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Une image de la mobilité superficielle des fonds au large de Sumatra

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Abstract

Une analyse de morphologie mathématique sur le modèle numérique de terrain (MNT) d’une pente sous-marine à l’ouest de Sumatra a pour but d’inventorier des sites favorables ou défavorables à l’immersion de sismomètres travaillant sur le fond et d’expliquer certains des signaux qu’ils ont enregistrés.
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UNE IMAGE DE LA MOBILITÉ SUPERFICIELLE DES FONDS
AU LARGE DE SUMATRA
Équipes SUMENTA et COSTEL*
M
3/1992
APPE
ONDE
En République Indonésienne, la préven-
tion du risque sismique est un élément
clé des politiques d’aménagement. En
septembre et en octobre 1991, une cam-
pagne océanographique franco-indoné-
sienne, appelée INDOBS SUMENTA, a
eu pour objectif, entre autres, de préciser
la localisation de certains foyers sis-
miques susceptibles d’affecter la côte
méridionale de Sumatra.
La procédure scientifique consiste à dis-
poser sur le fond un maillage d’OBS
(Ocean Bottom Sismometer) pendant
une période d’un mois, puis de récupé-
rer les enregistrements et d’en déduire la
localisation des épicentres. La sensibilité
des OBS est telle qu’ils peuvent enregis-
trer autre chose que des séismes: des
activités biotiques, des courants turbides
et autres événements gravitaires...
D’autre part, la longue durée de leur
immersion fait qu’ils peuvent s’enfouir
dans les sédiments sous-marins meubles
ou être recouverts par les produits d’une
solifluxion. Une partie du travail préli-
minaire à l’exploitation des données est
donc d’établir une image du fond assez
précise pour qu’elle puisse donner une
indication de la géodynamique externe,
et permette ensuite une analyse discri-
minante des enregistrements. C’est la
fabrication de cette image qui fait l’objet
de cette présentation.
La région concernée est la pente interne
du bassin de l’avant-arc de Sumatra à la
latitude de Bengkulu (fig. 1). L’acquisi-
tion de la donnée bathymétrique a été
faite à partir d’un sondeur acoustique à
faisceau large. La densité des routes ne
donnant pas une information homogène
Équipes SUMENTA et COSTEL
Mappemonde 3/92
Une analyse de morphologie
mathématique sur le modèle numérique de
terrain (MNT) d’une pente sous-marine à
l’ouest de Sumatra a pour but d’inventorier
des sites favorables ou défavorables à
l’immersion de sismomètres travaillant sur
le fond et d’expliquer certains des signaux
qu’ils ont enregistrés.
FONDS SOUS-MARINS • GÉODYNAMIQUE
SOUS-MARINE EXTERNE • MORPHOLOGIE
MATHÉMATIQUE • SÉISME • SUMATRA
Applying mathematical mor-
phology to a DEM of a submarine slope off
the coast of Sumatra makes it possible to
select or discard sites for the launching of
ocean bottom sismometers and to unders-
tand better some of the signals recorded.
EARTHQUAKE • MATHEMATICAL MOR-
PHOLOGY • OCEAN BOTTOM • SUBMARINE
MORPHODYNAMICS • SUMATRA
Un análisis de morfología
matemática sobre el modelo numérico de
terreno de una vertiente submarina del
oeste de Sumatra tiene como objetivo la cla-
sificación de los sitios favorables o desfavo-
rables para la inmersión de sismógrafos y la
explicación de algunas señales que éstos
han recibido.
FONDOS SUBMARINOS • GEODINÁMICA
SUBMARINA EXTERNA • MORFOLOGÍA
MATEMÁTICA • SUMATRA • TERREMOTO
RÉSUMÉ ABSTRACT RESUMEN
* L’Équipe Sumenta (Paris VI, Paris XII, IPG, ORSTOM, BPPT, LEMIGAS, Rennes II) se compose de J. Malod, R. Louat, P. Patriat, H. Regnauld, J. Deverchère,
L. Droz, C. Deplus, Y. Hello, B. M. Kemal, B. Herunadi. L’Équipe Costel (Rennes II , CNRS) se compose, pour ce travail, de H. Regnauld, P. Gouéry, J. Fournier,
F. Le Henaff, A.Y. Roué et a bénéficié de l’aide de Y. F. Thomas de l’URA 141 du CNRS.
Arc
insulaire
Bassin
avant-arc
Fosse de
subduction
MNT
W
Coupe AB
Padang
Bengkulu
Zone
Test
J
A
V
A
A
B
5° S
5° N
95° E 100° 105°
E
1. Localisation de la zone étudiée
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Équipes SUMENTA et COSTEL
Mappemonde 3/92
dans l’espace, un premier travail a
consisté à retracer la carte à partir d’une
interpolation. Celle-ci est lancée en uti-
lisant un algorithme mis au point à
l’ORSTOM (programme OROLOG,
Depraetere, 1991). Ce MNT (ensemble
d’éléments d’image localisés en x, en y,
en z) est alors visualisé avec un des pro-
grammes de l’équipe COSTEL (fig. 2).
