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CHEMINDE
RECHERCHE
]ean^MatieJBajMer
'AUTRES Pont écrit avant moi, ycompris dans ces co¬
lonnes :entreprendreun récit, mêmepartiel, de son pro¬
preitinérairen'estpasunexerciceindifférent. S'ytrouve
en fait engagilerapr^
«faction et àla reconnaissance de sa propre identité. T? n'est pas
étonnant dam ces condirions que ce récit prenne habituellement
la forme d'une reconstruction de sa propre histoire et d'une re¬
mise en cohérence de ses propres actes.
Intellectuellement mis en garde contre ces phénomènes de relecture
du passé àla lumière des situations présentes et de mises en ordre a
posteriori "du hasard et de la nécessité", j'éprouve néanmoins depuis
une dizained'années environ un vifsentiment, renouvelé àl'occasion
de chacune de mes recherches :celui d'être engagé, àtravers la plu¬
part de mes travaux, dans la réalisation d'un projet qui àbien des
égards, fonctionne comme un projet unique et dont chacun de ces tra¬
vaux m'apparaît, au moment où il s'effectue, comme un développe¬
ment particulier.
Sentiment qui peutsembler paradoxal puisqu'il se trouve que je pro¬
fesse par ailleurs assez volontiers l'opinion que la détermination des
objets de recherche ne doit pas se faire dans la solitude du chercheur
mais en relation avec une demande sociale qui peut apparaître plus
hétérogène, plus éclatée que le désir du chercheur.
Mon intention n'est pas ici de m'expliquer de ce sentiment; je n'en
vois pas l'intérêt. Sensible àla demande de témoignage qui nous est
formulée àtravers la rédaction deces brèves notes, je souhaite simple¬
ment l'illustrer en évoquant les principales étapes de mon itinéraire
et les incidences que, de mon point de vue, elles ont eu sur ma forma¬
tion, mon positionnement de chercheur, ma problématique de re-
Itinéraires de recherche
Perspectives documentaires en sciences de l'éducation, n* 15, 1988
CHEMINDE
RECHERCHE
]ean^MatieJBajMer
'AUTRES Pont écrit avant moi, ycompris dans ces co¬
lonnes :entreprendreun récit, mêmepartiel, de son pro¬
preitinérairen'estpasunexerciceindifférent. S'ytrouve
en fait engagilerapr^
«faction et àla reconnaissance de sa propre identité. T? n'est pas
étonnant dam ces condirions que ce récit prenne habituellement
la forme d'une reconstruction de sa propre histoire et d'une re¬
mise en cohérence de ses propres actes.
Intellectuellement mis en garde contre ces phénomènes de relecture
du passé àla lumière des situations présentes et de mises en ordre a
posteriori "du hasard et de la nécessité", j'éprouve néanmoins depuis
une dizained'années environ un vifsentiment, renouvelé àl'occasion
de chacune de mes recherches :celui d'être engagé, àtravers la plu¬
part de mes travaux, dans la réalisation d'un projet qui àbien des
égards, fonctionne comme un projet unique et dont chacun de ces tra¬
vaux m'apparaît, au moment où il s'effectue, comme un développe¬
ment particulier.
Sentiment qui peutsembler paradoxal puisqu'il se trouve que je pro¬
fesse par ailleurs assez volontiers l'opinion que la détermination des
objets de recherche ne doit pas se faire dans la solitude du chercheur
mais en relation avec une demande sociale qui peut apparaître plus
hétérogène, plus éclatée que le désir du chercheur.
Mon intention n'est pas ici de m'expliquer de ce sentiment; je n'en
vois pas l'intérêt. Sensible àla demande de témoignage qui nous est
formulée àtravers la rédaction deces brèves notes, je souhaite simple¬
ment l'illustrer en évoquant les principales étapes de mon itinéraire
et les incidences que, de mon point de vue, elles ont eu sur ma forma¬
tion, mon positionnement de chercheur, ma problématique de re-
Itinéraires de recherche
Perspectives documentaires en sciences de l'éducation, n* 15, 1988
22 CHEMIN DERECHERCHE /J.-M. BARBIER
cherche et mes projets. Je le ferai bien entendu en rappelant les condi¬
tions institutionnelles de cet itinéraire :chacun sait en effet qu'elles
sont tout aussi éclairantes que la description des recherches elles-
mêmes.
Pour une problématique de la constitution
des identités
Nancy 1970
Mon premiercontact avec la recherche "instituée" remonte en fait au
début des années 70.
Vivement intéressé par les objets que se donne la philosophie mais
critique vis àvis de la démarche philosophique elle-même àlaquelle
je préferais la démarche des sciences sociales, parce qu'elle comporte
un moment de confrontation avec les faits, même reconstruits, je ve¬
nais de suivre àl'université de Nancy une formation que favais sou¬
haitée pluridisciplinaire (philosophie, sociologie, économie, histoire)
et parallèlement yavais mené une expérience assez activede militant
syndical dans un milieu étudiant relativement intégré.
Je crois être sorti de cette période de ma formation immédiatement
antérieure àl'engagement d'une première activité de recherche avec
plusieurs types depréoccupations, àla fois idéologiques et théoriques,
qui ont eu une influence directe sur la suite de mon itinéraire :
-Intérêt tout d'abord pour tout ce qui touche àla "production de
l'homme". Sensibiliséen effet àdifférentes démarches de libération so¬
ciale, fêtais gêné par les insuffisances d'un certain nombred'analyses
pouvant les accompagner n'explicitant en fait que la prise en compte
de facteurs externes aux individus. Cette orientation m'a conduit no¬
tamment àm'intéresser aux conditions de formation des identités in¬
dividuelles et àla contribution spécifique qu'elles peuvent apporterà
la reproduction et àl'évolution des rapports sociaux; elle m'a conduit
également àapprécier les pistes ouvertes dans le domaine de la théo¬
rie de la personnalité par À. GRAMSCI et plus tard par L. SÈVE.
-Intérêt également, très lié au précédent, pour les points d'articula¬
tion entre les différentes disciplines relevant des sciences sociales.
Amateur d'histoire, je n'ai jamais vu en effet d'autre différence que
d'outils de production d'informations entre la démarche historiqueet
la démarche sociologique qui, lorsqu'elles deviennent interprétatives,
me paraissent devoir faire appel àun appareil conceptuel largement
commun. Faisant peut être difficilement le deuil de mon projet philo-
22 CHEMIN DERECHERCHE /J.-M. BARBIER
cherche et mes projets. Je le ferai bien entendu en rappelant les condi¬
tions institutionnelles de cet itinéraire :chacun sait en effet qu'elles
sont tout aussi éclairantes que la description des recherches elles-
mêmes.
Pour une problématique de la constitution
des identités
Nancy 1970
Mon premiercontact avec la recherche "instituée" remonte en fait au
début des années 70.
Vivement intéressé par les objets que se donne la philosophie mais
critique vis àvis de la démarche philosophique elle-même àlaquelle
je préferais la démarche des sciences sociales, parce qu'elle comporte
un moment de confrontation avec les faits, même reconstruits, je ve¬
nais de suivre àl'université de Nancy une formation que favais sou¬
haitée pluridisciplinaire (philosophie, sociologie, économie, histoire)
et parallèlement yavais mené une expérience assez activede militant
syndical dans un milieu étudiant relativement intégré.
Je crois être sorti de cette période de ma formation immédiatement
antérieure àl'engagement d'une première activité de recherche avec
plusieurs types depréoccupations, àla fois idéologiques et théoriques,
qui ont eu une influence directe sur la suite de mon itinéraire :
-Intérêt tout d'abord pour tout ce qui touche àla "production de
l'homme". Sensibiliséen effet àdifférentes démarches de libération so¬
ciale, fêtais gêné par les insuffisances d'un certain nombred'analyses
pouvant les accompagner n'explicitant en fait que la prise en compte
de facteurs externes aux individus. Cette orientation m'a conduit no¬
tamment àm'intéresser aux conditions de formation des identités in¬
dividuelles et àla contribution spécifique qu'elles peuvent apporterà
la reproduction et àl'évolution des rapports sociaux; elle m'a conduit
également àapprécier les pistes ouvertes dans le domaine de la théo¬
rie de la personnalité par À. GRAMSCI et plus tard par L. SÈVE.
-Intérêt également, très lié au précédent, pour les points d'articula¬
tion entre les différentes disciplines relevant des sciences sociales.
Amateur d'histoire, je n'ai jamais vu en effet d'autre différence que
d'outils de production d'informations entre la démarche historiqueet
la démarche sociologique qui, lorsqu'elles deviennent interprétatives,
me paraissent devoir faire appel àun appareil conceptuel largement
commun. Faisant peut être difficilement le deuil de mon projet philo-
ITINÉRAIRESDE RBCHERCHE 23
sophique de départ, j'éprouvais également un certain malaise devant
le hiatus existant entreles analyses globales des formes sociales, pour
lesquelles on recourt le plus souvent àdes outils de nature économi¬
que ou sociologique, et les analyses des pratiques concrètes et des
gestes quotidiens pour lesquelles on recourt le plus souvent àdes ou¬
tils totalement déconnectés des premiers quand ce n'est pas àdes ex¬
plications de nature empiriste ou idéaliste. Cette orientation m'a
conduit notamment àapprécier un certain nombre d'enseignements
"transversaux" tels que la sociologie historique, la psychologie sociale
ou la socio-linguistique.
