Content uploaded by Frederic Martinez
Author content
All content in this area was uploaded by Frederic Martinez on Sep 11, 2018
Content may be subject to copyright.
septembre 2010 I n° 161 I idées 15
On parle de décision face au risque lorsqu’un indi-
vidu fait des choix dont les conséquences dépendent
de la réalisation d’événements auxquels des proba-
bilités1 sont rattachées. Dans ce domaine, la théorie
économique orthodoxe repose sur la théorie de l’uti-
lité espérée de John von Neumann et Oskar Morgens-
tern [1]. Il s’agit d’un modèle axiomatique de choix
rationnel (approche normative) qui prolonge, dans
le contexte des choix risqués, le modèle de l’homo
œconomicus bien connu dans le contexte des choix en
situation de certitude.
Très tôt, les expériences réalisées pour étudier la
façon dont les individus prennent réellement leurs
décisions dans des situations risquées ont remis
en cause plusieurs aspects de la théorie de l’utilité
espérée2. À partir des années 1970, deux psycholo-
gues vont jouer un rôle décisif dans la compréhen-
sion de l’attitude face au risque. Daniel Kahneman
et Amos Tversky3 vont en eet contribuer à la réali-
sation de nombreuses expériences relatives à deux
questions très liées. La première concerne la prise de
décision risquée elle-même. Les expériences menées
par les auteurs vont les amener à proposer un modèle
descriptif de choix risqués : la théorie des perspec-
tives [2]. Ce modèle, alternatif au modèle normatif de
l’utilité espérée, va jouer un rôle fondateur et central
dans les développements ultérieurs de la théorie des
choix risqués. La deuxième concerne les jugements
de probabilités. La théorie de l’utilité espérée suppose
implicitement que les individus rationnels traitent
parfaitement l’information disponible. En particu-
lier, ils ne font aucune erreur dans l’évaluation des
probabilités. Les expériences menées par Kahneman
et Tversky, entre autres, vont au contraire révéler
que les individus utilisent des heuristiques dans les
jugements de probabilités, heuristiques qui mènent
souvent à de multiples erreurs de jugement.
Approche normative de décision en
situation risquée et remise en cause
expérimentale
De l’espérance de gain à l’espérance d’uti-
lité : l’aversion au risque
L’objectif de l’approche normative n’est pas de
décrire les prises de décisions réelles mais de dénir
les principes logiques et rationnels que les preneurs
de décision doivent suivre, an d’eectuer un choix dit
« rationnel », c’est-à-dire le choix qui « rapporte » le
plus, correspondant au meilleur choix. L’être humain
est considéré ici, comme un statisticien intuitif qui
décide de manière isolée et rationnelle, en prenant
en compte l’ensemble des alternatives possibles ;
son choix étant alors dicté par le principe de maxi-
misation. Ainsi, selon ce principe, les décideurs sont
censés passer en revue toutes les alternatives possibles.
Ils sélectionnent alors l’option qui présente l’utilité
attendue (espérée) la plus importante. Cette utilité
attendue se calcule en multipliant la valeur de chaque
conséquence possible par sa probabilité et en ajoutant
les produits. En d’autres termes, il s’agit de l’état nal
de richesse oert par chacune des options proposées.
L’économie expérimentale I DOSSIER
L’individu face
au risque :
l’apport de Kahneman
et Tversky
Frédéric Martinez,
GREPS, EA 4163,
équipe PSECO, institut
de psychologie,
université de Lyon (69).
Un des domaines dans lesquels l’économie expérimentale tient une place importante
est l’étude des décisions individuelles face au risque. À partir des années 1970, deux
psychologues, Daniel Kahneman et Amos Tversky, ont joué un rôle décisif dans la
compréhension de l’attitude face au risque. Leurs travaux fournissent une description et
une explication plus réalistes des comportements des individus qui y sont confrontés,
constituant ainsi un apport indéniable à l’économie expérimentale.
1. Ces probabilités sont
objectives : ce sont des
données extérieures à
l’individu, issues en par ticulier
des fréquences observées des
événements considérés.
2. Un des premiers apports
décisifs a lieu avec Allais [3]
et la mise en évidence du
paradoxe qui porte son nom.
3. Amos Tversky décède
en 1996. Daniel Kahneman
reçoit le Nobel d’économie
en 2002. « Le prix a été
décerné pour le travail
que nous avons réalisé en
commun. Nul doute que,
si Amos avait vécu, cela
aurait été un prix partagé,
et je le considère comme
tel [4]. » Dans cette même
interview, Daniel Kahneman
précise que le pont entre les
travaux des psychologues et
ceux des économistes a été
réalisé grâce à l’économiste
Richard Thaler, aujourd’hui
chef de file de l’économie
comportementale.
idées I n° 161 I septembre 2010
16
Ainsi, voici deux paris :
– Pari A : 30 % de chances de gagner 1 000 € et
20 % de chances de perdre 500 €
– Pari B : 25 % de chances de gagner 1 500 € et
22 % de chances de perdre 1 000€
Quel pari choisiriez-vous ?
