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Bergeron, C., Dubé, M., Beaulieu, M., Cousineau, M.-M., 2010, Validation du Worry about Victimization auprès d’une population âgée francophone du Québec, Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, 63, 155-176.

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Abstract

Résumé Les aînés sont ceux qui manifestent le plus la peur du crime même s’ils font partie du groupe le moins à risque d’être victimisé. Ce paradoxe, qui demande à être expliqué, tend à disparaître lorsqu’on évalue l’inquiétude face à la victimisation en tenant compte de ses dimensions émotionnelle, cognitive et behaviorale. À notre connaissance, il existe un seul outil validé incluant ces trois dimensions du concept: le Worry about Victimization (WAV, Williams et al. 2000). Cet outil n’a pas été traduit en français ni validé spécifiquement auprès d’une population âgée. Le but du projet qui donne lieu au présent article était de traduire en français et valider un outil permettant de cerner les insécurités des aînés en lien avec la victimisation. Le questionnaire fut validé auprès de 387 participants de trois villes québécoises au Canada. Les résultats confirment, en bonne partie, ceux de la version américaine. Mots-clés: peur du crime; aînés; instrument de mesure; victimisation; validation transculturelle Summary The elderly are more inclined to express fear of crime, even if they are the group who have the least risk of being victimized. This fear-paradox is thought to disappear if one introduces measurement of emotional, cognitive, and behavioural dimensions of Worry about Victimization. To our knowledge, there is only one validated measurement tool including these three dimensions: Worry about Victimization (WAV, Williams et al., 2000). It was not translated into French and validated specifically for an elderly population. The aim of this project is to translate to French and validate an instrument allowing the indexing of various insecurities related to the criminal victimization of the elderly. The questionnaire was administered to 387 participants from three Quebec cities in Canada. The results confirm in good part those of the American version. Keywords: fear of crime; elderly; measurement; victimization; transcultural validation
Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique 2/10 129
Revue internationale de CRIMINOLOGIE et de POLICE technique et scientifique
ISSN 1424-4683 Avril - Juin
Volume LXIII 2010
Discours et représentations sur l’attentat-suicide auprès
de dix jeunes musulmans de la région parisienne
par Luis Martinez . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .131
Validation du Worry about Victimization auprès
d’une population âgée francophone du Québec
par Christian Bergeron, Micheline Dubé, Marie Beaulieu
et Marie-Marthe Cousineau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .155
Les multiples facettes du vol d’identité
par Benoît Dupont et Esma Aïmeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177
La féminisation de la gendarmerie française:
femme gendarme ou gendarme féminin?
par François Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .195
Police et contrôle social dans le Japon d’aujourd’hui
par Chikao Uranaka . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .211
L’action sous stress lors de simulations de recours
à la force létale par des policiers et des militaires
par Pierre Thys et Lionel Hougardy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .223
Notes de police scientifique
par Olivier Delémont et Pierre Margot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .243
Bibliographie
par Marie-Claude Hertig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .252
Table des matières
130 2/10 Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique
Revue internationale de CRIMINOLOGIE et de POLICE technique et scientifique
ISSN 1424-4683 April - June
Volume LXIII 2010
Discourse and representations of suicide bombing
by ten young Muslims from the Paris area
by Luis Martinez . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .131
Validation of the Worry about Victimization Survey
with French-speaking erlderly respondents living
in Quebec
by Christian Bergeron, Micheline Dubé, Marie Beaulieu
and Marie-Marthe Cousineau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .155
The multiple facets of identity theft
by Benoît Dupont and Esma Aïmeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177
The feminization of the French Gendarmerie
by François Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .195
Police and social control in modern Japan
by Chikao Uranaka . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .211
Dealing with combat stress during simulated use
of lethal force
by Pierre Thys and Lionel Hougardy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .223
Notes in forensic sciences
by Olivier Delémont and Pierre Margot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .243
Bibliography
by Marie-Claude Hertig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .252
Table of contents
Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique 2/10 155
* M.A. gérontologie, Agent de recherche, Centre de recherche sur le vieillissement du CSSS-
IUGS
** Ph.D., Psychologue, Professeure et chercheure, Département de psychologie, Université du
Québec à Trois-Rivières
*** Ph.D., Criminologue, Professeure et chercheure, Université de Sherbrooke, Département de
Service Social, secteur gérontologie ET, Centre de recherche sur le vieillissement du CSSS-
IUGS
**** Criminologue, Professeure titulaire, Université de Montréal, École de criminologie
Validation du Worry about Victimization auprès d’une
population âgée francophone du Qbec
par Christian Bergeron*, Micheline Dubé**, Marie Beaulieu***
et Marie-Marthe Cousineau****
Résumé
Les aînés sont ceux qui manifestent le plus la peur du crime même s’ils font partie du groupe
le moins à risque d’être victimisé. Ce paradoxe, qui demande à être expliqué, tend à disparaître
lorsqu’on évalue l’inquiétude face à la victimisation en tenant compte de ses dimensions émo-
tionnelle, cognitive et behaviorale. À notre connaissance, il existe un seul outil validé incluant
ces trois dimensions du concept: le Worry about Victimization (WAV, Williams et al. 2000). Cet
outil n’a pas été traduit en français ni validé spécifiquement auprès d’une population âgée. Le
but du projet qui donne lieu au présent article était de traduire en français et valider un outil
permettant de cerner les insécurités des aînés en lien avec la victimisation. Le questionnaire fut
validé auprès de 387 participants de trois villes québécoises au Canada. Les résultats confir-
ment, en bonne partie, ceux de la version américaine.
Mots-clés: peur du crime; aînés; instrument de mesure; victimisation; validation transculturelle
Summary
The elderly are more inclined to express fear of crime, even if they are the group who have the
least risk of being victimized. This fear-paradox is thought to disappear if one introduces mea-
surement of emotional, cognitive, and behavioural dimensions of Worry about Victimization. To
our knowledge, there is only one validated measurement tool including these three dimensions:
Worry about Victimization (WAV, Williams et al., 2000). It was not translated into French and vali-
dated specifically for an elderly population. The aim of this project is to translate to French and
validate an instrument allowing the indexing of various insecurities related to the criminal victi-
mization of the elderly. The questionnaire was administered to 387 participants from three
Quebec cities in Canada. The results confirm in good part those of the American version.
