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Article publié dans la revue Finance Contrôle Stratégie, Vol.
13, N°3, septembre 2010, pp. 61-93
Titre de l’article
« Se coordonner en environnement volatil : les pratiques de
coordination développées par les pilotes de chasse »
“Coordination in volatile environment: Coordination practices shaped
by air fighter pilots”
Classification JEL : M10, M19
Nom et prénom de l’auteur
GODÉ-SANCHEZ Cécile
Affiliation
Chercheur au Centre de Recherche de l’Armée de l’Air (CReA)
Responsable de l’équipe de management des organisations de Défense
Chercheur associé au RODIGE – GREDEG UMR 6227 CNRS-UNSA
Adresse de correspondance
Centre de Recherche de l’Armée de l’air
Ecole de l’air
BA 701
13661 SALON AIR
Coordonnées téléphoniques
Tel. Professionnel : 04 90 17 84 28
04 90 17 83 30 (secrétariat)
Mobile : 06 12 54 78 56
Courriel : cecile.gode@inet.air.defense.gouv.fr
cecile-gs@wanadoo.fr
Résumé
Visant à enrichir la théorie de la contingence en
questionnant les
dimensions sociales et cognitives de la coordination, cet article examine
la façon dont les praticiens fabriquent la coordination au quotidien
lorsqu’ils évoluent dans des environnements volatils. Il pose alors la
question suivante : comment les acteurs résolvent-ils concrètement les
problèmes de coordination auxquels ils sont confrontés lorsqu’ils
2
doivent décider et agir rapidement, dans un environnement marqué par
une forte variabilité des situations ? L’analyse s’appuie sur une étude de
cas extrême concernant la coordination des équipages et des forces
spéciales durant les missions dites d’appui feu rapproché accomplies
par les forces françaises en Afghanistan.
Seeking to yield contingency perspective in questioning social and
cognitive dimensions of coordination, this paper analyzes the way
people “do” coordination when they daily act within volatile
environment. It develops an extreme case study concerning Close Air
Support missions in Afghanistan, examining coordination between
aircrews and special operation forces on the ground.
Mots clés
Automatisme ; confiance ; connaissance mutuelle ; coordination ;
standardisation
Automatism; coordination; mutual knowledge; standardization; trust
Nombre de signes (espace non compris)
66.213 (68.059 page de présentation comprise).
3
La question de la coordination intra-organisationnelle évoque un des
problèmes les plus classiquement traités en sciences de gestion. Depuis
le début du siècle dernier, les théoriciens s’interrogent sur les
différentes façons de coordonner les activités et les hommes,
développant tout un ensemble de typologies censées identifier les
mécanismes les plus appropriés à mettre en œuvre selon les objectifs
poursuivis et les contextes d’action. Ainsi, la perspective dominante de
la contingence (Lawrence et Lorsch 1967 ; Thompson 1967 ; Van de
Ven et al. 1976 ; Mintzberg 1978 ; Keller 1994 ; Gupta et al. 1994)
suggère-t-elle que les organisations confrontées à une forte incertitude
environnementale doivent délaisser les mécanismes formels de
coordination au profit de mécanismes beaucoup plus souples. Les
théories les plus récentes (Malone et Crowston 1994 ; Crowston 1997 ;
Gittell 2000) ont également tendance à adopter une compréhension
contingente du phénomène, cherchant à identifier les modes de
coordination les plus appropriés à un contexte donné. Pour les tenants
de la théorie de la contingence, le choix de la coordination relèverait
donc d’une forme d’alignement stratégique au regard des contraintes
environnementales (Pichault 2002).
Cette perspective n’apparaît pas pleinement satisfaisante pour au moins
deux raisons. D’une part, elle repose sur une vision essentiellement
structurelle de la coordination. En effet, les modes de coordination
rapportés par la littérature se réfèrent pour la plupart à des arrangements
au niveau des dispositifs structurels à mettre en place, correspondant
par exemple à une démarche de planification des activités (système
mécaniste) dans un contexte peu évolutif, ou à la constitution de
groupes transversaux (structure organique) visant à favoriser les
échanges latéraux dans un contexte plus instable. Dans ces
circonstances, la coordination est abordée à un niveau souvent trop
agrégé pour appréhender le phénomène dans toute sa complexité, ne
permettant pas de discriminer les éléments structurels de ceux qui ne le
sont pas. D’autre part, le niveau de granularité retenu par la perspective
de la contingence se situe à l’échelon de l’organisation ou de l’unité de
travail. Il ne permet pas d’analyser la fabrique de la coordination située
au niveau des interactions individuelles, ni d’ouvrir « ces boites noires
relativement fermée » (Alsène et Pichault 2007, p. 65) que représentent
aujourd’hui encore les processus de coordination. Un changement de
niveau d’analyse favoriserait la prise en compte d’autres facteurs de
compréhension de la coordination, comme les pratiques ou les
dynamiques d’apprentissage.
4
En l’occurrence, de nombreuses études (Weick 1990 ; Weick 1993 ;
Weick et Roberts 1993 ; Bigley et Roberts 2001 ; Faraj et Xiao 2006)
insistent sur le rôle central joué par de tels éléments lorsque les acteurs
évoluent au sein d’environnements volatils. La volatilité est
fréquemment présentée comme une des dimensions des environnements
extrêmes (Lièvre et Gautier 2009), hypercompétitifs (D’Aveni 1995 ;
Ilinitch et al. 1996) ou hyperturbulents (McCann et Selsky 1984).
Mettant l’accent sur le degré de variabilité et d’indétermination des
contextes d’action, la volatilité participe en effet de la multiplicité des
déséquilibres temporaires qui caractérisent ces environnements. Plus
précisément, le concept de volatilité se définit par des changements
rapides, dynamiques et discontinus (Bourgeois et Eisenhardt 1989)
ainsi que par une qualité de l’information imprécise (Wirtz et al. 2007)
et ambiguë. Les acteurs ne peuvent pas entièrement se reposer sur les
structures formelles et les modèles d’action standard de l’organisation
car les situations de travail sont instables et les interdépendances
changeantes (Faraj et Xiao 2006). Ils opèrent ainsi dans un contexte où
les basculements entre des régimes routiniers et des situations plus
inattendues sont fréquents et non planifiables.
C’est cette capacité à gérer le passage de l’une à l’autre des situations
qui détermine en partie la bonne ou la mauvaise coordination des
activités, et non plus seulement le niveau d’adéquation des structures au
contexte. Dans ces conditions, la théorie de la contingence atteint ses
limites et une grille de lecture complémentaire s’impose pour
développer une compréhension plus fine de la coordination. Cet article
ne cherche donc pas à proposer une vision de la coordination alternative
à celle de la contingence. Il vise plutôt à enrichir cette perspective en
allant au-delà de la conception structurelle pour interroger les
dimensions cognitive et sociale de la coordination lorsqu’elle se réalise
dans un environnement fortement instable.
Examinant la façon dont les praticiens fabriquent la coordination au
quotidien lorsqu’ils évoluent dans des environnements volatils, cette
contribution pose alors la question suivante : comment les acteurs
résolvent-ils concrètement les problèmes de coordination auxquels ils
sont confrontés lorsqu’ils doivent décider et agir rapidement, dans un
environnement marqué par une forte variabilité des situations ? Le
terrain d’application retenu concerne le milieu militaire opérationnel.
Plus spécifiquement, l’article s’intéresse à la façon dont les pilotes de
chasse et les forces spéciales au sol se coordonnent sur le théâtre
d’opérations Afghan. Dans de telles situations, les conséquences d’un
5
défaut de coordination peuvent être désastreuses et conduire à exposer
la vie des forces alliées et/ou des populations civiles, ce que rappelle
régulièrement l’actualité.
L’article se scinde en trois parties. Dans une première section, nous
précisons la nature d’un environnement volatil et proposons un modèle
général pour aborder la coordination. La deuxième section offre un
contenu empirique aux propositions théoriques à travers l’étude des
pratiques de coordination développées par les pilotes de chasse sur
théâtre de guerre. La troisième section tire des enseignements de l’étude
de cas, en insistant sur l’importance des processus d’apprentissage et de
construction de sens comme constituant de la coordination.
1.
LA FABRIQUE DE LA COORDINATION EN ENVIRONNEMENT
VOLATIL
La première sous-section aborde la coordination en environnement
volatil en termes d’articulation d’éléments matériels et immatériels,
mettant en perspective les dimensions cognitive et sociale de la
coordination (1.1.). La seconde expose le contexte de la recherche de
terrain ainsi que la méthodologie retenue (1.2.).
1.1. Se coordonner dans le prévisible et l’imprévisible
La nature volatile de l’environnement ne signifie pas que l’organisation
n’est plus capable de planifier ses objectifs et ses activités à l’avance.
