les ailettes sont marquées par
une gorge transversale externe et une protubérance
interne. Cette dernière est dessinée par l’encoche
de xation principale réalisée par au moins trois
perforations consécutives dont les traces sont bien
visibles et donnent cet aspect « trilobé ».
semble bien que tous les bords aient été limés
et polis après le découpage par rainurage bifa-
cial. La face antérieure représentée sur la gure
7 correspond à la face interne de la valve car on
distingue nettement à la surface de la nacre la
zone creuse permettant l’attache du muscle ad-
ducteur. En partie distale, on compte 20 stries
pour 21 pointes, mais l’extrémité de celles-ci est
désormais brisée. La majorité des stries est réali-
sée à partir du quart distal mais quelques-unes
débutent plus haut vers le milieu de la plaquette.
La partie proximale a fait l’objet d’un travail
particulier. On retrouve ici le principe de xa-
tion par encoche centrale et ailettes latérales.
L’encoche de 6 mm de diamètre est réalisée par
une ou plusieurs perforations dont les bords ont
ensuite été repris pour les régulariser. De part
et d’autre de l’encoche sont formées des ailettes
également marquées par des décrochements as-
sez ouverts des bords latéraux (1 mm de pro-
fondeur). Il ne s’agit pas à proprement parler
d’ailettes latérales car les deux têtes sont orien-
tées vers le haut. Notons une légère dissymétrie,
l’encoche étant décentrée vers le bord gauche et
l’ailette droite étant plus large.
Vaito’otia (Huahine, Îles-Sous-le-Vent), n° G19-
6 (g. 9)
Ce peigne mesure 19 mm de long, 21 mm de
large et 2 mm d’épaisseur maximale. Il est com-
plet à l’exception des extrémités des pointes dont
la plupart sont brisées. Les bords latéraux sont
parallèles. En raison de la faible résolution de la
photographie dont nous disposons, il est dicile
de compter avec certitude le nombre de stries et
de pointes. Il semble que les stries soient assez
courtes et réservées à la partie distale. Il est sur-
prenant de constater des enlèvements de formes
identiques aux deux angles distaux, formant
ainsi un rétrécissement de la largeur en direction
de la partie active comportant les pointes. Il n’est
pas aisé de dire s’il s’agit d’un aménagement vo-
F 7-8. – Peignes à tatouer (Marquises).
7. n° Surf.#1 découvert hors contexte à Hane, Ua
Huka
8. découvert sur le site de Ha’atuatua, Nuku Hiva
7
8
224 JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
long et 15 mm de large. Seule une partie du bord
latéral gauche est conservée, les autres bords étant
cassés. Les deux faces présentent des stries de rai-
nurage réservées au tiers distal. On en compte
neuf sur la face antérieure et 12 sur la face oppo-
sée (le délitage de la nacre dans l’angle distal droit
a fait disparaitre trois stries). La superposition des
deux faces montre que l’objet en comportait au
moins 13 avant sa cassure. Leur extrémité a dé-
sormais disparu. La partie proximale, elle aussi
brisée, ne présente aucune trace d’aménagement
et interdit, de fait, de comprendre le mode de
xation prévu.
Parcelle proche d’Atiahara (Tubuai, Australes),
pas de numéro d’inventaire (g. 11)
Ce fragment de peigne à tatouer de 17 mm de
long et 14 mm de large est très incomplet. Il ne
subsiste que la partie distale suite à une cassure
franche transversale. Cette fracture, qui a rendu
l’objet inutilisable, est survenue après la mise en
forme des pointes (seules deux extrémités sont
bien conservées). Le bord gauche est conservé et
semble droit par rapport à l’axe des stries. Une
rupture apparaît peut-être en partie proximale
où il s’oriente vers le sommet. On compte 12
stries sur une face et 13 sur l’autre, soit au moins
14 pointes. Une diérence est notable entre les
deux faces : sur l’une, les stries sont courtes et
régulières tandis que sur l’autre, elles sont plus
longues et même interrompues par la ligne de
fracture. La strie située la plus à gauche de la face
interne n’a pas atteint le bord distal. Pourtant la
Atiahara (Tubuai, Australes), n° 1407 (g. 11)
Ce peigne mesure 20 mm de long pour 9 mm
de large, dimensions qui en font une pièce assez
étroite. Elle est complète à l’exception de l’ex-
trémité des pointes dont une seule, longue de
2 mm, est encore visible. Les deux bords latéraux
sont parallèles sauf dans le quart proximal où ils
convergent vers le sommet au prol légèrement
courbe. Les deux faces sont occupées par les stries
de rainurage au nombre de huit qui marquent
neuf pointes au total. Si les stries les plus à gauche
de la face antérieure sont courtes et débutent au
milieu de la pièce, celles rainurées sur la moitié
droite sont beaucoup plus longues et débutent
dans la partie proximale. Certaines stries sont
même interrompues par le bord supérieur du
peigne ce qui implique que leur réalisation a pré-
cédé l’aménagement dénitif du bord proximal.
Le système de xation est plus simple que ce-
lui décrit pour les autres objets. En eet, il s’agit
d’une unique perforation centrale de 2,5 mm de
diamètre, apparemment biconique. Elle corres-
pond probablement aux systèmes d’encochement
ou de xation sommitale décrits dans le texte.
Parcelle proche d’Atiahara (Tubuai, Australes),
n° 452-318-TNP-1f (g. 11)
Nous n’avons eu accès qu’à un dessin de cette
pièce, aussi les observations qui sont proposées
dépendent-elles grandement de la qualité relative
de sa représentation. La pièce mesure 19 mm de
F 9. - Peignes à tatouer découverts sur le site de Vaito’otia, Huahine (Société)
F 10. – Peigne à tatouer découvert sur le site de Rivnac, Tahiti (Société)
225
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pointe qu’elle devait dessiner est presque formée
par la strie réalisée sur la face opposée. Ainsi,
on pourrait supposer que la fracture mésiale
est survenue au cours de cette étape, entraînant
l’abandon de la pièce. Notons que les stries de la
face postérieure sont particulièrement larges par
rapport aux autres pièces du corpus et ce, dès le
point de départ du rainurage, ce qui signale un
geste très appuyé.
Remerciements
Nous tenons à remercier tout particulièrement
le Dr. Y. Sinoto qui nous a transmis les photo-
graphies des peignes trouvés par lui sur le site de
Hane, ainsi que L. Miller pour les informations
partagées à propos des exemplaires de Tubuai.
Nous souhaitons également remercier T. Hiqui-
ly, conservateur adjoint du musée de Tahiti et des
îles ainsi que T. Maric du Service de la Culture
et du Patrimoine qui nous ont ouvert les portes
des réserves an de photographier les objets qui
y sont conservés. Nous remercions enn A. Her-
mann pour ses avis et S. Galliot pour les complé-
ments d’information qu’il nous a apportés.
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