A priori, les décideurs devraient sélectionner le
pari A puisque l’espérance mathématique de gain de
cette option est plus grande que celle du pari B. En
eet, le pari A présente une utilité attendue de 200 €4
alors que celle du pari B est de 155 €5.
Toutefois, si l’espérance mathématique de gain
peut apparaître comme un critère de décision
« logique » en situation de risque, il montre rapide-
ment ses limites comme l’illustre l’exemple célèbre
du paradoxe de Saint-Pétersbourg.
DOSSIER I L’économie expérimentale
Le paradoxe de Saint-péterSbourg
Considérons le jeu suivant : « On lance en l’air une pièce de monnaie. Si face apparaît, la banque paie 2 euros
au joueur. Sinon, on relance la pièce. Si face apparaît, la banque paie 4 euros, et on arrête le jeu. Sinon, on relance
la pièce. Si face apparaît, la banque paie 8 euros au joueur, et ainsi de suite. Donc, si face apparaît au ne lancer, la
banque paie 2n euros au joueur. »
Quelle somme seriez-vous prêt à engager pour participer à ce jeu ?
Selon l’espérance mathématique de gain, nous devrions engager une innité d’euros. En eet, la valeur moné-
taire attendue du jeu s’obtient en sommant la valeur attendue de tous les cas possibles, et elle est innie.
Si « face » intervient dès le premier lancer, on gagne 2 euros. La probabilité pour que cela arrive est d’1 chance
sur 2 (soit 1/2), ce qui donne une valeur attendue pour ce coup de 1 € (à savoir ½ x 2 €). Si « face » intervient
pour la première fois au 2e lancer, ce qui se produit avec une probabilité de ½ x ½ = 1/4, le gain est alors de 4 € ;
ce qui fait une valeur attendue de 1 € pour ce coup (à savoir ¼ x 4). Plus généralement, si « face » apparaît pour la
première fois au ne lancer, ce qui se produit avec une probabilité de 1/2n, le gain est alors de 2n € ; ce qui fait une
valeur attendue de 1 € pour ce coup (à savoir 1/2n x 2 n). La valeur attendue du jeu s’obtient en sommant la valeur
attendue de tous les cas possibles, et vaut donc : valeur attendue du jeu = 1 + 1 + 1 + 1+1 +… On somme une
innité de termes qui valent tous 1, la somme est donc innie.
Pourtant, la plupart des gens engageraient seulement une poignée d’euros, tout au plus. Comment résoudre,
ce paradoxe, appelé communément dans la littérature « Le paradoxe de Saint-Pétersbourg » ?
La solution proposée par Daniel Bernoulli [5] consiste à substituer la valeur monétaire attendue du jeu (espé-
rance mathématique de gain) par l’utilité (satisfaction) attendue du jeu (espérance mathématique de l’utilité).
Selon Bernoulli, l’utilité que procure un gain de 2 000 € n’est pas le double de celle que procure un gain
de 1 000 €, mais moins. Bernoulli propose de prendre comme fonction d’utilité, la fonction logarithme décimal :
l’utilité du gain est égale au logarithme du gain. L’utilité attendue du jeu s’obtient alors en sommant l’utilité
attendue de tous les cas possibles et vaut 0,60206.
Si « face » intervient dès le premier lancer, on gagne 2 €. La probabilité pour que cela arrive est 1/2, ce qui
donne une utilité attendue pour ce coup de 0,1505 (1/2 x log 2). Si « face » intervient pour la première fois au
2e lancer, ce qui se produit avec une probabilité de ½ x ½ = 1/4, le gain est alors de 4 €, ce qui fait une utilité
attendue pour ce coup de 0,1505 (1/4 x log 4). Si face intervient pour la première fois au 3e lancer, ce qui se
produit avec une probabilité de ½ x ½ x ½ = 1/8, le gain est alors de 8 €, ce qui fait une utilité attendue pour
ce coup de 0,1128 (1/8 x log 8). Maintenant, l’utilité attendue du jeu s’obtient en sommant l’utilité attendue
de tous les cas possibles, et vaut donc 0,60206. En eet, cette série, bien qu’innie, se trouve avoir la propriété
mathématique d’être « convergente ». Or, puisque l’utilité du gain est égale au logarithme décimal du gain, un
joueur rationnel devrait investir à ce jeu 4 € (0,6026 = log (X) soit X = 4 €) et non pas un nombre inni d’euros,
comme le laissait penser le résultat obtenu simplement en prenant la valeur attendue.
La fonction d’utilité retenue par Bernoulli est une fonction d’utilité concave (l’utilité s’accroît avec une
intensité de plus en plus petite). Cette propriété est essentielle car elle implique une caractéristique centrale
de la décision face au risque dans la théorie de l’utilité espérée : les décideurs manifestent dans leur choix une
« aversion pour le risque ».
4. (0,30 x 1 000) +
(0,20 x (-500)).