Dans un environnement continuellement changeant, toute évolution
n’est pas forcément synonyme d’imprévisibilité. La volatilité doit être
envisagée en termes de degré (Miles et al. 1974). Ainsi, l’organisation
peut exprimer des attentes vis-à-vis des changements à venir et les
intégrer dans ses plans stratégiques. De ce fait, elle élabore des
processus d’action à partir de situations de travail « prévisibles » ou
« routinières », tout en prenant en compte le risque élevé d’être
confronté à l’« imprévu » ou au « non routinier ». Dans cet article, nous
considérons qu’une situation de travail est prévisible lorsqu’elle
correspond à des événements attendus, voire planifiés par
l’organisation. Une situation prévisible s’inscrit dans des modèles
d’action standard, élaborés en amont par l’organisation. A l’inverse,
une situation imprévisible implique la remise en cause, partielle ou
totale, de ces standards. Les individus font alors face à une réalité
inattendue, dont la probabilité d’occurrence est faible. Le fait que la
situation soit imprévisible ne signifie pas qu’elle soit forcément
6
inconnue des acteurs. Ils ont déjà pu avoir à en gérer de similaires, mais
n’avaient pas prévu de le faire à ce moment là de la situation de travail
(Weick et Sutcliffe 2007). Une situation imprévisible est donc source
de surprise pour les acteurs, qui doivent agir sans modèles prédéfinis
pour mener à bien leurs objectifs initiaux.
Certaines contributions empiriques (Krackhardt 1992 ; Kraut et al.
1999 ; Quinn et Dutton 2005 ; Faraj et Xiao 2006) démontrent qu’il
existe des différences dans la coordination selon la nature prévisible ou
imprévisible des situations auxquelles les individus font face. Les
auteurs observent que la coordination dans les situations de travail
prévisibles repose principalement sur les expertises. Constituée de
protocoles connus de tous, de formes efficaces de partage des
connaissances et de synergies collectives diverses, la coordination
fondée sur les expertises garantit la disponibilité des connaissances et
des savoir-faire au moment décisif. Elle est observée dans des situations
où les membres des équipes s’accordent sur la nature routinière des
tâches qu’ils doivent exécuter et partagent un modèle d’action et des
pratiques standard pour le faire.
Ces mêmes individus peuvent être confrontés à des situations où il leur
faut gérer l’inattendu. Dans ces circonstances, les formes de
coordination fondées sur les expertises ont tendance à s’estomper au
profit d’une coordination reposant davantage sur des dynamiques
sociales et relationnelles (Krackhardt 1992 ; Kraut et al. 1999) : le
dialogue (Eisenhardt 1993 ; Faraj et Xiao 2006) et la conversation
(Quinn et Dutton 2005 ; Rico et al. 2008) acquièrent un poids relatif
plus important. En effet, la coordination dans l’imprévu doit
significativement à la contestation des protocoles usuels et à la
confrontation d’expertises habituellement peu mises en interaction. Les
individus ont alors tendance à accroître leur volume d’échanges
(verbaux, non verbaux, numériques) en dialoguant et conversant plus
intensément. Ils parviennent ainsi à construire un modèle d’action
alternatif leur permettant de produire rapidement une réponse adaptée à
la situation.
Ces différentes contributions complètent la vision structurelle de la
contingence en exploitant l’idée d’une coordination fondée sur
l’articulation des connaissances formelles (comme les expertises) et
informelles (comme l’expérience ou toute autre forme de connaissance
tacite) détenues par les acteurs. En particulier, elles présentent les liens
sociaux et les dynamiques communicationnelles comme des éléments
7
de coordination à part entière, enrichissant ainsi les catégories
classiquement mentionnées dans la littérature (tableau 1).
Tableau 1 : Les principaux éléments de coordination rapportés par
la littérature
Eléments de coordination Parmi les plus représentatifs
Mécanismes de coordination
• La standardisation des procédés (Thompson 1967 ; Mintzberg 1978)
• La standardisation des résultats (Galbraith 1973 ; Mintzberg 1978)
• La standardisation des qualifications (Mintzberg 1978)
• L’ajustement mutuel (Mintzberg 1978) et la coordination relationnelle
(Gittell 2002)
• La supervision directe (Mintzberg 1978)
Moyens de coordination
• La ligne hiérarchique (Fayol, 1916), l’autorité (Bradach et Eccles
1989)
• Les règles, les procédures (Thompson 1967)
• Les routines, les automatismes, le rythme (Bouty et Drucker-
Godard 2008)
• Les réunions (Thompson 1967 ; Van de Ven et al. 1976), les
contacts directs
• La culture (Godé-Sanchez 2007)
• Les réseaux sociaux (Granovetter 1985)
• La confiance (Bradach et Eccles 1989)
Outils de coordination
• Les artefacts technologiques (Godé-Sanchez 2008)
• Les guides opératoires, les rapports
• Le langage codé
• Le dialogue
• Le face à face
Les mécanismes de coordination sont ceux auxquels se réfère
classiquement la théorie de la contingence, à savoir ces « éléments
fondamentaux […] qui maintiennent ensemble les parties de
l’organisation » (Mintzberg 1978, p. 19). L’ajustement mutuel,
considéré comme un simple processus de communication informelle
entre des acteurs (Mintzberg 1978), diffère de la coordination
relationnelle dans la mesure où cette dernière insiste davantage sur le
rôle joué par les réseaux sociaux pour soutenir la coordination. Dans ce
cadre, Gittell (2002) prend en considération à la fois la dimension
informelle des interactions et la force des relations sociales et des
8
réseaux d’acteurs (Granovetter 1985). Les moyens de coordination
évoquent quant à eux les dispositifs que les individus utilisent pour
atteindre leurs fins. Ils divergent des outils, qui représentent davantage
l’instrumentation de la coordination, à savoir les supports disponibles
traduisant la mise en œuvre de la coordination et la facilitant.
Aussi riches que soient ces différentes catégories, elles ne donnent que
peu de pistes sur la façon dont les individus se coordonnent
concrètement sur le terrain et gèrent le passage du routinier à
l’imprévisible. Dans cet article, nous considérons que les individus se
coordonnent en agençant une variété d’éléments matériels et
immatériels (Allouche et Huault 1998 ; Alsène et Pichault 2007) qu’ils
extraient de leur contexte social et articulent au regard des situations
qu’ils rencontrent. Face au routinier, ils vont avoir tendance à
transposer des combinaisons de coordination dont l’efficacité a déjà été
éprouvée dans des conditions similaires. Ils exploitent l’existant en
l’ajustant dans l’action. De son côté, la coordination dans l’imprévu
réclame le plus souvent la création de combinaisons inédites (Weick
1993 ; Faraj et Xiao 2006 ; Rico et al. 2008) conçues par les acteurs in
situ. Elles émanent d’un processus d’« enactment » des expériences et
des actions en cours.
Ce faisant, la coordination résulte d’une dynamique d’attribution
collective de sens (Weick 1995), fondée sur la capacité des individus
non seulement à construire du sens à partir de chacune des situations
qu’ils rencontrent, mais à le conserver lors des phases de basculement
du routinier vers l’imprévu. Pour ce faire, ils ont a minima besoin de
partager une même perception du degré d’imprévisibilité caractérisant
les situations. Les auteurs parlent d’expérience commune (Journé et
Raulet-Croset 2008), d’intersubjectivité (Weick 1993), d’esprit collectif
(Weick et Roberts 1993 ; Bigley et Roberts 2001), de cognition
partagée (Cannon-Bowers et Salas 2001) ou de socles commun de
connaissance tacite (Rico et al. 2008) pour évoquer l’existence de
schèmes d’interprétation partagés par l’ensemble des acteurs et qui
supportent leurs capacités de réactivité et d’ajustement aux
changements. Ils soulèvent alors la question des dimensions sociale et
cognitive de la coordination. Hutchins (1995), Hutchins et Klausen
(1996) et Hutchins et Palen (1997) offrent certains éléments de réponse
lorsqu’ils explorent la coordination dans les équipages d’avions de
ligne commerciaux. Fondant leurs analyses sur une méthodologie
rigoureuse d’observation des pratiques de communication entre deux ou
trois membres d’équipage en situation de simulation, les auteurs
9
démontrent comment la distribution de l’accès à l’information et la
compréhension partagée de la situation facilitent la coordination intra-
équipage. Selon eux, la construction de l’intersubjectivité dépend
directement d’une distribution de la connaissance concernant le
« système » de cockpit et d’une culture particulière à la communauté
des pilotes.
