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Ten years of metropolization in economics: a bibliometric approach (In French)

Authors:
  • Université de Bordeaux

Abstract

Research on metropolization has been very active during the 1990s, but it seems to have relatively run out during the next decade. In this paper, we review the way metropolization was dealt with in economics these last ten years. We use bibliometric tools and network analysis so as to bring out four main fields of research. Each one is analyzed from the point of view of the theoretical filiation and of the dynamics of publication. We also bring out the main questions and the controversies of the 2000s. The Global City is based on geographers\' works such as Friedmann and Sassen. Various classifications to qualify the global urban hierarchy are developped. Several authors argue in favour of a more explicit consideration of the territory. The Innovative City is at the intersection of urban economics and the geography of innovation. If the impact of economic diversity and proximity is still studied, the localization of headquarters is an emerging theme. The Cognitive City, which derives from the application of the human capital theory to the city, sees growing research on the nature of the externalities of knowledge. Finally, the Creative City, stemming from Florida’s theses at the beginning of 2000s, is an emergent theme. As such, it is the object of rather lively controversies: on the composition of the creative class, on the \"primacy of location\" of creative people or firms, and on the nature of the \"creative milieu\". This literature brings to the foreground some innovative themes such as the work on cosmopolitanism.
GRETHA U M R CNR S 5 1 13
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Tel : +33 (0)5.56.84.25.75 - Fax : +33 (0)5.56.84.86.47 - www.gretha.fr
10 ans de métropolisation en économie : une approche
bibliométrique
Aurélie LALANNE
&
Guillaume POUYANNE
GREThA, CNRS, UMR 5113
Université de Bordeaux
Cahiers du GREThA
n° 2012-11
April
Cahiers du GREThA 2012 – 11
G R E T H A U M R C N R S 5 1 1 3
Universi t é Monte s q u i eu Bor d e a u x I V
Ave nu e Lé on Du gu i t - 33 6 0 8 PE S S AC - FR ANCE
Te l : + 33 (0 )5 .5 6 .8 4 .2 5 .75 - F ax : + 3 3 (0 )5 .5 6 .84 .86 .4 7 - w ww . g r e th a.fr
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
Résumé
La recherche sur le thème de la métropolisation, très active durant les années 1990, semble
s’être relativement épuisée durant la décennie suivante. Nous faisons le point sur la façon
dont la thématique de la métropolisation a été traitée en économie ces dix dernières années.
Les outils de la bibliométrie et de l’analyse de réseau sont mobilisés pour dégager quatre
champs de recherche. Chacun est analysé du point de vue de la filiation théorique et de la
dynamique de publication. Nous dégageons également les principales questions et
controverses émergeant durant les années 2000. La Ville Globale, assise sur les travaux de
géographes tels que Friedmann et Sassen, voit se développer différentes classifications pour
qualifier la hiérarchie urbaine mondiale. Plusieurs auteurs plaident pour une prise en compte
plus explicite du territoire. La Ville Innovante est à l’intersection de l’économie urbaine et de
la géographie de l’innovation ; si l’impact de la diversité et de la proximité métropolitaines
sur l’innovation sont toujours approfondis, le thème de la localisation des sièges sociaux
émerge avec force en fin de période. La Ville Cognitive, qui dérive de l’application de la
théorie du capital humain à la ville, voit se développer les recherches sur la nature des
externalités de connaissance. Enfin, la Ville Créative, issue des thèses de Florida au début des
années 2000, est un thème émergent, et comme tel, est l’objet de controverses assez vives :
sur la composition de la classe créative, sur la « primauté de localisation » entre créatifs et
firmes, enfin sur la nature du « milieu créatif » métropolitain. Cette littérature fait émerger
certains thèmes de recherche novateurs, comme les travaux sur le cosmopolitisme.
Mots-clés : métropolisation, ville globale, ville créative, ville cognitive, innovation,
bibliométrie
Ten years of metropolization in economics: a bibliometric approach
Abstract
Research on metropolization has been very active during the 1990s, but it seems to have
relatively run out during the next decade. In this paper, we review the way metropolization
was dealt with in economics these last ten years. We use bibliometric tools and network
analysis so as to bring out four main fields of research. Each one is analyzed from the point
of view of the theoretical filiation and of the dynamics of publication. We also bring out the
main questions and the controversies of the 2000s. The Global City is based on geographers'
works such as Friedmann and Sassen. Various classifications to qualify the global urban
hierarchy are developped. Several authors argue in favour of a more explicit consideration of
the territory. The Innovative City is at the intersection of urban economics and the geography
of innovation. If the impact of economic diversity and proximity is still studied, the
localization of headquarters is an emerging theme. The Cognitive City, which derives from
the application of the human capital theory to the city, sees growing research on the nature
of the externalities of knowledge. Finally, the Creative City, stemming from Florida’s theses
at the beginning of 2000s, is an emergent theme. As such, it is the object of rather lively
controversies: on the composition of the creative class, on the "primacy of location" of
creative people or firms, and on the nature of the "creative milieu". This literature brings to
the foreground some innovative themes such as the work on cosmopolitanism.
Keywords: metropolization, global city, creative city, innovative city, learning city,
bibliometrics
JEL: R10, R11, R12, R19
Reference to this paper: LALANNE Aurélie, POUYANNE Guillaume (2012)
10 ans de métropolisation
en économie : une approche bibliométrique, Cahiers du GREThA, n°2012-11.
http://ideas.repec.org/p/grt/wpegrt/2012-11.html.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
3
Introduction
1
Le thème de la métropolisation a été central pendant la décennie 1990 : la littérature
académique a été particulièrement profuse, reposant sur l’hypothèse d’une différence de nature
entre la grande ville et la métropole. Ces travaux se sont largement diffusés dans la sphère politique
2
lors de la décennie suivante. Aujourd’hui, les grandes villes françaises cherchent explicitement à se
hisser au rang de « métropole européenne » et mettent en place des stratégies d’attractivité à
moyen terme qui s’emparent du slogan métropolitain. Ce qui est en jeu dans ces projets de
développement est bien de passer, dans une sorte de « saut qualitatif », de la grande ville à la très
grande ville, voire la métropole. Comme en atteste la profusion d’expressions forgées pour définir la
très grande ville (de la megalopolis de J. Gottman à la métalopolis de F. Ascher), la différence entre la
grande ville et la métropole est subtile et complexe.
On peut néanmoins passer par les processus pour l’appréhender. L’étude des processus
métropolitains permet de mieux comprendre ce que sont les métropoles, la nature des activités
économiques et des attributs urbains qui sont leur apanage. Dans les années 1990, le processus de
métropolisation peut être cerné à partir de plusieurs caractéristiques minimales : concentration de
fonctions dites « supérieures » (de contrôle et de décision, notamment) créant un milieu urbain
métropolitain qui se distingue par la diversité, la complexité et la réactivité. La métropole est le lieu
d’articulation de différents réseaux, elle est nœud de communication ; elle est aussi le lieu de la
coordination économique, au point que certains auteurs voient dans les métropoles des
organisations chargées « d’orchestrer la mondialisation »
3
.
Pourtant, aujourd’hui, l’intérêt scientifique pour la métropolisation a sensiblement décru. A
vrai dire, nous manquons cruellement d’éléments quant à l’évolution de la réflexion pendant les
années 2000. Les travaux du XXI
ème
siècle ont-ils approfondi, précisé les contours du concept ? Ou au
contraire, les recherches sur la métropolisation se sont-elles épuisées ? L’objectif de ce travail
consiste en une étude approfondie de la façon dont la thématique de la « métropolisation » a été
traitée par la recherche en sciences économiques ces dix dernières années. Il s’agira d’analyser « la
science en marche », en identifiant les nouvelles formes prises par le concept de métropolisation,
l’évolution des idées, l’émergence de controverses théoriques concernant, de manière assez large, le
rôle économique des grandes villes.