5. (0,25 x 1 500) +
(0,22 x (-1000)).
septembre 2010 I n° 161 I idées 17
An d’illustrer l’aversion au risque, imaginons un
décideur confronté au choix entre les deux options
suivantes (problème 1) :
– un gain certain de 4 €,
– un jeu « J » orant 50 % de chances de gagner 8 €
et 50 % de ne rien perdre
Quelle option choisiriez-vous ?
Ces deux options ont une valeur monétaire
attendue identique (espérance mathématique égale à
4 €). En revanche, la concavité de la fonction d’utilité
entraîne que l’utilité attendue attachée à un gain de
4 € est inférieure à 4. Ainsi, l’utilité attendue, asso-
ciée au jeu « J », est inférieure au gain certain de 4 €.
Selon le principe de maximisation de l’utilité espérée,
le décideur sélectionnera l’option lui orant un gain
certain de 4 €. Il fait ainsi preuve d’une aversion pour
le risque. En eet, en choisissant le jeu « J », le preneur
de décision prendrait le risque de « perdre » relative-
ment de l’argent par rapport à un gain potentiel de
4 €, en se donnant simultanément, tout de même, la
possibilité de gagner 8 €.
Von Neumann et Morgenstern fournissent
en 1947 [1], une axiomatique rigoureuse pour la
solution proposée par Bernoulli : le modèle va alors
devenir un modèle normatif reposant sur des axiomes
caractérisant le choix rationnel. Ainsi, ces auteurs
systématisent et formalisent le critère d’utilité
attendue an de dénir ce que doit être la conduite
« idéale » et a priori d’un individu en situation de prise
de décision, dans un univers risqué. Ils n’ont pas voulu
décrire la prise de décision mais plutôt donner les
règles nécessaires à une prise de décision rationnelle.
Résultats expérimentaux : aversion au
risque pour les gains et attirance au risque
pour les pertes
De nombreux résultats expérimentaux viennent
conrmer l’existence d’une aversion pour le risque,
lorsqu’elle se traduit par la préférence pour un gain
certain.
Considérons par exemple le problème de décision
suivant (problème 2) :
– un gain certain de 500 $,
– un jeu « J » offrant 50 % de chances de
gagner 1 000 $ et 50 % de ne rien perdre.
Quelle option choisiriez-vous ?
Les résultats de Kahneman et Tversky [2] indi-
quent que 84 % des participants choisissent le gain
certain de 500 $ plutôt que le jeu « J », alors que
ces deux options présentent une valeur monétaire
attendue égale. Par ailleurs, cette conguration de
résultats se retrouve même lorsque le pari présente
une valeur monétaire attendue plus grande que le gain
certain. Par exemple, les participants d’une étude de
Kahneman et Tversky [6] préfèrent majoritairement
un gain certain de 800 $ à un pari, orant 85 % de
chances de gagner 1 000 $ et 15 % de chances de
ne rien perdre. Bien que le pari ore une espérance
mathématique de 50 $ supérieure au gain certain,
les participants ne veulent pas prendre le risque de
gagner ce supplément. Les décideurs seraient donc
bien averses au risque.
Considérons maintenant le problème de décision
suivant (problème 3) :
– une perte certaine de 500 $,
- un jeu « J » offrant 50 % de chances de
perdre 1 000 $ et 50 % de ne rien perdre.
Quelle option choisiriez-vous ?
Dans ce cas, la conguration de résultats observés par
Kahneman et Tversky [2] se renverse comparativement
au problème 2. En eet, 69 % des participants préfè-
rent le pari orant 50 % de chances de perdre 1 000 $ à
la perte certaine de 500 $. Les participants font ainsi
preuve d’un comportement de prise de risque. En
eet, en choisissant le jeu « J » dans le problème 3, le
preneur de décision prend le risque de « perdre » rela-
tivement de l’argent par rapport à une perte certaine
de 500 $, en se donnant simultanément, tout de même,
la possibilité de ne pas perdre d’argent.
Pour expliquer cet eet (reection eect) en parti-
culier ainsi que les déviations fréquentes des choix
par rapport aux axiomes de la théorie de l’utilité
attendue, Kahneman et Tversky [2] ont proposé une
théorie, cette fois-ci « descriptive » de la prise de déci-
sion, la théorie des perspectives (prospect theory).
Théorie descriptive de la décision en
situation risquée : la théorie des pers-
pectives (prospect theory)
Phase d’édition et phase d’évaluation
Dans la théorie des perspectives, Kahneman et
Tversky [1] proposent de représenter le processus
mental de la prise de décision au travers de deux phases :
une phase d’édition et une phase d’évaluation.
La phase d’édition est une phase de préparation
qui consiste en une analyse préliminaire des perspec-
tives oertes. Elle correspond le plus souvent en une
L’économie expérimentale I DOSSIER
idées I n° 161 I septembre 2010
18
simple représentation de ces perspectives. Sa fonction
est d’organiser, de trier, de reformuler et de simplier
les diérentes options, et ce dans le but d’en faciliter
l’évaluation.
