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‘Les OPEC boys en Ouganda, trafiquants de pétrole et acteurs politiques’

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Abstract

The Opec boys in Uganda, fuel smugglers and political actors The « Opec boys » are smuggling fuel from the Democratic Republic of Congo to Arua, Uganda. They are major economic actors, but also have strong political sway. This second economy has become a field of constant negotiation between them and the local politicians: on the one hand, the politicians need the political support of the Opec boys. On the other hand, the Opec boys need political protection against police repression and petrol confiscation.
C
et article traite d’un groupe d’hommes
qui animent la contrebande du carburant, de
la paraffine et de l’huile de moteur entre la
République démocratique du Congo (RDC,
ex-Zaïre) et la ville d’Arua en Ouganda. Ils se
surnomment eux-mêmes les « Opec boys »,
d’après le nom anglais de l’Organisation des
pays producteurs et exportateurs de pétrole
(Opep), soit Organization of the Petroleum
Exporting Countries (Opec). Ils rassemblent
entre 300 et 400 hommes, et emploient toute
une palette d’autres acteurs, des transporteurs
aux guetteurs. Ils sont les acteurs les plus
importants et les plus visibles de la seconde
économie d’Arua.
Mais les Opec boys sont bien plus qu’un
groupe d’acteurs économiques qui créent des
emplois pour la frange paupérisée de la popu-
lation et fournissent du carburant à moin-
dre prix. Ils forment aussi un mouvement
sociopolitique capable de contrecarrer les
décisions prises par les autorités locales
et jouissent d’un véritable poids électoral.
Ils ont débuté leurs activités dans la seconde
moitié des années 1980, et au milieu des
années 1990, ils étaient considérés comme des
« faiseurs de roi », capables de faire et défaire
les carrières des politiciens. Suite à l’arresta-
tion de leur Président après les élections de
1996, ils ont perdu une partie de leur influence
politique mais leur soutien est toujours utile
aux politiciens. Ceux-ci les courtisent en leur
offrant leur protection contre les services
fiscaux et en leur assurant un soutien matériel
et financier. En échange, les politiciens peu-
vent bénéficier de l’appui électoral des Opec
boys. La seconde économie est ainsi le théâtre
de négociations permanentes entre acteurs
qui dépendent les uns des autres. D’une
part, les Opec boys doivent constamment
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Kristof Titeca
Les Opec boys en Ouganda,
trafiquants de pétrole
et acteurs politiques
Les Opec boys revendent à Arua, en Ouganda, du carburant de
contrebande acheté au Congo démocratique. Ils sont des
acteurs économiques importants, et disposent en outre d’une
forte influence politique. Cette seconde économie est aujour-
d’hui devenue le terrain de négociations incessantes entre eux
et les politiciens locaux : d’un côté, les politiciens ont besoin
du soutien politique des Opec boys et de l’autre, les Opec
boys ne peuvent se passer de la protection des premiers sans
laquelle leur carburant serait confisqué.
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négocier avec les politiciens locaux afin que
leur carburant ne soit pas confisqué ; d’autre
part, leur poids politique est tel que les poli-
ticiens sont contraints de négocier avec eux.
Cependant, si les Opec boys sont tolérés, c’est
fondamentalement parce qu’ils constituent
une frange dangereuse et potentiellement
rebelle de la population
1
.
Les Opec boys ou la seconde
économie
Keith Hart est le premier à avoir proposé
l’expression d’«opportunités informelles de
revenu» pour qualifier une situation dans
laquelle des gens, pour compléter leurs salaires
et pour survivre, s’engageaient dans diffé-
rents types de petit commerce
2
. L’expression
« économie informelle» n’a cessé depuis de
faire l’objet de vifs débats. L’une des princi-
pales critiques à l’égard de cette formulation
porte sur le fait qu’elle suggère de fait une
opposition avec les institutions formelles,
comme l’État et le marché, alors qu’il a été
démontré que les acteurs étatiques étaient
souvent impliqués dans ces activités écono-
miques non régulées
3
. Comme l’a suggéré
Janet Roitman, la notion d’« informalité »
implique de fait que l’État et le marché sont
centraux dans l’action sociale et que les phé-
nomènes « informels » sont perçus et nom-
més («noir», «illégal», « parallèle»…) comme
résiduels
4
. Les activités des Opec boys n’ont
pourtant rien de résiduel, de caché ou de
parallèle: ils sont au cœur du marché des car-
burants à Arua, et ce sont les trois seules sta-
tions services officielles de la ville qu’on peut
tenir pour résiduelles. De plus, les activités des
Opec boys peuvent difficilement être quali-
fiées d’informelles ou d’officieuses, étant
donné qu’elles se sont largement formalisées:
les Opec boys disposent ainsi de statuts écrits,
délivrent des reçus et se sont constitués en
société coopérative en 2005. Nous suivons
donc ici l’approche de Janet McGaffey qui
proposait de ne pas envisager les activités
économiques non régulées comme des formes
d’opposition à l’État, mais plutôt comme
«[…] les activités économiques non mesurées,
non enregistrées et, à des degrés divers, illé-
gales. […] Ces catégories séparent les activités
criminelles illégales des activités légales en
elles-mêmes mais illégales au sens où elles
échappent aux taxes ou d’une manière ou
d’une autre privent l’État de revenus
5
La
« seconde économie » ne doit donc pas être
perçue comme opposition à un État formalisé:
elle peut inclure à l’occasion l’État et ses
agents, mais se définit d’abord parce qu’elle
se soustrait à la pression fiscale – le contour-
nement de la régulation économique étatique
constitue sa seule différence avec l’économie
officielle
6
.
Les Opec boys et la seconde
économie dans la région
du West Nile
Compte tenu de leur position stratégique
près des frontières congolaise et soudanaise,
la région du West Nile et le district d’Arua
en particulier ont toujours été réputés pour
l’ampleur de leur marché parallèle
7
. À Arua,
le commerce officieux transfrontalier est
devenu une activité essentielle pour une part
importante de la population. Même pour le
nombre relativement important de cultiva-
teurs, les revenus agricoles ne sont plus suf-
fisants. Beaucoup de gens dépendent de la
seconde économie pour compléter leurs acti-
vités agraires, notamment lors de la saison
sèche
8
. Ce phénomène s’enracine dans une
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histoire longue –dans la région d’Arua comme
ailleurs, comme l’a montré Kate Meagher, la
seconde économie s’est développée lorsque les
États coloniaux avaient imposé des frontières,
des monnaies différentes et des législations
commerciales répressives à l’encontre des
réseaux commerciaux précoloniaux, afin
d’accroître leur contrôle sur le marché
9
. Ce
commerce transfrontalier a continué à jouer
un rôle important dans le West Nile après
l’indépendance. La spécificité de sa forme
contemporaine est liée à l’effondrement de
l’économie sous le régime dictatorial d’Idi
Amin, et plus particulièrement avec sa déci-
sion, en 1972, d’expulser la communauté
asiatique
10
. S’il n’existait à l’époque aucune
entité organisée du nom d’«Opec boys », le
commerce illégal du carburant semble avoir
pris racine à ce moment-là : l’effondrement
général de l’économie a provoqué des pénu-
ries de nombreux produits, y compris du car-
burant. Les militaires, qui jouaient un rôle
central dans la seconde économie
11
, étaient
des figures clés du commerce de carburant:
lors des pénuries, l’essence de l’armée était
volée et vendue à la population.
En 1979, après la chute d’Idi Amin,
l’Uganda National Liberation Army (UNLA)
d’Obote a pris le contrôle de la région du
West Nile, dont Amin était originaire, et y a
commis des violences extrêmes, en repré-
sailles des atrocités perpétrées sous le régime
déchu. Ces violences ont contraint la majo-
rité de la population à l’exil vers le Soudan
et le Zaïre à la fin de l’année 1979 et au
début des années 1980. Les Opec boys sont
vraisemblablement issus de cette période
d’exil : quelques jeunes ont essayé de
gagner un peu d’argent en faisant de la contre-
bande.
Kaku, le futur chef des Opec boys, était
l’un de ces jeunes gens, exilé en 1979, à l’âge
de 15 ans, dans la ville zaïroise d’Aru, juste de
l’autre côté de la frontière. À l’époque une
pénurie générale de marchandises sévissait
au Zaïre, et Kaku commença par vendre du
carburant de l’Ouganda vers le Zaïre. Il faisait
également commerce d’autres produits, du
petit matériel électronique notamment, qu’il
pouvait acquérir à Juba, au Soudan. À son
retour à Arua en 1986, il a continué à travailler
dans le filon lucratif du pétro-business. Avec
sa personnalité charismatique et les contacts
dans les milieux du commerce du carburant
qu’il avait tissés lors de son exil, il est rapi-
dement devenu le leader de ce que l’on appela
alors les Opec boys. De retour d’exil, beau-
coup d’autres jeunes gens sans éducation ni
ressources étaient attirés par ce commerce.
Ce fut notamment le cas des Aringa, un sous-
groupe musulman des Lugbara –Kaku lui-
même était d’origine terrego, un sous-groupe
chrétien des Lugbara. Lorsque les Aringa ren-
trèrent du Zaïre, à partir de 1983, des groupes
rebelles, comme par exemple l’Uganda National
Rescue Front (UNRF), étaient encore actifs
dans les zones rurales de la région, et beau-
coup d’Aringa choisirent de s’installer dans la
ville d’Arua. Ces jeunes Aringa «à la dérive »
sont très nombreux parmi les Opec boys
– probablement les trois-quarts à l’origine, et
environ les deux-tiers à l’heure actuelle
12
.
