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Fruits, vol. 67 (1) 3
Relationship between production and consumption of fruit grown on the Allada
plateau in southern Benin.
Abstract —Introduction. In Benin, the diet of the population is deficient in vitamins and minerals;
consumption of fruits and vegetables could be an effective way to prevent nutritional deficiencies and
chronic disease. In this context, it was important to study the volume of fruit and vegetable consump-
tion in Benin and to assess the relationship between availability, price and acquisition by households.
We were interested in the consumption of fruits produced in a region of Benin, Allada plateau.
Materials and methods. The different species of fruit grown on the Allada plateau were identified.
Availability was assessed and related to their consumption based on a regional survey of a sample of
120 farm managers across four municipalities in the region. Results. The net consumption of locally
grown fruits by each producing household was estimated at 31.6 kg per year. Among the 15 fruit spe-
cies identified, the most eaten were found to be mango (13.3 kg per person per year, 42%), banana
(7.6 kg per person per year, 24%), mandarin (11%), orange (8%) and avocado (7%). No significant cor-
relation was found between consumption and production of fruit. However, a very strong correlation
was demonstrated between the production and the amount of fruit sold, and a significant negative cor-
relation was found between the amount of fruit products and their selling price. The balance between
production and consumption showed a positive margin for the orange, pineapple, tangelo and papaya,
which means that these products are primarily commercial and only a residual share of these crops
is reserved for consumption. Most other fruit crops consumed by households of Allada plateau must
be imported. Discussion. On the Allada plateau, despite high production of certain fruits, their
consumption by farm households is low and little diversified with respect to their availability; it is well
below the standards recommended by the WHO. It will be necessary to study further the determinants
of such a bias to guide public policy and the choice of producers and consumers better to ensure a
better diet for local people.
Benin / fruit growing / farm surveys / production / on-farm consumption / marketing /
marketing margins / nutritional requirements
Relation entre la production et la consommation des fruits cultivés sur le plateau
d’Allada au sud du Bénin.
Résumé — Introduction. Au Bénin, le régime alimentaire des populations est déficient en vitamines
et minéraux ; la consommation de fruits et légumes pourrait constituer un moyen efficace pour éviter
les carences nutritionnelles et prévenir les maladies chroniques. Dans un tel contexte, il importait d’étu-
dier le volume de consommation des fruits et légumes au Bénin et d’évaluer les liens existant entre
leur disponibilité, leur prix et leur acquisition par les ménages. Nous nous sommes intéressés à l’auto-
consommation des fruits produits dans une région du Bénin, le plateau d’Allada. Matériel et méthodes.
Les différentes espèces fruitières cultivées sur le plateau d’Allada ont été identifiées. Leur disponibilité
a été évaluée et mise en relation avec leur consommation en s’appuyant sur une enquête régionale
portant sur un échantillon de 120 chefs d’exploitation agricole répartis sur quatre communes de la
région. Résultats. L’autoconsommation nette des fruits cultivés localement par chacun des ménages
producteurs a été évaluée à 31,6 kg par an. Parmi les 15 espèces fruitières recensées, les plus consom-
mées se sont révélées être la mangue (13,3 kg par personne et par an, 42 %), la banane (7,6 kg par
personne et par an, 18 %), l’orange (8 %) et l’avocat (7 %). Aucune corrélation significative n’a été éta-
blie entre la consommation et la production des fruits. En revanche, une très forte corrélation a été
mise en évidence entre la production et la quantité de fruits commercialisée, et une corrélation négative
significative a été trouvée entre la quantité de fruits produits et leur prix de vente. Le bilan entre pro-
duction et consommation a fait apparaître une marge positive pour l’orange, l’ananas, le tangelo et la
papaye, ce qui signifie que ces productions sont avant tout marchandes ; seule une part résiduelle de
ces récoltes est réservée à l’autoconsommation. La plus grande partie des autres productions fruitières
consommées par les ménages du plateau d’Allada doivent être importée. Discussion. Sur le plateau
d’Allada, malgré une forte production de certains fruits, leur consommation par les ménages agricoles
est faible et peu diversifiée par rapport à leur disponibilité et se situe bien en deçà des normes recom-
mandées par l’OMS. Il sera nécessaire de mieux étudier les déterminants d’une telle distorsion pour
mieux guider les politiques publiques, ainsi que les choix des producteurs et des consommateurs, afin
d’assurer un meilleur régime alimentaire aux populations locales.