-Intérêt enfin pourla question des outils au service du changement.
Acette époque en effet la plupart des outils intellectuels relevant des
sciences sociales dont je pouvais prendre connaissance me sont appa¬
rus davantage comme des outils de saisie des états ou du fonctionne¬
ment des systèmes que comme des outils de saisie des changements.
Je partage encore partiellement ce sentiment aujourd'hui. Cetteorien¬
tationm'a conduit en tout cas àapprécier l'approchede problèmes tels
que ceux de l'énonciation en linguistique qui me paraissaient poser,
surleterrain des sciencessociales,l'ensemble des problèmes liés àl'en¬
gagement d'une praxis.
L'Institut National pour la Formation des Adultes
Appartenant àune génération d'étudiants accédant au marché du
travail dans une période marquée par la fin de l'expansion universi¬
taire et corrélativement par le développement important de la forma¬
tion des adultes, développement favorisé notamment par la mise en
place (en 1971) d'une législation octroyant des moyens financiers ré¬
guliers pour la formation des salariés, je me suis trouvé inséré, pen¬
dant plus d'une année dans un contexte institutionnel (le Centre
UniversitairedeCoopération EconomiqueetSociale-CUCES- et l'Ins¬
titut National pour la Formation des Adultes -INFA) marqué depuis
unedizaine d'années déjà par une solide tradition de mise au point de
nouvelles pratiques et de nouveaux dispositifs de formation des
adultes, et parledéveloppementderecherches dans le même domaine.
Intégré grâce àun réseau amical dans une équipe INFA réalisant à
la demande de la Caisse Nationale d'Allocations Familiales (CNAF)
uneétude sur la fonction de conseillère ménagère et l'action sociale fa¬
miliale, j'ai été chargé du volet historique de cette étude.
ITINÉRAIRESDE RBCHERCHE 23
sophique de départ, j'éprouvais également un certain malaise devant
le hiatus existant entreles analyses globales des formes sociales, pour
lesquelles on recourt le plus souvent àdes outils de nature économi¬
que ou sociologique, et les analyses des pratiques concrètes et des
gestes quotidiens pour lesquelles on recourt le plus souvent àdes ou¬
tils totalement déconnectés des premiers quand ce n'est pas àdes ex¬
plications de nature empiriste ou idéaliste. Cette orientation m'a
conduit notamment àapprécier un certain nombre d'enseignements
"transversaux" tels que la sociologie historique, la psychologie sociale
ou la socio-linguistique.
-Intérêt enfin pourla question des outils au service du changement.
Acette époque en effet la plupart des outils intellectuels relevant des
sciences sociales dont je pouvais prendre connaissance me sont appa¬
rus davantage comme des outils de saisie des états ou du fonctionne¬
ment des systèmes que comme des outils de saisie des changements.
Je partage encore partiellement ce sentiment aujourd'hui. Cetteorien¬
tationm'a conduit en tout cas àapprécier l'approchede problèmes tels
que ceux de l'énonciation en linguistique qui me paraissaient poser,
surleterrain des sciencessociales,l'ensemble des problèmes liés àl'en¬
gagement d'une praxis.
L'Institut National pour la Formation des Adultes
Appartenant àune génération d'étudiants accédant au marché du
travail dans une période marquée par la fin de l'expansion universi¬
taire et corrélativement par le développement important de la forma¬
tion des adultes, développement favorisé notamment par la mise en
place (en 1971) d'une législation octroyant des moyens financiers ré¬
guliers pour la formation des salariés, je me suis trouvé inséré, pen¬
dant plus d'une année dans un contexte institutionnel (le Centre
UniversitairedeCoopération EconomiqueetSociale-CUCES- et l'Ins¬
titut National pour la Formation des Adultes -INFA) marqué depuis
unedizaine d'années déjà par une solide tradition de mise au point de
nouvelles pratiques et de nouveaux dispositifs de formation des
adultes, et parledéveloppementderecherches dans le même domaine.
Intégré grâce àun réseau amical dans une équipe INFA réalisant à
la demande de la Caisse Nationale d'Allocations Familiales (CNAF)
uneétude sur la fonction de conseillère ménagère et l'action sociale fa¬
miliale, j'ai été chargé du volet historique de cette étude.
24 CHEMIN DERECHERCHE /J.-M. BARBIER
Economiefamiliale, vie quotidienne
et action sociale
Cette première expérience aété en fait pour moi le point de départ
d'un cycle de travaux sur l'économie familiale, l'économie de la vie
quotidienneet l'action sociale qui se prolongera jusqu'à la soutenance
de ma thèse en 1978.
-Réalisation d'une étude d'histoire sociale sur l'enseignement et le
travail ménager proprement dit, dans le cadre donc d'une équipe IN¬
FA coordonnée par F. Marquart et C. Thesmar.
-Réalisation de travaux sur le statut de l'économie quotidienne et
sur les apports sociaux qui la caractérisent, dans lecadre d'une forma¬
tion àla recherche dispensée àl'Ecole Pratiquedes Hautes Etudes, no¬
tamment par l'équipe de P. BOURDIEU (C. GRIGNON, L. BOLTANSKI) et
M. Castells.
-Réalisation de ma thèse de 3me cycle proprement dit, aidée finan¬
cièrement par la CNAF et présentée sous la direction de V. ISAMBERT-
JAMATI-, portant sur les origines historiques et sociales de l'économie
familiale.
-Réalisation enfin, dans le cadre d'un colloque CNAF sur l'usage
des équipements collectifs d'un outil d'analyse des formesd'action so¬
cialedirectement liéau travail quej'effectuaisparallèlement surles dé¬
marches d'analyse des besoins en formation.
Outre les effets d'une première mise en contact avec les réseaux de
la formation desadultes, cecyclede rechercheaeu, je crois,unegrande
importancedans ma formationpersonnelleet dansl'élaborationde ma
problématique de recherche.
Socialisation etproduction des identités sociales
Incidence tout d'abord sur la détermination de ce qui reste de fait le
"champ large" de mes travaux et réflexions :les pratiques de socialisa¬
tion et plus largement les pratiques contribuant directement àla pro¬
duction des identités sociales.
Travaillant en effet sur le statut du travail domestique et des actes
de la vie quotidienne, je mesuis rendu compte que leseul moyen pour
moi de penser leur homogénéité au delà de leur extraordinaire diver¬
sité et leur différence avec les actes de travailproprement dits dans les
sociétés contemporaines était en fait de les resituer en référence àla
fonction directe qu'ils prirent dans la production et la reproduction
des identités sociales. Dès lors, intervention sociale sur les conduites
24 CHEMIN DERECHERCHE /J.-M. BARBIER
Economiefamiliale, vie quotidienne
et action sociale
Cette première expérience aété en fait pour moi le point de départ
d'un cycle de travaux sur l'économie familiale, l'économie de la vie
quotidienneet l'action sociale qui se prolongera jusqu'à la soutenance
de ma thèse en 1978.
-Réalisation d'une étude d'histoire sociale sur l'enseignement et le
travail ménager proprement dit, dans le cadre donc d'une équipe IN¬
FA coordonnée par F. Marquart et C. Thesmar.
-Réalisation de travaux sur le statut de l'économie quotidienne et
sur les apports sociaux qui la caractérisent, dans lecadre d'une forma¬
tion àla recherche dispensée àl'Ecole Pratiquedes Hautes Etudes, no¬
tamment par l'équipe de P. BOURDIEU (C. GRIGNON, L. BOLTANSKI) et
M. Castells.
-Réalisation de ma thèse de 3me cycle proprement dit, aidée finan¬
cièrement par la CNAF et présentée sous la direction de V. ISAMBERT-
JAMATI-, portant sur les origines historiques et sociales de l'économie
familiale.
-Réalisation enfin, dans le cadre d'un colloque CNAF sur l'usage
des équipements collectifs d'un outil d'analyse des formesd'action so¬
cialedirectement liéau travail quej'effectuaisparallèlement surles dé¬
marches d'analyse des besoins en formation.
Outre les effets d'une première mise en contact avec les réseaux de
la formation desadultes, cecyclede rechercheaeu, je crois,unegrande
importancedans ma formationpersonnelleet dansl'élaborationde ma
problématique de recherche.
Socialisation etproduction des identités sociales
Incidence tout d'abord sur la détermination de ce qui reste de fait le
"champ large" de mes travaux et réflexions :les pratiques de socialisa¬
tion et plus largement les pratiques contribuant directement àla pro¬
duction des identités sociales.
Travaillant en effet sur le statut du travail domestique et des actes
de la vie quotidienne, je mesuis rendu compte que leseul moyen pour
moi de penser leur homogénéité au delà de leur extraordinaire diver¬
sité et leur différence avec les actes de travailproprement dits dans les
sociétés contemporaines était en fait de les resituer en référence àla
fonction directe qu'ils prirent dans la production et la reproduction
des identités sociales. Dès lors, intervention sociale sur les conduites
mNÉRAIRES DE RECHERCHE 25
quotidiennes et formation des adultes ne m'apparaissaient plus que
comme deux formes d'un processus de socialisation présentant bien
d'autres formes encore.