Introduire une telle phase dans la représentation
de la prise de décision est sans doute une des caracté-
ristiques de la théorie des perspectives qui l’éloigne
le plus des modèles de décision habituels des écono-
mistes. Avec cette phase, on suppose en eet qu’un
problème de décision n’est pas donné objectivement
mais qu’il est « reconstruit », « reformulé » subjecti-
vement par l’individu. De ce point de vue, la théorie
des perspectives n’est pas seulement un modèle de
choix risqués, mais elle relève également des études
sur les aspects cognitifs du traitement de l’informa-
tion développées par Kahneman et Tversky, abordées
plus loin dans cet article.
Une des conséquences de l’introduction de cette
phase est que deux problèmes de décision objec-
tivement identiques en termes de distributions de
probabilités sur les issues possibles pourront ne pas
être considérés comme subjectivement équivalents
par le décideur. On comprend aisément que ce
phénomène, appelé de manière générale « eet de
contexte », complique grandement la représentation
de la décision, en particulier sous la forme de modèles
mathématiques. La phase d’édition ne se retrouvera
d’ailleurs généralement pas dans les modèles de choix
risqués qui vont se développer après la théorie des
perspectives, y compris les modèles qui constituent
des prolongements directs de cette théorie [7, 8].6
La phase d’évaluation de la théorie des perspec-
tives en revanche va marquer de manière importante
la représentation de la décision risquée. C’est elle qui
va notamment permettre d’expliquer les résultats
expérimentaux que nous avons présentés. Dans cette
phase, les perspectives éditées sont évaluées et celle
présentant la plus grande utilité subjective est choisie,
selon le même principe de maximisation que celui
de la théorie de l’utilité attendue [1]. Cependant, la
théorie des perspectives se diérencie de la théorie
de l’utilité attendue en intégrant deux fonctions dans
le calcul de l’utilité subjective d’une perspective, à
savoir une fonction de la valeur subjective et une fonction
de pondération des probabilités. Nous allons détailler ces
deux fonctions.
Point de référence, aversion aux pertes,
aversion au risque pour les gains, attirance
au risque pour les pertes
Selon la théorie de l’utilité attendue, la fonction
d’utilité est dénie par rapport aux états naux de
richesse. En revanche, la fonction de valeur dans la
théorie des perspectives, est dénie par les change-
ments de l’état de richesse initial plutôt que par des
états naux absolus7. En d’autres termes, les perspec-
tives sont codées comme des pertes ou des gains par
rapport à un point de référence8, communément l’état
initial de richesse du décideur ; il ne s’agit donc pas de
gains et de pertes dans l’absolu, mais de gains et de
pertes relatifs à cet état initial. La valeur subjective
associée aux résultats des diérentes perspectives
est donc dépendante d’une part, de l’état initial de
richesse du décideur et d’autre part, de la valence
(positive ou négative) du changement par rapport à
cet état.
Pour illustrer l’idée de point de référence (dépen-
dance par rapport à l’état initial de richesse), imagi-
nons deux salariés. Le premier a un salaire de 1 000 €
et il bénécie d’une augmentation de salaire de 150 €
et le second a un salaire de 5 000 € et bénécie, lui
aussi d’une augmentation de 150 €. Quel est celui qui
est le plus satisfait de son augmentation ?
Alors que l’utilité attendue de ces deux augmen-
tations est identique puisqu’elle correspond dans les
DOSSIER I L’économie expérimentale
“ La théorie des perspectives n’est pas
seulement un modèle de choix risqués ;
elle relève aussi des études sur les aspects
cognitifs du traitement de l’informations”
6. Bien que certains principes
à l’œuvre dans cette phase
puissent être repris dans ces
modèles..
7. Bernoulli [5] le supposait
déjà. Von Neumann et
Morgenstern [1] n’ont
néanmoins pas tenu compte
de cette hypothèse.
8. Chez Kahneman et
Tversky [2], ce point de
référence est déterminé au
cours de la phase d’édition.
septembre 2010 I n° 161 I idées 19
deux cas à une augmentation de 150 € de l’état initial
de richesse, il est aisé de s’imaginer qu’une diérence
de 150 € à partir d’un point de référence de 1 000 €
est ressentie comme plus importante qu’à partir d’un
point de référence de 5 000 €. Ainsi, la valeur subjec-
tive de l’augmentation est plus importante pour le
salarié A que pour le salarié B.
De plus, conformément aux résultats expérimen-
taux obtenus pour les problèmes 2 et 3, le point de
référence place les diérentes issues possibles d’un
problème de décision soit dans le domaine des pertes,
dans lequel l’individu va manifester une attirance pour
le risque, soit dans le domaine des gains, dans lequel
l’individu va manifester une aversion pour le risque.
Pour illustrer maintenant le fait que la réponse aux
pertes est plus forte que la réponse aux gains (dépen-
dance par rapport à la valence positive ou négative
du changement par rapport au point de référence),
considérons deux personnes A et B. A en se prome-
nant trouve 100 €. B en se promenant perd 100 €. A et
B ressentent-ils cet événement avec la même inten-
sité ? Selon Kahneman et Tversky [2], la joie éprouvée
par A sera plus petite que la contrariété ressentie par
B. En eet, selon ces auteurs, la contrariété que l’on
éprouve en perdant une somme d’argent est plus
grande que le plaisir de gagner la même somme. Ces
auteurs appellent cela l’aversion aux pertes.
