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Psychologie et sophrologie en oncologie: les voies d’un possible travail d’articulation

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Abstract

La sophrologie occupe une place de plus en plus importante parmi les pratiques qui se développent au sein des soins de support en oncologie. À partir d’un dispositif pluridisciplinaire (psychologie clinique, psychologie sociale et sophrologie), nous avons souhaité éclairer l’expérience du recours à la sophrologie et l’inscription potentielle de ce type d’offre de soins de support en oncologie. L’analyse de données recueillies auprès de patients met en évidence que la sophrologie permet de « suspendre » pour un moment le temps de la maladie en permettant une baisse des tensions et en favorisant une centration sur les dimensions du bien-être. La présentation de vignettes cliniques (psychooncologue et sophrologue) met en évidence le travail d’articulation qui peut opérer dans la prise en charge des patients. Les fonctions, le cadre et les limites possibles de ce travail d’articulation sont discutés.
SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE
Psychologie et sophrologie en oncologie :
les voies dun possible travail darticulation
Psychology and relaxation therapy in oncology: a possible complementary work
E. Dudoit · E. Lheureux · L. Dany · F. Duffaud
Reçu le 15 octobre 2011 ; accepté le 2 février 2012
© Springer-Verlag France 2012
Résumé La sophrologie occupe une place de plus en plus
importante parmi les pratiques qui se développent au sein
des soins de support en oncologie. À partir dun dispositif
pluridisciplinaire (psychologie clinique, psychologie sociale
et sophrologie), nous avons souhaité éclairer lexpérience du
recours à la sophrologie et linscription potentielle de ce
type doffre de soins de support en oncologie. Lanalyse de
données recueillies auprès de patients met en évidence que la
sophrologie permet de « suspendre » pour un moment le
temps de la maladie en permettant une baisse des tensions
et en favorisant une centration sur les dimensions du
bien-être. La présentation de vignettes cliniques (psycho-
oncologue et sophrologue) met en évidence le travail darti-
culation qui peut opérer dans la prise en charge des patients.
Les fonctions, le cadre et les limites possibles de ce travail
darticulation sont discutés.
Abstract Relaxation therapy (sophrology) is playing an
increasingly significant role among developing supportive
care practices in oncology. With a multidisciplinary approach
(clinical psychology, social psychology and relaxation the-
rapy) we aim to increase awareness of the use of relaxation
therapy and the potential endorsement of this type of suppor-
tive care in oncology. Analysis of data collected from patients
highlighted that relaxation therapy allows time to be momen-
tarily suspended, by reducing stress and focusing on cente-
ring the dimensions of well-being. The introduction of clinical
case reports (from psycho-oncologists and relaxation thera-
pists) highlights the joint collaborations that can be used in
the management of patients. The functions, the scope and
the potential limitations of these joint collaborations were
discussed.
Au cœur des stratégies thérapeutiques de lutte contre le
cancer, nous trouvons un ensemble de soins non médicaux,
regroupés sous le terme de soins de support, qui connaissent
un essor important [18]. Ces soins engagent de nombreux
acteurs qui ont pour but ou mission de « restaurer »
le bien-être des patients, de les accompagner au travers
des événements de la maladie et de leur proposer, par
exemple, un ensemble de techniques psychologiques ou
psychocorporelles.
La sophrologie occupe une place de plus en plus impor-
tante parmi les pratiques de type relaxation
1
qui se dévelop-
pent au sein des soins de support. La sophrologie a pour but
damener lêtre humain à vivre en harmonie avec son envi-
ronnement à la fois psychique et physiologique [4]. La phi-
losophie de la sophrologie est sous-tendue par une adhésion
aux systèmes complexes (cf. système qui comprend de nom-
breux éléments liés que lon ne peut étudier séparément et
qui nécessite une approche globale). Pour les « thérapeutes »,
il sagit de révéler ou dharmoniser la relation corpsesprit
en agissant à la fois sur le corps par des massages-bien-être
2
et par la sophrologie. Sil y a une harmonie dans la respira-
tion et une cohérence des schèmes mentaux lors des visuali-
sations, le patient pourra alors trouver à lintérieur de lui
les forces à la fois dapaisement et de dynamisme face à
lhistoire de sa maladie [9].
L. Dany (*)
Université dAix-Marseille, LPS (EA 849),
F-13621 Aix-en-Provence, France
e-mail : Lionel.Dany@univ-provence.fr
E. Dudoit · E. Lheureux · L. Dany · F. Duffaud
Service doncologie médicale, APHM, Timone,
F-13385 Marseille, France
1
Le terme de sophrology est peu utilisé en langue anglaise. Ainsi,
aucune référence bibliographique ne peut être identifiée lorsque lon
associe sophrology àcancer dans les bases de données bibliographi-
ques les plus courantes (cf. Medline, Psycinfo ou ScienceDirect). La
sophrologie sinscrit, plus largement, dans les techniques de relaxation
(e.g., relaxation therapy), soit les techniques qui induisent un état de
relaxation physique et psychique [13]. Létude de ces techniques de
relaxation a porté, en particulier, sur leurs effets, sur la réduction des
effets des traitements [13].
2
La réalisation de massages nest pas généralisée dans la pratique.
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DOI 10.1007/s11839-012-0360-8
Le développement de la sophrologie au sein des services
doncologie nest pas neutre pour les psychologues. La ques-
tion « traditionnelle » du territoire spécifique alloué aux dif-
férents professionnels peut saccompagner, dans ce contexte,
dune réflexion sur la complémentarité potentielle des cadres
dintervention proposés aux patients. Ce type de démarche
est particulièrement heuristique, selon nous, car elle nous
oblige à questionner la légitimité des offres de soins dans
le contexte de la maladie cancéreuse au-delà de certains a
priori qui viseraient à légitimer de facto ces offres [5,8].
Lobjectif de cet article est de rendre compte dune
expérience de coordination-réflexion associant la psycholo-
gie et la sophrologie dans le cadre dun service doncologie
médicale et de soins. Un groupe de travail pluridisciplinaire,
comprenant un psychologue clinicien, une sophrologue et un
psychosociologue, a été constitué au sein du service donco-
logie médicale du CHU de La Timone (Marseille), pour
éclairer, à partir de différents regards et méthodes, lexpé-
rience du recours à la sophrologie et linscription potentielle
de ce type doffre de soins de support au sein de ce service.
Plus précisément, il sagissait, dune part, de recueillir des
données sur le contenu expérientiel des patients lors des
séances de sophrologie, dautre part, de mettre en perspec-
tive, à partir de vignettes cliniques (portant sur un même
patient suivi simultanément par le psychologue et la sophro-
logue), le travail « darticulation » qui peut se mettre en
œuvre auprès dun patient entre le psychologue et la sophro-
logue au sein dun service doncologie.
Expérience de la séance de sophrologie :
données exploratoires
Méthode
Lexpérience de la séance de sophrologie a été étudiée à
laide dune fiche « qualité » élaborée par le groupe de tra-
vail pluridisciplinaire afin daccompagner la mise en œuvre
de lactivité de la sophrologue au sein du service. Cette fiche
a une double fonction :
rendre compte de lactivité de la sophrologue ;
recueillir des données de type « expérientiel » sur le vécu
des séances par les patient(e)s.