Keywords: fear of crime; elderly; measurement; victimization; transcultural validation
Introduction
La peur du crime a émergé comme domaine de recherche dans les années 1960
(Lee 2001) et cette problématique a, depuis, fait l’objet d’une préoccupation crois-
sante de la part des chercheurs, des intervenants, des décideurs politiques
(Possamaï et Murray 2004) et des massdias (Lee 2001). Avec les années, le phé-
nomène de la peur du crime serait devenu plus important que le crime lui-même
(Ditton, Chadee et Khan 2003; Moore 2006).
Plusieurs chercheurs s’entendent pour affirmer que la peur du crime affecte
davantage les aînés que les autres groupes d’âge (Brillon 1987; Fattah et Sacc, 1989;
Hennen et Knudten 2001; Yin 1980), que le phénomène s’accentue avec l’avance-
ment en âge (Chadee et Ditton 2003; Hennen et Knudten 2001) et que ses consé-
quences sont nocives pour la qualité de vie des gens, et plus particulièrement celle
des aînés (Brillon 1987). Ces constats font ressortir la pertinence de poursuivre des
recherches sur la peur du crime chez lesnés, entre autres, chez la population qué-
bécoise francophone pour laquelle nous ne disposons pas de données récentes.
Pour cela, il devient nécessaire de se doter d’un instrument de mesure valide en fran-
çais et adapté à une population d’aînés. Un instrument originalement construit et
validé en anglais aux États-Unis, auprès d’une population d’adultes et d’aînés, le
Worry about Victimization (WAV, Williams, McShane et Akers 2000), permet de mesu-
rer l’inquiétude face au crime en tenant compte de ses composantes émotionnelle,
cognitive et behaviorale. Le présent article fait état du processus ayant conduit à la
traduction et à la validation de cet instrument auprès d’une population de personnes
âgées francophones du Québec. La pertinence d’utiliser la notion de peur du crime,
à laquelle nous préférons l’expression «inquiétude face à la victimisation», qui semble
mieux rendre compte du phénomène à l’étude, sera aussi abordée.
Problématique
Les statistiques sur la peur du crime n’ont pas vraiment changé depuis les années
1970 (Roberts 2001). Selon le type de mesure effectuée, entre 27% et 43% des per-
sonnes âgées seraient affectées par une telle crainte au Canada (Roberts 2001;
Beaulieu, Leclerc et Dubé 2003).
Les résultats de recherches antérieures montrent que les aînés sont ceux qui
manifestent le plus la peur du crime même si, statistiquement, ils font partie du grou-
pe le moins à risque d’être victimi(Acierno, Rheingold, Resnick, et Kilpatrick 2004;
Boers 2003; Jackson 2004; Possamaï et Murray 2004; Turcotte et Schellenberg
2006). Depuis plusieurs années, ce paradoxe donne lieu à de sévères critiques, ou
est interprété de diverses façons (Fattah et Sacco 1989; Jackson 2004; Skogan
1987). Certains auteurs affirment que ledit paradoxe émerge des problèmes métho-
dologiques rencontrés dans les études traitant de la peur du crime et qu’il tend à dis-
paraître quand on introduit une distinction entre les dimensions cognitive, émotion-
nelle et behaviorale de l’inquiétude manifestée face à la victimisation (Ferraro 1995;
Greve 1998; Jackson 2004). D’ailleurs, de nombreux auteurs s’entendent pour dire
que, jusqu’à ce jour, la gamme de définitions associées à l’expression «peur du
crime» et la diversité de ses modes d’opérationnalisation ont grandement concouru
à la confusion et à l’incompréhension qui l’entourent (Acierno et al. 2004; Cozens,
Hillier et Prescott 2002; Sacco et Nakhaie 2001).
La principale critique adressée aux études traitant de la peur du crime porte sur
la faiblesse de la conceptualisation de la variable principale, en l’occurrence la
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peur du crime (Williams et al., 2000). Plusieurs concepts rejoignant la peur du
crime sont en effet utilisés comme s’ils étaient équivalents: la peur, l’anxiété, l’in-
quiétude, le souci, la préoccupation et même le sentiment de sécurité (Hough
2004; Pain 2000). Bref, la peur du crime, désignée tour à tour par différentes
expressions qui semblent être utilisées indistinctement, fait l’objet de plusieurs
définitions dont certaines sont parfois contradictoires, ce qui pose problème. En
voici quelques exemples. Certains chercheurs définissent la peur du crime comme
une peur diffuse, sans objet précis (Farrall, Bannister, Ditton et Gilchrist 1997) alors
que pour d’autres, elle aurait une forme concrète, c’est-à-dire la peur (fondée ou
non) d’être victime d’un acte criminel précis (Farrall et al., 1997; Ferraro 1995). Pour
leur part, Beck et Travis III (2004) évoquent une peur altruiste, survenant par
exemple lorsqu’une personne craint qu’un acte criminel ne soit commis envers ses
enfants, son conjoint ou sa conjointe, ses amis ou ses parents.
En amont de la description du contenu du concept, des questions se posent
quant au choix du mot retenu pour caractériser celui-ci. Ainsi, Skogan (1987) sug-
gère d’utiliser «préoccupation» et «inquiétude» plutôt que «peur» puisque la peur
réfère davantage à une émotion. Cela étant dit, il n’y a pas de consensus concer-
nant le «meilleur» terme à utiliser pour décrire la peur du crime (Williams et al.
2000).