Bénin / culture fruitière / enquête sur exploitations agricoles / production /
autoconsommation / commercialisation / marge de distribution / besoin nutritionnel
1INRA-Bénin,
BP 71, Allada, Bénin
chritossou@yahoo.fr
2Dép. Environ. Agric. Durable
CEBEDES ONG,
Univ. Abomey-Calavi,
02 BP 331 Cotonou, Bénin
3Fac. Sci. Agron.
Univ. Abomey-Calavi,
01 BP 526, Cotonou, Bénin
Relation entre la production et la consommation des fruits
cultivés sur le plateau d’Allada au sud du Benin
Christophe Cocou TOSSOU1*, Anne B. FLOQUET2, Brice A. SINSIN3
* Correspondance et tirés à part
Reçu le 25 juin 2010
Accepté le 16 mai 2011
Fruits, 2012, vol. 67, p. 3–12
© 2011 Cirad/EDP Sciences
All rights reserved
DOI: 10.1051/fruits/2011061
www.fruits-journal.org
RESUMEN ESPAÑOL,p.12
Article published by EDP Sciences and available at http://www.fruits-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/fruits/2011061
4Fruits, vol. 67 (1)
C.C. Tossou et al.
1. Introduction
L’alimentation est un déterminant majeur du
maintien de l’organisme dans un état de
santé satisfaisant et des recommandations
nutritionnelles ont été formulées pour
encourager une alimentation saine [1, 2].
Diverses études épidémiologiques montrent
qu’une faible consommation de fruits et de
légumes accroit le risque de maladies chro-
niques1chez l’homme [3], et l’Afrique
n’échappe pas à ce constat, bien au contraire
[4]. Le rapport conjoint de l’Organisation
mondiale de la Santé (OMS) et de la FAO
(Food and Agriculture Organization) sur la
prévention des maladies chroniques recom-
mande ainsi une consommation d’au moins
400 g de fruits et légumes par personne et
par jour [5]. De part leur faible charge calo-
rique, les fruits et légumes contribuent à
réduire la densité énergétique de l’alimen-
tation [6]. L'accent est de plus en plus mis
sur l'importance de la diversité des aliments
et, en particulier, des fruits et légumes, ainsi
que sur les synergies pouvant exister entre
les constituants d'un même aliment et entre
aliments. Malheureusement très peu de tra-
vaux portent sur les effets synergiques,
permettant d'argumenter scientifiquement
l'impact des fruits et légumes sur la santé,
alors qu’une pléthore de travaux porte sur
l'effet d'un principe actif sur une pathologie
particulière [7]. De ce fait, la consommation
de fruits et légumes est de plus en plus consi-
dérée par de nombreuses instances comme
un enjeu de santé publique et fait l’objet de
recommandations nutritionnelles par la FAO
et l’OMS au niveau mondial [5].
L’alimentation de la population au sud du
Bénin est essentiellement composée de
deux produits de base riches en amidon, le
maïs et le manioc, et d’un troisième, le
niébé, une légumineuse riche en glucides
(plus de 50 %). Les variations culinaires à
partir de ces trois produits dépendent de la
sauce qui accompagne les mets. De toute
évidence, ce régime alimentaire est déficient
en vitamines et minéraux ; au Bénin, la
consommation de fruits et légumes pourrait
constituer un moyen efficace pour éviter les
carences nutritionnelles et prévenir les
maladies chroniques à condition de lever
certains blocages culturels. Malheureuse-
ment, les données qui pourraient orienter le
choix des fruits et légumes à consommer en
fonction des besoins ne sont pas dispo-
nibles.