Cette fiche se veut « brève » car elle est proposée aux
patients à la suite de leur séance de sophrologie. Il sagit de
recueillir une information en produisant le moins de
contraintes pour les patients. Les informations recueillies
sont :
lidentité du patient ;
la date de la séance de sophrologie ;
les trois mots qui viennent à lesprit du patient à lissue de
sa séance (associations libres) ;
la ou les raisons qui ont conduit le patient à participer à
cette séance : à partir dune liste de 11 propositions, le
patient coche la ou les cases correspondant aux raisons
quil associe à sa participation ;
le niveau de satisfaction vis-à-vis de la séance (sur une
échelle en 11 points allant de 0 « aucune satisfaction » à
10 « satisfaction totale ») ;
une question sappuyant sur un indicateur de type Patient
Global Impression of Change (PGIC) [10] qui évalue
limpression globale de changement pour le patient. Le
patient répond sur une échelle à sept niveaux (de 1 = très
forte amélioration à 7 = très forte aggravation). Nous
avons adapté la formulation de la question afin quelle
permette une autoévaluation de lévolution globale de
létat physique et/ou psychologique entre le début de la
séance et la fin de la séance.
Résultats
Les données que nous présenterons portent sur les fiches de
30 patients différents. La période de recueil sétend sur deux
mois à raison de deux jours de présence hebdomadaire de la
sophrologue. Ces patients sont majoritairement (n=23 ;
76,7 %) des patientes, ils sont âgés de 53,4 ans en moyenne
(écart-type = 16,24). Le niveau de satisfaction moyen se
situe à 8,28 (écart-type = 1,41) ; limpression globale de
changement se situe à 2,50 (écart-type = 0,79) et indique,
en moyenne, une amélioration de létat physique/psycholo-
gique des patients.
Lanalyse des associations libres produites par les patients
nous a permis de faire émerger différentes catégories théma-
tiques (Tableau 1). Une première catégorie de termes renvoie
àlexpression dun état intérieur associé à la détente et au
bien-être, au fait dêtre relaxé et tranquille. Une deuxième
catégorie concerne lidée dune baisse des tensions, du
retour à un état antérieur dans lequel la maladie (cest une
hypothèse) est moins présente. Plusieurs termes traduisent
cette idée : soulagement,apaisement,décontraction, etc.
Dautres termes servent à qualifier la séance dans ses carac-
téristiques et son déroulement : calme,respiration,voix
douce, etc. Enfin, une dernière catégorie concerne les termes
qui renvoient à des états négatifs : souffrance,stress, etc.
Trois raisons sont particulièrement retenues pour expli-
quer la participation aux séances de sophrologie (Tableau 2).
Les deux raisons les plus évoquées concernent le bénéfice
potentiel attribué à la séance : évacuer le stress lié à lamaladie
ou lenvie de se décontracter. La troisième raison concerne ce
que lon pourrait nommer un « adressage », cest-à-dire la
participation suite à la proposition dun soignant. Viennent
ensuite des raisons moins évoquées qui renvoient à la
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recherche dun temps pour soi, en dehors de la maladie et des
raisons qui touchent à un « prendre soin » qui sinscrit à un
niveau physique et psychologique. Dautres raisons, moins
évoquées, relèvent de la découverte du dispositif, de son
corps sous un autre angle ou encore un travail sur le lien
corpsesprit.
Le questionnement systématique des bénéficiaires des
séances de sophrologie nous renseigne sur linscription de
cette nouvelle « offre de soins » dans le service et vise à
objectiver les conditions générales de sa mise en œuvre.
Par contre, cette option méthodologique ne nous permet
pas daccéder aux processus en jeu dans ce dispositif et à
la manière dont les professionnels concernés se sont appro-
priés ce dispositif et lont mis en œuvre. Les vignettes
présentées ci-après visent à répondre pour partie à ce
manque. À travers la situation de Mathieu (le prénom a été
modifié), chaque professionnel (psychologue, sophrologue)
va successivement présenter le travail darticulation qui
sest mis en œuvre pour ce patient à partir de son champ
de compétence et de sa pratique.
Situation de Mathieu,
le regard du psychologue
Mathieu, 55 ans, est reçu dans le service doncologie médi-
cale et de soins palliatifs dans le cadre de douleurs séquel-
laires de type neuropathique suite à une chirurgie dun léio-
myosarcome occipital avec greffe cutanée. La douleur influe
son moral au quotidien et a été évaluée sur une EVA à 56,
mais les pics douloureux sont permanents dans la journée.
Mathieu se plaint également dun préjudice esthétique
influençant grandement sa vie quotidienne. Il ne peut plus
sortir sans sa casquette et souffre dun psoriasis important
sur la surface du corps. Cest à la demande du professeur
du service que je reçois Mathieu.
Il dit demblée ne pas adhérer à la psychologie. Toutefois,
il dit quil est au bout du rouleau et a vraiment besoin daide.
Lors de notre première rencontre, je vois un homme fatigué,
exténué dont les douleurs et lanxiété sont à la limite de le
déborder à chaque parole. Il me demande si je peux quelque
chose pour lui, et je lui dis que lécouter, essayer de
comprendre ce qui ne va pas pourra peut-être nous amener
à une nouvelle thérapeutique. Il acquiesce et me dit quil est
quelquun de « cartésien », de « carré » ou encore de
«pragmatique ».
Mathieu me raconte combien il était heureux de faire par-
tie de larmée et que cest ce qui la sauvé : « Vous compre-
nez, avoir été abandonné 15 jours après ma naissance, il me
fallait un cadre ». Je lui demande alors de men dire un peu
plus sur cet abandon, et il me dit que ses parents nont pas pu
le garder, quil a été élevé par ses grands-parents et que cette
première blessure ne sest jamais refermée : « Mais cela ne
ma pas empêché de continuer, il fallait avancer. Vous voyez,
il ne fallait pas trop sécouter ». Mathieu est fier de son
passage à larmée en tant que soldat, puis en tant que sous-
officier : « Ca ma formé à être un homme, un métier
Tableau 1 Évocations libres produites à la fin de la séance.
État intérieur (34)
a
Détente (11), bien-être (8), relaxation (6), tranquillité (2), serein (1), légèreté (2), plaisir (2),
bonheur (1), paix (1)
Baisse des tensions (14) Soulagement (4), apaisement (3), décontraction (1), lâcher (1), vider son esprit (2), relâchement (1),
oublier (1), évasion (1)
La séance (14) Calme (4), respiration (2), voix douce (1), visualisation (1), efficace (1), découverte (1),
extérioriser (1), fleur (1), surprenant (1), fluidité (1)
Les états négatifs (7) Souffrance (1), stress (1), manque dair (1), crispation (1), difficulté (1), problème de sommeil (1),
agréable (1)
a
Le chiffre entre parenthèses correspond à la fréquence dévocation de la catégorie ou du terme.
Tableau 2 Raisons sélectionnées comme ayant participé
au choix de faire la séance de sophrologie (plusieurs choix
possibles).
Nombre (%)
Évacuer le stress lié à la maladie 21 (70,0)
Envie de se décontracter 18 (60,0)
Proposition dun soignant 16 (53,3)
Avoir un moment pour soi 11 (36,7)
Avoir un temps « en dehors » de la maladie 11 (36,7)
Prendre soin de mon corps 11 (36,7)
Prendre soin de mon esprit 9 (30,0)
Curiosité, envie de découvrir 9 (30,0)
Faire le lien entre ce que je ressens
dans mon corps et dans ma tête
9 (30,0)
Découvrir son corps autrement 6 (20,0)
Raisons sélectionnées en cochant la case correspondante parmi
une liste de 11 raisons. Une proposition « autre » était proposée.
