Content uploaded by Jean-Claude Klein
Author content
All content in this area was uploaded by Jean-Claude Klein on Apr 25, 2014
Content may be subject to copyright.
MARS - AVRIL 2014 - ÉQUILIBRE n°298
22
Zoom
L’actu
> Une commune de Seine-et-Marne s’associe
à sa jumelle mauritanienne pour vaincre la
catastrophe du diabète de type 2 dans cette
zone déshéritée.
Jean-Claude Klein (Cesson, FranCe), alhousseinou Ba
(nouadhiBou, Mauritanie), alhousseynou sall (ottawa, Canada)
Le diabète est devenu une préoccupa-
tion majeure pour les pays en voie de
développement. D’ici peu, ces pays
concentreront les 4/5e de la popula-
tion diabétique mondiale (Fédération
internationale du diabète, 2009). Les causes
principales de l’augmentation des cas de dia-
bète sont l’abandon des activités physiques, le
passage brusque du nomadisme à l’urbanisa-
tion, souvent en raison de la sécheresse, ainsi
que la modification des habitudes culinaires et
alimentaires.
Le poids des maladies liées au diabète et la réduc-
tion de l’espérance de vie qui en découle freinent et
freineront de plus en plus la croissance économique
des pays comme la Mauritanie.
Le diabète se déclare souvent au milieu de la vie
active. Lorsque les personnes touchées sont celles
qui assurent la subsistance de leur famille, cela peut
représenter une véritable catastrophe et une cause
de pauvreté extrême.
Un jumelage solidaire
Les régions rurales ont un énorme retard dans la lutte
contre le diabète. Il est dû au manque de ressources,
au manque de structures et d’équipements médi-
caux, à la pénurie de spécialistes et à l’impression,
souvent ressentie par les patients, que cette mala-
die n’est pas redoutable. Cette impression provient
du caractère chronique à évolution souvent lente du
diabète de type 2. Malheureusement, au moment
où les complications se manifestent, il est généra-
lement trop tard pour agir efficacement et éviter
des drames. Ce retard se constate également dans
le domaine de la formation du personnel de santé,
du dépistage et de la prise en charge de la maladie,
ainsi que dans l’éducation des patients diabétiques
et de leur entourage.
C’est la raison pour laquelle, dans le cadre d’un
jumelage avec la Mauritanie, la ville de Cesson en
Seine-et-Marne, grâce à son association Cesson
sans frontières, a répondu à la demande d’assis-
tance formulée par sa ville jumelle de Bababé pour
l’aider à combler ces retards. Les actions ont été
décidées et gérées par un comité de pilotage com-
posé des auteurs de cet article. Les résultats obte-
nus ont montré l’efficacité des initiatives qui ont été
Une zone rurale de Mauritanie
Lutte contre
le diabète
de type 2
●
Épicerie de la ville de Bababé.
MARS - AVRIL 2014 - ÉQUILIBRE n°298
23
Il faut donner aux
personnes diabétiques
les moyens d’accéder
à une alimentation saine.
▲
▲
▲
© Philippe Vicquery, Cesson
améliorer l’éducation et la santé et développer le
secteur privé.
La commune de Bababé compte 17 000 habitants.
Elle est composée de la ville (chef-lieu départe-
mental), entourée d’une douzaine de petits villages.
C’est une vieille ville située à 350 km au sud-est de
la capitale Nouakchott, dans la région du Brakna,
au bord du fleuve Sénégal.
Elle dispose de trois écoles, d’un lycée, d’un centre
de santé et de deux petites pharmacies. Il y a peu
de ressources à Bababé. Certaines familles ne
vivent que de l’argent envoyé par leurs membres
travaillant dans les grandes villes mauritaniennes et
un peu partout dans le monde.
Les rares emplois à Bababé sont administratifs. Il
existe quelques échoppes et artisans. La culture du
mil, du maïs et du riz, ainsi que l’élevage et le maraî-
chage apportent un complément de ressources.
Première caravane médicale
Nos actions sur le terrain ont débuté en 2011, par
l’établissement de liens étroits avec la section locale
de l’Association mauritanienne de lutte contre le
diabète (AMLCD) et par la constitution d’un réseau
de bénévoles incluant de nombreux personnels de
santé.