Les Opec boys devinrent rapidement une
force majeure sur laquelle il fallait compter,
étant donné qu’ils attiraient la plupart des
jeunes hommes sans emploi de la région. Ils
commencèrent à rallier des revendeurs éta-
blis dans les districts voisins du West Nile,
comme Nebbi ou Moyo, qu’ils approvision-
naient en carburant. Sous le commandement
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de Kaku, une structure organisationnelle
stricte a été mise en place, avec un trésorier,
des responsables pour les affaires sociales, la
discipline, la commercialisation, etc. Dès 1990,
les Opec ont eu leur propre comptable. Cette
nouvelle étape était en partie liée à l’afflux
d’organisations internationales, comme Oxfam,
la Croix Rouge ou le HCR, qui travaillaient
avec les réfugiés dans cette région : ces orga-
nisations internationales avaient besoin de
reçus officiels. Après avoir accumulé des
ressources dans le trafic d’essence, les Opec
boys ont diversifié leurs activités et ont ouvert
une société de construction, appelée Laru.
Quelques-uns d’entre eux ont travaillé dans
cette entreprise, dirigée par des ingénieurs
qui étaient le plus souvent des diplômés au
chômage apparentés à certains Opec boys.
Laru construisait des latrines partout dans le
district d’Arua, mais sa réalisation la plus
spectaculaire a probablement été un terrain
d’aviation improvisé pour le HCR, construit
avec l’aide des Opec boys dans le district de
Koboko.
Selon les Opec boys et d’autres informa-
teurs, les militaires étaient encore impliqués
dans le commerce du carburant. Ainsi, si
les Opec boys manquaient de carburant,
ils contactaient l’armée et inversement. Par
exemple, s’ils avaient besoin de 200 litres
de carburant, ils pouvaient les emprunter
aux militaires, auxquels ils devaient rendre
300 litres la semaine suivante, et vice versa. Le
kérosène faisait également l’objet d’échanges
mutuels. Les Opec boys affirment avoir livré
du carburant à la guérilla de la Sudan Peoples’
Liberation Army (SPLA), au sud-Soudan, à
partir de 1989. La SPLA les payait avec des
produits de l’aide internationale –de l’huile
alimentaire ou des houes
13
.
Les Opec boys ont atteint leur apogée dans
la première moitié des années 1990. Ils pou-
vaient librement mener leurs activités et
engrangeaient d’importants profits, grâce à
la société Laru et aux nombreuses agences
d’aide internationale présentes dans la région.
La popularité de Kaku n’était pas étrangère à
cette réussite. Son charisme et leur structure
organisationnelle stricte assuraient l’unité des
Opec boys. Ils étaient très populaires locale-
ment et étaient considérés à cette période
comme des « faiseurs de roi ». Au cours des
élections de l’Assemblée constituante en 1994,
les Opec boys soutinrent un candidat: Zubairi
Atamvaku Nasser. Celui-ci, maître assistant
au département de philosophie de l’univer-
sité de Makerere, était très critique à l’égard
du gouvernement, raison pour laquelle il
plaisait aux Opec boys. Il se présentait face
au candidat du gouvernement, Cyprian Ajiku,
un haut fonctionnaire de la commission
des services publics. Plusieurs responsables
politico-administratifs importants avaient
pourtant demandé aux Opec boys et à Kaku
en particulier de faire campagne en faveur
d’Ajiku mais tous ont refusé. La victoire écra-
sante d’Atamvaku aux élections a bien sûr
dégradé les relations entre les Opec boys et le
gouvernement. D’une part, le gouvernement
les accusa de collaborer avec les rebelles et
s’en prit directement à eux en procédant à
des arrestations et en confisquant leur carbu-
rant; le commerce avec l’armée est également
devenu plus difficile. De plus, persécuté par
les forces de sécurité
14
et accusé de collabo-
ration avec les rebelles du West Nile Bank
Front, Atamvaku dut s’exiler peu après son
élection. D’autre part, le gouvernement a pro-
posé aux Opec boys de les recruter dans
l’armée –Kaku y compris, auxquels des postes
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dans d’autres agences gouvernementales
ont été offerts
15
. Seuls quelques trafiquants
ont accepté ces propositions.
L’État a continué à harceler les Opec boys,
puisqu’ils restaient du côté de l’opposition:
Kaku a refusé de faire campagne pour le pré-
sident Museveni en 1996 lors des élections
présidentielles et a soutenu le candidat de
l’opposition, Paul Ssemogerere. Ce dernier,
vaincu au plan national, a remporté une large
victoire dans le West Nile. Sept jours après
les élections présidentielles, Kaku et quatre
autres Opec boys étaient arrêtés : la police
aurait découvert des armes à leur domicile.
Les accusés protestèrent en disant que ces
armes avaient été placées là par le gouverne-
ment pour les incriminer, mais les autorités
les accusèrent de recruter des rebelles et de
fournir des armes et du carburant au West
Nile Bank Front, non sans quelque fondement.
Mais avant tout les Opec boys étaient devenus
trop puissants et refusaient de se rallier au
régime.
Suite à ces événements, privés du chef
charismatique qui assurait leur unité, l’orga-
nisation des Opec boys s’est affaiblie. Leur
société de construction dut fermer ses portes.
Il leur était également plus difficile d’obtenir
du carburant, puisque c’était Kaku et ses
adjoints qui géraient habituellement les
contacts avec les gros fournisseurs, ainsi
qu’avec l’armée. Les profits des Opec boys
s’érodèrent. Ils continuèrent néanmoins à
soutenir les politiciens opposés au gouverne-
ment, mais avec des résultats moins convain-
cants. En 2001, ils apportaient leur soutien
au Dr Ajeani Joram Jomabuti, un ancien
ministre qui était passé à l’opposition. Il perdit
de peu les élections parlementaires de 2001
16
.
Mais en 2006, Akbar Goddie, candidat des
Opec boys et membre du principal parti d’op-
position, le Forum for Democratic Change
(FDC), a remporté haut la main les premières
élections multipartites de l’ère Museveni.
Libéré en 1999, Kaku affirme que le gou-
vernement lui a proposé à plusieurs reprises
des fonctions administratives, comme celles
d’adjoint au préfet
17
. Il a refusé toutes les pro-
positions du gouvernement et il est devenu
agent commercial pour une société pétrolière
à Kampala. En 2006, fort de son expérience
avec la société Laru, il s’est installé à Juba, au
Soudan, et s’est lancé dans les latrines mobiles;
il affirme n’avoir depuis plus aucun lien avec
les Opec boys d’Arua.
En 1999-2000, le gouvernement a com-
mencé à réprimer le trafic des Opec boys,
rendant ainsi le commerce transfrontalier plus
difficile. Si les Opec boys sont aujourd’hui
sensiblement moins nombreux qu’à leur âge
d’or durant la première moitié des années
1990, ils constituent toujours une force impor-
tante, estimée à 300-400 hommes dans la
ville d’Arua.
La structure des Opec boys
Si les Opec boys vendent individuellement,
ils sont néanmoins organisés en groupes. Le
plus important est l’Opec Arua, une coalition
qui rassemble 11 sous-groupes implantés dans
des endroits stratégiques de la ville. Ces sous-
groupes portent le nom de leur lieu d’im-
plantation: Market Place, Silver, Ediofe, Quick
Service, Washing Bay, Celtel Mast, Rhino
Camp Road, Top Ten, Adume Road et les deux
Taxi Parks. Les principaux sous-groupes sont
à leur tour divisés en unités plus restreintes de
six individus. Ce sont les unités de confiance
les plus proches, et leurs membres s’assistent
mutuellement en cas de problème.
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Les principaux sous-groupes disposent
d’une organisation formelle – un président, un
vice-président, un trésorier, un secrétaire, des
« mobilisateurs» et des agents disciplinaires.
Le président est souvent le plus prospère
des revendeurs. Dans la plupart des cas, les
présidents sont impliqués dans d’autres
commerces, principalement dans le transport
en taxi minibus (matatu) ou en moto (boda boda).
Chaque groupe perçoit une cotisation de ses
membres, annuelle (entre 5,5 et 11 dollars US)
ou journalière (entre 0,05 et 0,1 dollar US).
Cet argent est utilisé en cas de problème
majeur – par exemple, si un Opec boy se fait
confisquer sa marchandise et se trouve sans
ressources, il obtiendra un petit prêt pour
relancer ses activités. L’association apporte
également un appui financier en cas de mala-
die, de décès ou d’autres événements. L’argent
est aussi utilisé pour diversifier les activités
des sous-groupes –certains groupes ont ainsi
investi dans d’autres petites activités, comme
les cabines téléphoniques. Chaque sous-groupe
dispose de statuts qui doivent permettre de
résoudre les conflits internes
18
. Les conflits
tournent généralement autour de prêts non
remboursés, ou de vols de carburant. Dans les
cas de ce type, le sous-groupe se réunit et dis-
cute de l’affaire. Les peines encourues sont
souvent quelques coups de fouet, mais peu-
vent aller jusqu’à l’expulsion du groupe.
L’Opec Arua, qui fédère tous les groupes,
possède aussi une superstructure élue. Sous
la présidence de Kaku, dans la première moi-
tié des années 1990, cette fédération jouissait
d’une grande influence, qu’elle a perdue après
l’arrestation de celui-ci. Les Opec boys s’effor-
cent aujourd’hui de rétablir l’importance de
ce titre, mais en l’absence de Kaku, cela est
difficile.
La contrebande de carburant prend deux
formes. Dans le premier cas, une citerne arrive
à Mombasa, au Kenya, à destination du Congo
via l’Ouganda. Comme le carburant est des-
tiné au Congo, aucune taxe n’est payée lors du
transit en Ouganda. Le carburant détaxé est
convoyé à travers l’Ouganda jusqu’à la fron-
tière congolaise où il est marqué des cachets
des douanes ougandaises et congolaises,
certifiant que le carburant a quitté l’Ouganda
et est entré au Congo. Les camions traversent
la frontière et pénètrent au Congo où le
carburant détaxé est acheté par les Opec boys
par barils de 200 litres ou par jerricans
19
. Il est
ensuite acheminé à Arua par les transpor-
teurs des Opec boys. Mais il existe aussi un
deuxième dispositif: un camion de carburant
en transit en Ouganda peut tout simplement
s’arrêter près d’Arua avant d’entrer au Congo.
Le carburant est directement prélevé sur le
camion et vendu en Ouganda
20
. L’arrivée
de nouvelles forces de police en 1999-2000
a rendu cette méthode très risquée, et le
carburant est aujourd’hui généralement ache-
miné depuis le Congo.