Il est intéressant d’interroger le rôle joué par ces facteurs cognitifs et
sociaux sur les facultés des individus à combiner et re-combiner les
éléments de coordination à leur disposition en fonction des situations. Il
semble que leur capacité à partager une même représentation de la
situation et, finalement, à conserver le sens global de la mission et de
ses finalités affectent de façon déterminante la coordination. A travers
l’examen des pratiques de coordination, il paraît possible d’identifier
précisément les éléments et processus qui participent de la construction
et de la préservation de cette représentation commune. Non seulement
une telle analyse permet au manager de voir plus clair dans le
phénomène de coordination en environnement volatil mais, plus
fondamentalement, elle lui offre certaines clés de lecture pour anticiper
les points de rupture. Il s’agit finalement de mieux comprendre
comment les individus parviennent à se coordonner pour prévenir les
défauts de coordination et se donner les moyens d’agir en amont sur
leurs causes (Weick 1990 ; Weick 1993).
1.2. Contexte de la recherche et méthodologie
En Afghanistan, les forces françaises prennent part à deux opérations
distinctes : (1) Enduring Freedom, lancée en réponse aux attentats du
11 septembre en application du principe d’auto-défense avec pour
vocation la lutte anti-terroriste et (2) la Force Internationale
d’Assistance à la Sécurité de l’OTAN, mandatée par le Conseil de
Sécurité avec une mission de stabilisation. Dans ce contexte
opérationnel, les avions chasseurs bombardiers Mirage 2000D réalisent
des missions d’appui feu rapproché, ou Close Air Support (CAS). Ces
dernières évoquent des situations tactiques où les troupes au sol font
une demande de soutien aérien, soit parce qu’elles se trouvent face à un
danger immédiat, soit parce qu’elles ont identifié une cible devant être
détruite. Dans ce cadre, l’analyse des pratiques de coordination présente
un intérêt particulier dans la mesure où les interactions entre les acteurs
sur le terrain sont nombreuses et variées et que de leur qualité dépend la
bonne réalisation de la mission.
10
Dans cette recherche de nature qualitative, nous avons réalisé une étude
de cas extrême (Yin 2003) afin d’appréhender une situation rarement
étudiée en sciences de gestion. L’objet de l’étude de cas est descriptif,
au sens où il s’attache à « décrire une intervention et le contexte réel
dans lequel elle s’est produite » (Yin 2003, p. 15). Le cas sur lequel
nous nous penchons a été sélectionné en vue d’un enrichissement
théorique du concept de coordination en environnement volatil. Il s’agit
en fait de construire un échantillon théorique, en considérant les
éléments de théorie développés précédemment comme des critères de
sélection du cas. La généralisation analytique s’en trouve ainsi facilitée
(Ayerbe et Missonier 2007). En l’occurrence, nous nous concentrons
sur une mission d’assaut spécifique, l’appui feu rapproché ou Close Air
Support (CAS), réalisée quotidiennement en Afghanistan.
Le corpus des données de terrain a été recueilli entre septembre 2007 et
avril 2008, lors de la phase exploratoire d’une étude commandée par
l’Etat-major de l’Armée de l’air. La question générale concernait
l’évolution des modes d’organisation des opérations aériennes à
l’horizon 2015, compte tenu de l’introduction du système d’arme
polyvalent Rafale dans les forces. La réponse à cette question passait
nécessairement par une étape intermédiaire visant à caractériser les
processus et modes d’action actuellement en vigueur en opérations
extérieures. C’est à cette occasion qu’il m’a été possible de me pencher
sur le cas de l’emploi de l’avion de bombardement biplace Mirage
2000D en relation avec les forces spéciales engagées dans les missions
d’appui feu rapproché en Afghanistan. Les unités spéciales sont
constituées de différents experts, dont le contrôleur air avancé (ou
Forward Air Control, FAC). Son rôle est de guider l’avion bombardier
avec précision afin qu’il puisse délivrer son armement sans risque de
tirs fratricides ou de dommages collatéraux.
Le corpus des données de terrain a été construit par triangulation (1)
d’entretiens semi structurés, (2) d’observations in situ et (3) de
documents internes écrits, audio et vidéo (Eisenhardt 1989) :
(1) Neuf entretiens individuels semi structurés d’une heure chacun
environ ont été conduits sur les bases aériennes de Salon de
Provence, d’Istres et de Saint-Dizier, auprès de cinq
navigateurs et de quatre pilotes d’assaut qualifiés sur Mirage
2000D. Deux entretiens individuels de même nature ont
concerné des contrôleurs air avancé affectés sur les bases de
Salon de Provence et de Nancy. Composée de quatre
chercheurs, l’équipe de recherche a également organisé un
11
entretien collectif, d’une durée de cinq heures, avec deux
pilotes et trois navigateurs de l’escadron de chasse 01/003
Navarre, situé sur la base aérienne de Nancy. Cet escadron
fournit les Mirage 2000D actuellement basés à Kandahar, au
sud de l’Afghanistan. Avec l’entretien de groupe, nous
cherchions à recueillir des données complémentaires en plaçant
les acteurs en situation d’interaction afin de stimuler leur
réflexion sur les problèmes de répartition des tâches, de travail
d’équipe et de coordination. Le guide utilisé, similaire pour les
entretiens individuels et collectif, permettait d’aborder
l’ensemble des questionnements en rapport avec l’étude
appliquée et était divisé en quatre sections. Concernant la
section qui m’était confiée, la coordination, mes questions
étaient construites autour de trois thématiques principales : (a)
les caractéristiques de terrain, (b) les moyens de coordination
mis en œuvre sur le terrain et (c) les défauts de coordination. Il
s’agissait de récolter suffisamment de données pour me
permettre d’une part de caractériser un environnement de
guerre et de comprendre à quoi correspondent le routinier et
l’imprévisible lorsqu’on est un combattant et, d’autre part, de
décrire avec précision les moyens exploités par les combattants
pour se coordonner.
(2) L’observation in situ non participative de deux séminaires
internes concernant le rôle des forces spéciales en Afghanistan
et les technologies qu’elles utilisent m’a permis d’approfondir
la réalité des pratiques évoquées en entretien. Lors d’un de ces
séminaires, un pilote de Mirage 2000D a exposé son expérience
récente du CAS. J’ai pu avoir accès à ses diapositives de
présentation. Il m’a également été possible d’observer une
démonstration sur simulateur du tir d’une bombe guidée laser
par le pilote et de son guidage jusqu’à l’impact par le
navigateur (une dizaine de minutes au total). Cette expérience
m’a permis de concrétiser la nature des interactions au sein de
l’équipage ainsi que les expertises mobilisées durant la phase
de tir. Des notes de terrain ont été prises et mises en forme à
l’issue des observations non participatives afin de recueillir les
savoirs faire et les éléments de langage propres aux
combattants. Par ailleurs, il était important de bien décrire le
contexte de réalisation de l’action, en particulier lors de la
12
démonstration sur simulateur et du visionnage des images
d’assaut.
(3) Enfin, une collecte de documents de travail internes a été
réalisée. Il s’agit tout d’abord d’un ensemble d’articles
recueillis dans des revues professionnelles ou semi
professionnelles telles que Penser les Ailes Françaises, Air
Actualités ou encore Défense et Sécurité Internationale, ainsi
que de check-lists de procédures et d’opérations. Les
documents internes concernent également des retours
d’expériences français et américains ainsi que des documents
audio (enregistrements des dialogues équipage et des dialogues
entre le navigateur et le contrôleur air avancé sur le terrain) et
vidéo (images directement enregistrées par le système d’arme)
d’opérations CAS récemment conduites en Afghanistan.
Concernant ces deux derniers types de documents, j’en ai
retenu la forme très standardisée des échanges entre le FAC et
le pilote, le stress intense lorsque l’opération ne se passe pas
comme convenu ainsi que la mauvaise qualité des
transmissions, qui accentue les difficultés de compréhension
des messages. La plupart des documents d’origine française
sont soit classifiés, soit suffisamment sensibles pour ne pas
pouvoir être diffusés. En revanche, les documents américains
ont été trouvés en ligne (pour un exemple de vidéo d’une
opération CAS opérée par les forces américaines, voir l’annexe
1) et ont par conséquent été facilement exploitables.
Plus généralement, compte tenu de la nature parfois délicate des propos
qui nous ont été tenus et du niveau de confidentialité de certaines
données, cet article ne diffuse que le matériel qui ne présentait aucune
restriction en termes de publication. Il est également à noter qu’il ne
nous a pas toujours été possible d’enregistrer les entretiens. Dans ce cas
de figure, deux membres de l’équipe se consacraient à la transcription
en direct du discours, pendant qu’un autre conduisait l’entretien.
Immédiatement après l’entretien, les deux chercheurs mettaient leurs
verbatims en commun afin d’obtenir une transcription la plus fidèle
possible des discours (la plupart des verbatims se recoupant). Pour
autant, le codage des données a été réalisé par mes soins et n’a pas
impliqué les autres chercheurs de l’équipe.