Seule une personne la cochée.
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physique ». Mathieu se plaint des multiples spécialistes qui
le prennent en charge, tant sur le plan dermatologique que
sur celui de la cancérologie et de la douleur. Il me montre
son crâne et me dit : « On doit attendre, car ces douleurs
viennent du fait quon a coupé les neurones [plus exactement
laxone] et que les douleurs resteront là longtemps avant que
tout cela se referme ».
Lors des entretiens, Mathieu essaie de garder la maîtrise,
surtout quand je lui demande sil est anxieux, il me regarde
endisant:«Qui ne le serait pas ? Vous vous rendez
compte, voilà ce quils mont fait, mais sans cela je serais
mort. Mais est-ce que ça vaut le coup de vivre comme ça ?».
Il me parle assez longuement de sa famille et du mal quil
fait aux siens. Il est très énervé et fatigué. Il fait chambre à
part et dit ne plus supporter ses petits-enfants qui viennent
le voir. Lors de ce premier entretien, il est logorrhéique, je
parle très peu. Lorsque je lui signifie, au bout dune demi-
heure, que lentretien est terminé, il me remercie, me dit
que ça lui a fait du bien et nous reprenons contact pour la
semaine suivante.
Nous nous verrons ainsi avec Mathieu pendant trois mois
exactement. Les séances senchaînent sans que je puisse trop
intervenir. Je lécoute, cela semble le satisfaire. Il me raconte
comment il peut maîtriser sa douleur, son insomnie ou
comment, à dautres moments, il est débordé par celles-ci.
Il revient très souvent sur son travail, il me dit être « obsédé »
par ce dernier. Il était responsable me dit-il : « Vous compre-
nez, si je ne suis pas là quest-ce qui va se passer ? Jai un
contrat moral avec mon patron ». Au fil des entretiens, je ne
sais vraiment pas ce que je peux apporter à Mathieu. Je
repère bien une relation dobjet de type obsessionnel, une
tentative de maîtrise de sa vie, de la douleur ou, plus large-
ment, de ce qui lui arrive. Il ne sort plus. Il a honte et ne veut
plus engager de relations, cest « trop dur » dit-il. Je linvite
cependant à essayer de tisser des liens. Je linvite à réviser
son enfance, son adolescence, mais pas grand-chose ne vient
si ce nest des banalités, du factuel. Jai la sensation quil me
met loin de lui comme si je ne pouvais pas comprendre. Le
sujet supposé savoir que je pourrais représenter ne semble
pas advenir ici, ou du moins je ne le perçois pas.
Je remarque que, le plus souvent, ses plaintes touchent le
corps et que le fait de parler du corps ne lamène pas à modi-
fier cette image du corps. Il y a là quelque chose qui semble
vraiment stérile. Lorsque je me fais plus insistant sur les
sensations de ce corps, il botte en touche. Il me parle de
ses timbres et de son garage qui lui servent de refuges. Il
me dit quil na plus « lâme à ça ». Outre la poésie de lâme
à ça, jentends bien quil y a quelques soucis entre la psyché
et le réservoir pulsionnel. La difficulté de Mathieu à nommer
les affects viendrait peut-être du manque de lien entre repré-
sentation de choses et représentation de mots afin quadvien-
nent des représentations conscientes. Cet affect est-il détaché
et renvoyé au garage, entre les collections de timbres ? À cet
instant, je risque le fait de lui proposer un accompagnement
sophrologique. Mathieu me regarde et a une réticence :
«Je naime pas trop ça, je ne comprends pas, je suis déjà
allé voir un psychologue ! Mais enfin vous êtes docteur »me
dit-il. Je sens bien que le signifiant docteur est important
pour lui. Je suis psychologue, mais je suis à ranger parmi
les soignants puisque je suis « docteur ». Et là, je lui « pres-
cris » de la sophrologie. Je lui dis : « Écoutez, je pense vrai-
ment que ça nous aidera et quon pourrait gagner énormé-
ment de temps ». Il me répond : « Si vous voulez. Mais
comment fait-on ? ». Nous organisons ainsi quelques séan-
ces où la sophrologue du service va travailler avec lui, et
juste après je viendrai là comme un renfort, sous la forme
dun étayage psychologique.
Après la première séance de sophrologie, je rencontre
Mathieu et je suis très étonné de retrouver devant moi un
homme émerveillé. Il me dit que ça lui a fait énormément
de bien et que des « choses se sont passées ». À chaque fois,
Mathieu semble de plus en plus calme malgré des plaintes
récurrentes concernant ses douleurs quon narrive pas à
gérer. Avec la sophrologue, nous faisons alors appel à un
médecin algologue du service afin de voir sil ny a pas un
traitement médicamenteux pour calmer ses douleurs.
Mathieu se sent à ce moment-là dans un tissage relationnel
assez fort. Il doit voir lalgologue, la sophrologue, le psycho-
logue en espérant que tous ces « ogues » puissent quelque
chose pour lui. Les séances se poursuivent et les douleurs
baissent. Mathieu qui avait une grande difficulté, voire une
impossibilité, à me parler du monde de ses émotions, sans
pour autant être alexithymique, commence à énoncer quel-
ques émotions. Il me dit : « Vous savez, vraiment jaime ma
femme ». Il me parle de cet amour pour elle. Il me parle de
ses enfants. Il me dit quil est inquiet pour son fils qui risque
un retrait de permis et ça le met très en colère. Nous travail-
lons sur cette colère, nous travaillons sur la place du père. Il
mavoue quil nen sait pas grand-chose parce quil nadece
père que la représentation de larmée. Je linvite à men par-
ler et bien sûr il me fait une description quasi stéréotypée de
larmée. Je lui rappelle combien il y avait quand même de
lamour, des liens et combien cest important que de pouvoir
parler entre hommes. Mathieu me prête certains pouvoirs.
Je suis le sujet supposé savoir. Mais ce qui est étonnant,
cest que ce ne sont pas les séances de psychothérapie qui
louvrent, mais bien les séances de sophrologie. Tout se
passe comme si la sophrologue lui permettait douvrir de
nouveaux espaces, de pouvoir les loger en lui, et quensuite
avec la parole il puisse rendre compte à un « maître » pour
valider ses nouveaux espaces à lintérieur de lui. Je joue le
jeu en parlant avec la sophrologue et je deviens le « validant »
de nouvelles découvertes. Mais est ce que le « validant » est
le sujet supposé savoir au sens psychanalytique ? À y regar-
der de plus près, il semble que ce ne soit pas le cas. En effet,
cest lors des séances de sophrologie que des « choses se
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sont passées ». Ainsi, cest la sophrologue qui met au travail
le sujet de linconscient.
Ces moments sont dune grande intensité. La sophrologue
me rapporte quà une séance il sest mis à pleurer. Pour ma
part, je nai pas droit aux larmes, juste le droit à des yeux qui
brillent sur : « Peut-être que je nai pas tout compris de la
vie ». Je dois bien avouer que je suis dune petite aide pour
Mathieu, mais mon travail de « validation » en lien avec les
séances de sophrologie semble extrêmement important pour
son avancement, et nous continuons ainsi. Jessaie de
lorienter vers la question du psoriasis, vers cette question
de laltération de la surface de sa peau. Je vois bien que
quelque chose dinconscient le déborde et que ça passe par
la peau, quelque chose quil voudrait exprimer, malheureu-
sement rien ni fait, le psoriasis reste, tout a cédé sauf cela.