Méthode
Cet article se base sur deux approches complémentaires : d’une part, une analyse quantitative
des publications scientifiques, grâce aux outils de la bibliométrie et de l’analyse de réseau ; d’autre
part, une revue de la littérature plus classique, donnant une analyse qualitative des thématiques
abordées par la recherche. Pour effectuer ces deux étapes du travail, nous avons sélectionné un
corpus d’articles pertinents de la décennie 2000, dénommé plus loin « l’ensemble de référence ». A
cet effet, nous avons retenu le « top-9 » des revues scientifiques en économie urbaine et régionale
4
,
1
Cette recherche est issue d’une convention de recherche entre le GREThA, UMR CNRS 5113, Université de Bordeaux, et le Plan Urbanisme
Construction Architecture (MAPA n°1500945916 du 06.I.2011). Tous nos remerciements à Marie-Flore Mattei et Nicole Rousier
(DGALN/PUCA) pour leurs suggestions et leurs remarques constructives durant le déroulé de la recherche. Nous tenons également à
remercier l’ensemble des participants aux trois séminaires sur le thème « La métropolisation aujourd’hui ».
2
Voir par exemple le « Projet Métropolitain », à Bordeaux, qui pose les enjeux et les grands objectifs de l’agglomération à l’horizon 2030,
ou la démarche « Demain ma ville » à Nantes, qui propose d’ « invent[er] la métropole nantaise de 2030 ». Voir Halbert (2010).
3
Bourdeau-Lepage L., Gaschet F., Lacour C., Puissant S., 2011, La métropolisation, 15 ans après, Cahiers du GREThA, 13.
4
Les revues dépouillées sont : American Economic Review, Economic Geography, Journal of Economic Geography, Journal of Urban
Economics, Annals of Regional Science, European Planning Studies, Journal of Regional Science, Regional Studies, Regional Science and
Urban Economics, et Urban Studies.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
4
ainsi que la revue de référence en économie (American Economic Review). Par leur rayonnement
international, ces revues permettent de capter les travaux les plus influents et reconnus par la
communauté des chercheurs en économie et, partant, d’identifier l’émergence de nouveaux débats
théoriques.
La sélection des articles de l’ensemble de référence s’est heurtée à des problèmes de nature
sémantique. En effet, si le terme « métropolisation » est fréquemment utilisé dans la littérature
francophone, il est quasiment ignoré de la littérature anglo-saxonne. Le problème de la définition se
posait donc avec acuité. Car si la métropole est une « ville d’exception » qui se démarque par ses
fonctions métropolitaines et son rôle dans la mondialisation, la profusion d’expressions forgées pour
désigner la très grande ville révèle bien la difficulté rencontrée pour cerner le concept. Stefan Krätke
en donne la définition la plus cente : « Metropolisation is a paraphrase for the selective
concentration of research-intensive and knowledge intensive services on metropolitan regions and
major urban agglomeration. » (Krätke, 2007, p. 1). Cette définition rentre en cohérence avec celles
qui sont proposées par deux auteurs français de référence : « processus par lequel une ville […]
acquiert les fonctions majeures de coordination d’activités économiques de portée mondiale » selon
Huriot et Bourdeau-Lepage (2005) ; « l’ensemble des processus qui privilégient les grandes
dimensions urbaines marquées par les transformations du système productif, appréhendé au niveau
international et mondial » selon Lacour et Puissant (1999, p. 64).
Il ne s’agit pas ici de proposer une nouvelle définition, mais bien de s’accorder sur une
définition a minima de la métropolisation, pour délimiter le champ des recherches. Celle de Krätke,
qui répond à ces critères, sera donc adoptée comme préalable méthodologique. La sélection de
l’ensemble de référence, qui porte uniquement sur la période 2000-2010, a été effectuée en
plusieurs temps : d’abord, une lection large, basée sur des mots-clés représentatifs des processus
de métropolisation, et consolidée par la lecture systématique des titres et des résumés. Ensuite, une
sélection fine, par affinage au moyen d’une lecture intégrale des articles. Le résultat peut s’exprimer
sous la forme d’une égalité simple :
« 10 ans x 10 revues = 100 articles ».
Ces 100 articles constituent l’ensemble de référence pour les analyses quantitatives et
qualitatives.
L’analyse bibliométrique a été menée en deux temps. Dans un premier temps, nous avons
déterminé pour chaque article de l’ensemble de rence deux types d’indicateurs d’influence. Le
premier permet de déterminer l’influence de l’article au sein de l’ensemble de référence : il s’agit du
Local Citation Score (LCS). Le LCS indique le nombre de fois que l’article a été cité par les autres
articles de l’ensemble de référence analysé. Le second type d’indicateur permet de déterminer
l’influence de l’article dans l’ensemble des articles scientifiques : il s’agit du Global Citation Score
(GCS). Le GCS indique le nombre de fois que l’article été cité dans les revues référencées dans le Web
of Science. Pour éviter le biais temporel (les articles les plus récents ont moins de chances d’être
cités), nous avons ramené ces deux indicateurs à l’année : le LCS/t (LCS par année), et le GCS/t (GCS
par année). Ces indicateurs sont déterminés pour chacun des 100 articles de l’ensemble de
référence.
Afin d’avoir une lecture globale de l’ensemble de référence, nous avons mobilisé ces
indicateurs dans une analyse de réseau de façon à obtenir un graphe qui sume et permet de
visualiser les liens entre les papiers de l’ensemble de référence (grâce aux LCS), mais aussi leur
lisibilité dans l’ensemble de la sphère scientifique (grâce aux GCS). Le graphe est produit par
l’algorithme de Kawada-Kawai ; qui permet de visualiser un réseau de citations en utilisant un
système de force appliqué entre les nœuds (les articles, considérés comme des particules de même
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
5
charge) et les arcs qui relient les nœuds (les citations, considérées comme des ressorts). L’algorithme
modèle le graphe et déplace les nœuds suivant des règles de physique classique jusqu’à trouver un
état stable, c’est-à-dire un état qui minimise l’énergie totale du système (Kamada et Kawai, 1989).
L’analyse du graphe des citations de l’ensemble de référence est complété, dans un second temps,
par une analyse des références citées par les articles de l’ensemble de référence. Ceci permet de
remonter vers les affiliations théoriques et construire une analyse en cohérence avec les travaux
précédant les années 2000. Cette analyse sera menée essentiellement sur la base du LCS.
L’analyse bibliométrique ne pouvant se suffire à elle-seule, il est nécessaire de la compléter
par une revue de la littérature plus « classique », destinée à offrir de la profondeur au discours et aux
résultats préliminaires proposés par l’analyse quantitative. Nous identifierons les thématiques
émergentes et les principales controverses de l’ensemble de référence.
Résultats de l’approche quantitative bibliométrique
Le premier résultat d’importance réside dans l’analyse de réseau sur la base d’indicateurs
bibliométriques qui permet d’offrir une lecture compréhensible et structurée de l’ensemble des
articles sur lequel nous travaillons. Ici, l’utilisation des GCS/t et de l’algorithme Kawada-Kawai permet
d’obtenir le graphe mettant en lien les articles de notre ensemble de référence (cf. Graphe 1). La
taille des nœuds correspond au GCS/t, et les flèches indiquent le réseau des citations dans
l’ensemble de référence. Ce graphe met clairement en avant l’existence de quatre « mondes de la
métropolisation ». Nous les avons colorés pour faciliter leur lecture. Chaque groupe de couleurs
correspond à une littérature bien précise. Ce graphe n’autorise pas à une approche détaillée de ces
groupes mais permet, au moins globalement, de percevoir les auteurs les plus cités dans chacun de
ces groupes, et même, dans certains cas, de faire émerger des thématiques émergentes que nous
détaillerons plus en avant dans l’analyse qualitative.
Le premier monde, le plus isolé dans l’ensemble de référence, représente la littérature sur la
Ville Globale (en bleu). Cette littérature est dominée par les publications de Taylor, qui ont le GCS/t le
plus élevé, et par d’autres auteurs comme Derudder et al. (2003) ou Krätke (2001, 2003). Ces articles
de Taylor sont largement cités par les autres auteurs de la littérature sur la Ville Globale et
constituent en quelque sorte les articles de référence de ce groupe.
Si le groupe bleu est isolé, il possède néanmoins des liens en commun avec le groupe rouge :
les articles qui font ce lien sont Gluckler (2007), Bel et Fageda (2008) et Lovely et al. (2005), qui
portent tous sur la thématique émergente de la localisation des sièges sociaux.