La fonction de la valeur subjective proposée par
Kahneman et Tversky [2] pour évaluer des projets
risqués traduit les caractéristiques précédentes du
comportement face au risque. D’une part, le point
de référence détermine la zone des pertes et la zone
des gains. D’autre part, la forme de la fonction dans
la zone des pertes (en dessous du point de référence)
n’est pas identique à celle dans la zone des gains. Plus
précisément, la forme de la fonction de la valeur
au-dessus du point de référence dans la zone des gains
est similaire à celle de la fonction d’utilité attendue, à
savoir concave. En revanche, elle est convexe et plus
pentue en dessous du point de référence (zone des
pertes), traduisant à la fois un comportement de prise
risque dans cette zone et une aversion pour la perte
(graphique 1).
Finissons par une prédiction intéressante de la
théorie des perspectives caractérisant un effet de
contexte : deux problèmes de décision formellement
L’économie expérimentale I DOSSIER
9. Dans le problème 4, le
participant possède 1 000$.
S’il choisit l’option A, son état
final de richesse sera soit de
2 000$ (1 000$ + 1 000$)
avec une probabilité de 50%,
soit de 1 000$ (1 000$ + 0)
avec une probabilité de 50%.
S’il choisit l’option B, son
état final de richesse sera de
1 500$ (1 000$ + 500$).
Dans le problème 5, le
participant possède 2 000$.
S’il choisit l’option C, son état
de final de richesse sera soit
de 2 000$ (2 000$ - 0) avec
une probabilité de 50%, soit
de 1 000$ (2 000$ - 1 000$)
avec une probabilité de 50%.
S’il choisit l’option D, son état
de final de richesse sera de
1500$ (2000$ - 500$).
GRAPHIQUE 1.
La fonction de la valeur
Source : Daniel Kahneman et Amos Tversky, « La peur et le goût du risque »,
Pour la science, 1999.
indices, base 100 en 2000
180
160
140
120
100
80
60
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
PERTES
VALEUR
GAINS
0,5 x valeur de 100
Valeur de 500
Valeur de 1 000
-1 100 1 100-1 000 1 000-900 900-800 800-700 700-600 600-500 500
-400 400
-300 300
-200 200
-100 100
0,5 x valeur de -1 000
Valeur de -500
Valeur de -1 000
É
voution des prix des
é
nergies consomm
é
es par l'industrie en France
idées I n° 161 I septembre 2010
20
équivalents peuvent conduire à des choix diérents.
Problème 4 : en plus des 1 000 $ que l’on vous a
déjà donnés, on vous demande de choisir entre deux
options. Laquelle choisiriez-vous ?
– L’option A : 50 % de chances de gagner 1 000 $
et 50 % de chances de ne rien perdre ;
– l’option B : un gain certain de 500 $.
Problème 5 : en plus des 2 000 $ que l’on vous a
déjà donnés, on vous demande de choisir une des deux
options suivantes. Laquelle choisiriez-vous ?
– L’option C : 50 % de chances de perdre 1 000 $
et 50 % de chances de ne rien perdre ;
– l’option D : une perte certaine de 500 $.
En termes d’états finaux de richesse, les
problèmes 4 et 5 sont identiques : l’état nal de l’op-
tion A est équivalent à celui de l’option C et celui de
l’option B à celui de l’option D9. Par conséquent,
selon la théorie de l’utilité espérée, un individu qui
choisit l’option B dans le problème 4 doit égale-
ment choisir l’option D dans le problème 5. Or, les
résultats expérimentaux obtenus par Kahneman et
Tversky [2] indiquent que la majorité des partici-
pants choisit l’option B dans le problème 4 et l’op-
tion C dans le problème 5. Ce prol de choix est
prédit par la théorie des perspectives et s’explique
de la manière suivante.
Dans le problème 4, le participant code les deux
options en fonction du changement qu’elles lui orent
par rapport à son état initial de richesse, 1 000 $. Elles
sont ainsi évaluées dans le domaine des gains, incitant
alors à la préférence pour un gain certain, en vertu de
l’aversion pour le risque dans ce domaine.
Dans le problème 5, le participant code les deux
options en fonction du changement qu’elles lui orent
par rapport à son état initial de richesse, 2 000 $. Elles
sont ainsi évaluées dans le domaine des pertes, inci-
tant alors à la préférence pour l’option risquée, en
vertu d’un comportement de prise de risque dans ce
domaine.
Ainsi, ces préférences traduisent d’une part, une
négligence du bonus de départ (encore appelée
« transgression du principe de ségrégation ») et d’autre
part, un choix dicté par un codage des perspectives
en fonction d’un point de référence, à savoir l’état
initial de richesse du décideur, plutôt que l’état nal
de richesse. La théorie des perspectives se diérencie
également de la théorie de l’utilité par l’intégration
d’une deuxième fonction : la fonction de pondération
des probabilités.
