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21
LA TUR
Q
UIE ET L
’
UNION EUROPÉENNE:
INTÉGRATION
,
DIVERGENCE OU COMPLÉMENTARITÉ
?
Recteur Gérard-Fran
ç
ois
DU
M
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Pro
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niversité Paris IV-Sor
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u
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P
opulation
&
Avenir
1
L T
C ’E
d
e
p
uis 1950, membre de
l’OTAN de
p
uis 1953, associée à l’Union douanière de l’Union euro
p
éenne de
p
uis
1963, candidate à cette Union de
p
uis 1987, et candidat offi ciellement reconnu, et
bénéfi ciant en conséquence des avanta
g
es de ce statut, à l’Union européenne depuis
le 3 octobre 2005. Toutefois,
p
lusieurs années a
p
rès cette dernière date, la
q
uestion
de sa pleine inté
g
ration à l’Union européenne reste ouverte. En eff et, avec les pré
-
cédents pays candidats,
j
amais les né
g
ociations d’adhésion n’ont autant piétiné. L
a
q
uestion des relations entre la Tur
q
uie et l’Union euro
p
éenne mérite donc une ana-
lyse a
pp
rofondie. Dans ce dessein, il convient d’abord d’étudier les caractéristi
q
ues
et les perspectives
g
éodémo
g
raphiques des deux entités, sachant l’importance de tels
paramètres pour la connaissance
g
éopolitiqu
e
2
.
La s
p
écifi cité de l’évolution des re-
lations entre la Tur
q
uie et l’Union euro
p
éenne doit ensuite être examinée. Enfi n, il
conviendra de réfl échir aux lo
g
iques
g
éopolitiques possibles dont l’analyse devrait
permettre de réfl échir, voire de répondre aux trois termes énoncés : inté
g
ration, com
-
plémentarité ou diver
g
ence.
1
.
www.population-demo
g
raphie.or
g
, 191, rue Saint-Jac
q
ues, 75005 Paris
2. Dumont, Gérard-Fran
ç
ois, Démo
g
raphie politique.
L
es lois de la géopoliti
q
ue des population
s
,
Paris, Elli
p
ses, 2007
.
Géo n°30.indd 21Géo n°30.indd 21 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
La Turquie et l’Union européenn
e
GÉOSTRATÉGI
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er
TRIMESTRE 2011
r
2
2
Un territoire remar
q
ua
ble
La Tur
q
uie, avec un territoire
d
e 784 mi
ll
iers
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e
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i
l
omètres carré
s
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et, cette su
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ll
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ne la place qu’au trente-cinquième rang dans le monde, notamment derrière six pays
disposant de plus de 5 millions de kilomètres carrés, huit pays disposant de 2 à 5 mil
-
l
ions
d
e
k
i
l
omètres carrés, comme
l
’In
d
e ou
l
’Ar
g
entine,
d
e quinze pays comptant
entre 1 et 2 mi
ll
ions
d
e
k
i
l
omètres carrés, comme
l
e Mexi
q
ue,
l
’In
d
onésie ou
l
’Iran.
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ais si nous étu
d
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l
a Turquie
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ique sous-continenta
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l
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l
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l
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ue
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e son territoire
l
a met
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ans une situation avantageuse. E
ll
e est
l
e pays
l
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l
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vaste
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es 18 pays
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l
’Asie occi
d
enta
l
e, après
l
’Ara
b
ie Saou
d
ite qui compte, i
l
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vrai,
d
e vastes sur
f
aces
d
ésertiques. Consi
d
érant
d
ésormais
l
es pays riverains
d
e
la
Méditerranée, l’Algérie, l’
É
gypte et la Libye sont plus vastes mais comptent, eux
aussi,
d
es vastes zones
d
ésertiques. Tous
l
es autres pays mé
d
iterranéens, y compris
la
France, ont une super
fi
cie moin
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re que ce
ll
e
d
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l
a Turquie.
En outre, nombre de
p
ays
p
lus vastes
q
ue la Tur
q
uie, à commencer
p
ar le
p
lus
vaste du monde, la Russie, disposent de
g
randes superfi cies peu exploitables. Ce qui
j
ustifi e de comparer les territoires selon leurs terres arables. Ces dernières sont défi
-
nies comme les terres aff ectées aux cultures tem
p
oraires (les su
p
erfi cies récoltées deux
fois n’étant com
p
tées
q
u’une fois), les
p
rairies tem
p
oraires à faucher ou à
p
âturer, les
j
ardins maraîchers ou pota
g
ers et les terres en
j
achères temporaires d’une durée de
moins de cin
q
an
s
4
. Or, la Tur
q
uie com
p
te 31 % de sa su
p
erfi cie en terres arables,
soit une
p
ro
p
ortion nettement su
p
érieure à celles de la Russie, de l’Australie, du
Brésil ou du Canada. Toutefois, ces
p
ays sont classés devant elle en raison de leur
v
aste su
p
erfi cie. En revanche, d’autres
p
ays beaucou
p
p
lus vastes
q
ue la Tur
q
uie
c
om
p
tent moins de su
p
erfi cie en terres arables, comme l’Indonésie, le Soudan,
l’Iran, l’Afrique du Sud ou le Ni
g
er.
3. Les territoires de la Tur
q
uie actuelle com
p
rennent la Thrace orientale (25 000 k
m
2
)
au
nord-ouest du Bos
p
hore,
p
arfois a
pp
elée Tur
q
uie d’Euro
p
e, et l’Anatolie (759 000 k
m
2
)
,
p
arfois
a
pp
elée Tur
q
uie d’Asie
.
4. Wackermann, Gabriel
(
direction
)
,
N
ourrir les homme
s
,
Paris, Elli
p
ses, 2008
.
Géo n°30.indd 22Géo n°30.indd 22 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
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L
a Tur
q
uie : Occi
d
ent ou Orient ?
23
Figure 1 - La superfi cie de la Turquie
e
t
d
es
p
rinci
p
aux
p
ays
d
e
l
’Union euro
p
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243
301
313
338
357
506
552
784
0 200 400 600 800
Royaume-Uni
Italie
Pologne
Finlande
Allemagne
Espagne
France
Turquie
milliers de km2
© Gérard-François Dumont - Chiffres Population & Avenir 700, 2010.
La Turquie se classe en meilleur ran
g
pour sa superfi cie de terres arables que
p
our sa su
p
erfi cie totale. Elle est en eff et en douzième
p
osition dans le monde, le
t
iercé de tête étant dominé, dans l’ordre,
p
ar les États-Unis, l’Inde et la Chine. En
Méditerranée, la Tur
q
uie com
p
te la
p
lus vaste su
p
erfi cie de terres arables et devance
t
rès nettement l’Al
g
érie, l’É
g
ypte et la Libye. La Turquie compte une superfi cie en
t
erres arables
p
lus vaste
q
ue celle de n’im
p
orte le
q
uel des
p
ays de l’Union euro
p
éenne
à 27, et donc du
p
remier d’entre eux selon ce critère, la France.