Les deux mondes suivants traitent des problématiques d’agglomération, de capital humain (en
jaune) et d’innovation (en rouge). La littérature sur la Ville Innovante est articulé autour des
contributions majeures de Duranton et Puga (2001) et Rosenthal et Strange (2001). On recense
également quatre articles à l’écart, non connectés au reste du graphe (Boschma, 2005 ; Boschma et
Fritsch, 2009 ; Frenken et al., 2007 ; Raspe et Van Oort, 2006). Nous verrons dans l’analyse
qualitative que ces travaux, à rattacher au champ de la géographie de l’innovation, apportent des
éclairages pertinents sur les processus d’innovation métropolitaine.
La littérature sur la Ville Cognitive (groupe jaune) est relative à la concentration, dans les
grandes villes, du capital humain. Les articles de référence de ce groupe jaune sont Duranton et Puga
(2005) et Rosenthal et Strange (2008). Cette littérature est très proche de la Ville Innovante, mais
s’en distingue nettement, par le fait qu’elle traite surtout de l’input (les individus qualifiés) et non de
l’output (l’innovation).
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
6
Le quatrième monde correspond à la littérature sur la Ville Créative (groupe rose). Elle s’inspire
nettement de la littérature sur le capital humain. L’apport fondateur de Florida (2002b) orchestre
clairement tous ces travaux, ainsi que quelques contributions « satellites » par des auteurs tels que
Mc Granahan et Wojan (2007 ; Wojan et al., 2007). Le concept de « ville-pouponnière » (Duranton et
Puga, 2001) paraît offrir des analogies avec la Ville Créative, étant donné le nombre de citations.
L’article de Florida et al. (2008) est proche de la littérature sur le capital humain, car il cristallise un
point de débat important entre les auteurs de ces deux mondes : la différence entre individus
qualifiés et classe créative.
Graphe 1. Les quatre « mondes » de la métropolisation : réseau des articles de l’ensemble de
référence basé sur l’algorithme de Kamada-Kawai (1989)
Note : les articles isolés de l’ensemble de référence ont été enlevés du graphe, mais sont tout de
même utilisés dans l’analyse qualitative
Le deuxième apport de notre analyse bibliométrique réside dans l’analyse des références
citées par les 100 articles, qui fournit des informations importantes sur les corpus théoriques
auxquels sont rattachés ces « mondes ». Les références citées sont déclinées suivant deux
modalités : par article (Tableau 2) et par auteur (Tableau 1), avec leur LCS associé. Nous les mettons
en perspective, pour chaque monde, avec les thématiques abordées dans l’ensemble de référence.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
7
Tableau 1. Auteurs les plus cités par les articles de l’ensemble de référence
Ville Globale Ville Innovante
Authors
Local Citation
Score
Authors
Local Citation
Score
TAYLOR PJ 50
HENDERSON JV 23
SASSEN S 29
JAFFE AB 21
FRIEDMANN J 22
GLAESER EL 20
BEAVERSTOCK JV 15
FELDMAN MP 16
KRATKE S 15
AUDRETSCH DB 14
SCOTT AJ 14
FUJITA M 13
KNOX PL 9
STORPER M 11
SHORT JR 9
KRUGMAN P 10
CASTELLS M 8
SAXENIAN A 10
HALL P 6
JACOBS J 10
Ville Cognitive Ville Créative
Authors
Local Citation
Score Authors
Local Citation
Score
GLAESER EL 39
GLAESER EL 61
HENDERSON JV 17
FLORIDA R 58
DURANTON G 17
SCOTT AJ 19
ROSENTHAL SS 15
JACOBS J 18
MORETTI E 15
MARKUSEN A 13
LUCAS RE 14
ASHEIM BT 12
FUJITA M 14
STORPER M 11
RAUCH JE 13
GYOURKO J 10
HELSLEY RW 11
CICCONE A 10
Note : n’ont été retenus que les auteurs ayant un LCS >10
La filiation théorique de la littérature sur la Ville Globale est du côté de la géographie et de
l’aménagement plus que de l’économie, des world cities de John Friedmann (1986) aux global cities
de Saskia Sassen (1991). Il est d’ailleurs significatif que les publications de la décennie 2000 soient
issues en grande majorité de revues interdisciplinaires (cf. Tableau 3) : Urban Studies (57 %) ou
European Planning Studies (22%). Ce sont essentiellement des études empiriques, critériologiques ou
monographiques, effectuées par des géographes, notamment P. Taylor, le directeur du GaWC
(Globalization and World City), très prédominant parmi les auteurs cités, ou par des auteurs à
l’intersection de la géographie et de l’économie, tels que S. Krätke et J. V. Beaverstock. Les travaux
sur les réseaux de villes et les hiérarchies se réfèrent aux travaux de S. Sassen, pour son très classique
The Global City (1991) et de J. Friedmann, notamment pour son article paru dans Development and
Change (1986), qui pose les bases de l’hypothèse de « ville mondiale ». Dix ans plus tard, le « point »
que fait Friedmann (1995) sur une décennie de recherches questionne les fondements théoriques du
concept de ville mondiale, et lance un appel aux chercheurs pour les renforcer.
L’inspiration théorique de la littérature sur la Ville Innovante est à trouver du côté de la
relation générique entre agglomération et innovation : A. Marshall et J. Jacobs (pour l’exposé des
avantages de l’agglomération), A. L. Saxenian (pour ses travaux sur l’innovation dans la Silicon
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
8
Valley), et le très classique Competitive Advantage of Nations de M. Porter (1990). La métropole ne
constitue ici qu’une application parmi d’autres.
La littérature sur la Ville innovante est à l’intersection de l’économie urbaine et de la
géographie de l’innovation. On trouve parmi les quatre références les plus citées, trois articles
d’auteurs majeurs de ce champ : A. Jaffé, D. B. Audretsch, M. Feldman et M. Trajtenberg. L’article
classique de Jaffé et Trajtenberg (1993), le plus cité, avait montré la forte composante locale et
métropolitaine de l’innovation. Dans le corpus des années 2000, plusieurs auteurs peuvent être
considérés comme les continuateurs de cette discipline (R. Boschma, K. Frenken, J. Simmie…). Les
contributions émanant d’économistes urbains proprement dits sont toutes à relier aux externalités
d’agglomération (Krugman, 1991) et au débat entre diversification et spécialisation (Glaeser et al.,
1992 ; Henderson et al., 1995 ; Quigley, 1998). Deux revues se partagent plus de la moitié des
publications de la décennie 2000 : Regional Studies (26%) pour le côté géographie de l’innovation,
Journal of Urban Economics (31%) pour le côté économie urbaine.
La filiation théorique de la littérature sur la Ville Cognitive provient des deux articles
fondateurs sur le capital humain (Romer, 1986 ; Lucas, 1988), de contributions sur les économies
d’agglomération et la croissance urbaine (Jacobs, 1969 ; Glaeser et al., 1992, 1995, 1999 ; Black et
Henderson, 1999), mais aussi sur les compétences urbaines (Moretti, 2004 ; Glaeser et Maré, 2001)
et sur les avantages de la diversité (Quigley, 1998 ; Glaeser et al., 1992 ; Feldman et Audretsch,
1999), rejoignant ainsi la thématique de la Ville Innovante. L’article de Rauch (1993), le plus cité,
porte sur la surproductivité des grandes villes liée à la concentration en capital humain. Notons
également une certaine imprégnation par les travaux en géographie de l’innovation (A. Jaffé, D. B.
Audretsch, et M. Feldman sont parmi les auteurs les plus cités).
Le thème de la Ville Cognitive fait l’objet d’une dynamique de publication soutenue pendant
les années 2000. Il s’agit surtout d’articles théoriques, publiés notamment dans le Journal of Urban
Economics (38% du corpus). Cette littérature s’inspire de la théorie du capital humain qui vaudra à
Gary S. Becker son Prix Nobel en 1992. C’est à R. Lucas (1988) que l’on doit la paternité de l’idée
d’une application de cette théorie à la ville. Cette idée sera développée ensuite, notamment par E.
Glaeser et al. (1992) avec la théorisation des externalités dynamiques de connaissance. Ces
externalités accroissent la productivité et se retrouvent capitalisées dans les salaires : tout un pan de
la littérature va se développer autour de cette idée, initiée notamment par l’article de Rauch (1993) :
l’urban wage premium littérature, qui établit une corrélation positive entre l’accumulation urbaine
de capital humain et le niveau de la productivité et des salaires.
