Caractères morphologiques des différents taxons de Polypodes de France métropolitaine.

Abstract

Polypodium est un genre subcosmopolite riche d’une centaine d’espèces qui affectionnent ? les troncs d’arbre, les rochers, les vieux murs mais aussi les sols forestiers.
Trois espèces de Polypode et trois hybrides cohabitent dans l’hexagone. Leur identification est rendue difficile par leurs ressemblances, le polymorphisme de chaque espèce, mais surtout par le fait que, étant tous vivaces par un rhizome, ils forment parfois de grandes populations mélangées.
- Polypodium vulgare est très répandu sauf en climat chaud et sec. Son limbe est étroit, réduit brusquement au sommet et terminé par une longue pointe. Ses sores sont ronds et marron foncé. Ses sporanges sont petits avec un anneau de déhiscence constitué de plus de 10 petites cellules brun-rouge.
- Polypodium cambricum préfère les climats doux. Son limbe est large, presque triangulaire, brusquement réduit et terminé par une longue pointe. Ses sores contiennent des paraphyses ramifiées et l’anneau de déhiscence des sporanges compte 5 à 10 grandes cellules.
- Polypodium interjectum a un grand limbe très progressivement réduit au sommet et des sores elliptiques brun-orangé à maturité. L’anneau de déhiscence de ses gros sporanges est constitué de 7 à 9 grandes cellules claires.
- Polypodium x font-queri est un hybride vivace mais très rare du fait de la cohabitation peu fréquente de ses deux parents P. vulgare et P. cambricum. Sa morphologie est très proche de celle de P. interjectum auquel il a donné naissance par méiose irrégulière et production de spores allopolyploïdes. Il montre cependant une très grande majorité de sporanges et des spores avortés. Ses quelques sporanges développés présentent un anneau de déhiscence formé de 11 à 14 cellules.
- Polypodium x mantoniae est le plus répandu des hybrides du fait de la coexistence fréquente de ses parents P. vulgare et P. interjectum. Il forme de grandes colonies susceptibles d’éliminer ses parents. Son limbe est très grand, allongé, avec une majorité de sporanges avortés mais quelques bonnes spores fertiles ?, conséquence là aussi d’une méiose irrégulière. Ses sporanges fonctionnels ont un anneau de déhiscence formé de 9 à 10 cellules et les cellules du pied du sporange sont au nombre de 1,5 (c’est possible ?) à 2.
- Polypodium x shivasiae est l’hybride de P. cambricum et de P. interjectum. Il est plus rare et présente un grand limbe large et des sores elliptiques où peuvent être observées quelques paraphyses courtes et non ramifiées. Les rares sporanges fonctionnels ont un anneau de déhiscence formé de 7 ou 8 cellules et 2,5 à 3 cellules basales.
La production de quelques spores fertiles par ces deux derniers hybrides a sans doute donné naissance ça et là à une descendance polyploïde ou à des hybrides de rang supérieur.
Le travail présenté constitue la première revue illustrée sur ce sujet et est destiné à l’usage des botanistes de terrain et des enseignants.
contact: didier.froissard@unlim.fr