Positionnement scientifique etformation
Incidence également sur l'adoption d'un positionnement de type
"sciences sociales" dans l'approche des phénomènes de formation.
Ce typede positionnement doit êtrecompris commesecaractérisant
par la production d'un discours sur la formation qui reste un discours
de lecture, d'analyse ou de simple compréhension des pratiques; il
s'oppose àun positionnement de type "prescriptif 'qui se caractérise
lui par la production d'un discours fonctionnant àla fois comme dis¬
coure de lecture et discoure d'action sur le réel, et qui est le position¬
nement dominant d'un bon nombre de lieux de recherche sur
l'éducation. Le type de positionnement aété, me semble-t-il caracté¬
ristique de la place prise par l'INFA et par les chercheurs qu'il aréu¬
nis dans le champ de la formation des adultes.
Aujourd'hui encore, je considère l'acquisition d'un tel positionne¬
ment comme une point de passage obligé dans l'apprentissage de la
recherche, et la distinction entre démarche de recherche classique et
démarche de recherche liée àl'action comme une condition du déve¬
loppement et de la reconnaissance de la recherche en éducation.
L'élaboration de "convictions de recherche"
Incidence sur ma problématique de cette série de travaux, j'ai tiré en
particulier ceque pourraisappelerdeux "convictions de recherche" qui
auront par la suite une grande importance pour moi :
- D'abord, pour rendre compte d'un ensemble donné de pratiques,
il est nécessaire de les caractériser par leur résultat spécifique et par
les rapports sociaux dans lesquels elles s'effectuent ;
-Ensuite, le corps de concepts susceptibles de rendre compte d'un
champ donnédes pratiques ne relève pas de manière dominanted'une
logiquedisciplinaire mais d'une logique propreàce champ. Ces corps
de concepts sont donc àconstruire pour chacun des secteurs de la vie
sociale(formation, travail ,vie quotidienne...etc..) sur la based'uneap¬
proche intégrée.
mNÉRAIRES DE RECHERCHE 25
quotidiennes et formation des adultes ne m'apparaissaient plus que
comme deux formes d'un processus de socialisation présentant bien
d'autres formes encore.
Positionnement scientifique etformation
Incidence également sur l'adoption d'un positionnement de type
"sciences sociales" dans l'approche des phénomènes de formation.
Ce typede positionnement doit êtrecompris commesecaractérisant
par la production d'un discours sur la formation qui reste un discours
de lecture, d'analyse ou de simple compréhension des pratiques; il
s'oppose àun positionnement de type "prescriptif 'qui se caractérise
lui par la production d'un discours fonctionnant àla fois comme dis¬
coure de lecture et discoure d'action sur le réel, et qui est le position¬
nement dominant d'un bon nombre de lieux de recherche sur
l'éducation. Le type de positionnement aété, me semble-t-il caracté¬
ristique de la place prise par l'INFA et par les chercheurs qu'il aréu¬
nis dans le champ de la formation des adultes.
Aujourd'hui encore, je considère l'acquisition d'un tel positionne¬
ment comme une point de passage obligé dans l'apprentissage de la
recherche, et la distinction entre démarche de recherche classique et
démarche de recherche liée àl'action comme une condition du déve¬
loppement et de la reconnaissance de la recherche en éducation.
L'élaboration de "convictions de recherche"
Incidence sur ma problématique de cette série de travaux, j'ai tiré en
particulier ceque pourraisappelerdeux "convictions de recherche" qui
auront par la suite une grande importance pour moi :
- D'abord, pour rendre compte d'un ensemble donné de pratiques,
il est nécessaire de les caractériser par leur résultat spécifique et par
les rapports sociaux dans lesquels elles s'effectuent ;
-Ensuite, le corps de concepts susceptibles de rendre compte d'un
champ donnédes pratiques ne relève pas de manière dominanted'une
logiquedisciplinaire mais d'une logique propreàce champ. Ces corps
de concepts sont donc àconstruire pour chacun des secteurs de la vie
sociale(formation, travail ,vie quotidienne...etc..) sur la based'uneap¬
proche intégrée.
26 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
La mise àjour de quelques surdétertninants
de la production des identités sociales
Incidence encore au niveau des résultats acquis. Citons-en quelques
uns :
-Prisedeconscience toutd'abord dela placedominanteoccupéeen¬
tre le Moyen-Age et la fin du XVIIIe siècle par des formes sociales
(telles que la propriétépatrimoniale, le travail familial traditionnel) re¬
levant de la petite production marchande et se caractérisant par des
rapports sociaux jouant àla fois le rôle de rapports de production et
de rapports de consommation.
-Prise de conscience de l'hétérogénéité des formes de scolarisation
de l'Ancien Régimeet des systèmes éducatifs modernes :alors que ces
derniers fonctionnentessentiellement sur la base d'un rapport deprise
en charge et ont pour fonction spécifique de produire des capacités et
dispositions, tout se passe au contraire comme si les premiers, notam¬
ment dans le cas de la scolarisation féminine, fonctionnaient àla fois
sur le mode d'un rapport de prise en charge et d'un rapport instru¬
mental et avaient pour fonction de produire àla fois des capacités et
des activités réelles (les "ouvrages").
-Prise de conscience enfin de l'ouverture, àpartir du milieu du
XVIIIe siècle, d'un processus séculaire de différenciation sociale entre
d'une part les pratiques ayant trait àla production des moyens d'exis¬
tence (le "travail"), d'autre part les pratiques ayant trait àla produc¬
tion de l'existence elle-même (le "quotidien"), donc des identités
sociales.
Formes économiques et sociales
etformes de socialisation
Incidence enfin au niveau de mes projets. Depuis cette époque je
nourris en effet le souhait, probablement difficilement réalisable à
court et moyen terme en raison de l'amplitude du travail nécessaire,
de faire une approche historique comparative des principales formes
économiques et sociales et des principales formes de socialisation.
Comme je l'ai expérimenté dans ce cycle de travaux, il parait en effet
difficile de penser les processus de formation des identités sociales (et
notamment les formes sociales de l'enseignement et de la formation)
en dehors d'une référence et d'une articulation aux modes de produc¬
tion économique proprement dits.
Cette approche me paraîtrait présenter un double enjeu :
26 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
La mise àjour de quelques surdétertninants
de la production des identités sociales
Incidence encore au niveau des résultats acquis. Citons-en quelques
uns :
-Prisedeconscience toutd'abord dela placedominanteoccupéeen¬
tre le Moyen-Age et la fin du XVIIIe siècle par des formes sociales
(telles que la propriétépatrimoniale, le travail familial traditionnel) re¬
levant de la petite production marchande et se caractérisant par des
rapports sociaux jouant àla fois le rôle de rapports de production et
de rapports de consommation.
-Prise de conscience de l'hétérogénéité des formes de scolarisation
de l'Ancien Régimeet des systèmes éducatifs modernes :alors que ces
derniers fonctionnentessentiellement sur la base d'un rapport deprise
en charge et ont pour fonction spécifique de produire des capacités et
dispositions, tout se passe au contraire comme si les premiers, notam¬
ment dans le cas de la scolarisation féminine, fonctionnaient àla fois
sur le mode d'un rapport de prise en charge et d'un rapport instru¬
mental et avaient pour fonction de produire àla fois des capacités et
des activités réelles (les "ouvrages").
-Prise de conscience enfin de l'ouverture, àpartir du milieu du
XVIIIe siècle, d'un processus séculaire de différenciation sociale entre
d'une part les pratiques ayant trait àla production des moyens d'exis¬
tence (le "travail"), d'autre part les pratiques ayant trait àla produc¬
tion de l'existence elle-même (le "quotidien"), donc des identités
sociales.
Formes économiques et sociales
etformes de socialisation
Incidence enfin au niveau de mes projets. Depuis cette époque je
nourris en effet le souhait, probablement difficilement réalisable à
court et moyen terme en raison de l'amplitude du travail nécessaire,
de faire une approche historique comparative des principales formes
économiques et sociales et des principales formes de socialisation.
Comme je l'ai expérimenté dans ce cycle de travaux, il parait en effet
difficile de penser les processus de formation des identités sociales (et
notamment les formes sociales de l'enseignement et de la formation)
en dehors d'une référence et d'une articulation aux modes de produc¬
tion économique proprement dits.
Cette approche me paraîtrait présenter un double enjeu :
ITINERAIRES DE RECHERCHE 27
-Enjeu théorique :on peut penser, en effet que c'est àce niveau de
généralité (la production des identités sociales) que se fait probable¬
ment l'articulation entre ce que l'on appelle l'"economique" et le "so¬
cial".
-Enjeu social :on peut penseren effet que les rapports entregroupes
sociaux nereposent pas seulement sur lecontrôledela production éco¬
nomique proprement dite, mais de manière particulièrement efficace
surlecontrôledirect ou indirect de la production des identités sociales.