C’est R. Florida qui est à l’origine des thèses sur la Ville Créative, dans son ouvrage séminal The
Rise of the Creative Class (2002a) dont est issu un article paru dans le Journal of Economic Geography
(2002b). Il n’est donc pas étonnant qu’il apparaisse 5 fois dans les articles les plus cités (dont 3 fois
pour ses ouvrages). L’héritage intellectuel de la Ville Créative est très proche de celui de la Ville
Cognitive : on retrouve de nombreux articles communs parmi les plus cités, tels Lucas (1988), Rauch
(1993), ou Glaeser et al. (1992). La littérature se concentre sur les avantages de la diversité
métropolitaine, comme en moignent Quigley (1998) ou l’absence d’A. Marshall au profit des deux
ouvrages majeurs de Jacobs (1961, 1969).
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
9
Tableau 2 : articles et ouvrages les plus cités par les articles de l’ensemble de référence
Authors Year Review/book
Local
Citation
Score
Sassen 1991
The Global City : New York, London, Tokyo 13
Taylor et al 2002
Urban Stud 10
Friedmann 1986
Dev Change 10
Taylor 2001
Geogr Anal 7
Beaverstock 1999
Cities 7
Friedmann 1995
World Cities in a World-System 7
Taylor and Walker 2001
Urban Stud 6
Short et al 1996
Int J Urban Regional 5
Taylor 2000
Tildschr Econ Soc Ge 5
Scott 2001
Global City Regions. Trends, Theory, Policy 5
Friedmann 1982
Int J Urban Regional 5
Knox and Taylor 1995
World Cities in a World-System 4
Ville Globale
Sassen 1994
Cities in a World Economy 4
Jaffé et al* 1993
Q J Econ 11
Glaeser et al** 1992
J Polit Econ 10
Audretsch and Feldman 1996
Am Econ Rev 10
Feldman and Audretsch 1999
Eur Econ Rev 8
Saxenian 1994
Regional Advantage : Culture and Competition… 7
Marshall* 1890
Principles of Economics 7
Jacobs** 1969
The Economy of Cities 7
Henderson et al 1995
J Polit Econ 6
Porter 1990
The competitive advantage of nations 5
Lucas** 1988
J Monetary Econ 5
Jaffé 1989
Am Econ Rev 4
Glaeser** 1999
J Urban Econ 4
Quigley* 1998
J Econ Perspect 4
Krugman 1991
J Polit Econ 4
Ville Innovante
Storper 1997
The Regional World 4
Rauch* 1993
J Urban Econ 11
Glaeser and Maré 2001
J Labor Econ 9
Lucas** 1988
J Monetary Econ 9
Jacobs** 1969
The Economy of Cities 8
Duranton and Puga 2004
Handbook of Regional and Urban Economics 8
Jaffé et al* 1993
Q J Econ 7
Roback* 1982
J Polit Econ 7
Moretti 2004
J Econometrics 7
Marshall* 1890
Principles of Political Economy 7
Glaeser et al 1995
J Monetary Econ 6
Rosenthal and Strange 2004
Handbook of Regional and Urban Economics 6
Glaeser* 1999
J Urban Econ 5
Glaeser et al** 1992
J Polit Econ 5
Moretti 2004
Handbook of Regional and Urban Economics 5
Ville Cognitive
Black and Henderson 1999
J Polit Econ 5
Florida 2002
The Rise of the Creative Class 15
Glaeser et al 2001
J Econ Geogr 12
Florida 2002
J Econ Geogr 10
Jacobs** 1969
The Economy of Cities 10
Roback* 1982
J Polit Econ 8
Ville Créative
Lucas** 1988
J Monetary Econ 8
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
10
Florida 2002
Anal Assoc Am Geog 7
Jacobs 1961
The Death and Life of Great American Cities 7
Malanga 2004
City J 6
Quigley* 1998
J Econ Perspect 6
Shapiro 2006
Rev Econ Stat 6
Peck 2005
Int J Urban Regional 5
Rauch* 1993
J Urban Econ 5
Glaeser et al** 1992
J Polit Econ 5
Glaeser 1998
J Econ Perspect 5
Romer 1990
J Polit Econ 4
Glaeser 2000
Handbook of Economic Geography 4
Gyourko 2006
WP 12355 NBER 4
Florida 2005
The Flight of the Creative Class 4
Florida 2004
Cities and the Creative Class 4
Note : les revues sont indiquées suivant leur abbréviation internationale. Seuls les articles ayant un
LCS>4 ont été retenus. Les ouvrages sont indiqués en italique. Les chapitres d'ouvrage sont indiqués
en référence au titre de l'ouvrage, en totalité mais sans italique. Les références qui se retrouvent dans
au moins deux des 4 thèmes sont notées en astérisque (deux si se retrouvent dans trois thèmes).
Si la Ville Créative est finalement très proche de la Ville Cognitive, une des nuances est
l’inclusion de la littérature sur les aménités urbaines, à partir du concept de Consumer City (Glaeser
et al., 2001, deuxième article le plus cité). La nouveauté des thèses sur la Ville Créative explique que
la majorité des publications soit effectuée dans des revues récentes : Journal of Economic Geography
et Economic Geography
5
. Enfin, leur caractère encore fortement controversé explique que l’on y
trouve des articles très critiques (Malanga, 2004 ; Peck, 2005).
Tableau 3 : Répartition des publications de l’ensemble de référence par revue
Note : les modes de chaque distribution sont indiqués en gras et en italique.
5
Reflet probable, ici, d’un « partage éditorial » entre le Journal of Urban Economics, axé sur la Ville Cognitive, et le Journal of Economic
Geography, orienté vers la Ville Créative.
Ville
Globale
Ville
Innovante
Ville
Cognitive
Ville
Créative
American Economic Review
Economic Geography 4% 15%
Journal of Economic Geography 4% 14% 33%
Journal of Urban Economics 31% 38% 4%
Annals of Regional Science 7% 5% 10% 4%
European Planning Studies 22% 13% 18%
Journal of Regional Science 14% 11%
Regional Studies 14% 26% 4%
Regional Science and Urban
Economics 4% 19% 4%
Urban Studies 57% 13% 5% 7%
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
11
Résultats de l’approche qualitative
The Global City
Dans les travaux de Sassen, la ville globale se caractérise par quatre types de fonctions : les
fonctions de commandement, une forte concentration de services aux entreprises (notamment les
FIRE : Finance, Insurance, Real Estate), la production d’innovations (centres de recherches) et, enfin,
l’existence d’un marché pour les produits innovants. D’autre part, Sassen revisite les principes
gravitationnels afin de mieux rendre compte d’une réalité émergente : les relations de réseaux
affranchies de la distance. Les fonctions sont divisées entre les villes appartenant à un même réseau,
qui ne sont plus seulement concurrentes mais établissent également des liens coopératifs. Les villes
globales se définissent alors comme un nœud de communication dans un réseau urbain qui serait le
système nerveux de l’économie mondiale. Les économies des villes globales semblent alors de plus
en plus affranchies de leur territoire : la ville globale se développe « hors-sol ».
Les publications de la décennie 2000 s’articulent autour de deux aspects : 1. La volonté
d’étendre la notion de ville globale et la nature des fonctions urbaines qui définissent le
positionnement des villes dans la hiérarchie ; 2. La tendance à vouloir replacer la ville globale dans
son contexte régional.
Considérant que les villes globales ne peuvent pas se limiter à New-York, Londres et Tokyo, les
travaux du GaWC visent à établir une définition plus large de la ville globale et à mieux cerner
l’existence d’un réseau de villes.
One problem of this latter usage [global cities] has been to imply that globalisation is the
preserve of just the major cities across the world (Taylor, 2005, p. 1593)
La ville globale est en effet souvent définie de façon ad hoc comme étant les villes les plus
hauts placées dans la hiérarchie. Taylor (2005) propose le concept de « leading world cities »,
définies par un double critère : les fonctions qu’elles concentrent et la connectivité avec les autres
villes. Les « leading world cities » sont celles qui, par les activités qu’elles concentrent et leur capacité
de connexion aux autres villes, prennent de l’importance dans la hiérarchie urbaine mondiale (cf.
Tableau 4). Cette définition pousse les auteurs à étudier un nombre toujours plus important de
villes : Taylor et al. (2002a) en retiennent 55, et Derudder et al. (2003) plus de 230. Ainsi, le world city
network peut être constitué de villes de taille sensiblement différentes. L’utilisation de la critériologie
positive permet d’établir des classements visant à positionner les villes dans la hiérarchie mondiale.