Full text

Caractères morphologiques des différents taxons de
Polypodes de France métropolitaine
Froissard D.
a*
, Fons F.
b
, Boudrie M.
c
, Chabrol L.
d
, Rapior S.
b
a
Laboratoire de Botanique, Faculté de Pharmacie de Limoges, 2 rue du Dr Marcland, 87025 Limoges cedex, France *didier.froissard@unilim.fr
b
Laboratoire de Botanique, Phytochimie et Mycologie, Faculté de Pharmacie (Université Montpellier 1), UMR 5175 CEFE (Equipe Substances
naturelles et Médiation chimique, B.P. 14 491, 15 avenue C. Flahault, 34093 Montpellier cedex 5, France.
c
Ptéridologue, 43 rue Lallouette 97300 Cayenne, France ; Correspondant du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris
d
Conservatoire Botanique National du Massif central, Antenne Limousin, 38 bis Avenue de la Libération, 87000 Limoges, France
Polypodium cambricum : 2n=74
- formule génomique : CC
- méditerranéen-atlantique et héliophile
- limbe très large (l/L ≥1/2) presque triangulaire
- réduit très brusquement au sommet
- paraphyses ramifiées dans les sores
- anneau de déhiscence 5 à 10 grandes cellules
- spores : L = ± 60 µ
Polypodium vulgare : 2n=4X=148
- formule génomique : SSGG : allotétraploïde issu du
croisement de P. sibiricum et P. glycyrrhiza
- très commun et plutôt sciaphile
- limbe étroit (l/L ≤1/3), réduit brusquement au sommet
- sores ronds, marron foncé.
- petits sporanges
- anneau de déhiscence 10 à 14 petites cell. brun-rouge
- spores : L = ± 60 µ
LIMBE
Forme générale
Sommet du limbe
SORES
Forme ronde ou elliptique
marron à brun-orangé
SPORANGES
Nombre, couleur et taille des cellules
de l’anneau de déhiscence
Nombre de cellules basales
En l’absence de document complet et illustré sur les Polypodiacées de
l’Hexagone, voici une méthode simple de détermination susceptible d’être
utile aux botanistes de terrain et aux enseignants.
Elle prend en compte :
- la forme générale du limbe et en particulier de son sommet
- la forme et la couleur des sores à maturité
- le nombre, la couleur et la taille des cellules formant l’anneau de
déhiscence des sporanges
- le nombre de cellules à paroi mince situées entre l’anneau de déhiscence
et le pied du sporange ou cellules basales
- l’observation des sporanges et des spores (avortés ou non) et leur taille
- la présence de poils pluricellulaires ou paraphyses entre les sporanges.
spores
Polypodium ×shivasiae
4X=148 ; CCSG
- hybride rare
- grand limbe large
- sores elliptiques
- quelques paraphyses courtes
non ramifiées
- majorité de sporanges avortés
mais quelques spores viables
- anneau de déhiscence : 7 à 8c
- nombre de cellules basales : 2 à 3
Polypodium ×font-queri
3X=111 ; CSG
- hybride très rare
- limbe très progressivement réduit
- très grande majorité de spores et
de sporanges avortés
- anneau de déhiscence 11 à 14c
Polypodium ×mantoniae
5X=185 ; CSSGG
- hybride fréquent
- grand limbe très long
- majorité de sporanges avortés
mais quelques spores viables
(méiose irrégulière : allopolyploïdie)
- anneau de déhiscence 9 à 10c
- nombre de cellules basales : 1 à 2
Polypodium interjectum : 2n=6X=222
- formule génomique : CCSSGG
- allohexaploïde issu de P. ×font-queri par doublement
du nombre chromosomique (méiose irrégulière)
- très commun, vaste amplitude écologique
- limbe large (1/2≥l/L≥1/3) très progressivement
réduit au sommet
- sores brun-orangé et + ou – elliptiques
- gros sporanges
- anneau de déhiscence 7 à 10 grandes cellules claires
- spores : L = ± 75 µ
Toutes les photos : Didier Froissard
Herbier Michel Boudrie
Herbier Michel Boudrie
D’autres hybrides?
La production de quelques spores viables par
P. ×shivasiae ou P. ×mantoniae a sans doute donné
naissance ça et là à une descendance polyploïde par auto-
polyploïdie ou à des hybrides de rang supérieur par
croisement en retour avec un des deux parents. La
détermination ne pourra se faire dans ce cas que grâce à
un comptage chromosomique.
Bibliographie :
Badré F. & Prelli R. (1978). - Les espèces du groupe Polypodium vulgare du
Massif armoricain. Candollea 33 (1) : 89-106.
Badré F. & Deschâtres R. (1979). - Les Ptéridophytes de France, liste
commentée des espèces (taxinomie, cytologie, écologie et répartition
générale). Candollea, 34 (2) : 379-457.
Prelli R. & Boudrie M. (1992). - Atlas écologique des fougères et des plantes
alliées, Ed. Lechevalier, Paris. 272 p.
Prelli R. avec la collaboration de M. Boudrie (2002). - Les fougères et
plantes alliées de France et d’Europe occidentale, Ed. Belin, Paris, 432 p.