Les données récoltées ont été traitées par l’intermédiaire du logiciel
NVivo7. Elles concernaient les transcriptions des entretiens, les notes
de terrain prises lors des observations in situ consignant le déroulement
13
des tâches exécutées lors de la démonstration au simulateur et certains
passages des deux séminaires, des extraits des documents internes
français et américains ainsi qu’un dialogue entre un pilote et un FAC
américains lors d’une opération Close Air Support (Cf. annexe 1). Le
traitement qualitatif a été réalisé par codage ouvert afin de faire
émerger les thèmes représentatifs et réguliers au fil de l’analyse. Plus
précisément, je suis partie du cadre conceptuel afin de déterminer une
première liste de codes thématiques. J’ai donc a priori considéré que la
coordination s’opérait différemment selon le caractère prévisible ou
imprévisible de l’environnement d’action. Ensuite, j’ai cherché à
identifier les combinaisons de coordination développées par les acteurs
en explorant les mécanismes, les moyens et les outils de coordination,
tout en privilégiant les dimensions cognitive et sociale de la
coordination. La souplesse d’usage du logiciel NVivo7 m’a permis de
faire émerger de nouveaux thèmes tout au long du traitement du
matériel, éprouvant la robustesse de ma première liste de codage.
Concernant les entretiens, un compte rendu a été à chaque fois produit
et transmis aux personnels interviewés. Ces monographies ont été
l’occasion pour l’équipe de recherche de confronter ses observations,
ses interprétations et ses analyses afin de faire émerger des suggestions
alternatives et des questionnements qui n’avaient pas été mis à jour
jusque là. Certaines remarques écrites des interviewés ont été importées
dans NVivo7 afin d’affiner l’analyse.
Le codage du matériel n’a pas infirmé l’hypothèse de départ selon
laquelle les combinaisons de coordination diffèrent selon la nature
routinière ou imprévisible de l’environnement d’action. Il a également
fait émerger trois sous-thématiques récurrentes sur l’ensemble de
l’analyse : la communication, les connaissances et compétences
spécifiques à la réalisation des missions CAS et les liens sociaux. Ces
sous-thématiques ont permis d’affiner la liste de codage. Elles se
déclinent ensuite en mécanismes, moyens et/ou outils de coordination
selon la qualité des données récoltées sur le terrain (Cf. l’arbre de
codage en annexe 2). Cette liste de codage permet de structurer la
présentation des résultats de terrain. Enfin, le travail autour des limites
à la réalisation de la coordination fait apparaître certaines faiblesses qui
peuvent en partie expliquer les défauts de coordination ou les difficultés
supplémentaires auxquelles les acteurs doivent parfois faire face.
La section suivante se reporte à la liste de codage pour décrire les
combinaisons de coordination fabriquées par les équipages de chasse et
14
les forces au sol durant les missions d’appui feu rapproché conduites en
Afghanistan, selon la nature prévisible et imprévisible des situations.
2. L
ES COMBINAISONS DE COORDINATION DANS LES
MISSIONS D
’
APPUI FEU RAPPROCHE EN
A
FGHANISTAN
La première sous-section s’attache à caractériser la volatilité en régime
de guerre (2.1.). Les deux suivantes décrivent les combinaisons de
coordination exploitées par les combattants en situation routinière (2.2.)
et celles développées face à l’imprévu (2.3.).
2.1. Le prévisible et l’imprévisible en régime de guerre
Sur le sol afghan, les forces de la coalition opèrent dans un
environnement volatil, caractérisé par une grande variabilité du
contexte et une forte diversité des missions à réaliser. Le théâtre afghan
est le lieu de combats dits « asymétriques », au sens où les forces
présentes sur le terrain sont fortement dissemblables. Les Armées de la
coalition disposent en effet de ressources (technologies, armements,
capacités logistiques) qui leur confèrent un avantage objectif sur les
forces talibanes. Pour autant, les caractéristiques physiques du terrain,
la présence de combattants parmi les populations civiles et la dispersion
géographique des unités posent des problèmes aux forces otaniennes.
Elles sont confrontées à des difficultés de récolte et de fiabilité de
l’information, et ce malgré les moyens de communication déployés. Par
ailleurs, la situation tactique évolue selon des dynamiques non linéaires,
faites de contingences inattendues et donc par définition difficiles à
anticiper.
C’est dans ces circonstances que les équipages français interviennent
pour soutenir les forces spéciales évoluant en profondeur sur le
territoire. Pour ces combattants, une situation prévisible évoque une
mission qui se déroule telle qu’elle a été planifiée au départ et dont le
découpage des activités respecte les standards formels usuels. Il est en
effet important de noter que les missions aériennes ou terrestres sont
préparées avec beaucoup de soin, sur la base des renseignements
fournis par un ensemble d’experts présents sur théâtre. Par exemple, les
équipages de Mirage 2000D briefent leur mission juste avant le
décollage. Ils décrivent toutes les phases du vol, les procédures
relatives à la sécurité et terminent par ce qu’ils appellent les what-if.
Cette dernière étape pose la question de savoir quoi faire (quelles
15
procédures appliquer) si un problème associé au fonctionnement du
système survient en vol, comme une panne moteur par exemple.
Bien que les missions soient préparées avec rigueur, les combattants
peuvent se retrouver face à des situations qui n’ont pas été briefées ou
qui l’ont été dans les what-if par exemple, mais dont la probabilité
d’occurrence restait faible. Plus particulièrement, lors des missions
CAS, il n’est pas possible de tout planifier dans la mesure où les cibles
au sol sont diffuses et évoluent très rapidement. Un pilote explique :
« entre ce qui a été planifié et ce qu’on vit en l’air, c’est
potentiellement très différent. C’est dans le moment qu’on découvre
l’inattendu et il faut savoir s’adapter en temps réel ». En régime de
guerre, l’imprévisible évoque donc une situation peu probable,
inattendue et qui provoque une rupture partielle ou totale des plans des
acteurs (Weick et Sutcliffe 2007). Considérons par exemple une unité
commando prise au piège par les forces talibanes ou encore un
équipage pris sous le feu des menaces sol/air afghanes. Dans ces
circonstances, la coordination entre l’avion qui doit délivrer son
armement pour soutenir les forces terrestres et le FAC qui doit lui
décrire l’emplacement de la cible peut devenir très difficile à mettre en
œuvre. Dans l’imprévu, la complexité de la mission s’accroît de fait. Le
découpage standard des activités peut être remis en question et les
combattants doivent faire évoluer leur façon de se coordonner. Comme
le précise un navigateur : « En CAS, parfois on n’a pas l’objectif. Vous
devez prendre en compte les positions des amis, les positions
collatérales et l’environnement. Vous avez des drones, vous avez des
FAC, s’il fait nuit ou si vous devez faire du show of force ou dans les
montagnes, vous passez sous la couche pour pouvoir faire ça. Et tout
ça, c’est pas planifié ».
2.2. Le langage standardisé et les automatismes : des
éléments essentiels pour se coordonner dans des
situations routinières
La conduite d’une mission CAS implique l’examen de deux niveaux de
coordination : (1) entre le navigateur et le pilote et (2) entre l’équipage
et le contrôleur air avancé (FAC). L’analyse des données recueillies
montre que les combinaisons de coordination sont marquées par une
forte standardisation des procédures et des langages. Elle met
également en perspective la capacité des équipages à développer des
automatismes de travail.
16
Au sein d’un équipage, la charge de travail est divisée entre le pilote et
le navigateur selon une répartition précise, opérée en fonction des
expertises de chacun. Généralement, le navigateur se voit confier la
gestion du moyen et long termes (surveillance des menaces
électroniques, réglage des fréquences radio, préparation et guidage des
armements) tandis que le pilote se concentre sur le pilotage à
proprement parlé et le(s) tir(s), c’est-à-dire sur le court terme. Un
navigateur précise : « le court terme pour un pilote, c’est les deux, trois
minutes environnantes : le fait d’aller intercepter un avion de combat,
de réagir face à une panne en commençant à initier le redémarrage du
moteur. Alors que le moyen et le long termes, on va dire que c’est ce
qui dépasse les deux, trois minutes et ça peut aller jusqu’à plusieurs
heures après. Ça peut être un travail avec le FAC qui est au sol et qui
vous fait chercher quelque chose pendant que le pilote, lui, il gère sa
patrouille et dirige son équipier. C’est la répartition des tâches ».
Dans la réalisation de leurs tâches, les équipages et les FAC sont
encadrés par des règles d’engagement
1
très prescriptives, qui
contraignent leurs modèles et processus d’action. Ils se réfèrent à des
manuels de vol et des check-lists de procédures opératoires détaillés et
précis (plan de vol, CAS card, etc.) dont ils appliquent strictement les
différentes étapes durant la mission. Au sein de ce cadre réglementaire
formel, les différentes phases d’exécution de la mission sont
standardisées. Un pilote explique : « standardisé ? C’est répondre de
manière stéréotypée et constante à une situation ».