Les services aux entreprises sont l’activité la plus étudiée, car ils entretiennent de nombreux
établissements qui créent un réseau d’échanges inter-urbain, et facilitent l’établissement de
relations horizontales entre les métropoles (Taylor et al., 2002b ; Taylor, 2005). Plusieurs études de
type monographique questionnent ainsi le potentiel de différentes villes sur la base de la
concentration des services aux entreprises : Berlin (Krätke, 2001), Mexico (Graizbord et al., 2003), ou
encore Kuala Lumpur (Morshidi, 2000).
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
12
Tableau 4. Hiérarchie urbaine mondiale : la sphère économique
Source : Taylor, 2005
S’il existe un consensus pour définir la ville globale par les fonctions, on constate dans la
littérature une évolution des fonctions prises en compte, toujours plus diverses. Au-delà de la sphère
économique, Taylor (2005) propose de prendre en compte :
La sphère politique, pour laquelle il retient le nombre d’agences des nations unies, le nombre
de missions diplomatiques ou encore les organisations gouvernementales locales : New York et
Washington sont ici leaders.
La sphère sociale, à partir du nombre d’organisations non-gouvernementales. Londres et
Genève apparaissent dans le haut du classement.
La sphère culturelle, qui joue un rôle dans la production de connaissance et dans la production
de normes, un aspect important de la métropolisation. Les industries des médias s’organisent en
concentration sélective dans un nombre limité de grandes villes et de métropoles (Krätke, 2003), qui
créent un réseau mondial (Krätke et Taylor, 2004). Londres, New York et, dans une moindre mesure,
Los Angeles sont récurrentes dans les classements (cf. Tableau 5).
Tableau 5. Hiérarchie urbaine mondiale : la sphère culturelle
Source : Taylor, 2005
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
13
La réflexion sur les villes mondiales s’est bâtie sur l’hypothèse d’une déconnexion entre
l’économie des villes globales et l’économie de leur pays ou de leur hinterland. Il apparaît pourtant
une volonté de replacer les villes globales au sein de leur économie nationale :
“The globalist world city paradigm is seriously flawed because it fails to address the role of the
state and national interest in the formation of all world cities” (Hill et Kim, 2000, p. 2187)
Les villes dites globales connaissent des développements différents car elles évoluent dans un
contexte mondial divisé en entités politiques nationales et en alliances régionales. D’après Hill et Kim
(2000), Tokyo et Séoul divergent du modèle de ville globale en raison de l’existence d’un Etat très
fort, contrairement à New York par exemple. Esparza et Krmenec (2000) relèvent de fortes
interactions entre cinq métropoles américaines
6
et d’autres villes de taille souvent plus faible : les
liens entre villes d’un même pays restent largement dominantes. Enfin, Rutherford (2005) constate
que le développement des infrastructures de lécommunication des capitales européennes a été
largement modelé par les contingences nationales.
La question de la connexion entre économie des villes globales et économie nationale permet
de soulever plus largement la question du territoire. Les fondements christallériens ne doivent pas
être oubliés. D’après Simmie et al. (2002), l’environnement régional joue un rôle important dans
l’approvisionnement des métropoles européennes en ressources telles que les salariés faiblement
qualifiés ou les biens intermédiaires. Un résultat similaire est obtenu par Smetkosky et Gorzelak
(2008) pour les métropoles polonaises : l’hinterland joue un rôle important dans le développement
de la métropole, et l’arrière-pays correspond généralement à son niveau de population et à son
potentiel économique. Hoyler et al. (2008) inversent le point de vue et retrouvent Christaller, en
soulignant le rôle des services supérieurs dans les relations entre les régions métropolitaines et les
villes de rang inférieur en Allemagne.
The Innovative City
Nous avons révélé grâce à l’analyse bibliométrique l’existence de deux groupes distincts dans
la littérature sur les dynamiques d’innovation. Un premier groupe qui se fond parfaitement dans la
littérature des années 2000 et un autre qui apparaît déconnecté mais pourtant qui offre des
avancées importantes dans la compréhension des dynamiques d’innovation dans la métropole.
L’existence d’un troisième groupe d’articles est à souligner. Ce groupe n’apparaît pas distinctement
sur le graphe mais souligne pourtant l’émergence d’une nouvelle littérature : la localisation des
sièges sociaux.
Le premier groupe est relié à l’ensemble des auteurs du graphe. Cette littérature s’accorde sur
l’idée que les milieux métropolitains favorisent la production d’innovation, par la diversité des
secteurs économiques présents et leur proximité, qui favorise les échanges d’informations et
l’innovation (e.g. Feldman et Audretsch, 1999). Oerlemans et Meeus (2005) et Carlino et al. (2007)
montrent ainsi que les villes diversifiées sont toujours plus dynamiques que les villes spécialisées et
offrent le meilleur terreau pour les idées nouvelles et les produits innovants.
Les canaux par lesquels la diversité économique métropolitaine favorise l’innovation et la
performance économique, déjà explorés par Quigley (1998), sont approfondis. Les économies de
diversité proviennent du sharing, le partage de facteurs de production (Helsley et Strange, 2002) ; du
matching, selon lequel les travailleurs et les entreprises se coordonnent mieux dans un
environnement dense et diversifié (Berliant et al., 2006 ; Helsley et Strange, 2004) ; enfin, des
6
Los Angeles, Chicago, Phoenix, Milwaukee et Indianapolis.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
14
knowledge spillovers, grâce auxquels la concentration géographique d’emplois et de population
favorise l’échange de connaissances tacites (Audretsch et Feldman, 2004). S’inspirant du lien entre
économies de diversité et cycle de vie des produits établi par Henderson et al. (1995), Duranton et
Puga (2000, 2001) assimilent ainsi les métropoles à des « villes-pouponnières » (nursery cities) : elles
sont le lieu idéal de localisation de la firme dans la phase d’émergence de produits ou de process,
lorsque les besoins en termes d’information et de coordination sont les plus élevés.
Le second groupe est déconnecté du reste du graphe et n’a visiblement pas encore de liens
avec les autres auteurs. Pourtant, ces travaux tendent à approfondir et affiner la connaissance des
mécanismes liés à la proximité et la diversité sur la production d’innovation par un double
questionnement (Boschma et Iammarino, 2009) : d’une part, il serait plus pertinent de penser la
diversité dans une acception plus réduite et plus cohérente. Ne doit-elle pas plutôt se comprendre
comme une diversité dans un domaine dont certaines connaissances sont partagées ? D’autre part,
on se demande si les effets de la proximité géographique et du seul voisinage suffisent à provoquer
des transferts de connaissances et favoriser l’émergence d’innovation.
Le lien entre proximité et innovation a é largement exploré par l’Ecole de la Proximité
7
(Carrincazeaux et al., 2008). Pour déterminer si les individus ou les organisations sont en contact,
d’autres formes de proximités que géographique peuvent être appréhendées : la proximité organisée
(Torre et Rallet, 2005), la proximité socio-économique, la proximité organisationnelle et
institutionnelle. Sur la base de ces réflexions, Boshma (2005) propose une synthèse de ces cinq
formes de proximité : sociale, cognitive, organisationnelle, institutionnelle et géographique.
Les institutions doivent rechercher un niveau « judicieux » de proximité. En ce qui concerne la
proximité cognitive, Antonelli (2000) précise que la connaissance est très diverse, et dispersée entre
différentes organisations. L’accès à la connaissance pertinente suppose un certain degré de
proximité cognitive entre les agents et les institutions, notamment dans cette époque d’accès
quasiment généralisé à la connaissance et aux informations. En revanche, une trop grande proximité
cognitive a tendance à freiner l’innovation : dans les « company towns », des villes les activités
d’innovation et de création sont concentrées dans un petit nombre entreprises, ces dernières sont
moins productives en recherche et développement (Agrawal et al., 2010).