Dès lors, le traitement numérique peut
commencer. Il a pour objet de faire
l’inventaire des itinéraires qu’une dyna-
mique superficielle pourrait utiliser, de
quantifier le type et la continuité des
flux potentiels et de permettre une éva-
luation des signaux reçus par les OBS.
En retour, ceux-ci peuvent indiquer
quels itinéraires ont été actifs durant la
période test. La première partie de cette
démarche est décrite ci-après.
En milieu sous-marin il n’est pas pos-
sible d’employer les techniques habi-
tuelles d’extraction de bassin versant,
puisque les écoulements d’eau ne se
font pas nécessairement de l’amont
vers l’aval, mais aussi inversement ou
parallèlement aux isobathes. Il faut
donc calculer des itinéraires de flux
sans préjuger du système de pente. La
méthode employée consiste à simpli-
fier le relief par des algorithmes mor-
phométriques indifférents à la pente,
puis à comparer le relief simplifié avec
le MNT initial. Les reliefs réels qui
échappent à la simplification ont une
particularité morphométrique spéci-
fique. Il est ainsi possible de dresser
l’inventaire de certains types d’inci-
sions ou de promontoires susceptibles
d’influer sur les flux sédimentaires.
Les algorithmes de traitement reposent sur les notions mathé-
matiques d’érosion et de dilatation, explicitées par Serra
(1982). Le programme a été mis au point par Y. F. Thomas et
P. Gouéry. L’érosion consiste à fixer un élément structurant B
autour d’un pixel et à affecter à ce pixel la valeur la plus petite
rencontrée dans ce voisinage (fig. 3). La dilatation fait l’inver-
se. L’image créée par une dilatation avec un élément structu-
rant de rayon 1 est représentée sur la figure 4, sous forme de
MNT. Il est important de noter que ce MNT est fictif: il ne
représente qu’une surface mathématique et non pas un relief
existant. On peut observer un élargissement des crêtes et un
comblement des talwegs par rapport au MNT initial. Mais il ne
s’agit pas de la simulation d’une accumulation sur la pente: un
déplacement latéral des versants parallèlement à eux-mêmes
vers les talwegs ne correspond à aucun processus morpholo-
gique réel. Cette image n’est qu’une étape dans la démarche.
L’image créée par une érosion avec un élément structurant de
rayon 1 est visible sur la figure 5. Elle se caractérise par un
recul des versants et un élargissement des vallées, mais elle ne
simule pas un processus géomorphologique d’érosion puisqu’il
n’y a pas d’approfondissement des talwegs. Une succession de
dilatation et d’érosion est possible, ce qui donne des surfaces
mathématiques appelées «ouvertes» ou «fermées», symé-
triques l’une de l’autre comme la figure 3, lisible à l’endroit et
à l’envers, permet de le comprendre. Les figures 6 et 7 présen-
tent ces deux transformations mathématiques, traduites en trois
dimensions. Le «fermé» (fig. 6) dessine un relief dont tous les
creux inférieurs (en surface) à l’élément structurant ont disparu
Axe de symétrie
MNT
ÉRODÉ
OUVERT
DIFFÉRENCE
MNT OUVERT
MNT
DILATÉ
FERMÉT
DIFFÉRENCE
MNT FERMÉ
Profil avant l'application de l'algorithme
Profil après l'application de l'algorithme
2. Modèle Numérique de Terrain
Onze sismomètres ont séjourné un mois sur cette pente et ont enregistré, outre des séismes, des glisse-
ments superficiels.
Photo: © Équipes
SUMENTA et COSTEL, H. Regnauld - P. Gouery, 1992.
3. Processus de morphologie mathématique
À partir d’un MNT on peut extraire des reliefs positifs ou négatifs d’une taille donnée en combinant deux
algorithmes: érosion et dilatation. Les deux cheminements sont exactement symétriques et la figure peut
donc être lue à l’endroit comme à l’envers.
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Équipes SUMENTA et COSTEL
Mappemonde 3/92
tandis que l’«ouvert» (fig. 7) montre la
disparition de toutes les bosses de cette
taille. Il s’agit de deux lissages qui atté-
nuent la rugosité du relief.
Une comparaison entre un «ouvert» et
un MNT donne l’inventaire des reliefs
positifs dont la surface est inférieure à
l’élément structurant. La figure 8 per-
met d’identifier les lignes de crêtes ou
les points hauts dont la surface atteint
5 km
2
et qui sont susceptibles, topo-
graphiquement, de devenir les points
de départ de glissements. Une compa-
raison entre le MNT et un «fermé»
extrait les reliefs en creux. L’image
«C(1)» (fig. 9) donne l’inventaire de
tous les pièges à sédiments suscep-
tibles de concentrer des flux de
matières ayant glissé depuis un bassin
versant égal à 8 pixels, soit 0,9 km
2
.
Ce que nous savons par ailleurs des
vitesses de sédimentation sur la pente
ne permet pas d’imaginer que de tels
glissements puissent concerner plus
que quelques mètres cubes.