C’est ce qu’on observe sur chacune des phases d’une mission CAS. Au
niveau du point de contact, le pilote établit le contact radio avec le FAC
à l’heure précisée dans l’ordre de vol et, suivant une nomenclature très
précise, confirme les fréquences radio primaire et secondaire, le code
IFF (Identification Friend or Foe) et l’authentification OTAN. Une fois
les avions authentifiés, ils partent vers la zone de cible où se déroule le
briefing avant l’assaut. Le FAC donne alors au pilote toutes les
informations connues sur l’objectif à partir d’une carte informative
standardisée appelée la CAS Card, et notamment composée d’une
check-list d’opération appelée « 9 line » (Cf. tableau 2). La « 9 line »
est constituée de plusieurs « lignes » d’instructions et de données
indiquant les coordonnées géographiques, le point d’entrée et de sortie
sur l’objectif, le timing, etc., ainsi que de différentes procédures à
1
Directives, avalisées au niveau politique, qui encadrent l’usage de la force dans les
opérations extérieures.
17
mettre en œuvre pour conduire la mission. Une fois l’avion au-dessus
de la zone de cible, le FAC commence une description en temps réel de
l’environnement visant à conduire progressivement le pilote à identifier
visuellement et sans ambiguïté la cible. La description se fait en respect
de règles générales communément partagées : en l’occurrence, partir de
l’élément le plus grand pour aller vers l’élément le plus petit, établir
une unité de mesure au sol, repérer les couleurs des éléments au sol,
etc. Comme précisé dans la « 9 line », la description doit permettre à
l’équipage de connaître le nombre de cibles à éliminer, leur nature, leur
niveau de protection et la façon dont elles évoluent (Cf. annexe 1). A ce
moment précis du déroulement de la mission, le contrôleur incarne
l’autorité hiérarchique dans la mesure où il donne l’ordre de tirer ou
pas.
Tableau 2. Close Air Support Basic 9 line
2
(extraits)
[…] Arrival of air support, CAS Check-in
a. Pilot Call sign / mission number
b. Number and type of aircraft
c. Position and altitude
d. Ordinance
e. Time on Station
f. Abort code
Create 9 Line
g. Line 6: Target location
i.6 digit grid with GRID ZONE DESIGNATOR (NU
123 456)
h. Line 4: Target Elevation
i.Elevation from map in feet. (METERS x 3,3) =
FEET
i. Line 8: Friendly Location
i.From the target, cardinal direction and distance in
meters from the target (NW 1200)
j. Line 1: IP/BP
i.IP: An identifiable geographic point for CAS aircraft
for the final portion of attack
2 Source :
http://www.imef.usmc.mil/staffsections/CAST/_Handouts/CAS%20Student%209-
Line%20Handout.doc
18
1. NORMALLY 5-15 NAUTICAL MILES
[…]
k. Line 2: Heading
i.Straight line magnetic direction from IP to target
ii.Subtract GM angle when converting grid to
magnetic heading
iii.Offset left or right to restrict pilot for final
coordination of the attack
l. Line 3: Distance
i.Fixed Wing: IP to Target in nautical miles, express
to nearest tenth of a mile […]
m. Line 5: Target description
i.How many? What is the target? Degree of
protection? What is the target doing? […]
Brief the attack […]
n. DO NOT SAY: line numbers, headers, or units of
measure (exception line 9 “EGRESS”)
o. After line 9, send remarks (Final Attack Heading,
Laser Target Line, Gun Target Line)
p. If pilot copies all information, understands all
instructions, Pilot reads back line 4 and line 6
q. Give pilot a “TOT” or “TTT” or “Push when
ready”
Control the attack
r. Pilot Radio Calls
i.PUSHING- Moving from control point to an IP or
BP
ii.IP INBOUND – Pilot is at designated IP
iii.IN THE POP or– Pilot is approaching and looking
for the target
iv.IN + DIRECTION or HEADING / WINGS LEVEL
– Pilot is pointing at target, requesting to drop
ordnance
v.CONTACT – Pilot “sees” a reference point
designated by ground controller
vi.VISUAL- Pilot “sees” friendly location
vii.TALLY- Pilot “sees” a target
s. FAC Radio Calls
i.PUSH WHEN READY – Tells pilot to start attack
when ready
19
ii.CONTINUE – Continue with attack, do not release
ordnance
iii.ABORT – Do not continue with attack, do not
release ordnance
iv.(Pilot Call Sign) CLEARED HOT – Authorized to
release ordnance on this pass […]
Assess the Damage
t. Surveillance of target
u. Number of personnel or equipment destroyed
Comme l’illustre la section « Control the attack » du tableau 2, les
combattants ne sont pas seulement standardisés au niveau des
procédures. Ils utilisent également un langage commun, publié dans une
documentation OTAN, et qu’ils nomment les mots codes. « Puch when
ready », « Continue » ou « Abort » sont autant de mots codes
facilement interprétables par l’équipage et le FAC, qui leur permettent
de communiquer en réduisant au maximum les risques
d’incompréhension. Les équipages sont souvent constitués, c’est-à-dire
qu’ils volent toujours ensemble : on parle alors d’équipage de guerre.
Ils ont ainsi tendance à utiliser quelques mots codes qui leur sont
propres et qui évoquent leur expérience commune. Ils en limitent
cependant l’usage pour éviter les problèmes de compréhension inter-
patrouille et les risques de surcharge communicationnelle. Un pilote
indique : « les mots codes, ils sont riches de sens. C’est un socle pour
un langage commun, y a pas d’interprétation à faire, y a pas à
réfléchir. Par exemple [en situation de défense aérienne], avec
Investigate, on doit identifier. On sait d’entrée de jeu qu’on va faire
une interception bien particulière pour pouvoir observer et identifier. Il
n’y a pas d’ambiguïté. Les mots codes, c’est une vraie philosophie de
communication ». Ainsi, un seul mot code permet aux combattants
d’échanger un volume d’information significatif, de façon concise et
rapide. Le sens des mots codes est parfaitement connus et assimilés par
les combattants.
Ce dernier point met en lumière l’importance de l’automatisation des
comportements pour se coordonner en régime de guerre routinier.
100% des personnels navigants interviewés ont évoqué le rôle crucial
joué par les automatismes pour conduire les missions CAS. Un
navigateur explique : « les automatismes sont des habitudes, des manies
qui ressortent du travail en équipage. […] En fait, la vie d’un équipage,
c’est comme une vie de couple ! On développe des habitudes ! ». En
20
effet, les équipages de guerre (ou équipages constitués) développent
rapidement des synergies internes. Un pilote commente : « on
intériorise des sous schémas d’action types qui évoquent des positions
et des manœuvres et qui nous permettent de mieux construire notre
image de l’espace aérien. Comment dire, on s’entraîne ensemble, on a
des combats intuitifs entre nous. C’est comme une équipe de foot. On a
une expérience et un entraînement commun ». Les automatismes
facilitent la construction collective de sens qui permet aux équipages de
développer une interprétation commune de la situation tactique. Les
personnels navigants interviewés précisent par ailleurs que les
automatismes leur permettent de réduire sensiblement la
communication interne dans la mesure où chacun sait interpréter les
actions de l’autre et y réagir automatiquement.
2.3. La confiance et la connaissance mutuelle pour faire
face à l’imprévu
Face à des situations imprévisibles, la réactivité et les capacités
d’adaptation de l’équipage et du contrôleur air avancé au sol se révèlent
cruciales. Dans des circonstances de tension intense, chacun doit
travailler à retrouver la cohérence globale nécessaire à la réalisation de
la mission dans un laps de temps très réduit. Pour ce faire, on observe
que les automatismes assimilés par les personnels navigants jouent
toujours un rôle essentiel dans la mesure où ils leur permettent de
gagner du temps. Un pilote indique : « quand le pilote doit faire face à
une situation inattendue, grâce aux automatismes, il gagne du temps
qu’il peut restituer aux fonctions de pilotage et à la gestion de la
situation tactique ». Les automatismes permettent de réduire la charge
de la coordination et libèrent ainsi du temps pour réaliser des tâches
moins « routinières » et devenues prioritaires compte tenu de la nature
imprévue de la situation. C’est par exemple le cas lors de manœuvres
défensives air-air (qui n’ont pas lieu en Afghanistan dans la mesure où
les forces aériennes ennemies sont inexistantes) ou encore lors de vols
très basse altitude. Le pilote se focalise intégralement sur le combat
aérien et/ou sur le tir ; le navigateur doit seul assurer la gestion de
l’environnement extérieur (surveillance du ciel et/ou surveillance du
terrain). Dans ce cas particulier, les règles générales de partage du
travail à bord évoluent et les deux équipiers ont tendance à se focaliser
sur le court terme. Un navigateur explique : « y a pas besoin de
tergiverser pour savoir ce qu’il [le pilote] va faire et comment je vais
réagir. On rentre dans une bulle. C’est la survie ».