Le procès de conduite des actions
Le Conservatoire National des Arts et Métiers
Ayant ainsi fait un premier apprentissage de la recherche àl'LNFA
et àl'EPHE, je suis entré ensuite (en 1973) au Conservatoire National
des Artset Métiers dans l'équipe de Marcel LESNE qui avait dirigél'IN-
FA et qui venait d'y créer une Chaire et un centre spécialisés dans la
formation des adultes et la formation de formateurs.
J'y ai trouvé un ensemble de conditions institutionnelles très spéci¬
fiques:
-Tout d'abord l'appartenance àun établissement très différent de
l'Université, se situant àla fois dans le champ de l'enseignement su¬
périeur, del'enseignement professionneletde la formation des adultes
et se devant donc de mettre en place des moyens spécifiques de for¬
mation et de recherche correspondant àcette situation ;
-Ensuite l'arrivée dans un champ professionnel, la formation des
adultes et la formation de formateurs encore très peu structuréet dans
lequel se manifestaient d'importantes demandes de recherche et de
formation ;
-Ensuite l'intégration dans une équipe de formateurs d'origine di¬
verse et constituée sur la base d'options précises dans lesquelles l'in¬
tention de professionnalisation du métier de formateur, la sensibilité
aux données contextuelles des phénomènes de formation et l'impor¬
tance accordée àl'analysedes pratiques dans une démarche de forma¬
tion tenaient une grande place.
De 1973 à1980, j'ai consacré au Centre de Formation de Formateurs
la part dominante de mon activité, d'abord dans une fonction qui fut
essentiellement une fonction de recherche (animation de petites
équipes), puis dans une fonction de formation et de recherche.
ITINERAIRES DE RECHERCHE 27
-Enjeu théorique :on peut penser, en effet que c'est àce niveau de
généralité (la production des identités sociales) que se fait probable¬
ment l'articulation entre ce que l'on appelle l'"economique" et le "so¬
cial".
-Enjeu social :on peut penseren effet que les rapports entregroupes
sociaux nereposent pas seulement sur lecontrôledela production éco¬
nomique proprement dite, mais de manière particulièrement efficace
surlecontrôledirect ou indirect de la production des identités sociales.
Le procès de conduite des actions
Le Conservatoire National des Arts et Métiers
Ayant ainsi fait un premier apprentissage de la recherche àl'LNFA
et àl'EPHE, je suis entré ensuite (en 1973) au Conservatoire National
des Artset Métiers dans l'équipe de Marcel LESNE qui avait dirigél'IN-
FA et qui venait d'y créer une Chaire et un centre spécialisés dans la
formation des adultes et la formation de formateurs.
J'y ai trouvé un ensemble de conditions institutionnelles très spéci¬
fiques:
-Tout d'abord l'appartenance àun établissement très différent de
l'Université, se situant àla fois dans le champ de l'enseignement su¬
périeur, del'enseignement professionneletde la formation des adultes
et se devant donc de mettre en place des moyens spécifiques de for¬
mation et de recherche correspondant àcette situation ;
-Ensuite l'arrivée dans un champ professionnel, la formation des
adultes et la formation de formateurs encore très peu structuréet dans
lequel se manifestaient d'importantes demandes de recherche et de
formation ;
-Ensuite l'intégration dans une équipe de formateurs d'origine di¬
verse et constituée sur la base d'options précises dans lesquelles l'in¬
tention de professionnalisation du métier de formateur, la sensibilité
aux données contextuelles des phénomènes de formation et l'impor¬
tance accordée àl'analysedes pratiques dans une démarche de forma¬
tion tenaient une grande place.
De 1973 à1980, j'ai consacré au Centre de Formation de Formateurs
la part dominante de mon activité, d'abord dans une fonction qui fut
essentiellement une fonction de recherche (animation de petites
équipes), puis dans une fonction de formation et de recherche.
28 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
De Vanalyse des besoins àl'évaluation
C'est àl'occasion de cette période d'activitéqu'est né leCyclede tra¬
vaux quiafait pour moi l'objet des investissements les plusimportants
jusqu'à présent, mais qui se trouve être aussi le plus directement en
prise avec ce qui constitue le plus souvent le squeletted'une formation
de formateurs, l'analyse des différents moments de la conduite d'une
action de formation :recherchecollective sur l'analyse des besoins, re¬
cherche sur la planification et l'élaboration de projet en formation, re¬
cherche sur l'évaluation. J'ai eu également l'occasion dans le cadre de
cette période d'activité de réaliser, sous la direction de M. LESNE, un
travail qui m'a beaucoup apporté sur les itinéraires et les projets des
étudiants du Conservatoire., travail qui, conjugué aux résultats de la
recherche sur l'analysedes besoins,m'a permis aussi de mener pour le
Colloque Formation organisé par le Secrétariat d'Etat àla Formation
Professionnelle une étude sur les déterminants de la demande de for¬
mation.
Al'analyse, ce second type d'insertion institutionnelle et le cycle de
travaux qu'il afait naître semblent avoir eu également plusieurs inci¬
dences déterminantes sur mon itinéraire de recherche.
L'analyse des pratiquesprofessionnelles
Que les objets abordés résultent d'une demande externe ou d'une
programmation interne, ilsse sont révélés être pour l'essentiel des pra¬
tiques professionnelles dans le domaine de la formation, notamment
des pratiques posant particulièrement "problème" aux formateurs. U
s'agit là très certainement d'une caractéristique plus générale des tra¬
vaux entrepris au CNAM qui privilégiaient l'analyse des pratiques de
formation. Aujourd'hui encore, nous en faisons un axe essentiel de no¬
tre centre de recherche.
Al'occasion notamment de contacts avec d'autres chercheurs dans
le domaine de l'Education Permanente, fai pu constater que cette in¬
fluence institutionnelle était sensiblement différente de celles d'autres
lieux comme le CNRS ou l'Université.
La mise en place d'un ensemble conceptuel
pour aborder les pratiques
Cette incidence sur les problématiques est liée àla précédente :si
l'objet dominant des recherches entreprises est constitué par des pra-
28 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
De Vanalyse des besoins àl'évaluation
C'est àl'occasion de cette période d'activitéqu'est né leCyclede tra¬
vaux quiafait pour moi l'objet des investissements les plusimportants
jusqu'à présent, mais qui se trouve être aussi le plus directement en
prise avec ce qui constitue le plus souvent le squeletted'une formation
de formateurs, l'analyse des différents moments de la conduite d'une
action de formation :recherchecollective sur l'analyse des besoins, re¬
cherche sur la planification et l'élaboration de projet en formation, re¬
cherche sur l'évaluation. J'ai eu également l'occasion dans le cadre de
cette période d'activité de réaliser, sous la direction de M. LESNE, un
travail qui m'a beaucoup apporté sur les itinéraires et les projets des
étudiants du Conservatoire., travail qui, conjugué aux résultats de la
recherche sur l'analysedes besoins,m'a permis aussi de mener pour le
Colloque Formation organisé par le Secrétariat d'Etat àla Formation
Professionnelle une étude sur les déterminants de la demande de for¬
mation.
Al'analyse, ce second type d'insertion institutionnelle et le cycle de
travaux qu'il afait naître semblent avoir eu également plusieurs inci¬
dences déterminantes sur mon itinéraire de recherche.
L'analyse des pratiquesprofessionnelles
Que les objets abordés résultent d'une demande externe ou d'une
programmation interne, ilsse sont révélés être pour l'essentiel des pra¬
tiques professionnelles dans le domaine de la formation, notamment
des pratiques posant particulièrement "problème" aux formateurs. U
s'agit là très certainement d'une caractéristique plus générale des tra¬
vaux entrepris au CNAM qui privilégiaient l'analyse des pratiques de
formation. Aujourd'hui encore, nous en faisons un axe essentiel de no¬
tre centre de recherche.
Al'occasion notamment de contacts avec d'autres chercheurs dans
le domaine de l'Education Permanente, fai pu constater que cette in¬
fluence institutionnelle était sensiblement différente de celles d'autres
lieux comme le CNRS ou l'Université.
La mise en place d'un ensemble conceptuel
pour aborder les pratiques
Cette incidence sur les problématiques est liée àla précédente :si
l'objet dominant des recherches entreprises est constitué par des pra-
ITINÉRAIRESDE RECHERCHE 29
tiques, des activités, des actions, des processus, privilègeest donné de
fait àla recherche d'outils susceptibles notamment
-de rendre compte du fonctionnement d'un processus, d'un chan¬
gement, d'une action ;
-de dégager les contextes de signification de ces différentes prati¬
ques et les conditions de leur articulation dans le cadre d'uneaction et
d'une situation plus globale ;
-de penser les rapports entre agents et actions.
Cette triple exigence aconduit en fait àla construction d'un ensem¬
ble conceptuel que l'on peut présenter de la manière suivante :
-Utilisation de la problématique d'analyse d'un procès de travail
pour rendre compte de l'ensemble des changements, processus, ac¬
tions, pratiques repérables en formation et plus généralement dans les
différents domaines de la vie sociale. Cette problématique conduit en
particulier àun effort de rigueur dans la définition de la réalité précise
sur laquelle porte une action de transformation du réel, de son résul¬
tat spécifiqueet des moyens égalementspécifiques qu'elle met en oeu¬
vre,ce qui aeu presquetoujours pour moi des effets heuristiques. Cette
problématique s'est révélée notamment parfaitement transposable
dans le domaine difficile des processus de transformation des repré¬
sentations, auxquels appartiennent les pratiquesde conduite de la for¬
mation. Elle m'a permis de répondre en bonne partie àmon
questionnement plus ancien surles outils d'approche du changement.