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4
Un troisième critère de l’importance du territoire turc tient à la lon
g
ueur de s
a
surface maritime, soit 8 372 kilomètres sur les mers Noire, de Marmara,
Ég
ée et
Mé
d
iterranée. Bien enten
d
u, ce
l
a ne re
p
résente
p
as une zone économi
q
ue exc
l
usive
5
consi
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e, compte tenu
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l
a présence
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’î
l
es non turques et
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e
l
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e
l
argeur
d
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ces mers par rapport à
d
es pays océaniques à
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oumène par
f
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b
eaucoup moins
vaste, comme Kiri
b
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l
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ans
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a Turquie, comme
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stan ou
l
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an.
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l
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émograp
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ique croissant
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La démo
g
raphie off re un autre critère de l’importance de la Turquie, résultat
d’une croissance im
p
ortante de la
p
o
p
ulation de ce
p
ays de
p
uis les années 1950. En
eff et, en 1950, la Tur
q
uie com
p
te 21,4 millions d’habitant
s
6
. Le
p
ays est alors nette
-
ment moins
p
eu
p
lé
q
ue la France (métro
p
ole) avec ses 41,8 millions d’habitants,
q
ue
l’Italie et ses 46,4 millions ou
q
ue le Royaume-Uni avec ses 50,6 millions. De
p
uis
les années 1950, le renouveau démo
g
raphique d’après-
g
uerre de ces trois pays euro
-
péens et leur attraction mi
g
ratoire ont certes accru leur population. Mais l’avancée
de la Turquie dans la transition démo
g
raphiqu
e
7
a en
g
endré un taux d’accroissement
naturel beaucou
p
p
lus élevé, et la Tur
q
uie multi
p
lie sa
p
o
p
ulation
p
ar 3,4 de 1950
à 2010, attei
g
nant 73,6 millions d’habitants, mal
g
ré ses fl ux d’émi
g
ration, principa
-
lement vers l’Allema
g
ne. En conséquence, la Turquie a rattrapé le Royaume-Uni, l
a
5. Ra
pp
elons
q
ue la notion de zone économi
q
ue exclusive (ZEE) trouve son fondement
j
uridique dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (ou Convention dite de
Monte
g
o Bay), si
g
née le 10 décembre 1982. La ZEE ne s’étend pas au-delà de 200 milles marins
(370,4 km) des li
g
nes de base à partir desquelles est mesurée la lar
g
eur de la mer territoriale.
Selon l’article 56 de la convention : « Dans la zone économi
q
ue exclusive, l’État côtier a : des
droits souverains aux fi ns d’exploration et d’exploitation, de conservation et de
g
estion des
ressources naturelles, biolo
g
iques ou non biolo
g
iques, des eaux sur
j
acentes aux fonds marins,
des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi
q
u’en ce
q
ui concerne d’autres activités tendant
à l’ex
p
loration et à l’ex
p
loitation de la zone à des fi ns économi
q
ues, comme la
p
roduction
d’éner
g
ie à partir de l’eau, des courants et des vents ;
j
uridiction en ce qui concerne la mise
en place et l’utilisation d’îles artifi cielles, d’installations et d’ouvra
g
es, la recherche scientifi que
marine, la
p
rotection et la
p
réservation du milieu marin.
»
6. Chiff res WPP
,
ONU
.
7
. Période de durée et d’intensité variables, pendant laquelle une population passe d’un ré
g
ime
démo
g
raphique de mortalité et de natalité élevées à un ré
g
ime de basse mortalité, puis de faible
natalité ; le nombre des humains de la
p
o
p
ulation concernée ac
q
uiert alors un nouvel ordre
de
g
randeur.
C
f. Dumont, Gérard-Fran
ç
ois,
L
es Po
p
ulations du mond
e
,
Paris
,
Armand Colin
,
2
00
4
.
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G
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a Tur
q
uie : Occi
d
ent ou Orient ?
2
5
France et
l
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l
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uis
l
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b
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d
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années 1990. En 2010, un seul
p
ays de l’Union euro
p
éenne (UE-27) est
p
lus
p
eu
p
lé
que la Turquie, l’Allema
g
ne
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u rang
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Ran
g
Ran
g
du pays proche
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ulation du
p
ays suivant ou
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evançant la Tur
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uie en mil-
l
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’habitant
s
Dans le mon
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En Asie occi
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iterranée
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3
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,4
et 75
,1
En mer
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1
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4
1
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Si elle était membre
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l
’Union euro
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2
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- Allema
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81
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ure 2 - La population de la Turquie
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p
rinci
p
aux
p
ays de l’Union euro
p
éenne
38
47
61
62
63
74
82
050
Pologne
Espagne
Italie
Royaume-Uni
France
Turquie
Allemagne
millions
d'habitants
© Gérard-François Dumont - Chiffres Population & Avenir 700, 2010.
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2
6
Notons en outre que la Turquie compte une densité modeste comparée à celle
d
es
p
rinci
p
aux
p
ays
d
e
l
’Union euro
p
éenne. En e
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et, son nom
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’
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p
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l
omètre carré est équiva
l
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l
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e
l
’Espa
g
ne, in
f
érieur à ceux
d
e
l
a France et
d
e
l
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l
ogne, et moitié moin
d
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l
us
d
e
l
a
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ensité
d
u Royaume-Uni,
d
e
l
’A
l-
l
emagne et
d
e
l
’Ita
l
ie. De te
ll
es
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onnées montrent une possi
b
i
l
ité
d
e
d
ensi
fi
cation
d
u territoire.
Figure 3 - La
d
ensité
d
e
l
a Turquie
e
t
d
es principaux pays
d
e
l
’Union européenne
93
94
114
122
201
229
256
0 100 200
Espagne
Turquie
France
Pologne
Italie
Allemagne
Royaume-Uni
Habitants par km2
© Gérard-François Dumont - Chiffres Population & Avenir, 700, 2010.
P
l
usieurs in
d
icateurs
d
émo
g
rap
h
iques turcs montrent que
l
a Turquie s’est rap
-
proc
h
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d
u régime
d
émograp
h
ique
d
e
l
’Union européenne en avançant
d
ans
l
a tran
-
sition démographique, certes selon un calendrier beaucoup plus tardif. Faut-il en
conclure que la Turquie appartient au même type démographique que les principaux
pays
d
e
l
’UE-27
d
ont e
ll
e s’est rapproc
h
ée ou qu’e
ll
e a
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épassés par
l
’importance
d
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son peup
l
ement
?
