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Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
18
Test de trois sources de calcium dans l’alimentation des achatines ou
escargots géants africains (Archachatina sp.)
O. D. KOUDANDE1, M.-C. S. HOUNTONDJI2 et G. A. MENSAH5
Résumé
Le calcium est un élément minéral essentiel présent dans la coquille et la chair des escargots géants
africains ou achatines. L’élevage des escargots en milieu contrôlé exige donc que cet élément soit
apporté à l’animal. Il est donc nécessaire de rechercher des sources de calcium disponibles sur place
et de moindre coût pour faire face aux besoins des escargots en élevage. Trois sources ont été
identifiées et testées, il s’agit de la coquille d’huître réduite en poudre, de résidu de calcaire et de la
poudre de marbre. Les escargots, âgés de 4 à 5 mois, pesaient entre 30 et 40 g. Ils ont été chargés
dans les compartiments à la densité de 1,0 kg.m-2 au sol, soit environ 30 à 32 animaux par
compartiment. La méthode utilisée pour conduire l’expérimentation a été le bloc de Fisher avec quatre
traitements dont un témoin et trois répétitions. Bien que la poudre de marbre améliore (18 %) la
croissance par rapport au témoin, il semble ne pas être aussi assimilable que la poudre coquille
d’huître et le résidu de calcaire qui l’améliorent respectivement de 45 et 39 %. De 19,2 % à la mise en
place de l’essai, le rapport du poids de la coquille sur le poids total de l’escargot est passé à 20,1 %
pour le témoin, 29,5 % pour la poudre de coquille d’huître, 25,1 % pour le résidus de calcaire et 24,7
% pour la poudre de marbre en fin d’essai. Le résidu de calcaire, la poudre de coquille d’huître et la
poudre de marbre peuvent donc être retenu comme source de calcium utilisable dans l’alimentation
des achatines au Bénin.
Mots clés : Achatines, calcium, alimentation, croissance coquillière, gain de poids, Bénin.
Essay of three sources of calcium in african giant nail (Archachatina sp.) feed
Abstract
Calcium is the major component of the shell and the flesh of the African giant snail. To breed and grow
African giant snail in a pen, it is therefore compulsory to provide this mineral element through feeding.
This paper intent to test three indigenous sources of calcium that can be locally available and cheap to
be used by small farmers. The tested sources are: oysters shell powder, residue of limestone, marble
powder. To start the test, young African giant snails of 4-5 month old, whose weight ranged from 30 to
40 g were used. The pens were filled at a density of 1.0 kg per square-meter corresponding to 30 to
32 animals in each pen. The test was designed according Fisher’s blocs with four treatments of which
one control, and three replications. After six months of testing, results showed that although marble
powder improves the growth of animals by 18 %, it appears to be less easily assimilated than the
oyster shell powder (45 %) and the residue of limestone (39 %). The ratio of the shell weight on the
total weight of a snail varies from 19.2% for all treatments to 20.1 % for null treatment, 29.5 % for
oyster shell powder, 25.1 % for limestone residue and 24.7 % for marble powder. It is concluded that
those three sources of calcium can be used for feeding the African giant snail in Bénin.
Key words : African giant snails, calcium, feeding, shell growth, weight gain, Bénin.
1 Laboratoire de Recherches Zootechnique, Vétérinaire et Halieutique, Centre de Recherches Agricoles d’Agonkanmey,
Institut National des Recherches Agricoles du Bénin, E-mail : inrabdg4@intnet.bj / craagonkanmey@yahoo.fr
2 Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
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Introduction
Les escargots géants africains sont des
mollusques gastéropodes très répandus en
Afrique de l’Ouest dont la chair est très
appréciée par une catégorie assez importante
de la population. Ils font l’objet d’une cueillette
qui hypothèque la survie de l’espèce. Pour
satisfaire le goût des populations et éviter en
même temps une disparition de l’espèce, on
assiste au développement de l’élevage des
escargots qui semble être une activité
économiquement rentable (Olufokunbi et al.,
1989). En effet, ces auteurs ont montré qu’au
bout de cinq (5) années, un projet d’élevage
partant de 1.200 adultes était économiquement
viable.
Les escargots géants africains comme tous les
mollusques ont un squelette extérieur ou
coquille enfermant une partie molle constituée
de la chair et des viscères. La coquille est
essentiellement constituée de carbonate de
calcium (Stievenart et Hardouin, 1990). Ajayi et
al. (1978) avaient signalé que la coquille
représente 26 % du poids vif chez
Archachatina marginata et contient une
proportion de 86 % de calcium. Chez Achatina
achatina, la coquille constitue un tiers de son
poids vif. Upatham et al. (1988) ont montré que
la masse charnue du pied de Achatina fulica
contient 118,3 mg de Ca pour 100 g de chair
alors que Ajayi et al. (1978) ont trouvé une
valeur de 160,5 mg pour 100 g de chair chez
Archachatina marginata. Le calcium est tant
présent dans la coquille que dans la partie
molle des escargots.
L’organisme animal ne synthétisant pas les
éléments minéraux, il est donc indispensable
qu’il en soit fourni à partir du milieu extérieur.
Dans son biotope d’origine, les escargots tirent
le calcium des végétaux et du sol. L’élevage
de ces animaux dans un milieu fermé suppose
qu’on leur apporte tous les éléments
nécessaires à leur développement. Il est très
fréquent de voir les escargots ronger les
briques fabriquées à partir de sable de mer et
de ciment.
En Europe, la craie constitue la source
principale de calcium et la forme la plus
assimilable. Son coût, lorsqu’elle est importée
au Bénin, devient élevé et non économique
pour l’élevage. Il est donc nécessaire de
rechercher des sources disponibles sur place
et de moindre coût. C’est pour contribuer à la
résolution de ce problème que la présente
investigation a été réalisée.
Matériel et méthodes
Deux enclos de 6 m sur 1,20 m subdivisés
chacun en 6 compartiments ont servi à
héberger les escargots de l’essai. Chaque
compartiment mesurait 1,20 m sur 0,92 m au
sol et 0,45 m de hauteur. Ces enclos sont
érigés sous une bananeraie qui fournit
l’ombrage nécessaire aux animaux.
Les escargots, âgés de 4 à 5 mois, pesaient
entre 30 et 40 g. Ils ont été chargés dans les
compartiments à la densité de 1,0 kg/m2 au
sol, soit environ 30 à 32 animaux par
compartiment.
Les aliments ont été constitués de feuilles de
papayer (250 g) et de feuilles de Leucaena
(200 g). Un apport de calcium est fait selon le
traitement.
Les sources de calcium testées sont :
Coquille d’huître réduite en poudre ;
Résidu de calcaire fourni par la société
d’exploitation de la carrière située dans
le village d’Onigbolo en terre
béninoise ;
Poudre de marbre fournie par l’Office
Béninois des Mines (OBEMINE).
Les mesures ont été faites avec un pied à
coulisse et une balance sensible à un dixième
de gramme.
La méthode utilisée pour conduire
l’expérimentation a été le bloc de Fisher avec
quatre traitements (T0 à T3) dont un témoin et
trois répétitions. Les traitements ont été les
suivants :
T0 = 250 g de feuilles de papayer + 200
g de feuilles de Leucaena,
T1 = T0 + 50 g poudre de coquille
d’huître,
T2 = T0 + 50 g de résidu de calcaire
d’Onigbolo,
T3 = T0 + 50 g de poudre de marbre.
Un échantillon de cinq escargots est prélevé
dans chaque lot et ébouillanté chaque mois,
pour enregistrer le poids des coquilles, ce qui
facilite la séparation du squelette externe de la
masse charnue et viscérale.
Les aliments ont été servis deux fois par
semaine (mardi et vendredi). Les enclos ont
été arrosés chaque fois qu’il a manqué de
pleuvoir pendant quatre jours. Chaque enclos
disposait d’un abreuvoir en terre cuite que l’on
approvisionnait chaque fois que c’était
nécessaire. Le test a duré 6 mois sur la station
de recherche d’Agonkanmey située à 13 km au
nord de Cotonou.
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Résultats
La croissance en poids des animaux montre
de légères variations non significatives. On
observe tout de même un meilleur gain de
croissance des lots ayant reçu du calcium par
rapport au lot témoin ne l’ayant pas reçu
(Tableau 1). Ainsi, la poudre de marbre
améliore la croissance de 18 %, le résidu de
calcaire de 39 % et la poudre de coquille
d’huître de 45 %.
Sur les coquilles, le gain de poids enregistré
au niveau du lot T1 est supérieur à celui de T2,
lui même supérieur à celui du T3. Les tests
statistiques montrent que ces différences
observées ne sont pas significatives au seuil
de 5 %. Il en est de même lorsqu’on compare
le traitement T3 au lot témoin T0. Quant aux
traitements T1 et T2, ils sont significativement
différents du témoin aux seuils respectifs de 1
% et 5 %. Les gains en taille (longueur et
diamètre) enregistrés pour les traitements T1,
T2 et T3 sont supérieurs à ceux du traitement
témoin, mais n’en sont pas statistiquement
différents. Le rapport du poids de la coquille
sur le poids de l’escargot était de 19,2 % à la
mise en place du présent test. Ce rapport est
passé à 20,1 % pour T0, 29,5 % pour T1, 25,1
% pour T2 et 24,7 % pour T3.
Tableau 1. Croissance enregistrée chez les escargots suivant différents traitements
Paramètres
Traitements
T0
T1
T2
T3
Gain de poids total (g)
31,6 a
46,0 a
43,9 a
37,4 a
Gain de poids coquille (g)
10,6 b
21,0 a
18,5 a
15,6 ab
Gain en longueur (mm)
19,8 a
22,4 a
25,3 a
20,9 a
Gain en diamètre (mm)
7,1 a
9,3 a
9,9 a
8,9 a
Sur une même ligne, les nombres affectés de lettres différentes sont significativement différents à 5 %.
Discussion
L’apport de calcium dans l’alimentation des
escargots à partir de différentes sources a
certes occasionné un surplus de gain de poids
par rapport aux lots témoins n’ayant pas reçu
ce complément. Toutefois ce surplus de gain
de poids n’est pas suffisamment fort pour
l’attribuer à la complémentation en calcium, les
différences observées n’étant pas
statistiquement valables. Par contre, Daouda
(1993) a obtenu des résultats significatifs sur
Achatina achatina.
En comparant T1 et T2 sur le gain de poids de
la coquille et son gain en taille, on se rend
compte que pour une croissance en taille plus
grande chez T2, le gain de poids de la coquille
est plus faible que T1. Ceci amène à conclure
à une densité de coquille plus forte chez les
animaux ayant reçu la coquille d’huître dans
leur alimentation. L’observation des coquilles
dans ce cas a également montré qu’elles sont
beaucoup plus épaisses, ce qui est en accord
avec les résultats obtenus par Ireland (1991).
De plus, les coquilles avaient une croissance
régulière et présentaient une surface
coquillière lisse démontrant que
l’épaississement observé n’était pas le résultat
d’une réparation de la coquille suite à des
fractures, mais plus probablement dû à l’apport
de calcium dans l’alimentation.
L’épaississement et la densité ainsi observés
confèrent à la coquille sa résistance à la
fracture.
Les mêmes observations ont montré que les
coquilles des escargots de T0 sont plus minces
et par conséquent plus fragiles à la fracture.
Ce caractère fragile pourrait sérieusement
handicaper la productivité de l’élevage des
escargots car, selon Stiévenart (1990), la
fracture des coquilles serait à l’origine d’un
ralentissement de la croissance, l’animal
devant d’abord assurer la réparation des
dégâts ainsi causés avant de poursuivre sa
croissance.
Le rapport du poids de la coquille sur le poids
total de l’escargot est un indice utilisé pour
estimer la vitalité et la croissance harmonieuse
des escargots en élevage. De 19,2 % à la mise
en place de l’essai, ce rapport est passé à 20,1
% pour T0, 29,5 % pour T1, 25,1 % pour T2 et
24,7 % pour T3. En considérant la valeur de 26
% (Ajayi et al., 1978) comme le seuil d’une
bonne qualité de coquille sur un animal en
croissance harmonieuse, seul T1 qui est la
source de calcium sous la forme de poudre de
coquille d’huîtres serait considéré comme
satisfaisant. Les résidus de calcaire d’Onigbolo
et la poudre de marbre ont aussi amélioré ce
paramètre et ne sont pas à négliger lorsque
disponibles.
En conclusion, les différentes sources de
calcium testées ont non seulement un effet
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stimulateur sur la croissance des escargots
mais agiraient favorablement sur le poids,
l’épaisseur et la dureté de la coquille.
Conclusion et perspectives
Bien que la poudre de marbre apporte un plus
à la croissance, il semble ne pas être aussi
assimilable que la poudre coquille d’huître et le
calcaire d’Onigbolo. Des investigations
ultérieures doivent être entreprises afin d’en
élucider les causes.
La poudre de coquille d’huître paraît être la
plus assimilable et la plus utilisée dans la
formation de la coquille. Le résidu de calcaire
d’Onigbolo a des performances qui se
rapprochent de celles de la poudre de coquille
d’huître. Toutefois, Le résidu de calcaire, la
poudre de coquille d’huître et la poudre de
marbre peuvent donc être utilisés comme
source de calcium utilisable dans l’alimentation
des escargots au Bénin.