Au Congo, l’essence, qui se vend 1,1 dol-
lar US le litre dans les stations services
ougandaises, ne coûte que 0,6 dollar US ; un
litre de diesel coûte 0,4dollar au Congo contre
1 dollar en Ouganda. Une fois en Ouganda,
les Opec boys vendent le litre d’essence
entre 0,8 et 0,9 dollars US et le diesel entre
0,7 et 0,8 dollars US. Ils réalisent ainsi un
profit net compris entre 35,6 et 68,50dollars
américains par baril de diesel, et de 46,6 à
68,50 dollars par baril d’essence – à condition
bien sûr que leur carburant ne soit pas
confisqué
21
.
Des transporteurs, qui sont de simples
employés des Opec boys, ramènent le carburant
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en Ouganda en bicyclette. Chaque transpor-
teur convoie 100 litres de carburant, répartis
en 5 jerricans de 20 litres. Ils empruntent des
chemins de contrebande, les panya roads,
moins surveillés par les autorités. Une fois
en Ouganda, ils livrent le carburant aux
Opec boys qui le vendent ensuite sur le mar-
ché. Ces transporteurs peuvent faire ce
trajet en deux ou trois heures et sont payés
8,20 dollars US par trajet. Les Opec boys les
plus démunis pédalent eux-mêmes sur les
pistes de contrebande. Les réseaux familiaux
qui relient les deux côtés de la frontière
facilitent bien sûr ces déplacements : trans-
porteurs et Opec boys ont souvent de la
famille côté congolais et peuvent être héber-
gés si nécessaire. Les flux de réfugiés, d’un
côté comme de l’autre de la frontière entre
le Soudan et le Congo, ont également par-
ticipé au développement de ces mouvements
transfrontaliers.
Tous les habitants d’Arua, des petits com-
merçants aux fonctionnaires, ont recours aux
services des Opec boys. Ces derniers dominent
le marché du carburant à Arua –ils sont le
marché du carburant. La ville, qui compte
85 000habitants, est en pleine expansion, elle
est traversée par un trafic continu vers Kampala,
le Soudan et le Congo, mais ne dispose que de
trois stations services officielles, d’ailleurs
peu fréquentées, leurs tarifs étant plus élevés
que ceux des Opec boys. Inversement, les Opec
boys sont omniprésents en ville et vendent pour
ainsi dire ouvertement le carburant. Ils sont
toujours entourés de quelques jerricans jaunes,
signalisant un point de vente. Dès qu’un client
approche, les Opec boys se ruent sur sa voi-
ture avec leurs bouteilles et leurs jerricans.
Les forces de police gouvernementales
comme la Mobile Police et surtout le Special
Revenue Police Service (SRPS – Service spécial
de police des impôts) et de l’unité d’interven-
tion de l’Uganda Revenue Authority, le service
ougandais des impôts, sont le principal pro-
blème des Opec boys
22
. Au cours de l’année
2000, la Mobile Police a commencé à confis-
quer le carburant des Opec boys sur les che-
mins de contrebande. Une fois le carburant
saisi, les transporteurs transmettent à leurs
commanditaires le numéro du téléphone por-
table du policier responsable de la prise. Les
Opec boys s’arrangent alors pour le rencon-
trer et négocier, contre argent, la restitution du
carburant. Les policiers prélèvent l’équivalent
de 5,50 dollars US par jerrican. Les Opec boys
et la Mobile Police ont ainsi une sorte d’accord
tacite, les policiers s’assurant ainsi, en se
dissimulant à l’URA, une part des profits de
la contrebande de carburant. Les policiers du
SRPS sont moins « faciles » : ils confisquent
l’ensemble du carburant et refusent de négo-
cier, privant ainsi les Opec boys de leur «mini-
mum vital
23
». À leur arrivée à Arua, en 1999,
ils confisquaient même les bicyclettes des
transporteurs, mais cette méthode qui avait
suscité de vives protestations a depuis été
abandonnée. Avant 1999, le carburant était
généralement prélevé sur les camions citernes
en transit qui s’arrêtaient dans la ville, mais
depuis l’arrivée du SRPS, cette filière est
devenue presque impraticable et la plupart
du carburant passe maintenant par le Congo
avant de revenir en Ouganda. Autre règle
non écrite : le carburant qui a réussi à entrer
à Arua ne peut plus être confisqué ni par
le SRPS, ni par la police mobile ; ce n’est que
lors du transport que des saisies sont
possibles. La police n’intervient donc pas
lorsque les Opec boys vendent leur carburant
en ville.
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Les Opec boys et les groupes
rebelles du West Nile
L’histoire violente du West Nile est tou-
jours très présente dans l’imaginaire local des
populations et il faut la prendre en compte
pour comprendre l’importance locale des
Opec boys.
La rébellion de l’UNRF est apparue dans
les années 1980, suite à l’invasion du West
Nile par les forces d’Obote. L’UNRF s’est
ensuite ralliée à la National Resistance Army
(NRA) de Yoweri Museveni, après la prise de
pouvoir de ce dernier, mais une minorité de
combattants de l’UNRF, refusant de rejoindre
la NRA, a formé l’UNRF2, à partir de 1997-
1998. Quelque temps auparavant, en 1995, un
autre mouvement rebelle, le West Nile Bank
Front (WNBF), avait émergé sous la direction
de Juma Oris, ministre de l’Intérieur du gou-
vernement d’Idi Amin. Le WNBF a cessé le
combat en 1998, mais certains groupes séces-
sionnistes ont continué à opérer à partir des
pays voisins jusqu’en 2004. Le WNBF s’est
appuyé sur une base ethnique spécifique,
les Kakwa du district de Koboko. L’UNRF
et l’UNRF2 recrutaient également parmi un
groupe ethnique précis, les Aringa musul-
mans du comté d’Aringa. L’accord de paix
signé entre l’UNRF2 et le gouvernement
ougandais, en décembre 2002, a mis un terme
aux hostilités dans la région du West Nile.
La négociation de cet accord a également
encouragé les groupuscules du WNBF à
quitter leurs bases du Congo pour revenir en
Ouganda.
Ces groupes rebelles s’enracinent dans une
histoire régionale douloureuse. La margina-
lisation du West Nile
24
, la faillite du système
éducatif, particulièrement pour les Aringa
musulmans et les Kakwa, et la période d’exil
25
ont généré un ensemble « de soldats démo-
bilisés et de jeunes déracinés sans éduca-
tion
26
». Pour ces hommes, la seule alternative
à la rébellion a bien souvent été le métier
d’Opec boy. S’ils avaient rejoint l’un ou l’autre
des groupes rebelles, c’est que beaucoup
d’entre eux n’avaient rien à perdre. Le senti-
ment d’avoir été trahi par le gouvernement
central et la pauvreté généralisée donnaient
du poids aux promesses des meneurs charis-
matiques de ces rébellions. Pour beaucoup
d’habitants du West Nile, dans une situation
de chômage endémique et de pauvreté extrême,
rejoindre une rébellion est un moyen légitime
pour se nourrir et acquérir un statut – en
particulier pour les Aringa et les Kakwa. Les
accords de paix signés entre Kampala et
l’UNRF2 identifiaient d’ailleurs clairement
ces questions de « développement» comme
centrales
27
, et la création d’un district séparé,
Yumbe, pour les Aringa était censée répondre
à leur fort sentiment de marginalisation.
Il est significatif que le gouvernement a pris
au sérieux le danger que pouvait représenter
la marginalisation économique et politique
de la région, dont « l’image et l’histoire
28
»
sont violentes.
Parce qu’ils ne peuvent pour ainsi dire rien
attendre du gouvernement, beaucoup de
jeunes gens se sont donc tournés du côté
des Opec boys. Travailler avec les Opec boys
est le moyen le plus rapide pour devenir éco-
nomiquement autonome. De plus, en parti-
culier auprès des jeunes hommes, en contraste
avec les pénibles travaux des champs, le mode
de vie urbain des Opec boys est particuliè-
rement attirant: pas de travail manuel, de
l’argent vite gagné, des motos rapides, du
mairungi, le khat local, etc. Le mode de vie
des Opec boys se matérialise dans leur code
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vestimentaire, emprunté aux icônes du hip-
hop américain ou des équipes anglaises
de football. Comme le note un député, « c’est
devenu un cancer en ville : tous les gamins
qui se comportent mal à l’école, ou ceux qui
n’ont rien à faire veulent tous être des Opec
29
Les Opec boys et les groupes rebelles sont
donc liés par le fait que tous deux recrutent
au sein de cet ensemble de « jeunes têtus et
déracinés ». D’ailleurs, bien des Opec boys
ont combattu, à un moment ou à un autre,
au sein de l’une ou l’autre rébellion
30
. Symétri-
quement, un bon nombre d’anciens combat-
tants sont devenus des Opec boys : alors que
leur long séjour en brousse, entre 1979 et
1998, les avait coupés des mécanismes socio-
culturels en place, et que le processus de
démobilisation et de réintégration promis par
l’État s’est montré très décevant, le commerce
du carburant de contrebande était une option
attirante. La relation entre les Opec boys et
les groupes rebelles est d’autant plus étroite
que les premiers ont toujours et explicitement
défini leur rôle en opposition à l’ordre existant.
Dans les entretiens comme lors des observa-
tions, ils soulignent la négligence du gouverne-
ment à l’égard du West Nile, la marginalisa-
tion de ses habitants, contraints de s’engager
dans le commerce Opec. Les actions de l’URA
et de la Mobile Police sont perçues comme
des tentatives délibérées du gouvernement
de « s’emparer de leur gagne-pain » et de les
marginaliser encore davantage. Les autorités
nationales et locales ne leur proposent pas
d’alternative. Comme les rebelles, les Opec
boys ont donc décidé de prendre leur destin
en main. À l’ouverture d’une réunion, le
président actuel de l’Opec Arua déclarait
ainsi: « Nous avons été négligés par le gou-
vernement, nous sommes harcelés par le
gouvernement, [donc] ce que nous faisons
c’est agir contre le gouvernement
31
! » Ces
sentiments expliquent pourquoi les Opec boys
soutiennent les politiciens opposés au gou-
vernement à chaque élection.