- Introduction, essentielle àmes yeux, dans cette problématique de
la notion de rapports de travail. Cette notion est en effet de nature à
enlèvera la problématiquedu procèsdetravail son caractère purement
techniciste et mécaniste pour lui permettre de rendre compte de la di¬
mension sociale des pratiques. En ne limitant pas l'analyse des rap¬
ports sociaux aux seuls rapports de production, mais en l'introduisant
au coeur des pratiques concrètes et des gestes quotidiens, ellem'a per¬
mis également de trouver un premier mode de réponse àmon ques¬
tionnement sur l'articulation entre macro-social et micro-social.
Fonder enfin l'analyse de ces rapports de travail sur la détention des
moyens aété pour moi de nature àôter àl'approche par les rapports
de pouvoir le caractère relativement flou qu'elle présentait souvent à
mes yeux.
-Mise en place, pour rendre compte des contextes de signification
des pratiques observables en formation, de la notion de champs de
phénomènes intéressant la formation, ceux pensés àla fois par une si¬
tuation d'autonomie relative et des relations dedépendance. Cette ap¬
proche nous apermis notamment de distinguer des champs de la
pédagogie, de la formation, de la production des biens et services et
ITINÉRAIRESDE RECHERCHE 29
tiques, des activités, des actions, des processus, privilègeest donné de
fait àla recherche d'outils susceptibles notamment
-de rendre compte du fonctionnement d'un processus, d'un chan¬
gement, d'une action ;
-de dégager les contextes de signification de ces différentes prati¬
ques et les conditions de leur articulation dans le cadre d'uneaction et
d'une situation plus globale ;
-de penser les rapports entre agents et actions.
Cette triple exigence aconduit en fait àla construction d'un ensem¬
ble conceptuel que l'on peut présenter de la manière suivante :
-Utilisation de la problématique d'analyse d'un procès de travail
pour rendre compte de l'ensemble des changements, processus, ac¬
tions, pratiques repérables en formation et plus généralement dans les
différents domaines de la vie sociale. Cette problématique conduit en
particulier àun effort de rigueur dans la définition de la réalité précise
sur laquelle porte une action de transformation du réel, de son résul¬
tat spécifiqueet des moyens égalementspécifiques qu'elle met en oeu¬
vre,ce qui aeu presquetoujours pour moi des effets heuristiques. Cette
problématique s'est révélée notamment parfaitement transposable
dans le domaine difficile des processus de transformation des repré¬
sentations, auxquels appartiennent les pratiquesde conduite de la for¬
mation. Elle m'a permis de répondre en bonne partie àmon
questionnement plus ancien surles outils d'approche du changement.
- Introduction, essentielle àmes yeux, dans cette problématique de
la notion de rapports de travail. Cette notion est en effet de nature à
enlèvera la problématiquedu procèsdetravail son caractère purement
techniciste et mécaniste pour lui permettre de rendre compte de la di¬
mension sociale des pratiques. En ne limitant pas l'analyse des rap¬
ports sociaux aux seuls rapports de production, mais en l'introduisant
au coeur des pratiques concrètes et des gestes quotidiens, ellem'a per¬
mis également de trouver un premier mode de réponse àmon ques¬
tionnement sur l'articulation entre macro-social et micro-social.
Fonder enfin l'analyse de ces rapports de travail sur la détention des
moyens aété pour moi de nature àôter àl'approche par les rapports
de pouvoir le caractère relativement flou qu'elle présentait souvent à
mes yeux.
-Mise en place, pour rendre compte des contextes de signification
des pratiques observables en formation, de la notion de champs de
phénomènes intéressant la formation, ceux pensés àla fois par une si¬
tuation d'autonomie relative et des relations dedépendance. Cette ap¬
proche nous apermis notamment de distinguer des champs de la
pédagogie, de la formation, de la production des biens et services et
30 CHEMINDE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
plus tardivement de la production des moyens d'existence. Elle me
permetégalement derépondred'uneautre façon àla question des rap¬
portsentremicro-socialet macro-social. Ellese révèle particulièrement
féconde pour nos étudiants et stagiaires.
-Différenciation, au sein des phénomènes de formation et plus gé¬
néralement au sein des phénomènes sociaux, de ce qui relève des pro¬
cessus de dépense de l'activité humaine(former est aussi une dépense
de travail, aussi bien de la part du formé que du formateur) et ce qui
relève de la production des identités sociales, résultante deces proces¬
sus (et abordée notamment avec la notion de profil). Cettedifférencia¬
tion, souvent difficile, aégalement un grand nombre d'effets
heuristiques ;elle aété facilitée pour moi par la distinction que j'ai été
amené àfaireentre évaluation des agents, relevant des mécanismes de
contrôle social de la production des identités, etévaluation des actions
relevant des mécanismes de contrôle social de la dépense d'activité
proprementdite. Ellem'a permis de comprendreles rapportsdela pre¬
mière avec les premières formes dela psychologiescolaireet de la psy¬
chologie du travail, et les rapports de la seconde avec les nouvelles
formes d'organisation du travail.
L'expérience d'une situation d'articulation entre
démarche de recherche et démarche deformation.
Le fait de travailler dans un champ professionnel en cours de struc¬
turation et dans une institution liant formation et recherche m'a per¬
mis de constater un usage presque immédiat dans nos activités de
formation des outils d'analyse produits au sein de notre équipe. Cette
circonstance aconstitué un puissant ferment dans mes propres moti¬
vations àpoursuivre et àdévelopper une activité de recherche. C'est
cette expérience qui meconduit àinsister beaucoup dans la défensede
mes positions sur le développement de la recherche en éducation sur
les problèmes d'usage et le transfert des résultats de la rechercheet sur
les situations de mise en contact, direct ou indirect, entre chercheurs
et demande sociale (qu'on ne doit pas confondre avec bien sûr com¬
mande officielle ou commande solvable).
Travailler au développement de toutes
les formes de recherche en éducation
L'expériencede ce cycle de recherche impliquant un positionnement
de simple lecture et analyse de pratiques existantes sur des questions
30 CHEMINDE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
plus tardivement de la production des moyens d'existence. Elle me
permetégalement derépondred'uneautre façon àla question des rap¬
portsentremicro-socialet macro-social. Ellese révèle particulièrement
féconde pour nos étudiants et stagiaires.
-Différenciation, au sein des phénomènes de formation et plus gé¬
néralement au sein des phénomènes sociaux, de ce qui relève des pro¬
cessus de dépense de l'activité humaine(former est aussi une dépense
de travail, aussi bien de la part du formé que du formateur) et ce qui
relève de la production des identités sociales, résultante deces proces¬
sus (et abordée notamment avec la notion de profil). Cettedifférencia¬
tion, souvent difficile, aégalement un grand nombre d'effets
heuristiques ;elle aété facilitée pour moi par la distinction que j'ai été
amené àfaireentre évaluation des agents, relevant des mécanismes de
contrôle social de la production des identités, etévaluation des actions
relevant des mécanismes de contrôle social de la dépense d'activité
proprementdite. Ellem'a permis de comprendreles rapportsdela pre¬
mière avec les premières formes dela psychologiescolaireet de la psy¬
chologie du travail, et les rapports de la seconde avec les nouvelles
formes d'organisation du travail.
L'expérience d'une situation d'articulation entre
démarche de recherche et démarche deformation.
Le fait de travailler dans un champ professionnel en cours de struc¬
turation et dans une institution liant formation et recherche m'a per¬
mis de constater un usage presque immédiat dans nos activités de
formation des outils d'analyse produits au sein de notre équipe. Cette
circonstance aconstitué un puissant ferment dans mes propres moti¬
vations àpoursuivre et àdévelopper une activité de recherche. C'est
cette expérience qui meconduit àinsister beaucoup dans la défensede
mes positions sur le développement de la recherche en éducation sur
les problèmes d'usage et le transfert des résultats de la rechercheet sur
les situations de mise en contact, direct ou indirect, entre chercheurs
et demande sociale (qu'on ne doit pas confondre avec bien sûr com¬
mande officielle ou commande solvable).
Travailler au développement de toutes
les formes de recherche en éducation
L'expériencede ce cycle de recherche impliquant un positionnement
de simple lecture et analyse de pratiques existantes sur des questions
ITINÉRAIRES DE RECHERCHE 31
qui font habituellement l'objet d'un discours méthodologique et pres-
criptif sur les pratiques souhaitables, nous aconfirmé dans l'intérêt
d'un tel positionnement pour les formations professionnelles aux pra¬
tiques correspondantes. Elle m'a conduit en même temps àapprécier
l'intérêt social d'autres formes de recherche que celles induites par ce
positionnement. Outre, en effet, l'observation chez un grand nombre
de nos interlocuteurs d'une forte demande de recherche àpartir des
problèmes posés par leurs propres pratiques et situations, j'ai pu
constater que les activités de conduite de la formation, portées àun
certain degré de maîtrise et de rationalisation pouvaient constituer
elles aussi de véritables formes de recherche impliquant une rigueur
spécifique, liée notamment au fait qu'elles donnent aux objectifs des
acteurs, un statut fonctionnel dans la démarche de recherche. Je pro¬
fesse donc assez volontiers l'intérêt pour le développement de toutes
les formes de recherche en éducation.