Géo n°30.indd 26Géo n°30.indd 26 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
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2
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vement nat
u
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ectivement incontesta
bl
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l
a Turquie termine sa transition
d
émogra-
p
hi
q
ue. Son taux de mortalité infantile s’est abaissé de 233 décès d’enfants de moins
d’un an en 1950 à 28 en 2010. Cette diminution illustre l’importance des pro
g
rès
sanitaires et
h
y
g
iéniques réa
l
isés
d
ans ce pays en important
l
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l
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ll
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lution n’est
p
as
p
ro
p
re à la Tur
q
uie, mais s’est aussi constatée dans de nombreux
p
ays
ayant é
g
alement suivi le schéma de la transition démo
g
raphique qui se caractérise
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’a
b
or
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par une
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l
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l
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l
’A
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-
rie et de l’
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gypte en 2010 sont-ils également estimés à 28 pour mille. En revanche,
d’autres pays moyen-orientaux ou méditerranéens ont de meilleurs résultats que la
Turquie puisqu’i
l
s ont
d
avanta
g
e a
b
aissé
l
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l
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l
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8
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l
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l
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d
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l
a Turquie marque un net écart avec
l
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-
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l
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l
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l
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l
usieurs
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f
érieures à 10 et précisément à 5 en 2010. Parmi
l
es six pays
l
es
p
l
us peup
l
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d
e
l
’Union européenne,
l
es quatre premiers comptent même un taux
d
e
morta
l
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f
anti
l
e in
f
érieure à 5, soit sept
f
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f
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l
ui
d
e
l
a Turquie.
8
. Sardon, Jean-Paul, « La
p
o
p
ulation des continents et des
p
ays », Po
p
ulation & Aveni
r
,
n° 700
,
novembre-décembre 2010
,
www.populaiton-demo
g
raphi
e
.
or
g
/revue03.htm
.
Géo n°30.indd 27Géo n°30.indd 27 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
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Turquie
Royaume-Uni
Pologne
Italie
France
Espagne
Allemagne
UE-27
nombre de décès
de moins d'un
an pour mille
naissances
© Gérard-François Dumont - Chiffres Population & Avenir 700, 2010.
À
l’examen de la fécondité, la fi n de la transition démographique en Turquie
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ulation, 7 mars 2008, LeJDD.fr.
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en dessous de la moyenne nationale à Istanbul, désormais la plus
g
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g
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. En outre
,
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g
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fécondité compte tenu, dans les ré
g
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p
lus élevées, corrélées à un moindre niveau de
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de la faiblesse relative des investissements eff ectués
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g
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énéralement, l’attitude nationaliste de la Turquie,
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de « Turc des monta
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e
13
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2008 comprend un para
g
raphe intitulé « Personnes déplacées à l’intérieur du pays »
et
p
récisant la demande suivante à la Tur
q
uie : « Continuer de
p
rendre des mesures
10. L’obtention de ces chiff res tient au fait
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11. Le nombre des Kurdes en Tur
q
uie est estimé à 15 millions en 2010, soit 20 % de l
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12. Où le nombre des Kurdes est estimé à 2 millions sur une a
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.
13. Par exem
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uin 2010.
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visant à faciliter le retour des personnes déplacées à l’intérieur du pays sur leur lieu
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1,66
1,73
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1,82
1,83
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2,16
2,75
2,88
3,46
0,0 1,0 2,0 3,0
TR Türkiye - Turkey
TR2 Batı Marmara-West Marmara
TR3 Ege - Aegean
TR1 stanbul
TR4 Do u Marmara-East Marmara
TR5 Batı Anadolu-West Anatolia
TR8 Batı Karadeniz-West Black Sea
TR9 Do u Karadeniz-East Black Sea
TR7 Orta Anadolu-Central Anatolia
TR6 Akdeniz-Mediterranean
TRA Kuzeydo u Anadolu-Northeast Anatolia
TRB Ortado u Anadolu-Centraleast Anatolia
TRC Güneydo u Anadolu-Southeast Anatolia
indice synthétique
de fécondité
(nombre d'enfants
par femme) en
2009
© Gérard-François Dumont - Chiffres General Directorate of Civil Registration and Nationality.
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g
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ents et industrialisé »,
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M
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,
n° 194
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avril-
j
uin 2008
.
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Dans l’Union européenne, le nombre des personnes â
g
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-
rieur à celui des moins de 15 ans. L’excédent est particulièrement net en Allema
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et en Italie, pays européens les plus impliqués dans ce que
j
’ai appelé un « hiver
démo
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raphique
1
5
»
,
c’est-à-dire une fécondité durablement abaissée sous le seuil de
15. Dumont, Gérard-François, « Les conséquences
g
éopolitiques de l’“hiver démo
g
raphique”
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éostratégi
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,
n° 20,
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uillet 2008
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0-14 ans 15-64 ans 65 ans ou plus
© Gérard-François Dumont - Chiffres Population & Avenir 700, 2010.
Des natures mi
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L’autre diff érentiel démographique de la Turquie avec l’Union européenne tient
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16. Rappelons les ori
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ratoires du peuplement actuel de la Turquie Au
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ouvoir se confi rme lors
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are, en 1453, de la ca
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itale byzantine Constantino
p
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tats-Unis. Aujourd’hui, les descendants des
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l
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60 000 personnes, c
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© Photo Gérard-François Dumont -
j
uin 2007.
17. C’est pourquoi les Arméniens commémorent le
g
énocide chaque année le 24 avril
.
18. Reconnu comme tel
p
ar diff érents
p
arlements occidentaux.
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l
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e Grecs, notamment ceux
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Dans les années et décennies suivantes, l’en
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ement n’est nullement tenu. À l
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suite d’une sorte de volonté d’é
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provoque l’exode de chrétiens orthodoxes, d’Arméniens survivants du
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’Araméens et
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La Turquie a donc été un pays de forte émi
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ration sous l’eff et de facteurs po-
litiques. Une autre émi
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ration politique tient à des Turcs, souvent ori
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admirés au musée Per
g
amon de Berlin
.
20. Voici
p
ar exem
p
le
q
uel
q
ues articles du traité de Lausanne
:
Artic
l
e 40 : Les ressortissants turcs appartenant à
d
es minorités non musu
l
manes jouiront
d
u
même traitement et
d
es mêmes garanties en
d
roit et en
f
ait que
l
es autres ressortissants turcs.
I
l
s auront notamment un
d
roit éga
l
à créer,
d
iriger et contrô
l
er à
l
eurs
f
rais toutes institutions
c
h
arita
bl
es, re
l
igieuses ou socia
l
es, toutes éco
l
es et autres éta
bl
issements
d
’enseignement
et
d
’é
d
ucation, avec
l
e
d
roit
d
’y
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l
i
b
rement usage
d
e
l
eur propre
l
angue et
d
’y exercer
l
i
b
rement
l
eur re
l
igion
.