Il est souhaitable que des recherches soient
entreprises au sujet d’une éventuelle action
des diverses sources de calcium sur la
reproduction et sur la coquille des œufs
d’escargot.
Remerciements
Les auteurs remercient le programme STD II
qui a bien voulu financer les travaux, le
professeur J. Hardouin et le docteur Stiévenart
pour leur assistance technique ainsi que les
nombreux lecteurs qui ont bien voulu amender
les versions précédentes.
Références bibliographiques
Ajayi S. S., Tewe O. O., Moriarty C. and Awesu M. O., 1978. Observations on the biology and nutritive value of the African
giant snail Archachatina marginata. E. Afr. Wild. J., 16:85-95.
Daouda A. I. H., 1993. Le calcium dans l’alimentation de l’escargot géant africain Achatina achatina (Linné). Mémoire DEA
Eco. Trop., FAST-UNACI, 59 p.
Ireland M. P., 1991. The effect of dietery calcium on growth shell thickness and tissue calcium distribution in the snail
Achatina fulica. Comp. Biochem. Physiol., 98A (1): 111-116.
Olufokunbi B., Phillips E. O., Omidji J. O., Ogbonna U. O., Makinde H. T. and Apansile O. J., 1989. The economics of
commercial domestication of the African land snail Archachatina (Calachatina) marginata (Swainson) in Nigeria. In “Slugs
and Snails in World Agriculture, B.C.P.C. Monograph N.41., Henderson J.(Ed.), Guildfort (UK), 41-48.
Stiévenart C. et Hardouin J., 1990. Notions d’anatomie chez l’escargot géant africain. B.E.D.I.M., série M(F), n° 9.
Stiévenart C., 1990. Importance de la combinaison des paramètres poids vifs et longueur de coquille pour l’appréciation de
la croissance chez les escargots géants africains. Livestock Research for Rural Development, 2(3) : 66-75.
Upatham E. S., Kruatrachue M. and Baidikul V., 1998. Cultivation of the giant African snail, Achatina fulica. J. Sci. Soc.
Thailand, 14: 25-40.
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Données biologiques, éco-éthologiques et socio-économiques sur les groupes
d’hippopotames (Hippopotamus amphibius) isolés dans les terroirs villageois
en zones humides des départements du Mono et du Couffo au Sud-Bénin
G. K. AMOUSSOU3, G. A. MENSAH4 et B. SINSIN7
Résumé
Dans les zones humides des départements du Mono et du Couffo situés au Sud-ouest du Bénin,
l’extension incontrôlée des activités anthropiques est devenue un danger permanent pour la faune
sauvage en général et les hippopotames en particulier. Ainsi, il est devenu impérieux de trouver des
alternatives de conservation intéressantes pour les communautés riveraines des plans d’eau abritant
des hippopotames. Dans ce cadre, une étude a été conduite en 2002 dans 8 communes (Aplahoué,
Athiémé, Bopa, Comé, Dogbo, Djakotomey, Grand-Popo et Lokossa). Plusieurs groupes de familles
d’hippopotames ont été notés, allant des solitaires à des groupes de 5 individus. Cependant, l’effectif
des groupes atteint parfois 10 têtes selon les populations riveraines. Ils sont répartis dans des lacs,
mares, étangs, lagunes et fleuves de 0,2 km2 à plus de 85 km2 d’étendue. Au total, 30 hippopotames
ont été directement observés (23 adultes et 7 jeunes) contre un effectif de 45 (35 adultes et 10
jeunes) obtenu par enquêtes auprès des populations locales. Les hippopotames sont facilement
observables les matins entre 6 h et 8 h, les soirs entre 17 h 30 mn et 19 h 30 mn. Les cultures les plus
ravagées par les hippopotames sont le maïs (Zea mays), le manioc (Manihot utilissima), la patate
douce (Ipomea batatas), le coton (Gossypium sp.), le niébé (Vigna sp.) et la canne à sucre
(Saccharum officinarum) pour la plupart à des fins alimentaires. Les activités de pêche et la navigation
sur l’eau sont également perturbées par les hippopotames. Les espèces végétales de la famille des
graminées et des cypéracées sont les plus représentées dans l’alimentation des hippopotames. Les
pâturages naturels des hippopotames que sont les végétations herbacées des abords immédiats de
leur habitat sont considérablement réduits au profit des champs, des plantations et des activités
maraîchères. Le braconnage des hippopotames est le principal danger qui menace l’espèce dans la
zone d’étude. Au total, 27 hippopotames ont ainsi été abattus de 1972 à 2002. Les conflits
hippopotame-homme ont déjà entraîné la mort de 8 personnes. Malgré ces conflits, l’hippopotame
occupe une place de choix dans la culture et l’alimentation des populations locales de la zone d’étude.
Les 2/3 des personnes enquêtées ont reconnu l’attrait touristique de l’animal, sans lequel elles
l’auraient déjà chassé de leur localité.
Mots clés : actogramme, conflit hippopotame-homme, hippopotame, régime alimentaire, zones
humides, Bénin.
Biological, eco-ethological and socio-economic data on the isolated
hippopotamus groups (Hippopotamus amphibius) in rural wetlands of Mono
and Couffo departments in Southern-Bénin
Abstract
In the wetlands of the departments of the Mono and Couffo, located in the south-western corner of
Bénin, uncontrolled human development presents a permanent pressure to the wildlife in general and,
to the common hippopotamus (Hippopotamus amphibius) in particular. Given this pressure, it is
important to find ways to conserve lakes, ponds, pools, lagoons, and riparian areas. To address these
issues, a study was carried out on 2002 in 8 districts (Aplahoué, Athiémé, Bopa, Comé, Dogbo,
Djakotomey, Grand-Popo and Lokossa). Numerous groups of hippopotamus families were identified,
from lone individuals to groups of up to 5 Hippopotami were scattered in lakes, ponds, pools, lagoons
and rivers of 0.2 km2 to more than 85 km2 wide. Thirty hippopotamus have been observed (23 adults
and 7 juveniles) in lakes and rivers versus 45 hippopotamus (35 adults and 10 juveniles) observed by
riparian communities. Hippopotamus were easily observed in the morning from 6 to 8 a.m. and the
early evening from 5:30 to 7:30 p.m. The most devastated crops by hippopotamus are maize (Zea
mays), cassava (Manihot utilissima), sweet potato (Ipomea batatas), cotton (Gossypium sp.), bean
(Vigna sp.) and sugar cane (Saccharum officinarum). Fishing and boat traffic may also be negatively
3 Ir. Gautier Koffi Amoussou, ONG-AVPN, 04 BP 0338 Cadjèhoun, Cotonou, (Bénin) Tél. : (229) 79 52 24 / 47 06 50, E-mail : gk_amoussou@yahoo.fr ,
web : http://hippobenin.gq.nu
Prof. Dr Ir. Brice Sinsin, Faculté des Sciences Agronomiques, Université d’Abomey-Calavi, 01 BP 526 Recette Principale, Cotonou, Bénin. E-mail :
bsinsin@bj.refer.org
4Dr Ir. Guy Apollinaire Mensah, Centre de Recherches Agricoles d’Agonkanmey, Institut National des Recherches Agricoles du Bénin. E-mail :
ga_mensah@yahoo.com / craagonkanmey@yahoo.fr
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influenced by hippopotamus presence. Hippopotamus grazing was observed in areas of aquatic
vegetation as well as in natural grazing areas and farms. Both types of habitats have been seriously
reduced because of crop production, plantings and gardening activities. Poaching represents the
major danger that threatens hippopotamus in the study area. 27 hippopotamus were killed from 1972
to 2002. Conflicts between hippos and humans have caused 8 human deaths. In spite of these
conflicts, hippopotamus hold a special place in local populations’ food and culture. Two thirds of the
people interviewed recognized the value of hippopotamus as a means to promote tourism and felt it
was important to protect it in their localities.
Key words: Wetlands, hippopotamus, activity chart, alimentary diet, hippopotamus-human’s conflict,
Bénin.
Introduction
Pendant longtemps, les structures chargées de
la protection et de la gestion de la faune au
Bénin se sont toujours intéressées aux parcs
nationaux. Aucune attention n’a été accordée
aux espèces vivant dans les zones libres (non
classées). Cet état de chose fait confronter
actuellement l’hippopotame commun, le plus
grand mammifère des zones humides du Sud-
Bénin, au problème de la fragmentation de son
habitat. Cette menace commune à toute
l’Afrique de l’Ouest (IUCN, 1993 ; Onyeanusi,
1996) est la conséquence d’une utilisation non
planifiée des terres. L’hippopotame commun,
animal vivant autrefois sur de larges espaces,
est présentement contraint à une vie restreinte
dans les fleuves, mares, étangs, etc. Pour
éviter la décimation de l’espèce désormais
exposée à une chasse irrégulière dont les
raisons sont multiples (recherche de l’ivoire,
trophées, peaux, protéines animales), elle est
protégée et classée sur l’appendice II de la
convention CITES.
Au Bénin, l’hippopotame commun est
partiellement protégé depuis 1980 sous
l’ordonnance n° 80-8 du 11 févier 1980,
portant règlement sur la protection de la nature
et de l’exercice de la chasse en République du
Bénin. Cependant, ce statut attribué à l’animal
n’a pu l’épargner des risques et des dangers
dans les zones humides des départements du
Mono et du Couffo en particulier.
Il existe un rapport de conflit permanent entre
les paysans et les hippopotames dans les
zones agricoles à cause des dégâts causés
sur les cultures par l’animal (Anadu, 1987 ;
Osemeobo, 1990 ; Onyeanusi, 1996).
L’hippopotame est l’un des grands
mammifères qui contribue significativement à
la satisfaction des touristes dans les parcs et
réserves de faune. Par ailleurs, son
importance pour la production halieutique est
largement illustrée par l’IUCN (1993). De plus,
sa propre chair reste une importante source de
protéines dans plusieurs localités en Afrique
(Asibey et Child, 1990).
Au Bénin, les hippopotames vivant dans les
zones humides des départements du Mono et
du Couffo sont aussi soumis aux diverses
menaces sus-énumérées (Guédou, 1999 ;
Ago, 2001). Ceci a motivé l’initiation de deux
(2) consultations par le Programme
d’Aménagement des Zones Humides du Bénin
respectivement en 1999 et en 2001.
Cependant, il persiste un manque cruel
d’informations scientifiques sur le nombre, la
biologie, l’écologie et la distribution des
hippopotames au Bénin (Guédou, 1999 ; Ago,
2001 ; Amoussou et al., 2004). Même dans les
zones protégées du pays, les données
relatives à la biologie et à l’écologie de l’animal
sont absentes (Sinsin et Assogbadjo, 2001).
C’est pour répondre à cet impératif qu’il a été
entrepris la présente étude dans huit (8)
communes des départements du Mono et du
Couffo au Bénin de juillet à octobre 2002 avec
pour objectifs de :
Connaître la dynamique de la
population d’hippopotames ;
Caractériser l’habitat et déterminer le
régime alimentaire de l’hippopotame ;
Etablir l’actogramme journalier de
l’hippopotame dans l’un des lacs ;
Déterminer les relations et interactions
entre hommes et hippopotames.
Milieu d’étude
Les départements du Mono et du Couffo,
situés entre 6°15’ et 7°30’ de latitude Nord et
1°35’ et 2°10’ de longitude Est, couvrent une
superficie de 4.110 km2 soit 3,6 % du territoire
national. Cet ensemble de la région est limité à
l’Ouest par la République du Togo, à l’Est par
la vallée du Couffo, le lac Ahémé et le chenal
Aho, au Nord-Est par le département du Zou et
au Sud par l’Océan Atlantique sur une façade
d’environ 40 km. Les zones humides objets de
la présente étude sont situées dans les
communes d’Aplahoué, d’Athiémé, de Bopa,
de Comé, de Djakotomey, de Dogbo, de
Grand-Popo et de Lokossa.
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La zone bénéficie d'un climat subéquatorial et
est caractérisée par la succession annuelle de
4 saisons : 2 saisons pluvieuses et 2 saisons
sèches en alternance et d'inégales durées. La
pluviométrie varie entre 900 et 1.100 mm par
an. Les valeurs les plus faibles sont
enregistrées aux mois de décembre et de
février.
La température varie très peu du Nord au Sud.
A Lokossa, la température moyenne oscille
autour de 27,3 °C avec un minimum de 22 °C
en mars. L’humidité relative moyenne
journalière est plus faible à 13 h et oscille
autour de 60 %. Elle est plus élevée à 8 h
(environ 90 %). La moyenne annuelle
d’insolation est de l’ordre 2.308 h. Quant aux
moyennes annuelles, les plus élevées sont
observées en novembre et décembre.
L’évapotranspiration potentielle (ETP)
moyenne vaut 1508,8 mm à Grand-Popo,
1.572,3 mm à Lokossa et 1.559,7 mm à
Aplahoué.
On distingue des sols ferrugineux, des sols
ferralitiques, des sols hydromorphes, des sols
humides salés et des vertisols. Sur ces
différents types de sols, se retrouve une
formation végétale constituée de savanes, de
forêts de plantation, de palmeraies et des
champs de cultures.
