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Rev Med Brux - 2013 479
A
CTUALITE
THERAPEUTIQUE
Hémangiome infantile du nourrisson et
propranolol : une " révolution "
thérapeutique. Revue de la littérature
Infantile hemangioma and propranolol : a therapeutic
" revolution ". Literature review
L. Yilmaz1, C. Dangoisse1 et P. Semaille2
1Clinique de Dermatologie, H.U.D.E.R.F., 2Médecine générale, Bruxelles
RESUME
L’hémangiome infantile (HAI) est la tumeur
vasculaire infantile bénigne la plus fréquente. La
grande majorité des hémangiomes infantiles
régressent spontanément, cependant certains
nécessitent une prise en charge spécifique. Le
propranolol est proposé dans le traitement de ces
hémangiomes infantiles.
Le but de ce travail est de comprendre le
mécanisme d’action du propranolol sur les
hémangiomes infantiles, et de démontrer la bonne
tolérance et son efficacité, par une revue de la
littérature.
Le propranolol, bêtabloquant non cardio-sélectif,
utilisé depuis près de 40 ans chez les enfants,
connaît une nouvelle indication depuis 2008. Une
amélioration nettement significative a été
observée chez les enfants atteints d’HAI
compliqué (10 %), traités par propranolol. Cette
nouvelle indication a fait l’objet de plusieurs
publications dans le monde. Les hypothèses
concernant le mécanisme d’action restent un effet
vasoconstricteur, anti-angiogénique et apo-
ptotique du propranolol sur les différentes
cellules constituant l’HAI. La tolérance est
globalement bonne et l’efficacité est largement
supérieure à tous les types de traitements utilisés
à cet effet.
En conclusion, la bonne tolérance et la meilleure
efficacité du propranolol vis-à-vis de tous les
autres types de traitements, font du propranolol
une première ligne de traitement dans les cas
d’HAI compliqués.
Rev Med Brux 2013 ; 34 : 479-84
ABSTRACT
Infantile hemangioma (IH) is the most common
benign vascular tumour affecting children. Most
infantile hemangiomas are self-limiting, but some
require specific treatment. Propranolol has been
proposed for the treatment of infantile
hemangiomas.
The aim of this study is to explore the mechanism
of action of propranolol for the treatment of
infantile hemangiomas and to demonstrate its
safety and efficacy through a review of the
literature.
The non cardioselective bêta-blocker propranolol
has been used in a pediatric setting for 40 years
and, since 2008, has a new indication. A clearly
significant improvement has been observed in the
condition of children with complicated IH (10 %)
treated with propranolol. This new indication has
been widely described in the international
literature. Various explanations have been put
forward for the mechanism of action including a
vasoconstrictor, antiangiogenic and apoptotic
effect of propranolol on the different cells making
up an IH. Overall tolerance is good and the
efficacy markedly superior to that of any other
treatments used for this purpose.
In conclusion, with its good tolerance profile and
superior efficacy versus all the other available
therapies, propranolol can be considered to be a
first-line treatment for complicated IH.
Rev Med Brux 2013 ; 34 : 479-84
Key words : infantile hemangioma, children,
propranolol
Rev Med Brux - 2013
480
INTRODUCTION
L’hémangiome infantile est la plus commune des
tumeurs vasculaires bénignes de l’enfance. La plupart
régressent spontanément mais certains nécessitent une
intervention plus importante en raison des
complications ou de formes graves, altérant le pronostic
fonctionnel et vital. Alors que le traitement " gold
standard " de ces hémangiomes était axé sur les
corticostéroïdes, un " nouveau " traitement a été
découvert en 2006 et rapporté dans le New England
Journal of Medicine par Léauté-Labrèze et al.1,
en 2008 : le propranolol. A cet article princeps feront
suite de nombreuses études (avec un essai contrôlé
randomisé publié en 20112) à travers le monde,
confirmant l’efficacité de ce traitement. A présent,
l’octroi de licence du propranolol dans le traitement
des hémangiomes infantiles par l’European Medicine
Agency est encore en attente mais elle est accordée
pour d’autres indications pédiatriques. Le but de ce
travail est de comprendre le mécanisme d’action du
propranolol sur les hémangiomes infantiles et de
démontrer sa bonne tolérance et son efficacité par une
revue de la littérature.