À la troisième séance, quand je lincite à me parler de ces
choses, il me dit : « Voilà, jai vu dans une pièce un homme et
une femme qui faisaient lamour ». Je pense, à ce moment-là,
à la scène primitive, mais ne sachant quen faire, je laisse sa
parole circuler sans intervenir. Il me dit : « Je nai pas connu
mes parents, mais il se peut que ce soit eux, enfin je crois que
cest eux, enfin ils leur ressemblaient pas, vous savez mais,
mais cest eux ». Cest comme si Mathieu avait recréé,
retrouvé, reconstruit quelque chose de cette enfance qui lui
manquait, quelque chose sur lequel il peut sarc-bouter. La
séance se termine et on poursuit ainsi pendant quelques séan-
ces. Ici la question du transfert semble se nouer, Mathieu
minvestit davantage et déroule sa parole. Il est maintenant
assuré de loreille bienveillante que je représente. Mainte-
nant Mathieu se délie en parlant autant quen ressentant.
Lors de la dernière rencontre avec Mathieu, jai vu un
homme très bien habillé, portant un borsalino, les cheveux
un peu plus longs que daccoutumée ; il ma regardé en sou-
riant, en disant simplement : « On a fait un bon travail, hein
docteur ? ». Je lui ai dit effectivement quil était transformé,
il me dit : « Maintenant, je prends le temps. Je reconduis un
peu, mais surtout jai regagné mon lit conjugal, jai dit à
mon fils que ce nétait pas bien important toutes ces
histoires-là de plus avoir de permis, mais quil fallait faire
très attention. Jaime beaucoup mes petits-enfants, mais je
reconnais quils font du bruit et que cest la vie. Jai repris
mes timbres mais je nai plus la fougue davant, ça minté-
resse moins dêtre là comme ça dans mon garage avec mes
timbres. Je crois que je prends plaisir à rencontrer la vie et
les autres ». Au moment de partir, il se retourne, demande
après la sophrologue et je lui dis quelle nest pas là ce jour.
Il me dit : « Dites-lui combien elle était importante.
Remerciez-la bien, car cest grâce à elle aussi que jen suis
». Je souris et lui dis : « Cest surtout grâce à elle, elle a
permis de loger à lintérieur de vous des choses qui avant
vous faisaient peur et qui maintenant sont tolérables ». Et il
termine simplement en disant : « Oui, il ny a pas besoin de
gérer la vie pour vivre ».
Situation de Mathieu,
le regard de la sophrologue
Le psychologue ma présenté Mathieu alors quil était suivi
depuis quelque temps déjà. Le psychologue ma précisé
devant Mathieu que du côté du cœur et de la poitrine, il y
avait un gros nœud. Jai vu Mathieu une première fois, il
parlait avec précipitation et angoisse, mettant bout à bout
des parcelles de son histoire sans ordre apparent : travail,
famille, environnement, maladie ou dépendance. Jai fait ce
jour-là une séance de base, visant à établir une relation de
confiance. Mathieu « mélangeait » beaucoup de choses sur
son parcours pour que jarrive à travailler sur un endroit pré-
cis. Les douleurs persistantes auxquelles était confronté
Mathieu empêchaient toute relaxation dynamique physique.
Après une introduction dusage, je pratique une sophronisa-
tion de base
3
avec lecture lente du corps et une respiration
ventrale, Mathieu ayant une pathologie qui ne permettait
pas davantage. Je lui ai fait pratiquer une activation intraso-
phronique
4
qui consistait simplement à serrer le poing
dune main à linspire puis à relâcher à lexpire. Il sagissait
dapprécier la sensation en mettant laccent sur lempreinte
laissée par la contraction à lintérieur du corps ; de ressentir
les sensations diverses que le corps détendu a enregistrées,
mains, bras, voire mâchoire ou ventre.
Cette activité a été suivie de respirations lentes avec pro-
position de mots de détente en « libre choix ». Mathieu était
conduit à écouter le ressenti, à sen imprégner, à le garder en
mémoire en soi afin de pouvoir le retrouver sans difficulté.
Ensuite nous avons effectué un retour tranquille au moment
présent par une réactivation douce du corps. Cette séance,
qui a duré environ 25 minutes, la détendu. Mathieu parlait
de façon plus « cohérente » et reposée. Il a souhaité conti-
nuer et nous avons convenu de nous retrouver la semaine
suivante, après lentretien avec le psychologue.
Lors de la deuxième rencontre, Mathieu était plus
confiant, mais cependant pas moins tendu. Il sétait écoulé
en fait deux semaines entre les deux séances. Mathieu reprit
plus en détail les mêmes sujets que la première fois, mani-
festant une confiance bien établie. Son travail lobsédait bien
quil ne se soit pas senti capable de le reprendre. Ses
3
La voix du sophrologue induit un premier état de détente ouvrant la
porte à toutes sortes dévolutions (en particulier un relâchement
musculaire entraînant une modification du niveau de vigilance). Cette
technique consiste en une prise de conscience des différentes régions
ou systèmes corporels, puis du corps tout entier. Elle peut se pratiquer
debout ou assis ou plus rarement en position allongée. Elle permet
rapidement et à elle seule un relâchement musculaire et une détente
mentale. Si elle est appliquée seule durant la séance, elle peut servir
de relaxation flash ou relaxation minute, facilement réalisable dans le
quotidien [9].
4
Frontière entre la veille et le sommeil où le système de perceptions
pourra être activé.
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préoccupations professionnelles le poursuivaient même la
nuit. Je lui demandais alors de me donner des détails sur
lesquels il pensait que nous pourrions travailler en respectant
sa priorité. Il narrivait pas à décrocher de ce lieu quil savait
ne plus jamais revoir. Il ne pouvait concevoir que cela
sarrête aussi brutalement sans quil lait choisi. Il se sentait
incapable de savoir sil était soulagé ou stressé de ne plus y
aller. Je lui demandais alors sil se sentait bien chez lui et
entouré, sil trouvait du plaisir à y rester, sil avait de quoi
soccuper lorsque sa santé lui permettait quelques loisirs. Il
me dit alors que sa femme et lui sentendaient parfaitement
bien, que le couple avait toujours bien fonctionné, et très vite
il me dit que leur sexualité sétait arrêtée lors des premières
interventions à lhôpital. Il me précise quaprès discussion
avec sa femme, il a décidé « par respect pour elle »quil
ne la toucherait plus tant quil serait malade. « Sans frustra-
tion » me dit-il. Il reprendra ce thème lors de la séance
suivante.
Il me parle de ses enfants et de ses rapports avec sa famille
qui lentoure de beaucoup damour : « Jai de la chance de
ce côté-là ». Il me raconte également son jardin dans lequel il
ne va plus trop souvent, le traitement entraînant une grosse
fatigue, de plus, il na plus le courage de grand-chose. Il ne
fait plus de marche non plus et fait peu dactivités avec
sa femme qui ne sort plus beaucoup, elle-même, afin de
laccompagner dans sa maladie.