Article 41 : En matière d’ensei
g
nement public, le
g
ouvernement turc accordera, dans les
v
illes et districts où réside une
p
ro
p
ortion considérable de ressortissants non musulmans, des
facilités a
pp
ro
p
riées
p
our assurer
q
ue dans les écoles
p
rimaires l’instruction soit donnée dans
l
eur propre lan
g
ue aux enfants de ces ressortissants turcs. Cette stipulation n’empêchera pas
l
e
g
ouvernement turc de rendre obli
g
atoire l’ensei
g
nement de la lan
g
ue turque dans lesdites
éco
l
es.
Géo n°30.indd 34Géo n°30.indd 34 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
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r
L
a Tur
q
uie : Occident ou Orient ?
3
5
régions kurdes où la situation s’avère particulièrement liberticide, partant en Europe
occi
d
enta
l
e ou en Améri
q
ue
d
u Nor
d
et y
d
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p
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d
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d
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’asi
l
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-
tion
d
e
l
a Convention
d
e Genève.
Outre l’émi
g
ration politico-reli
g
ieuse, lon
g
temps principale caractéristique du
système mi
g
ratoire turc, l’autre
g
rande émi
g
ration turque est surtout liée à des fac
-
teurs économiques. Elle débute dans les années 1960, avec des mi
g
rations de travail
notamment vers l’Allema
g
ne. Il s’a
g
it d’abord d’une mi
g
ration temporaire, qui se
transforme dans les années 1970 en une immi
g
ration de peuplement, notamment
sous l’eff et du droit à la venue des familles fi xé
p
ar l’article 8 de la Convention eu
-
ropéenne des droits de l’homme, article 8 faisant l’ob
j
et d’une lar
g
e application en
v
ertu de la
j
urisprudence de la Cour de Strasbour
g
.
Diver
g
ence dans l’importance des étran
g
ers, des naturalisés
et des immi
g
rants
C
om
p
te tenu de ces diff érents éléments
q
ui donnent à la Tur
q
uie une nature très
f
ortement
d
ominante
d
e pays
d
’émigration et, en
d
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d
e
l
’immigration entrepre
-
ne
u
ria
l
e
21
d
ont
l
a Turquie
b
éné
fi
cie
d
epuis son ouverture économique,
d
onc
d
epuis
l
es années 1980, puis
d
e
l
’ouverture
d
e
l
a Turquie, après
l
’imp
l
osion soviétique, au
x
immigrants
d
u Su
d
-Caucase (sau
f
l
’Arménie avec
l
aque
ll
e
l
a Turquie a
f
ermé s
a
frontière) et d’Asie centrale, la proportion des étrangers en Turquie est très faible,
seu
l
ement 0,4 %
d
e
l
a
p
o
p
u
l
ation.
21. « Mi
g
rations liées aux décisions d’entreprises faisant mi
g
rer leurs collaborateurs face au
x
évolutions des marchés ou d’actifs souhaitant bénéfi cier de territoires leur donnant davanta
g
e
de satisfaction
p
rofessionnelle » :
c
f
.
Dumont, Gérard-Fran
ç
ois, Les Mi
g
rations internationales.
Les nouvelles logi
q
ues migratoires
,
Paris, Sedes, 1995, et Moriniaux, Vincent
(
direction
)
,
Les
Mobilités
,
Paris
,
Sedes
,
2010
.
Géo n°30.indd 35Géo n°30.indd 35 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
La Turquie et l’Union européenn
e
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3
6
P
h
oto 2 : La frontière entièrement fermée
entre la Tur
q
uie et l’Arménie
© P
h
oto Gérar
d
-François Dumont - juin 2007.
Géo n°30.indd 36Géo n°30.indd 36 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
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a Tur
q
uie : Occi
d
ent ou Orient ?
3
7
F
igure 8 - La proportion des étrangers en Turquie
et
d
ans
l
es
p
rinci
p
aux
p
ays
d
e
l
’Union euro
p
éenn
e
0%
6%
6%
6%
11%
9%
6%
0% 5% 10%
Turquie
Royaume-Uni
Italie
France
Espagne
Allemagne
UE-27
% de personnes
d'une nationalité
étrangère dans
la population
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-Fr
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-
C
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2
008,
Ann
ua
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e
E
u
r
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2
0
1
0.
À
l’inverse, l’UE-27 est une grande région d’immigration, devenue même de-
puis les années 2000 la première au monde, avant les
É
tats-Unis. Il en résulte que
son pourcentage
d
’étrangers est é
l
evé, soit 6,2 %
d
e
l
a popu
l
ation
d
e
l
’UE-27.
Cette proportion est
d
épassée
d
ans certains pays comme
l
’A
ll
emagne ou
l
’Espagne,
l
égèrement p
l
us
f
ai
bl
e en France et en Ita
l
ie. L’importance
d
e
l
’écart
d
e
l
a propor-
t
ion
d
es étrangers (6,2 % contre 0,4 % en Turquie) est
d
’autant p
l
us nette que
l
es acquisitions
d
e nationa
l
ité sont g
l
o
b
a
l
ement
d
’une
d
i
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d
e nature entre
l
’Union européenne et
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a Turquie. L’UE-27 natura
l
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h
aque année
d
es centaines
d
e mi
ll
iers
d
e personnes. Des pays comme
l
’A
ll
emagne,
l
a France ou
l
e Royaume-
U
ni en natura
l
isent, c
h
acun et c
h
aque année, p
l
us
d
e 100 000. Par exemp
l
e, en
d
i
x
ans,
d
e 2000 à 2009,
l
a France a permis à p
l
us
d
e 1,4 mi
ll
ion
d
’étrangers
d
’acquérir
l
a nationa
l
ité
f
rançaise. La Turquie, qui pourtant se veut ouverte aux Azéris et au
x
popu
l
ations
d
’Asie centra
l
e ex-soviétique,
d
ans
l
e ca
d
re
d
u panturquisme, ne natu-
ra
l
ise c
h
aque année que que
l
ques mi
ll
iers
d
e personnes
.
Géo n°30.indd 37Géo n°30.indd 37 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
La Turquie et l’Union européenn
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8
F
i
g
ure 9 - La natura
l
isation en Turquie
e
t dans les
p
rinci
p
aux
p
ays de l’Union euro
p
éenne
4 807
164 540
35 266
132 002
71 936
113 030
0 50 000 100 000 150 000
Turquie
Royaume-Uni
Italie
France
Espagne
Allemagne
Nombre de
personnes
naturalisées
l'année
considérée
© Gérard
-
François Dumont
-
Chiffres 2007, Annuaire Eurostat 2010.