Si la proximité géographique et la proximité cognitive ou sociale sont généralement
considérées comme substituables, la controverse porte sur l’influence respective de chacune de ces
deux formes de proximité sur l’activité innovatrice. Ainsi, selon Lobo et Strumsky (2008), la proximité
urbaine apparaît jouer un rôle plus important si les inventeurs ne sont pas socialement proches ou
membres d’une même communauté (d’un même réseau social). Une idée confirmée par Agrawal et
al. (2008) selon qui, pris indépendamment, le partage d’une localisation ou d’une origine culturelle
permet de favoriser les flux de connaissances (voir aussi Polese et Shearmur, 2004, sur la question
des services supérieurs). En revanche, Simmie et al. (2002) montrent grâce à une étude comparative
sur les systèmes d’innovation de cinq métropoles européennes que le milieu local joue un rôle
mineur. Glückler (2007) appuie cette idée et montre que la concentration des services intensifs en
connaissance ne peut pas se comprendre par des externalités localisées mais plutôt par des
externalités translocales.
Ensuite, la littérature relative à ce groupe isolé sur le graphe de notre analyse bibliométrique
tend également à nuancer les bénéfices de la diversité. Les effets de débordement des emplois en
haute technologie et en R&D sont faibles sur les autres secteurs (Acs et al., 2002). La diversité en un
lieu n’implique pas nécessairement une interaction de tous les secteurs économiques, innovants ou
7
Voir Revue d’Economie Régionale et Urbaine, 2008, 3, Numéro Spécial : La proximité, 15 ans déjà !, notamment les contributions de D. Talbot, de O.
Boulba-Olga et M. Grossetti, et de C. Carrincazeaux et M. Coris.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
15
pas. Cela conduit à préciser le concept de diversité et à préciser ses effets sur l’innovation et la
croissance. Frenken et al. (2007) distinguent la variété dite « sans rapport » entre les secteurs de la
variété « liée » au sein des secteurs. La variété sans rapport est celle qui assure l’effet portefeuille. La
variété liée suppose que la connaissance ne se transfère d’un secteur à un autre que si ces secteurs
sont complémentaires et partagent un certain nombre de compétences (Boshma et Iammarino,
2009). Raspe et Van Oort (2006) plaident pour des politiques d’innovation davantage transversales :
favoriser les niches de création et la variété liée plutôt qu’encourager un secteur particulier.
Nous avons également noté une tendance qui n’apparaît pas sur le graphe mais qui apparaît
importante à la lecture des articles. Si la montée des services intensifs en connaissance est souvent
évoquée comme la principale force de métropolisation, elle met également l’accent sur le processus
de séparation spatiale des activités de coordination et des activités productives (Duranton et Puga,
2005), qui porte en germe une nouvelle forme de spécialisation urbaine dans certaines activités
intensives en connaissance
8
. Une littérature de plus en plus importante se développe autour de la
question de la localisation des sièges sociaux.
Une approche théorique, d’abord, stipule l’arbitrage de localisation fondamental auquel font
face ce type d’activités. Les fonctions de coordination et de management des activités d’une firme
nécessitent l’usage d’informations tacites, et donc de proximité. En effet, les sièges sociaux sont
concentrés dans un petit nombre d’aires tropolitaines et ce, davantage que les autres activités
économiques (Strauss-Khan et Vives, 2009). Duranton et Puga (2005) développent un modèle par le
biais duquel ils explicitent la transformation urbaine liée au changement d’organisation des firmes.
Celui-ci prédit que les grandes villes absorbent les activités de coordination et de commandement,
comme les sièges sociaux, tandis que les plus petites villes concentrent les activités productives. Ce
résultat s’explique par l’arbitrage fondamental des activités de coordination (Henderson et Ono,
2008). Les sièges sociaux doivent arbitrer entre, d’une part, se localiser proches des activités
productives, afin d’opérer une coordination plus facile des activités de la firme grâce aux bénéfices
de la proximité et, d’autre part, se localiser loin des activités productives, dans les centres urbains, de
manière à mieux capter les informations du marché et sous-traiter plus facilement certaines
fonctions, grâce à la diversité de services aux entreprises caractéristique du milieu métropolitain. Le
choix final dépend des coûts de communication entre le siège social et ses établissements.
Une approche empirique, ensuite, essaie de dégager les principaux facteurs de localisation des sièges
sociaux. La diversité économique, notamment pour les services aux entreprises, la présence d’autres
sièges sociaux, la présence d’un grand hub aéroportuaire, etc. apparaissent comme des facteurs
déterminants dans la localisation des sièges sociaux, et assurent leur ancrage (Davis et Henderson,
2008 ; Strauss-Kahn et Vives, 2009 ; Bel et Fageda, 2008). La présence de services récréatifs joue
également un rôle important (Strauss-Kahn et Vives, 2009), ce qui rentre en résonance avec les
développements des thèses sur la créativité, notamment l’importance des aménités territoriales
dans l’attraction d’activités et le développement économique local (cf. infra). Lovely et al.
(2005) examinent la concentration spatiale des sièges sociaux d’entreprises exportatrices, activité qui
nécessite une connaissance fine des marchés étrangers. Les industries qui exportent vers des pays en
développement, mal intégrés dans le commerce mondial, ont des sièges sociaux beaucoup plus
concentrés, afin d’avoir le meilleur accès possible à des informations souvent lacunaires.
8
Voir Urban Studies, Vol. 39 (5/6), Special Issue : The knowledge-based city.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
16
La Ville Cognitive
Le réseau de publication ne révèle pas, comme pour la Ville Innovante, de tendances claires.
L’approfondissement des recherches sur la métropole et le capital humain suit les deux directions
déjà suggérées par R. Lucas (1988) dans son article fondateur (Henderson, 2007) : 1. L’importance
des (grandes) villes dans le processus d’accumulation de capital humain et la croissance
économique ; 2. La question de la nature des mécanismes de transfert de connaissances.
L’accumulation de capital humain accroît la productivité et les salaires urbains. Cette
littérature sur la prime de salaire urbain, bâtie notamment sur les contributions de Rauch (1993) et
Glaeser et al. (1992), reste relativement vivace dans les années 2000, malgré les importantes
avancées des années 1990. L’impact positif de la dotation urbaine en capital humain sur le salaire
(Liao, 2010 ; Glaeser et Berry, 2005 ; Lobo et Smole, 2002), de même que sur la croissance régionale
(Hammond, 2006 ; Cheshire et Magrini, 2009), est largement confirmé. Il peut être rattaché à deux
caractéristiques métropolitaines : la taille urbaine (Rosenthal et Strange, 2008), et la diversité
économique (Wheeler, 2007). L’accumulation de capital humain permet également d’améliorer la
croissance urbaine
9
comme le confirment Simon et Nardinelli (2002) sur long terme (1900-1990) et
Glaeser et Shapiro (2003) sur la période récente (1980-2000). Certains auteurs soulignent cependant
que de tels résultats pourraient être dus à une modification exogène de la base économique de la
ville, qui affecterait à la fois le stock de capital humain et la productivité (Henderson, 2007). Cet effet
de structure constituerait alors une externalité pécuniaire, et non technologique (Charlot et
Duranton, 2004).
L’enjeu est donc de distinguer l’effet des externalités de connaissance de celui des autres
externalités d’agglomération sur la productivité et les salaires. Rosenthal et Strange (2008) adoptent
une approche « explicitement spatiale », au niveau géographique le plus fin, et montrent que plus la
proximité de l’individu à des individus qualifiés est grande, plus son salaire individuel est élevé ; ainsi,
« the positive effect of agglomeration is really due to the presence of human capital. » (p. 387, c’est
nous qui soulignons).
La métropole est donc bien « intense en connaissances » (skill intensive) (Elvery, 2010).
Cependant les études empiriques se basent, pour leur très grande majorité, sur une mesure du
capital humain par le niveau d’études. Plusieurs auteurs plaident pour un affinage de la mesure du
capital humain : celui-ci peut être appréhendé par les aptitudes et les compétences, par exemple en
distinguant les aptitudes cognitives et les aptitudes mécaniques (Scott, 2009), ou en analysant la
répartition spatiale des soft skills, qui permettent une plus grande efficacité des contacts
interpersonnels (Bacolod et al., 2009). Si des progrès sont faits dans l’appréhension du concept de
capital humain, les résultats de ces études n’apportent rien de véritablement nouveau : les
compétences et aptitudes « supérieures » sont bien concentrées dans les métropoles.
Dans les travaux des années 1990 et 2000, les externalités de connaissance sont supposées
exogènes : on cherche rarement à comprendre « how do knowledge spillovers occur » (Berliant et al.,
2006, p. 70). Il ne s’agit pas de savoir précisément ce qui est transmis, mais comment et pourquoi la
connaissance est échangée. L’enjeu théorique est lourd : donner des fondements
microéconomiques à l’échange de connaissances, qui est un processus fondamental
d’agglomération.