Jai pratiqué une séance plus approfondie, en essayant de
reprendre certains mots que Mathieu avait lui-même utilisés
plusieurs fois, en veillant à les inclure dans des phrases posi-
tives concernant toujours la détente corporelle. Je choisissais
une séance de détente dans une nature boisée. Après une
sophronisation de base, une respiration un peu accentuée,
jai choisi de lui proposer un scénario qui reposait sur une
ballade dans un bois avec description du chemin sans obsta-
cle, souple mais suffisamment ferme pour ne pas trébucher,
avec écoute du vent dans les arbres. Un bruit de couloir se
fait entendre, assez violent avec des personnes qui parlent
fort. Jinvite Mathieu à se centrer sur la nature, laissant les
bruits de la ville au loin. Nous restons un moment au bord
dun ruisseau pour saisir toutes les sensations évoquées par
la caresse de la brise, la douce chaleur du soleil sur la peau, le
contact avec la terre et les feuilles sous les mains, le bruit de
leau. Vivre pleinement linstant présent. Puis après avoir
apprécié longuement les éléments, nous reprenons le chemin
du retour non sans garder dans toutes les parties de notre
corps la sensation de ce bain de nature et de tranquillité. La
désophronisation a été un peu longue tant la détente fut
grande. Mathieu était ravi de cette séance, car il se sentait
parfaitement calme et serein, ayant bien ancré en lui ces
sensations. Je lui proposais alors de garder à lesprit quà
chaque exercice de respiration quil pourrait faire à la maison
(en reprenant cette image), il pourrait retrouver cet état de
détente et quil pouvait y penser. Nous évoquions ainsi
dautres possibilités de petits mécanismes à mettre en place
seulement si cela ne représentait aucune contrainte.
À la séance suivante, Mathieu est agité. Dès les premières
minutes dentretien, il « déballe » toute une série dévéne-
ments qui, disait-il, lont traumatisé depuis son enfance. Le
discours change : plus orienté, plus chronologique, partant
de la petite enfance. Il parle de son abandon à 15 jours, du
fait quil a été confié à ses grands-parents, de ses croyances,
de ses amours et angoisses. Ce passé prend place comme
« gestation » de la maladie. Pourquoi là et ce jour-là ?
Sans doute la psychothérapie avait fait son œuvre, peut-
être était-ce le moment. Je constatais que nous navancions
que très lentement et que ses barrières sérigeaient à nouveau
dès quil se retrouvait seul. Il me certifiait que le calme reve-
nait plus facilement, mais effectivement il avait du mal à se
sortir de ses pensées angoissantes et circulaires.
Il me précise quil a fait un peu dexercices et quil a pu
sortir aussi avec sa femme. Ils nétaient pas allés bien loin,
surtout dans le jardin, mais cétait déjà beaucoup pour eux.
Je décide de faire une séance un peu plus ciblée sur ce que je
venais dentendre. Je précise à Mathieu que sil sent un désa-
grément pendant la séance il est libre de me le faire savoir et
dinterrompre la séance à tout moment. Après une lecture
corporelle et un travail sur le souffle, je pratique une
visualisation
5
laissant entrevoir une porte et ses multiples
possibles.
Nous avons repris le même chemin de départ que notre
promenade en forêt pour garder un endroit connu. Laissant
suffisamment despace à limaginaire, je veille à ce que la
sécurité affective et émotionnelle soit garantie en mettant des
garde-fous, afin que les images naissant de cette « prome-
nade » ne puissent en aucun cas représenter un danger ou une
source dangoisse mais bien une mise à distance des événe-
ments en toute sérénité. Lharmonisation du corps et de
lesprit avec une sensation de paix nous a guidés tout le
long du cheminement intérieur.
Jai mis Mathieu dans un chemin où il a pu prendre
contact avec ses mémoires, nayant pas dintention particu-
lière sinon de le conforter dans lidée de regarder ce quil
mavait raconté en étant seulement spectateur de loin.
Les mots étaient les siens, les faits nullement suggérés, il
est allé là où il a voulu et je ninduisais rien dautre quun
lieu propice à cette rencontre. Je décrivais un environnement
serein, mais le reste lui appartenait : couleurs, endroit, décor,
personnes présentes ou non. Je veillais simplement à le
laisser aller en toute indépendance là où ses souvenirs le
5
« Les méthodes de visualisation ou dimagerie mentale sétayent sur
une suggestion dimages chez des patients en état de relaxation. Elle a
pour objectif dapprofondir la relaxation en induisant une perception
agréable, de permettre un retour aux expériences passées ou une
anticipation du futur, et de stimuler limagination et lacquisition de
nouveaux mécanismes dadaptation » [17].
Psycho-Oncol. (2012) 6:50-58 55
conduisaient, lassurant dun accompagnement très proche
constant et sécurisant. Lorsque nous sommes revenus de
notre promenade, jai simplement suggéré à Mathieu de
regarder ses pieds, les ressentir souples et bien ancrés sur
le sol. Puis nous avons terminé la séance comme il est
dusage. Un grand silence a suivi.
Mathieu nen revenait pas lui-même des images quil
avait pu voir sans toutefois les expliquer. Il a fallu un temps
de pause pour reprendre lancrage dans la réalité du lieu. Il
avait aperçu un couple qui faisait lamour. Il avait quitté ce
couple puis était revenu et le couple se tournait alors le dos :
«Qui pensez-vous que jai vu ? », me dit-il. Une petite vague
de panique menvahit quelques fractions de secondes. Je
nen savais rien et navais nullement lintention de lui sug-
gérer quoi que ce soit : « Cest une excellente question et
vous avez toute la semaine pour y réfléchir » en lui suggérant
den parler au psychologue lors du prochain rendez-vous
puisquil le voyait avant moi : « Je suis sûr que ce sont
mes parents ».
La séance ayant duré un temps assez long, nous nous
sommes quittés sans préciser quand se revoir, Mathieu avait
des rendez-vous incertains et rappellerait. Il paraissait très
ancré, porteur dune ouverture à explorer. Trois séances ont
été nécessaires pour « dénouer » ce que Mathieu a bien voulu
me livrer, et ce sur quoi travailler. Au cours de ces séances,
jai pratiqué une progression plus rapide que prévue,
mais Mathieu était très demandeur et lalliance rapidement
établie. Après une sophronisation de base et une relaxation
lors de la première rencontre, la deuxième séance a permis
de faire une visualisation positive de détente. Ses « confiden-
ces » lors du troisième entretien mont permis de tenter une
visualisation plus ciblée pour laisser sépanouir ce qui ne
demandait quà émerger. Le reste du travail sest fait grâce
à lui et à la prise en charge psychologique.
Discussion
Sappuyant sur un groupe de travail pluridisciplinaire, les
analyses présentées visaient à interroger, et potentiellement
circonscrire, certains enjeux associés à la mise en œuvre
dune activité de sophrologie au sein dun service donco-
logie médicale. La présentation des données recueillies
(analyse des fiches « qualité », vignettes cliniques du
psychologue et de la sophrologue) permet, selon nous, de
renseigner les modes dappréhension du dispositif par les
patients mais aussi de préciser les lieux possibles du travail
darticulation entre psychologie et sophrologie dans ce
contexte (fonctions, cadre, limites).
Notons, dans un premier temps, les différentes fonctions
que les patients attribuent aux séances de sophrologie.
Celles-ci sont envisagées comme un lieu qui contribue à un
« mieux-être » dans un contexte (celui de la maladie) qui met
à mal léquilibre psychoémotionnel des patients. Ces séances
permettent un temps à soi et pour soi. Elles permettent de
« suspendre » pour un moment le temps de la maladie en
permettant une baisse des tensions que celle-ci engendre et
en favorisant une centration sur les dimensions du bien-être.