Les facteurs de la rébellion et de la contre-
bande sont donc largement les mêmes, ce qui
n’est pas sans poser un dilemme aux autori-
tés locales : si elles se doivent de sévir contre
les Opec boys, qui privent l’État de revenus,
leur réaction doit rester mesurée pour ne pas
pousser les Opec boys vers la rébellion. Ces
jeunes gens sous-qualifiés et « têtus » vivent
dans une région qui a une longue histoire en
matière de rébellion armée, et ils ont peu de
choses à perdre à entrer en guerre
32
. Un agent
de l’unité d’intervention de l’URA souligne
ainsi : « Les Opec n’ont pas peur ! Un bon
nombre d’entre eux reviennent du champ de
bataille, amnistiés ou libérés lors des négo-
ciations pour la paix. Ils savent manier une
arme. […] Nous devons faire très attention
avec eux! Ils pourraient partir en brousse
33
Ce sentiment est également partagé par beau-
coup d’Opec boys qui ont fréquemment
recours à la menace et à la violence verbale.
En réunion et en entretien, les Opec boys
n’hésitent pas à formuler des menaces : « un
fusil est une chose mauvaise, mais il peut être
une bonne chose
34
» ; « le vote, c’est pour les
intellectuels, un homme du commun tire
mieux qu’un intellectuel
35
!» Si cette violence
relève peut-être d’abord de la provocation
rhétorique, elle n’en illustre pas moins l’hos-
tilité des Opec boys envers le gouvernement.
Ne pouvant réprimer trop durement les
Opec boys, les autorités ont tenté de les écar-
ter du commerce du carburant en leur offrant
des alternatives légales sponsorisées. Pour
cela, les autorités du district ont eu recours à
Politique africaine
Les Opec boys en Ouganda, trafiquants de pétrole et acteurs politiques
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différentes stratégies: elles ont aidé les Opec
boys à remplir des formulaires pour obtenir
des financements auprès du Northern Uganda
Social Action Fund (NUSAF), un programme
d’appui à des projets locaux financé par la
Banque mondiale. Pour postuler, certains
groupes d’Opec boys ont ainsi été enregis-
trés en tant qu’organisation communautaire
(community-based organisation). Les autorités
locales ont aussi encouragé les Opec boys à
postuler à des contrats publics, par exemple
pour l’entretien du marché ou de l’hôpital
d’Arua. Plusieurs groupes Opec ont obtenu
des contrats de ce type, mais la manœuvre
n’a pas vraiment fonctionné : certains Opec
boys attributaires employaient d’autres per-
sonnes pour exécuter ces contrats, et conti-
nuaient tout simplement leur commerce de
carburant. Enfin, les autorités locales ont
cherché à embaucher des Opec boys sur les
chantiers de travaux publics d’envergure, là
aussi avec un succès limité : des Opec boys
recrutés pour un chantier de construction
routière ont ainsi rapidement démissionné
dès qu’ils ont vu qu’ils travailleraient plus dur
que dans le trafic d’essence, tout en gagnant
moins. Le préfet (resident district commissionner)
et son adjoint sont les deux figures clés au
cœur de ces initiatives. Ils négocient directe-
ment avec les Opec boys et les invitent régu-
lièrement pour les consulter. Beaucoup d’Opec
boys ont le numéro de téléphone du préfet et
ils affirment le contacter en cas de problème.
Les tentatives de l’État n’ont cependant
pas suffi à supprimer le sentiment général
de frustration et de délaissement des Opec
boys – ces derniers pensent que le gouverne-
ment ne leur a jamais offert d’alternative
valable. De plus, l’URA ne cesse de les har-
celer alors que les Opec boys demandent
régulièrement au préfet et au gouvernement
de modérer la répression. L’impression géné-
rale est que les propositions du gouvernement
ne sont que « perte de temps
36
», les Opec
boys en ont « ras le bol
37
».
Le rôle politique des Opec boys
Tous les politiciens locaux s’accordent à dire
que les Opec boys sont des acteurs politiques
influents, et que leur assistance électorale
est très importante. Celle-ci permet en effet
d’obtenir le soutien d’une large part de la
population, et sans les Opec boys, il est diffi-
cile d’être élu. C’était tout particulièrement
le cas dans les années 1990, lorsque, sous la
direction de Kaku, les Opec boys étaient un
groupe homogène et puissant. S’ils sont
aujourd’hui moins puissants, ils disposent
toujours d’une grande influence politique, et
selon leurs leaders, « tous les politiciens sans
exception » recherchent leur soutien, notam-
ment lors des campagnes électorales.
D’où provient cette influence? Elle doit
quelque chose au fait que les autorités tolèrent
les activités des Opec boys, de peur qu’ils
ne prennent les armes. Comme on l’a vu, cer-
tains représentants du gouvernement, comme
le préfet, prêtent attention aux griefs des
Opec boys et négocient lorsque c’est possible.
Leur pouvoir vient également du fait que tout
le monde est dépendant de leur carburant :
s’ils ne sont pas d’accord avec une décision,
ils peuvent provoquer une pénurie de car-
burant dans la ville, ce qui est arrivé à maintes
reprises. Par exemple, lorsque les forces
de police confisquèrent du carburant dans
la ville, en violation de l’accord tacite, les
Opec boys cessèrent de vendre du carburant
pendant quelques jours, jusqu’à ce que les
autorités se décident à négocier. Enfin, leur
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pouvoir politique s’enracine dans le respect
qu’ils inspirent au sein des populations locales.
Malgré leur réputation d’individus aux mœurs
déréglées (la consommation de mairungi et
d’alcool, la fréquentation des salons-vidéos,
etc.), les habitants d’Arua les respectent et les
apprécient. Cette popularité est un élément
central dans leur poids politique.
Le respect dont jouissent les Opec boys
repose d’abord et avant tout sur le fait qu’ils
vendent du carburant moins cher que le circuit
officiel et qu’ils permettent aux communautés
rurales de se ravitailler. Même les hausses des
prix n’affectent pas leur prestige, car ils sont
considérés comme d’honnêtes fils du peuple.
Ensuite, ils assurent des revenus non seule-
ment pour eux et leurs proches, mais aussi
pour ceux qu’ils emploient –les transporteurs,
les guetteurs. Les villageois qui résident le
long des routes de contrebande les prévien-
nent de l’approche des patrouilles et les aident
à dissimuler leurs jerricans – la possibilité de
toucher une récompense des Opec boys et la
peur d’être perçu comme un informateur du
gouvernement expliquent certes en partie
cette assistance. Troisièmement, les respon-
sables des Opec boys sont respectés parce
qu’ils mettent de l’ordre parmi un groupe de
jeunes gens dangereux et «têtus ». Comme le
commente un fonctionnaire:
« Peut-être que ce sont de mauvais garçons, mais
au moins on sait qu’ils obéissent à leurs meneurs
et à leurs règles. […] S’ils n’étaient pas là, ces gars
insolents traîneraient en ville et causeraient des
problèmes. C’est Kaku qui les a disciplinés
38
Les meneurs punissent ainsi les membres
qui se comportent mal. L’anecdote suivante
qui remonte à novembre 2005 est de ce point
de vue révélatrice : un Opec boy, ivre, se
dispute violemment avec ses jeunes frères et
sa mère; la famille porte plainte auprès des
leaders de l’Opec Ediofe, le groupe Opec de
leur fils ; l’Opec Ediofe organise une réunion
à l’issue de laquelle le boy incriminé est
condamné à six coups de fouet. En aidant
ainsi la communauté à maintenir la discipline,
les Opec boys acquièrent l’estime de la popu-
lation. Les Opec boys jouent également un
rôle important dans la gouvernance locale, et
surtout dans la résolution des conflits. Ils sont
ainsi systématiquement sollicités lorsqu’éclate
une bagarre ou une dispute. On n’appelle la
police que quand l’affaire est jugée sérieuse
39
.
Les gens préfèrent avoir affaire aux Opec boys
plutôt qu’à la police, tenue pour corrompue,
peu sûre et lente à châtier; les Opec boys, eux,
ne font pas payer leurs interventions, et ils
punissent rapidement
40
. Les autorités locales
elles-mêmes leur font parfois appel : des
conseils de village leur remettent des jeunes
gens « rebelles », afin qu’ils les disciplinent et
leur donnent du travail
41
. En outre, comme les
Opec boys sont constamment en déplacement
dans une région qu’ils connaissent bien, ils
sont très précieux pour arrêter les voleurs
42
.
Ils offrent également gratuitement leurs ser-
vices pour transporter les malades ou lors
des funérailles. Les Opec boys les plus riches
font office d’institutions de crédit –le prési-
dent d’un conseil de village raconte qu’ils
ont apporté l’ordre dans son village et lui ont
prêté de l’argent «à un taux très raisonna-
ble
43
». La population locale, en ville comme
en campagne, les qualifie souvent d’« acteurs
humanitaires ».
Enfin, les Opec boys ne s’opposent pas
au gouvernement sur la base de leurs seuls
intérêts, mais également à propos de pro-
blèmes plus généraux, qui touchent la société
Politique africaine
Les Opec boys en Ouganda, trafiquants de pétrole et acteurs politiques
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toute entière –ils jouent de leur pouvoir et
de leur influence pour négocier avec le gou-
vernement local. Ainsi, lorsque les autorités
décidèrent d’introduire une taxe sur les petits
restaurants du marché, les Opec boys vinrent
à la défense des femmes qui tenaient ces
restaurants. Face au refus des autorités du
marché de les rencontrer, ils saisirent les auto-
rités du district, le préfet et le président du
district ; peu après, la taxe fut supprimée.
Seules et sans le soutien des Opec boys, les
femmes du marché n’auraient pas pu infléchir
la politique locale : elles ne sont pas organi-
sées en groupe, n’inquiètent pas les autorités
locales, et le gouvernement n’est pas dépen-
dant d’elles. Les Opec boys peuvent donc
défendre les intérêts d’autres groupes et sont
capables d’influencer le gouvernement local.
