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R.A.R.E., T. XXII (2), 2013 : 69 – 74.
LES COLEOPTERES CAVERNICOLES DE FRANCE – 2ÈME NOTE1
Contribution à la connaissance des Leptodirini : le genre Speophyes Jeannel, 1910
(Coleoptera : Leiodidae, Cholevinae)
par Cédric ALONSO* & Vincent LEFEBVRE**
INTRODUCTION
Tous les Leptodirini d’Europe occidentale,
cavernicoles ou muscicoles, sont des Pholeuina
aux tarses antérieurs pentamères chez les
mâles, sauf Speophyes lucidulus (Delarouzée,
1860).Chez cette espèce troglobie, dont la
répartition est restreinte à quelques cavités du
versant sud des Cévennes, les mâles ont les
tarses antérieurs tétramères (Planche 1-B). Ce
caractère ne se retrouve chez aucune autre
espèce à l’ouest de l’arc alpin. Si l’on admet
que le centre de dispersion des Leptodirini se
situe en Europe orientale (JEANNEL, 1911),
Résumé. - Le genre monospécifique Speophyes Jeannel, 1910 (coléoptère troglobie) est présenté avec une diagnose détaillée,
un résumé de sa morphologie larvaire, une carte de répartition ainsi que des clichés des organes génitaux mâles et de
quelques caractères morphologiques.
Abstract. - The monospecific genus Speophyes Jeannel, 1910 (troglobitic coleoptera) is presented with a detailed description
of both adult and larval stages, a distribution map and pictures of males’ genitalia and morphological characters.
zone par ailleurs riche en Bathysciina,
Speophyes lucidulus est vraisemblablement une
espèce relicte témoignant d’une ancienne
dispersion plus étendue de ces Bathysciina, et
parallèle à celle des Pholeuina.
Sa présence dans l’Hérault demeure
étonnante, mais n’est pas sans rappeler les
relations toutes particulières entre le domaine
souterrain cévenol et le Karst adriatique. Dans
la faune aquatique, on trouve de semblables
exemples. Le crustacé décapode Troglocharis
inermis est propre aux Cévennes ; il s’agit
probablement d’une espèce relicte,
complètement isolée, seule représentante en
Europe occidentale de ce genre pourtant si
nombreux en espèces dans la péninsule
balkanique. De même, Nesticus eremita
(Araneae, Nesticidae) qui colonise les grottes
du versant sud des Cévennes est affiliée à un
groupe d’espèces de Dalmatie et
d’Herzégovine. Les Cévennes semblent donc
abriter une faune souterraine relictuelle
remarquable, peuplements très anciens dont
l’origine biogéographique paraît liée aux
Balkans.
Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860)
occupe des cavités dont la répartition s’étend
des contreforts de Sumène (Gard) aux monts de
la Séranne (Hérault), de part et d’autre de la
vallée de l’Hérault. Ses populations semblent
stables malgré cette dispersion, mais il existe
de grandes variations individuelles liées à la
taille. Il cohabite avec Diaprysius sicardi
Mayet, 1907 dans quelques cavités de Saint-
Jean-de-Buèges, et avec Diaprysius ducailari
Jeannel, 1947 dans l’aven du Pas de Madame, à
Sumène.
Figure 1. - Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860)
de la grotte du Maire.
(Photo : V. Lefebvre )
1 Première note : RARE XXI (3) 2012 : 92 – 101.
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Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860)
Type : Grotte des Demoiselles ; Saint-Bauzille-de-Putois (Hérault)
= Adelops lucidulus Delarouzée, 1860 : Ann. Soc. Ent. Fr. 29 : XXVI-XXVII.
= Bathyscia lucidula Reitter, 1885 : Verh. natf. Ver. Briinn : XXIII.
Diagnose détaillée d’après les descriptions de Delarouzée (1860) et Jeannel (1911) :
Longueur : 1,7 mm à 2,5 mm
Forme ovoïde, courte et épaisse, convexe. Coloration brun rougeâtre très brillante (fig. 1) (voir aussi
RARE XXI [3] 2012 en couverture). Pubescence très fine et rare. Sculpture formée de points
imperceptibles et épars sur le prothorax, ce dernier paraissant lisse et de points assez profonds, serrés et
nullement alignés en travers sur les élytres. Tête rétractile, sans trace d’yeux.
Antennes dépassant un peu les angles postérieurs du pronotum chez les mâles, les atteignant à peine
chez les femelles, à massue épaisse, non aplatie. Les deux premiers articles sont épais et de même
longueur, l’article III est un peu moins épais que le II, presque aussi long que lui et bien plus long que le
IV ; l’article VII est très renflé et l’article VIII est bien plus petit que ses voisins ; le XI est à peine plus
grand que le X (Planche 1-A).
Rapports de longueur des articles : 1 ½, 1 ½, 1 ½, 1, 1, 1, 1 ½, ¾, 1,1, 1 ¼.
Pronotum aussi large que les élytres, à côtés régulièrement arqués, à angles postérieurs non
saillants ; vu de profil, ses côtés décrivent une courbe à concavité dorsale. Élytres très atténués, rétrécis
presque depuis la base, une fois et quart aussi longs que larges, avec une strie suturale complètement
effacée en avant, bien visible en arrière et tangente à la suture au sommet. Le pygidium est caché.