Compte tenu
d
es e
ff
ets
d
e
l
a natura
l
isation sur
l
e nom
b
re
d
es étrangers,
l
’étu
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d
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l
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h
ie
d
u peup
l
ement
d
’un pays
d
oit consi
d
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l
es immigrants, c’est-à
-
d
ire
l
es personnes y
h
a
b
itant et nées
d
ans un autre pays. Se
l
on ce critère,
l
es carac
-
téristiques de la Turquie et des principaux pays de l’UE-27 divergent à nouveau
intensément. La Turquie ne compte que 1,9 %
d
’immi
g
rants
d
ans sa popu
l
ation
tota
l
e, a
l
ors quatre
d
es six pays
l
es p
l
us peup
l
és
d
e
l
’UE-27,
l
’A
ll
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g
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l
’Espa
g
ne,
l
a France et
l
e Royaume-Uni, en com
p
tent
pl
us
d
e 10
%
22
.
22. International Mi
g
ration 2010, ONU
.
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a Tur
q
uie : Occi
d
ent ou Orient ?
3
9
Figure 10 - La proportion des immigrants en Turquie
et
d
ans
l
es
p
rinci
p
aux
p
ays
d
e
l
’Union euro
p
éenn
e
2%
10%
7%
11%
14%
13%
0% 5% 10% 15%
Turquie
Royaume-Uni
Italie
France
Espagne
Allemagne
% d'immigrants
dans la
population
totale
© Gérard-Fran
ç
ois Dumont - Chiffres 2010
,
ONU.
Le traitement
d
es minorité
s
P
our ceux qui consi
d
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l
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l
igieuse est une ric
h
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ans
l
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d
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’un respect mutue
l
entre
l
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l
igions,
l
a Turquie est un contre-exemp
l
e. Les c
h
ré-
t
iens représentaient p
l
us
d
e 20 %
d
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l
a popu
l
ation
d
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d
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b
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l
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l
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et
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u génoci
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e arménien et
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’une sorte
d
e puri
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cation re
l
igieuse
po
l
itiquement organisée contraignant à
l
’exo
d
e ou à
l
a conversion, i
l
s ne
f
orment
plus que 0,2 % du peuplement en 2011. En conséquence, l’
É
tat turc a considé
-
ra
bl
ement
h
omogénéisé sa popu
l
ation par rapport à
l
a
d
iversité re
l
igieuse existant
auparavant. Sa proportion
d
e musu
l
mans s’est é
l
evée à 99,8 %, contre 99 % en Iran,
Géo n°30.indd 39Géo n°30.indd 39 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
La Tur
q
uie et l’Union européenn
e
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40
9
5 % au Pakistan, 90 % en
É
gypte, 88 % au Bangladesh, 87 % en Indonési
e
23
…
L
es
minorités, notamment c
h
rétiennes et juives, qui pouvaient
d
isposer
d
e terres
d
’ac
-
cuei
l
ont émigré
d
e gré ou
d
e
f
orce
d
ans
d
es proportions très importantes : en 2011,
i
l
ne reste
d
onc p
l
us en Turquie que 3 000 Grecs, 25 000 jui
f
s, 60 000 Arméniens,
25 000 Assyro-C
h
a
ld
éens et 20 000 personnes
d
’autres et
h
nies ; ces minorités sont
concentrées à Istan
b
u
l
et à Izmir. En outre, aux con
fi
ns
d
e
l
a Syrie
h
a
b
itent
d
es
Ara
b
es musu
l
mans
.
La pression afi n d’assurer une homo
g
énéisation reli
g
ieuse est attestée par di
-
v
ers éléments. Ainsi, le
p
ouvoir turc fait subir au
p
atriarcat de Constantino
p
le des
su
j
étions qui rendent sa tâche diffi cile. Comme l’écrit un expert, le patriarcat de
Constantino
p
le « est, de
p
uis le kémalisme, en situation d’as
p
hyxie
24
». Il a
j
oute : « Sa
survie
p
asse désormais
p
ar la mise en avant des droits de l’homme et de la liberté de
conscience en Tur
q
uie. » Une mise en avant
q
ui se fait attendre, comme l’atteste,
p
ar
exem
p
le, la condamnation, le 14 se
p
tembre 2010, d’Ankara
p
ar la Cour euro
p
éenne
des droits de l’homme pour fautes commises dans l’aff aire Hrant Dink
25
k
k
o
u
le fait
que la diversité reli
g
ieuse est combattue même au sein de l’islam.
E
ff ectivement, le ré
g
ime turc or
g
anise un islam d’
É
tat avec une instance clé, l
a
direction des Aff aires reli
g
ieuses (« Diyanet Isleri Bakanli
g
i »), une institution direc
-
tement rattachée au Premier ministre. Ainsi, par exemple, le silence est-il de rè
g
le
s
u
r les alevi
s
2
6
. Ra
pp
elons
q
ue l’alévisme est une communauté hétérodoxe, dont l
a
défi nition hésite entre reli
g
ion, mouvement spirituel et courant philosophique. Il
recouvre un système
d
e croyances et
d
e pratiques qui associe, à
l
’ori
g
ine, un is
l
am
p
roche du chiisme (« alévi » fait référence au calife « Ali », encore
q
ue certains alévis
ne se considèrent pas comme musulmans), des usa
g
es paléochrétiens anatoliens, un
chamanisme à connotation turci
q
ue, des références zoroastriennes et mazdéennes.
La spécifi cité alévie s’illustre de façon multiple : non-observation du
j
eûne du rama-
23. Dumont, Gérard-Fran
ç
ois
,
« Les reli
g
ions dans le monde :
g
éo
g
raphie actuelle et
p
ers
p
ectives
p
our 2050 »,
in
Du
p
â
q
uier, Jac
q
ues, Laulan, Yves-Marie, L’Avenir démographi
q
u
e
des grandes religions
,
s
Paris, Fran
ç
ois-Xavier de Guibert, 2005.
24. Colosimo, Jean-François, « Métamor
p
hoses contem
p
oraines de l’idée de Dieu en
p
oliti
q
ue », Revue internationale et stratégi
q
ue
,
n° 76
,
2009
.
25. Suite à l’assassinat de ce
j
ournaliste, la Cour a condamné la Turquie pour trois fautes : avoir
restreint la liberté d’ex
p
ression de Hrant Dink, l’avoir
p
rivé de son droit à l’existence et avoir
refusé d’ouvrir des procédures
j
udiciaires contre les fonctionnaires de police et de
g
endarmerie
concernés
p
ar l’aff aire. Notons
q
ue le ministère turc a renoncé à faire a
pp
el
.
26. Dans des blo
g
s, nous trouvons ce
g
enre de texte :
j
e suis « fi ère d’être in alevi de race
turkmen
,
Tu rk »
.
Géo n°30.indd 40Géo n°30.indd 40 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
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L
a Tur
q
uie : Occident ou Orient ?