Dans un tel contexte, il importait d’étu-
dier le volume de consommation des fruits
et légumes au Bénin et d’évaluer les liens
existant entre leur disponibilité, leur prix et
leur acquisition par les ménages. C’est dans
cette perspective que se sont inscrits nos tra-
vaux de recherche qui se sont intéressés à
l’autoconsommation des fruits produits
dans une région au sud du Bénin, le plateau
d’Allada.
2. Matériel et méthodes
2.1. Localisation de l’étude
Notre étude de la consommation des fruits
et légumes au Bénin a été menée sur le pla-
teau d’Allada, dans la zone guinéenne du
pays (entre 6°25’ et 7°30’ N ; 2° et 2°30’ E).
Ce plateau est délimité par les vallées
de l’Ouémé, du Couffo et la dépression
de la Lama. Il est constitué en grande partie
de sols ferrugineux tropicaux, sols faible-
ment ferralitiques qui conviennent aux
cultures vivrières, ainsi qu’aux plantations
d’ananas, de palmiers à huile et d’agrumes
[8]. Le régime pluviométrique de cette
région est bimodal (avril–juin et septembre–
novembre) avec une pluviométrie moyenne
de 1 200 mm·an–1. La température moyenne
varie de 25 °C à 29 °C et l’humidité de l’air
de 69 % à 97 % [9]. En 2002, la population
du plateau d’Allada répartie dans les com-
munes d’Allada, de Toffo, de Tori-Bossito
et de Zê était estimée à 283 900 habitants
regroupés en 60 124 ménages, dont
33 535 ménages agricoles [10].
2.2. Matériel et méthodes
La distinction entre fruits, légumes, plantes
à tubercules et épices est souvent arbitraire
1Cancer, maladies cardio-vasculaires et
cérébrales, diabète, obésité.
Consommation des fruits cultivés au sud du Benin
Fruits, vol. 67 (1) 5
et floue. En effet, selon le degré de maturité
de leurs fruits, de nombreuses espèces se
consomment fraîches comme fruits ou
cuites comme légumes. Par ailleurs, tous les
produits végétaux consommés essentielle-
ment pour leur goût rafraîchissant ou
aromatique sont classés comme fruits. Il
s’agit en particulier de fruits à pulpe juteuse
[11]. Les espèces cultivées que nous avons
étudiées se sont révélées être de type arbo-
ricole, arbustif et herbacé (tableau I).
Un inventaire taxonomique exhaustif des
espèces fruitières cultivées a été fait selon
la méthode de Gounot [12] auprès d’un
échantillon aléatoire de 120 chefs d’exploi-
tation agricole de quatre communes (Allada,
Toffo, Tori Bossito et Zê) du plateau
d’Allada et en s’appuyant sur La flore du
Bénin [13]. Pour la consommation des fruits,
un diagnostic rapide a été effectué auprès
du même échantillon d’exploitants, en
s’appuyant sur les travaux de Kumar [14] et
sur ceux de Beaudoux et al. [15].
Le choix des exploitations agricoles
échantillonnées s’est appuyé sur deux cri-
tères principaux :
(i) exploitations présentant une surface
supérieure ou égale à 0,5 ha ;
(ii) exploitations pratiquant des cultures
fruitières depuis au moins 6 ans. En effet,
une étude préalable que nous avions réali-
sée en 2001 avait conclu que 65 % des pro-
ducteurs de fruits disposaient d’une super-
ficie supérieure ou égale à 0,5 ha [16]. Par
ailleurs, un verger âgé d’au moins 6 ans est
normalement en mesure de produire cor-
rectement lorsqu’il s’agit de plants greffés ou
suffisamment robustes pour résister aux
sécheresses ordinaires.
2.3. Rodage de la méthode
Tout d’abord, l’objectif de l’étude a été
expliqué aux exploitants sélectionnés lors
d’une première visite sur le terrain. Une
Tableau I.
Noms des espèces fruitières cultivées recensées auprès de 120 exploitations sur le plateau d’Allada, dans le sud
du Bénin.