Les connaissances concernant la peur du crime apparaissent donc tributaires
de la qualité de l’opérationnalisation du concept. Or, à cet égard, plusieurs études
présentent des failles méthodologiques reconnues par nombre d’auteurs (Farrall et
al. 1997; Little, Panelli et Kraack 2005; Sacco et Nakhaie 2001). Cependant, il
semble exister un certain consensus sur le fait que trois composantes seraient
inhérentes au concept de la peur du crime: une dimension émotionnelle, une
dimension cognitive et une dimension behaviorale (Greve 1998; Hale 1996; Rader
2004), chacun de ces aspects se mesurant spécifiquement et s’analysant indé-
pendamment des deux autres (Ferraro 1995; Rader 2004).
La dimension émotionnelle consiste dans l’évaluation émotive de la peur d’être
victime d’un acte criminel (Rader 2004). Le caractère émotionnel de la peur du
crime ressort dans des réponses à des énoncés abordant le sentiment de sécuri-
té et le fait pour une personne d’avoir peur de marcher seule le soir dans son quar-
tier (Hale 1996; Martel 1999). Selon Greve (1998), cette mesure constituerait la
meilleure façon d’évaluer la peur car elle possède une forte dimension émotive.
La dimension cognitive évalue le risque anticipé d’être victime d’un acte crimi-
nel (Gabriel et Greve 2003; Rader 2004). Elle permet de mesurer, en termes sub-
jectifs, les probabilités de victimisation telles que perçues par la personne (Chadee
et Ditton 2003). La dimension cognitive comprendrait deux aspects distincts, soit
l’évaluation de la probabilité d’être victime d’un crime contre la personne et l’éva-
luation de la probabilité d’être victime d’un crime contre la propriété (Ferraro 1995).
La dimension behaviorale fait quant à elle référence au comportement adopté
pour faire face à une possible victimisation (référence d’identification 2006). Elle
comprend des comportements d’évitement (éviter certains lieux ou individus, se
terrer chez soi, etc.) et de protection (acheter une arme, installer des serrures plus
sécuritaires aux portes ou aux fenêtres, etc.) (Greve 1998; Rader 2004).
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Bien que ces trois dimensions du concept soient maintenant mieux connues, très
peu d’études en tiennent compte. En fait, nous n’avons identifaucune définition les
englobant. Notre analyse nous amène à conclure qu’il vaudrait mieux abandonner le
terme «peur» au profit de celui d’«inquiétude» (Williams et al. 2000), car la peur paraît
liée directement et uniquement à une seule dimension, à savoir la dimension émo-
tionnelle du concept. En corollaire, nous proposons de retenir la définition suivante
de l’inquiétude face à la victimisation criminelle: un sentiment qui se traduit par un ou
des comportements d’évitement ou de protection, une peur abstraite dans un envi-
ronnement perçu comme menaçant ou une évaluation concrète du risque d’être vic-
time d’une attaque contre sa personne ou ses biens (Beaulieu et al. 2007).
À notre connaissance, un seul instrument, le Worry about Victimization (WAV;
Williams et al. 2000), évalue les trois dimensions retenues dans cettefinition. Dans
sa version originale, le WAV comporte 67 énoncés regroupés en neuf échelles. Les
échelles sont très diversifiées tant en regard du nombre d’énoncés (1 à 16), que du
type de réponse (dichotomique, choix multiples, échelle Likert à 10 niveaux). Il a été
validé auprès de 1152 personnes vivant dans lagion sud-ouest des États-Unis (un
groupe d’individus de moins de 65 ans et un groupe de personnes de plus de 65
ans). Une analyse factorielle de type Varimax regroupe les échelles sous trois fac-
teurs. Le premier, composé des échelles de la dimension cognitive, explique 35% de
la variance. Le deuxième comporte des échelles de la dimension émotionnelle et
explique 15% de la variance. Le troisième représente la dimension behaviorale et
explique 14% de la variance. Les différentes échelles obtiennent des coefficients
alpha variant de 0,61 à 0,93.
Pour mieux cerner le phénomène de l’inquiétude face à la victimisation criminel-
le chez lesnés au Québec, ce questionnaire est traduit en français, adapté à la réa-
lité et au vocabulaire des aînés du Québec, puis validé.
Méthode
Pour traduire et valider ce questionnaire et nous assurer qu’il présente encore de
bonnes qualités métrologiques, nous avons procédé en quatre étapes, en nous ins-
pirant de la technique de validation transculturelle de Vallerand (1989). Cette
approche implique de 1) traduire l’instrument retenu en français par la technique de
traduction inversée parallèle; 2) s’assurer de sa validi de contenu à partir de
groupes de discussion (focus groups) d’experts aînés (1); 3) déterminer sa validité de
construit en opérant des analyses factorielles exploratoires; et 4) déterminer sa fidé-
lité en mesurant sa stabilité temporelle et sa cohérence interne. Dans le présent
article, nous présenterons en détail les étapes 3 et 4 concernant la validité de
construit et la fidélité de l’instrument, et un bref survol des étapes 1 et 2.
Traduction
La technique de traduction inversée parallèle décrite par Vallerand (1989) permet de
«vérifier la justesse de la traduction en comparant cette dernière avec la version ori-
ginale de l’instrument» (Vallerand 1989: 665). Cette technique implique la contribu-
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tion de deux à quatre personnes pour la traduction du questionnaire. Concrètement,
deux personnes ont traduit le questionnaire en français. Ensuite, deux autres per-
sonnes ont retraduit ces versions françaises en anglais. Par la suite, un comité (tra-
ducteurs et chercheurs) a comparé l’ensemble des versions afin d’élaborer une pre-
mière version française expérimentale qui reproduise au plus près la version anglai-
se validée.
Validité de contenu
Pour établir la validité de contenu, c’est-à-dire évaluer à quel point le contenu du
questionnaire est représentatif de l’ensemble des indicateurs inclus dans le concept
visé (Laveault et Grégoire 1997), il est possible, selon Contandriopoulos et ses col-
laborateurs (1990), de demander à un échantillon de participants de la population
concernée de juger de la validité de contenu de l’instrument. La méthode du grou-
pe de discussion serait pour ce faire une approche valable.