21
Les combattants utilisent le temps libéré grâce à ces automatismes pour
communiquer : ils doivent se mettre d’accord sur les caractéristiques de
la situation qu’ils traversent et les solutions adéquates pour atteindre les
objectifs fixés. Ce faisant, ils ont tendance à se détourner des mots
codes et à adopter un langage plus commun. Un pilote nous confie :
« sur théâtre, on peut être très stressés. Dans certaines situations, c’est
l’instinct de survie qui prime. Dans des moments comme ça,
l’important c’est de communiquer, peu importe le langage. Même si le
langage codifié, il est compris pas tous et qu’il faut tout faire pour le
conserver le plus longtemps possible ». Un autre précise : « même si on
a un langage codé très standardisé, au combat, on a tendance à passer
à un langage intuitif, plus courant. […] En fait, le dialogue interne
entre le pilote et le nav augmente dès que la situation devient délicate,
par exemple quand la description du FAC n’est pas claire pour nous.
L’objectif, c’est de faire passer l’info, quel que soit le mode ». Au sol,
le FAC va également chercher à communiquer le plus longtemps
possible par mots codes mais a tendance à les abandonner au fur et à
mesure que la situation se dégrade (Cf. annexe 1). Par exemple, lorsque
le soutien aérien est demandé par les troupes au sol pour cause de
danger immédiat (Immediate CAS), l’équipage peut être amené à
décider seul d’intervenir ou pas, sachant que cette décision engage son
entière responsabilité. Des discussions peuvent alors avoir lieu
concernant les tactiques à mettre en œuvre pour effrayer l’ennemi (un
vol très basse altitude par exemple, également appelé show of force) ou
l’opportunité de tir en situation de légitime défense. Un navigateur
raconte : « j’ai eu un cas l’an dernier, où on a pris la décision de ne
pas tirer. […] Y avait les règles d’engagement, ce qu’on voyait en
bas… A deux, on a discuté de l’opportunité du tir. On était d’accord. Et
si ça n’avait pas été le cas, on aurait discuté plus longtemps. Je pense
qu’on serait arrivé à un non aussi, parce que quand y en a un qui est
pas d’accord, c’est généralement non ». Dans ces circonstances, le
langage naturel n’est pas adopté parce qu’il est plus efficace que le
langage codé, mais parce que les combattants sont soumis à des
niveaux de tension et de stress tels qu’ils activent inconsciemment des
schémas d’action et de communication enracinés de longue date. En
dialoguant, ils font progressivement émerger un consensus sur les
processus à mettre en œuvre pour se coordonner.
Dans ces circonstances de tension et de stress extrêmes, la confiance
que se portent l’équipage et le FAC est primordiale car leur survie
dépend de la qualité du travail réalisé par chacun. Le doute n’est pas
22
permis quant aux compétences des uns et des autres dans la mesure où
les capacités de concentration des équipiers doivent intégralement se
porter sur les tâches à réaliser. Un pilote précise : « la confiance, c’est
une garantie de protection mutuelle ». Un autre approfondit dans le
sens de la performance collective : « avec le capitaine x, on va partir en
vol et on va être efficaces. Comment on arrive à ce résultat ? Parce
qu’on se connaît depuis un petit moment déjà. On a une connaissance
mutuelle et on se fait confiance ». La confiance interpersonnelle agit
comme un catalyseur d’émotivité et de stress au sein de l’équipage.
Pour partie, cette nécessaire confiance se développe et se pérennise au
fil des relations sociales (professionnelle et amicale) tissées par les
acteurs. Les personnels navigants entretiennent culturellement ce
relationnel. La culture avion (le fait que le Mirage 2000D soit un avion
biplace est signifiant) et les habitudes de vie en escadron sont des
canaux privilégiés pour produire et nourrir la confiance
interpersonnelle. Un navigateur précise : « l’escadron, c’est une tribu.
Faire confiance, c’est devenu culturel ». Par ailleurs, les équipages qui
partent sur théâtre sont constitués et volent toujours ensemble. Un autre
pilote explique : « quand on part en détachement constitué, les
patrouilles sont faites et on ne mixe jamais la paire. C’est comme une
tribu ». Cela favorise les relations de confiance dans la mesure où
chacun apprend à se connaître et à apprécier la façon de travailler de
l’autre, sa réactivité, ses capacités d’adaptation et de prise de décision.
Concernant les relations entre les FAC et les personnels navigants, un
contrôleur indique : « la proximité des FAC avec les escadrons, c’est la
clé. Ça réduit leur manque de culture aéronautique. En plus, ça permet
aux équipages d’avoir confiance dans le FAC ».
Les personnels cherchent à développer des relations de confiance car ils
savent qu’elles sont à la base du travail collectif en situations
imprévues. Elles reposent sur la construction de la connaissance
mutuelle et de l’expérience collective. Comme le précise un navigateur,
« Il y a quand même une condition sine qua none à l’efficacité, surtout
quand il faut gérer des cas extrêmes, c’est la connaissance mutuelle des
équipages ». La connaissance mutuelle évoque une connaissance
réciproque des membres des équipes, mais également un savoir tacite
concernant la capacité de cette équipe à gérer les situations de guerre,
délicates ou pas. C’est pour la développer que les personnels éprouvent
le besoin de souvent interagir. Un FAC précise : « le relationnel, ça fait
partie du métier. Il faut être curieux d’aller voir les pilotes, de
connaître leurs procédures pour être en phase avec ce qu’ils font ».
23
Pour autant, il est important de noter que les équipages et les
contrôleurs air avancés français n’ont véritablement l’occasion de créer
des liens étroits et de développer leur connaissance mutuelle que lors
d’exercices nationaux, comme ceux se déroulant à Djibouti par
exemple, ou lors des stages qualifiants proposés par le centre de
formation de l’appui aérien à Nancy (CFAA, école interarmées gérée
par l’Armée de l’air). Le théâtre afghan est international et trop étendu
pour qu’ils puissent se regrouper facilement. Comme le précise un
personnel, « le problème entre les FAC et les équipages, c’est
qu’aujourd’hui, les démarches pour mieux se connaître reposent
surtout sur la bonne volonté des uns et des autres ».
3. D
ISCUSSION
L’étude de cas apporte un éclairage nouveau sur la coordination en
illustrant la façon dont les combattants articulent à la fois des
mécanismes, des moyens et des outils de coordination pour s’adapter
aux différentes situations qu’ils rencontrent (Cf. tableau 3). Ils doivent
combiner et recombiner continuellement les éléments de coordination à
leur disposition afin de passer efficacement de la routine à des
situations imprévisibles.
Tableau 3 : Les combinaisons de coordination « fabriquées » par
les combattants lors des missions CAS
Situation de travail Combinaisons de coordination
Prévisible
Mécanismes prépondérants : standardisation
des procédés, standardisation des résultats
Moyens prépondérants : règles, procédures,
langage standardisé, automatismes
Outils prépondérants : ordre de vol, check-
list, « mots codes », radio
Imprévisible
Mécanismes prépondérants : ajustement
mutuel, coordination relationnelle
Moyens prépondérants : automatismes,
langage naturel, culture, confiance,
consensus, relations sociales
Outils prépondérants : dialogue, radio
24
Dans des situations de travail routinières, les acteurs développent des
combinaisons de coordination marquées par une très forte
standardisation des comportements et du langage. Les pilotes et les
navigateurs sont en effet capables d’activer des suites de
procédures/actions qu’ils nomment des automatismes et qui évoquent
en définitive des modèles généraux d’interactions propres à une petite
équipe et parfaitement intériorisés par ses membres. Restant constitués
de leur arrivée sur théâtre à leur retour en France, les équipages
parviennent en effet à partager un socle commun de connaissance du
travail en équipe qui leur permet de ne plus avoir à se parler pour mener
une mission dans un cadre routinier. Cette forme implicite de
coordination (Rico et al. 2008) met en lumière la capacité des individus
à produire un résultat collectif sur la base d’actions/réactions fortement
standardisées. Elle renvoie également aux travaux de Hutchins (1995),
Hutchins et Klausen (1996) et Hutchins et Palen (1997) sur la
coordination intra-équipage en situation, qui démontrent comment une
structure de connaissance partagée concernant le fonctionnement du
« système » de cockpit supporte la coordination entre les acteurs. Très
standardisés dans leurs interactions, ces derniers mobilisent des
modèles d’action fortement prédictibles, qui assurent une
automatisation des multiples tâches sans qu’ils aient besoin de
beaucoup échanger verbalement (le non verbal jouant un rôle prégnant
dans la communication, Hutchins et Palen 1997). Selon les auteurs, ces
éléments favoriseraient un certain niveau d’interchangeabilité des
membres de l’équipage, qui n’auraient finalement pas besoin de se
connaître personnellement pour se coordonner, mais uniquement de
connaître le fonctionnement du « système » de cockpit (Hutchins et
Klausen 1996, p. 18).