Ces bénéfices perçus sont évoqués comme « constats » à la
suite de la séance (associations libres, niveau de satisfaction,
impression globale de changement) mais aussi comme rai-
sons pour participer. Notons également le rôle potentiel que
peuvent jouer les soignants comme « prescripteur » de ces
séances. Cette première partie empirique se distingue du tra-
vail effectué dans le cadre des vignettes. Il sagissait, de
façon exploratoire, dévaluer les perceptions des patients
vis-à-vis de cette offre de soins, den questionner le « bien-
fondé » à travers les « effets » ressentis et les conditions de sa
mise en œuvre. Le questionnement systématique des bénéfi-
ciaires des séances de sophrologie sinscrit dans une « démar-
che qualité » qui vise à objectiver les conditions de mise en
œuvre de tout nouveau dispositif tout en se donnant les
moyens (partie vignettes) de mettre au jour les processus
en jeu dans ce même dispositif. Ces résultats constituent
également une base pour penser la communication auprès
des patients au sein du service.
Le travail darticulation psychologiesophrologie, dont
les vignettes sont une illustration, sera discuté à partir de
différents axes : celui des champs respectifs dintervention,
celui des relations entre professionnels et la manière dont
cette relation peut être « fantasmée » par les patients, un
autre axe portera sur la place de la sophrologie et sa légiti-
mité dans loffre de soins actuels, enfin, un dernier axe
portera sur la méditation accompagnée.
La coordination des deux « soins » psychologique et
sophrologique demande comme préalable une bonne entente
entre les deux thérapeutes et un respect des places de chacun
dans le déroulement du processus daccompagnement mis
en place. Le psychologue restera psychothérapeute en utili-
sant des techniques dentretien non directif et en gardant
lapport de la « pensée » clinique psychanalytique dans la
façon de « se posturer » avec le patient. Il ne reprendra avec
celui-ci que les éléments quil ramènera des séances de
sophrologie au cœur du dispositif clinique. Il agira ainsi
comme un pousse à symboliser ce qui est vécu dans un autre
lieu et un autre temps. Il sattachera à préserver lintégrité
psychique du patient face à des troubles survenus lors des
processus de sophronisation et visualisation. Lidée étant de
permettre une mise en pensées et en paroles des « rêveries »
provoquées par la sophrologue. Ce que nous appelons des
« rêveries » sont les scénarios fantasmatiques émergeant
suite aux inductions de la sophrologue. Celles-ci seront
traitées comme signifiantes des « troubles » dont peut souf-
frir le patient à la fois dans son rapport au monde et son
rapport au corps [14]. Si, par exemple, suite à une visualisa-
tion où il est demandé au patient de se promener dans un
56 Psycho-Oncol. (2012) 6:50-58
sous-bois agréable celui-ci ny arrive pas ou sent une tension
traverser son corps ou toute autre chose plus ou moins
saugrenue, ces éléments seront repris par la sophrologue en
fin de séance et travaillés par ses soins avec les protocoles et
dispositifs qui sont les siens. Mais si ces éléments viennent à
être évoqués dans lentretien clinique avec le psychologue,
alors ils prendront une autre valeur comme celles pouvant
potentiellement être symbolisées et amener le patient à réa-
liser une problématique psychique. Bien évidemment, le
patient peut aussi rapporter des éléments dentretien clinique
au cœur de la sophrologie. Ces éléments prendront eux aussi
une autre valeur et pourront être traités par la sophrologue.
Reste à élaborer la relation des professionnels entre eux.
Le fait quil sagisse, dans notre situation, dun homme et
dune femme peut amener le patient à fantasmer une prise
en charge par un couple parental. Cet inconvénient peut être
travaillé par les deux thérapeutes chacun de leur côté et par
une mise en sens et en lien de ce quils vivent avec le même
patient afin de repérer si de tels fantasmes sont actifs ou non
et déjouer les pièges de ce qui pourrait ne pas être théra-
peutique. Un autre fantasme provenant des patients suivis
concomitamment avec le psychologue et la sophrologue est
celui du mariage, de lamour infini entre les deux thérapeutes
dont le patient serait à la fois porteur et garant. Devant la
puissance de telles manifestations transférentielles, il est
obligatoire que les deux thérapeutes soient vécus comme
ayant chacun un espace et une place différenciés voire quils
soient à certains moments en opposition. Quoi quil en soit,
nous ne sommes pas dupes que ces réaménagements perpé-
tuels, lors de la prise en charge dun patient, perdurent dans
le fantasme des uns et des autres. Il semblerait que leffet de
triangulation œdipienne permette une potentialisation de la
charge thérapeutique. Cette potentialisation, loin dentraver
la psychothérapie ou daliéner le patient, permet un travail de
la symbolisation dune possible « coïncidence des opposés »
décrite dans les travaux de Jung [12].
Un autre gain non négligeable du couplage thérapeutique
psychologiesophrologie est lié aux représentations sociales
[6,11,16] qui sont véhiculées dans notre société de ce que
peut être la psychologie et de ce que peut être la sophrologie.
Dans notre expérience, il nest pas rare quun patient accepte
loffre dune séance de sophrologie en refusant loffre de la
psychologie sous prétexte soit quil nen est pas là (il a
encore les ressources nécessaires pour affronter les événe-
ments), soit quil nest pas fou. La représentation de « méde-
cine douce » véhiculée par la sophrologie est aidante et
facilitante dans la mise en relation, dans linstauration de
lalliance thérapeutique sophrologuepatient. Notre société,
via les médias, communique énormément sur les bienfaits
dune nourriture saine, de la nécessité de se relaxer, de médi-
ter, dapprendre à respirer. Nous assistons depuis quelques
années à lémergence dune société du bien-être [15]. Dans
ce contexte, la sophrologie se trouve soutenue positivement,
même si cela nempêche pas certaines difficultés rencontrées
par les sophrologues pour être « reconnus » comme des
acteurs potentiels du soin. Lalliance psychologiesophrolo-
gie nous semble heuristique, sinscrivant dans une certaine
nécessité, voire un besoin de passer par le somatique sans
oublier le lien psychique. Si lalliance médecinepsycholo-
gie passe souvent pour ne pas dire toujours par le clivage
somatopsychique, le programme proposé ici sous-entend et
sous-tend une approche somatopsychique. Dans ce cadre, le
corps dépasse sa condition dobjet du soin et devient sujet
du soin. Cette approche rend compte du lien entre le soma
et la psyché sans pour autant tomber dans le travers dexpli-
cations non scientifiques de certaines écoles psychosomati-
ques. Cette position trouve son fondement dans les recherches
médicales et psychologiques faites sur limmunodépression
ou encore le stress [3]. Ajoutons à cela la place que donnent
les patients à larticulation entre soma et psyché pour rendre
compte de leur expérience de la maladie [2].