Genre et espèce Famille Nom anglais Nom français
Ananas comosus (L.) Merill Bromeleaceae Pineapple Ananas
Anona muricata L. Anonaceae Soursop Corossolier
Artocarpus altilis F. Moraceae Breadfruit tree Arbre à pain
Carica papaya L. Caricaceae Pawpaw tree Papayer
Citrus limon (L.) Burm. F. Rutaceae Lemon tree Citronnier
Citrus maxima (Burm.) Merr. Rutaceae Shadek tree Pamplemoussier
Citrus reticulata Blanco Rutaceae Mandarin tree Mandarinier
Citrus sinensis (L.) Osbeck Rutaceae Orange tree Oranger
Citrus reticulata Blanco
× Citrus paradisi Macfad.
Rutaceae Tangelo tree Tangelo
Irvengia gabonensis
(Aubry-Lecompte ex O’Rorke) Baill.
Irvengiaceae Crab apple tree Mangue du Gabon
Mangifera indica L. Anacardiaceae Mango tree Manguier
Manilkara zapota van Royen Sapotaceae Sapodilla tree Sapotillier
Musa spp.Musaceae Banana tree Bananier
Persea americana Miller Lauraceae Avocado pear Avocatier
Psidium guajava L. Myrtaceae Guava tree Goyavier
6Fruits, vol. 67 (1)
C.C. Tossou et al.
pré-enquête auprès de six exploitants nous
a ensuite permis de tester et de réviser un
questionnaire adapté à notre objectif. La ver-
sion définitive de ce document a été utilisée
lors des visites ultérieures.
2.4. Paramètres mesurés
Les données recueillies ont été les sui-
vantes :
– la quantité totale de fruits produits pour
une espèce i: ‘Qi’,
– la quantité brute de ces fruits consommée
par les ménages : ‘Qai’,
– la quantité nette de ces fruits consommée
par les ménages : ‘qai’,
– la quantité de fruits commercialisés ‘Qc’.
La quantité nette ‘qai’ a été calculée en
multipliant la quantité brute ‘Qai’ par le taux
d’utilisation pour la consommation ‘Tc’ de
chacun des fruits identifiés par notre
enquête.
Le taux d’utilisation pour la consomma-
tion ‘Tc’ correspond au taux de partie
comestible du fruit : après avoir pesé les
fruits entiers, nous les avons pelés ou éplu-
chés afin de disposer de la partie comestible.
La partie comestible et la partie rejetée ont
été pesées séparément. Par suite, pétant le
poids de la partie comestible et Pétant le
poids du fruit entier, [Tc(%) =(p/P) × 100].
Pour chacune des espèces i, le bilan ‘B’
a été obtenu par la différence entre les quan-
tités de fruits produites ‘Qi’ et celles auto-
consommées ‘Qai’, soit [Bi = Qi – Qai].
2.5. Analyses
Les données ont été analysées à l’aide du
logiciel Minitab.
La consommation annuelle par individu
a été estimée en divisant la production nette
consommée par ménage ‘qai’ par la taille
moyenne de chaque ménage.
Des corrélations (Pearson, P< 0,05) ont
été établies entre les éléments suivants :
– la consommation brute ‘Qai’ et la produc-
tion totale de fruits ‘Qi’,
– la production commercialisée ‘Qc’ et la
production totale ‘Qi’,
– la quantité commercialisée ‘Qc’ et le prix
de vente des fruits.
La quantité nette consommée ‘qai’ a été
comparée à la norme OMS/FAO (2005) de
146 kg par personne et par an (soit 400 g par
personne et par an) afin de déterminer si la
production constatée suffisait à la consom-
mation des ménages de la zone étudiée.
Les préférences de consommation des
fruits chez les personnes interrogées ont été
évaluées lors de l’enquête. Par extrapola-
tion, elles ont permis d’estimer les besoins
de consommation brute ‘Qai’ pour la popu-
lation échantillon (chefs d’exploitation et
leurs familles).