Les Opec boys sont donc, d’une certaine
manière, les défenseurs des intérêts des franges
marginalisées de la société. Au-delà des femmes
du marché, ils soutiennent aussi d’autres
groupes avec lesquels ils entretiennent des
relations de proximité, par exemple les ven-
deurs de rue, les conducteurs de boda boda et
autres, et l’ensemble des petits commerçants.
Compte tenu de la nature illégale et risquée
de leurs activités, ils sont mieux organisés
que ces petits groupes et mieux connectés
avec les autorités locales
44
. Ils peuvent donc
représenter efficacement les intérêts des autres
groupes, et ils assoient ainsi leur notoriété au
sein de la population locale.
Il faut ainsi insister sur le fait que le respect
dont jouissent les Opec boys ne repose pas
seulement sur les besoins en carburant, mais
aussi sur leur influence positive dans la vie
sociale et politique d’Arua. Les gens peuvent
désapprouver leur style de vie extravagant
tout en respectant leur rôle «humanitaire »
(l’accès à du carburant bon marché, au crédit,
à des emplois, la résolution des conflits, la
défense des « petits»). En résumé, la popu-
lation civile semble partager le sentiment
qu’ils contribuent à la remise en cause de
la marginalité dans laquelle le pouvoir tient
le West Nile.
Quand les Opec boys décident de soutenir
un politicien, ils peuvent donc influencer les
groupes desquels ils sont proches et la société
dans son ensemble : grâce à leur commerce
de carburant, ils sont visibles en ville et inter-
agissent quotidiennement avec beaucoup de
gens, toutes classes sociales confondues. Ils
ont un véritable impact sur l’opinion publique
et les politiciens confirment qu’ils peuvent
facilement répandre, au travers des Opec
boys, la nouvelle qu’un concurrent dessert
le peuple ou, au contraire, qu’un autre fait
du bon travail.
Meneurs respectés et visibles, ils sont
aussi – dans leurs propres termes – bons pour
« gonfler le moral et mobiliser les gens ».
Contre un peu d’argent et du carburant pour
leurs motos, ils peuvent battre le rappel pour
une réunion politique. Au cours de la cam-
pagne électorale de 2006, un sous-groupe
Opec s’était mobilisé pendant plusieurs
semaines aux quatre coins de la circonscrip-
tion en faveur d’Akbar Goddie, candidat
d’opposition. Tous les présidents des sous-
groupes Opec sont sollicités par des candidats
qui souhaitent les recruter en tant qu’agents
de campagne. Comme le souligne un politicien,
« ils sont forts pour remonter le moral des
gens, et c’est le moral qui fait la politique
45
De plus, leurs provocations à l’encontre du
gouvernement et leur visibilité donnent
« l’impression générale qu’ils contrôlent la
situation et qu’ils s’occupent des gens. C’est
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pour cette raison que beaucoup suivent le
mouvement
46
». Certains politiciens souli-
gnent que les Opec boys sont parfois utilisés
pour intimider des adversaires politiques
et leurs partisans
47
. Ils sont connus pour per-
turber les rassemblements politiques des
partisans du gouvernement et pour provoquer
des bagarres au cours de ces réunions.
On comprend bien pourquoi les politiciens
doivent s’assurer de leur soutien. Les politiciens
progouvernementaux eux-mêmes cherchent
à s’attirer au moins leur neutralité. Pour cela,
les hommes politiques interviennent auprès
des services fiscaux et du préfet en faveur des
Opec boys. Ils peuvent aussi leur donner de
l’équipement ou de l’argent. Tous les sous-
groupes Opec entretiennent des relations
clientélistes avec les politiciens : beaucoup
reçoivent de l’argent liquide durant les cam-
pagnes électorales ; d’autres obtiennent des
matériaux de construction et d’autres encore
ont reçu de l’aide pour créer l’Arua Opec
Savings Cooperative Society, une caisse
d’épargne populaire. Surtout, les Opec boys
peuvent contacter les politiciens en cas de
problème. L’exemple de Nasur Okuti, député
de la ville d’Arua de 2001 à 2005 et membre
du parti progouvernemental NRM-O, est
de ce point de vue révélateur. En 2001, il
avait réussi à être élu sans le soutien des
Opec boys, qui avaient « dénoncé des élec-
tions frauduleuses ». Une fois élu, il apporte
néanmoins son aide aux Opec boys lorsqu’ils
en ont besoin, parce qu’il connaît leur pouvoir
et souhaite briguer un second mandat. Les
Opec boys le consultent régulièrement et
lui ont demandé de payer les frais d’hospi-
talisation de certains des leurs. Le député
lui-même revendiquait avoir défendu la cause
des Opec boys jusqu’au niveau ministériel
contre la répression policière. En dépit de ses
efforts, iln’a pas obtenu leur soutien lors des
élections de 2006, car il restait un candidat
progouvernemental. Il ne fut cependant
pas boycotté, mais perdit tout de même son
siège en faveur d’Akbar Goddie, le candidat
d’opposition.
Les Opec boys ont même reçu la visite du
président Museveni lors de la campagne
électorale de 2001: les tensions entre les Opec
boys et les services fiscaux avaient alors dégé-
néré en violents affrontements qui avaient
fait plusieurs blessés. En campagne à Arua, le
président Museveni se rendit au chevet d’un
Opec boy hospitalisé
48
d’après les analystes
locaux, le Président entendait stabiliser la
situation et aussi se montrer aux côtés des
pauvres et des marginaux de la région. Bien
qu’ils mènent des activités essentiellement
illégales et qu’ils aient des relations tendues
avec les autorités, les Opec boys sont perçus
comme des acteurs politiques utiles – en tant
que représentants légitimes et respectés des
«marginaux », qui bénéficient de la sympathie
des populations.
L
es Opec boys ont toujours été bien plus
qu’une organisation d’acteurs économiques.
Dès l’origine, ils ont joué un rôle politique.
Leur pouvoir repose d’abord sur le danger
que représente leur caractère potentiellement
« rebelle » ; il résulte aussi du respect dont
ils jouissent au sein de la communauté locale;
il doit enfin à la dépendance de chacun envers
le précieux carburant. Ce pouvoir permet
aux Opec boys de s’opposer aux autorités
locales sur certaines décisions et d’en obte-
nir des avantages. Ils ressemblent finalement
à un mouvement d’opposition populaire,
utilisant la contrebande de carburant comme
Politique africaine
Les Opec boys en Ouganda, trafiquants de pétrole et acteurs politiques
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une « arme des faibles
49
» : leurs activités
officieuses sont une réaction aux incompé-
tences d’un État qui n’a cessé de négliger les
besoins de la population. À travers leurs
activités, ils tentent de combattre leur margi-
nalisation économique et politique – laquelle
constituait l’une des principales préoccupa-
tions des mouvements rebelles du West Nile,
l’UNRF2 et le WNBF. Ils représentent une
alternative à la violence des groupes rebelles:
comme eux, ils rassemblent des jeunes Aringa
« déracinés » et des anciens combattants. Et
le soutien qu’ils apportent aux politiciens
d’opposition permet de penser qu’ils sont
bien les acteurs d’une «révolution invisible
50
»
contre un État abusif. Cela ne signifie par
pour autant qu’ils n’entretiennent qu’une rela-
tion d’opposition avec l’État et les politiciens:
différents politiciens essaient d’«acheter » leur
soutien par le biais de récompenses maté-
rielles et de couverture politique contre les
services fiscaux. À la différence des groupes de
vigilantes au Nigeria ou au Kenya, dont beau-
coup se sont ralliés aux autorités, les Opec
boys ont soutenu de manière active et consé-
quente les politiciens opposés au gouver-
nement
51
. Certes, des politiciens progouver-
nementaux ont cherché à s’attirer les bonnes
grâces des Opec boys, qui ont accepté en
échange de ne pas « dire du mal
52
» ou de ne
pas perturber leurs activités politiques, mais
ils ne leur ont jamais apporté un soutien actif.
La seconde économie est ainsi devenue le
terrain de négociations politiques perma-
nentes entre les Opec boys et les politiciens.
D’une part, les politiciens ont besoin d’obte-
nir le soutien (actif ou passif) des Opec boys
qui constituent les acteurs politiques majeurs
de la scène locale; d’autre part, les Opec boys
sont en demande de soutien politique, sans
lequel leur carburant serait tout simplement
saisi par les autorités gouvernementales. Dès
lors, les politiciens passent individuellement
des accords avec eux: ils apportent une pro-
tection contre les services des revenus et un
soutien financier aux Opec boys ; en retour,
ces derniers les soutiennent (ou les tolèrent).
Pourtant, en soutenant systématiquement les
candidats de l’opposition, les Opec boys appa-
raissent plus faibles au cœur de ce processus
de négociation. Ils n’ont pas d’alliés pro-
gouvernementaux véritablement en mesure
de protéger leurs intérêts s’ils devenaient trop
dangereux, violents ou puissants. L’arrestation
de Kaku et d’autres Opec boys en 1996 est de
ce point de vue révélatrice. À cette époque, les
Opec boys avaient acquis un poids écono-
mique et politique trop important. Alliés à
l’opposition légale et soupçonnés de liens
avec le WNBF, ils étaient devenus trop dan-
gereux pour le gouvernement et avaient violé
les règles tacites du processus de négociation.
Ne bénéficiant pas du véritable appui d’un
politicien progouvernemental, ils n’ont pu
éviter l’arrestation de Kaku et des autres
responsables. Ils doivent respecter certaines
limites. Ils peuvent soutenir des opposants
au gouvernement, ou défier certaines déci-
sions politiques, puisque les autorités locales
ne sont pas en mesure de leur offrir des alter-
natives intéressantes et ne peuvent se permettre
de réprimer plus durement la contrebande
du carburant, de crainte de pousser tous ces
jeunes vers la criminalité ou la rébellion
armée. Toutefois, les Opec boys ne peuvent
devenir trop puissants ou forcer les limites
de la confrontation
53
.