Un autre point qui attire tout aussi fortement notre atten-
tion, cest le travail sur ce que les « spirituels » appellent « la
méditation accompagnée » et que lon pourrait traduire en
langage psychologique par une posture interne apaisée. La
méditation est en fait centrale dans tout travail avec la souf-
france psychique. Il ne sagit pas pour nous de quelque chose
de religieux, mais bien un travail sur lactivité psychique
que doit entreprendre tout être humain pour être au mieux
dans son intériorité, sa spiritualité [7]. Nous comprenons la
méditation comme étant une posture psychique où on lâche
lemprise de notre attention sur les pensées qui défilent ce
qui correspond à cette attitude dont parle Bion dans le fait
dêtre to be at one ment with avec le patient et bien entendu
avec soi-même [1]. Le travail de la méditation est en mesure
de donner de surcroît un apaisement des affects, diminue les
tensions et les crispations, mais surtout une vraie liberté dans
la capacité à pouvoir recevoir et transformer les désagré-
ments et les très fortes émotions quun patient est amené
à vivre au cours de sa maladie.
Conclusion
Pour conclure nous souhaitons souligner que la démarche
que nous avons mise en œuvre sinscrit dans une dynamique
densemble qui ne vise pas la substitution des compétences
ou lindifférenciation des « territoires » et compétences de
chacun des acteurs du soin impliqués dans la prise en charge
des patients. Cette démarche relève dun objectif de cocons-
truction dun espace qui potentialise les bénéfices potentiels
de chaque mode dintervention dans une perspective holis-
tique centrée sur le patient. En ce sens, cette approche ne vise
pas nécessairement une articulation continue entre le travail
du psychologue et du sophrologue. Il sagit dune articula-
tion « silencieuse » dans le sens ou chaque intervention
Psycho-Oncol. (2012) 6:50-58 57
contribue, sans lobligation dune explicitation formelle
répétée, à lélaboration dun projet commun au bénéfice du
patient.
Conflit dintérêt : les auteurs déclarent que les séances de
sophrologie au sein du service doncologie médicale du
CHU de la Timone sont réalisées en partie grâce au soutien
financier de la Ligue Nationale Contre le Cancer (Comité
des Bouches-du-Rhône).
Références
1. Bion WR (1990) Lattention et linterprétation. Payot, Paris
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tions interpersonnelles : une étude qualitative des représentations
des patients. Cah Int Psychol Soc 85:3567
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cancer : une analyse psychosociale. Psycho-oncologie 2:10117
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Lexique des concepts, techniques et champs dapplication.
Masson, Paris
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12. Jung CG (1988) Synchronicité et Paracelsica. Albin Michel, Paris
13. Luebbert K, Dahme B, Hasenbring M (2001) The effectiveness
of relaxation training in reducing treatment-related symptoms
and improviong emotional adjustment in acute non-surgical
cancer treatment: a meta-analytical review. Psycho-oncology
10:490502
14. McDougall J (1989) Théâtres du corps : le psychosoma en
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15. Molinier P, Laugier S, Paperman P (2009) Quest-ce que le care ?
Souci des autres, sensibilité, responsabilité. Payot, Paris
16. Moscovici S (1961) La psychanalyse, son image, son public.
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17. Razavi D, Delvaux N (2008) Précis de psycho-oncologie de
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18. Shen J, Andersen R, Albert PS, et al (2002) Use of complemen-
tary/alternative therapies by women with advanced-stage breast
cancer. BMC Complement Altern Med 2:17
58 Psycho-Oncol. (2012) 6:50-58
... L'approche psychocorporelle : un abord complémentaire Le développement de la sophrologie au sein des services d'oncologie, en partie lié à ce type de questions cliniques impliquant le statut du corps malade, n'est pas neutre pour les psychologues cliniciens. La question du territoire spécifique de chaque professionnel peut s'accompagner d'une réflexion sur la complémentarité potentielle des cadres d'intervention proposés aux patients [18,19]. Selon nous, ce type de démarche croisée ouvre des perspectives heuristiques que nous aborderons sur la base du double regard constitué de la psychologie clinique d'orientation psychodynamique et de l'approche sophrologique dite « caycédienne », en raison du nom de son fondateur : Caycedo [20,21]. ...
Article
Somatic disease of cancer increases an invasion of the psyche by the affect. This factor could influence and restrict the psychotherapeutic relationship. A clinical observation constructed by a double light of psychodynamic approach and relaxation therapy highlights that the body-mind approach allows to promote the symbolization of archaic body elements and the relevance of the work of articulation that can take place in the psychotherapeutic program.
... It is also guided by a principle of positive action, activating positive forces of being (Campos, 2015). A study carried out with cancer patients showed that sophrology decreased stress, improving the well-being of these individuals (Dudoit et al., 2012). ...
Article
Full-text available
Introduction Physical training has been recommended to improve overall well-being in patients with fibromyalgia. Body relaxation exercises also seem to have some beneficial effect, however there is no consensus regarding this modality. Objective Comparing the effectiveness of sophrology and resistance training in improving the pain of women with fibromyalgia. Method A randomized controlled clinical trial with a blind evaluator. Sixty (60) women with a medical diagnosis of fibromyalgia were randomized and included in two groups: sophrology group (SG) who participated in a relaxation program based on sophrology (n = 30), and resistance group (RG) (n = 30) who participated in a resistance training program for biceps, pectoral, triceps, knee extensors, trapezius, knee flexors, hip abductors. Both groups were treated twice a week for 12 weeks and reevaluated every 4 weeks. The assessment instruments used were the Visual Analog Scale for Pain (VAS), the one-repetition maximum test (1 RM), the overall quality of life (SF-36), the 6-min walk test (6MWT), the Timed Up and Go test (TUG) and the Fibromyalgia Impact Questionnaire (FIQ). Results We found that the RG presented statistically significant decreases in pain (VAS) during the evaluations (p < 0.05) and increased strength of the evaluated muscles (p < 0.05). A statistically significant decrease in pain (p < 0.05) was observed in the SG compared to T0, with no significant differences in muscle strength. Differences between groups were observed, with better indices only for 6MWT and functional capacity domain of the SF36 for the RG (p < 0.05). Conclusion No differences in pain were found between the groups. Resistance training was more effective than sophrology in improving strength and functional capacity of women with fibromyalgia.
Article
Radiotherapy forms a significant part of cancer treatment. Caregivers support and advise patients to help them to adapt to the treatment and limit the occurrence of side effects. A nurse and member of a mobile support care and palliative care unit shares her experience of working in a team using sophrology to relieve the anxiety resulting from the wearing of a mask in radiotherapy. Copyright © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Article
Full-text available
The use of a contemporary myth as therapeutic potential The aim of our contribution is to report on an intervention device implemented with palliative patients. The general idea is to provide patients with information about research on near death experience (NDE), of create an interlocutory space and to provide the possibility for a personal work. This intervention can become a support to a reflexive work for the patient. This device seems to minimize the expression of anxiety and depressive manifestations. This type of device must be accompanied by a strong ethics position to guarantee patients’ rights.
Article
Full-text available
This study examines the impact of sexual identity on the participation of cancer patients in supportive care. Two different analyses were conducted within the context of an oncology department. First, we quantitatively examined the modalities of participation in different supportive care environments (psycho-oncologist and specialised nurse interventions) over a period of two months. Second, we conducted 25 interviews of patients of the oncology department on their care experiences. Analyses of the supportive care activities demonstrate a greater participation of female patients. The length and average number of interventions are significantly higher in this group. In addition, female patients initiate this kind of care more often than men. Interview data indicates different concepts of supportive care participation. Men use a number of concepts of virility and collective identity to explain their choices and needs. Two models of participation emerge from discussions: a contribution model (more frequent in women) and a disposal model (more frequent in men). These findings provide evidence of an association between the social dimensions of identity and experience of illness and care. This kind of analysis constitutes a key factor in understanding models of participation in the context of supportive care in oncology.