En s’inspirant, en grande partie, des recommandations d’Anastasi (1994), de
Morgan (1988) et de Krueger et Casey (2000), trois groupes de discussion ont été
réalisés afin de nous assurer que les énoncés du WAV étaient adaptés à la réalité cul-
turelle des aînés francophones du Québec, que la traduction des énoncés reflétait
bien le contenu des items initiaux une fois que ces derniers étaient adaptés, et qu’ils
étaient faciles à comprendre. Les aînés devenaient ainsi des experts 1) sur la quali-
des questions qui leur étaient posées; 2) sur la clarté et la justesse du langage uti-
lisé; 3) sur l’adaptation contextuelle de certaines questions à leur vie de tous les
jours; et 4) sur la résonance des questions (impacts positifs ou négatifs après avoir
traité de toutes les dimensions liées à la sécurité). Cette approche visant à établir la
validide contenu a permis d’améliorer l’instrument en vue de son utilisation auprès
de la population ciblée.
Ces deux premières étapes de la validation du WAV ont fait l’objet d’une publi-
cation qui peut être consultée pour de plus amples informations à leur sujet
(Bergeron 2006).
Validité de construit
Il importe de vérifier empiriquement si la validité de construit du questionnaire traduit
est comparable à celle de la version originale. La validité de construit «est relative à
l’opérationnalisation des variables, à la qualité de l’élaboration et du choix des indi-
cateurs» (Gauthier 2003: 203). Pour l’établir, on emploie l’analyse factorielle explora-
toire ou confirmatoire (Vallerand, Guay et Blanchard 2000). L’analyse factorielle
exploratoire vise à déterminer quel ensemble d’énoncés est suffisamment homogè-
ne pour être combiné en un seul facteur. L’analyse confirmatoire cherche de son côté
à vérifier l’existence d’un modèle théorique en postulant d’avance les résultats des
analyses. L’objectif que nous cherchions à atteindre n’était pas de mesurer un modè-
le théorique, mais de vérifier si les échelles reproduites dans la version française du
WAV se regroupent de la même manière, sous lesmes grands facteurs, que dans
la version originale du WAV, ceci dans le but de comparer le comportement de la ver-
sion française (à valider) à la version anglaise (déjà validée) pour parvenir à valider la
première.
Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique 2/10 159
Participants
L’étude, menée à Montréal, Sherbrooke et Trois-Rivières (au Québec), compte 387
participants dont 49% d’hommes et 51% de femmes, âgés de 60 à 98 ans (M =
73,9 ans, ÉT = 8,2). Ils ont en moyenne 12,1 années de scolarité (ÉT = 4,4). La moi-
tié d’entre eux (51,4%) vivent en couple, dans une maison (39%) ou dans un appar-
tement (42,3%); seulement 11,9% demeurent dans un logement pour personnes
autonomes. Plusieurs des répondants (61,6%) déclarent un revenu familial annuel de
moins de 40 000 $. La passation d’une version téléphonique du MMSE (Roccaforte,
Burke, Bayer et Wengel 1992) a permis d’établir qu’ils ne présentent pas de pro-
blèmes cognitifs, tous les participants retenus ont en effet réussi le test avec un score
de 17 ou plus sur 22.
Instruments
Cette étude fait partie d’un projet plus vaste portant sur les insécurités des aînés.
Seul le questionnaire de données sociodémographiques et la version française du
WAV (2), telle que traduite par les auteurs, sont retenus ici.
Déroulement
Le recrutement s’est déroulé sur une base de participation volontaire dans les trois
villes retenues pour l’étude. Pour compléter l’échantillon stratifié (sexe, âge, ville),
nous avons eu recours à des personnes inscrites sur une liste de volontaires à la
suite de leur participation à d’autres projets de recherche et à des rencontres lors
d’activités organisées par des organismes communautaires s’adressant à une clien-
tèle répondant à nos critères d’échantillonnage. Dans tous les cas, la séquence sui-
vante était suivie: 1) sollicitation d’une participation libre et volontaire; 2) administra-
tion du MMSE par téléphone; 3) envoi du questionnaire par voie postale; 4) vérifica-
tion des questionnaires pour s’assurer qu’ils ont été complétés correctement, suivi
téléphonique dans le cas des questionnaires retournés incomplets afin de les com-
pléter; 5) relance des répondants n’ayant pas retourles questionnaires en deçà de
deux semaines et, enfin; 6) prise de contact avec les participants ayant manifesté le
désir de poursuivre le projet en complétant à nouveau le WAV-F pour les analyses en
vue d’établir la stabilité temporelle de l’instrument.
Stratégies d’analyse
Étant donné sa stratification, l’échantillon a été corrigé par pondération en fonction
des données populationnelles obtenues au dernier recensement (Statistique Canada
2001) avant de procéder aux analyses.
Pour vérifier la validité de construit du WAV-F, les analyses statistiques effectuées
pour la version originale ont été intégralement reproduites à l’aide du logiciel SPSS.
Cette procédure permet de comparer les qualités métrologiques des deux outils.
Comme le WAV, le WAV-F comprend neuf échelles indépendantes. Pour vérifier les
relations entre les différentes échelles et leur structure respective, des matrices de
corrélation (coefficient de Spearman-Brown) ont tout d’abord été produites. Par la
suite, une analyse factorielle exploratoire, utilisant la méthode des composantes
principales avec rotation Varimax et adéquation de Kaiser, a été effectuée.
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Fidélité
La fidélité réfère à la précision du questionnaire, et ce, peu importe ce qu’il mesure
(Anastasi 1994). «La fidélité est un indice de la qualité de la mesure en so (Gauthier
2003: 196). Plus spécifiquement, la stabili temporelle réfère à la constance, à la non-
variation des positions d’un individu d’une mesure à l’autre, et elle se mesure par test-
retest (Lefrançois 1991). La fidélité s’estime aussi par la cohérence interne. On fait
alorsrence au degd’homogénéité des énoncés d’un questionnaire (Vallerand et
al. 2000). De façon surprenante, dans la très grande majorité des recherchesla
peur du crime est mesurée, il n’est fait aucunement mention de stabilité temporelle
(Williams et al. 2000).