Vers l'évaluation du transfert des résultats de l'action
Ce cycle de recherche m'a conduit enfin, tout dernièrement, àremet¬
tre en cause la distinction traditionnelle des tâches de conduite d'une
action en trois temps :détermination des objectifs, planification et éva¬
luation, et àautonomiser un quatrième temps :l'évaluation du trans¬
fertdes résultats de l'action. Un développementde ces pratiques paraît
toutefois peut être souhaitable avant d'engager une recherche spécifi¬
que sur ce point.
Produire des outils d'analyse des différents
niveaux d'une pratique sociale.
L'émergence de nouvelles situations de travail
Apartir de 1980, date du départ en retraite de Marcel LESNE, fai
consacré l'essentiel de mon activité àla Chaire de Formation des
Adultes dans des conditions institutionnelles au départ un peu parti¬
culières puisque du fait d'une longue période de vacance de cette
Chaire, fai été amené, durant près de trois ans, àexercer par interim
la responsabilité de l'ensemble des enseignements et formations qui y
étaient dispensées.
L'arrivée de Pierre CASPAR, comme responsable de la Chaire, àl'is¬
sue de cette période, et ma propre nomination en tant que sous-direc-
ITINÉRAIRES DE RECHERCHE 31
qui font habituellement l'objet d'un discours méthodologique et pres-
criptif sur les pratiques souhaitables, nous aconfirmé dans l'intérêt
d'un tel positionnement pour les formations professionnelles aux pra¬
tiques correspondantes. Elle m'a conduit en même temps àapprécier
l'intérêt social d'autres formes de recherche que celles induites par ce
positionnement. Outre, en effet, l'observation chez un grand nombre
de nos interlocuteurs d'une forte demande de recherche àpartir des
problèmes posés par leurs propres pratiques et situations, j'ai pu
constater que les activités de conduite de la formation, portées àun
certain degré de maîtrise et de rationalisation pouvaient constituer
elles aussi de véritables formes de recherche impliquant une rigueur
spécifique, liée notamment au fait qu'elles donnent aux objectifs des
acteurs, un statut fonctionnel dans la démarche de recherche. Je pro¬
fesse donc assez volontiers l'intérêt pour le développement de toutes
les formes de recherche en éducation.
Vers l'évaluation du transfert des résultats de l'action
Ce cycle de recherche m'a conduit enfin, tout dernièrement, àremet¬
tre en cause la distinction traditionnelle des tâches de conduite d'une
action en trois temps :détermination des objectifs, planification et éva¬
luation, et àautonomiser un quatrième temps :l'évaluation du trans¬
fertdes résultats de l'action. Un développementde ces pratiques paraît
toutefois peut être souhaitable avant d'engager une recherche spécifi¬
que sur ce point.
Produire des outils d'analyse des différents
niveaux d'une pratique sociale.
L'émergence de nouvelles situations de travail
Apartir de 1980, date du départ en retraite de Marcel LESNE, fai
consacré l'essentiel de mon activité àla Chaire de Formation des
Adultes dans des conditions institutionnelles au départ un peu parti¬
culières puisque du fait d'une longue période de vacance de cette
Chaire, fai été amené, durant près de trois ans, àexercer par interim
la responsabilité de l'ensemble des enseignements et formations qui y
étaient dispensées.
L'arrivée de Pierre CASPAR, comme responsable de la Chaire, àl'is¬
sue de cette période, et ma propre nomination en tant que sous-direc-
32 CHEMINDE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
teur de laboratoireont pu permettre parla suite l'engagement dedeux
autres expériences :
-une expérience de création et d'animation d'un laboratoire de re¬
cherche spécialisé dans la formation des adultes, le centre de Re¬
cherche sur la Formation ;
-une expérience de création d'études de troisième cycle également
spécialisées dans la formation, le Doctorat de Formation des Adultes
du CNAM.
Cette troisième situation institutionnelle aprésenté évidemment
pour moi plusieurs nouveautés :
- Obligation de fait de prendre en compte, non plus seulement les
problèmes de conduite des actions de formation mais l'ensemble des
problèmes posés par la formation aux métiers de la formation :ana¬
lyse des situations et des systèmes de formation, activités pédagogi¬
ques, formation méthodologique, travail sur les attitudes, formation à
la recherche.
-Expérience de responsabilités institutionnelles et de constitution
d'équipe.
-Expériencedeformation àla rechercheet de direction derecherche.
-Montage de dispositif de recherche pluridisciplinaire et pluri-ins-
titutionnels.
-Montage de dispositifs de recherche européens.
Un élargissement des travaux antérieurs
Outre la poursuite des travaux antérieurement engagés, cette troi¬
sième période apu permettre l'apparition d'autres travaux, directe¬
ment liés àcette situation institutionnelle.
-Une étude sur le fonctionnement et la place des systèmes de for¬
mation d'adultes, susceptibles de préparer nos étudiants àl'analyse
des situations dans lesquelles ils oeuvrent.
-Une étude sur le fonctionnement du travail pédagogique, et sur
l'histoire et la sociologie des pratiques de "rationalisation" de l'action
pédagogique.
-Une étude sur le fonctionnement des activités de recherche en for¬
mation.
-La réalisation de mon doctorat d'Etat sur travaux qui aété pour
moi l'occasion privilégiée de travailler sur mon itinéraire et la cohé¬
rence d'ensemble de mes travaux, travail dont je m'inspire en partie
dans cette note.
- Enfin la direction de différents travaux portant notamment sur les
formateurs, les rapports entre formation et nouvelles technologies, les
32 CHEMINDE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
teur de laboratoireont pu permettre parla suite l'engagement dedeux
autres expériences :
-une expérience de création et d'animation d'un laboratoire de re¬
cherche spécialisé dans la formation des adultes, le centre de Re¬
cherche sur la Formation ;
-une expérience de création d'études de troisième cycle également
spécialisées dans la formation, le Doctorat de Formation des Adultes
du CNAM.
Cette troisième situation institutionnelle aprésenté évidemment
pour moi plusieurs nouveautés :
- Obligation de fait de prendre en compte, non plus seulement les
problèmes de conduite des actions de formation mais l'ensemble des
problèmes posés par la formation aux métiers de la formation :ana¬
lyse des situations et des systèmes de formation, activités pédagogi¬
ques, formation méthodologique, travail sur les attitudes, formation à
la recherche.
-Expérience de responsabilités institutionnelles et de constitution
d'équipe.
-Expériencedeformation àla rechercheet de direction derecherche.
-Montage de dispositif de recherche pluridisciplinaire et pluri-ins-
titutionnels.
-Montage de dispositifs de recherche européens.
Un élargissement des travaux antérieurs
Outre la poursuite des travaux antérieurement engagés, cette troi¬
sième période apu permettre l'apparition d'autres travaux, directe¬
ment liés àcette situation institutionnelle.
-Une étude sur le fonctionnement et la place des systèmes de for¬
mation d'adultes, susceptibles de préparer nos étudiants àl'analyse
des situations dans lesquelles ils oeuvrent.
-Une étude sur le fonctionnement du travail pédagogique, et sur
l'histoire et la sociologie des pratiques de "rationalisation" de l'action
pédagogique.
-Une étude sur le fonctionnement des activités de recherche en for¬
mation.
-La réalisation de mon doctorat d'Etat sur travaux qui aété pour
moi l'occasion privilégiée de travailler sur mon itinéraire et la cohé¬
rence d'ensemble de mes travaux, travail dont je m'inspire en partie
dans cette note.
- Enfin la direction de différents travaux portant notamment sur les
formateurs, les rapports entre formation et nouvelles technologies, les
mNÉRAKESDE RECHERCHE 33
systèmes de formation dans les organisations, et les nouvelles formes
de la formation (axes de recherche dé notre laboratoire).
Quelles nouvelles évolutions cette troisième expérience a-t-elle en-
traînéesTL
Très certainement une diversification, au sein dtrchamp de~la~fôr^~
mation, de mes objets de recherche et une remise en perspective de
mes travaux sur le procès de conduite des actions dans le cadre plus
général des outils d'analyse des phénomènes et des pratiques de for¬
mation. Diversification qui aentraîné elle-même de nouveaux projets
et l'enrichissement de mes outils d'analyse.
Le repérage des différents niveaux d'une pratique
Je considère aujourd'hui qu'une démarche delecture d'une pratique
ou d'une action en formation suppose en fait, et de manière liée, la
mise en oeuvre de trois niveaux d'analyse :
-L'analyse de ce que l'on peut appeler les composantes du procès
opératoire, c'est-à-dire l'ensemble des réalités qui entrent directement
dans le processus de transformation du réel qui constitue cette action
(objet, moyens, rapports de travail, résultat).