Ces besoins ont été comparés à la pro-
duction brute ‘Qi’ de la population échan-
tillon, ce qui a permis d’évaluer l’écart entre
production et consommation, à partir des
préférences de la population enquêtée.
3. Résultats
3.1. Production fruitière
sur le plateau d’Allada
Parmi les 15 productions fruitières recen-
sées au cours de notre enquête (tableau I),
l’ananas s’est révélé majoritaire avec une
production totale de 1 265 t·an–1 pour
l’ensemble des exploitants enquêtés. Au
sein des espèces ligneuses, l’oranger a
dominé avec une production estimée à
996 t·an–1 pour l’échantillon considéré.
Cette production a été suivie par le manda-
rinier avec 126 t·an–1. Les autres espèces
recensées (avocatier, bananier, citronnier,
corossollier, goyavier, manguier, papayer,
pamplemoussier, sapotillier, Artocarpus
altilis et Irvingia gabonensis) ne sont que
faiblement cultivées (figure 1).
3.2. Destination des cultures
fruitières sur le plateau d’Allada
D’après notre enquête, la quasi totalité des
fruits (99,40 %) de la production est destinée
Consommation des fruits cultivés au sud du Benin
Fruits, vol. 67 (1) 7
à la vente ; le reste, à l’auto consommation
(figure 1). Les revenus imputables à la pro-
duction ont été estimés à 170 M FCFA2pour
l’ensemble des 120 chefs d’exploitation
interrogés, générant un revenu brut moyen
de 1,4 M FCFA (soit environ 2900 US$) par
producteur et par an, hors consommation
domestique. Par extrapolation cette recette
a été estimée à 47 Md FCFA (soit environ
98 M US$) pour l’ensemble du plateau
d’Allada.
3.3. Les résultats de consommation
La consommation nette (partie comestible)
annuelle de l’ensemble des fruits cultivés sur
le plateau d’Allada a été évaluée à 31,6 kg
par ménage agricole enquêté et à, en
moyenne, 4,5 kg par individu, sachant qu’il
y a en moyenne sept personnes par ménage
enquêté (tableau II).
Les fruits les plus consommés (consom-
mation nette de fruits) par les ménages pro-
ducteurs sont la mangue (13,3 kg soit 42 %),
la banane (7,6 kg, soit 24 %), la mandarine
(11 %), l’orange (8 %) et l’avocat (7 %)
(figure 2).
3.4. Liens entre production,
consommation, commercialisation
et prix
Après enquête auprès de 120 ménages pro-
ducteurs de fruits sur le plateau d’Allada,
aucune corrélation n’a pu être mise en évi-
dence entre la production et la consomma-
tion des fruits (r= 0,06, P0,05 = 0,27). En
revanche, il est apparu une très forte corré-
lation (voisine de 1) entre la production et
la quantité de fruits commercialisée, et une
corrélation négative significative (r= 0,1953,
P0,05 = 0,007) entre la quantité de fruits
commercialisée et leur prix de vente ; il
existe donc un lien entre production, com-
mercialisation et prix ; ce lien n’existant pas
entre production et consommation, la pro-
duction de fruits sur le plateau d’Allada se
révèle être plus une production marchande
qu’une production vivrière.
3.5. Bilan des productions fruitières
du plateau d’Allada
Le bilan financier obtenu à partir de la com-
mercialisation des fruits produits sur le
plateau d’Allada se révèle être positif pour
l’orange, l’ananas, le tangelo et la papaye
qui représentent donc des cultures de rente
pour les producteurs. Tous les autres fruits
(avocat, banane, citron, corossol, fruit à
pain, goyave, mangue, mangue gabonaise,
mandarine, sapotille) doivent être majoritai-
rement importés (figure 3).
