La Tortue d’Hermann est l’unique chélonien terrestre de la faune française, on distingue actuellement deux sous espèces : Testudo hermanni boettgeri localisée dans les Balkans et Testudo hermanni hermanni situé sur la frange méditerranéenne occidentale. L’aire de répartition de l’espèce est particulièrement fragmentée, notamment dans sa partie occidentale. La population de Testudo hermanni hermanni varoise est la plus importante population de France continentale et une des plus importantes d’Europe occidentale. Les menaces à l’origine de la disparition de l’espèce portent à la fois sur son habitat et sur les individus qui composent les populations sauvages. Sa conservation passe avant tout par le maintien des habitats et des populations existantes (IUCN, 1995 ; Tenhumberg et al., 2004) ; la gestion de ses habitats en vue de leur optimisation et la limitation des facteurs de mortalité. Chaque année, une cinquantaine de spécimens de Tortue d’Hermann issus d’opérations de sauvetage ou trouvés blessés, sont ramenés par des particuliers et divers organismes à la SOPTOM (le seul organisme reconnu comme centre de soins et d’élevage de la Tortue d’Hermann). La plupart ne peuvent pas être relâchés sur leur lieu d’origine ni même gardés à la SOPTOM. Toutefois, nous disposons d’une occasion unique de réinsérer un petit nombre d’individus sauvages dans le milieu naturel de façon expérimentale, afin de mieux connaître leur devenir. Il est unanimement reconnu que si une population se trouve sur un site voué à être détruit, tous les individus qui ne sont pas transloqués et qui sont donc tués, représentent une perte de matériel biologique/génétique irrémédiable. La translocation est donc dans ce cas une opération qui peut s’imposer (Burke, 1991). Un des objectifs à long terme du Plan National d’Actions de l’espèce est l’accroissement de l’aire actuelle de répartition et la diminution de la fragmentation (Cheylan et al., 2008). Une fois les espaces naturels nécessaires protégés, des méthodes de réinsertions pourraient permettre par exemple de renforcer des populations dans le cas de zones précédemment incendiées. Néanmoins, les techniques et conditions favorables à la réussite de l’opération sont mal connues chez les (Germano & Bishop, 2009) et cette espèce. Les relâchers dans le Var n’ont jamais bénéficié de suivis rigoureux contrairement à certains réalisés en Espagne où une comparaison reste limitée en raison de problématiques locales différentes (ex : habitat différent). Il faut donc au préalable avoir réalisé des progrès importants sur la sélection et la préparation des spécimens, les méthodes pour les insérer dans le milieu en optimisant leurs chances de survie, les méthodes de gestion du milieu pour le maintenir en état d’accueillir durablement dans de bonnes conditions une population, ainsi que sur les suivis postopératoires qui doivent permettre des retours d’expérience tangibles et validés scientifiquement. Faisant suite au programme européen FEDER « Des tortues et des Hommes », le programme LIFE+ Tortue d’Hermann intitulé « Vers une gestion intégrée favorable à la tortue terrestre dans le Var Création d’outils pour les gestionnaires d’espaces naturels en Europe » a débuté en janvier 2010 et se terminera en décembre 2014. Déclinaison du Plan National d’Action en faveur de la Tortue d’Hermann, il vise la protection de l’espèce via la mise en oeuvre de 34 actions réparties autour de trois axes : l’amélioration et la restauration des habitats, la sensibilisation et l’information, le transfert d’expérience. Le présent cahier des charges a été réalisé dans le cadre de ce programme LIFE+. Il s’inscrit pleinement dans les objectifs du Plan National d’Action. Bien que dans le passé divers auteurs aient mentionné que les projets de translocations de reptiles et amphibiens ont peu de succès (Burke 1991 ; Dodd & Seigel, 1991 ; Guyot, 1996 ; Reinert 1991) ; plus récemment, d’autres affirment qu’au contraire le succès de telles opérations est bien supérieur à ce qui était pensé (Germano & Bishop, 2009 ; Griffiths & Pavajeau, 2008). Les principales causes d’échec sont associées au phénomène de « homing », aux fortes dispersions et à un habitat inadapté (Germano & Bishop, 2009 ; Tuberville, 2008). Une opération de cette envergure représente une épreuve pour les individus puisqu’ils subissent des perturbations stressantes inévitables (manipulation, transport, libération dans un environnement inconnu). Celles-ci peuvent avoir des effets négatifs sur le long terme