En 2002, la population de la zone est estimée
à 834.604 habitants dont 91 % intervienant
dans les activités agricoles. En dehors du
groupe socio-culturel dominant Adja, on
rencontre aussi les Sahouè, les Kota-Fon, les
Fon, les Nagot et Yorouba, les Mina, les
Watchi, les Xwla et les Aïzo. L’utilisation des
zones humides se soldent par la
surexploitation des ressources naturelles,
l'érosion des berges et le comblement des
plans d'eau, les transactions foncières au profit
des riches et au dépens des pauvres, la
dégradation élevée du couvert végétal, la
pauvreté de la majorité des ménages et
l'assèchement de quelques plans d'eau. Il
n’existe pas d’aires protégées dans la région
contrairement aux autres départements du
pays.
Méthodologie
Les hippopotames ont été comptés par
observation directe couplée à la recherche
d’indices de présence (empreintes,
beuglements (cris), crottes, pistes de passage,
etc.) comme l’ont préconisé divers auteurs
(Ghiglieri, 1983 ; Tembo, 1987 ; Onyeanusi,
1996 ; Sinsin et Assogbadjo, 2001 ;
Assogbadjo et al., 2004). La méthode de
transects linéaires (line transects) utilisée par
Onyeanusi (1996) et Assogbadjo et al., (2004)
a permis d’étudier les caractéristiques des
habitats et pâturages des hippopotames.
L’étude du régime alimentaire s’est basée sur
les observations directes et les fouilles des
crottes (Téhou et Sinsin, 1999). Cette méthode
présente de nombreux avantages (Anthony et
Smith, 1974 ; Delauney, 1982 ; Butet, 1985 ;
cités par Adjibi, 1999) et représente la
méthode la plus utilisée pour les espèces
sauvages d’approche délicate, les espèces
nocturnes, les espèces difficiles à capturer ou
encore dans les cas de petites populations et
d’espèces en voie de raréfaction. Ainsi, les
organes végétaux présents dans des crottes
fraîches ou sèches ont permis d’identifier sur
les lieux de pâturage, les espèces broutées
sachant qu’une enquête préalable auprès des
populations locales (paysans, maraîchers et
pêcheurs) de ces lieux avaient déjà permis de
constituer une collection de référence des
plantes broutées. Les espèces broutées ont
été regroupées dans leurs familles respectives.
La diversité alimentaire a été estimée au
niveau de ces familles à l’aide de l’indice de
diversité H’ de Shannon et la régularité R de
Pielou :
H’ = -∑ Pi * log2Pi, avec Pi [0, 1] et R = H’/
log2 S, avec R [0, 1] où Pi = Ni/N; Ni =
Nombre d’espèces de la famille i; N = Nombre
d’espèces des familles représentées; log2 =
logarithme à base 2, S = nombre de familles.
L’observation des hippopotames à partir d’une
pirogue et/ou d’un mirador a permis d’établir
leur actogramme journalier (Mensah, 2002 ;
Téhou et Sinsin, 1999 ; Onyeanusi, 1996). La
visite des champs, seul et en compagnie des
paysans, a permis de constater les dégâts en
vue d’essayer de les évaluer, d’observer les
moyens et méthodes de protection des
champs et d’apprécier leur efficacité.
Des entretiens semi-structurés et des
interviews à base de questionnaires ont permis
d’étudier l’ethnozoologie de l’hippopotame
(Ajayi, 1978 ; Asibey et Child, 1990 ; Bada,
1995). Au total, 108 personnes ont été
interrogées.
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Résultats et discussion
Distribution, structure et abondance
des hippopotames
La présence des hippopotames a été notée
dans les communes situées le long du fleuve
Mono et de la lagune côtière (Figure 1). Le
long du fleuve Mono, on distingue du Nord au
Sud, les communes d’Aplahoué, de
Djakotomey, de Lokossa, d’Athiémé et de
Grand-Popo dont la plus grande partie borde la
lagune côtière. C’est au niveau de ces
différentes communes qu’ont été rencontrés
des lacs, mares, étangs, affluents, fleuve et
lagune abritant des hippopotames soit de
façon saisonnière, soit de façon permanente.
Les hippopotames des zones humides des
départements du Mono et du Couffo peuvent
mener une vie solitaire mais ils vivent surtout
en groupe. Les petits groupes (2 ou 3
individus) prédominent dans les lacs, mares et
étangs dans lesquels la densité varie de 0,06
individu/km2 (Toho) à 7,5 individus/km2 (lac
Doukon). Ces densités n’ont pris en compte
que la superficie desdits plans d’eau. Il est
donc clair que si on prend en compte les aires
terrestres explorées par les hippopotames,
actuellement très peu maîtrisées, on
obtiendrait des densités plus faibles. Bien que
ces densités s’apparentent à celle des 4
individus/km2 signalée par Tembo (1987) en
Zambie, elles traduisent néanmoins un sous-
peuplement des habitats car Eltringham (1980)
avait remarqué que la population
d’hippopotames a accru de 5,40 à 25,35
individus/km2 dans certains parcs de
l’Ouganda.
Les groupes d’hippopotames atteignent 5
individus dans le fleuve Mono et parfois 10
individus selon les populations riveraines. Ce
grégarisme observé chez ces hippopotames
dans la zone d’étude paraît, à première vue,
une stratégie pour minimiser leur vulnérabilité.
En effet, on a constaté que ce sont les
animaux solitaires qui sont les plus facilement
abattus. Toutefois, plusieurs auteurs ont déjà
souligné que les hippopotames sont des
animaux grégaires capables de vivre en
groupes de 10 individus en moyenne (Fradrich,
1972). Fradrich (1972) a noté des groupes
importants de 20 à 30 individus dont il a
malheureusement déploré les conditions de
vie. Selon cet auteur, les individus de ces
grands groupes sont ceux qui migrent
régulièrement à la recherche d’autres mares et
étangs. C’est le cas qui s’observe au niveau du
fleuve Mono en période d’étiage où les
hippopotames se concentrent dans les mares
togolaises (Elia, Yébéssédji, Lotoé, Afimè,
Lagouè) qui disposent de quantités d’eau
appréciables pour leur immersion. Au Bénin,
seule la mare Djifri offre cet avantage aux
hippopotames. Les mares et étangs Nagla,
Kpondjimè, Dotchoè, Gbodo, Gbodji ne
peuvent être colonisés qu’en période de pluies
car ils s’assèchent plus vite en période sèche.
Par ailleurs, cette attitude des hippopotames
serait aussi renforcée par la pression dont ils
sont victimes sur la rive béninoise du fleuve
Mono. Ce constat a été effectué par Fradrich
(1972), Ghiglieri (1981) et Onyeanusi (1996).
Selon ces auteurs, bien que les hippopotames
soient des animaux sédentaires, leur migration
devient régulière dans les localités où le
braconnage et les conflits sont fréquents. Il a
été dénombré 30 hippopotames dans les
zones humides du Mono/Couffo au cours de
nos études. En 2001 (février à mai), Ago en
avait dénombré 41. Il est noté ainsi une
régression de l’effectif des hippopotames.
Cette diminution de la population
d’hippopotames peut s’expliquer de diverses
manières et ne peut pas être directement et
entièrement rattachée au braconnage. En
effet, cette fluctuation des hippopotames est
liée à la hauteur d’eau dans les différents plans
d’eau et on sait que ce paramètre (hauteur
d’eau) dépend à son tour des régimes des
crues et de la pluviométrie. Cette différence
notée au niveau des effectifs d’hippopotames
présage des vérifications. C’est pourquoi, il
doit être envisagé des inventaires de grande
envergure de concert avec la Direction
Technique du Ministère des Eaux, Forêts et
Chasses du Togo afin de dénombrer la
population d’hippopotames présente dans le
fleuve Mono et de maîtriser leur mouvement.
La période d’étiage du fleuve est le moment le
plus approprié pour ce dénombrement
terrestre.
Les effectifs obtenus par observations directes
sont différents de ceux obtenus par Ago (2001)
et ceci est dû au fait qu’on n’a pas suivi et
utilisé la même méthodologie. Néanmoins, les
effectifs obtenus à partir de nos résultats
d’enquêtes auprès des populations sont
analogues à ceux obtenus par Ago (2001).
Tous ces résultats, tout en constituant les
premières bases de données sur la population
des hippopotames, doivent être considérés
comme des chiffres approximatifs pour le
simple fait qu’il n’existe pas encore une
méthode de dénombrement appropriée pour
les hippopotames. A cet effet, Eltringham
(1993) met l’accent sur le fait que les
populations d’hippopotames sont souvent
estimées à partir de dénombrements partiels
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ou d’observations qualitatives. Cette situation
paraît d’ailleurs plus générale pour les grands
mammifères. Dans la Zone Cynégétique de la
Djona, divers auteurs ont estimé l’effectif des
éléphants dans les années 1991 et 1992
(Dauzan, 1991 ; Kidjo, 1992).
Régime alimentaire de l’hippopotame
Au total, 43 espèces appartenant à 16 familles
différentes sont consommées par les
hippopotames. La répartition par famille des
espèces consommées est présentée dans le
tableau 1.
Tableau 1. Répartition par familles des espèces végétales consommées
Famille des espèces
Espèces végétales consommées par les hippopotames
Nombre
Proportion ( %)
Amaranthacae
1
2,33
Aracae
1
2,33
Combretacae
2
4,65
Commelinacae
4
9,30
Cypéracae
8
18,60
Convolvulacae
2
4,65
Euphorbiacae
1
2,33
Graminae
13
30,23
Loganiacae
1
2,33
Malvacae
2
4,65
Papilionacae
3
6,98
Polygonacae
1
2,33
Pontédériacae
1
2,33
Rubiacae
1
2,33
Solanacae
1
2,33
Tiliacae
1
2,33
Total
43
100,00
De l’analyse des données du tableau 1, il en
ressort que les espèces de la famille des
Graminées (13 espèces) entrent pour un peu
moins du tiers dans la ration alimentaire des
hippopotames. Elles sont suivies de 8 espèces
de Cypéracées et 4 espèces de
Commelinacées entrant respectivement pour
moins du 1/5ème et du 1/10ème dans
l’alimentation de l’animal. Les 13 autres
familles ont des représentativités de moins de
7 %.
Les espèces végétales non cultivées les plus
communément consommées dans tous les
sites parcourus sont : Leersia hexandra,
Ipomea aquatica, Echinochloa pyramidalis,
Andropogon gayanus, Commelina erecta et
Paspalum polystachyum tandis que celles
cultivées et broutées sont : Zea mays, Manihot
utilissima, Ipomea batatas, Gossypium sp.,
Saccharum officinarum, Vigna sp., etc.
La mesure de la variabilité des espèces
végétales consommées au niveau des familles
a permis d’obtenir la valeur de H’= 3,27 pour
l’indice de diversité de Shannon et la valeur R=
0,60 pour la régularité de Pielou. De ces
résultats, on déduit que le régime alimentaire
des hippopotames reste bien diversifié dans la
zone d’étude et la valeur de R atteste que les
16 familles identifiées sont moyennement
consommées par les hippopotames.
On remarque cependant que 20,9 % des
espèces végétales consommées par les
hippopotames sont des espèces cultivées, ce
qui se traduit par l’accentuation des dégâts
enregistrés sur ces cultures. Delvingt et al.
(1990) trouvent que le mode de pâture des
hippopotames ne participe qu’à l’installation
d’autres groupements végétaux. Cependant,
pour témoigner des impacts négatifs des
hippopotames, Lock (1972) a observé que la
productivité herbagère et l’infiltration de l’eau
dans le sol se sont améliorées après cropping
d’hippopotames dans le Queen Elisabeth
National Park en Ouganda. Dans une autre
étude similaire, Delvingt et al. (1990) ont vu
augmenter le nombre d’éléphants, de buffles et
de waterbucks après cropping
d’hippopotames.
De toutes les façons, la dépendance des
hippopotames vis-à-vis de la végétation doit
lever le doute de la destruction de la flore par
ces animaux.
Les hippopotames ne restent pas seulement
bénéficiaires des atouts des végétaux car le
transfert important d’éléments minéraux qu’ils
opèrent des pâturages vers les écosystèmes
aquatiques contribue à une forte productivité
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
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de ces végétaux et de l’ichtyofaune qui leur est
inféodée. En outre, la quantité d’herbes
ingérée par jour par l’animal serait non
proportionnelle à son poids (Onyeanussi,
1996). Cet auteur défend sa position en se
basant sur la croissance continue des dents
(incisives et canines) constatée chez les
hippopotames. Il a également prouvé que
l’hippopotame est très sélectif au pâturage en
ne prélevant que les plantes riches en
cellulose, ce que Laws (1968) avait confirmé
plus tôt.
Actogramme journalier des
hippopotames
Deux groupes d’activités ont été notés chez
l’hippopotame : les activités quotidiennes et les
mouvements régulièrement effectués par
l’animal lorsqu’il rentre dans la masse d’eau.
Les activités quotidiennes se résument en la
nage, le repos, le sommeil, l’alimentation,
l’amusement, la défécation, le beuglement et le
bâillement. L’hippopotame est également
habitué à trois mouvements qui sont réguliers
et se succèdent généralement lorsque l’animal
se trouve dans l’eau : l’émersion, le souffle et
la secousse des oreilles.
L’analyse de l’actogramme journalier des
hippopotames montre que les hippopotames
se reposent le jour de 8 h à 17 h. Ils ne sont
intensivement en activité que la nuit ou
pendant les périodes moins ensoleillées. Ils
passent 55 % de la journée à se reposer, 21 %
à pâturer, 18,2 % à nager et 5 % du temps à
s’amuser (Figure 2).