9
Puisque sous l’hypothèse de mobilité parfaite des travailleurs, la croissance démographique de la ville reflète l’accroissement de la
productivité urbaine.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
17
Les externalités de connaissance peuvent être assimilées à un « troc de connaissances »
(knowledge barter) (Helsely et Strange, 2004). Les agents, aux connaissances térogènes,
recherchent des partenaires pour échanger des idées en vue d’accroître leur productivité. La
rencontre (meeting) devient appariement (matching) si les spectres de connaissance des agents sont
compatibles, c’est-à-dire ni trop proches, ni trop éloignés (Berliant et al., 2006). Il est rationnel de
troquer des connaissances si le bénéfice tiré de l’échange gratuit (amélioration des connaissances)
est supérieur à son coût (temps passé à échanger). La taille et la diversité urbaines sont des facteurs
facilitant.
Le fondement microéconomique des transferts de connaissance est donc un échange gratuit
rationnel. Le facteur limitant la taille de la ville peut être soit exogène, du type effet de congestion
comme chez Berliant et al. (2006), soit même interne au processus de troc : en effet, l’agent peut
avoir intérêt à faire défaut ne pas échanger), car la valeur des connaissances reçues n’est pas
connue ex ante. Le troc n’aura lieu que s’il existe un dispositif de sanction, partagé par tous les
agents, pour ceux qui font défaut : le refus de tout troc ultérieur. Or, plus la ville est grande, plus elle
est « anonyme », ce qui permet de faire défaut en toute impunité. Dès lors, l’accroissement de la
taille de la ville provoque une diminution du nombre d’échanges.
En outre, la capacité à communiquer efficacement est essentielle, car elle permet de
transformer de l’information en savoir productif : ainsi, le potentiel de circulation de connaissances
attaché à chaque travailleur permet une augmentation du salaire, et l’on estime au final que 22% de
l’impact de la taille urbaine et de la dotation en capital humain sur les salaires découle des
externalités de communication entre travailleurs (Charlot et Duranton, 2004).
La Ville Créative
Comme nous l’avons précisé dans l’analyse bibliométrique, la littérature sur la ville créative
découle directement de celle sur le capital humain, tout en s’en distinguant. Entre reformulation
d’idées existantes en un ensemble cohérent et séduisant et naissance d’une théorie originale, les
idées de R. Florida donnent lieu à controverse sur trois points : d’abord, sur la notion même de classe
créative ; ensuite, sur le lien de causalité entre localisation des créatifs et des firmes ; enfin, sur la
constitution d’un « milieu créatif » basé sur la tolérance, l’ouverture d’esprit et la créativité.
La créativité réinterprète la notion de capital humain. Pour Florida (2002a), plus que les
connaissances, ce sont des qualités intrinsèques aux individus, le « talent » et la « créativité », qui
leur permettent d’innover : l’éducation n’est pas la compétence (Florida et al., 2008). Aussi, à une
approche éducationnelle, doit-on substituer une approche occupationnelle : la classe créative se
définit par un certain type d’emplois, « du travail qui crée de la connaissance » (Florida, 2002b).
Ceci conduit à inclure dans la classe créative des professions très diverses, du chercheur au
chef étoilé, du directeur marketing au guitariste heavy metal, et pose la question de son
homogénéité (Asheim et Hansen, 2009). Le point commun de ces individus, selon Florida, est qu’ils
sont propriétaires de leurs idées (et non de leur force de travail ou d’un capital productif). Mais la
notion de classe sociale sous-tend une certaine conformité d’intérêts, de mœurs, d’habitudes, ce qui
n’est pas forcément le cas pour la classe créative (Chantelot, 2006). Plusieurs auteurs tenteront ainsi
de redéfinir sa composition sur des bases plus solides, notamment McGranahan et Wojan (2007).
La distinction entre « créatifs » et « éduqués » n’est pas évidente, les deux catégories se
recoupant largement (Peck, 2005 ; Glaeser, 2004). Plusieurs études empiriques confirment la
similitude des deux populations, puisque non seulement les indicateurs de créativité et de capital
humain sont très fortement corrélés (Hansen et Niedomesyl, 2009 ; Qian, 2010 ; Wedemeier, 2010),
mais en plus la répartition géographique des créatifs et des diplômés est très proche (Lorenzen et
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
18
Andersen, 2009)
10
. Florida, face à ces critiques, opère une distinction plus théorique sur la base du
mécanisme de formation de richesse. La classe créative affecterait la productivité et les salaires,
tandis que le capital humain affecterait plutôt la distribution du revenu (Florida et al., 2008). L’impact
sur les valeurs immobilières, qui en découle, est lui aussi exploré (Florida et Mellander, 2010).
Florida va proposer, pour la classe créative, le renversement de la causalité emplois-résidents
(2002b). C’est la classe créative qui est motrice dans les choix de localisation et, par les effets
d’entraînement sur la génération d’idées nouvelles, elle attire des firmes de plus en plus footloose.
Or, la classe créative est, par essence, métropolitaine, notamment la catégorie des Bohemians
(Lorenzen et Andersen, 2009). Cette localisation spécifique provient des préférences de la classe
créative en termes d’emplois, souvent dans les services supérieurs, mais aussi de consommation de
biens et services très spécialisés, regroupés sous le terme générique « d’aménités ».
L’influence des aménités sur la localisation des actifs est une idée émergente dans la
littérature sur la métropolisation. Si, dans les années 1990, les avantages comparatifs de la
métropole étaient centrés autour de l’offre (la réduction des coûts de coordination, la « métropole
assurantielle »), l’attention se tourne, à partir du début des années 2000, du côté de la demande et
des aménités comme déterminants de la localisation résidentielle. L’article de référence est celui de
Glaeser et al. (2001), Consumer City, pour qui l’augmentation des revenus, la mobilité accrue des
travailleurs comme des firmes, placent la qualité de vie au centre de l’attractivité urbaine. Les
aménités, notamment culturelles et de loisir, prennent de plus en plus d’importance dans les choix
de localisation des actifs. Lorsque Rappaport (2008, 2009) construit un modèle d’équilibre général
urbain dans lequel le niveau des aménités est capitalisé dans les salaires et les prix immobiliers, la
dotation urbaine en aménités devient un élément explicatif important des densités urbaines. Elle
explique également, d’un point de vue empirique, la proportion d’individus créatifs dans la
population urbaine (Wojan et al., 2007 ; McGranahan et Wojan, 2007).
Cependant, une trop grande focalisation sur les aménités peut conduire à faire oublier
l’essentiel : la géographie de la production, qui reste pour beaucoup le déterminant principal de la
localisation des actifs. Prônant un retour aux fondamentaux de l’économie urbaine, Storper et Scott
(2009) rappellent que les actifs se localisent il y a des emplois. Ainsi Gottlieb et Joseph (2006),
lorsqu’ils étudient la migration des jeunes diplômés américains, constatent que les migrations sont
principalement dues à des opportunités économiques plutôt qu’à des considérations liées au style de
vie.
Dans le corpus de la ville créative, la notion de « milieu créatif » occupe à peu près la même
place que les externalités de connaissance dans celui de la Ville Cognitive. Le « creative milieu »
résume l’ensemble des processus à l’origine de la création d’idées nouvelles, et leur transformation
en innovations. Il s’agit donc, plus qu’une coprésence, d’une véritable coopération entre les individus
composant ce milieu. Mais le milieu créatif reste encore un « construit amorphe » (Wojan et al.,
2007).
Cohendet et al. (2010) en proposent une « anatomie » en trois strates : l’underground,
constitué d’individus créatifs qui ne sont pas forcément en contact avec les logiques commerciales
ou industrielles (les artistes, notamment) ; l’upperground, institutions chargées d’apporter des idées
créatives sur le marché. La courroie de transmission entre ces deux mondes est le middleground, qui
assure les interactions entre les individus créatifs et les institutions capables de valoriser cette
créativité.
10
Sur cette question voir, dans le cas de la France, Chantelot S., Pérès S., Virol S., 2010, The geography of French creative class. An
exploratory spatial data analysis, Cahiers du Gretha, 16.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
19
La compréhension des processus à l’œuvre au sein du milieu créatif demande une attention
portée au rôle spécifique de certains individus, dont la contribution à la croissance a été assez
largement négligée jusqu’ici : celui des artistes et celui des étrangers.