La stabilité temporelle de l’instrument a été éprouvée par un test-retest à 14 jours
d’intervalle (fidélité intra-classe). Cette période de temps paraît suffisamment longue
pour enrayer l’effet de mémoire et assez courte pour éviter que des changements –
personnels, sociaux, au plan de la santé physique ou mentale - se produisent entre
les deux passations du questionnaire (3). Trente-six personnes (dont 50% de femmes)
âgées entre 61 et 89 ans (M = 73,9 ans, ÉT = 7,9) ont participé à l’estimation de la sta-
bilité temporelle. La cohérence interne a été estimée à l’aide de l’échantillon global.
Résultats
Avant de présenter les résultats relatifs à la validité de construit et à la fidéli, voici
une brève description du WAV-F dans sa version finale mise à l’épreuve.
Traduction et groupes de discussion
À la suite du processus de traduction, la première version du WAV-F a été éproue
aups de groupes de discussion. La version française de l’instrument et les transfor-
mations introduites sont présentées ci-dessous. Pour rendre la structure de l’instru-
ment plus facile à comprendre, les échelles sont regroupées selon leur appartenance
aux différentes dimensions émotionnelle, behaviorale et cognitive. Le lecteur peut
aussi se référer au questionnaire à l’Annexe A pour plus de détails.
Dimension émotionnelle
Cette dimension est évaluée à l’aide de trois échelles: Préoccupations concernant la
sécurité en général (GENER) (4), Préoccupations concernant le crime en général
(CONCER) et Préoccupations concernant le crime (NCS).
L’échelle Préoccupations concernant la sécurité en général (questions 1 à 6) est
composée de 12 énoncés visant à déterminer à quel point les participants sont pré-
occupés le jour et le soir par la sécuriennéral. Les questions de base sont: «Y a-
t-il un endroit (de quatre coins de rue à un coin de rue) de votre domicile où vous seriez
inquiet de marcher (seul ou accompagné) le jour? le soir?», et: «Lorsque vous êtes
seul à votre domicile, êtes-vous inquiet?». Une question concernant le transport
public: «Lorsque vous prenez les transports en commun, êtes-vous inquiet?» a été
ajoutée suite à la consultation des experts aînés. Les choix de réponses pour toutes
ces questions sont: Oui, Parfois et Non. À la suite des groupes de discussion, nous
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avons ajouté d’autres choix de réponse pour éviter les faux positifs. Ainsi, la person-
ne pouvait indiquer Je ne sors jamais le jour ou le soir ou Je ne prends jamais les trans-
ports en commun. De plus, si un répondant cochait: Je ne sors jamais le jour ou le soir
aux questions 1 à 6, il devait en préciser la raison en choisissant entre deux énons:
Vous avez trop peur d’être victime d’un crime ou Pour une autre raison.
L’échelle Poccupations concernant le crime en général (question 7) comporte un
seul énon libellé ainsi: «À quel point êtes-vous préoccupé par le crime?», auquel la
personne répondait sur une échelle allant de zéro à dix (0 signifiant Pas préoccupé du
tout et 10 Très préoccu).
Les 12 énoncés de l’échelle Préoccupations concernant le crime (questions 8 à 13)
visent à déterminer à quel point les participants sont préoccupés par le crime le jour
et le soir dans certaines circonstances. Les questions et les choix de réponses sont
lesmes que l’échelle Préoccupations concernant la curité enral (questions
1 à 6).
Dimension behaviorale
Trois échelles se retrouvent sous la dimension behaviorale: Précautions contre le
crime (BEHA1), Mesures de protection à domicile (BEHA2) et Mesures de protection
lors d’absence du domicile (BEHA3).
À l’échelle Précautions contre le crime (questions 14 à 23), les 10 énoncés sont en
lien avec les précautions prises lors d’activités exrieures. La question générale est:
«Est-ce que vous prenez certaines de ces précautions contre le crime lorsque (suit
une liste de dispositions possibles comme éviter d’avoir beaucoup d’argent avec
soi)?» Les choix de réponses sont: Toujours, La plupart du temps, Parfois, Jamais. À
la suite des groupes de discussion, la possibilité depondre Je ne sors jamais a été
ajoutée.
Pour les Mesures de protection à domicile (questions 24 à 37), 14 énons éva-
luent les précautions prises au domicile pour se protéger contre le crime. La question
générale est: «Comme mesure de protection, avez-vous fait telle ou telle chose à votre
domicile (par exemple mettre un système d’alarme ou une chaîne de sécurité)?» Les
choix de réponses sont: Oui, Non. À la suite des groupes de discussion, la possibili-
té de répondre Cela n’est pas possible à mon domicile a été ajoutée.
Les Mesures de protection lors d’absence du domicile (questions 38 à 41) sont
évaluées à l’aide de quatre énoncés ayant trait aux précautions prises lors d’une
absence prolongée du domicile. La question générale se formule de la manière sui-
vante: «Maintenant, pensez à la dernière fois vous êtes parti pour une fin de semai-
ne ou pour plus longtemps… Avez-vous (suit une liste de précautions possibles
comme arrêter la livraison des journaux et du courrier)Les choix de réponses sont:
Oui, Non. la possibilité de répondre: «Je ne pars jamaia été ajouté à la suite des
groupes de discussion.
Dimension cognitive
La dimension cognitive regroupe trois échelles: Perception du risque de victimisation
(PERRIS), Probabili d’être victime d’un crime (WORRY) et Inquiétude générale
concernant la victimisation (GENWO).
162 2/10 Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique
L’échelle Perception du risque de victimisation (question 42) comporte une seule
question: «Quelle est la probabilité que vous soyez victime d’un crime, quel qu’il soit,
durant la prochaine année?», auquel le participant répond sur une échelle de zéro à
dix, (0 signifiant «Je ne serai pas victime d’un crime»et 10 «Je serai certainement vic-
time d’un crime»).