Book
La psychanalyse, son image et son public. Étude sur la représentation sociale de la psychanalyse « Bien qu’elle paraisse dans la “Bibliothèque de Psychanalyse”, cette étude sur la représentation sociale de la psychanalyse n’est pas un travail de psychanalyse, mais une recherche de psychologie sociale et de sociologie de la connaissance. Spécialité médico-psychologique, “action-research”, science de l’homme ouverte sur les autres sciences de l’homme, la psychanalyse a largement pénétré dans ce qu’on appelle “le grand public” et “l’actualité”. Elle était un objet de choix pour étudier ce que devient une discipline scientifique et technique quand elle passe du domaine des spécialistes au domaine commun, comment le grand public se la représente et la modèle, et par quelles voies se constitue l’image qu’il s’en fait. Dans et par sa recherche même, S. Moscovici a élaboré une méthode applicable à d’autres représentations sociales, la maladie, la médecine, l’éducation… : l’un des problèmes les plus séduisants est celui des “modèles psychologiques” latents à partir desquels, dans une société donnée, les membres de cette société pensent leur expérience et leur conduite. » Daniel Lagache (« Préface »)
Book
La première édition de La psychanalyse, son image et son public était une thèse. Cette seconde édition est, je l’espère, un livre. De l’une à l’outre j’ai modifié le style, le mode d’exposition des faits et des idées, éliminé des indications techniques et théoriques qui n’intéressaient qu’un cercle restreint de spécialistes ou qui sont devenues monnaie courante. Ce travail de réécriture correspond, bien entendu, aussi à une évolution personnelle et intellectuelle vis-à-vis des rites d’initiation universitaire et de la science. Lors de sa parution, la thèse a provoqué un malaise. Des psychanalystes surtout ont vu d’un mauvaise œil la tentative de prendre la psychanalyse comme objet quelconque d’étude et de la situer dans la société. 2 J’ai été frappé alors, et je le suis toujours, par le fait que les détenteurs d’un savoir, scientifique ou non, croient avoir le droit de tout étudier — et en définitive de tout juger — mais estiment inutile, voire pernicieux, de rendre compte des déterminismes dont ils sont le lieu, des effets qu’ils produisent, bref d’être étudiés à leur tour et de regarder le miroir qu’on leur tend en conséquence. Ils y voient une immixtion intolérable dans leurs propres affaires, une profanation de leur savoir — veut-on qu’il reste sacré ? — et réagissent, suivant leur tempérament, avec mépris ou mauvaise humeur. Ceci est vrai de la plupart des scientifiques, ceci est même vrai des marxistes. C’est pourquoi nous n’avons pas de sociologie de la science, ni du marxisme, ni de la psychanalyse. Je me suis cependant aperçu qu’en dix ans, du moins en ce qui concerne la psychanalyse et les psychanalystes, les attitudes ont beaucoup changé dans un sens favorable à un travail tel que celui-ci. 3 Au centre de ce livre est le phénomène des représentations sociales. Depuis la première édition, de nombreuses études tant de terrain que de laboratoire lui ont été consacrées. Je pense notamment à celles de Chombart de Lauwe, Hertzlich, Jodelet, Kaës d’un côté et à celles d’Abric, Codol, Flament, Henry, Pêcheux, Poitou de l’autre. Elles ont permis de mieux saisir sa généralité et de mieux comprendre son rôle dans la communication et la genèse des comportements sociaux. Mon ambition était cependant plus vaste. Je voulais redéfinir les problèmes et les concepts de la psychologie sociale à partir de ce phénomène, en insistant sur sa fonction symbolique et son pouvoir de construction du réel. La tradition behavioriste, le fait que la psychologie sociale se soit bornée à étudier l’individu, le petit groupe, les relations informelles, ont constitué et continuent à constituer un obstacle à cet égard. Une philosophie positiviste qui n’accorde d’importance qu’aux prédictions vérifiables par l’expérience et aux phénomènes directement observables s’ajoute à la liste des obstacles. 4 Cette tradition et cette philosophie empêchent, à mon avis, le développement de la psychologie sociale au-delà des limites qui sont les dermes aujourd’hui. Quand on s’en rendra compte et que l’on osera franchir ces limites, les représentations sociales, j’en suis convaincu, prendront dans cette science la place qui est la leur. En outre, elles seront un facteur de renouvellement des problèmes et clés concepts de la philosophie qui doit sous-tendre le travail scientifique. Là encore, les jeux ne sont pas faits. Au contraire ils sont à refaire et la crise que traverse la psychologie sociale le montre à l’évidence. 5 Il y va de l’intérêt de bien d’autres domaines de recherche concernant la littérature, l’art, les mythes, les idéologies et le langage. Enfermés dans des cadres dépassés, prisonniers de préjugés quant au pecking order des sciences, les chercheurs dans ces domaines se privent des moyens que, dans son état actuel, la psychologie sociale met à leur disposition. En France notamment ils se réclament, sous l’emprise du structuralisme, d’une orthodoxie saussurienne, tout en oubliant ce que Ferdinand de Saussure a entrevu avec précision : « La langue est un système de signes exprimant des idées, et, par là, comparable à récriture, à l’alphabet des sourds-muets, aux rites symboliques, aux formes de politesse, aux signaux militaires, etc. Elle rat seulement le plus important de ces systèmes. On peut donc concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une partie de la psychologie sociale et par conséquent de la psychologie générale ; nous la nommerons sémiologie (du grec semeïon, « signe »). Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent. » Mais le lecteur n’a pas à se soucier de ce passé, de cet état de la science, des projets flottant autour du livre. Pas plus que je ne m’en soucie. En faisant l’étude d’abord, en lui donnant forme ensuite, je me suis enrichi et j’ai eu du plaisir. Tout ce que je souhaite c’est que, en lisant ce livre, il lui arrive la même chose.
Article
Cancer patients often have to deal with severe side effects and psychological distress during cancer treatment, which have a substantial impact on their quality of life. Among psychosocial interventions for reducing treatment-related side effects, relaxation and imagery were most investigated in controlled trials. In this study, meta-analytic methods were used to synthesize published, randomized intervention–control studies aiming to improve patients' treatment-related symptoms and emotional adjustment by relaxation training. Mean weighted effect sizes were calculated for 12 categories, treatment-related symptoms (nausea, pain, blood pressure, pulse rate) and emotional adjustment (anxiety, depression, hostility, tension, fatigue, confusion, vigor, overall mood). Significant positive effects were found for the treatment-related symptoms. Relaxation training also proved to have a significant effect on the emotional adjustment variables depression, anxiety and hostility. Additionally, two studies point to a significant effect of relaxation on the reduction of tension and amelioration of the overall mood. Intervention features of the relaxation training, the time the professional spent with the patient overall (intervention intensity) and the schedule of the intervention (offered in conjunction with or independent of medical treatment to the cancer patient) were relevant to the effect of relaxation on anxiety. The interventions offered independently of medical treatment proved to be significantly more effective for the outcome variable anxiety. Relaxation seems to be equally effective for patients undergoing different medical procedures (chemotherapy, radiotherapy, bone marrow transplantation, hyperthermia). According to these results relaxation training should be implemented into clinical routine for cancer patients in acute medical treatment. Copyright © 2001 John Wiley & Sons, Ltd.