-L'analyse du procès de conduite, c'est-à-dire de l'ensemble des re¬
présentations et transformations de représentations accompagnant
chez lès acteurs qui ysont impliqués lé déroulement dé cette action et
ayantune incidence sur son déroulement.
^Lf arralyse^nfîl^des prrê^
à-dire Fensemble des réalités se situant sur le registre des affects (dé¬
sirs, motivations, mobiles, souffrance et plaisir) accompagnant
égalementchezlès acteurs quiysont tapliqués ïèdéroulement de cette
action et jouant sur sa mise en oeuvre et son renouvellement.
L'émergence de nouveauxprojets
Cette orientation, importante pour moi, me conduit àformuler deux
projets que je souhaite réaliser àl'issue de ma recherche en cours sur
la planification et l'élaboration de projets.
- Une recherche sur les formes sociales de la formation, correspon¬
dant au niveau du procès opératoire, et se proposant d'établir une ty¬
pologiedes activités, des dispositifset des actions de formation àpartir
d'une analyse de leurs résultats et effets, et des actions plus larges de
transformation des individus dans lesquelles ils s'inscrivent. Cette re-
mNÉRAKESDE RECHERCHE 33
systèmes de formation dans les organisations, et les nouvelles formes
de la formation (axes de recherche dé notre laboratoire).
Quelles nouvelles évolutions cette troisième expérience a-t-elle en-
traînéesTL
Très certainement une diversification, au sein dtrchamp de~la~fôr^~
mation, de mes objets de recherche et une remise en perspective de
mes travaux sur le procès de conduite des actions dans le cadre plus
général des outils d'analyse des phénomènes et des pratiques de for¬
mation. Diversification qui aentraîné elle-même de nouveaux projets
et l'enrichissement de mes outils d'analyse.
Le repérage des différents niveaux d'une pratique
Je considère aujourd'hui qu'une démarche delecture d'une pratique
ou d'une action en formation suppose en fait, et de manière liée, la
mise en oeuvre de trois niveaux d'analyse :
-L'analyse de ce que l'on peut appeler les composantes du procès
opératoire, c'est-à-dire l'ensemble des réalités qui entrent directement
dans le processus de transformation du réel qui constitue cette action
(objet, moyens, rapports de travail, résultat).
-L'analyse du procès de conduite, c'est-à-dire de l'ensemble des re¬
présentations et transformations de représentations accompagnant
chez lès acteurs qui ysont impliqués lé déroulement dé cette action et
ayantune incidence sur son déroulement.
^Lf arralyse^nfîl^des prrê^
à-dire Fensemble des réalités se situant sur le registre des affects (dé¬
sirs, motivations, mobiles, souffrance et plaisir) accompagnant
égalementchezlès acteurs quiysont tapliqués ïèdéroulement de cette
action et jouant sur sa mise en oeuvre et son renouvellement.
L'émergence de nouveauxprojets
Cette orientation, importante pour moi, me conduit àformuler deux
projets que je souhaite réaliser àl'issue de ma recherche en cours sur
la planification et l'élaboration de projets.
- Une recherche sur les formes sociales de la formation, correspon¬
dant au niveau du procès opératoire, et se proposant d'établir une ty¬
pologiedes activités, des dispositifset des actions de formation àpartir
d'une analyse de leurs résultats et effets, et des actions plus larges de
transformation des individus dans lesquelles ils s'inscrivent. Cette re-
34 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
cherche aurait d'ailleurs un lien avec l'approche historique compara¬
tive dont j'ai parlé précédemment.
-Uneexploration des composantes duprocès effectifaccompagnant
les activités de formation. Il s'agit là, en effet, d'une lacune patente de
notre effort d'élaboration d'outils d'analyse des phénomènes de for¬
mation. Cette recherche difficile pourrait être facilitée par l'existence
des travaux déjàexistant surle statut des désirsen formation, mais ces
recherches sont relativement peu articulées àd'autres approches.
Monobjectifest en fait d'expérimenter,àpropos de la formation, une
démarche plus large d'analyse des pratiques ne reprenant pas les
clivages disciplinaires et susceptible d'être mise en oeuvre par les pra¬
ticiens eux-mêmes, une telle démarche me paraît en effet transférable
ailleurs.
Un enrichissement des outils d'analyse
Ceux-ci ont évolué notamment sur plusieurs points importants :
-Élaboration d'unedistinction entre trois grands types d'actions de
fformation et plus généralement de socialisation :les actions d'inser¬
tion, susceptibles d'induire pour les individus concernés, l'accès àun
champd'activitédans lequel ils n'étaient pas présents (acquisition d'une
identité) ;actions qualifiantes, susceptibles d'induire pour les indivi¬
dus concernés, un changement de position oude placedans un champ
où ils sont déjà présents (différenciation d'identité); actions de dévelop¬
pement susceptibles d'induire, pour les individus concernés, une effi¬
cacité et une productivité plus grande dans une position qui reste
inchangée (affirmation d'identité). Cette distinction ade très importants
effets :
-Établissement de l'idée que les phénomènes de formation ne sont
ni vraiment inducteurs pareux-mêmes de changements sociaux, ni to¬
talement induits, mais qu'ils ont le statut d'accompagnement ou de
moyen de réalisation des changements sociaux.
-Mise au point d'une hypothèse d'articulation entre les trois procès
précédemment distingués, faisant des représentations d'objectifs le
modede présence du procès affectif au sein du procès deconduite(par
mentalisation du désir), et des images du réel le mode de présence du
procès opératoire au sein des procès de conduite (par construction du
réel). Le fonctionnement du procès deconduite, en mettant en relation
objectifs et images du réel pourproduireces nouvelles représentations
que sont les projets, les évaluations etc.. joue ainsi un rôle d'intégra¬
tion parles acteurs concernés des différents niveaux de réalité présents
dans l'action.
34 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
cherche aurait d'ailleurs un lien avec l'approche historique compara¬
tive dont j'ai parlé précédemment.
-Uneexploration des composantes duprocès effectifaccompagnant
les activités de formation. Il s'agit là, en effet, d'une lacune patente de
notre effort d'élaboration d'outils d'analyse des phénomènes de for¬
mation. Cette recherche difficile pourrait être facilitée par l'existence
des travaux déjàexistant surle statut des désirsen formation, mais ces
recherches sont relativement peu articulées àd'autres approches.
Monobjectifest en fait d'expérimenter,àpropos de la formation, une
démarche plus large d'analyse des pratiques ne reprenant pas les
clivages disciplinaires et susceptible d'être mise en oeuvre par les pra¬
ticiens eux-mêmes, une telle démarche me paraît en effet transférable
ailleurs.
Un enrichissement des outils d'analyse
Ceux-ci ont évolué notamment sur plusieurs points importants :
-Élaboration d'unedistinction entre trois grands types d'actions de
fformation et plus généralement de socialisation :les actions d'inser¬
tion, susceptibles d'induire pour les individus concernés, l'accès àun
champd'activitédans lequel ils n'étaient pas présents (acquisition d'une
identité) ;actions qualifiantes, susceptibles d'induire pour les indivi¬
dus concernés, un changement de position oude placedans un champ
où ils sont déjà présents (différenciation d'identité); actions de dévelop¬
pement susceptibles d'induire, pour les individus concernés, une effi¬
cacité et une productivité plus grande dans une position qui reste
inchangée (affirmation d'identité). Cette distinction ade très importants
effets :
-Établissement de l'idée que les phénomènes de formation ne sont
ni vraiment inducteurs pareux-mêmes de changements sociaux, ni to¬
talement induits, mais qu'ils ont le statut d'accompagnement ou de
moyen de réalisation des changements sociaux.
-Mise au point d'une hypothèse d'articulation entre les trois procès
précédemment distingués, faisant des représentations d'objectifs le
modede présence du procès affectif au sein du procès deconduite(par
mentalisation du désir), et des images du réel le mode de présence du
procès opératoire au sein des procès de conduite (par construction du
réel). Le fonctionnement du procès deconduite, en mettant en relation
objectifs et images du réel pourproduireces nouvelles représentations
que sont les projets, les évaluations etc.. joue ainsi un rôle d'intégra¬
tion parles acteurs concernés des différents niveaux de réalité présents
dans l'action.
ITINÉRAIRES DE RECHERCHE 35
-Enfin définition des différentes formes de recherche àpartir de la
nature des représentations qu'elles produisent :représentations rela¬
tives aux faits dans le cas de la recherche empirique, représentations
relatives àdes raisons entre les faits dans le cas de la recherche scien¬
tifique classique, représentations relatives àune transformation du
réel dans le cas de la recherche action ou de la recherche finalisée. Les
hypothèses correspondant àces trois types de recherche sont très sen¬
siblement différentes :selon les cas elles fonctionnent comme hypo¬
thèses d'existence, hypothèse de relation et hypothèse d'action
(j'aimerais également pouvoir approfondir cette "recherche sur la re¬
cherche", en raison deses enjeux sociaux, sous la forme d'un ouvrage).