4. Discussion
Notre étude a permis pour la première fois
d’obtenir des données chiffrées portant sur
l’importance de l’autoconsommation de
fruits et sa liaison avec la production dans
quatre communes du plateau d’Allada dans
le sud du Bénin. Très complémentaire des
méthodes de recherche conventionnelles, le
diagnostic participatif utilisé s’est révélé être
adapté à l’obtention rapide, avec peu de
moyens, d’informations pertinentes sur le
bilan financier des productions fruitières
dans cette région. Les résultats permettent
d’appréhender les grandes lignes d’une
situation agricole dans un milieu rural peu
documenté et d’orienter des investigations
21 FCFA = 0.00152449 EUR ;
1 FCFA = 0.00207921 US$.
Figure 1.
Répartition de la production
fruitière sur le plateau d’Allada
(Bénin) selon les données
fournies par un échantillonnage
de 120 exploitants.
8Fruits, vol. 67 (1)
C.C. Tossou et al.
à venir afin d’en préciser les diverses com-
posantes [17–20]. Mais nos travaux n’ont
abordé que quelques aspects spécifiques de
cet état de fait et n’ont fourni que des infor-
mations partielles sur des situations
complexes [21].
Si l’inventaire réalisé a permis de dénom-
brer les espèces présentes dans les exploi-
tations agricoles échantillonnées, il nous est
difficile de vérifier les quantités de fruits pro-
duites, vendues et autoconsommées. Dès
lors, il serait intéressant de mener une étude
similaire sur un échantillon de chefs
d’exploitation plus important afin de mieux
couvrir la zone d’étude et d’élargir l’enquête
à d’autres régions pour disposer de bases
fiables, aptes à aider à la mise en œuvre d’un
réel programme de développement fruitier
au Bénin. Par ailleurs, un suivi du régime ali-
mentaire des ménages se révèlerait néces-
saire pour mieux préciser les données de
consommation qui n’ont été que déclara-
tives lors de notre étude.
Malgré ces limites, nos résultats suggè-
rent que, dans l’ensemble des communes
d’Allada, Toffo, Tori Bossito et de Zê au sud
du Bénin, les cultures fruitières cultivées
sont aptes à constituer d’importantes
sources de revenus. Mais l’autoconsomma-
tion de ces fruits par les ménages agricoles
est faible et peu diversifiée par rapport aux
normes de l’OMS/FAO [5] et à la disponibi-
lité de ces produits.
Tableau II.
Consommation annuelle de fruits produits par 120 ménages exploitants, enquêtés au Bénin (plateau d’Allada).
Fruit Consommation brute de fruits
(kg par personne)
Valeurs relatives
(%)
Rendement
des fruits
(%)
Consommation nette
de fruits
(kg)
Mangue 30,20 49,59 0,44 13,29
Banane 10,17 16,70 0,75 7,63
Mandarine 5,77 9,47 0,60 3,46
Orange 6,35 10,43 0,40 2,54
Avocat 3,87 6,35 0,60 2,32
Mangue gabonaise 3,25 5,34 0,50 1,63
Fruit à pain 0,67 1,10 0,60 0,40
Corossol 0,19 0,31 0,75 0,14
Papaye 0,13 0,21 0,60 0,08
Goyave 0,20 0,33 0,30 0,06
Sapotille 0,05 0,08 0,50 0,03
Citron 0,05 0,08 0,20 0,01
Ananas 0 – 0,46 –
Tangelo 0 – 0,60 –
Total 60,90 100,00 – 31,58
Figure 2.
Consommation de fruits
par ménage agricole sur le
plateau d’Allada (Bénin) selon
les données fournies par un
échantillonnage de
120 exploitants.