comme l’augmentation du stress et la réduction de la survie (Letty et al., 2007 ; Chipman et al., 2008). Il est donc nécessaire de déterminer quels sont les principaux facteurs impliqués dans l’échec ou la réussite d’une réinsertion en comparant différentes méthodologies de relâcher (Armstrong & Seddon, 2007 ; Sutherland et al., 2010). Le recours à l’expérimentation permet de comparer directement entre elles les alternatives possibles dans le cadre d’une translocation, et d’en déduire la solution maximisant les chances de réussite (Marchandeau et al., 2000). De nombreuses études permettent d’avoir une meilleure idée du déterminisme général de la réussite d’une translocation, laquelle reste spécifique et demeure complexe étant donné le grand nombre de facteurs impliqués. Il est ainsi possible de favoriser la réussite d’une telle opération en sélectionnant par exemple le type d’individus, le site de relâcher, ou en gérant le milieu d’accueil et mettant en oeuvre des méthodes de relâcher adéquates (Letty et al., 2007). L’intérêt de cette réinsertion expérimentale (ou relâcher d’individus sauvages) est de déterminer les facteurs qui sont favorables à la sédentarisation des animaux relâchés et à plus long terme, leur survie et leur reproduction. Pour cela, deux sites ont été retenus (le Plateau du Lambert dans le Massif des Maures et le Vallon de Saint- Daumas en Plaine des Maures) afin de tester l’influence de deux paramètres sur la dispersion, la sédentarisation, la survie et les paramètres physiologiques après relâcher : la saison et le passage ou non par un enclos d’acclimatation. Le choix des sites, des spécimens et des méthodes pour effectuer cette réinsertion nécessite la mise au point de protocoles visant à maximiser les chances de succès de ces opérations. Il est donc important d’établir comment choisir les sites ayant vocation à accueillir des individus, de définir des protocoles précis et de les réactualiser à la lumière de l’expérience acquise (Sutherland et al., 2010). Le développement des outils sanitaires et génétiques indispensables pour garantir la qualité des animaux (Cunningham, 1996 ; Chipman et al., 2008), le développement de la « biotélémétrie » depuis les années 90’, et l’expérience acquise depuis plus de 15 ans par la SOPTOM sur les plans sanitaires et scientifiques, permettent aujourd’hui d’envisager de telles opérations dans des conditions compatibles avec les exigences internationales en la matière. Les différentes études (utilisation des habitats, modèles de mouvement, stratégies thermorégulatrices, réactions physiologiques) permettront de fournir des informations d’une grande valeur quant aux réponses des individus à un nouvel environnement. La première phase de cette opération concerne le choix des sites, des spécimens, des méthodes et des protocoles visant à maximiser les chances de son succès. Un des deux sites expérimentaux concerne la Réserve Naturelle Nationale de la Plaine des Maures, l’autre est localisé en forêt domaniale. Une autorisation préfectorale ou une déclaration préalable est requise après avis de plusieurs instances (CNPN, Comité consultatif et Conseil scientifique de la Réserve Naturelle Nationale de la Plaine des Maures). Pour mener à bien ces opérations, différentes validations administratives sont nécessaires (autorisation de transport, demande de dérogation pour la capture etc.). Une étude de faisabilité centrée sur la biologie de l’espèce a donc été entreprise (origine des individus, génétique, etc.). Parallèlement, l’environnement du relâcher (qualité des habitats, causes de déclins, protection à long terme de la zone) a été évalué. La seconde phase de l’évaluation concerne la phase de relâcher à proprement parler et la phase de suivi (comportemental et démographique) de l’ensemble des individus. Ce suivi est nécessaire à long terme, tout comme la protection des habitats. Enfin, les résultats de l’opération doivent être diffusés et publiés afin d’ouvrir des voies d’expérimentation (IUCN, 1998 ; Mihoub, 2009 ; Sutherland et al., 2010). Lors du montage du projet, il est indispensable de s’assurer de l’absence ou non de l’espèce. Enfin, les espèces transloquées constituent dans de nombreux cas des symboles spectaculaires pour le grand public. Ces types de programmes représentent une conservation active et constructive permettant de mieux faire accepter d’autres mesures souvent plus restrictives. Ils constituent un moyen de sensibilisation et d’éducation visant à la conservation du patrimoine naturel.