Après la fonction de valeur subjective, nous présen-
tons la fonction de pondération des probabilités.
Surpondération des événements à faible
probabilité et sous-pondération des événe-
ments à forte probabilité
Dans la théorie de l’utilité attendue, l’utilité d’un
résultat risqué est pondérée par sa probabilité p, alors
que dans la théorie des perspectives, la valeur d’un
résultat risqué est multipliée par le poids de la déci-
sion
σ
(
σ
σ
p). Cette fonction de pondération
σ
(p) permet de capturer les diérents poids de décision
subjectivement attachés aux perspectives oertes par
un jeu, à partir d’une déformation des probabilités.
Elle a les propriétés suivantes :
– le poids de décision d’un événement de probabi-
lité nulle est nul (
σ
(
σ
σ
0) = 0) et l’échelle est
normalisée de sorte que
σ
(
σ
σ
1) = 1 ;
– la fonction ne se comporte pas régulièrement
vers les extrêmes. En eet, pour les petites probabi-
lités
σ
(
σ
σ
p) > p, les probabilités faibles ont donc
une pondération forte. En revanche, pour les proba-
bilités moyennes ou grandes
σ
(
σ
σ
p) < p, les
probabilités moyennes ou grandes ont donc une
DOSSIER I L’économie expérimentale
“ Le comportement envers le risque est
non seulement influencé par le cadrage des
perspectives soit dans le domaine des gains,
soit dans le domaine des pertes, mais aussi par
la pondération des probabilités”
septembre 2010 I n° 161 I idées 21
pondération faible. Concrètement, les petites proba-
bilités sont surestimées alors que les probabilités
moyennes ou grandes sont sous-estimées.
Les résultats expérimentaux révèlent eectivement
une tendance à déformer les probabilités dans le cadre
de décisions risquées. Ainsi, nous avons indiqué précé-
demment que d’après Kahneman et Tversky [2] :
– 84 % des participants préfèrent un gain certain
de 500 $ à un pari offrant 50 % de chances de
gagner 1 000 $ (choix indiquant une aversion pour
le risque) ;
– 69 % des participants préfèrent un pari orant
50 % de chances de perdre 1 000 $ à une perte certaine
de 500 $ (choix indiquant un comportement de prise
de risque).
Mais, dans le même temps, Kahneman et
Tversky [2] révèlent également que :
– 72 % des participants préfèrent un pari
orant 1 % de chances de gagner 5 000 $ à un gain
certain de 5 $ (choix indiquant un comportement de
prise de risque) ;
– 83 % ont choisi une perte certaine de 5 $ plutôt
qu’un pari orant 1 % de chances de perdre 5 000 $
(choix indiquant une aversion pour le risque).
Ces résultats attestent le fait que le comporte-
ment envers le risque est non seulement inuencé
par le cadrage des perspectives soit dans le domaine
des gains, soit dans le domaine des pertes, mais aussi
par la pondération des probabilités. Ces quatre atti-
tudes envers le risque, en fonction non seulement de
la valence (positive ou négative) du changement par
rapport à l’état initial de richesse, mais aussi du type
de probabilités associées à l’alternative risquée sont
résumées dans le tableau 1 [7].
Ainsi, selon les résultats de Kahneman et Tversky [2],
les décideurs manifestent une aversion pour le risque
pour les moyennes et grandes probabilités lorsqu’ils
codent les perspectives dans le domaine des gains, et
pour les petites probabilités lorsqu’ils codent les pers-
pectives dans le domaine des pertes. En revanche, les
décideurs ont un comportement de prise de risque
pour les moyennes et grandes probabilités lorsqu’ils
codent les perspectives dans le domaine des pertes,
et pour les petites probabilités lorsqu’ils codent les
perspectives dans le domaine des gains.
En résumé, selon la théorie des perspectives, les
comportements envers le risque (attirance contre
aversion) ne sont pas xes, mais sont plutôt édiés au
cours du processus décisionnel en fonction du codage
des perspectives dans le domaine des gains contre des
pertes et/ou en fonction du type de probabilités
(petites contre moyennes et grandes).
Jugement direct de probabilités : le
programme « Heuristiques et biais »
Ainsi que nous l’avons vu, lorsqu’ils ont à prendre
des décisions risquées, les individus ont tendance à
reformuler l’information disponible, à la transformer
subjectivement selon les caractéristiques spéciques
de la décision qu’ils ont à prendre. Cette tendance
à traiter subjectivement l’information se retrouve
également hors de tout contexte de décision. Entre
l’information comme donnée objective et l’informa-
tion telle que l’individu se la représente, il y a une
diérence qui a trait aux processus cognitifs interve-
nant dans cette représentation.
Pour l’analyse des décisions en situation de risque,
l’étude de ces processus cognitifs semble essentielle
car elle est complémentaire, et parfois indissociable,
de celle de la prise de décision. Elle permet de
comprendre ce qui peut se jouer en amont de cette
prise de décision et, par conséquent, apporter des
éléments d’explication relatifs à celle-ci.