La Probabilité d’être victime d’un crime (questions 43 à 58) est évaluée à l’aide
de 16 énoncés portant sur la probabilité d’être victime d’un crime spécifique dirigé
contre sa personne ou ses biens durant la prochaine année. Les choix de réponses
sont répartis sur une échelle en 10 points allant de 0 «Pas inquiet du tout» à 10 «Très
inquiet».
L’échelle Inquiétude générale concernant la victimisation (question 59) comporte
une seule question: «De façon générale, à quel point êtes-vous inquiet de devenir
victime d’un ou de l’autre des 16 crimes nommés précédemment durant la prochai-
ne année?», mesurée sur une échelle allant de 0 «Pas inquiet du tout» à 10 «Très
inquiet».
Analyses corrélationnelle et factorielle visant à établir la validité de construit
Une matrice de corrélation entre les neuf échelles du WAV-F révèle que ces dernières
ne sont pas fortement corrélées entre elles (voir Tableau 1), à l’exception des échelles
Préoccupations concernant la sécurité en général et Préoccupations concernant le
crime (rs =0 ,87, p< 0,01) et des échelles Inquiétude générale concernant la victimi-
sation et Probabilité d’être victime d’un crime (rs= 0,78, p< 0,01). Ces résultats sont
comparables à ceux obtenus pour le WAV; les auteurs arrivent eux aussi à des cor-
rélations élevées entre ces sous échelles (respectivement, rs = 0,76, p< 0,01 et rs =
0,73, p< 0,01).
Selon une analyse factorielle en composante principale avec rotation Varimax
(normalisation de Kaiser), les échelles du WAV-F se regroupent en trois facteurs avec
Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique 2/10 163
Tableau 1: Corrélation entre les échelles du WAV-F
une variance totale expliquée de 67,9% (Tableau 2) (5). Elles présentent sensiblement
la même variance expliquée (67,9%) que les échelles du WAV (version américaine)
(64%). L’examen des saturations factorielles obtenues permet d’affirmer que le pre-
mier facteur du WAV-F explique 26,6% de la variance, avec des coefficients de satu-
ration qui se situent entre 0,44 et 0,89. Ce facteur est compode la dimension émo-
tionnelle et d’une échelle de la dimension behaviorale. Ceci pose problème et il en
sera question dans la discussion. Le deuxième facteur, quant à lui, explique 26,0%
de la variance avec des coefficients de saturation qui se situent entre 0,75 et 0,85. Il
intègre la totalité des énoncés définissant la dimension cognitive. Enfin, le troisième
facteur est lié à deux échelles de la dimension behaviorale. Il contribue à 15,3% de
la variance expliquée et présente des coefficients de saturation de 0,77 et 0,78. La
version originale du WAV ne montre pas tout à fait le même comportement, en
termes de saturation factorielle, que la version traduite pour les échelles
Préoccupations concernant le crime en général (CONCER) et Précautions contre le
crime (BEHA1). Ces dernières se regroupent avec d’autres échelles comme on peut
le constater au Tableau 2.
Fidéli
Sur un des indices de fidélité, la mesure de stabilité temporelle à un intervalle de deux
semaines, les résultats du WAV-F sont très satisfaisants. En effet, les corrélations
intra-classe varient de 0,70 à 0,90 pour sept des neuf échelles. Seules les échelles
Inquiétude générale concernant la victimisation (GENWO) (0,18) et Préoccupations
concernant le crime en général (CONCER) (0,41) présentent des corrélations intra-
classe plutôt faibles. Les alpha de Cronbach (vérifiant la cohérence interne des
échelles) s’échelonnent de 0,67 à 0,95 pour le WAV-F, ceux du WAV varient de 0,61
164 2/10 Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique
Tableau 2 : Analyse factorielle des échelles du WAV-F et du WAV
à 0,93. Le Tableau 3 résume les résultats obtenus pour les deux versions. La cohé-
rence interne du WAV-F se révèle donc, comme celle du WAV, fort acceptable.
En examinant la distribution des résultats (moyennes et écarts-types), présentés
également au Tableau 3, on observe que lesnés francophones du Québec obtien-
nent des moyennes plus faibles que les participants américains. L’écart est plus mar-
qué pour les échelles Perception du risque de victimisation (1,61 vs 4,18), Inquiétude
générale concernant la victimisation (2,09 vs 5,16) et Préoccupations contre le crime
en général (4,99 vs 7,50). À l’inverse, la moyenne est légèrement plus élevée chez les
francophones pour l’échelle Mesures de protection lors de l’absence du domicile
(2,35 vs 1,42).
Discussion
Cette étude avait pour but de traduire et de valider la version française du WAV, un
instrument de mesure portant sur les inquiétudes face à la victimisation chez les
aînés. L’approche rigoureuse lors de la traduction et de la validation de contenu par
les groupes de discussion est garante d’un instrument qui mesure bien le concept
d’inquiétude face à la victimisation criminelle chez les personnes âgées au Québec.
L’instrument est particulièrement bien adapté pour cette population du fait qu’il tient
compte des diverses raisons autres que la peur du crime pouvant susciter des
craintes ou des comportements de précautions ou de protection. Ces raisons pour-
raient fausser l’évaluation de l’inquiétude face à la victimisation criminelle et faire
indûment gonfler le niveau d’inquiétude mesurée.
Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique 2/10 165
Tableau 3 : Coefficients de stabilité temporelle et de cohérence interne,
distribution des échelles
L’analyse factorielle apparaît comme une approche analytique puissante pour
vérifier si un outil reflète ou mesure bien un concept d’après la définition retenue
(Pedhazur et Pedhazur-Schmelkin 1991). Il ne s’agissait pas ici de confirmer le résul-
tat de la recherche précédente, mais de vérifier si le nouvel instrument, tel que nous
l’avons adapté, mesure aussi bien que l’original le concept visé, et ce, auprès d’une
nouvelle population. En effet, notre étude porte sur une population différente de l’étu-
de américaine (francophone et uniquement formée de participants âgés). Nous
avons donc opté pour reproduire l’analyse factorielle exploratoire, telle que réalisée
avec la version originale, afin de s’assurer que les deux versions mesuraient le même
concept et présentaient des propriétés métrologiques similaires, la version originale
ayant elle-même été validée.