Consommation des fruits cultivés au sud du Benin
Fruits, vol. 67 (1) 9
4.1. Niveau de consommation
des fruits
Au Bénin, la forte consommation de man-
gue constatée est due au double rôle du
manguier en tant qu’arbre fruitier, mais aussi
en tant que production vivrière. Arrivant à
maturité en fin de saison sèche et en début
de saison humide, les mangues constituent
un apport nutritif fondamental dans l’ali-
mentation des populations rurales des
zones d’Afrique occidentale [22]. La con-
sommation de fruits dans les ménages
producteurs sur le plateau d’Allada, estimée
à 4,5 kg par personne et par an, soit environ
12 g par jour, est de loin inférieure à la
moyenne mondiale et africaine. À titre com-
paratif et selon les données de la FAO à
l’échelle mondiale [6], la consommation
apparente de fruits serait relativement
élevée en Amérique latine (271 g par jour),
en Europe (212 g par jour) et dans le Moyen-
Orient (204 g par jour), alors qu’elle serait
beaucoup plus basse en Asie (85 g par jour)
et en Afrique (95 g par jour). Un exemple
est donné par un pays comme le Vietnam
où la consommation annuelle de fruits a été
estimée à 4 Mt en 2001, soit à 137 g par per-
sonne et par jour ; pour ce pays, la
progression annuelle de la production
fruitière a été estimée à 2,3 % par an sur
les quinze dernières années ; le marché
intérieur permet d'écouler 93 % de cette
production, cela surtout vers les centres
urbains qui, avec moins d'un quart de la
population, représenteraient près de la
moitié du marché domestique des fruits.
[23]. Un tel modèle qui met l’accent sur une
production à destination du marché intérieur
pourrait être riche d’enseignements pour
des plans d’actions à mettre en œuvre en
Afrique et plus particulièrement au Bénin où
les marchés visés sont plutôt le marché
européen et éventuellement le marché
régional.
En Afrique francophone, il existe une
grande diversité de situations selon la posi-
tion géographique des pays, leurs traditions
culturelles et leur situation économique.
De nombreuses populations consomment
beaucoup moins que 400 g de fruits et
légumes par personne et par jour. Dans les
pays de forêts humides (Cameroun, Gabon,
Guinée, Rwanda et Burundi), la banane et
les plantains sont des fruits très consommés,
ce qui explique des niveaux de consomma-
tion de fruits relativement élevés. En
revanche, dans les pays sahéliens (Burkina-
Faso, Tchad, Mali et Mauritanie) la situation
est très critique. [4]. Le Bénin se classe dans
cette dernière catégorie.
4.2. Liens entre production,
consommation, commercialisation
et prix
Notre étude a fait ressortir que le niveau
d’autoconsommation des fruits ne dépen-
dait pas de leur disponibilité et que, donc,
d’autres facteurs entraient en jeu pour
influencer la consommation des fruits par
les ménages producteurs ; en particulier
une priorité serait donnée à la commercia-
lisation des productions. Ces résultats
confirment ceux de Sodjinou et al. selon les-
quels la cause fondamentale d’une faible
consommation de fruits et légumes serait
liée une information insuffisante de la popu-
lation sur la valeur nutritionnelle de ces
aliments et leur impact sur la santé [24]. Ces
Figure 3.
Bilan entre la production et les
besoins d’autoconsommation
de fruits sur le plateau d’Allada
effectué à partir de données
fournies par enquête auprès de
120 exploitants d’espèces
fruitières.
10 Fruits, vol. 67 (1)
C.C. Tossou et al.
auteurs concluent que l’alimentation pauvre
en fruits et légumes des adultes de la ville
de Cotonou est loin d’assurer une bonne
adéquation entre micro nutriments et pré-
vention satisfaisante des maladies cardio
vasculaires. Cette situation s’apparenterait à
celle des ménages producteurs de fruits des
communes du plateau d’Allada.
Les corrélations positives observées entre
production, quantité commercialisée et prix
de vente des fruits indiquent quils sont avant
tout sources de revenus pour les ménages
producteurs ; par suite la partie autocon-
sommée correspondrait aux excédents de
production ou aux invendus. Ce constat
serait un handicap dans le contexte d’une
tentative d’accroissement de la consomma-
tion des fruits dans la région, pour améliorer
le statut nutritionnel de ses populations.
5. Conclusion
Sur le plateau d’Allada au Bénin, les fruits
cultivés sont principalement destinés à la
vente et peu utilisés pour l’alimentation des
ménages producteurs. Il en résulte un déficit
de consommation par rapport aux recom-
mendations dispensées par l’OMS.