A la lumière de cette occupation du temps, il
ressort que les hippopotames sont de mœurs
nocturnes, ce qui n’est pas sans raisons. Ce
comportement peut se comprendre chez les
hippopotames comme étant une recherche
permanente de fraîcheur; la température étant
à son minimum (autour de 22 °C) pendant ces
périodes d’activité des hippopotames dans la
région. Haltenorth et al. (1985) ont indiqué que
les températures comprises entre 18°C et
35°C sont les préférentielles des
hippopotames. En dehors de ce principe,
certains auteurs lient l’attitude nocturne de
l’animal au braconnage et à la présence
humaine, cependant la plupart voient ceci
comme étant un instinct naturel chez l’animal
(Haltenorth et al., 1985 ; Fradrich, 1992 ;
Onyeanusi, 1996). Cette dernière explication
paraît peu plausible car même dans les aires
protégées où l’animal n’est pas menacé, il ne
sort que vers 18h (Onyeanusi, 1996). A cause
de sa grande masse, les activités de l’animal
ont une grande demande en énergie. Pour ce
faire, il adopte une stratégie d’économie
d’énergie en se reposant plus qu’il ne travaille,
la perte d’énergie due directement au soleil
étant négligeable pendant la nuit. Cette thèse
explique mieux l’attitude nocturne de l’animal.
Aussi, la disposition de pâturage à proximité
des habitats à hippopotames peut être
rattachée à cette stratégie de réduction des
dépenses d’énergie. Toutefois, tel n’est pas
l’avis de certains auteurs qui ont vu des
hippopotames excéder des distances de 5 km
pour pâturer (Fradrich, 1972 ; Delvingt et al.,
1990) tandis qu’ils parcourent au maximum
200 m pour ces mêmes besoins vitaux dans
notre zone d’étude. C’est l’observation de
Onyeanusi (1996) qui va en accord avec notre
cas. Selon cet auteur, ce comportement
présente l’avantage de limiter les conflits entre
hippopotames et paysans.
On a identifié chez les hippopotames des
mouvements réguliers et corrélés : émersion,
souffle, et secousse d’oreilles. Le matin, les
hippopotames émergent en moyenne une fois
toutes les 2 minutes et une fois presque toutes
les minutes le soir. Ce mouvement serait dû à
un besoin de respiration aérienne qui
caractérise l’animal; la preuve est la corrélation
de ce mouvement avec le souffle chez
l’hippopotame. Le souffle lui permet non
seulement de respirer mais également de
signaler sa position; quant au mouvement de
secousse d’oreilles, on a constaté qu’il permet
à l’animal de chasser les mouches,
moucherons et autres insectes qui se posent
sur sa tête. Toutefois, Fradrich (1972) a
attribué ce mouvement au besoin de l’animal
de se débarrasser de l’eau qui couvre ses
oreilles a chaque sortie de l’eau. Concernant
les mouvements d’émersion et de souffle, cet
auteur les a surtout expliqués par le fait que
les hippopotames aiment signaler leur position
dans l’eau et ont besoin également de détecter
la présence possible d’ennemis dont le plus
dangereux reste l’homme. Néanmoins on
pense que cette étude à elle seule n’explique
pas la différence notée au niveau des
mouvements des hippopotames le matin et le
soir. La qualité de l’eau en ces deux périodes
expliquerait mieux cette différence. L’élévation
de la température de l’eau le soir par rapport
au matin serait aussi l’argument plausible qui
explique davantage ce constat.
Les beuglements sont plus fréquents chez les
hippopotames pendant deux périodes de la
journée. Les matins de 4 h à 8 h, chaque
animal émet en moyenne 5 beuglements avec
un minimum de 3 et un maximum de 7.
L’après-midi de 16 h à 20 h, on note en
moyenne 2 beuglements par animal avec un
minimum de 1 et un maximum de 4. On a lié
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ces nombres élevés de beuglements à
l’intensité des activités humaines sur le lac
pendant ces deux périodes. Peu d’auteurs ont
pu interpréter ce phénomène dans la littérature
(Fradrich, 1972), seul Onyeanusi (1996) l’a
abordé en l’attribuant à la présence de
touristes. Ce dernier affirme que ces
beuglements répétés représentent des signes
d’intimidation lancés avant le départ pour le
pâturage.
Interactions homme-hippopotame
Dégâts des hippopotames sur les activités
agricoles
Les dégâts des hippopotames se sont
intensifiés sur les cultures depuis les années
1990. Ils sont intenses en saison des pluies où
les hippopotames se dispersent. La forme et
l’intensité des dommages causés aux cultures
sont variables suivant les cultures et leur stade
phénologique. Les dégâts causés aux cultures
par les hippopotames résultent du piétinement
et de prélèvements alimentaires importants
ayant des conséquences néfastes sur la
production agricole. Les cultures sur lesquelles
les dégâts ont été enregistrés sont présentées
dans le tableau 2.
Les populations locales s’inquiètent de plus en
plus de l’incidence croissante des cas de
dévastation des champs par les hippopotames
au cours de ces dernières années. Ces
populations se demandent de plus en plus si
les hippopotames sont devenus tellement plus
importants que les hommes au point de leur
permettre de récolter les produits alors que les
paysans en manquent énormément. Il y a de
ce fait un appel continuel à l’abattage ou au
dégagement des hippopotames destructeurs.
Un peu moins du tiers des enquêtés ont
souhaité se débarrasser des hippopotames et
18 % demandent leur dégagement par les
structures chargées de leur conservation.
Tableau 2. Cultures endommagées par les hippopotames
Cultures
Proportion de personnes ayant enregistré
des dégâts par culture (%)
Mais (Zea mays)
81,48
Manioc ( Manihot utilissima)
62,96
Coton (Gossypium sp.)
62,50
Morelle (Solanum sp.)
40,74
Canne à sucre (Saccharum officinarum )
29,63
Crincrin (Corchorus olitorius)
29,63
Niébé ( Vigna sp.)
25,93
Arachide (Arachis hypogea)
18,52
Patate douce (Ipomea batatas)
16,40
Gombo (Lycopersicum esculentum)
14,92
Bananier (Musa sp.)
7,40
La dévastation des champs est devenue l’un
des problèmes de conservation les plus
pressants et les plus difficiles dans les zones
humides des départements du Mono et du
Couffo, compte tenu de l’augmentation de la
population humaine et de l’expansion des
terres arables ainsi que la possibilité de
croissance de la population d’hippopotames.
La quasi-totalité des enquêtés (95 %) ont
indiqué que la destruction de leurs champs ne
leur profite en rien ni en terme de protéine
animale ni en terme d’indemnisation en
espèces. C’est pourquoi ils estiment que les
hippopotames destructeurs devraient être
abattus car les moyens utilisés pour les
effrayer ne sont pas efficaces.
Selon les données recueillies lors des
enquêtes, la taille des champs est
extrêmement petite. La superficie moyenne
des champs dans toute la zone d’étude est de
0,7 ha par actif agricole (Hachimou, 2000) et
les champs visités dépassent rarement 1 ha.
Cette situation fait que même les dégâts à
petite échelle, sont durement ressentis par les
paysans. De plus, les champs sont émiettés et
situés à la lisière du fleuve Mono, lieu de
refuge des hippopotames. Ces champs sont
de ce fait, souvent à la merci de tout un tas de
ravageurs, y compris les hippopotames.
Les incidents de dévastation des cultures par
les hippopotames surviennent surtout sur les
cultures bien feuillues (maïs, manioc, coton) ou
prêtes pour la récolte (maïs). Les résultats
d’observation montrent que les hippopotames
n’attaquent que la nuit entre 21 h et 6 h, ce qui
les soustrait à l’influence humaine. Ceci est la
preuve que cet animal, en dépit de sa grosseur
craint bien l’homme. Cependant, ces dégâts
causés aux cultures par les hippopotames
comme c’est le cas avec les éléphants
d’Alfakoara au nord du Bénin (Kidjo, 1992 ;
Mama, 1998), constituent une menace
permanente et un danger potentiel pour les
champs compte tenu de leur petite taille. La
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conséquence immédiate du fait de l’absence
de méthodes adéquates de protection des
champs, de la capacité d’ingestion de ce
pachyderme et enfin du piétinement de la
végétation et du sol est la véritable perte des
récoltes d’une campagne agricole pour les
producteurs riverains et ceci déjà en seul
pâturage d’un groupe d’hippopotames si petit
soit-il. Une tendance pareille a été observée
dans le Parc national de la forêt Kibale en
Ouganda où Naugthton (1996) a constaté que
les champs les plus vulnérables étaient ceux
des cultures vivrières à petite échelle (< 1 ha).
Les résultats de nos observations permettent
de constater que les dégâts ne sont
concentrés que dans un rayon de 100 m le
long du fleuve et des circuits de migration des
hippopotames. Toutefois, certains paysans
cultivant en dehors de ces aires prétendent
avoir été victimes de dévastations intenses.
Cet état d’esprit serait probablement dû au fait
que les paysans espèrent recevoir des
indemnités considérables. En ce qui concerne
l’indemnisation des dégâts des animaux les
plus ravageurs, plusieurs auteurs ont suggéré
que les grands animaux sont toujours accusés
de façon disproportionnée (Bell, 1984 ;
Hawker, 1991) . Ce qui cadre bien avec
l’observation générale selon laquelle les
grands animaux reçoivent beaucoup
d’attention aussi bien en matière de gestion
que de revendication des paysans (Bell, 1984).
Toutefois, il est difficile d’évaluer les coûts
économiques directs de dévastation des
champs parce qu’il va falloir pour ce faire,
calculer le rendement escompté sans l’attaque
des hippopotames (Thouless, 1994). La
plupart des dégâts constatés portent à croire
que ceux-ci sont dus à une réelle recherche
d’alimentation de la part des hippopotames.
Certes, ils entrent probablement en contact
avec les champs au cours de leur migration
saisonnière naturelle. Il est évident que les
tendances migratoires observées actuellement
dans la zone d’étude soient aussi proches
d’une situation aussi naturelle que possible en
dépit des changements d’habitat dus à
l’intervention de l’homme.
Dans certaines localités (Toguèmè, Doukonta,
Togbadji) les mouvements d’hippopotames
sont concentrés le long des couloirs
traditionnels et dans d’autres zones telles que
les plaines d’inondation, ils apparaissent de
façon irrégulière. Les lacs, mares et étangs qui
abritent les hippopotames sont sûrement un
habitat préféré potentiel le long de l’itinéraire
migratoire des hippopotames. Cependant, on
ne sait exactement dans quelle mesure cette
expansion est due d’une part à l’augmentation
de la population d’hippopotames et d’autre
part, à la réoccupation des zones jadis
utilisées par les animaux.
Le conflit entre l’homme et l’hippopotame est
l’un des problèmes les plus inquiétants
actuellement pour la conservation des
hippopotames. La résolution de ce conflit est
l’un des défis urgents de la gestion et la
conservation des hippopotames dans les
zones humides de la zone d’étude. En outre,
l’absence d’une politique de la gestion du
conflit entre l’homme et l’hippopotame est l’un
des obstacles les plus sérieux à la solution du
problème. Cette politique de la gestion durable
des conflits devient de plus en plus
indispensable au niveau des zones humides
des départements du Mono et du Couffo.
Au niveau local, il est important de définir
clairement les zones de conservation des
hippopotames dans le cadre d’une politique
décentralisée et d’utilisation des terres; c’est-à-
dire qu’il est nécessaire de définir le parcours
actuel et, si possible, futur des animaux dans
le contexte d’un plan d’aménagement des
terres en cette période de décentralisation.
Des mesures politiques s’avèrent également
nécessaires pour faire face aux résultats des
conflits. Les responsabilités et les actions à
mener en cas de conflit doivent être clairement
définies. Enfin, pour que les populations
d’hippopotames survivent aux côtés des
populations humaines, elles ne doivent plus
être considérées comme des entités séparées
par rapport aux hommes avec lesquels elles
partagent aujourd’hui le même domaine vital.
Dommages causés aux activités de
pêche et à la navigation
Les plans/cours d’eau fréquentés par les
hippopotames sont souvent soumis à une
grande exploitation de la part des populations
riveraines. Cette utilisation des plans d’eau par
les hommes et les hippopotames a abouti à
une situation de compétitivité très marquée au
niveau de la lagune de Grand-Popo et des lacs
Doukon, Djètoè et Toho. Un peu plus du tiers
des personnes enquêtées ont été pourchassé
par les hippopotames au moins une fois sur
l’eau lors de la pêche ou de la navigation. Les
hippopotames détruisent de façon fréquente
les filets qui sont installés sur leur passage.
Ainsi, sur le lac Doukon au moins un filet est
détruit par jour et les pièges à poissons
installés sur les pâturages aquatiques des
hippopotames sont régulièrement détruits.
Dans la lagune de Grand-Popo, les dommages
aux engins de pêche diffèrent selon leur
nature.
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
31
Le filet à épervier est systématiquement
déchiré lorsqu’il enveloppe ou frotte les
hippopotames dans l’eau. Les filets Awlè et
Tohonga sont enlisés dans la vase par les
hippopotames de même que les nasses
installées au niveau des végétations flottantes.
