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LE TOURISME DURABLE
UNE ORGANISATION DU TOURISME EN MILIEU RURAL (
1
)
*
SUSTAINABLE TOURISM
AN ORGANISATION OF TOURISM IN RURAL AREAS
par
Hugues FRANÇOIS
Doctorant
CEMAGREF
Groupement de Grenoble
Domaine Universitaire
2 rue de la Papeterie
F - 38400 SAINT MARTIN D’HERES
hugues.francois@cemagref.fr
Mots-clés : tourisme, développement durable, territoire.
Key-words : tourism, sustainable development, territory.
Classification JEL : D62, E61, L83, O13, O18, Q26, R11
*
Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes en fin d’article.
1
-I-
INTRODUCTION.
Aborder le sujet du tourisme sous l'angle de sa durabilité implique de le considérer
dans le prisme du développement durable. Or, en 1992, il est ignoré par la communauté
internationale réunie à l'occasion de la Conférence de Rio sur le développement et
l'environnement. Il a fallu attendre 2002 pour qu'enfin, le tourisme soit pris en compte, d'une
part du fait de la participation active de l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) au
Sommet Mondial du Développement Durable qui s'est tenu à Johannesburg, et d'autre part à
travers l'Année Internationale de l'Ecotourisme. Cette reconnaissance internationale du
tourisme est le résultat de différentes initiatives. Si ce foisonnement est une richesse, il
constitue également une source de confusion quant à la définition du tourisme durable :
tourisme doux, vert, rural, de nature, écotourisme ou encore agritourisme sont autant de
formes de l'activité touristique qui revendiquent leur durabilité. Il est donc nécessaire de faire
le point sur les caractéristiques de ce tourisme durable qui apparaissent dans les différentes
déclarations qui s'y rapportent.
Suite à la Conférence de Rio, on assiste à une véritable mobilisation des acteurs
internationaux du tourisme pour la reconnaissance de l’importance économique de leur
activité et son inscription dans la durabilité. Dès 1995, une Conférence Mondiale fut
organisée à Lanzarote et réunit « plus de 1000 participants de 75 pays, incluant des
représentants gouvernementaux et des représentants des organisations internationales
majeures » (Marin, 2003) (
2
.) pour formuler une Charte du Tourisme Durable (Conférence
Mondiale de Lanzarote, 1995). Depuis, les réflexions se sont poursuivies jusqu’à une
participation active de l’OMT au Sommet de Johannesburg, et furent notamment marquées
par l’élaboration d’un Code Mondial d’éthique du tourisme en 1999 (OMT, 1999). Pour saisir
la nature du tourisme durable, en premier lieu, ce sont donc les discours sous leurs différentes
formes qui importent : déclarations politiques, documents administratifs ou encore codes et
chartes dont le but est d'encadrer, de gérer, d'animer et de promouvoir le secteur touristique.
La notion de développement durable étant d'origine internationale, c'est tout d'abord à cette
échelle qu'il faut chercher la production de textes relatifs à la durabilité du tourisme.
Cependant, dans ce contexte, la France, première destination touristique mondiale (
3
), ne
pouvait se tenir à l'écart de cette réflexion. Ainsi, au niveau national, il existe un discours
spécifique, illustré notamment par l’élaboration d’une Charte nationale d’éthique du tourisme
(SET, 2001b) en écho au Code Mondial de l’OMT, donnant sa propre dimension au tourisme
durable. Pour bien saisir toutes les particularités de cette définition, il est nécessaire de se
pencher également sur la production de documents à cette échelle.
Notamment, on pourra remarquer que la différence de points de vue pour apprécier
spatialement les inégalités de développement se traduit, d’un côté, par les rapports entre pays
du Nord et du Sud et, de l’autre, par l’opposition entre milieux urbains et ruraux. En effet,
l’intérêt porté à la durabilité de l’activité touristique trouve ses racines dans la participation de
l’activité touristique au développement économique et social. Cette mobilisation du tourisme
par les politiques d’aménagement du territoire est ancienne et elle est toujours d’actualité dans
le tourisme durable. Si la stratégie de la politique nationale du tourisme concerne l’ensemble
du territoire, au titre de sa participation au développement durable (objectif 2), elle réduit le
« rééquilibrage du territoire touristique » à « l’organisation et la structuration de l’offre
touristique en milieu rural » (SET, 2002b). En faisant ainsi, le Secrétariat d’Etat au Tourisme
met directement en avant les zones rurales. Elles sont effectivement concernées à double titre
par le tourisme durable : d’une part, parce qu’elles expriment un besoin de développement et,
d’autre part, parce qu’elles sont détentrices d’aménités environnementales et sociales
2
(préoccupations spécifiques de la durabilité). Cette préservation relative des territoires ruraux
constitue une reconnaissance de la capacité des acteurs locaux à maîtriser leur développement.