Daniel Kahneman et Amos Tversky vont à nouveau
jouer un rôle important dans cette étude et ouvrir un
programme de recherche nommé « Heuristique et
biais », appellation tirée du nom de l’ouvrage édité par
Daniel Kahneman, Paul Slovic et Amos Tversky [9].
Le mot « heuristique » désigne ici le traitement de l’in-
formation spécique de l’intelligence humaine, diérent
d’un programme informatique fondé uniquement sur
des algorithmes. En face d’un problème, un programme
fondé sur une démarche algorithmique va procéder à un
inventaire systématique de l’information. Le processus
demande beaucoup de ressources en temps et en énergie,
mais il est infaillible (parfois irréalisable compte tenu du
L’économie expérimentale I DOSSIER
Domaine de Codage Petites probabilités Moyennes et
grandes probabilités
Gains Recherche de risque Aversion pour le risque
Pertes Aversion pour le risque Recherche de risque
TABLEAU 1.
Les quatre attitudes envers le risque
Source : [7].
idées I n° 161 I septembre 2010
22
nombre de combinaisons). L’être humain procède quant
à lui selon la démarche heuristique, stratégie cognitive
qui consomme moins de temps et d’énergie mentale :
elle est plus astucieuse mais comporte un risque d’erreur.
Les heuristiques sont en eet des stratégies cognitivistes
simplistes, « des raccourcis » mentaux économiques, qui
nous autorisent à trouver des solutions acceptables, mais
pas toujours correctes.
Les heuristiques sont nécessaires mais dangereuses :
– nécessaires car elles facilitent grandement les
processus de jugement et, par conséquent, la prise de
décision. De ce point de vue, elles peuvent donc appa-
raître comme ecaces car elles évitent des eorts de
réexion et de calcul ;
– dangereuses car ces raccourcis peuvent nous
induire en erreur, nous amener à retenir de mauvaises
informations par exemple et donc nous faire prendre
de mauvaises décisions… C’est dans ce cas que
l’« heuristique » rejoint le « biais », ce dernier condui-
sant systématiquement à l’erreur.
Ces heuristiques concernent tout problème de trai-
tement de l’information. Toutefois, celui qui a retenu
davantage l’attention concerne les jugements de proba-
bilité. Sachant que certaines informations concernant
les probabilités objectives d’un événement sont dispo-
nibles, comment les individus vont-ils former leurs
jugements de probabilité ? Ces jugements sont-ils cohé-
rents avec les lois sur le calcul des probabilités ?
Parmi la multitude d’heuristiques qui ont été repé-
rées par les chercheurs, les deux plus connues sont
l’heuristique de la disponibilité et l’heuristique de la
représentativité. La première se traduit par la focalisa-
tion sur une partie de l’information et la seconde par
la négligence d’une partie de l’information.
L’heuristique de la disponibilité a pu être mise en
évidence par Tversky et Kahneman [10], notamment à
partir d’une expérience qui consistait à demander aux
sujets s’il y avait dans la langue française plus de mots
commençant par la lettre « r », que de mots ayant
cette lettre en troisième position. La majorité des
sujets choisissent la première option, mais en réalité,
il y a plus de mots ayant la lettre « r » en troisième posi-
tion. À la source de cette distorsion, on trouve l’heu-
ristique de la disponibilité : les individus privilégient
la recherche d’exemples facilement récupérables, ou
disponibles en mémoire, pour juger de la probabilité
d’un événement ou d’un objet. L’heuristique de la
disponibilité s’applique donc dans cette expérience
puisqu’il est plus facile de trouver des mots ayant la
lettre « r » en première position qu’en troisième. La
probabilité qu’un événement se produise est donc
souvent estimée en fonction de la facilité avec laquelle
des événements semblables reviennent en mémoire.
L’heuristique de la représentativité est mise en
évidence par Tversky et Kahneman [11]. Il existe
plusieurs façons de la repérer. Nous allons donc
nous intéresser à celle qui est aujourd’hui l’une des
plus connues : l’expérience des avocats et des ingé-
nieurs [11]. Les sujets participant à cette expérience
sont informés que l’on a procédé à l’interview d’un
échantillon composé de 30 % d’avocats et de 70 %
d’ingénieurs. Ces interviews ont permis la rédaction
de ches descriptives succinctes sur chacune de ces
personnes. Les sujets reçoivent alors une seule de ces
ches, que l’on a tirée au hasard de l’échantillon, sur
laquelle ils peuvent lire : « Jean est un homme de 39 ans.