L’Afohou, un engin à hameçons, est coupé et
emporté par les hippopotames. Selon les
utilisateurs de cet engin, la peau de l’animal
résiste à la pénétration des hameçons qui sont
parfois perçus sur le corps de certains
hippopotames. Certains pêcheurs auraient
abandonné la pêche à cause de la répétition
de ces incidents et d’autres évitent simplement
les pêches nocturnes. Les 40,74 % des
personnes enquêtées ont signalé la
destruction du filet Tohonga et les 37 % ont
indiqué celle du filet Awlè.
Les pirogues sont renversées par les
hippopotames lorsqu’ils sont touchés lors de la
navigation. 18,52 % des enquêtés ont subi le
renversement ou la cassure de leur pirogue.
Au niveau de la lagune et des lacs Toho et
Doukon, les pêcheurs qui ne disposent que de
petites pirogues ont dû abandonner les
activités de pêche pour se consacrer à leurs
champs.
A Grand-Popo où la pirogue est le moyen de
transport le plus usuel pour les pratiquants du
marché togolais Djoda, les populations ont dû
adopter de grandes barques.
Sur le tronçon Lokossa-Doukonta, les
populations sont régulièrement effrayées lors
de la traversée du tronçon par les
hippopotames allant ou revenant du pâturage.
Le même scénario se produit sur le tronçon de
voie bitumée Lokossa-Toguêmè où un
hippopotame a été percuté simultanément par
deux véhicules le 30 août 1998. Les véhicules
qui se suivaient avaient été sérieusement
endommagés et un chauffeur était blessé. Ce
même type d’accident a donné la mort à une
mère et son fils au cours de la présente étude
le 9 octobre 2002.
Braconnage des hippopotames
La zone d’étude devient de plus en plus un
espace dangereux pour l’hippopotame, non
seulement dans les cours d’eau qu’ils habitent,
mais aussi dans leur territoire d’alimentation.
Bien que l’animal entretienne avec les
habitants de certains villages des relations de
voisinage indifférent, il est habituellement la
proie pour d’autres qui, de ce fait, le traquent
par tous les moyens pour l’abattre. En réalité, il
n’est pas organisé une chasse à hippopotame
proprement dite, mais il existe des individus
reconnus pour leur savoir-faire en cette
matière.
Ainsi, il existe dans les localités de Dédékpoè,
Ahoho, Nakidahohoué, Djikpamè et Ewécondji
des gens reputés dans le braconnage de
l’animal. Ces gens reconnaissent leur succès
grâce à des spécialistes étrangers (ghanéens,
togolais). Il existe donc dans les localités ci-
dessus citées des techniques aussi bien
traditionnelles que modernes pour tuer les
hippopotames. On distingue des fusils
artisanaux et modernes, des fosses-pièges,
des flèches, de la dynamite, des embarcations,
des harpons, des projectiles et autres
munitions spécifiquement conçus pour tuer
l’animal.
Ces divers moyens ont permis d’enregistrer 27
cas d’abattage d’hippopotame dans la zone
d’étude depuis 1972. Ce résultat pouvant être
une sous-estimation, car plusieurs cas de
transfert d’hippopotames tués vers la rive
togolaise du fleuve sont signalés dans les
villages de Ahoho, Dédékpoé. Ce mouvement
peut être aussi inverse. Il dépend du pouvoir
d’achat de chaque localité. Le plus souvent,
des villages voisins se cotisent l’argent pour
s’approprier la viande.
Importance culturelle et socio-
économique des hippopotames
Il ressort de cette étude que l’hippopotame, par
tous ses organes reste d’une grande utilisation
dans la zone d’étude. Le fait que l’animal soit
vénéré dans plusieurs localités de la zone
d’étude constitue un atout important à utiliser
pour sa conservation. C’est ainsi qu’au Nigeria,
dans l’Etat de Sokoto, les habitants du village
Kalele sont arrivés à conserver avec succès
une population de 40 hippopotames (Afolayan,
1980). Ce succès provenait de la sacralisation
des hippopotames dans ladite localité. Ces
mêmes croyances culturelles ont permis de
conserver les hippopotames dans plusieurs
autres pays (Igboh, 1986). Jusqu’au siècle
dernier, dans la vallée Bisa, en Zambie,
l’hippopotame était un animal totem, qu’on
n’avait pas le droit de tuer ni de manger.
La viande d’hippopotame est appréciée de
diverses manières dans les localités visitées.
Pour la plupart des personnes qui l’ont
consommée (33,33 % des enquêtés), c’est la
variabilité de la saveur de cette viande qui les
a surtout marqués. Ce qu’il faut retenir à ce
niveau est que la viande de l’hippopotame a
probablement comblé un vide créé par
l’absence générale de gibier dans les zones
humides des départements du Mono et du
Couffo. Ce qui se comprend aisément dès lors
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
32
que 84 % des ruraux en Afrique de l’Ouest
tirent leur protéine animale de la brousse
(Asibey et Child, 1990).
Dans les localités visitées, la peau
d’hippopotame, par ses quelques utilisations,
peut être considérée comme moins valorisée
lorsqu’on se réfère à ce qu’on observe au
Nigeria. Ajayi (1978) a mentionné que diverses
parties de l’animal sont utilisées dans la
médecine traditionnelle pour guérir
l’hypertension, la lèpre et pour traiter la
malchance, l’ensorcellement et la stérilité.
Onyeanusi (1996) a estimé à 77,27 % le
pourcentage des habitants d’un village qui ont
consommé une fois la viande d’hippopotame
au Nigeria. Il a, en outre, constaté que la peau
de l’animal est très recherchée dans la
fabrication des sacs, chaussures et fouets, ses
dents étant utilisées pour fabriquer les
prothèses dentaires, et la graisse est très utile
dans la médecine locale.
Au vu de tout ce qui précède, on aperçoit que
les communautés locales de la zone d’étude et
celle d’Afrique en général ont une expérience
en matière de rentabilisation des
hippopotames. C’est un aspect à utiliser pour
la conservation dès lors qu’on peut trouver des
compromis pour rationaliser ces diverses
sortes de valorisation.
Conclusion et implications
La présente étude rend ainsi disponible une
banque de données scientifiques
préalablement inexistante sur les
hippopotames au Bénin en général et dans les
zones humides du Mono et du Couffo en
particulier.
Il s’est avéré au terme de cette étude que les
hippopotames des zones humides du Mono et
du Couffo sont pour la plupart migrateurs et
leurs mouvements sont très étroitement liés à
trois (3) facteurs :
La saisonnalité des crues qui est liée au
régime des pluies ;
La présence des cultures agricoles qui
reste également fonction des pluies ;
La pression humaine qui se manifeste
de diverses manières : braconnage,
destruction d’habitat, compétition pour
l’utilisation de l’espace aquatique et
l’attribution d’étiquettes fictives.
L’influence de l’anthropisation des habitats et
les effets de voisinage sont les facteurs qui
concourent à la naissance et la persistance
des conflits hippopotame-homme dans la zone
d’étude. Les conséquences sont
dommageables aussi bien pour les
hippopotames que pour les hommes :
diminution des récoltes agricoles et ses
corollaires ;
climat d’insécurité sur les aires
d’occupation des hippopotames ;
décimation de la population
d’hippopotames ;
pertes en vies humaines.
En se basant sur les résultats de la présente
investigation, il est à noter que les zones
humides comme tous les milieux naturels ne
sont pas immuables. De ce fait, un équilibre
durable doit être recherché entre les
possibilités de production à finalité
économique et le maintien de ces
écosystèmes fragiles. C’est pourquoi, à côté
des actions de conservation de la faune
sauvage, de multiples mesures
d’accompagnement et gestion doivent être
recherchées.
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Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
36
Etude et valorisation des potentialités endogènes des tortues marines dans le
sud–ouest du Bénin
S. J. DOSSA5, G. A. MENSAH6 et A. P. LALEYE7
Résumé
Le présent article porte sur la présence des tortues marines dans la médecine traditionnelle et dans la
culture des peuples côtiers du Sud-Ouest du Bénin. Il vise à mieux cerner à travers une approche
d’enquête sociologique, les potentialités traditionnelles des tortues marines et les valeurs qu’elles
sous-tendent dans la vie des ethnies côtières du Bénin. Cent quatre vingt deux personnes, toutes
couches sociales confondues ont été interviewées pour recueillir plusieurs types de données sur les
tortues marines dont entre autres les données ethnozoologiques. A l’issue de ces travaux,
l’importance des tortues marines dans la pharmacopée traditionnelle, les mythes, les croyances et le
culturel a été déterminée. Il ressort de l’analyse de nos résultats de recherche que les tortues marines,
tout en participant à l’équilibre écologique global des écosystèmes, interviennent de diverses
manières dans la vie des populations côtières du Bénin et on peut citer entre autres : la médecine
traditionnelle (usage dans la pharmacopée) ; la sécurité alimentaire (source de protéines et de
revenus des populations) ; le plan culturel et religieux (croyances, interdits et légendes). Ces diverses
valeurs traditionnelles peuvent être utilisées comme éléments convaincants de motivation pour
conscientiser les populations riveraines encore insensibles au contenu des textes juridiques, à la
problématique de la sauvegarde de ce groupe faunique menacé de disparition. Aussi, l’exploitation de
ces valeurs va-t-elle au-delà des populations locales et se révèle profitable pour l’humanité toute
entière.
Mots clés : Tortues, sauvegarde, médecine traditionnelle, pharmacopée, écosystème, sécurité
alimentaire, croyances, Bénin.
Study and valorization of endogenous potentialities of sea turtles in the coast
of South-western Bénin
Abstract
This article relates to the presence of sea turtles in traditional medicine and culture of coastal people
of South-West of BENIN one. It aims to better encircling through an approach of sociological
investigation, the traditional potentialities of sea turtles, and the values which they underlie in the life of
coastal ethnos groups of Bénin. One hundred and eighty-two people, all social layers confused were
interviewed to collect several types of data on sea turtles including inter alias the ethnozological data.
With the exit of this work, the importance of sea turtles in the traditional pharmacopoeia, in myths, in
beliefs and the worshipper was given. It arises from the analysis of our results of research that sea
turtles, while taking part in the total ecological balance of the ecosystems, intervened in various ways
in the life of coastal populations of Bénin and one can quote: Traditional medicine (use in the
pharmacopoeia); Food safety (source of protein and in comes of populations); The cultural and
religious plan (beliefs, prohibited and legends). These various traditional values can be use for the
bordering populations still insensitive with the contents of the legal texts, to become aware of the
safeguard problematic of this faunal groups threatened of disappearance. Also, the exploitation of
these values goes it beyond of the local populations and appears advantageous for very humanity.
Key words: Sea turtles, safeguard, traditional medicine, pharmacopoeia, ecosystem, food safety,
Bénin.
5 Université d’Abomey-Calavi, E-mail : justicoul@yahoo.fr
6 Institut des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB), E-mail : gamensah2002@yahoo.fr
7 Laboratoire d’Hydrobiologie et d’Aquaculture, Université d’Abomey-Calavi, E-mail : phlaleye@firstnet.bj
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
37
Introduction
L’importance des tortues marines est connue
depuis des décennies et des actions de leur
protection et de leur conservation sont
envisagées et menées dans tous les pays de
leur aire de répartition pour freiner voire
enrayer les menaces pesant sur elles.
Cependant, la multiplicité et l’ampleur de ces
menaces confèrent toute leur complexité à la
sauvegarde de ces animaux. Toutefois, il faut
bien les protéger pour pouvoir mieux les
exploiter d’autant puisqu’il semblerait que les
tortues marines à l’instar de plusieurs autres
espèces auraient bien des vertus surtout
thérapeutiques. C’est d’ailleurs dans ce sens
que la convention sur la diversité biologique
stipule que « la valorisation des connaissances
et pratiques traditionnelles dans les domaines
de l’exploitation de la diversité biologique
comme par exemple la médecine traditionnelle
est nécessaire (Anonyme, 1999).
Cependant, contrairement à la flore, l’utilisation
médicinale de la diversité faunique est moins
abordée dans le domaine scientifique malgré
le potentiel endogène que regorge cette
dernière. C’est exactement la situation des
tortues marines dont les divers organes,
produits et sous-produits (membres,
carapaces, os, viande et graisse) entrent dans
la préparation des médications que les
féticheurs, les guérisseurs et les tradi-
praticiens utilisent et que même le commun
des populations locales reconnaît. Cependant,
elles n’ont jamais fait l’objet d’une étude
scientifique dans ce sens. Il en est de même
pour ces animaux qui ont une place
indispensable dans la culture de divers
groupes ethniques et dont l’histoire remonte à
un passé lointain. Il est donc primordial
d’évaluer les potentialités endogènes de ce
patrimoine universel encore mal connu et déjà
menacé afin de déterminer leurs implications
scientifiques pour promouvoir une exploitation
durable et à bon escient par la population
humaine toute entière. C’est ce qui justifie le
bien fondé de cet article qui vise
principalement à évaluer les potentialités
endogènes des tortues marines dans le Sud-
Ouest du Bénin en vue de faire des
propositions pour leur valorisation.
Milieu d’Etude
L’étude s’est déroulée dans la Commune de
Grand-Popo au Sud-Ouest du Bénin. Située
entre les parallèles 6° 15’ et 6° 25’ de latitude
Nord et 1° 40’ et 1° 55’ de longitude Est,
Grand-Popo est limitée au Nord par les
Communes de Comè, Houéyogbé et Athiémé ;
au Sud par l’océan Atlantique ; à l’Est par la
Commune de Kpomassè et la Commune de
Ouidah et à l’Ouest par la République du Togo.