Ce processus de négociation a produit des
règles officieuses auxquelles les deux parties
doivent se tenir. Les forces de police ne peuvent
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ainsi confisquer les vélos des transporteurs
ou saisir l’essence une fois qu’elle est entrée
en ville. Si ces règles négociées implicitement
étaient violées, il en résulterait un conflit
immédiat.
Ce processus de négociation bénéficie au
total à tous les différents acteurs concernés:
les Opec boys, les politiciens, et même la
population urbaine marginalisée, que les
Opec boys défendent. La Mobile Police y trouve
également son compte, puisqu’elle y gagne
de l’argent en confisquant le carburant. Plus
généralement, la population dans son ensemble
tire profit des accords officieux entre l’État et
les Opec boys en achetant du carburant moins
cher et en réduisant les conflits locaux, etc.
Enfin, le gouvernement local bénéficie lui
aussi des retombées du système, les Opec
boys créant des emplois et contrôlant toute
une frange « dangereuse » de la population.
Beaucoup d’acteurs ont ainsi intérêt à péren-
niser cette situation opaque. Voilà pourquoi
la seconde économie – la contrebande du
carburant – va perdurer.
Kristof Titeca
Conflict Research Group,
Université de Gand
Traduction de Thomas Osmond et
Vincent Foucher
1.Cette recherche a été menée dans le cadre d’une thèse de
doctorat financée par le Fonds voor Wetenschappelijk Onder-
zoek. Le travail de terrain s’est déroulé entre octobre et
décembre 2005. Il a combiné observations et entretiens semi-
directifs et ouverts auprès de sous-groupes spécifiques
d’Opec boys de la ville d’Arua –les plus influents et ceux qui
regroupent les plus grands nombres d’adhérents, à savoir le
comité général Opec Arua, l’Opec Taxi Park et l’Opec Silver,
ainsi qu’un sous-groupe de taille plus modeste localisé en
dehors du centre urbain, l’Opec Ediofe. Des entretiens ont
également été menés auprès de résidents d’Arua et avec
d’autres acteurs clés, autorités de district, politiciens locaux
et nationaux, services fiscaux, police, anciens Opec boys.
2. K. Hart, « Informal income opportunities and urban
employment in Ghana », Journal of Modern African Studies,
vol. 11, n°1, 1973, p. 61-89.
3. Voir notamment J.-F. Bayart, S. Ellis, B. Hibou, The
Criminalisation of the State in Africa, Bloomington, Indiana
University Press, 1999 ; W. Reno, Warlord Politics and
African States, Boulder, Lynne Rienner, 1999.
4. J. Roitman, « The politics of informal markets in sub-
Saharan Africa », The Journal of Modern African Studies,
vol. 28, n° 4, 1990, p.679.
5. J. McGaffey, « Issues and methods in the study of African
economies », in J. McGaffey (ed.), The Real Economy of
Zaire. The Contribution of Smuggling and Other Unofficial
Activities to National Wealth, Londres, James Currey, 1987,
p. 12.
6. J. Roitman, Fiscal Disobedience : an Anthropology of Economic
Regulation in Central Africa, Princeton, Princeton University
Press, 2004, p.19-20.
7. K. Meagher, « The hidden economy: informal and parallel
trade in Northwestern Uganda », Review of African Political
Economy, 47, 1990, p. 64-83; M. Leopold, Inside West Nile,
Oxford, James Currey, 2005, p. 34-44.
8. M. Leopold, Inside West Nile, op. cit., p. 63.
9. K. Meagher, « The hidden economy… », art. cit.
10. N. Kasfir, «State, magendo and class formation in
Uganda », in N. Kasfir (ed.), State and Class in Africa,
Londres, Frank Cass, 1984, p.84-104 ; R. H. Green, Magendo
in the Political Economy of Uganda : Pathology, Parallel System
or Dominant Sub-mode of Production?, Brighton, Institute of
Development Studies, University of Sussex, Discussion
Paper n° 164, 1981.
11.À l’époque d’Amin, on utilisait le terme swahili magendo
pour qualifier le marché noir où la majorité de la population
tentait d’assurer sa survie. Voir G. Prunier, « Le magendo.
Essai sur quelques aspects marginaux des échanges
commerciaux en Afrique orientale», Politique africaine,
9, mars 1983, p. 53-62.
12. Entretiens avec l’adjoint au préfet, 1
er
novembre 2005,
Opec boys, 29 octobre 2005, 7 et 20 décembre 2005.
13. L’implication de l’armée et de la SPLA dans le trafic,
revendiquée par les Opec boys et par les informateurs
locaux, est fermement démentie par les autorités gouver-
nementales.
14. United States Embassy Stockholm, Country Report on
Human Rights Practices for 1995 : Uganda, mars 1996.
<http://stockholm.usembassy.gov/human/1995/africa/
uganda.html>.
15. Sur ce point aussi, les acteurs gouvernementaux démen-
tent les Opec boys et les autres informateurs locaux.
16. Ajeani dénonça des fraudes électorales mais n’obtint
pas gain de cause au tribunal.
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17. Cette tactique est régulièrement utilisée par le gouver-
nement Museveni. Citons le cas du chef de l’UNRF Moses
Ali qui, après son ralliement, a occupé différents postes
au sein du gouvernement, dont celui de Vice-premier
ministre.
18. Ceux qui n’ont pas de Constitution écrite possèdent
toujours un ensemble de lois normatives orales punissant
certains actes délictueux ou criminels comme le viol.
19. Les Opec boys les plus riches peuvent acheter jusqu’à
20 barils à la fois ; ils les stockent dans des villages au
Congo à partir desquels ils les revendent à d’autres
Opec boys.
20. Dans les années 1990, une grande quantité d’essence
était également acheminée depuis l’Ouganda jusqu’à
Ariwara au Congo où il existait une forte demande – aux
prix forts correspondants – au sein des marchands
impliqués dans le commerce parallèle de longue distance.
Cette demande marquée engendrait des excédents
d’essence à Ariwara, au Congo, et des pénuries à Arua,
en Ouganda.
21. Voir aussi l’article «Smuggling fuel from Congo to
Uganda », sur le site Alexander’s gas and oil connections,
<www.gasandoil.com/GOC/news/nta53714.htm>.
22. Les Revenue Protection Services (RPS), commandés
par le major-général Kaigura de l’armée ougandaise,
sont transformés en unité d’intervention de l’URA. Le
SRPS a alors été créé, semble-t-il pour préserver la position
d’influence du général Kaigura. En septembre 2006,
le SRPS, qui faisait doublon avec l’unité d’intervention,
a finalement été supprimé. Entretien avec un agent de
l’unité d’intervention de l’URA, 25 octobre 2006.
23. Entretien avec un Opec boy de Taxi Park, 29 octobre 2005.
24. La politique du gouvernement Museveni a largement
accentué le sentiment général d’une marginalisation histo-
rique du Nord de l’Ouganda. Ainsi, lorsque le gouverne-
ment a suspendu les taxes et les frais de scolarisation de
l’année 1988 dans les régions dévastées par la guerre, cette
mesure a été appliquée à Luwero mais pas à Arua; les
taxes et frais y ont même été augmentés.
25. En exil, les réfugiés dépendaient totalement de l’aide
fournie par le HCR. Les plus jeunes n’étaient donc que
peu familiers de la dureté des travaux agricoles. L’aide à la
réintégration fournie par les ONG internationales lors de
leur retour dans la région a encore contribué à éloigner les
jeunes de l’agriculture. L’exil a également érodé les valeurs
sociales et culturelles des communautés du West Nile. Voir
R. Gersony, The Anguish of Northern Uganda, Submitted to
the US Embassy, Kampala and USAID mission, Kampala,
août 1997, p. 77.
26. R. Gersony, The Anguish of Northern Uganda, op. cit.,
p. 77.
27. La plupart des revendications de l’UNRF2 au cours
de ces accords de pays tournaient autour de ces questions
de développement, notamment les infrastructures comme
les écoles, les routes goudronnées et l’électricité.
28. M. Leopold, Inside West Nile, Oxford, James Currey,
2005.
29. Entretien avec un député, 24 novembre 2005.
30. Entretiens avec l’adjoint au préfet, 1
er
novembre 2005,
un député, 24 novembre 2005, des politiciens locaux,
4 novembre 2005, un responsable de l’URA, 21 novembre
2005, un Opec boy du groupe Silver, 21 novembre 2005,
et avec un ancien Opec boy, 28 novembre 2005.
31. Observation lors d’une réunion Opec Arua, 2 décem-
bre 2005.
32. Voir P. Collier, The Challenge of Ugandan Reconstruction
1986-98, World Bank, draft, novembre 1999.
33. Entretien avec un agent de l’URA Customs Enforcement
Unit, 21 novembre 2005.
34. Observation lors d’une réunion Opec, 25 novembre
2005.
35. Entretiens avec des Opec boys, 26 octobre et 2 décem-
bre 2005. Ce thème était récurrent lors des élections
de 2006.
36. Entretien avec un Opec boy, 29octobre 2005.
37. Entretien avec un Opec boy, 22novembre 2005.
38. Entretien avec un fonctionnaire, 20 octobre 2005.
39. La définition d’un conflit « sérieux» varie au cas par
cas. Toute dispute faisant verser du sang est « sérieuse »
et requiert l’intervention de la police.
40. En tant qu’unité anti-criminelle complétant ou rem-
plaçant même les forces de police, les Opec boys jouent
un rôle similaire à celui des Bakassi Boys au Nigeria. Voir
B. Baker, «When the Bakassi boys came : Eastern Nigeria
confronts vigilantism », Journal of Contemporary African
Studies, vol. 20 n° 2, 2002, p. 223-244 ; J. Harnischfeger,
« The Bakassi boys : fighting crime in Nigeria », Journal of
Modern African Studies, vol. 41 n°1, 2003, p. 23-49 ; W. Reno,
« Armed rebellion in collapsed states », Southeast Asian
Studies, vol. 39, n° 4, mars 2002, p.584-603.
41. Lors de cette enquête de terrain, des parents qui
n’arrivaient pas à contrôler leur fils de 17 ans, déscolarisé,
avertirent le président du conseil du village. Celui-ci
contacta les Opec boys pour qu’ils le prennent sous leur aile.