METHODES
Afin de récolter l’ensemble des articles
scientifiques existants et des données probantes sur la
thématique de recherche, la base de données Medline
via Pubmed et OVID, ainsi que d’autres bases de
données telles que " The Cochrane library ", " Clinical
evidence ", " Up-to-date ", " Tripdatabase " et
" Sumsearch " avec l’introduction des mots clés selon
MeSh ou la méthode PICO ont été consultées. Les
sites de recommandations nationales ont été visités :
" SSMG ", " INAMI ", " CBIP " et " Minerva-EBM ". Le
site de l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) a
également été pris en compte dans la recherche
documentaire. La littérature grise telle que " google
scholar " a été consultée. Il n’y a pas eu de limitation
quant aux types d’articles recherchés. 25 articles
publiés dans les langues française et anglaise entre
juin 2008 et mars 2012, de différents niveaux de
preuves, ont été analysés.
REVUE DE LA LITTERATURE
Les anomalies vasculaires
Les anomalies vasculaires représentent un
groupe très hétérogène de lésions aussi bien sur les
plans anatomique que clinique et biologique. Parfois
spectaculaires, elles affectent les parents, et la
psychologie de l’enfant dès qu’il commence à en
prendre conscience.
Bien que les anomalies vasculaires soient
d’apparition fréquente chez les nourrissons, une
confusion quant aux différentes terminologies adoptées
persiste encore chez les différents spécialistes les
prenant en charge, compliquant le diagnostic correct.
Une première classification a été publiée par
Mulliken et Glowacki en 1982, classant les différentes
anomalies vasculaires en fonction de leur structure
biologique et de leur potentiel prolifératif. En 1996, lors
d’un congrès de l’ISSVA (International Society for the
Study of Vascular Anomalies), la classification de
Mulliken a été adoptée tout en étant légèrement
modifiée3. La classification des tumeurs vasculaires a
été détaillée, et celle des malformations vasculaires,
redéfinie en fonction de la composante prédominante
des lésions (lymphatique, veineuse, artério-veineuse,
capillaire ou mixte) (tableau 1).
Tableau 1 : Classification des tumeurs vasculaires et
malformations vasculaires selon l’ISSVA3.
Tumeurs vasculaires Malformations vasculaires
Hémangiome Lymphatique (bas débit :
- infantile macrokystique,
- congénital : RICH, NICH microkystique)
Hémangioendothéliome Veineuse (bas débit)
kaposiforme Mixte (bas débit)
Angiome en touffeArtério-veineuse (haut débit)
Granulome pyogénique Capillaire (bas débit)
Hémangiopéricytome (ou angiome plan)
Hémangiome infantile
Epidémiologie et facteurs de risque
L’incidence exacte des HAI est méconnue mais il
est estimé une prévalence de 5 à 10 % chez les
nourrissons européens4-6. Les facteurs de risque
identifiés sont le sexe féminin (ratio 2-3/1), la race
européenne, la prématurité, un faible poids de
naissance (< 1.500 g), un traitement d’infertilité, une
biopsie de villosités choriales4, une grossesse multiple,
compliquée d’un placenta praevia ou d’une pré-
eclampsie ou une grossesse survenant à un âge plus
avancé5. Alors que la majorité des hémangiomes
infantiles sont d’apparition sporadique, quelques rares
cas d’hémangiomes héréditaires ont été rapportés5.
Histoire naturelle et localisation
Les hémangiomes infantiles sont solitaires dans
80 % des cas7, avec une localisation préférentielle au
niveau de la tête et du cou (60 %) et mesurent en
moyenne entre 0,5 à 5 cm. Ils sont invisibles ou sous
forme de lésions précurseurs (plage anémique ou
macule rouge) à la naissance. Ils ont ensuite une
évolution caractéristique en trois cycles, avec une
phase de prolifération précoce et rapide en 6 à 8 mois,
de couleur rouge vif s’ils touchent seulement le derme
papillaire (superficiel) et bleutée ou normale s’ils
touchent l’hypoderme (sous-cutané) ou mixte (rouge
au centre et contour bleuté) (figure 1). Cette phase est
suivie par une phase de latence jusqu’à la fin de la
première année de vie, et par une régression
spontanée en moyenne entre 5 et 7 ans, laissant
souvent place à quelques séquelles souvent de type
télangiectasiques.