L’analyse que nous avons réalisée montre que le WAV-F reproduit bien le modè-
le théorique à trois dimensions, sauf pour une échelle de la dimension behaviorale
(BEHA1, Précautions contre le crime), laquelle semble poser problème. Cette sous
échelle se rapporte au fait de se protéger lors d’activités extérieures. Contrairement
au modèle théorique, elle se révèle davantage en lien avec la dimension émotion-
nelle. Or, la dimension émotionnelle aborde, entre autres, le fait de sortir à l’extérieur.
Ces résultats laissent entrevoir que certains participants québécois associent le fait
de se protéger avec le fait de se trouver à l’extérieur de leur domicile. Cette ambi-
guïté se retrouve aussi chez les participants américains puisque cette même échel-
le obtient un poids significatif sur deux dimensions dans le WAV (la dimension émo-
tionnelle 0,43, et la dimension behaviorale 0,52).
Les analyses factorielles confirment donc que l’instrument mesure effectivement
le concept de l’inquiétude face à la victimisation tel que nous l’avons défini. Les trois
dimensions incluses dans la définition sont bien représentées. Cependant, le WAV-
F ne mesure pas exactement le même construit que la version originale, les échelles
se regroupant différemment pour évaluer les dimensions. Les résultats paraissent
néanmoins satisfaisants si on prend en considération le fait que les deux instruments
diffèrent pour tenir compte des particularités culturelles (Américains vs Québécois) et
du type d’échantillon (adultes vs aînés seulement). À cet égard, Bernier et
Pietrulewicz (1997: 245) affirment que «la nature du groupe de répondants formant
l’échantillon, la moyenne d’âge, la classe sociale, le sexe, etc., peuvent (aussi) modi-
fier les résultats. Un même ensemble d’items peut mesurer un facteur différent, selon
l’échantillon utilisé». Il serait maintenant intéressant de procéder à une analyse fac-
torielle confirmatoire avec le WAV-F auprès de populations âgées.
La stabili temporelle du WAV-F, prenant en compte une période de deux
semaines d’écart, se révèle très bonne sauf pour deux des neuf échelles.
L’instrument présente une bonne cohérence interne, avec des coefficients de
Cronbach supérieurs à 0,67 pour toutes ses échelles. Nous pouvons donc en
conclure que l’instrument est fidèle. L’analyse de la distribution des résultats indique
que les participants québécois obtiennent une moyenne plus basse que leurs homo-
logues américains sur les échelles mesurant le risque perçu, donc la dimension
cognitive des inquiétudes. Les participants québécois, des aînés, se perçoivent donc
moins à risque d’être victimes d’un acte criminel dans la prochaine année que les
participants américains, qui sont, rappelons-le, des jeunes et des plus âgés. Les
166 2/10 Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique
aînés québécois seraient aussi moins préoccupés par le crime que l’ensemble des
adultes américains du sud. Or, différentes études font valoir que la peur du crime
affecte davantage les aînés que les plus jeunes (Brillon 1987; Fattah et Sacco 1989;
Hennen et Knudten 2001; Yin 1980). Il faut dès lors en conclure que le milieu de vie,
au Québec, serait perçu comme étant plus sécuritaire. Par ailleurs, les participants
des deux études présentent sensiblement les mêmes moyennes pour les dimen-
sions émotionnelles (par exemple, sortir le soir seul) et behaviorales.
Bien que nous obtenions sensiblement lesmes résultats que les auteurs amé-
ricains, le WAV-F, avec ses 67 énoncés, s’est avéré long et complexe pour les per-
sonnes plus âgées, et encore davantage pour celles moins scolarisées. Il faudrait
envisager la possibilité de développer une version abrégée présentant des qualités
métrologiques similaires à la version longue. D’ailleurs, quelques échelles posent
problème et pourraient avantageusement être retirées pour alléger le questionnaire.
Leurs corrélations sont trop élevées avec d’autres échelles et leur stabilité temporel-
le est plus faible. Ainsi, dans la perspective de développer une version plus courte,
l’échelle Préoccupations concernant le crime ou l’échelle Préoccupations concer-
nant la sécurité en général (rs= 0,87) pourrait être éliminée. De plus, deux échelles
qui ne sont pas suffisamment stables (Préoccupations concernant le crime en géné-
ral = 0,41 et Inquiétude générale concernant la victimisation = 0,18) pourraient aussi
être retirées afin d’améliorer la validité et la fidélité de l’instrument.
Conclusion
Malgré les légères différences observées entre ces deux versions, le Worry about vic-
timization est maintenant validé en version anglaise et en version française auprès
d’une population de personnes âgées de plus de 60 ans. Les résultats obtenus sont
favorables à l’utilisation du WAV-F comme outil d’évaluation et de collecte des don-
nées auprès de la population âgée francophone du Québec concernant l’inquiétude
qui les anime face à la victimisation criminelle. Sur le plan de la recherche, cet ins-
trument permettra d’observer les interactions possibles avec d’autres facteurs, pour
approfondir les connaissances sur l’inquiétude face au crime. Il pourra être utilisé de
façon répétée auprès de la population d’aînés afin de vérifier si les fluctuations de
leur sentiment de sécurité (entre autre, suite à des événements largement médiati-
sés). Idéalement, en l’incorporant dans un devis longitudinal, nous obtiendrons des
données sur la variation du sentiment d’insécurichez une même personne et pour-
rons en dégager les facteurs associés. Même s’il s’agit d’un outil validé en recherche
et non en clinique, les intervenants psychosociaux pourront aussi recourir à un ins-
trument scientifiquement valide pour aborder l’inquiétude face à la victimisation chez
les aînés. Cet outil pourra les aider dans leurs actions préventives, en ce sens qu’il
leur permettra de prévoir et de prévenir les réactions de peur disproportionnées en
regard du risqueel de victimisation. Au plan du suivi des aînés victimes ou non de
crime, il permettra de comprendre l’évolution du sentiment d’insécurité lié à la victi-
misation criminelle en fonction d’éléments objectifs et subjectifs ponctuant la vie des
gens des 3eet 4eâge. Finalement, des criminologues ou autres intervenants des ser-
Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique 2/10 167
vices pénaux, correctionnels ou sociaux pourront utiliser des questions validées en
tenant compte des 3 dimensions de l’insécurité; donc procéder à une évaluation
approfondie des personnes âgées ayant peur en s’intéressant à la fois à l’émotion,
à la cognition et au comportement.