Pour bien comprendre l’importance de ce retournement de situation, il faut regarder les
politiques d’aménagement touristique passées. L’espace rural, vidé de ses habitants par
l’exode des années 50, est considéré comme incapable d’assurer par lui-même son adaptation
aux nouvelles contraintes économiques représentées par le modèle fordiste. Ainsi, face à des
zones considérées comme sinistrées, il s’agit de mettre en œuvre une politique de “rénovation
rurale” qui s’illustre notamment, dans le cas du tourisme, par les aménagements montagnards
et balnéaires.
Le rejet actuel de cette pratique fordiste du développement se fonde sur la mobilisation
d’une grille de lecture territoriale des phénomènes économiques. Cependant, la situation
précaire des zones rurales, notamment dans le cas du tourisme où le but est clairement de se
conformer aux désirs d’une clientèle susceptible d’apporter un complément de revenu, fait
craindre une démarche proche de celle passée même si les références théoriques ont évolué.
Finalement, à travers le rejet d’un modèle de développement fordiste, c’est surtout un modèle
de développement s’inspirant d’une lecture territoriale des dynamiques économiques qui se
profile. Au-delà de grands principes de durabilité mobilisables par n’importe qu’elle forme
d’exploitation économique, et a fortiori touristique, le tourisme laisse entrevoir une
organisation générale du tourisme en milieu rural. En effet, ce dernier est riche en initiatives
qui se sont développées de manière éparse et le tourisme durable constitue un cadre
unificateur fondée sur une valeur commune : l’authenticité. Il est un moyen de formatage du
secteur touristique en espace rural pour répondre à des besoins particuliers.
L’objet de cette contribution est essentiellement de proposer une réflexion relative à la
définition de ce cadre de développement économique en s’appuyant sur les déclarations
politiques relatives aux aménagements touristiques. Par nature, ces documents divers
marquent une volonté politique d'influencer l'évolution du secteur touristique. Ils comportent
donc deux dimensions : le but à atteindre et la démarche choisie pour y parvenir. Dans le
cadre de cette contribution, il n'est pas question de cette dernière dimension. Les politiques de
durabilité visent avant tout les pratiques de productions afin de les inscrire dans le long terme.
Ainsi, ce qui nous préoccupe, vis à vis du tourisme en France, c'est la forme qu'il prend quand
il devient durable. A travers l'ensemble des documents étudiés, nous tâcherons de décrypter
quel type d'offre touristique est sous-jacente (
4
).
Pour cela, nous procéderons en deux temps. Le premier sera consacré aux liens qui
unissent tourisme et durabilité ; c’est-à-dire, que nous tâcherons d’en constater les effets
directs sur les productions touristiques. Ainsi, nous pourrons voir non seulement que le
tourisme durable constitue une réaction par rapport aux pratiques antérieures mais aussi que
cette critique laisse à la place à une nouvelle vision des dynamiques de développement où
activités et nature ne s’opposent pas et qui s’incarne dans les produits spécifiques du tourisme
durable. Dans un second temps, nous nous pencherons sur un cadre de réalisation original du
tourisme durable : les Parcs Naturels Régionaux (PNR). Plus précisément, nous présenterons
le cadre général avant de nous intéresser à des études cas particuliers dans des situations
contrastées, les PNR du Vercors et du Queyras. Enfin, en conclusion, nous pourrons réfléchir
aux prolongations de cette expérience dans d’autres zones et aux implications du tourisme
durable dans l’ensemble de la politique d’aménagement touristique française.
3
-II-
TOURISME ET DURABILITE.
Intégrer le tourisme au développement durable ne signifie pas seulement qu’il peut
être un instrument utile pour répondre aux besoins des générations présentes mais aussi qu’il
ne doit pas compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le
corollaire de cette volonté est l’identification des dangers potentiels que représente ce secteur
d’activité. L’expérience passée a notamment révélé les dérives du tourisme de masse et nous
verrons tout d’abord comment la conscience de ces menaces influence la structuration de
l’offre touristique dite durable. Dans la continuité de cette réflexion, nous constaterons dans
un second temps que ce mode d’exploitation n’est que le témoin d’une interprétation des
rapports entre les activités humaines et leur environnement qui va fortement peser sur la
nature de la production touristique. De fait, le troisième temps soulignera que les produits
issus du tourisme durable mettent en avant leur authenticité autant au niveau des processus de
fabrication que du type d’offre.