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Figure 1 : Illustration d’un hémangiome infantile " en
barbe " pris en charge à l’H.U.D.E.R.F. A) lésion précurseur à
la naissance ; B) phase proliférative à 7 mois d’âge.
A B
Causes et physiopathologie
L’angiogenèse est un processus de formation de
néo-vaisseaux à partir de vaisseaux préexistants,
impliquant des mécanismes moléculaires et cellulaires
complexes ainsi qu’un équilibre entre les facteurs pro-
angiogéniques (bFGF (basic fibroblast growth factor),
VEGF (vascular endothelial growth factor), EGF
(epidermal growth factor), etc.) et anti-angiogéniques
(angiostatine, endostatine, TIMP-1, 2, 3 (tissue inhibitor
of metalloproteinases), etc.) à l’état physiologique mais
un déséquilibre à l’état pathologique comme dans les
cas d’HAI8.
Plusieurs théories divergentes ont essayé de
décrypter les cellules souches pluripotentes à l’origine
de ces tumeurs vasculaires. Trois hypothèses ont été
émises, dont l’une en 2000 suite à la découverte d’un
immunophénotypage commun avec les cellules
endothéliales placentaires (Fc¥R-II (Fc gamma RII),
mérosine, antigène Lewis Y, GLUT1 (glucose
transporter 1)). La positivité du transporteur du glucose
GLUT1 est devenue un élément incontournable du
diagnostic histopathologique en cas de doute sur
l’histologie standard. Des gènes similaires à ceux du
cordon ombilical et des cellules souches de la moelle
ont également été isolés, suggérant que les cellules
endothéliales progénitrices monoclonales/polyclonales
ou les cellules souches mésenchymateuses pourraient
être à l’origine de ces tumeurs9. Les deux autres
hypothèses émises respectivement en 1994 et 1984,
suggéraient que le papillomavirus et une origine
hormonale pouvaient être à l’origine de ces HAI.
En effet, il avait été découvert des niveaux élevés de
17 β-oestradiol et de récepteur à oestradiol chez les
petites filles porteuses d’HAI10 pouvant peut-être
expliquer la prédominance féminine.
Pour ce qui est des facteurs pro-angiogéniques,
il a été découvert que les VEGF se fixent sur deux
types de récepteurs : les VEGFR (vascular endothelial
growth factor receptors) 1 et 2 des cellules
endothéliales, mais avec une plus grande affinité pour
les types 1 que 2. Dans les cellules endothéliales des
HAI, des mutations au niveau des gènes des intégrines,
des VEGFR2 et de TEM8 (tumor endothelial marker-8)
ont été isolées, diminuant l’expression des VEGFR1, et
augmentant celle des VEGFR2. La liaison du VEGF sur
les VEGFR2 surexprimés serait alors responsable de
la prolifération anarchique de ces cellules11.
La transmission de la plupart des anomalies
vasculaires étant non héréditaire, une étude des cas
familiaux de malformations vasculaires a mis en
évidence des gènes mutés responsables d’une hérédité
de type " paradominante "9. Une hérédité de ce type
pourrait peut-être expliquer les quelques rares cas
d’HAI familiaux rapportés dans la littérature.
Quand faut-il référer à un spécialiste et quand faut-il
traiter ?
Les hémangiomes infantiles sont généralement
pris en charge et suivis par le médecin traitant ou le
pédiatre. Toutefois, il est conseillé de référer le patient
à un dermato-pédiatre en cas d’hémangiome compliqué
et/ou grave : les complications locales de type nécrose,
ulcération, saignement et surinfection, les formes
graves altérant le pronostic fonctionnel des organes de
sens (amblyopie, astigmatisme, obstruction nasale), les
formes de type miliaire disséminé avec localisation
viscérale affectant le pronostic vital, et les formes
affectant le pronostic esthétique12.
Quand faut-il faire des examens complémentaires ?