Si nos résultats de terrain confirment la forte automatisation des tâches
et la prégnance des procédures dans le travail d’équipage de chasse en
situation routinière, ils ont plutôt tendance à infirmer l’idée
d’interchangeabilité lorsqu’on se penche sur la coordination dans
l’imprévu. On constate en effet l’importance du rôle joué par les
équipes constituées et leurs capacités à développer des synergies
propres pour gérer les passages entre le prévisible et l’imprévisible. Ces
divergences de résultats tiennent notamment au fait que les contextes
d’action observés sont sensiblement différents. Hutchins et ses
collaborateurs travaillent à partir de données récoltées lors de vol de
simulation. Or, lorsque les équipages passent leurs contrôles
périodiques au simulateur, non seulement ils savent qu’ils devront gérer
25
un problème durant le vol, mais ils en connaissent souvent la nature,
comme par exemple un problème moteur en vol ou une fuite de fuel au
roulage. Dans ce cadre, ils sont préparés à devoir répondre à une
urgence et connaissent la qualité des procédures qu’ils devront activer.
Par ailleurs, les vols commerciaux évoluent généralement dans des
environnements moins instables que ceux rencontrés en régime de
guerre. De telles situations divergent sensiblement de celles auxquelles
font face les équipages de chasse et les contrôleurs air avancés, qui
peuvent à tout moment être confrontés à l’inattendu, pour des causes
souvent exogènes au système lui-même (un tir sol-air sur un chasseur,
par exemple). Dans ces circonstances, ils doivent s’adapter en temps
réel et le fait qu’ils aient pris l’habitude de travailler ensemble en
détachement leur permet de gagner un temps précieux pour interpréter
la situation, lui redonner du sens et explorer des solutions tactiques. En
particulier, l’étude de cas met en perspective le rôle joué par la
confiance interpersonnelle et la connaissance mutuelle pour se
coordonner en situation imprévisible. Les acteurs se reposent davantage
sur les liens émotionnels et sociaux qu’ils élaborent au fil du temps que
sur un cadre formel de déroulement des activités et de connaissance
distribuée du « système ». En effet, face à la surprise provoquée par
l’imprévu, ils doivent savoir rapidement re-construire un sens collectif
de la situation pour faire émerger des combinaisons de coordination in
situ. Ils doivent faire preuve de créativité dans des moments où la
charge de responsabilité, la tension et le stress ont tendance à
considérablement s’accroître. En conséquence, ils n’ont pas le temps de
s’interroger sur la fiabilité et les capacités de réactivité de contrôle de
soi des personnes avec lesquelles ils travaillent.
Ces résultats mettent en perspective deux implications importantes pour
appréhender pleinement la façon dont les individus se coordonnent et
les principaux obstacles à la coordination. La première implication est
d’ordre conceptuel et insiste sur les dimensions cognitives du
phénomène : l’alignement des cognitions individuelles apparaît comme
un pré requis à la coordination en environnement volatil, peu importe
les situations de travail. L’alignement des cognitions représente la
capacité des membres d’un collectif à connaître les circonstances de
leurs actions et de celles des autres et à utiliser cette connaissance pour
produire une action collective cohérente. Elle renvoie en partie au
concept de cognition partagée, qui insiste sur l’importance de la
connaissance mutuelle, des croyances et des attitudes partagées comme
fondements de la performance des équipes (Cannon-Bowers et Salas
26
2001). Ces éléments se réfèrent la connaissance réciproque des
équipiers ainsi qu’à la connaissance des capacités du collectif à agir et
réagir, sachant que chaque membre de ce collectif développe des
relations d’interdépendance aux autres. En conséquence, l’alignement
des cognitions individuelles permet aux acteurs de construire et
pérenniser le sens collectif. Les automatismes et les liens émotionnels
traduisent dans les faits le résultat de cet alignement des cognitions : les
premiers évoquent une séquence d’actions/réactions qui réduit
l’incertitude liée à l’action de l’autre et stabilise les interprétations des
règles et des situations. De leurs côtés, les liens émotionnels vont
permettre aux individus de passer facilement du routinier à l’imprévu
en leur donnant les moyens de libérer du temps pour l’analyse et de
mobiliser l’ensemble des ressources du collectif pour trouver des
solutions.
La seconde implication de l’analyse, d’ordre managérial, est la
conséquence directe de la première et met l’accent sur la dimension
sociale de la coordination. Si l’alignement des cognitions est considéré
comme un élément déterminant de la coordination, alors l’ensemble des
outils managériaux à même de la favoriser vont dans le sens d’une
coordination efficace. Au niveau des petits groupes, les processus de
socialisation à mettre en œuvre sont bien connus, et largement exploités
par les Armées. Toutes les occasions de socialiser participent de la
construction de la connaissance mutuelle et de l’expérience collective, à
la base de la confiance et du consensus. Au sein d’un escadron de
chasse par exemple, les personnels navigants se côtoient très
régulièrement à l’occasion d’un ensemble d’activités dites de
« cohésion », comme des rencontres sportives. Ils ont également
l’habitude de se retrouver quotidiennement au bar d’escadron, où les
tensions disparaissent et les esprits se détendent. Ces moments
représentent autant d’occasions de discuter librement et d’apprendre
des histoires et expériences des plus anciens. Une fois sur théâtre, ce
contexte de socialisation est partiellement reproduit, pouvant être
étendu à d’autres catégories de personnels, comme les contrôleurs air
avancés par exemple. Il s’agit toujours de favoriser les interactions pour
construire la connaissance mutuelle et l’expérience collective. Lorsque
les théâtres sont internationaux, comme c’est le cas pour l’Afghanistan,
cette dynamique est plus difficile à mettre en œuvre. Les liens sociaux
se nouent malgré tout entre Armées et nationalités différentes, sous la
condition que les commandements des détachements présents prennent
en considération l’importance des espaces et des activités cohésifs
27
(Denuel 2003). Cette dernière remarque met l’accent sur le rôle que
doit jouer la hiérarchie pour soutenir la coordination en environnement
volatil. La bonne volonté des acteurs de terrain n’est pas toujours
suffisante pour créer et nourrir les dynamiques relationnelles ; ils ont
besoin d’être appuyés dans leur démarche par les managers, qui doivent
savoir les inciter à interagir et partager sur des bases cohésives.
L’absence ou le manque d’incitations de ce type peut finalement se
révéler comme la source principale de défaut de coordination ou de
manque de performance de résultat lorsque la situation se dégrade.
En conséquence, la stabilité des équipes représente un facteur de
coordination important. Il est nécessaire de laisser le temps aux
membres d’une équipe d’apprendre les uns des autres, de construire la
connaissance mutuelle (Cannon-Bowers et Salas 2001 ; Berman et al.
2002) et de se structurer en collectif (Weick 1993). Un turnover trop
important risque de détruire cette dynamique d’apprentissage et peut
représenter un obstacle important à la coordination. Pour autant, laisser
une équipe en place trop longtemps, c’est aussi prendre le risque de ce
que Berman et al. (2002) nomment une « ossification de la
connaissance » (p. 14), c'est-à-dire un déclin progressif de l’efficacité
collective à partir d’une certaine durée d’existence du groupe. Celui-ci
devient prisonnier de son référentiel commun, incapable de s’extraire
des automatismes qu’il a lui-même produits. Dans ces circonstances, la
créativité nécessaire pour gérer les situations imprévues n’émerge plus
des échanges intra-équipage et la coordination peut faire défaut.
Concernant les équipages constitués et le travail avec les FAC, ce type
de risque est aujourd’hui limité dans la mesure où les combattants ne
restent en moyenne que quelque mois sur théâtre (généralement, de
deux à quatre mois) et réintègrent ensuite leur escadron ou unité
d’origine, où les équipages sont mixés.
4. C
ONCLUSION
Dans cet article, nous avons cherché à enrichir la perspective de la
contingence en mettant l’accent sur les dimensions cognitive et sociale
de la coordination. Pour ce faire, nous avons analysé la coordination en
environnement volatil en observant la façon dont les combattants
déployés en Afghanistan fabriquent la coordination. Selon le caractère
routinier ou inattendu des situations de travail, nous avons remarqué
qu’ils développent des combinaisons de coordination composées de
mécanismes, de moyens et d’outils de coordination différents. Dans ces
circonstances, les combinaisons de coordination résultent d’un
28
processus d’énaction collectif, par définition attaché à la singularité du
moment. Elles émergent de l’expérimentation permanente des acteurs
qui, à travers leurs interactions situées, produisent des pratiques de
coordination signifiantes.