41
dan et des prières quotidiennes de l’islam, organisation de cérémonies fermées asso
-
ciant
h
ommes et
f
emmes (cem),
l
ieux
d
e cu
l
te particu
l
iers (cemev
l
eri), usa
g
e ritue
l
d
u vin,
d
e
l
a
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anse ou
d
e
l
a musique… Autrement
d
it,
l
’a
l
évisme se
d
istin
g
ue, par
son non-
d
ogmatisme,
d
es
d
ogmes re
l
igieux
d
its « ort
h
o
d
oxes », comme
l
e sunnisme
et
l
e c
h
iisme.
Or, bien
q
ue les alévis forment sans doute 15 % de la
p
o
p
ulation de la Tur
q
uie,
dans les livres d’école, il n’y a aucune référence à l’islam alevi, tant
p
our la croyance
que pour l’histoire ou la littérature. Actuellement, le
g
ouvernement au pouvoir
continue à nier l’islam alevi,
p
ourtant com
p
osante de la culture tur
q
ue, situation
p
réoccu
p
ante
q
ui crée un malaise dans la société tur
q
ue. D’ailleurs, une
p
remière
dans l’histoire de la Tur
q
uie, les alévis ont massivement manifesté, le 9 novembre
2008, à Ankara. Plus de 50 000
p
ersonnes, venues de tout le
p
ays, ont
p
artici
p
é à un
rassemblement de protestation, considéré comme le plus important
j
amais or
g
anisé
p
ar cette communauté, en Tur
q
uie. Pour attirer l’attention sur les discriminations
dont ils sont victimes
,
les manifestants ont défi lé sur des mots d’ordre hostiles
à
l
’AKP,
l
e parti au pouvoir
.
Il faudrait aussi considérer le traitement fait aux Kurdes, qui ne disposent
g
uère
du droit à la liberté d’ex
p
ression et d’association. L’État combat même ce droit mi
-
litairement, comme l’attestent les nombreux Kurdes dis
p
arus, tout
p
articulièrement
dans les années 1990-1998. Les Kurdes considèrent
q
ue la
p
aix civile nécessiterait l
a
trans
p
arence sur les exactions commises et l’ouverture de ce
q
u’ils
p
ensent être des
c
h
a
rni
e
r
s.
Des perspectives
d
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g
rap
h
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insi, à
l
’examen
d
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itions
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e morta
l
ité,
d
e
f
écon
d
ité et
d
e
l
eur géogra-
p
h
ie,
d
e composition par âge,
d
u mo
d
e
h
omogénéisé ou
d
ivers
d
u peup
l
ement,
d
u système migratoire ou encore
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u traitement
d
es minorités,
l
es types
d
émogra
-
p
h
iques
d
e
l
a Turquie et
d
e
l
’Union européenne sont consi
d
éra
bl
ement
d
i
ff
érents
d
epuis
d
es
d
écennies. Toute
f
ois, ce
l
a ne peut préjuger
d
es évo
l
utions
f
utures. Pour
l
es approc
h
er, i
l
est nécessaire
d
e consi
d
érer tout particu
l
ièrement
l
’évo
l
ution
d
es
naissances, puisque ce
ll
e-ci
d
étermine en partie
l
’avenir, et
l
es perspectives
d
e peu-
p
l
ement.
O
r, bien
q
ue la fécondité de la Tur
q
uie se soit abaissée de
p
uis le début des
années 1960, où elle était à 6 enfants
p
ar femme, son nombre de naissances, sti-
mulé par une proportion de femmes en â
g
e de procréer nettement plus élevée que
Géo n°30.indd 41Géo n°30.indd 41 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
La Turquie et l’Union européenn
e
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r
42
dans l’UE-27, reste sans commune mesure avec les principaux pays de l’Union
européenne. Par exemp
l
e, au cours
d
e
l
a
d
ernière
d
écennie,
l
a Turquie a enre
g
istré
c
h
a
q
ue année un nom
b
re
d
e naissances nettement su
p
érieur au mi
ll
ion, à nouveau
supérieur à 1,2 mi
ll
ion se
l
on
l
es
d
erniers c
h
i
ff
res
d
isponi
bl
es (2008).
F
i
g
ure 11 - Le taux de natalité en Turquie
e
t dans les
p
rinci
p
aux
p
ays de l’Union euro
p
éenne
0
5
10
15
20
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Turquie
France (métropole et Dom)
Royaume-Uni
UE-27
Allemagne
*pUDUG)UDQoRLV'XPRQWFKLIIUHV(XURVWDWQDLVVDQFHVSRXUPLOOHKDELWDQWV
Géo n°30.indd 42Géo n°30.indd 42 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
G
ÉOSTRATÉGI
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er
TRIMESTRE 2011
r
L
a Tur
q
uie : Occi
d
ent ou Orient ?
4
3
F
igure 12 -
L
es naissances en
T
ur
q
uie
et
d
ans
l
es
p
rinci
p
aux
p
ays
d
e
l
’Union euro
p
éenne
600 000
650 000
700 000
750 000
800 000
850 000
900 000
950 000
1 000 000
1 050 000
1 100 000
1 150 000
1 200 000
1 250 000
1 300 000
1 350 000
1 400 000
1 450 000
1 500 000
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Turquie
France (métropole et Dom)
Royaume-Uni
Allemagne
*pUDUG)UDQoRLV'XPRQWFKLIIUHV(XURVWDW
Or, du côté d’une UE-27 qui connaît un « hiver démo
g
raphiqu
e
27
»
,
le nombre
des naissances est, dans cha
q
ue
p
ays, nettement inférieur au million. Quant au
nombre des naissances en Allema
g
ne, il est inférieur à celui de la France, mal
g
ré une
population plus nombreuse que celle de l’Hexa
g
one ou de la Turquie ; sa tendance
est même en diminution, mal
g
ré l’apport des naissances issues de l’immi
g
ration,
dont celles concernant la Tur
q
uie
.
27. J’ai proposé à la fi n des années 1970 l’expression « hiver démo
g
raphique » pour dénommer
une fécondité nettement et durablement en dessous de seuil de remplacement des
g
énérations ;
une formulation ensuite utilisée
p
ar exem
p
le dans : Dumont, Gérard-François
et
alii
,
L
a
F
rance
ridée
,
Paris
,
Hachette
,
seconde édition
,
1986
.
Géo n°30.indd 43Géo n°30.indd 43 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
La Turquie et l’Union européenn
e
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44
Les e
ff
ets
d
’inertie propres aux
l
o
g
iques
d
émo
g
rap
h
iques, ma
lg
ré
l
’émi
g
ration
tur
q
ue, annoncent en Tur
q
uie une
p
oursuite
d
e
l
a croissance
d
e
l
a
p
o
p
u
l
ation. L
a
popu
l
ation
d
e
l
a Turquie est
d
éjà
d
evenue p
l
us nom
b
reuse que ce
ll
e
d
e
l
a France,
d
e
l
’Ita
l
ie et
d
u Royaume-Uni à
l
’orée
d
es années 1990. E
ll
e pourrait
d
épasser ce
ll
e
d
e
l
’A
ll
emagne avant
l
a
fi
n
d
es années 2010 pour attein
d
re p
l
us
d
e 90 mi
ll
ions en 2030
et 97 mi
ll
ions en 2050, se
l
on
l
es
h
ypot
h
èses moyennes.