Une mise en perspective de mes propres
orientations de recherche par rapport àun
mouvement social plus large
Le repérage en effet, au sein de notre équipe, d'un certain nombre
de phénomènes nouveaux apparaissantdans le champ de la formation
et plusgénéralement dans le champ dela viesociale, commeparexem¬
ple:
-le développement de dispositifs fonctionnant àla fois comme des
actions, comme des recherches liées àces actions et comme des forma¬
tions;
-le développement des démarches d'audit et d'ingénierie ;
-l'extension des nouveaux modes d'organisation du travail fondés
sur un retour réflexif des acteurs sur leurs propres activités (cercles
de progrès, cercles de qualité, groupes d'expression,etc.) me conduit
en effet àpenser que nous sommes en présenced'un mouvement plus
large, caractéristique de l'évolution directement contemporaine, et
que l'on peut désigner comme un mouvement d'explicitation et de
socialisation du procès de conduite des actions. Ce mouvement est
probablement nourri par des phénomènes apparemment aussi dispa¬
rates que l'accroissement du degré d'intensité capitalistique des orga¬
nisations productives, le développement des nouvelles technologies
qui, selon la belle expression de Monique LINARD sont le plus souvent
des "machines àreprésenter", l'évolution du contenu des métiers et
l'accroissement des niveaux de formation générale de la population
salariée.
Dans ce contexte, la fortedemande de recherche émanant de profes¬
sionnels et de praticiens que nous connaissons peut donc apparaître
comme liée àdes enjeux de pouvoir et d'évolution des rapports so-
ITINÉRAIRES DE RECHERCHE 35
-Enfin définition des différentes formes de recherche àpartir de la
nature des représentations qu'elles produisent :représentations rela¬
tives aux faits dans le cas de la recherche empirique, représentations
relatives àdes raisons entre les faits dans le cas de la recherche scien¬
tifique classique, représentations relatives àune transformation du
réel dans le cas de la recherche action ou de la recherche finalisée. Les
hypothèses correspondant àces trois types de recherche sont très sen¬
siblement différentes :selon les cas elles fonctionnent comme hypo¬
thèses d'existence, hypothèse de relation et hypothèse d'action
(j'aimerais également pouvoir approfondir cette "recherche sur la re¬
cherche", en raison deses enjeux sociaux, sous la forme d'un ouvrage).
Une mise en perspective de mes propres
orientations de recherche par rapport àun
mouvement social plus large
Le repérage en effet, au sein de notre équipe, d'un certain nombre
de phénomènes nouveaux apparaissantdans le champ de la formation
et plusgénéralement dans le champ dela viesociale, commeparexem¬
ple:
-le développement de dispositifs fonctionnant àla fois comme des
actions, comme des recherches liées àces actions et comme des forma¬
tions;
-le développement des démarches d'audit et d'ingénierie ;
-l'extension des nouveaux modes d'organisation du travail fondés
sur un retour réflexif des acteurs sur leurs propres activités (cercles
de progrès, cercles de qualité, groupes d'expression,etc.) me conduit
en effet àpenser que nous sommes en présenced'un mouvement plus
large, caractéristique de l'évolution directement contemporaine, et
que l'on peut désigner comme un mouvement d'explicitation et de
socialisation du procès de conduite des actions. Ce mouvement est
probablement nourri par des phénomènes apparemment aussi dispa¬
rates que l'accroissement du degré d'intensité capitalistique des orga¬
nisations productives, le développement des nouvelles technologies
qui, selon la belle expression de Monique LINARD sont le plus souvent
des "machines àreprésenter", l'évolution du contenu des métiers et
l'accroissement des niveaux de formation générale de la population
salariée.
Dans ce contexte, la fortedemande de recherche émanant de profes¬
sionnels et de praticiens que nous connaissons peut donc apparaître
comme liée àdes enjeux de pouvoir et d'évolution des rapports so-
36 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
ciaux traditionnellement fondés sur la distinction entre travail de
conception et travail d'exécution. On constate, en effet, que la mise en
oeuvred'unedémarchederecherchepardes praticiens eux-mêmesest
susceptible d'accroître de manière sensible la maîtrise que peuvent
avoir des situations dans lesquels ils oeuvrent; elle est susceptible, en
outrede leur donner une conscience plusclaire de l'identité spécifique
que leur confère leur action quotidienne. Rendant plus fort et plus lu¬
cide, elle peut donc être vécue comme profondément qualifiante et
comme un outil modeste mais non négligeable d'évolution des rap¬
ports sociaux.
Ceci n'étant probablement pas sans écho idéologiqueaveccequej'ai
pu écrire au début de cette note...
Prendre de la distance
Ainsin'est-il guère possible, commeje le laissais entendre également
au début de cette note, de distinguer itinéraire de recherche, itinéraire
professionnel et itinéraire de vie plus général.
Aussi ne sera-t-on pas étonnédu caractère un peu global du souhait
qu'au terme de cette note j'ai envie d'exprimer :prendre du temps,
prendre de la distance, savoir rencontrer d'autres personnes, d'autres
expériences, d'autres situations, d'autres itinéraires, afin d'être moi-
même mieux en mesure, comme l'écrit de façon si suggestive mon ami
et compagnon de témoignage pource numéro Gaston Pineau, Produire
ma vie.
Jean-Marie Barbier
Professeur au Conservatoire Nationaldes Arts et Métiers
Directeurdu Centre de Recherche surla Formation
Principauxouvrages
ou articles de l'auteur
L'action sociale el l'économie sociale familiale (ouvrage collectif). INFA, CNAF.
Paris, Etudes CAF, 1974, 302 p. (épuisé).
"Usage et production des services d'actionsociale", Techniques d'action sociale,
n° 13, 1975, pp. 39-45, tabl.
Les étudiants du Conservatoire National des Arts el Métiers. Paris, CNAM, 1976,
273 p.
L'analyse des besoins en formation (en collaboration avec M. Lesne). Paris, Edi¬
tions R. Jauze, 1977 (1ère éd.), 1986 (2ème éd.), 231 p.
"Capitalisme, vie quotidienne et production des personnalités sociales au
XVIIIe siècle, La Pensée, n* 207, oct. 1979, pp. 56-83.
36 CHEMIN DE RECHERCHE /J.-M. BARBIER
ciaux traditionnellement fondés sur la distinction entre travail de
conception et travail d'exécution. On constate, en effet, que la mise en
oeuvred'unedémarchederecherchepardes praticiens eux-mêmesest
susceptible d'accroître de manière sensible la maîtrise que peuvent
avoir des situations dans lesquels ils oeuvrent; elle est susceptible, en
outrede leur donner une conscience plusclaire de l'identité spécifique
que leur confère leur action quotidienne. Rendant plus fort et plus lu¬
cide, elle peut donc être vécue comme profondément qualifiante et
comme un outil modeste mais non négligeable d'évolution des rap¬
ports sociaux.
Ceci n'étant probablement pas sans écho idéologiqueaveccequej'ai
pu écrire au début de cette note...
Prendre de la distance
Ainsin'est-il guère possible, commeje le laissais entendre également
au début de cette note, de distinguer itinéraire de recherche, itinéraire
professionnel et itinéraire de vie plus général.
Aussi ne sera-t-on pas étonnédu caractère un peu global du souhait
qu'au terme de cette note j'ai envie d'exprimer :prendre du temps,
prendre de la distance, savoir rencontrer d'autres personnes, d'autres
expériences, d'autres situations, d'autres itinéraires, afin d'être moi-
même mieux en mesure, comme l'écrit de façon si suggestive mon ami
et compagnon de témoignage pource numéro Gaston Pineau, Produire
ma vie.
Jean-Marie Barbier
Professeur au Conservatoire Nationaldes Arts et Métiers
Directeurdu Centre de Recherche surla Formation
Principauxouvrages
ou articles de l'auteur
L'action sociale el l'économie sociale familiale (ouvrage collectif). INFA, CNAF.
Paris, Etudes CAF, 1974, 302 p. (épuisé).
"Usage et production des services d'actionsociale", Techniques d'action sociale,
n° 13, 1975, pp. 39-45, tabl.
Les étudiants du Conservatoire National des Arts el Métiers. Paris, CNAM, 1976,
273 p.
L'analyse des besoins en formation (en collaboration avec M. Lesne). Paris, Edi¬
tions R. Jauze, 1977 (1ère éd.), 1986 (2ème éd.), 231 p.
"Capitalisme, vie quotidienne et production des personnalités sociales au
XVIIIe siècle, La Pensée, n* 207, oct. 1979, pp. 56-83.
mNÉRAIRES DE RECHERCHE 37
"Situation de travail, poursuite d'un projet de formation et procès de trans¬
formationpersonnelle, Revuefrançaise de sociologie, vol. XXI, 1980, pp. 409^138.
Lequotidien et son économie. Paris, Editions du CNRS, 1981 (trad, en japonais).
"Pourune histoire et une sociologie des pratiques d'évaluation en formation",
Revuefrançaise de pédagogie, n* 63, 1983, pp. 47-60.
L'évaluation en formation. Paris, PUF, 1985 ,295 p. pédagogie aujourd'hui.)
Lire les phénomènes deformation. Présentation d'un itinéraire de recherche en
formation des adultes. Document d'accompagnement de la thèse d'Etat sur
travaux présentée par J.-M. Barbier sous ta direction de G. Mialaret. Univer¬
sité de Caen, juin 1985.