En définitive, à l’issue des analyses visant à valider le WAV-F, il s’avère qu’effec-
tivement cet instrument de mesure possède des qualités métrologiques satisfai-
santes et qu’il constitue un instrument adéquat et adapté pour évaluer l’inquiétude
face à la victimisation chez les aînés francophones du Québec.
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Notes
1 À la suite de la consultation après des groupes d’experts aînés, certaines adaptations ont été appor-
tées à la version française. Elles seront abordées dans la présentation des résultats.
2 Voir la section Résultats pour une description plus détaillées du WAV.
3 Les auteurs du WAV n’ont pas mesuré sa stabilité temporelle, mais ils ont estimé la cohérence interne
des six échelles à énoncés multiples à l’aide de l’alpha de Cronbach.
4 Pour faciliter les comparaisons à venir, l’abréviation réfère au sigle de la version anglaise pour l’échelle.
5 Une valeur propre (eigenvalue) supérieure à 1 et une validité factorielle supérieure à 0,4 ont été retenues
pour l’analyse factorielle.
Note de l’auteur
Remerciements
Ce projet de recherche est subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du
Canada (CRSH: 410-2004-1935). Les études de maîtrise de C. Bergeron furent soutenues financièrement
par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH: 766-2005-0510), le Fonds qué-
bécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC), la Fondation Desjardins, la Formation inter-
disciplinaire en recherche Santé et Vieillissement (FORMSAV), le Centre de recherche sur le vieillissement
et l’Universide Sherbrooke. Les auteurs tiennent à remercier les autres membres de l’équipe de
recherche: Stéphanie Fortin, Julie Lebel, Nadia L’Espérance et Isabelle Rainville pour leur contribution à la
collecte des données et aussi Johanne Boisjoly, Ph D. de l’Université du Québec à Rimouski pour les ana-
lyses statistiques de correction de l’échantillon.
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Article
This article examines the place of risk, fear, and vulnerability in the lifestyle choices of the elderly. Using the earlier lifestyle theory of the late researcher Michael Hindelang and his colleagues, Michael Gottfredson and James Garofalo, the authors note the extent to which the elderly lifestyle choices of Milwaukee citizens may be affected by beliefs about risk, fear, and vulnerability brought about by aging and corresponding losses in physical functioning. The study is based on a random sample of 1,100 Milwaukee County telephone subscribers contacted by mailed questionnaire by the authors under funding provided by Marquette's Urban Institute and Graduate School.
Article
The seemingly paradoxical result that despite their much lower objective risk of criminal victimization older persons show significantly higher fear of crime than younger ones has become a commonplace within criminology in the last two decades. It is argued that this so-called ‘victimization-fear-paradox’ can be resolved by theoretically and empirically differentiating cognitive, affective, and behavioral aspects of fear. Additionally, gerontological concepts partially explain the linkage between objective risk of victimization and fear on the one hand and age and fear on the other. In particular, arguments from a gerontopsychological perspective reveal that older people are by no means irrational but, on the contrary, behave in an adequately cautious way because they know about their higher physical vulnerability. It is due to their carefulness that older people are in fact less often victims of crime than younger ones. Results from a nationwide representative victim-survey in Germany are presented in order to support and illustrate these arguments. It is concluded that a closer look at the concept of ‘fear of crime’, as well as at the victimological data, explains a finding which seems to be unexpected from the ‘paradox's’ point of view: fear of crime is not a major problem of the elderly's daily life.
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This article reviews the literature on fear of crime of interest to the geographical and environmental disciplines. After discussing definitional and methodological issues, the article focuses on accounts which link fear with the physical environment, and then on fear, social identity and exclusion. It considers the significance of one area of recent research that attempts to link place and social relations through developing local ethnographies of fear. The review concludes with some suggestions for building upon this work, and highlights the relevance of the geographical themes discussed to current policy debates.
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The `fear of crime' has, in the past three decades or so, developed as an important area of criminological research and inquiry. Debates have proliferated within and outside of the discipline of criminology about what crime fear might be, the rationality or irrationality of crime fear, which socio-demographic groups are most fearful of crime and why, and how to measure `fear of crime'. This article traces the emergence of `fear of crime' as a topic of criminological and governmental discourse. It argues that `fear of crime' is not a pre-discursive `social fact' but a contingent category born of a set of very particular discursive arrangements and shifts. As such it poses some serious questions about the power effects of doing `fear of crime' research and about the relationships between criminological knowledge and the processes and practices of government.
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This report examines the relationship between criminal victimization and fear of crime. Past research has been surprisingly inconclusive about this issue, and some people's fears have been branded “irrational” because the two did not appear to be tightly linked. However, the data analyzed here indicate that victimization affects both fear-related attitudes and behavior in a clear and consistent manner. This report also suggests that the impact of victimization is relatively uniform. Some research has indicated that certain groups are especially affected by crime, a claim that might be used to justify special treatment for selected victims and has been used to support demands for special “treatment” of selected offenders. However, the strong effects of victimization registered in these data were not differentially distributed across subgroups. In sum, most people do learn from their experiences, although other kinds of learning are rational as well.
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Anti-cult movements have had a significant influence on the creation of the 2001 Anti-Cult Law in France. For the first time, a state apparatus has been put into place against new forms of religion with the possible consequences of limiting religious freedom and tolerance in France. Even though the socio-political situation is different in Australia, the French case might serve as a platform for the anti-cult network to pursue a strict governance of cults via state agencies. By bringing a theory of the fear of crime to the cult/anti-cult debate, this article hopes to shed more light on this issue.