Il est marié et a deux enfants. Il s’occupe activement de
politique locale. Son passe-temps préféré est la collec-
tion de livres rares. Il aime la compétition, la discus-
sion et s’exprime bien. » La tâche des sujets consiste à
DOSSIER I L’économie expérimentale
“ Les heuristiques sont des stratégies
cognitivistes simplistes, « des raccourcis »
mentaux économiques, qui nous autorisent
à trouver des solutions acceptables,
mais pas toujours correctes”
septembre 2010 I n° 161 I idées 23
estimer la probabilité que Jean soit avocat. La majorité
des sujets de cette expérience répond qu’il y a 90 %
de chances pour que Jean soit avocat. Ces sujets ont
suivi leur intuition première qui les a conduits à donner
une réponse biaisée. Le biais évoqué ici se traduit par
la négligence des probabilités réelles de l’échantillon,
et par la tendance à évaluer les probabilités à partir
du degré de ressemblance entre la description de
Jean et les caractéristiques généralement attribuées
à la catégorie des avocats (stéréotype) : l’heuristique
de la représentativité en est à l’origine. Cette heuris-
tique implique donc la notion de dépendance entre
les événements et, en contrepartie, la négligence des
probabilités réelles. Les individus considèrent en eet
que la probabilité que Jean soit marié, ait deux enfants,
etc. et qu’il soit avocat est supérieure à la probabilité
que Jean soit (seulement) avocat.
Incontestablement, Daniel Kahneman et Amos
Tversky ont été au centre d’une rupture dans la théorie
de la décision en situation de risque. La théorie écono-
mique orthodoxe s’est construite autour de la théorie
de l’utilité espérée à laquelle von Neumann et Morgens-
tern [1] ont donné un statut normatif qui allait faire de
celle-ci la théorie dominante dans ce domaine.
Daniel Kahneman et Amos Tversky ont non seule-
ment contribué à montrer expérimentalement que
les décisions risquées concrètes transgressent de
nombreux aspects de la théorie de l’utilité espérée
mais, avec la théorie des perspectives, ont égale-
ment élaboré le modèle de décision en situation
risquée dont on peut dire qu’il est devenu le modèle
descriptif de référence.
Nous pouvons eectivement parler de rupture
car, en privilégiant une démarche se voulant incon-
testablement descriptive, ils ont montré la nécessité
d’étudier les processus cognitifs qui caractérisent les
comportements humains. Ils rompent ainsi avec la
norme qui s’était imposée au e siècle dans la théorie
économique, norme selon laquelle seuls comptent les
choix observables des agents économiques, les aspects
psychologiques du comportement humain ne relevant
pas du champ de l’analyse économique. Au contraire,
selon Daniel Kahneman et Amos Tversky, étudier les
décisions risquées c’est étudier à la fois le processus
mental de prise de décision et les heuristiques qui
interviennent dans le traitement de l’information.
Selon une telle démarche, l’outil qui s’impose et dont
nos deux auteurs ont favorisé le développement est
l’économie expérimentale. L’aversion aux pertes,
l’aversion au risque dans le domaine des gains et l’at-
tirance pour le risque dans le domaine des pertes, la
surestimation des petites probabilités et la sous-es-
timation des probabilités moyennes et grandes, les
erreurs de jugement dues notamment aux heuristi-
ques de disponibilité et de représentativité sont des
phénomènes qui ont tous été révélés dans le cadre
d’expériences. //
L’économie expérimentale I DOSSIER
[1] VO n n E u m an n J., mO r G E n s t E r n O., Theory of Games and Economic Behaviour, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2e édition, 1947.
[2] ka h n E m a n d., tV E r s k y a., « Prospect Theory: An Analysis of Decisions Under Risk », Econometrica, vol. 47, n° 2, p. 313 à 327, 1979.
[3] aL L a i s m., « Le comportement de l’homme rationnel devant le risque : critiques des postulats et axiomes de l’école américaine », Econo-
metrica, vol. 21, n° 4, p. 503 à 546, 1953.
[4] ka h n E m a n d., « La psychologie peut éclairer l’économie », La Recherche, n° 365, juin 2003.
[5] bE r n O u L L i d., « Specimen theoriae novae de mensura sortis », 1738, traduit in Bernoulli D., « Exposition of a new theory on the measure-
ment of risk », Econometrica, vol. 22, n° 1, p. 23 à 36, 1954.
[6] ka h n E m a n d., tV E r s k y a., « Choices, Values and Frames », American Psychologist, n° 39, p. 341 à 350, 1984.
[7] tV E r s k y a ., ka h n E m a n d., « Advances in Prospect Theory: Cumulative Representation of Uncertainty », Journal of Risk and Uncertainty,
vol. 5, n° 4, p. 297 à 323, 1992.
[8] sC h m i d t u., st a r m E r C., su G d E n r. , « Third-Generation Prospect Theory », Journal of Risk and Uncertainty, vol. 36, n° 3,
p. 203 à 223, juin 2008.
[9] ka h n E m a n d., sL O V i C P., tV E r s k y a. ( d i r .), Judgment Under Uncertainty: Heuristics and Biases, Cambridge, Cambridge University
Press, 1982.
[10] ka h n E m a n d., tV E r s ky a., « On the Psychology of Prediction », Psychological Review, vol. 80, p. 237 à 251, 1973.
[11] ka h n E m a n d., tV E r s ky a ., « Subjective Probability: A Judgement of Representativeness », Cognitive Psychology, n° 3, p. 430 à 454, 1972.
Bibliographie