Cette recherche a fait l’objet d’une étude de cas unique, qui nous
permet d’exploiter un terrain rarement examiné dans la littérature en
sciences de gestion. Elle ne repose donc pas sur des critères statistiques
et quantitatifs, mais sur des critères théoriques et qualitatifs. En ce sens,
le nombre des observations est trop restreint pour permettre des
généralisations. Nos résultats pourraient éventuellement être étendus à
des propositions théoriques, mais pas à des populations ou à un univers
(Ayerbe et Missonier 2007). Le contexte opérationnel militaire est en
effet très spécifique et le moindre défaut de coordination peut engager
la survie des combattants et des populations civiles. La transposition de
nos résultats aux organisations civiles n’est donc pas évidente. Ce
problème de validité externe évoque une limite incontestable de notre
travail.
Cet article s’inscrit dans la lignée de ceux qui, de plus en plus
nombreux, s’interrogent sur la capacité des organisations à absorber les
changements et s’y adapter. En mettant en avant l’importance de
l’alignement des cognitions individuelles pour se coordonner en
environnement volatil, il participe d’une réflexion plus large sur les
facteurs de performance organisationnelle. Un des prolongements
possibles de cette recherche consisterait à approfondir cette notion
d’alignement des cognitions en empruntant aux concepts de conscience
de la situation (Endsley 1995 ; Endsley 2000) et de modèles mentaux
partagés (Moreland 2000 ; Gibson 2001), notamment abordés par la
littérature en sciences cognitives et en comportement organisationnel. Il
s’agirait alors d’examiner plus en détail les facteurs humains et
organisationnels à même de favoriser ces dimensions et d’identifier les
dispositifs managériaux les plus adaptés.
5. A
NNEXES
Annexe 1. Mission d’appui-feu rapproché entre un avion de chasse
américain A10 et un Contrôleur air avancé (FAC) américain
Source : http://www.youtube.com/watch?v=YyDoD85v1ec
29
Annexe 2. Arbre de codage et exemples de verbatims
Thèmes
principaux Les mécanismes, moyens et outils de
coordination Exemples de verbatims
La coordination en
situation routinière
La communication
Le langage standardisé
Les mots codes
Un langage commun non ambigu
Un automatisme
« Communiquer, c’est la base du travail »
« On est très très standardisé dans les communications et un mot veut dire quelque chose de
précis »
« On a des mots codes qui sont décidés au moment du briefing » ; « les mots codes, on les
utilise quand la situation est normale »
« Les mots codes, c’est un socle pour un langage commun. Il n’y a pas d’interprétation à faire »
« Les mots codes, ça doit être le plus possible un automatisme, un quasi stimulus »
« Normalement, la communication dans un avion en temps de guerre est réduite aux mots
codes et tout ce qui doit être fait est fait sans communiquer davantage »
30
Connaissances et compétences liées à l’activité
La standardisation des comportements
Les automatismes
L’acquisition des automatismes
Les automatismes d’équipage
Les bénéfices des automatismes
Les procédures
La division temporelle du travail
« Etre standardisé ? C’est répondre de manière stéréotypée et constante à une situation »
« Les automatismes sont des habitudes, des manies qui ressortent du travail en équipage »
« En formation et durant les entraînements, on intériorise des sous schémas d’action types […].
Comment dire, on s’entraîne ensemble, on a des combats intuitifs entre nous. C’est comme une
équipe de foot. On a une expérience et un entraînement commun »
« Les automatismes permettent de réduire le dialogue équipage. Et au niveau de la patrouille,
c’est la même chose. Ça réduit les communications en vol et là, on gagne du temps »
« Sur 2000D, ce sont des procédures. A partir du moment où quelqu’un ne s’y conformerait
pas, il irait mettre en danger la vie de l’équipage.
« Le court terme pour un pilote, c’est les deux trois minutes environnantes : le fait d’aller
intercepter un avion de combat, de réagir face à une panne en commençant à initier le
redémarrage du moteur. Alors que le moyen et le long termes, on va dire que c’est ce qui
dépasse les deux, trois minutes et ça peut aller jusqu’à plusieurs heures après. Ça peut être un
travail avec le FAC qui est au sol et qui vous fait chercher quelque chose pendant que le pilote,
lui, il gère sa patrouille et dirige son équipier. C’est la répartition des tâches ».
La coordination en
situation routinière
Les liens sociaux
L’équipage et/ou la patrouille de guerre
Apprendre à se connaître
Le FAC et l’équipage
Apprendre à se connaître
« Les équipages de guerre, c’est la clé. Pourquoi ? Parce que ce sont des gens qui se
connaissent bien et qui, après on va dire 15 jours de vol ensemble, il y a des phases dans
l’avion durant lesquelles ils n’ont plus besoin de se parler »
« En fait, la vie d’un équipage, c’est comme une vie de couple ! On développe des
habitudes ! »
« Le travail des équipages avec les FAC français se déroule plutôt bien déjà parce qu’ils
31
s’entraînent régulièrement ensemble mais aussi parce qu’ils développent des relations en
dehors des heures d’entraînement »
La communication
La prise de parole spontanée
Le langage naturel
Le dialogue
La recherche de consensus
« Sur théâtre, on peut être très stressés. Dans certaines situations, c’est l’instinct de survie qui
prime. Dans des moments comme ça, l’important c’est de communiquer, peut importe le
langage »
« Dans certains cas extrêmes, où on n’a pas étudié la situation, là on va plus communiquer
entre nous »
« Au combat, on a tendance à passer à un langage intuitif, plus courant »
« Le dialogue interne entre le pilote et le navigateur augmente dès que la situation devient
délicate, par exemple quand la description du FAC n’est pas claire pour nous. L’objectif c’est
de faire passer l’info, quelque soit le mode »
« j’ai eu un cas l’an dernier, où on a pris la décision de ne pas tirer. […] Y avait les règles
d’engagement, ce qu’on voyait en bas… A deux, on a discuté de l’opportunité du tir. On était
d’accord. Et si ça n’avait pas été le cas, on aurait discuté plus longtemps. Je pense qu’on serait
arrivé à un non aussi, parce que quand y en a un qui est pas d’accord, c’est généralement non ».
La coordination en
situation
imprévisible
Connaissances et compétences liées à l’activité
La gestion du stress
Le rôle prégnant du leader
Les automatismes
Le gain de temps
Les capacités d’adaptation de l’équipage
Le rôle des automatismes et des
« Le FAC, il doit savoir gérer à la fois sa propre émotivité et le stress de l’équipage »
« Quand on est leader et qu’on est face à des situations inconnues, ce qui est très important
c’est de rentrer dans le schéma mental de l’autre. C’est ça la difficulté »
« Quand le pilote doit faire face à une situation inattendue, grâce aux automatismes, il gagne du
temps qu’il peut restituer aux fonctions de pilotage et à la gestion de la situation tactique »
« C’est dans le moment qu’on découvre l’inattendu et il faut savoir s’adapter en temps réel »
« En CAS, il faut être très réactif. Et on sera plus réactifs à deux que tout seul. Par exemple,
32
procédures quand il y a un imprévu, c’est une gymnastique. Il faut pédaler plus vite »
« Les procédures et les automatismes facilitent la réactivité »
La coordination en
situation
imprévisible
Les liens sociaux
La confiance
Protection mutuelle
La culture
L’expérience collective
La connaissance mutuelle
La proximité
« C’est là qu’on voit l’importance de la confiance. Pourquoi ? Parce qu’il est toujours
nécessaire de savoir ce dont chacun a besoin et quand »
« La confiance, c’est une garantie de protection mutuelle »
« L’escadron, c’est une tribu. Faire confiance, c’est devenu culturel »
« Sur 2000D, on a une culture biplace »
« A force de travailler ensemble, on construit de l’expérience collective »
« Le relationnel, ça fait partie du métier. Il faut être curieux d’aller voir les pilotes, de connaître
leurs procédures pour être en phase avec ce qu’ils font »
« Il y a quand même une condition sine qua none à l’efficacité, surtout quand il faut gérer des
cas extrêmes, c’est la connaissance mutuelle des équipages »
« La proximité des FAC avec les escadrons, c’est la clé. Ça réduit leur manque de culture
aéronautique. En plus, ça permet aux équipages d’avoir confiance dans le FAC »
Les limites à la
coordination
Les problèmes de communication
Les problèmes de compréhension mutuelle
Les problèmes de surcharge dus au dialogue
Le manque de connaissance mutuelle
« Il y a des mots codes particuliers à une patrouille, comme « on y va » ou « on rentre tous »,
mais jamais plus de trois ou quatre car sinon, on peut plus travailler avec les autres »
« Le dialogue équipage, ça peut aussi entraîner une surcharge de communication où chacun
s’auto-rassure mais où personne ne prend vraiment de décision »
« Avec quelqu’un qu’on ne connaît pas, on prend beaucoup plus de marge en vol »
« Le problème entre les FAC et les équipages, c’est qu’aujourd’hui, les démarches pour mieux
se connaître reposent surtout sur la bonne volonté des uns et des autres »
33
6. B
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