F
igure 13 - Les perspectives
d
émograp
h
iques en Turquie
e
t
d
ans
l
es principaux pays
d
e
l
’Union européenne
50
55
60
65
70
75
80
85
90
95
100
1985
1990
1995
2000
2005
2010
2015
2020
2025
2030
2035
2040
2045
2050
Population en millions d'habitants.
Turquie
Royaume-Uni
Allemagne
France (métropolitaine)
Italie
*pUDUG)UDQoRLV'XPRQW&KLIIUHV:RUOGSRSXODWLRQSURVSHFWV7KHUHYLVLRQYDULDQWHPR\HQQH
De tels chiff res mettent en évidence toute l’im
p
ortance d’un marché turc dont le
nombre de consommateurs au
g
mente pour les entreprises européennes à la recherche
de clients. C’est
p
our
q
uoi des
p
laidoyers en faveur de liens économi
q
ues encore
p
lus
forts avec la Tur
q
uie sont souvent
p
ro
p
osés. Ils ex
p
li
q
uent en
p
articulier le soutien
du Royaume-Uni à l’entrée de la Tur
q
uie dans l’Union euro
p
éenne, sachant
q
ue ce
Géo n°30.indd 44Géo n°30.indd 44 02/02/11 15:1202/02/11 15:12
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a Tur
q
uie : Occi
d
ent ou Orient ?
45
pays croit davanta
g
e à une Union qui ne serait qu’une simple zone de libre-échan
g
e
qu’à une Union exerçant un rô
l
e géopo
l
itiqu
e
28
.
L’argument économique est souvent assorti
d
e
l
’a
ffi
rmation se
l
on
l
aque
ll
e
l
a
Turquie est un pays «
l
aïc », puisque
l
e préam
b
u
l
e
d
e sa Constitution précise,
d
ans
un troisième « consi
d
érant », que, « en vertu
d
u principe
d
e
l
aïcité,
l
es sentiments
d
e
religion, qui sont sacrés, ne peuvent en aucun cas être mêlés aux aff aires de l’
É
tat ni
à
l
a po
l
itique ». Toute
f
ois, i
l
f
aut s’interroger sur
l
a réa
l
ité concrète
d
e cette
l
aïcité. La
Turquie est-e
ll
e un pays
l
aïque ou une t
h
éo
d
émocratie ? La réponse à cette question
se trouve
d
éjà éc
l
airée par
l
es évo
l
utions migratoires précisées ci-
d
essus, qui se sont
t
ra
d
uites par une « puri
fi
cation re
l
igieuse » avec
l
e génoci
d
e arménien,
l
’exo
d
e
d
es
Arméniens ayant pu éc
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apper au génoci
d
e, puis
l
e repoussement
d
es popu
l
ations
c
h
rétiennes. Les
k
éma
l
istes, via
l
e ministère
d
es Cu
l
tes (Dinayet), ont
construit
d
e
manière centra
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isée une i
d
entité nationa
l
e sunnite
h
ana
fi
te,
l
’une
d
es éco
l
es juri
-
d
iques
d
e
l
’is
l
am. Le c
h
oix
d
e reconnaître uniquement
l
’is
l
am
h
ana
fi
te
d
ans un
ca
d
re concor
d
ataire s’est
f
ait au
d
étriment
d
es autres composantes
d
e
l
’is
l
am anato-
l
ien et en particu
l
ier, comme précisé ci-
d
essus,
d
es a
l
évis.
Laïcité o
u
théo
d
émocratie
?
Le ministère
d
es A
ff
aires re
l
i
g
ieuses a e
ff
ectivement pour mission
d
e ré
gl
ementer
l
a vie re
l
i
g
ieuse, et tous
l
es servants
d
u cu
l
te sunnite
h
ana
fi
te sont
f
onctionnaires.
Chaque vendredi,
j
our de la
g
rande prière, les mosquées reçoivent toutes un sermon
écrit
d
e ce ministère.
La non-app
l
ication
d
u principe
d
e
l
aïcité s’est accentuée. En 1971,
l
e pouvoir
t
urc a
f
ermé
l
e seu
l
séminaire ort
h
o
d
oxe existant encore,
l
e co
ll
ège t
h
éo
l
ogique
d
e
Ha
lki
2
9
, î
l
e proc
h
e
d
’Istan
b
u
l
, et en a inter
d
it tout autre. Or,
l
es 12 métropo
l
ites
28. Comme ses
p
rédécesseurs, en août 2010, le nouveau Premier ministre David Cameron s’est
p
rononcé
p
our l’entrée de la Tur
q
uie dans l’Union euro
p
éenne,
p
our renforcer les o
pp
ortunités
économiques de son pays avec la Turquie au sein de la zone de libre-échan
g
e. C’est, en même
temps, une façon indirecte de si
g
nifi er le refus de tout processus pouvant conduire à des États
-
Unis d’Euro
p
e.
2
9
. Où ont été formés le futur Bartholomeos I
er
, « archevê
q
ue de Constantino
p
le, nouvelle Rome,
et patriarche œcuménique », primat de l’É
g
lise orthodoxe de Constantinople depuis 1961, qui
y a terminé ses études en 1961, ou Athena
g
oras I
er
(né en 1886,
p
atriarche de Constantino
p
le
de 1948 à 1972), qui avait obtenu le diplôme de l’École patriarcale de théolo
g
ie de Halki
(Istanbul, îles des Princes) en 1910. La lecture des mémoires d’Athena
g
oras, malheureusement
a
pp
aremment devenus introuvables, est essentielle
p
our com
p
rendre l’histoire contem
p
oraine
du
p
atriarcat de Constantino
p
le
.
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La Tur
q
uie et
l
’Union européenn
e
GÉOSTRATÉGI
Q
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1
er
TRIMESTRE 2011
r
46
qui élisent, en synode, le patriarche doivent être tous de nationalité turque et sortir
d
e ce co
ll
è
g
e. Les Turcs
d
e con
f
ession ort
h
o
d
oxe ne sont
d
onc p
l
us qu’une poi
-
g
née, environ 2 000, même s’i
l
s comptent parmi eux
l
e patriarc
h
e œcuménique
d
e
Constantinop
l
e
30
.