Dans 90 % des cas, le diagnostic est clinique et
basé sur l’anamnèse, l’examen clinique et l’examen des
photographies. En cas de doute diagnostique, une
échographie avec Doppler-couleurs et/ou une imagerie
par résonance magnétique (IRM) peuvent être
nécessaires, pouvant être complétées par une biopsie
chirurgicale avec immunomarquage par GLUT1. La
réalisation d’examens complémentaires (échographie,
IRM) est également importante en cas de bilan
d’extension préalable à un éventuel traitement et d’HAI
compliqué et/ou grave6 (tableau 2).
Le traitement des hémangiomes infantiles compliqués12
Dans 90 % des cas, la régression se faisant
spontanément, une abstention thérapeutique est
généralement recommandée avec tout de même une
surveillance clinique rapprochée et régulière durant la
phase de croissance.
Une grande variété de traitements a été utilisée
historiquement dont certains sont toujours d’actualité.
Citons :
-Les traitements médicamenteux : la corticothérapie,
considérée jusque-là, comme un " gold standard ",
les interférons α (2α et 2β), la vincristine et
l'imiquimod ainsi que la bléomycine.
-Les lasers (colorant pulsé, Nd-YAG (neodymium-
doped-yttrium aluminium garnet), etc.) ont connu
une indication limitée due à leur inefficacité sur les
lésions profondes avec, en plus, un risque
d’ulcération.
-La cryothérapie peut être utilisée dans le traitement
des petites lésions superficielles et bien délimitées,
en phase proliférative et la chirurgie (excision) dans
celui des lésions ne répondant pas aux autres lignes
de traitements, compliquées par une ulcération et
saignement ou à finalité esthétique.
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Tableau 2 : Formes d’HAI nécessitant la réalisation d’examens complémentaires à la recherche d’anomalies ou de complications
associées6.
Situations Anomalies à rechercher Examens complémentaires
Hémangiomatose miliaire Angiome hépatique Echographie hépatique
Autres atteintes si signes cliniques selon anomalies cliniques
Hémangiome volumineux Décompensation hépatique Echographie hépatique
Décompensation cardiaque Echographie cardiaque
Hémangiome en barbe Atteinte laryngée Fibroscopie laryngée
Hémangiome des paupières Atteinte oculaire Examen ophtalmologique
Perturbation de l’axe visuel
Hémangiome volumineux et systématisé du visage Syndrome PHACES Examen ophtalmologique
Echographie cardiaque
Angioscanner thoracique
IRM cérébrale
Hémangiome du périnée Syndrome PELVIS Echographie et IRM abdominale et
périnéale
Hémangiome de la ligne médiane Dysraphie spinale Echographie médullaire
IRM de la colonne vertébrale
-Le propranolol, dont l’effet a été découvert en 2006,
lors de son administration pour une cardiomyopathie
hypertrophique développée dans un contexte de
corticothérapie pour HAI étendu de la pyramide
nasale a été rapporté dans la littérature pour la
première fois en 20081. Actuellement, il est utilisé
en première intention par la plupart des dermato-
pédiatres en Belgique (figure 2).
Le propranolol et l’hémangiome infantile
Le propranolol, dont les indications sont
largement connues par le monde médical, est un
β-bloquant non-cardiosélectif, développé dans les
années 1960-1970.
Contre-indications
Les contre-indications de l’utilisation du
propranolol dans le traitement des HAI sont la
prématurité, les nouveau-nés (2 premières semaines
de vie), les nourrissons souffrant de bronchites
obstructives ou d’asthme, d’une pathologie cardio-
vasculaire, d’une malformation cardiaque congénitale,
d’une maladie du système nerveux central ou d’une
fonction rénale réduite.
Efficacité
Dans les précédentes études d’observation
prospectives et rétrospectives, une évolution
rapidement favorable avec un changement de couleur
virant du rouge au violet en 24 h était décrite, ainsi
qu’un ramollissement de la tumeur. De plus, un arrêt
de la croissance de la tumeur pouvait être observé en
une période allant de 48 h à 1 mois. La régression, par
contre, prenait plus de temps (± 1 an)13. Dans la série
de cas de J. Schupp14 reprenant 55 patients sous
propranolol, il a été constaté que les patients plus
jeunes répondaient plus vite mais qu’il fallait une
Figure 2 : Hémangiome infantile compliqué en " barbe " chez un
nourrisson de 7 mois pris en charge à l’H.U.D.E.R.F., avant et après
3 mois de traitement par propranolol. A gauche : avant traite-
ment : phase proliférative ; à droite : photographies prises chez le
même nourrisson après 3 mois de traitement par propranolol à une
dose moyenne de 2 mg/kg/j.