2.1. Tourisme durable et dérives du tourisme de masse.
Un discours particulier sur le tourisme durable n’existe pas uniquement pour le
potentiel de développement qu’il représente, mais aussi parce que sa croissance n’est pas sans
danger. Si le tourisme est une opportunité, il est également une menace et il faut prendre « en
compte [sa] croissance rapide et continue, aussi bien passée que prévisible […] et ses effets
puissants tant positifs que négatifs » (OMT, 1999). Or, si la durabilité a pour but d’inscrire
l’activité dans le long terme, il n’est possible de raisonner que par rapport à l’expérience
passée. Ainsi, le tourisme durable se veut une rupture avec « des modèles touristiques
obsolètes et à fort impact » (Conférence Mondiale de Lanzarote, 1995) et entend proposer un
« nouveau modèle économique » (SET, 2002b). Pour comprendre ce que signifie cette
innovation, il est nécessaire d’en présenter les caractéristiques par rapport aux dérives qu’a
connues le tourisme de masse tant d’un point de vue environnemental, qu’économique et
social.
En premier lieu, c’est la nature qui a le plus durement été touchée par le
développement du tourisme. Les origines de ces dégradations sont nombreuses. Les
aménagements nécessaires à l’accueil des touristes (équipements de loisirs, hébergements et
infrastructures) sont dévoreurs d’espaces ; l’arrivée d’une population surnuméraire de
touristes entraîne une augmentation du volume des déchets domestiques et d’eaux usées qui
complexifie leur recyclage ; enfin, la concentration des flux de visiteurs amplifie ce dernier
problème et conduit à une surcharge globale sur les écosystèmes (notamment dans le cas
particulier des parcs naturels où la qualité environnementale attire les visiteurs dont un trop
grand nombre est susceptible de perturber la vie sauvage, d’endommager la flore…). Pour
préserver l’environnement face à ces attaques, il est possible de distinguer deux types
d’actions. Certaines visent à traiter les symptômes en diminuant l’impact des activités :
stations d’épurations, centres de tri des déchets ou encore adoptions de moyens de mobilité
“douce”. D’autres tendent à modifier les pratiques de production du tourisme. Le but principal
d’une telle action est de garantir un « tourisme maîtrisé » (SET, 2002b), contenu. Pour y
parvenir, le moyen essentiel consiste à mettre en place une forme de « tourisme moins
concentré [et] plus diffus » (Demessine, 2000). En effet, pour que les activités se déroulent
dans de bonnes conditions, il semble nécessaire de « réaliser qu’il y a des limites : limites au
nombre de visiteurs au même endroit au même moment ; limites à la patience et au bon
accueil de nos hôtes ; et des limites au nombre de personnes qui peuvent visiter un site
4
naturel » (
5
) (Enriquez Savignac, 1995). Comme nous le montre cette affirmation, la
diffusion du tourisme est susceptible de répondre largement aux abus du tourisme de masse et
constitue en soi une vision d’ensemble d’un tourisme « respectueux de l’environnement, des
cultures, des traditions et des hommes » (Demessine, 2000). Par ces caractéristiques, le
tourisme durable est une forme de tourisme à taille humaine qui se rapproche fortement du
tourisme doux (Perret, 1998). Cette orientation est d’ailleurs cohérente avec l’objectif français
de développement des zones rurales car ce sont sans aucun doute les plus enclines à mettre en
place ce type d’offre.
Le tissu économique de ces territoires en tant que tel se révèle plus propice à sa mise
en œuvre. Peu habité, l’espace rural est surtout en retrait par rapport aux flux économiques et
il est délaissé par les grandes entreprises qui n'y trouvent ni la main d'œuvre, ni les
infrastructures nécessaires à leur activité. Par le passé cette situation fut à l'origine d'une
vision condescendante des milieux ruraux. Vidés par l'exode, économiquement sinistrés, ils
doivent être pris en main afin d'assurer leur rénovation. De ce point de vue, l'intervention
extérieure semble être la seule solution pour pallier à l'incapacité locale d'initier le
développement. De plus, les équipements d’accueil et de loisirs nécessaires pour recevoir et
attirer un grand nombre de touristes représentent des investissements importants. Les acteurs
locaux ne disposant pas de moyens suffisants, la porte fut grande ouverte aux investisseurs
extérieurs qui s’imposent dans l’économie. Dans cette situation, d’une part la proportion des
bénéfices tirés de l’exploitation des ressources locales perçue par les populations autochtones
est mécaniquement minorée et, d’autre part, cette mainmise sur l’économie les prive
également en partie de leur capacité à contrôler leur destin. Ce problème de “taille critique”
n’est pas ignoré par le tourisme durable qui entend faciliter « l’accès aux marchés et à
l’information commerciale, ainsi que la participation des entreprises locales naissantes,
notamment des petites et moyennes entreprises » (OMT, 2002b). En effet, si la micro-
entreprise ou la PME semblent être privilégiées, elles apparaissent surtout à travers les
mesures visant à favoriser leur réunion afin d’assurer un développement local du tourisme.