Cet exemp
l
e montre
l
’écart qui peut exister entre
l
es textes et
l
a réa
l
ité. En e
ff
et,
b
ien que
l
a répu
bl
ique turque soit «
l
aïque », toujours se
l
on
l
a
d
ernière Constitution,
rédigée et imposée par la junte issue du coup d’
É
tat de 1980, approuvée par plé
-
b
iscite
l
e 7 novem
b
re 1982,
l
a pratique constatée ne sem
bl
e pas respecter
l
a
l
i
b
erté
re
l
igieuse. En 1982,
l
’enseignement coranique est ren
d
u o
bl
igatoire
d
ans
l
es éco
l
es
turques. En 1986,
l
e Par
l
ement turc vote une
l
oi punissant
d
e six mois à
d
eux ans
d
e
prison
l
es « insu
l
tes à
l
a re
l
igion musu
l
mane, A
ll
a
h
et son prop
h
ète ».
En 1997, Erdo
g
an, alors maire d’Istanbul, récite au cours d’une conférence un
p
oème aux connotations islamistes : « Les mos
q
uées sont nos casernes, les minarets
nos baïonnettes, les dômes nos cas
q
ues et les croyants nos soldats. » Toutefois, il est
alors condamné à
q
uatre mois de
p
rison et à la
p
erte de ses droits
p
oliti
q
ues. Il accède
ce
p
endant au
p
oste de Premier ministre, en mars 2003, car son
p
arti AKP (Parti
pour la
j
ustice et le développement), arrivé au pouvoir, amende les lois bannissant
son diri
g
eant de la vie politique depuis 1997.
Depuis,
l
e
f
ossé sem
bl
e se creuser entre
l
e gouvernement
d
’une part et
l
es mi
l
ieu
x
l
aïques turcs
d
e
l
’autre, car
l
a Turquie
d
e
l
’AKP sem
bl
e privi
l
égier
l
a voie re
l
igieuse
d
e
l
a réis
l
amisation. Nom
b
re
d
e
d
éc
l
arations
d
’Er
d
ogan montrent que sa pensée
p
o
l
iti
q
ue n’est
p
as ce
ll
e
d
’Atatür
k
, sau
f
p
our son as
p
ect nationa
l
iste.
En 2005, répon
d
ant à une question re
l
ative au statut
d
e
l
a minorité
k
ur
d
e,
l
ors
d
’une visite o
ffi
cie
ll
e en Nouve
ll
e-Zé
l
an
d
e, Er
d
ogan précise que
l
es nom
b
reuses mi
-
norités et
h
niques en Turquie sont
l
iées par
l
eur re
l
igion commune, en ré
f
érence
à
l
’is
l
am : « La Turquie est musu
l
mane à 99 % et c’est avant tout notre re
l
igion qui
nous relie les uns aux autres. »
À
son retour en Turquie, il explique : « Je n’ai pas dit
que
l
’is
l
am était notre i
d
entité supérieure [comme
l
’ont rapporté
l
es mé
d
ias]. J’ai
d
it
que
l
’is
l
am était
l
e ciment,
l
e principa
l
f
acteur
d
’unité
d
e notre peup
l
e. » Les mé
d
ias
is
l
amistes turcs sa
l
uent
l
es propos
d
’Er
d
ogan, mais, en revanc
h
e,
l
es mé
d
ias
l
aïcs
protestent, sou
l
ignant que
l
a seu
l
e i
d
entité commune
d
ans
l
a Répu
bl
ique
l
aïque
d
e
Turquie est
l
a citoyenneté turque
.
30. Donc, actue
ll
ement, Sa Sainteté Bart
h
o
l
omeos Ie
r
,
né en 1940, titu
l
aire
d
epuis 1972
.
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G
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Q
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er
TRIMESTRE 2011
r
L
a Tur
q
uie : Occi
d
ent ou Orient ?
47
Voici que
l
ques réactions
d
e
l
a presse turque aux
d
éc
l
arations
d
’Er
d
o
g
a
n
3
1
. Le
10
d
écem
b
re 2005, O
k
tay E
k
si écrit
d
ans Hurriyet, quoti
d
ien
l
aïque à
g
ran
d
ti
-
ra
g
e : « Ceci est un avertissement amica
l
. […] Le
g
ouvernement AKP au pouvoir
est sur une très mauvaise et
d
angereuse pente. I
l
s ont engagé une o
ff
ensive tota
l
e
contre [notre] répu
bl
ique. Autre
f
ois i
l
s
d
isaient respecter
l
a
l
oi. Puis, quan
d
l
a
l
oi en
Turquie a cessé
d
e
l
eur p
l
aire […], i
l
s ont
b
ravé
l
a Cour et
l
a
l
oi. I
l
s
d
isaient respecter
l
a science. Et pourtant i
l
s ont
l
ancé une guerre tota
l
e contre
l
e Consei
l
d
’é
d
ucation
supérieure [turc] et
l
es universités. […] Contraints
d
e se p
l
ier aux critères
d
e
l
’Union
européenne, i
l
s ont répété “un
d
rapeau, une nation, une patrie”, mais i
l
s sont vite
passés
d
’une “nation” à une “oummet” [Oumma
]
3
2
.
»
Le 18 novembre 2005, la Cour européenne
j
u
g
e que l’interdiction du port du
foulard islami
q
ue dans les universités tur
q
ues n’est
p
as contraire à la Convention
euro
p
éenne des droits de l’homme (CEDH
)
33
. En visite au Danemark, Erdo
g
an
déclare : « Je suis stu
p
éfait de cette décision. La CEDH n’est
p
as habilitée à s’ex-
primer sur ce su
j
et. Ce droit appartient aux oulémas. Il n’est pas approprié que des
p
ersonnes sans ra
pp
ort avec ce domaine décident sans en référer aux s
p
écialistes de
l’islam. » Cela revient à considérer
q
ue la loi islami
q
ue
p
rime sur la loi euro
p
éenne
et
q
ue les oulémas sont
p
lacés au-dessus de la Cour euro
p
éenne. Cette déclaration
n’a
pp
araît
p
as conforme au
p
rinci
p
e de « laïcité ».
La même année 2005, lors de la
p
ublication des 12 caricatures danoises,
p
ubliées
afi n de témoi
g
ner de la liberté de la presse et du refus de l’autocensure, Erdo
g
an
estime
q
ue
p
ersonne ne doit être libre d’atta
q
uer le
p
ro
p
hète Mahomet et
q
u’il y
a
lieu d’im
p
oser des limites à la liberté de la
p
resse.
Trois ans p
l
us tar
d
,
l
e 9
f
évrier 2008,
l
e Par
l
ement turc vote
l
a
l
éga
l
isation
d
u
v
oi
l
e
d
ans
l
es universités. Pour
l
’AKP, i
l
s’agit
d
’a
b
or
d
d
’intro
d
uire
l
e voi
l
e is
l
amique
d
ans
l
es universités, puis qu’i
l
s’impose partout. E
ff
ectivement,
d
e p
l
us en p
l
us
d
e
3
1.
Memri
, dé
p
êche s
p
éciale, n° 1086
.
3
2.
Hurriyet