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période de traitement plus longue pour prévenir les
rechutes. Dans l’étude rétrospective de M. Saint-Jean
et al.15, les HAI ulcérés localisés au niveau de la tête
et du cou présentaient une guérison complète
nettement plus rapide que les HAI en d’autres
localisations. Dans le seul essai clinique randomisé2
qui inclut 40 patients âgés de 9 semaines à 5 ans,
avec des HAI à tous les stades d’évolution, il a été
observé un arrêt de la croissance en plus ou moins
4 semaines, une diminution constante du volume et
une amélioration significative de la rougeur et du
gonflement préservant la région bleutée en 12 à
24 semaines. Cependant, dans cette même étude, une
efficacité complète du propranolol n’a pas pu être
démontrée contrairement à ce qui était reporté dans
les études prospectives précédentes. Ainsi, dans
plusieurs études, les niveaux de réponse ont été
classifiés en total et partiel, ces derniers représentant
la majorité.
Possibles mécanismes d’action du propranolol dans les
cas d’HAI
-Il a été suggéré que l’arrêt rapide de la croissance
et l’effet de blanchissement seraient dus aux
propriétés vasoconstrictrices des β-bloquants.
-La régression de l’HAI prenant plus de temps, serait
par contre, due à une altération de l’angiogenèse.
Les cellules stromales, dendritiques, les péricytes
et les mastocytes associés à la prolifération clonale
de cellules endothéliales, sont des producteurs
d’une multitude de facteurs de croissance pro-
angiogénique (bFGF, VEGF, EGF, etc.),
responsables d’une angiogenèse pathologique lors
de la phase proliférative13,14-16.
-Comme une surexpression du VEGF en cas
d’hypoxie, provoque une sécrétion de HIF-1α
(hypoxia-include factor-1α) et une stimulation
adrénergique, il est alors probable que le propranolol
exerce ses effets anti-angiogènes par une diminution
de l’expression du VEGF, bFGF (facteurs pro-
angiogéniques) et de l’HIF-1α.
-Le propranolol induirait également une apoptose des
cellules endothéliales des capillaires13.
Tolérance
Les bêtabloquants sont utilisés chez le
nourrisson depuis près de 40 ans, sans qu’on ait
observé des complications mettant en danger la vie de
l’enfant. Pour améliorer la tolérance, le propranolol est
administré à petite dose et augmenté par palier, pour
atteindre une dose efficace de 2-3 mg/kg/j16. Les effets
secondaires des bêtabloquants sont bien connus. Les
plus communs sont l’hypoglycémie, la nervosité, la
perturbation du sommeil, les cauchemars, les
extrémités froides. Les autres effets secondaires
rapportés dans la littérature incluent la bradycardie,
l’hypotension artérielle, la somnolence, le broncho-
spasme, la dépression, les nausées, les vomissements,
la diarrhée, l’insuffisance cardiaque congestive, le reflux
gastro-œsophagien, l’hyperkaliémie, le rash
médicamenteux psoriasique et l’exacerbation d’infection
respiratoire à RSV (virus respiratoire syncytial)2-15.
Propranolol versus prednisone ?
Bien que le " gold standard " du traitement des
HAI compliqués jusque-là fût la prednisone, très peu
de pays avaient accordé une autorisation de mise sur
le marché pour cette indication en raison de ses
multiples effets secondaires. Depuis la découverte de
l’action du propranolol sur les HAI, plusieurs études
rétrospectives ont comparé l’efficacité du propranolol à
la prednisone. Une de ces études rétrospectives17 a
comparé un groupe de 12 patients traités par
propranolol à un groupe traité par prednisone. Les tests
statistiques traitant des cas à 1-2-6 mois de traitement
continu, mettaient en évidence, une moyenne
d’amélioration significativement supérieure dans le
groupe traité par propranolol que par prednisone
(respectivement : 27,5 % à 1 mois, p = 0,007 ; 25 %
à 2 mois, p = 0,002 ; 47,5 % à 6 mois, p < 0,001). Une
autre étude rétrospective multicentrique18 démontrait
que le traitement par propranolol était cliniquement plus
efficace, avec une amélioration de la lésion de 75 % ou
plus par rapport à la prednisone (p = 0,01) et qu’il était
plus rentable et mieux toléré que le corticostéroïde
systémique. De plus, il réduit le nombre de cas
recourant à une intervention chirurgicale, avec un
résultat cosmétique meilleur dans l’ensemble.