Ce garçon travaille depuis pour les Opec boys.
42. Ainsi, les Opec boys ont retrouvé au Congo le voleur
d’une moto de la radio locale.
43. Entretien avec le président du village de Terrego,
16 novembre 2005.
44. Les Opec boys disposent notamment d’un système
élaboré de signaux sifflés pour indiquer l’arrivée des SRPS
ou de la police. Ils manipulent également beaucoup de
liquidités, ce qui nécessite une organisation bien structurée.
45. Entretien avec un politicien local, 28 novembre 2005.
MAGAZINE
158 Débat Terrain Documents
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46. Entretien avec un politicien local, 6 décembre 2005.
47. Entretiens avec des politiciens, octobre-décembre 2005.
48. Baker décrit une situation similaire au Nigeria : la
Première dame du pays adressa ses félicitations aux Bakassi
Boys lors de sa visite dans l’État d’Anambra. Voir B. Baker,
« When the Bakassi Boys came… », art. cit., p. 228.
49. J. Scott, Weapons of the Weak: Everyday Forms of Peasant
Resistance, New Haven, Yale University Press, 1985.
50. H. DeSoto, The Other Path : the Invisible Revolution in
the Third World, New York, Harper and Row, 1989.
51. Voir notamment D. Anderson, «Vigilantes, violence and
the politics of public order in Kenya», African Affairs, 101,
2002, p. 531-555; I. O. Albert, «Between the state and trans-
porter unions », à paraître in L. Fourchard (dir.), Des villes
sans gouvernement ? État, gouvernement local et acteurs
privés en Afrique, Paris, Karthala, à paraître.
52. Entretien avec un Opec boy, 3décembre 2005.
53. La faiblesse relative des Opec boys et la nécessité
où ils se trouvent de respecter les règles tacites du trafic
expliquent qu’ils ne soient pas engagés, à l’instar des vigi-
lantes nigérians, dans des activités violentes et criminelles :
ils ne disposent pas de protections suffisamment solides
pour s’investir dans de telles activités. Des actes de vio-
lence susciteraient sans aucun doute une réaction brutale
des autorités, qui mettrait un terme à leur commerce de
carburant. Reste à comprendre pourquoi les Opec boys ont
toujours résisté aux propositions clientélaires des
politiciens progouvernementaux, contrairement à beaucoup
d’autres organisations populaires ailleurs en Afrique.
La réponse à cette question tient en partie au sentiment
général de marginalisation de la région du West Nile par
les autorités gouvernementales. D’autres recherches
comparatives sont souhaitables pour répondre plus pré-
cisément à cette question.
Politique africaine
Les Opec boys en Ouganda, trafiquants de pétrole et acteurs politiques
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... The OPEC boys got their smuggled fuel in different ways: some smuggled it themselves from Congo, others used 'transporters,' which mostly were young(er) boys on bicycles, smuggling the fuel across the border on 'panya roads' (smuggler roads), avoiding security officials. Others bought their fuel from truck-drivers, who equally smuggled their fuel into Uganda (Titeca 2006;Lecoutere and Titeca 2007). 4 The OPEC boys were the most important supplier of fuel in the area until the late 2000s. ...
... Field research among the OPEC boys was carried out from 2004 onwards, in Arua. The most intense period of field research was between 2004 and 2010, first as part of my PhD research, and later as part of my postdoctoral work, during which period I spent around a year in the town (Titeca 2006(Titeca , 2008(Titeca , 2012Titeca et al. 2011). In the years after that, research was less intensive, but I kept following up on, and interacting with these actors (Titeca 2018a(Titeca , 2018b. ...
... Also their political and social importance reduced. Before, they had quite a tight structure, with an overall leadershipincluding a charismatic leader, Kaku -and sub-divisions, which were based on street-corners (Titeca 2006). This allowed them to be tapped into the broader urban informal economy, as well as to act swiftly for social and political reasons -as illustrated above. ...
Chapter
Full-text available
By looking at smugglers in Northwestern Uganda, in particular a group of fuel smugglers called the OPEC boys, this chapter explains how smuggling can be a socially legitimate activity. It shows how smugglers can be regarded as social bandits (Hobsbawm 1959, 1981), through their strong links with the local population. In explaining this, the chapter shows how smuggling is understood through local social imaginaries (Taylor 2004, Grant 2014), and how smugglers act as an uncivil society, representing actors from the informal economy (Bayat 1997a, 1997b).
... In the DRC, Timothy Raeymaekers and Koen Vlassenroot have documented the collaboration of cross-border traders with local rebel groups (Raeymaekers 2010;Vlassenroot and Raeymaekers 2008). On the Ugandan side, a number of scholars have noted that many of those involved in clandestine trade are rebels, former rebels or soldiers (Titeca 2006;Titeca & de Herdt 2010;Vlassenroot et al. 2012). Titeca (2012:52-53) and others have detailed the increasing involvement of the Ugandan military and state officials in crossborder trading activities in northern Uganda from the late 1980s, leading to a genuine 'militarycommercial nexus' that has intervened significantly in the regulation of clandestine trade, collaborating with Congolese rebels across the border to ensure access to the product of Ituri gold fields (Human Rights Watch 2005;Vlassenroot et al. 2012). ...
... The OPEC boys got their smuggled fuel in different ways: some smuggled it themselves from Congo, others used 'transporters,' which mostly were young(er) boys on bicycles, smuggling the fuel across the border on 'panya roads' (smuggler roads), avoiding security officials. Others bought their fuel from truck-drivers, who equally smuggled their fuel into Uganda (Titeca 2006;. 4 The OPEC boys were the most important supplier of fuel in the area until the late 2000s. ...
... Field research among the OPEC boys was carried out from 2004 onwards, in Arua. The most intense period of field research was between 2004 and 2010, first as part of my PhD research, and later as part of my postdoctoral work, during which period I spent around a year in the town (Titeca 2006(Titeca , 2008). In the years after that, research was less intensive, but I kept following up on, and interacting with these actors (Titeca 2018a(Titeca , 2018b. ...
Book
Full-text available
The Routledge Handbook of Smuggling offers a comprehensive survey of interdisciplinary research related to smuggling, reflecting on key themes, and charting current and future trends. Divided into six parts and spanning over 30 chapters, the volume covers themes such as mobility, borders, violent conflict, and state politics, as well as looks at the smuggling of specific goods – from rice and gasoline to wildlife, weapons, and cocaine. Chapters engage with some of the most contentious academic and policy debates of the twenty-first century, including the historical creation of borders, re-bordering, the criminalisation of migration, and the politics of selective toleration of smuggling. As it maps a field that contains unique methodological, ethical, and risk-related challenges, the book takes stock not only of the state of our shared knowledge, but also reflects on how this has been produced, pointing to blind spots and providing an informed vision of the future of the field. Bringing together established and emerging scholars from around the world, The Routledge Handbook of Smuggling is an indispensable resource for students and researchers of conflict studies, borderland studies, criminology, political science, global development, anthropology, sociology, and geography.
... Analytically, this fascination was rooted in the idea that borders, despite being historically imposed barriers, potentially provide 'conduits and opportunities' to the people operating and inhabiting border regions (Nugent and Asiwaju 1996;Asiwaju 1985). This has led to an interesting body of empirical work that looked into how largely informal trade networks in Africa make use of and operate beyond national borders (Titeca 2006(Titeca , 2009MacGaffey 1991;Roitman 2004Roitman , 2005Raeymaekers 2007Raeymaekers , 2010Walther 2008). Others have looked into cross-border management, the use of and conflict over natural resources in the region (Hoehne & Feyissa 2010;Mkutu 2008;Mburu 2003) and into the proliferation of protracted cross-border conflicts in a regional context (Debos 2008a(Debos , 2008bPrunier 2004;Richards 1996). ...
... And if the state is unable to govern, 'governance without government' will emerge (Menkhaus 2006(Menkhaus /2007, i.e. the vacuum of state authority will be filled with state-like forms of organization. As is shown in work on the Congo-Uganda and Chad-Cameroon borders, state agents equally take part in filling the ungoverned space (Raeymaekers 2007(Raeymaekers , 2009Titeca 2006Titeca , 2009Titeca , 2010Roitman 2004Roitman , 2005. In many of these studies the state and its powers are secondary to the negotiable and fluid reality of the border regions. ...
... Coming from the trade and smuggling hub of Arua in West Nile, Uganda (Titeca 2006;Titeca and de Herdt 2010;Meagher 1990) and passing the Kakwa's ancestral land of Koboko where Idi Amin came from (Leopold 2005(Leopold , 2006, one arrives in Oraba where the border with South Sudan is at the bottom of the slope. Sometimes there are long lines of trucks waiting for clearance to cross into the booming import economy of Southern Sudan (Picture 4.1). 1 On the other side of the bridge over the Kaya stream, a signpost welcomes people to Southern Sudan. ...
Thesis
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This study investigates daily performance of power in a post-conflict society and argues that the overall process of state-building in South Sudan cannot be properly understood in separation from the ways in which state power is locally exercised. It specifically analyzes South Sudan’s political transformation from the vantage point of the everyday practice of state agents in the border area with DR Congo and Uganda. Competition between government agencies and confrontations with counterparts across international borders continuously shape how the South Sudanese state manifests itself. Also, state agents’ claim to authority is rarely only based on formal mandate but blended with negotiated claims originating in their personal trajectories. The research concludes that state-building in South Sudan started long before the Comprehensive Peace Agreement of 2005. The roots of this process do not originate in the political centre Juba, but in the border area where the SPLM/A established control nearly a decade earlier.
... In certain cases, these clientelist linkages 'can actually go a long way in enabling informal actors to pursuing their livelihoods' (Prag 2010;Goodfellow & Titeca 2012: 266;Titeca 2006aTiteca , 2014. In the case of an absent or neglecting state, clientelist linkages are able to provide the necessary goods, services, and protection which are necessary to survive in challenging circumstances. ...