Elle couvre une superficie de 289 km² pour
une population de 40.335 habitants soit 140
habitants / km² (INSAE, 2003). Elle administre
sept arrondissements dont trois (Avloh, Grand-
Popo et Agoué) partagent leur limite sud avec
l’océan atlantique et ont fait l’objet de notre
étude. La carte de la figure 1 présente la
localisation de cette zone.
Située entre la lagune côtière et la mer, la ville
de Grand-Popo draine une population
considérable de pêcheurs et est constituée
essentiellement par les Xwla et les Guein ou
Mina. Les religions traditionnelles avec 62,9 %
de la population dominent les autres
confessions religieuses. Les totems et tabous
sont fonction des divinités vénérées par les
adeptes. Toutefois, l’Iroko, le Python de SEBA,
la silure noire (clarias) sont des tabous
répandus dans toute la Commune.
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38
#S
#S#S
#S
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#S
#S
#S
#S
#
#
#
#
#
#
#YGRAND-POPO
Avlo
Saz u é
Ago ué
Adj aha
Gb éhoué
Djang lanm e y
Tala
Saka
Hêvè
Koho
Gnito
Sohon
Gbècon
Logov è
Vodomey
Loko kpo
Gbéhawa
Kpodavé
Kpov idji
Zogb édji
Kpohinto
Saliga to
Hankandji
Gountoèto
Toklanhon
Kotokolli
Dinblinkp a
Tokpa -Aïzo
Ewé C ondji
Avlo Plage
Sèho-C ondji
Hila-Condji
Ayé Gu inno u
Yodo Con dji
Honkouïhoué
Djon dji Pla ge
Gbef fa S èkanmé
Azia nkou
Condji
Plélouv i-Cond ji
Agbotomé
Tolébékpa
Awalé Pla ge
Agbolantomey
Todjonouk oin Aguia-Condji
Tong ninviadji
Tokpa -Ahlan vè
Nicoué Co ndji
Houédénou
Condji
ALIB OR I
ATACORA
BOR GOU
DONGA
COL LINE S
ZOU P LATEAU
OUE ME
COUFFO
MON O COT O NOU
ATLA NT IQU E
7°
8°
9°
10°
11°
12°
1°
1°
2°
2°
3°
3°
BURK IN A FAS O
TOG O NIG ERI A
>
6°15'6°20'6°25'
1°40'
1°40'
1°45'
1°45'
1°50'
1°50'
1°55'
1°55'
NIG ER
CO MM UNE DE CO ME
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0 6 Km
24
Pla n d'e au
Rou te revêtu e
Rou te n on rev êtue
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Cou rs d'eau princ ipal
Cou rs d'eau seco ndai res
Lim ite d'Eta t
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Che f-lieu de c om mune
#
YChe f-lieu d'ar ron disse me nt#Villages#S
Carte de localisation de la commune de Grand-Popo
Sou rc e : C EN AT EL
Réal isa ion : J us tin e S . D O SS A
TOGO
Figure 1 : Localisation de la zone d’étude
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
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Méthodologie
La collecte des données s’est déroulée pendant
quatre mois. Les données recueillies au cours
de cette période sont basées sur des
questionnaires élaborés à cet effet.
Une phase de pré-enquête a consisté à prendre
contact avec les pêcheurs maritimes afin de
s’imprégner de leur organisation pour établir une
base d’échantillonnage. Elle s’est poursuivie par
l’identification des guérisseurs, féticheurs et
notables de la zone pour finir par une enquête-
test auprès de quelques personnes afin de voir
leur capacité à réagir par rapport aux questions.
Nous avons pu parcourir tous les vingt et un
villages côtiers de la Commune et nous avons
interviewé 182 personnes toutes couches
sociales confondues parmi lesquelles figurent
essentiellement 80,22 % de pêcheurs maritimes
et 15,93 % d’Agents de protection.
Trois méthodes ont été utilisées à savoir : les
entretiens structurés, les entretiens semi-
structurés et l’observation participante. Les
entretiens se tiennent soit chaque jour dès le
retour de la pêche, soit les jours de « Glatin »
(jour de repos obligatoire des pêcheurs
maritimes en milieu Xwla) sur rendez-vous. Les
questions sont administrées oralement,
individuellement à chaque enquêté. Chaque
entretien dure au plus quinze minutes.
Beaucoup d’autres entretiens de type informel
ont été réalisés pour compléter les entretiens
structurés. Aussi, avons-nous pu rencontrer des
chefs de village, des chefs féticheurs et
quelques notables des villages. Un parcours des
deux marchés les plus importants de la zone
(marché de Grand-Popo et celui de Djoda) et du
marché international du Bénin (Dantokpa) nous
a permis de compléter les données sur la
commercialisation des sous-produits des tortues
marines utilisés à des fins pharmaceutiques et
dans le Vodoun.
Résultats
Divers groupes ethniques de la zone d’étude ont
développé différentes sortes de relations avec
les tortues marines. Ces relations se
manifestent sur les plans alimentaire, socio-
économique, socio-culturel et pharmaceutique.
Valeurs alimentaires des tortues marines
Dans la Commune de Grand-Popo, nombre de
personnes placent la viande des tortues marines
au premier rang et avouent qu’il s’agit de la
viande la plus intéressante et la plus riche en
éléments nutritifs qu’elles aient consommée
dans leur vie. Ces personnes pensent qu’il s’agit
d’une viande qui se prête à toute sorte de
préparation et il en est de même pour leurs
œufs qui combattent, de par leurs qualités les
œufs des volailles. Les résultats de nos
investigations ont révélé que parmi les
personnes qui consomment la viande des
tortues marines, 60,45 % sont des Xwla, 33,33
% des Guein (Mina) et le reste constitue les
Awlan (Ghanéens) et des founs (figure 2).
Figure 2. Proportions des ethnies consommant la viande
Valeurs socio-économiques des tortues
marines
Les tortues marines, de par leur taille et le
nombre total d’œufs qu’une femelle pond en une
fois, constituent une importante source de
revenu pour les populations locales et parient en
partie à la pauvreté paysanne dans les zones
côtières du Bénin.
En effet, dans la zone d’étude, divers organes
des tortues marines et surtout l’huile de la
tortues luth (Dermochelys coriacea) du fait de
leurs nombreuses vertus sont recherchés tant
par les autochtones que par les étrangers, et
60,49%
33,33%
1,23%
3,70%
1,23%
Xwla
Mina
Ewé
Awlan
Autres
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
40
font l’objet d’un véritable commerce clandestin.
Nos résultats de recherche nous permettent de
dire que les divers produits et sous-produits des
tortues marines continuent d’être vendus dans
les marchés de la place et c’est cela qu’illustre
la photo 1 prise dans le plus grand marché du
Bénin (Dantokpa).
Les déclarations des populations par rapport
aux prix des différents produits des tortues
marines nous ont permis d’établir la valeur
locale d’une tortue marine pour les peuples
côtiers de Grand-popo à travers le tableau 1.
Un examen de ce tableau nous permet de dire
que le coût d’une tortue marine, que ce soit une
tortue luth ou une chéloniidée, apparaît très
significatif et permet de satisfaire beaucoup de
besoins dans la misère paysanne. Les
populations considèrent les tortues marines
comme étant un don gratuit que la nature leur
offre. Cette manière de voir la ressource par les
riverains Popo, sans penser un instant que «ce
don» est un trésor tarissable qui pourrait finir un
jour si l’on ne l’exploite pas rationnellement,
contraste les actions de sensibilisation de ces
groupes et une étude sociologique doit être
envisagée en vue d’identifier par quels moyens il
faut les amener à acquérir la cause.
Un dernier élément versé au dossier socio-
économique des tortues marines à Grand-Popo
concerne les interactions tortues marines–
pêcheurs. En effet, certains pêcheurs sont
persuadés que les fientes des tortues marines
sont très riches en éléments nutritifs appréciés
par les bancs de poissons qui se déplacent dans
la même direction que les tortues marines. Pour
certains, lorsque la femelle tortue avance vers la
côte pour pondre, elle libère le liquide
amniotique qui apparaîtrait très nutritif et
augmenterait la prolificité chez les poissons qui
les suivent vers la côte. Ces deux interactions
tortues–pêcheurs sont très profitables pour les
pêcheurs marines artisanaux car les tortues
marines feraient procréer les poissons et les
attiraient vers la côte.
Photo 1: Vente de produits animaux au marché Dantokpa au Bénin: remarquer une carapace de tortue
marine sur les étalages (Cliché : J. DOSSA)
Tableau 1: Estimation de la valeur locale d’une tortue marine
Espèces
Produits
Quantités
Prix unitaire
(F CFA)
Coût
global
Valeur locale
(F CFA)
Tortue luth de 500 kg
Huile
(carapace)
30 litres
2000
60000
161.500
Viande
400 kg
250
100000
Crâne
1
500
500
Oeufs
100
10
1000
Chéloniidé de 50 kg
Carapace
1
1000
1000
26.500
Viande
30 kg
250
24000
Crâne
1
500
500
Oeufs
100
10
1000
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Valeurs socioculturelles des tortues
marines
Bien qu’une partie non négligeable des
populations de la zone d’étude consomme et
apprécie la viande des tortues marines, les
39,55 % de ces populations vénèrent les
tortues marines. La figure 3 traduit la
répartition des diverses ethnies vénérant les
tortues marines dans le Sud-Ouest du Bénin.
Il se dégage nettement de l’analyse de cette
figure que ce sont les Guein (Togo) et les
Adan (Ghana) qui ont principalement
développé des interdits autour de ces espèces
et une compréhension de l’origine de leur
histoire s’avère indispensable. Nous avons
indiqué dans le tableau 2 les noms locaux des
tortues marines dans les deux principaux
dialectes de la zone d’étude.
Les pêcheurs Adan (Ghanéens) auraient été
sauvés par une tortue luth Dermochelys
coriacea suite à un naufrage de leur barque.
Ladite tortue aurait transporté les ancêtres sur
sa dossière jusqu’à la plage. Chez ces ethnies
les tortues marines sont marquées par un
tabou et ne sont ni tuées, ni consommées. Ces
populations offrent un culte aux tortues et
procèdent à des rituels et des sacrifices
lorsqu’une tortue s’empêtre accidentellement
dans leurs filets et meurt. Pour les Adan et
même certains togolais, la consommation de la
viande de tortues marines apporte un malheur
et ces peuples n’acceptent pas des
compagnons qui mangent cette viande à bord
de leur barque pour la pêche, histoire d’être
victime d’un accident en mer ou d’une
mauvaise pêche.
Tableau 2 : Noms vernaculaires des tortues marines dans les deux principaux dialectes de la zone
d’étude
D’autres pêcheurs originaires du Togo ont
porté à notre connaissance une légende
similaire selon laquelle les tortues marines
constituent un dieu qui aurait orienté leurs
ancêtres pêcheurs perdus en haute mer en
période de brouillard et les ont guidés jusqu’à
la côte. Ces actions généreuses des tortues
marines ont amené ces diverses
communautés à développer des totems pour
ces espèces.
Sur le plan spirituel, les tortues marines
représentent le fétiche (Gueinyêhoué ou
Espèce de tortue marine
Nom vernaculaire chez les ethnies
Mina
Xwla
Lepidochelys olivacea*
“Eklo” (Tortue à carapace)
“Eklo” (Tortue à carapace)
Dermochelys coriacea
“Agbossêguê” (la plus géante)
Ehou”
Figure 3. Proportions des ethnies vénérant les tortues marines dans la zone d’étude
3,60%
47,06%
21,35%
28,09%
Xwla
Guein
Ewé
Adan
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
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fétiche des Guein) des adeptes (« Mamissi »)
de « Mamiwata », la déesse de la mer. Selon
les croyances de ces derniers, les tortues
marines constituent un moyen de déplacement
en mer. C’est dans ce même sens qu’un
adepte du tonnerre dans le village de Gbècon,
utilise les crânes des tortues marines pour
constituer ses idoles qu’il attache à la hanche
afin de jouir de la protection de ces animaux
(photo 3).
Il faut enfin, signaler que d’autres pensées
superstitieuses s’animent autour des tortues
marines. En outre, certains expliquent que la
montée sur plage d’une tortue marine est
annoncée par des éclairs dans le ciel ainsi que
la phase lunaire ou du moins la position de la
lune dans le ciel permet de se rendre compte
de la montée sur plage d’une tortue marine au
cours d’une nuit. D’autres encore sont
persuadés que l’émergence des nouveau-nés
des tortues marines est provoquée par le bruit
du tonnerre et que leurs œufs donneraient
naissance à d’autres animaux dont des
serpents, des varans, des crocodiles…
Valeurs médicinales des tortues
marines
Dans les communautés africaines, médecine
traditionnelle et pratiques animistes
appartiennent à un même ensemble. Les
guérisseurs traditionnels sont pour la plupart
du temps des féticheurs. La diversité des
utilisations faites des produits et sous-produits
des tortues marines témoigneraient de
l’efficacité des vertus que possèderaient ces
animaux. En effet, au Sud-Ouest du Bénin,
graisse, carapace, os et même la chair des
chéloniens entrent dans la préparation des
médications que les populations locales
utilisent. Le tableau 3 résume quelques usages
de ces produits et sous – produits des tortues
marines en fonction des recettes identifiées
par les enquêtés de la zone.