Y a-t-il une place pour un traitement local ?
Un traitement local peut parfois être proposé pour
des HAI superficiels et de petite taille. Il s’agit du
propionate de clobétasol ou de fluticasone, de
l’imiquimod et du timolol gel19-21.
Recommandations actuelles du traitement des
hémangiomes infantiles compliqués par le propranolol
Conformément aux données de la littérature et
les recommandations des cardio-pédiatres, nous
proposons les recommandations suivantes :
-Indications : les patients n’ayant pas de contre-
indications à être traités par un bêtabloquant et
présentant un HAI compliqué et/ou grave : HAI
étendu avec risque de décompensation cardiaque,
HAI facial péri-orificiel, du cou, du cuir chevelu, des
fesses, de la région mammaire, HAI ulcéré,
hémangiomatose néonatale diffuse, un syndrome
PHACE(S) ou un syndrome PELVIS, à savoir :
-PHACE(S) : P : anomalie de la fosse posté-
rieure ; H : hémangiome infantile ; A : anomalies
artérielles ; C : coarctation de l’aorte et anomalies
cardiaques ; E : anomalies oculaires ; S :
anomalies sternales ;
-PELVIS : P : hémangiome périnéal ; E :
malformations génitales externes ; L :
lipomyéloméningocèle ; V : anomalies viscéro-
rénales ; I : anus imperforé ; S : acrochordon de
la peau.
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-Début et initiation du traitement : le plus tôt
possible, à minimum un mois d’âge et durant la
phase de prolifération de l’hémangiome. Afin
d’améliorer la tolérance, le propranolol peut être
initié progressivement (avec une dose de départ
d’1 mg/kg/j, augmenté par palier pour atteindre une
dose efficace de 2-3 mg/kg/j) en ambulatoire et dans
certains cas sous monitoring.
-Surveillance : avant le début traitement, un avis
cardio-pédiatrique avec un examen cardiaque de
base (RC (rythme cardiaque), TA (tension artérielle),
ECG (électrocardiographie), écho-cardiaque) ainsi
qu’une analyse biologique doivent être réalisés.
-Durée du traitement : il est conseillé de traiter
jusqu’à la fin de la phase de croissance de
l’hémangiome infantile (minimum 1 an) et de réduire
progressivement la dose à l’arrêt du traitement.
CONCLUSION
Selon la revue de la littérature, seuls 10 % des
HAI requièrent un traitement spécifique.
Après avoir comparé les différents traitements
utilisés à cet effet, nous concluons que le propranolol
peut être prescrit comme première ligne de traitement
dans le cas d’HAI compliqué car il présente une
meilleure efficacité et une meilleure tolérance que tous
les autres traitements. Malgré que la tolérance soit
globalement bonne, sa prescription doit tout de même
faire l’objet d’une surveillance stricte compte tenu de
l’âge précoce des patients22. Son utilisation doit être
réservée à des indications précises, nécessitant une
confirmation du diagnostic par un spécialiste.
Enfin, la prise en charge des HAI étant
pluridisciplinaire, il est donc intéressant que les
différents intervenants (médecins généralistes (+ ONE
(Office de la Naissance et de l’Enfance)), pédiatres,
dermatologues) puissent prendre conscience de
l’existence de ce " nouveau " traitement qui a
" révolutionné " la prise en charge des HAI compliqués.
Remerciements
Je remercie les Docteurs C. Dangoisse et
P. Semaille pour m’avoir guidée et soutenue tout au
long de mon travail, Madame A. Hubert pour avoir relu
mon article ainsi que ma famille pour le soutien
précieux qu’elle m’a apporté.
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Correspondance et tirés à part :
L. YILMAZ
Rue Josaphat 59
1030 Bruxelles
E-mail : Leyla.Yilmaz@ulb.ac.be
Travail reçu le 30 décembre 2012 ; accepté dans sa version
définitive le 17 mai 2013.