Depuis plusieurs années, de nombreux travaux scientifiques ont réaffirmé le rôle important du sommeil dans la régulation du comportement. Or, l'adolescent – chacun le sait – accorde peu d'importance à l'équilibre de son sommeil : il préfère souvent veiller et remettre son repos à plus tard, ce qui lui occasionne de nombreux cas de manque caractérisé de sommeil. Il est permis de se demander si, dans les cas les plus nets, le sommeil parvient encore à jouer son rôle restaurateur et si son insuffisance ne peut pas contribuer à la séquence qui aboutit, chez certains adolescents, à l'expression de comportements violents. La violence chez l'adolescent L'adolescence, période de maturation physique et psycholo-gique qui s'impose au grand enfant, évoque immédiatement les notions de crise, de conflit et donc de violence. Cette violence peut s'exprimer avec force et déterminer des comportements agressifs aux formes multiples, ce qui met en difficulté l'adolescent lui-même, son entourage et, bien souvent, le groupe social. Les comportements violents des adolescents, dont la fréquence et la typologie sont comparables dans l'ensemble des pays industrialisés (1), constituent à l'heure actuelle une question de société qui a d'importants échos dans le domaine de la santé publique. En témoignent plusieurs travaux récents réalisés sur demande institutionnelle (2, 3). D'une manière générale, toute expression extériorisée de violence mise à part, il faut signaler que l'adolescent vit ses émotions et ses sentiments avec une intensité telle qu'il éprouve souvent une certaine violence en lui et autour de lui. Ses comportements agressifs se situent donc fréquemment « en miroir » par rapport à une pression extérieure qu'il ressent et perçoit comme violente (4). Les rites qui étaient censés scander le passage à l'âge adulte, et qui ont quelque peu disparu de notre culture mais ont persisté dans des sociétés plus traditionnelles, utilisaient cette violence qu'ils canalisaient dans un but maturatif. Selon de nombreux ethnologues, les prises de risque de type ordalique chez les adolescents occidentaux en constitueraient un retour (5). Dans cet article, nous nous intéressons principalement à l'ex-pression comportementale de la violence adolescente, celle-ci se manifestant sous la forme de conduites agressives différen-ciables que l'on peut classer de la manière suivante (4) : • les conduites hétéro-agressives : – la violence contre les biens (vandalisme et conduites destructrices solitaires), – la violence contre les personnes (intra-ou extrafamiliale) ; • les conduites autoagressives : – le suicide et les tentatives de suicide violentes, – les équivalents suicidaires et les autres comportements de prise de risques, – les automutilations (impulsives ou chroniques). L'importance du phénomène suicidaire dans la population adolescente est bien connue : il constitue, en France, la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et les modes suicidaires les plus violents (pendaison, armes à feu ou arme blanche, défenestration…) sont à l'origine de la majorité des suicides accomplis (6). En ce qui concerne les comporte-ments hétéro-agressifs, une idée de leur fréquence apparaît à travers les statistiques judiciaires : même s'ils représentent une minorité des délits commis par des adolescents, ils sont en augmentation constante depuis plusieurs années, en particulier chez les garçons (7). Chaque type de violence peut s'exprimer ponctuellement ou de manière récurrente, la répétition des passages à l'acte indiquant le plus souvent la mise en place d'une organisation psychopathologique (2). Dans ce domaine, les comporte-ments hétéro-agressifs récurrents sont habituellement référés au diagnostic de « Trouble des conduites » (8, 9), entité qui renvoie, dans la classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent (10), essentiellement aux organisations psychopathique et perverse de la person-nalité. Les conduites autoagressives concernent, quant à elles, principalement les troubles de l'affectivité de type « États limites » et les dépressions de l'adolescent (4). Certaines parmi ces dernières surviennent dans le cadre de troubles bipolaires de l'humeur qui semblent favoriser chez l'adolescent à la fois les comportements auto-et hétéro-agressifs (11).