Un examen de ce tableau nous permet de dire
que l’huile de Dermochelys coriacea (tortue
luth) à elle seule aurait plus d’une quinzaine de
recettes et toutes les populations interviewées
ont avancé la même version quant à ses
usages. La technique traditionnelle d’extraction
de cette huile (photo 3) consiste à exposer une
carapace de cette espèce au soleil sur une
potence construite à cet effet. La carapace est
inclinée avec la partie caudale vers le bas. Une
cuvette est placée en bas pour recueillir l’huile
provenant de la fonte des quantités de tissus
adipeux que comprend la carapace de cette
espèce. Selon les déclarations des populations
locales, plus d’une quarantaine de litres d’huile
est récupérée d’une seule carapace et est
conservée dans des bouteilles pour la vente et
pour les divers usages.
Photo 3 : Extraction de l’huile de la tortues luth sur la cour d’une maison à Avloh-plage
Vue arrière de la carapace sur potence
Récipient contenant l’huile en avant-plan
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
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Tableau 3: Quelques usages des produits et sous-produits des tortues marines dans la Commune
de Grand-Popo
Produits et
sous-produits
de la tortue
marine
utilisés
Méthodes de préparation
Maladies traitées / Vertus
Taux de
déclaration
de la
recette
(%)
Huile de la
tortue
luth
Mélangée avec du miel
Convulsions chez enfants et adultes en cas des
crises tétaniques, la tétanie, l’épilepsie
67,07
Fièvres très élevées chez les enfants
1,83
Crises asthmatiques
4,27
Toux
4,27
Frissons et crises cardiaques
1,22
Bronchite (faire vomir la mauve)
3,05
Maux de ventre
1,22
Congestion par poison
0,61
Mélanger avec autre
mixture*
Plaies incurables
1,22
Pure
Substitution de l’huile de foie de morue dans ses
multiples fonctions
9,15
Courbatures (Massage)
4,27
Mélanger à des
ingrédients*
Palpitations
0,61
Maladies vénériennes
1,22
Rougeole
0,61
Carapace
Broyer et mélanger à
d’autres ingrédients*
Paralysie des membres
0,61
Carapace et
os
Accélérer le développement du squelette et la
musculature chez l’enfant
0,61
Accélérer le développement du squelette, le
relèvement et la marche chez les enfants
0,61
Pattes
Traiter et ajouter à des
ingrédients*
Anéantir les attaques chimiques, l’envoûtement en
mer,
0,61
Anéantir les attaques de "chacatou"
0,61
Tout organe
Apporte la chance favorise les bonnes prises en mer
0,61
*L’imprécision des ingrédients utilisés dans les diverses préparations résulte de l’occultation des
recettes par certains guérisseurs traditionnels et chefs féticheurs.
Discussion
Les valeurs endogènes ethnozoologiques des
tortues marines au Sud-Ouest du Bénin
revêtent une importance capitale dans la
conservation de ces animaux et méritent une
étude approfondie pour leur valorisation. Sur le
plan socio-économique, les diverses inter-
actions entre l’ichtyofaune et les tortues
marines, évoquées par les populations et bien
d’autres relations trophiques qui prouvent que
l’extinction de la population de tortues marines
implique une diminution des poissons et par
conséquent de très mauvais rendements en
pêche maritime ; sont des arguments qui
apparaissent très sensibles pour convaincre
les riverains à prendre conscience du risque
qu’ils courent en tuant ces bêtes et en
mangeant leurs œufs. La plupart des
braconniers étant des riverains pêcheurs ou
membres des familles de pêcheurs maritimes.
D’ailleurs, ces populations ont compris et
expliquent qu’il existerait nécessairement une
interaction entre les tortues marines et les
poissons c’est pour cette raison que la
principale saison de pêche maritime se
superpose à la période de nidification des
tortues marines sur la côte béninoise.
En ce qui concerne les valeurs
socioculturelles, les diverses pensées
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
Numéro 53 – Septembre 2006
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superstitieuses et pratiques animistes
développées autour des tortues marines
pourront être également utilisées autrement
dans les actions de sauvegarde de ce groupe
zoologique. En effet, c’est le premier mode de
conservation endogène des tortues marines au
Bénin : la sacralisation ou vénération des
tortues marines par les populations.
La sensibilisation des populations locales sur
la sauvegarde de ces espèces menacées
d’extinction doit partir de ces points focaux qui
constituent un intérêt pour ces populations
pour les motiver et convaincre. On doit leur
montrer l’intérêt que leur rapporte la
sauvegarde des espèces fauniques, qu’en fait,
il s’agit de leur patrimoine socioculturel et
qu’après tout elles en sont les premières
bénéficiaires. Par là on pourra montrer aux
populations qu’elles gagneront plus en
assurant la survie à long terme des tortues
marines qu’en les tuant au hasard pour un gain
économique à court terme.
Sur le plan de la pharmacopée traditionnelle, il
y a quelques imprécisions dans les méthodes
thérapeutiques et des ingrédients associés que
nous avons cités du fait de leur occultation par
certains féticheurs et guérisseurs qui ont été
peu réticents dans la livraison des secrets. Nos
résultats dans ce domaine restent donc
quelque peu incomplets. Toutefois, les
utilisations médicinales identifiées dans ce
travail se retrouvent dans les travaux de
FRETEY et al. (2002) à quelques variantes
près pour les mêmes maux sur tout le long de
la côte de l’océan Atlantique, du Cameroun au
Sénégal. C’est vraiment dommage que la
question ait été très peu abordée par les
scientifiques.
Jusqu’à nos jours, aucune étude
pharmacologique n’a jamais été menée de
façon cartésienne et expérimentale afin de
démontrer l’efficacité ou l’effet placebo des
divers produits issus des tortues marines et
utilisés par les tradi-praticiens (FRETEY et al.,
2002). Or, la nature ne livre ses secrets
qu’avec parcimonie et nul ne peut savoir ce
dont nous aurons besoins demain pour
progresser davantage. Qui aurait pu penser au
siècle dernier que les chimpanzés, les
Cynocéphales, les chevaux ou les souris
seraient un jour indispensables pour fabriquer
les sérums et les vaccins ? (RAYNAUX &
GEORGY, 1969). Il serait donc indispensable
de penser à une étude pharmacologique sur
les tortues marines.
Aussi, faudra –t– il ajouter que les arguments
avancés par les populations locales quant à la
substitution de l’huile de la tortue luth à l’huile
de foie de morue vendue dans les pharmacies
méritent réflexion. D’ailleurs, la question est à
tous les niveaux importante au point où l’on
pourrait penser créer un domaine spécifique
pour la pharmacologie sur les tortues marines
(la Chélonio-pharmacologie) afin de déterminer
les principes actifs des divers produits et enfin
proposer des produits équivalents de
substitution et à moindre coût pour détourner
l’attention des populations riveraines de
l’utilisation anarchique de ces animaux, un
profit planétiare.
Conclusion et implication
Les tortues marines, espèces menacées de
disparition et protégées sur le plan
international, en dehors de leur importance
dans l’équilibre des écosystèmes, ont une
place indispensable dans l’existence de
chaque groupe ethnique de leur aire de
répartition et méritent une vision particulière.
C’est ainsi que ces animaux, de même que
leurs produits et sous – produits interviennent
dans la superstition, la culture, la religion et la
pharmacopée traditionnelle des populations de
la côte Sud-Ouestdu Bénin.
Les résultats de nos travaux de recherche
nous ont permis d’évaluer le rôle de ce groupe
zoologique dans la vie des populations
côtières béninoises sur tous les plans sus–
cités. Enfin, soulignons que les populations
rurales constituent une bibliothèque vivante,
ambulante et éteignant. Une réflexion
concertée est indispensable de la part des
particuliers, chercheurs, conservateurs en
association avec ces populations pour tenter
de rechercher l’implication scientifique de ces
potentialités endogènes et par conséquent les
faire jouir à l’humanité toute entière.
Références bibliographiques
Anonyme, 1999. La Convention sur la biodiversité ; version grand public. 11 pages
Fretey , J. ; Segniagbeto, G. H. & Soumah, M. 2002. Présence des tortues marines dans le Vaudou, la pharmacopée et les
mythes ouest- africains. 8 pages.
INSAE, 2003. Quelques résultats du troisième Recensement Général de la population et de l’Habitation (RGPH, 2002).
Ministère chargé du plan, de la prospective et du développement / INSAE. 17 pages.
Raynaud, J. & Georgy, G. 1969. Nature et Chasse au Dahomey. 121 pages.
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Etude de l’écologie du porc-épic (Hystrix cristata) et de son régime alimentaire
en milieu naturel
C. T. B. OUSSOU8, G. A. MENSAH9 et B. SINSIN12
Résumé
Des observations préliminaires sur l’écologie et le régime alimentaire du porc-épic (Hystrix cristata) en
milieu naturel ont été faites dans le Nord-Bénin. L’étude de l’écologie a été réalisée par la prospection
des zones de prédilection du porc-épic et l’identification de leurs terriers sur la base des indices de
présence (piquants, empreintes et crottes). L’étude du régime alimentaire a été effectuée par des
observations directes sur le terrain et à partir des enquêtes auprès de 61 chasseurs. Les outils utilisés
sont des guides d’entretien et des interviews. L'étude de l'écologie montre que le porc-épic fréquente
plus les savanes et les jachères. Il affectionne les sols à gravillons et les affleurements rocheux. Il loge
dans des terriers abandonnés par d’autres animaux ou des terriers qu’il creuse. Ces terriers sont de
formes et de dimensions variables (1,5 à 5,0 m de profondeur) avec des compartiments ou non. Le
régime alimentaire est essentiellement phytophage et les espèces végétales entrant dans
l’alimentation du porc-épic sont : les racines de Manihot esculenta et de Cochlospermum sp, les
tubercules de Discorea sp et de Ipomea batatas, les feuilles de Boerhavia sp, de Manihot esculenta et
de Lactua sativa, les grains de Zea mays et de Sorghum sp, les fruits mûrs de Annona senegalensis,
de Vittelaria paradoxa et de Psidium guajava.
Mots clés : Ecologie, régime alimentaire, savane, jachère, phytophage, Bénin.
Ecology and diet study of the porcupine (Hystrix cristata) in natural
environment
Abstract
Preliminary observations on the ecology and the diet of the porcupine (Hystrix cristata) in the natural
environment were made in Northern Bénin. The ecology study was carried out by the prospection of
the predilection zone of the porcupine and the identification of their burrows on the basis of index of
presence (prickles, prints and droppings). The study diet was carried out by direct observations on the
ground and starting from the enquiries 61 hunters. The tools used are the interview guides and the
interviews. The ecology study showed that the porcupine attends more savannas and the fallows. It is
attached to the gravelled grounds and rock exposures. It takes rest in burrows given up by others
animals or burrows which it digs. These burrows have variable forms and dimensions (from 1.5 to 5.0
m of depth) with or without compartments. The diet is primarily vegetarian and the vegetable species
used in the porcupine food are: roots of Manihot esculenta and Cochlospermum sp, tubers of Discorea
sp and Ipomea batatas, sheets of boerhavia sp, Manihot esculenta and Lactua sativa, grains of Zea
mays and Sorghum sp, Annona senegalensis, Vittelaria paradoxa and Psidium guajava fruits.
Key words: Ecology, diet, savanna, fallow, vegetarian, Bénin.
8 Laboratoire d’Ecologie Appliquée, Faculté des Sciences Agronomiques, Université d’Abomey-Calavi, 01 BP 526 Recette
Principale, Cotonou (Bénin), E-mail : briticoss@yahoo.fr, bsinsin@cnfc.bj.refer.org, bsinsin@bj.refer.org
9 Dr Ir. Guy Apollinaire Mensah, Maître de Recherches au CAMES, Centre de Recherches Agricoles d’Agonkanmey, Institut
National des Recherches Agricoles du Bénin, 01 BP 2359 Recette Principale, Cotonou, (Bénin) Tél. : (229) 35 00 70 / 45 06
85/30 02 64 / 32 24 21, Fax : (229) 30 07 36 / 30 37 70, e-mail: ga_mensah@yahoo.com / craagonkanmey@yahoo.f
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Numéro 53 – Septembre 2006
46
Introduction
Les produits forestiers non ligneux d’origine
animale (gibier, invertébrés, chenilles,
escargots et poissons d’eau douce) sont
aujourd’hui et resteront certainement pendant
longtemps encore, la principale source de
protéines animales pour les populations
rurales. Dans les grandes villes, la faune
sauvage « viande de brousse » est un aliment
très apprécié. La demande citadine des villes
s’est accrue en même temps que les villes ces
dernières années. Du fait de cette situation, la
pression sur ces produits forestiers non ligneux
d’origine animale a atteint des proportions
inquiétantes. Toutefois, ces ressources
forestières notamment la viande de brousse
constitue un appoint pour les populations
rurales en Afrique. Non seulement, elle
contribue pour une part importante à leur
alimentation, mais aussi constitue pour elle
une source indiscutable de revenu (Asibey,
1978 ; Ajayi, 1980 ; Codjia, 1985 ;
Thonnerieux, 1987 ; Pitman, 1991 ; Peters,
1993). Cette ressource vitale, qui ne pourra
être remplacée dans un proche avenir pour
des raisons écologiques, risque ainsi de
disparaître à jamais (Hofmann et Hermann,
2000).
