De la psychiatrie vers la santé mentale J'ai remis à Bernard Kouchner, en 2001 et 2002, deux rapports. Le premier, De la psychiatrie vers la santé mentale, corédigé avec Eric Piel, avait pour objectif d'intégrer la psychiatrie dans la ville, d'implanter forte-ment les dispositifs de santé mentale dans la cité, de redynamiser les prati-ques de soins dans la proximité et le partenariat avec les acteurs sociaux et élus locaux. Les principes généraux qui ont guidé la réflexion étaient que les droits de l'homme et du citoyen étaient inaliénables, les troubles psychi-ques ne les annulant en aucun cas. Les axes concrets de changement que nous avions proposés étaient de favoriser la parole et le pouvoir des utilisa-teurs des services, tout citoyen pouvant en être un usager direct ou indirect. Nous proposions aussi de ne plus créer d'asiles sociaux à la place des asiles mentaux et de renoncer à la gestion du médico-social par les établissements de santé. Le second rapport, La démocratie sanitaire dans le champ de la santé men-tale, insiste sur la place des usagers en santé mentale, eu égard à la loi du 4 mars 2002 et sur le travail des partenariats nécessaires dans la cité, sous l'impulsion et la coordination des élus locaux. De multiples exemples sont donnés de réalisations concrètes actuelles et des propositions de décloisonnements, de travail en articulation tant au niveau du secteur que des bassins sanitaires et sociaux sont développés. Le décloisonnement entre sanitaire et social est envisagé de façon radicale, sous l'égide et le dynamisme des élus locaux, fédérant les systèmes dépar-tementaux et étatiques. Ces rapports se sont appuyés à la fois sur les recommandations de l'OMS, les réflexions menées en Europe et sur une analyse de la situation euro-péenne et française • Les fondements du constat – La politique de l'OMS : non à l'exclusion, oui aux soins En 2001, l'Organisation mondiale de la santé, dans son rapport sur la santé mentale dans le monde, a énoncé les dix recommandations suivantes : 1 – traiter les troubles au niveau des soins primaires ; 2 – assurer la disponibilité des psychotropes ; 205 Rapports * Psychiatre, EPSM Lille métropole. Rapports 3 – soigner au sein de la communauté ; 4 – éduquer le grand public ; 5 – associer les communautés, les familles et les consommateurs ; 6 – adopter des politiques, des programmes et une législation au niveau national ; 7 – développer les ressources humaines ; 8 – établir des liens avec d'autres secteurs 1 ; 9 – surveiller la santé mentale des communautés 2 ; 10 – soutenir la recherche. Elle a insisté sur l'existence des troubles mentaux pour une large part de la population mondiale et du manque d'accès aux soins, mais aussi sur la cura-bilité de ces troubles, ce qui est souvent méconnu du grand public. Elle a développé des stratégies d'actions pour la mise en oeuvre de ces recomman-dations, adaptées au niveau de développement économique des États.