Elles se sont poursuivies, en février 2012, par l’aide
à la formation au diabète d’un médecin généraliste.
Le Dr Alhousseinou Ba a ainsi passé trois semaines
dans le service de médecine interne et diabétologie
de l’établissement hospitalo-universitaire à Oran,
dirigé par le Pr Belhadj. Depuis cette formation, Le
Dr Ba est annuellement invité aux journées de dia-
bétologie d’Oran pour parfaire ses compétences.
Une première campagne de dépistage a débuté en
prises dans le cadre de ce programme pilote. Ce
dernier pourrait donc servir de référence pour des
actions portant sur des territoires plus vastes.
Faibles ressources locales
La Mauritanie est un pays de 1 030 700 km
2
situé en
Afrique de l’Ouest. Elle est frontalière avec l’Algérie,
le Sahara occidental, le Mali et le Sénégal. Elle est
bordée à l’ouest par l’océan Atlantique. La Maurita-
nie est considérée comme « pays pauvre fortement
endetté ». Cependant, le gouvernement a entrepris
de nombreuses actions pour réduire la pauvreté,
●
Mesure des glycémies capillaires.
© Dr Alhousseinou Ba, Nouadhibou
Zoom
L’actu
MARS - AVRIL 2014 - ÉQUILIBRE n°298
24
▲
▲
▲
© Alhousseynou Sall, Ottawa
juin 2012 et a été poursuivie en décembre 2012.
L’objectif était de dresser un profil épidémiologique
clair du diabète dans la ville de Bababé. Cette cam-
pagne s’est déroulée dans le cadre d’une caravane
médicale au cours de laquelle des consultations
gratuites étaient proposées pour de nombreuses
spécialités médicales. Sept cent quarante-huit
personnes ont été dépistées pour le diabète. Le
dépistage débutait par un entretien au cours du-
quel étaient notés plusieurs paramètres tels que le
sexe, l’âge, la taille, le poids, la tension artérielle,
des symptômes de diabète ou des antécédents
familiaux. Au total, 303 personnes présentaient au
moins un facteur de risque du diabète. Elles ont
bénéficié d’un test glycémique à jeun. Ainsi, 24 cas
de diabète ont été détectés dont 8 diabétiques déjà
connus et 16 nouveaux, parmi lesquels 3 femmes
atteintes de diabète gestationnel. Elles ont été im-
médiatement dirigées vers le centre hospitalier de
Nouakchott pour une meilleure prise en charge.
Toutes les personnes diabétiques ont bénéficié d’un
examen de détection des complications : rétinopa-
thie, artériopathie des membres inférieurs, pied dia-
bétique, insuffisance rénale, neuropathie. On a pu
ainsi noter 11 cas de complications. Ces personnes
ont été dirigées vers les centres de soin adaptés.
Cette première action nous a révélé que le diabète
était ignoré d’une grande partie de la population et
que les patients diabétiques déjà connus n’étaient
pas correctement traités. Ils présentaient dans leur
grande majorité des taux de sucre sanguin pouvant
mettre leur vie ou leur intégrité physique en danger.
Sensibilisation aux dangers
Une deuxième campagne de dépistage, précédée
par une action de sensibilisation des habitants et des
personnes diabétiques déjà identifiées, ainsi que par
la formation du personnel de santé local, a eu lieu
en avril 2013. La campagne de sensibilisation avait
pour but de montrer à la population les dangers du
diabète, des complications associées et des mala-
dies dégénératives. C’était aussi une façon d’inciter
les habitants à se présenter au dépistage.
Nous avons jugé important et primordial de former
des personnels de santé qui vont désormais pou-
voir recevoir et écouter toute personne se présen-
tant aux centres de soins de la commune avec des
symptômes du diabète et leur proposer un test de
glycémie. En cas de glycémie anormale, ils leur
apporteront un traitement ou les dirigeront vers un
autre niveau de soin.