... For example, capital cities are mostly opposition strongholds; by interfering, national-level actors can sabotage the opposition and build political capital by building up clientelist networks (i.e. the exchange of goods, services or protection in return for political support). Politicians can sustain and protect informal activities, such as informal market traders (Malukisa and Titeca, 2018;Titeca, 2006 and, but also unlawful constructions. In this context, both high-level actors (political elites) as well as lower-level actors (local population in informal spaces) are looking to link up with each other; the latter for protection, and the former for votes. ...
Article
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This paper analyses the omnipresence of unlawful constructions (‘constructions anarchiques’) in Kinshasa; and in doing so, unpacks the ways in which urban planning and urban governance takes place in DRC’s capital through personal connections. It highlights the importance of financial and political incentives: on the one hand, various actors in the public administration are pressured to feed up informal revenue in the hierarchy. This search for ‘invisibles’ (as informal revenue are called) acts as a major facilitator for unlawful constructions and a general neglect of urban plans, as they provide financial opportunities for civil servants. On the other hand, we show how the protection of populations within these unlawful constructions constitutes an important source of political capital for local and national politicians. In showing both elements, we show the importance of personal connections, and how this determines the way the city is governed and developed: ultimately, the existence and development of particular sites depends on the connections one have, and the leverage one is able to exercise through these. A final way through which this is shown is through the importance of ‘big men’, who are nodes in these personal networks: their leverage allows the installation and provision of public services.
... The reason is straightforward: actors within the informal economy are seen as 'vote banks', useful to mobilize votes in wider society and give direct votes. In other words, the mobilization and protection of actors within the urban informal economy plays important functions for politicians (Goodfellow, 2013(Goodfellow, , 2015Titeca, 2006Titeca, , 2012, who 'instrumentalise disorder' for political benefit (Chabal and Daloz, 1999). Yet, the impact for urban informal actors is not necessarily positive. ...
Article
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This paper analyses in detail the governance of urban markets in Kinshasa. By unpacking the complex relations of power which underpin these markets, the paper shows how informality is used as an instrument of accumulation by a variety of actors, which try to gain access to the revenue generated by the markets. Concretely, actors within and outside markets rely on a system called branchement, which refers to connections with higher-level authorities, allowing these actors to access their positions and revenue. Focusing on these connections, the paper draws the following main conclusions: first, market revenue is the site of an intense competition, in which particularly high-level political actors (with links to the Presidency) control revenue streams – rather than the Kinshasa provincial government (which has the legal right to do so). Second, these alliances are fragile and unstable: both changes at higher- as well as local-levels (i.e. the market) create a series of conflicts, in which actors try to re-affirm their position and access to revenue. Third, these connections rely on a variety of linkages – ethnicity, regional, clan – but particularly family- and financial linkages are important. Overall, the paper highlights the need and importance for analysing the informal vertical connections through which urban actors navigate their positions and income.
Article
Observing trade flows at a Southern African border reveals that different commodities move differently, raising the question of why some commodities stop when others flow, and why some flows move faster when others experience speed reductions and stoppages. This paper is concerned with presenting a theoretical framework—the flow regime framework—to make sense of the uneven rhythms and manners along which commodities flow. Building on the review of four economic geography trends (transport geography, logistics studies, thing‐following studies and scalar analysis) and on the orderings and dichotomies they create, I argue that we need a non‐hierarchical way to understand the complexity and variability of trade flows and traders’ strategies along different paces and rhythms. The flow regimes, defined as lasting socio‐technical agencements of practices, actors, infrastructure uses, and ideologies, comprise the proposed theoretical solution to make sense of the variability of commodities’ paces. This theoretical framework is illustrated empirically through the examples of the three flow regimes identified in the Central African Copperbelt, based on a 11‐month ethnographic fieldwork: the off‐road regime, characterised by modular and flexible rhythms; the spare‐wheel regime, whose flows are subjected to state‐induced accelerations and stoppages; and the power‐steering regime, based on costly public and private technologies allowing for fast and fluid commercial movements. Without attempting to describe a particular scale of action, the concept of regimes makes it possible to analyse head‐on activities that are usually studied separately (such as ‘small’ border trade and flows driven by large logistics firms). I conclude by suggesting that the flow regimes framework allows to highlight how the globalisation of flows features irregularity and lumpiness.
Article
Analyses of the flow of trade are based on three traditional trends, each of which focuses on one component of movement: commodity, infrastructures and actors. Based on these three models’ limitations and the use of qualitative economic geography and ethnography, this paper enriches our understanding of the flows of cross‐border trade, crossing of bodies of literature and theories. It offers a description of commercial traffic in the Central African Copperbelt and calls for a better comprehension of the specific conditions for executing commercial movements, where infrastructures, commodities and actors influence each other to allow the movement of things. Analysing commercial movements in the Zambian Copperbelt proves difficult with the existing theoretical framework. This paper provides an ethnographic study of cross‐border commercial circulations in order to enrich our understanding of commercial flows in space.
Article
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This article examines illegal ivory trade in Uganda, which constitutes a major transport route through which ivory exits Africa. The analysis is based on empirical data collected among illegal ivory traders between 2012 and 2017. The findings unpack the notion of illegal ivory trade as 'transnational organized crime', by showing its reliance on local and regional connections, in which 'nodes' are crucial. These nodes can be both traders (such as middlemen), and locations (such as border towns), connecting these various levels. In doing so, it shows how this trade functions in a decentralized and loose fashion. There are clear power differences between the traders, which is explained through the kind of connections with government officials.
Article
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The first section briefly outlines and criticises the tendency amongst analysts to examine the ways in which African societies fail to conform to idealised models of the state and market, declaring them to be, in effect, "dysfunctional'. Then examines the extent to which the recent society-centred studies serve as a possible corrective to the statist literature, asserting that the former continue to define African societies as a function of the state. This not only leads to dualistic and mechanist explanations of "informal' economies as a result of the individual's "exit option', but also fails to account for the plurality of markets and power bases existing in the African context. Likewise, such studies interpret their findings in the "informal' sector as either barriers to economic development or examples of accumulation which are assumed to have involved the "overcoming' of traditional affiliations or structures. Finally, looks at how such studies limit the parameters of analysis to how resources are "managed' and thus offer little or no diagnosis of the social basis of production, and the exercise and legitimation of various forms of authority, idioms of power, or domination. -from Author
Article
Collier, Hoeffler and Pattillo (1999) provide estimates of how private wealth was held for 56 countries as of 1990 based on cumulating investment and capital flight since 1970. The figure reported here uses their data but measures the stock as of 1986. 6 The level of economic activity is reduced through two routes. The stock of physical and human capital is diminished by destruction, dissaving, and flight. Additionally, productivity is reduced by disruption and expenditure diversion. As shown in Table 2, per capita GDP declined by around 40% between 1971 and 1986. This severe decline was larger than is globally typical for periods of domestic conflict. Collier (1999) estimates that on average such conflicts reduce growth by 2.2% per annum relative to counterfactual growth. The Ugandan economy declined in absolute terms by 1% per annum, and given rapid population growth, counterfactual growth could scarcely have been less than 2-3%. Hence, either the Ugandan economy was atypically vulnerable to social disorder, or the disorder was severe even by the normal standards of civil war. Since, as we show below, subsistence agriculture is relatively invulnerable to disorder and Uganda had a large subsistence sector even prior to the outbreak of conflict, its economy should not have been abnormally vulnerable to disorder. Hence, the more likely interpretation is that Uganda suffered an unusually severe social collapse. The decline in aggregate expenditure was even more severe than the decline in output. Aid inflows ceased and the government was manifestly unable to borrow commercially. As foreign flows to the government ceased, an illegal outflow of private capital started. The composition of GDP is altered by social disorder because activities are affected differentiall...
Article
This study of informal and parallel trade in Uganda's Arua District shows that such trade has a long history back through colonialism. Its roots do not lie in the distortions of post‐colonial state intervention, as the current conventional view would have it, but in the activities of the colonial state in imposing borders and divergent currencies and in implementing trading networks. More recently and as part of adjustment programmes, attempts to shift incomes from traders to farmers, by raising producer prices and taxing traders’ incomes, have resulted in traders shifting to parallel markets over the border in Zaire. One such market in Ariwara is analysed and shown to involve trade in visible manufacturers and foodstuffs and more crucially in gold, US dollars and coffee. Conventional views that parallel trade is limited to export crops, and that such cross‐border smuggling is on barter terms, are shown to be greatly mistaken, given the existence of a multi‐product market lubricated by a sophisticated multi‐currency and gold market. In conditions of shortage, where alternative supply channels exist, policies of ‘structural adjustment’ which fail to take the basis of these parallel markets into account, will not succeed.
Article
This article originated in the study of one Northern Ghanaian group, the Frafras, as migrants to the urban areas of Southern Ghana. It describes the economic activities of the low-income section of the labour force in Accra, the urban sub-proletariat into which the unskilled and illiterate majority of Frafra migrants are drawn. Price inflation, inadequate wages, and an increasing surplus to the requirements of the urban labour market have led to a high degree of informality in the income-generating activities of the sub-proletariat. Consequently income and expenditure patterns are more complex than is normally allowed for in the economic analysis of poor countries. Government planning and the effective application of economic theory in this sphere has been impeded by the unthinking transfer of western categories to the economic and social structures of African cities. The question to be answered is this: Does the ‘reserve army of urban unemployed and underemployed’ really constitute a passive, exploited majority in cities like Accra, or do their informal economic activities possess some autonomous capacity for generating growth in the incomes of the urban (and rural) poor?
Article
Nigeria's police and judiciary have failed to protect its citizens and have therefore lost all credibility. European principles of justice have likewise become discredited. Militias like the Bakassi Boys offer a popular alternative, which includes public executions and the use of the occult in fighting evil. But the growing fear of crime is only one reason why ‘jungle justice’ may spread. Governors and influential politicians help finance armed vigilante groups, and may make use of young men with machetes and pump-action shotguns to intimidate political opponents. As an ethnic militia that is ready to defend the interests of the ‘Igbo nation’, the Bakassi Boys have also been used to kill members of other ethnic groups. In many parts of Nigeria, ethnic and religious communities are preparing for ‘self-defence’, because they have no trust in the ability of democratic institutions to settle their conflicts.