Une idée majeure de l’approche floridienne est l’influence du secteur culturel, et plus
particulièrement les artistes (bohemians), sur la création d’idées et le développement économique.
Cette influence passe par les effets de débordement sur les autres industries, conceptualisés par
Markusen et Schrock (2006) sous le nom de « dividende artistique ». Bayliss (2004) va jusqu’à
avancer que le développement économique est « conduit par la culture » (culture-led).
La fertilisation croisée des idées suppose également la coexistence d’individus différents sur le
territoire de la ville. De plus, les qualités d’ouverture et de tolérance attribuées aux membres de la
classe créative indiquent une forte préférence pour la diversité culturelle. La ville créative est
cosmopolite, un attribut essentiel des métropoles. La littérature sur la créativité rencontre alors un
courant de recherches en plein essor sur le lien entre le cosmopolitisme et l’efficacité économique.
La diversité culturelle de la population urbaine est à l’origine d’une prime de salaire pour les
travailleurs natifs, en raison à la fois de la complémentarité des connaissances, mais aussi des biens
et services plus diversifiés proposés par les travailleurs étrangers (Ottaviano et Peri, 2005, 2006).
Cependant, cette conclusion se heurte à deux problèmes : l’indétermination causale (entre attraction
d’immigrants et niveau de productivité urbaine élevé) et le tri spatial (une ville cosmopolite attirerait
des travailleurs plus productifs) (Ottaviano et Prarolo, 2009).
Conclusion
L’enjeu de cet article est de savoir si les recherches sur la métropolisation, après la décennie
faste des années 1990, se sont essoufflées ou diversifiées. Nous avons sélectionné un corpus
d’articles dans les 10 revues les plus cotées en économie urbaine et régionale, publiés pendant la
décennie 2000. A partir de cet ensemble de référence, nous avons mené une approche quantitative,
grâce aux outils de la bibliométrie, ainsi qu’une approche qualitative sous la forme d’une revue de la
littérature. La réflexion contemporaine sur la métropolisation s’articule autour de quatre
thématiques : la ville globale, la ville cognitive, la ville créative et la ville innovante. Elles peuvent être
lues sous l’angle de deux dynamiques : un détournement et un approfondissement.
Par approfondissement, on entend que la connaissance des processus de métropolisation est
de plus en plus fine. Deux thématiques connaissent une évolution marquée par un
approfondissement de la connaissance que les chercheurs portent à certains mécanismes
d’agglomération : l’endogénéisation des mécanismes de transfert de connaissances et l’affinement
du concept de diversité et de proximité.
Par détournement, on entend que le sujet de la métropolisation est détourné pour faire
émerger de nouvelles thématiques. Ainsi, les thèses sur la ville créative, ou l’attention portée à la
localisation des sièges sociaux révèlent toute la vitalité d’une réflexion qui se régénère sans cesse.
Finalement, cette revue de la littérature apporte un éclairage sur l’ « attitude » des villes dans
les processus de métropolisation. En effet, les années 2000 mettent en avant la position active des
villes : elles sont actrices de leur propre croissance, notamment dans la littérature sur la créativité.
Elles peuvent devenir attractives, tant pour les talents que pour les entreprises innovantes. La
littérature des années 1990 avait balayé le sujet en faisant état des mérites de la très grande ville qui
la portaient au rang des villes capables de se « métropoliser ». Aujourd’hui, la focalisation sur les
processus permet à chaque ville, quelle que soit sa taille, de se lancer dans la course à la
métropolisation.
10 ans de métropolisation en économie : une approche bibliométrique
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GREThA UMR CNRS 5113
Université Montesquieu Bordeau x IV
Avenue Léon Duguit
33608 PESSAC - FRANCE
Tel : +33 (0)5.56.84.25.75
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Cahiers du GREThA
(derniers numéros – last issues)
2011-39 : GABILLON Emmanuelle, One Theory For Two Risk Premia
2012-01 : NICET-CHENAF Dalila, Model of Financial Development: a cluster analysis
2012-02 : MOYES Patrick, MAGDALOU Brice, The Absence of Deprivation as a Measure of Social
Well-Being. An Empirical Investigation
2012-03 : MOUYSSET Lauriane, DOYEN Luc, JIGUET Frédéric, How does the economic risk aversion
affect biodiversity?
2012-04 : CARRINCAZEAUX Christophe, CORIS Marie, The Decision-Making Process of Relocations:
What, Where, How and Why?
2012-05 : MONTOBBIO Fabio, STERZI Valerio, The globalization of technology in emerging markets:
A gravity model on the determinants of international patent collaborations
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2012-11 : LALANNE Aurélie, POUYANNE Guillaume, 10 ans de métropolisation en économie : une
approche bibliométrique
La coordination scientifique des Cahiers du GREThA est assurée par Sylvie FERRARI et Vincent
FRIGANT. La mise en page est assurée par Anne-Laure MERLETTE.
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Economists, beginning with Alfred Marshall, have studied the significance of cities in the production and exploitation of information externalities that, today, we call knowledge spillovers. This paper presents robust evidence of those effects. We show that patent intensity - the per capita invention rate - is positively related to the density of employment in the highly urbanized portion of MAs. All else equal, a city with twice the employment density (jobs per square mile) of another city will exhibit a patent intensity (patents per capita) that is 20 percent higher. Patent intensity is maximized at an employment density of about 2,200 jobs per square mile. A city with a more competitive market structure or one that is not too large (a population less than 1 million) will also have a higher patent intensity. These findings confirm the widely held view that the nation's densest locations play an important role in creating the flow of ideas that generate innovation and growth.
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With the publication of his best-selling books "Competitive Strategy (1980) and "Competitive Advantage (1985), Michael E. Porter of the Harvard Business School established himself as the world's leading authority on competitive advantage. Now, at a time when economic performance rather than military might will be the index of national strength, Porter builds on the seminal ideas of his earlier works to explore what makes a nation's firms and industries competitive in global markets and propels a whole nation's economy. In so doing, he presents a brilliant new paradigm which, in addition to its practical applications, may well supplant the 200-year-old concept of "comparative advantage" in economic analysis of international competitiveness. To write this important new work, Porter and his associates conducted in-country research in ten leading nations, closely studying the patterns of industry success as well as the company strategies and national policies that achieved it. The nations are Britain, Denmark, Germany, Italy, Japan, Korea, Singapore, Sweden, Switzerland, and the United States. The three leading industrial powers are included, as well as other nations intentionally varied in size, government policy toward industry, social philosophy, and geography. Porter's research identifies the fundamental determinants of national competitive advantage in an industry, and how they work together as a system. He explains the important phenomenon of "clustering," in which related groups of successful firms and industries emerge in one nation to gain leading positions in the world market. Among the over 100 industries examined are the German chemical and printing industries, Swisstextile equipment and pharmaceuticals, Swedish mining equipment and truck manufacturing, Italian fabric and home appliances, and American computer software and movies. Building on his theory of national advantage in industries and clusters, Porter identifies the stages of competitive development through which entire national economies advance and decline. Porter's finding are rich in implications for both firms and governments. He describes how a company can tap and extend its nation's advantages in international competition. He provides a blueprint for government policy to enhance national competitive advantage and also outlines the agendas in the years ahead for the nations studied. This is a work which will become the standard for all further discussions of global competition and the sources of the new wealth of nations.
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This article examines the link between cities and culture from the point of view of the production of cultural goods, including media products. It focuses on the institutional structure of present-day cultural production and the media industry and on their geographical organization at the local and global levels. The cultural economy is a prime mover for globalization processes in the urban system, in which cultural production clusters act as local nodes in the global networks of the large media groups. The models frequently used to analyse the global city system will be supplemented and partially modified by an empirical analysis of the 'world media cities'. The analysis of the world media cities enables those locations to be identified, from which globalization in the spheres of culture and the media proceeds and is 'produced' in practical terms. Global city research has predominantly emphasized the role of advanced producer services—in contrast this article concludes that for the process of globalization the globally operating media firms are at least as influential as the global providers of corporate services, because they create a cultural market space of global dimensions, on the basis of which the specialized global service providers can ensure the practical management of global production and market networks.