Carène mésosternale peu élevée, à bord antérieur arrondi, à angle vif, à bord ventral mince, sans
prolongement métasternal. Epimères mésothoraciques transverses ; suture sterno-épisternale complète.
Pattes rétractiles sous le corps. Tarses antérieurs grêles et courts dans les deux sexes, tétramères ;
les tibias intermédiaires sont arqués et épineux ; les tarses postérieurs sont aussi longs que les trois
quarts de la longueur du tibia.
Dimorphisme sexuel peu accusé, les protarses des mâles non dilatés (fig. 3).
Organe copulateur mâle aussi long que le sixième de la longueur du corps. Le pénis est légèrement
arqué en avant vu de profil (fig. 2a) ; son sommet est aplati ; l’apex du lobe médian est triangulaire, peu
acéré. Les styles latéraux portent trois soies de taille inégale à leur extrémité (fig 2c). Le sac interne
porte deux bandelettes de renforcement apicales, une pièce médiane transversale et dorsale ainsi qu’une
pièce en Y bien développée (fig. 2b).
Figure 2. - Edéage de Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860).
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Planche 1. - Détails de la morphologie du mâle de Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860).
A : Antenne droite, vue dorsale. B: Patte antérieure gauche, vue ventrale : tarses tétramères.
C : Tête, vue ventrale. D: Méso et métacoxas, vue ventrale.
E : Avant-corps, vue ventrale - s : saillie mésosternale, c: coxas antérieurs, m: menton, p: palpes.
Crédits photo : M. F. Fernandez (S.C.M.E)
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Figure 4. - Répartition de Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860).
1
-
MSS Val de Virenque (Bruneau de Miré)
4
-
Grotte du Maire (Lefebvre, Alonso)
2 - Saint-Jean-de-Buèges (Sicard) 5 - Grotte du Bois de Madame (Mayet, Sicard)
3 - Grotte des Demoiselles (Delarouzée, Abeille) 6 - Aven du Pas de Madame (Alonso)
Les massifs de la Séranne, du Thaurac, la vallée de la Vis et le cirque de Ganges abritent plus d’un millier de cavités peu
prospectées par les biospéléologues, il est probable que l’espèce se retrouve dans un grand nombre d’entre elles.
Figure 3. - Habitus de Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860).
Grotte du Maire, Laroque (Hérault), 03/07/2010, coll. C. Alonso.
♂ ♀
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Résumé de l’anatomie et de la morphologie larvaire de Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860)
d’après les travaux de Fieffé (1965), Corbière (1967, 1968, 1969) et Corbière-Tichané (1971, 1973).
Selon les auteurs, les caractères généraux de la larve sont ceux des Bathysciinae de type classique
(Deleurance, 1963). Elle présente deux stades.
Longueur totale stade I : 2,9 mm.
Longueur totale stade II : 3,4 mm.
La tête est arrondie, dépourvue d’yeux et d’ocelles.
Les antennes, composées de trois articles sont courtes et massives (fig. 5), elles s’affinent au stade
II mais n’augmentent pas de taille. Leur insertion se situe sur la marge latérale de l’épicrâne, à la base
des mandibules. Le premier article porte des fossettes sensorielles, le second est deux fois plus long que
le premier et présente deux styles de tailles inégales, l’un plus long et pigmenté et l’autre plus court et
incolore ; ainsi qu’un organe conique sur sa face interne appelé « vésicule hyaline ». Le dernier article
est plus petit que le premier, en forme d’ogive et présente deux styles égaux à son extrémité ainsi qu’un
troisième sur sa face latéro-ventrale, ce dernier étant pigmenté. On note la présence de trois macrochètes,
deux ventraux et un dorsal ainsi qu’une petite soie sur sa face interne. Une bande sombre ceinture la
partie médiane de ce dernier article.
Les pièces buccales sont bien visibles. La chétotaxie complète relative au labre, décrite par FIEFFÉ
(1965), ne sera pas reprise ici. A noter que le labre conserve la même taille et que la chétotaxie ne varie
pas lors du passage au stade II. Sa portion médiane déprimée est par contre une particularité originale.
Les mandibules quand à elles sont dissymétriques et présentent simultanément deux caractères
notables : la présence d’un gros tubercule volumineux, subtriangulaire et crochu, fortement sclérifié sur
la mandibule gauche, en avant du rétinacle (caractéristique des larves de quelques espèces de
Parabathyscia) ainsi qu’un gros tubercule sur la face externe de chaque mandibule (comme chez la larve
de Speocharis sharpi).
Les cerques ne présentent aucune ciliature sur le deuxième article, contrairement à bon nombre de
larves de Leptodirini.
Il faut préciser enfin que la larve ne s’alimente pas au stade II.
Figure 5. - Larve de Speophyes lucidulus (Delarouzée, 1860) de la grotte du Maire.
Photo : V. Lefebvre
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(*) 1, rue du château d’eau F-34230 Le Pouget
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