Contrairement à toute logique économique
classique [25], il n’existe pas de lien établi
entre la production et l’autoconsommation
des fruits. D’autres éléments, probablement
de multiples origines, entreraient donc en
jeu qui freineraient la consommation adé-
quate de fruits et légumes dans cette région.
Pour y faire face, il apparait nécessaire de
décloisonner les secteurs d’intervention [26].
En particulier, les domaines de la santé, de
l’horticulture et de l’éducation devraient
œuvrer ensemble, tout comme ceux des
transports et de l’environnement. Une sen-
sibilisation des enfants à l’importance des
fruits et légumes pour la santé serait primor-
diale dans certains pays où les produits
industriels à forte charge calorique sédui-
sent les nouveaux consommateurs.
Notre étude réalisée au Bénin, dans une
région productrice de fruits, devra s’élargir
au niveau national et prendre en compte la
saisonnalité de production des fruits au
niveau des divers bassins, ainsi que leur dis-
ponibilité, en liaison avec le statut nutrition-
nel et sanitaire des populations rurales et
urbaines à l’échelle du pays. Nous espérons
en outre que nos travaux pourront aider à
construire une méthodologie robuste afin
de conduire des études similaires dans
d’autres situations géographiques, et ainsi
gagner en généricité.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr. Jacky Ganry
pour ses conseils lors de la rédaction du
manuscrit.
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12 Fruits, vol. 67 (1)
C.C. Tossou et al.
Relación entre la producción y el consumo de frutos cultivados en la meseta
de Allada, al sur de Benín.
Resumen — Introducción. En Benín, el régimen alimentario de las poblaciones carece de
vitaminas y minerales, de modo que el consumo de frutas y verduras podría constituir un
medio eficaz para evitar insuficiencias nutricionales y prevenir enfermedades crónicas. En
este contexto, fue importante estudiar el volumen de consumo de frutas y verduras en Benín
y evaluar la vinculación existente entre su disponibilidad, su precio y su adquisición en los
hogares. Nos centramos en el consumo propio de las frutas producidas en una región de
Benín, la meseta de Allada. Material y métodos. Se identificaron las diferentes especies fru-
tales cultivadas en la meseta de Allada. Se evaluó su disponibilidad y se relacionó con su
consumo, mediante un sondeo regional, basado en un muestreo de 120 jefes de explotación
agrícola, repartidos en cuatro comunas de la región. Resultados. Se evaluó en 31,6 kg por
año, el consumo propio neto de las frutas cultivadas localmente por cada hogar productor.
Entre las 15 especies frutales inventariadas, las más consumidas resultaron ser el mango
(13,3 kg por persona y por año, 42 %), el banano (7,6 kg por persona y por año, 18 %), la
naranja (8 %) y el aguacate (7 %). No se estableció ninguna correlación significativa entre el
consumo y la producción de frutas. En cambio, se puso de manifiesto una correlación muy
fuerte entre la producción y la cantidad de frutas comercializadas, del mismo modo que se
encontró una importante correlación negativa entre la cantidad de frutas producidas y su pre-
cio de venta. El balance entre la producción y el consumo mostró un margen positivo para la
naranja, la piña, el tangelo y la papaya, lo que significa que esas producciones son, ante todo,
comerciales; únicamente una parte residual de esas cosechas está reservada al consumo pro-
pio. La mayor parte del resto de las producciones frutales consumidas por los hogares de la
meseta de Allada es de importación. Discusión. A pesar de una fuerte producción de ciertos
frutos en la meseta de Allada, su consumo en los hogares agrícolas es flojo y poco variado en
cuanto a su disponibilidad y se sitúa muy por debajo de las normas recomendadas por la
OMS. Será necesario estudiar mejor los determinantes de una semejante distorsión, de modo
a guiar mejor las políticas públicas, así como la elección de los productores y consumidores,
con el fin de garantizar un mejor régimen alimenticio para las poblaciones locales.
Benin / fruticultura / encuestas sobre explotaciones / producción /
autoconsumo / mercadeo / margen de distribución/ necesidades de nutrientes