La formation a eu lieu à Bababé pendant trois jours
et vingt-six professionnels de santé ont pu en béné-
ficier. Du matériel didactique préparé par les auteurs
de cet article a été mis à leur disposition. Si l’on se
réfère aux commentaires qui nous ont été faits par
les apprenants eux-mêmes, cette formation a été un
grand succès. Beaucoup d’entre eux n’avaient en-
core jamais bénéficié de formation sur le diabète. Ils
ont manifesté leur souhait de pouvoir y avoir accès
plus souvent pour les aider à se maintenir à niveau.
La campagne de dépistage de masse a eu lieu pen-
dant cinq jours sur quatre sites comprenant la ville
de Bababé et trois villages environnants. Le but
était de couvrir un nombre plus large de personnes
qu’en juin et décembre 2012. Bien que les consul-
tations n’aient concerné que le diabète, nous avons
enregistré une réponse massive des populations et
une forte implication des professionnels de santé
locaux. L’élargissement de la zone d’intervention
nous a permis de toucher des patients dans les vil-
lages isolés des alentours.
Sur les 467 personnes qui ont été testées, nous
MARS - AVRIL 2014 - ÉQUILIBRE n°298
25
Nous envisageons d’aider
à la création de jardins
maraîchers.
Nous remercions le Pr Belhadj, la mairie de
Cesson, le conseil général de Seine-et-Marne,
l’association Cesson sans frontières, la mairie
de Bababé, l’Association des professionnels de
santé ressortissants de Bababé, l’AMLCD et la
direction de sa section locale de Bababé.
avons détecté une vingtaine de nouveaux cas de
diabète. Une trentaine de personnes présentaient
une glycémie limite. Elles feront l’objet d’une atten-
tion toute particulière. Le personnel médical local,
sous la direction du Dr Alhousseinou Ba, a pris en
charge l’ensemble de ces personnes.
Campagnes de mesure de l’HbA1c
Une surveillance et un suivi des patients diabétiques
ont été effectués grâce à la mesure de l’hémoglo-
bine glyquée ou HbA1c. L’HbA1c est un indicateur
sanguin. Sa valeur permet de déterminer le niveau
moyen de la glycémie sur les deux à trois mois qui
précèdent le moment de son dosage. C’est un
moyen simple et efficace d’évaluer l’équilibre d’un
diabète. Cette valeur représente un bon compromis
pour diminuer les risques de complications, tout en
conservant une bonne qualité de vie.
Deux campagnes de mesure de l’HbA1c se sont
déroulées en août et décembre 2013. Environ
60 patients diabétiques ont participé à chacune de
ces campagnes. Les résultats présentés ci-après
ont été calculés sur les 34 patients qui se sont pré-
sentés aux deux campagnes.
La première a montré des résultats plutôt inquiétants
car seuls 14,7 % des patients diabétiques avaient
une HbA1c inférieure ou égale à 7 % alors que près
de la moitié d’entre eux avait une HbA1c supérieure
à 10 %. Une action de sensibilisation et d’éducation
a donc été entreprise pour amener ces personnes à
prendre régulièrement leurs médicaments, à respec-
ter leur régime et à pratiquer une activité physique.
Le résultat de ces efforts est apparu lors de la cam-
pagne de décembre où nous avons pu noter que
41 % des patients diabétiques avaient maintenant
une HbA1c inférieure ou égale à 7 %, alors que le
pourcentage de ceux ayant une HbA1c supérieure à
10 % était descendu à 21 %.
L’obstacle de la pauvreté
Ces actions d’éducation et de suivi vont se pour-
suivre en parallèle avec des mesures pour lutter
contre la pauvreté. Il faut, en effet, permettre à toutes
les personnes atteintes de diabète d’acheter des
médicaments. Par jour, le coût du seul traitement
hypoglycémiant est proche de celui d’un demi-kilo
de riz qui est le produit de base de l’alimentation.
C’est la raison pour laquelle nous avons fait un appel
aux dons et nous travaillons à établir des relations
de confiance avec une mutuelle située dans la com-
mune. Il faut également donner aux personnes dia-
bétiques les moyens d’accéder à une alimentation
saine comportant des fruits et des légumes. Pour
cela, nous envisageons d’aider à la création de jar-
dins maraîchers qui auront le double avantage de
fournir des produits frais et d’inciter les diabétiques à
une participation active et physique. ■
●
Réunion de sensibilisation au diabète, dans la ville de Bababé.