Face à cela, la nécessité de pérenniser d’une
part l’utilisation du gibier à une population sans
cesse grandissante et d’assurer d’autre part la
conservation de ce gibier dans son
écosystème s’avère indispensable. L’élevage
du gibier apparaît comme une solution
prometteuse pour atteindre cet objectif
(Pitman, 1991). Le passage de l’animal cible
de son milieu naturel au milieu artificiel
anthropogène perturbe son comportement.
Une place importante est alors réservée à la
connaissance de l’écologie et de la biologie de
l’animal dans toute étude sur la problématique
des fermes de gibier et des fermes/zones
cynégétiques (game farming, game ranching).
C’est précisément dans ce contexte que le
présent travail fait état des investigations
préliminaires sur l’écologie et le régime
alimentaire du porc-épic en milieu naturel.
Les objectifs de cette étude sont de connaître
l’écologie et le régime alimentaire du porc-épic
en milieu naturel.
Méthodologie
Collecte de données primaires
Habitat
L’étude de l’habitat a été faite à travers :
des enquêtes préliminaires auprès des
chasseurs et des garde-faunes afin
d’identifier les zones de localisation des
terriers du porc-épic ou Hystrix africain
(Mensah et Dossou-Bodjrènou, 2001).
Au total, treize (13) chasseurs des
villages Alfakoara et Thya et sept (7)
garde-faunes du campement
d’Alfakoara ont fait l’objet d’entretien.
des observations personnelles des
chercheurs de l’environnement
écologique lors des patrouilles
crépusculaires et nocturnes avec des
garde-faunes.
Ainsi, trois (3) zones ont été retenues pour la
recherche des terriers, crottes et empreintes
des porcs-épics.
Méthodes de recherche des terriers et
indices de présence
Accompagnés d’un ancien chasseur maîtrisant
les zones retenues et d’un guide, les
chercheurs ont prospecté les endroits réputés
de localisation des terriers.
Identification des terriers
L’identification des terriers s’est faite sur la
base des indices de présence. Ainsi, a été
supposé un terrier de porc-épic, tout terrier
ayant à son entrée un nombre assez important
de piquants ou ayant été retrouvé dans un
endroit où il y a des crottes ou plusieurs
empreintes de porc-épic. De même, un lieu de
concentration des terriers de porc-épic est
appelé site. Alors, un total de 21 sites a été
recensé au cours de l’étude.
Reconnaissance des piquants
Les piquants du porc-épic sont comme des
épines, mais ils sont annelés de noirs et de
blancs (Photo 1), atteignant 12 à 50 cm.
Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin
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Photo 1. Piquants de porc-épic
Reconnaissance des empreintes
Les porcs-épics ont cinq (5) doigts avec un
pouce, de gros orteils réduits et des griffes
puissantes. Ainsi, lors de leur déplacement, ils
font apparaître des empreintes des orteils
munis des traces de griffes.
Reconnaissance des défécations
Les crottes des porcs-épics sont déposées en
amas en un même endroit. Aucune littérature
n’en a fait la description. Elles ont été
reconnues sur le terrain par les chercheurs et
les chasseurs. Chaque crotte présente une
forme ovale et l’une des extrémités est
pointue, assurément celle qui est sortie en
dernière position.
Méthodes de description de l’habitat
L’approche utilisée est le recensement des
différents facteurs pouvant influencer le choix
de l’habitat du porc-épic et leurs
caractéristiques (forme, dimensions et aspect).
Les divers facteurs du milieu ayant fait l’objet
d’une attention sur le terrain sont : le type de
végétation ; le recouvrement global de la
végétation ; les espèces dominantes ; la
composition spécifique ; la proximité d’un point
d’eau ; le type de sol.
Type de végétation
Les types de végétation ont été déterminés en
se basant sur la physionomie du site. On a
ainsi la :
Forêt galerie : formation végétale située
à moins de 50 m d’un cours d’eau et
dont le recouvrement par les ligneux de
hauteur supérieure à 12 m dépasse 50
%.
Savane arbustive : formation végétale
dont le recouvrement par les ligneux de
hauteur supérieure à 12 m est inférieur
à 5 % et dominé par les arbustes.
Savane arborée : formation végétale
dont les ligneux de hauteurs
supérieures à 12 m est comprise entre
5 et 12 %.
Savane boisée : formation végétale
dont le recouvrement par les ligneux de
hauteur supérieure à 12 m est
supérieur à 25 %.
Recouvrement global de la végétation
Le degré de recouvrement global de la
végétation a été estimé sur la base de l’ombre
portée au sol et divisé en cinq (5) catégories :
Recouvrement inférieur à 30 %
Recouvrement entre 30 et 50 %
Recouvrement entre 50 et 70 %
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Recouvrement entre 70 et 90 %
Recouvrement supérieur à 90 %.
Espèces dominantes
Sur la base de simples appréciations visuelles,
les cinq (5) espèces les plus abondantes dans
chacune des strates de chaque site ou
ensemble de site sont notées.
Composition spécifique
Tous les adventices rencontrés sur un site
donné sont identifiés et enregistrés. Les
espèces non identifiées sur le terrain sont
récoltées en vue d’une identification ultérieure.
Proximité d’un point d’eau
Les points d’eau situés dans un rayon de 500
m du lieu d’identification des terriers ont été
systématiquement enregistrés.
Type de sol
Le type de sol a été apprécié visuellement ou
manuellement.
Etude du régime alimentaire
L’étude a été qualitative et réalisée à travers
des :
enquêtes auprès des chasseurs et
paysans,
observations visuelles sur le terrain lors
des visites des zones de localisation
des terriers.
D’entrée de jeu, les enquêtes auprès des
chasseurs et agriculteurs ont permis de faire le
catalogue des espèces consommées par le
porc-épic en milieu naturel. Des observations
de prélèvement sur le terrain ont ensuite
permis de compléter cette liste.
Résultats et discussion
Caractéristiques des milieux fréquentés
Formations végétales
Le tableau 1 présente les différentes
formations végétales rencontrées dans les
sites explorés.
L’analyse combinée des fréquences de
réparation des 21 sites identifiés dans les
différents types de formations végétales de la
forêt et de la part ou proportion des sites
occupés par chaque type de formations
végétales des zones prospectées (Figure 1)
montre que les biotopes les plus fréquentés
par le porc-épic sont les jachères, les savanes
arborées et quelques fois les champs cultivés.
Cette analyse montre aussi que les forêts
galeries et les savanes boisées sont évitées
par les porcs-épics.
L’analyse de la relation entre les différentes
formations et leur fréquentation par le porc-
épic, à travers un test de X2 montre qu’il existe
une dépendance hautement significative entre
les niveaux de fréquentation de certaines
formations, ce qui n’est pas le cas avec
d’autres espèces.
En effet, il y a une différence statistiquement
significative entre la fréquentation des
formations végétales forêt galerie et savane
arborée (X2 = 7 et ddl = 1 au seuil de 1 %). Il
en est de même pour les formations forêt
galerie-jachères (X2 = 13,125 et ddl = 1 au
seuil de 1 °/00), pour la savane boisée et la
savane arbustive au seuil de 5 %, pour la
savane boisée et la jachère au seuil de 1 %, et
pour les jachères et les champs au seuil de 5
%. Par contre, la différence entre les
fréquentations de la forêt galerie et la savane
boisée, la forêt galerie et les champs cultivés,
la savane boisée et champs cultivés, la savane
arbustive et les jachères, est non
statistiquement significative (p>0,05). En effet,
les jachères sont les lieux les plus colonisés
par les porcs-épics, puis viennent ensuite les
savanes arborées.
Tableau 1. Les différentes formations végétales rencontrées dans les sites explorés
Caractéristiques
Formation végétale
Total
Forêts galeries
Savanes
Jachères
Champs
Boisées
Arbustives
Arborées
Nombre de sites
0
1
1
6
10
3
21
Proportion (%)
0,0
4,76
4,76
28,57
47,62
14,28
100,00
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Figure 1. Proportions des différentes formations végétales occupées par le porc-épic
Recouvrement global de la végétation
L’analyse de la répartition des sites en fonction
du taux de recouvrement global de la
végétation (Tableau 2) montre que le porc-épic
affectionne les milieux semi couverts (photo 2).
Les 76 % des sites recensés présentent un
recouvrement global compris entre 50 et 90 %.
Cependant, il faut signaler que pour la plupart,
ce sont des arbustes et quelques arbres de
hauteur moyenne qui assurent ce
recouvrement.
Les espèces végétales qui caractérisent
l’ensemble des zones prospectées sont
consignées dans le tableau 3.
Tableau 2. Répartition des sites en fonction des taux de recouvrement global de la
végétation
Taux de recouvrement
< 30
30 – 50 %
50 - 70
70 - 90
> 90
Total
Nombre de sites
0
5
14
2
0
21
Pourcentage
0,00
23,81
66,57
9,52
0,00
100,00
Photo 2 .Formation végétale abritant les terriers de porc-épic
0
10
20
30
40
50
60
foret galerie savane boisee savane
arbustive savane
arboree jachere champs
Formations végétales
pourcentage
pourcentage
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Tableau 3. Quelques espèces végétales caractéristiques de la zone prospectée
Liste des espèces végétales inventoriées
Acacia ataxacantha
Acacia campylacantha
Acacia macrostachya
Afzelia africana
Anogeisus leiocarpus
Bombax costatum
Burkea africana
Cleome viscosa
Cochlospermum planctonii
Cochlospermum tintorium
Combretum collinum
Combretum nigricans
Daniellia oliveri
Detarium microcarpum
Dichrostachys cinera
Gardenia erubescens
Gardenia ternifolia
Grewia cissoides
Isoberlinia doka
Indigofera dendroîdes
Khaya senegalensis
Lannea acida
Parkia biglobosa
Piliostigma thonningii
Prosopis africana
Pteleopis suberosa
Securinega virosa
Senna obtusifolia
Strychnos spinosa
Terminalia avicenniodes
Terminalia glaucescens
Vitellaria doka
Vitex doniana
Xeroderris stuhlomanii
Type de sol et affleurement rocheux
De l’analyse de la répartition des sites sur les
différents types de sols (Tableau 4 et Figure
2), il ressort que le porc-épic préfère les sols à
gravillons ou sols gravillonnaires (Photo 3).
Tableau 4. Répartition des sites sur les différents types de sol
Type de sol
Sol à
gravillons
Affleurement
rocheux
Sol sans gravillons
Latérite
Total
argileux
limoneux
sableux
hydromorphe
Nombre de sites
17
3
0
0
0
0
1
21
Proportion (%)
80,9
14,3
0,0
0,0
0,0
0,0
4,8
100,0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Gravillonnaire
Affleurement rocheux
Argileux
limoneux
Sableux
Hydromorphe
Latérite
Type de sols
Fréequences
Fréquences
Figure 2. Fréquences d’apparition des sites sur les différents types de sol
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Numéro 53 – Septembre 2006
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Photo 3. Un chasseur à coté d’un terrier de porc-épic sur un sol à gravillons
Autres facteurs
Tous les sites inventoriés sont situés à au
moins 2 km d’un point d’eau. Leurs positions
par rapport à la voie varient de 3 km à 6 km La
distance qui sépare le site le plus proche de la
station d’émission d’Alfakoara est d’environ 1,5
km, puisque le porc-épic préfère beaucoup les
zones d’altitude. Ainsi, la quasi-totalité des
sites inventoriés est logée sur les montagnes
ou les collines.
Régime alimentaire en milieu naturel
Suite aux informations recueillies au cours des
enquêtes et des constats sur le terrain lors des
visites dans les forêts et les champs cultivés, il
ressort que le porc-épic (Hystrix cristata) se
nourrit d’une multitude de produits végétaux.
Hystrix cristata apprécie particulièrement
certaines racines, tubercules, fruits, feuilles,
canne à sucre, des grains de céréales et
certaines légumineuses. Les racines les plus
appréciées sont :
La racine de manioc, de Cochlospermum sp.,
de Enchomanes difformis et des tubercules de
patate douce et d’igname. La presque totalité
(98 %) des chasseurs interviewés souligne que
la préférence aux racines de manioc est très
élevée chez Hystrix cristata.
Les fruits les plus appréciés par le porc-épic
sont entre autre : le fruit de Vitellaria paradoxa,
de Anonna senegalensis, Parinari cutatellifolia
et de Carica papaya. Les fruits de Anonna
senegalensis, au dire des chasseurs, seraient
les plus consommés par Hystrix cristata.
Les feuilles de Boerhavia sp. sont très
consommées.
Dans la nature, Hystrix cristata ronge l’ivoire et
l’os (une source de calcaire et de phosphore).
Il emporte et mange les os dans son terrier. Il
faut cependant signaler que le manioc est le
plus important ingrédient dans le régime
alimentaire de Hystrix cristata parmi tous les
autres aliments.
Conclusion
Cette étude sur l’écologie et le régime
alimentaire de Hystrix cristata a permis de
comprendre l’écologie de l’animal et de
remarquer qu’il a un large spectre alimentaire.
Comme pour toutes les autres espèces
végétales ou animales menacées d’extinction,
suite à la surexploitation par l’homme, la
réussite et la promotion de son élevage seront
une arme puissante pour pérenniser son
utilisation et assurer sa conservation dans son
écosystème.
L’élevage du porc-épic sera aussi un moyen
aux ménages ruraux non seulement de
satisfaire voire de palier les problèmes de
déficit en protéines animales mais aussi et
surtout de s’offrir une autre source de revenu
dans le cadre de la diversification agricole.
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