En faisant varier la taille des éléments
structurants, il est possible de dresser un
inventaire exhaustif de tous les creux
depuis les plus petits (un pixel) jus-
qu’aux plus vastes, dans les limites du
MNT. On peut faire de même pour les
bosses. Les classifications hypercubes
donnent, dans ces cas, de bons résultats.
En premier résultat, on peut établir une
carte des itinéraires de flux sédimen-
taires et prévoir la probabilité comparée
pour chaque OBS d’en enregistrer un. Il
est aussi possible de proposer des hypo-
thèses sur la nature du substrat, fin et
plastique dans les talwegs, plus compact
De haut en bas:
4. MNT dilaté avec un élément structu-
rant de rayon 1
5. MNT érodé avec un élément structu-
rant de rayon 1
6. MNT fermé, soit érosion d’une dilata-
tion, élément structurant de rayon 3
7. MNT ouvert, soit dilatation d’une
érosion, élément structurant de rayon 2
Photo: © Équipes SUMENTA et COSTEL,
H. Regnauld - P. Gouery, 1992.
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Équipes SUMENTA et COSTEL
Mappemonde 3/92
sur les versants. Le choix des emplacements d’immersion des
OBS est alors plus argumenté. Posés sur des fonds durs, les
OBS s’enfouissent moins et sont moins susceptibles d’être
parasités par des glissements superficiels. Ils remontent plus
vite à la fin de leur séjour au fond, puisqu’ils ne sont pas
enfouis dans la vase. Un deuxième résultat est plus géodyna-
mique. Il n’y a pas continuité des écoulements de matière entre
le haut et le bas du système de pente. S’il y a discontinuité et
pièges «perchés» de sédiments, il faut imaginer des processus
de relais, avec stockages plus ou moins longs de matière puis
vidange brutale à l’occasion d’un événement particulier et local.
Les OBS ont enregistré de tels signaux:
le signal existe sur un seul OBS, sans
que celui situé plus haut ou plus bas ne
le détecte. Cela ne peut être un séisme
ni un courant turbide. Nous avons
quelques arguments morphométriques
pour supposer qu’il s’agit d’un remanie-
ment superficiel à l’intérieur d’une
faible surface du système de relief, sans
effet en dehors de cet espace.
De nombreuses pistes doivent encore
être explorées. En premier lieu, il serait
intéressant de pouvoir mettre en rela-
tion la surface du relief de départ du
flux et la quantité de matière mobilisée.
Sur de longues périodes et de vastes
surfaces, les analyses de coupes dans le
sédiment donnent ces renseignements.
Sur de courts laps de temps, on ne peut
se fier qu’à des renseignements indi-
rects (signaux des OBS) ou à des extra-
polations théoriques. En second lieu, il
faut tenter de simuler l’action de ces
flux de matière sur la morphologie. On
pourrait alors présenter l’évolution du
relief à partir d’hypothèses sur la fré-
quence des événements gravitaires, et
compléter les scénarios déjà existants
sur l’évolution du littoral.
Les traitements de morphologie mathé-
matique appliqués à des reliefs sous-
marins en zone sismique ont pour utilité
immédiate de faciliter le choix des
emplacements d’immersion des sismo-
mètres pour leur permettre de travailler
dans les meilleures conditions. À plus
long terme, ils permettent de proposer
des scénarios d’évolution de la forme du
fond: en milieu péri-littoral, c’est un élé-
ment indispensable à la prévision des
dynamismes hydrologiques en cas d’élé-
vation du niveau marin ou de mobilité
tectonique du littoral. En milieu pro-
fond, c’est un outil d’analyse de géodynamique externe qui doit
être exploité en relation avec d’autres techniques d’études.
Références bibliographiques
DEPRAETERE C., 1991, DÉMIURGE: chaîne de production et de
traitement de MNT, Montpellier, ORSTOM, Laboratoire
d’Hydrologie, 144 p.
SERRA J., 1982, Image Analysis and Mathematical Morphology,
Academic Press, 310 p.
8. Inventaire d’un des types de points hauts
Ces espaces sont probablement dépourvus de sédiments fins, ou n’en possèdent qu’une faible épaisseur.
Ce sont des sites sur lesquels les sismomètres ont une faible probabilité de s’enfouir dans la vase. Les cou-
leurs correspondent à un gradient de profondeur de 0 à 20 mètres par rapport au MNT. Les pics colorés
sur les bords de l’image sont des artefacts.
Photo: © Équipes SUMENTA et COSTEL, H. Regnauld - P. Gouery, 1992.
9. Inventaire d’un des types de creux
Dans ces sites, les sismomètres ont de fortes chances d’enregistrer des signaux de glissement et d’être per-
turbés par les mouvements de la vase. La présentation en niveau de gris est une alternative à la présenta-
tion en couleur, car plus lisible. Elle n’a aucune justification thématique. Ces grisés correspondent à un
gradient de profondeur de 0 à 20 mètres par rapport au MNT.
Photo: © Équipes SUMENTA et COSTEL, H. Regnauld - P. Gouery, 1992.
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