Ainsi, s’il est nécessaire de « donner un cadre spécifique au regroupement des professionnels
du tourisme […] il s’agit ici de donner aux élus et professionnels de territoires peu denses et
de petites stations, la possibilité d’agir (
6
ensemble » (SEATM, 2000).
Cependant, traiter cette coopération du seul point de vue de l’effet mécanique afin de
remédier à un problème de taille, dans le cadre d’une politique de développement local
semble insuffisant. Elle constitue une reconnaissance de la capacité des zones rurales à
impulser une dynamique de développement. Pour bien comprendre cette évolution du
discours, il est primordial de se pencher sur sa logique et de ne pas négliger la grille de lecture
que constitue l'économie territoriale surtout qu'elle prend une teinte particulière associée aux
préoccupations environnementales de la durabilité.
2.2. Une vision particulière des rapports entre l’homme et son territoire
La volonté d’associer « tous les acteurs du développement aux processus
décisionnels » (Demessine, 2000) signifie qu’il est nécessaire de prendre en compte le rôle
des populations locales dans leur ensemble pour influer sur la trajectoire que va suivre
l’économie. L’application de la durabilité au tourisme pose le problème de l’évolution des
pratiques de production locales. Il s’agit non seulement de se pencher sur les acteurs, afin
d’aborder les modifications individuelles de l’offre produite, mais aussi d’étudier, à un niveau
méso-économique, la construction d’une image de destination touristique cohérente, à
l’échelle du territoire. Ainsi, la mise en œuvre de la durabilité revendique une approche
novatrice et entend renouveler les pratiques de gouvernances locales en donnant toute sa place
5
à une approche participative de type “bottom-up”. Elle refuse une lecture fordiste des
mécanismes économiques. Au contraire, il s’agit d’un mode de développement fondé sur de
petites entreprises travaillant en partenariat. Taille des entreprises, coopération, et synergie
locale des activités sont autant de critères qui font référence aux caractéristiques décrites dans
les districts industriels (Becattini, 1992). Ainsi, la démarche accompagnant le tourisme
durable, voulant mobiliser des réseaux locaux d’entrepreneurs, fait directement référence aux
théories de l’économie des territoires et développement local (Pecqueur, 2000). Ce courant est
apparu dans les années 1980 suite à l’observation de regroupements de PME localisés,
notamment en Italie (Becattini, 1992). Ils se démarquent des grandes entreprises, construites
sur le modèle fordiste et qui sont en pleine crise, par la vigueur de leur développement
économique. L’étude de ce phénomène a fait émerger un nouvel objet de recherche : les
districts industriels, également appelés les Systèmes Productifs Locaux (SPL), en France
(Courlet, 1994). À la racine de leurs performances se trouve la synergie entre les différentes
entreprises qui s’établit sur la base de multiples échanges allant de l’information jusqu’à la
main d’œuvre. C’est cette dynamique qui fait apparaître le territoire comme un tout dépassant
la somme des acteurs qui le compose.
Pour former cet ensemble territorial, deux dimensions de l’économie sont
fondamentales : socioculturelles et temporelles. En effet, à l’origine des liens qui se tissent
entre les différents acteurs locaux, se trouve la construction d’une culture commune au fil de
l’histoire. Les valeurs qu’elle véhicule jouent un double rôle : catalyseurs des échanges d’une
part et régulation sociale d’autre part. Dans cette dynamique, la tendance des acteurs est
d’adopter des pratiques de productions communes et de participer ensembles à la construction
d’un savoir-faire commun et spécifique. Cependant, au-delà des composantes historiques et
sociales du développement, sa durabilité pointe du doigt l’importance de l’environnement.
Dans le contexte de cette réflexion, il est légitime de s’interroger au sujet de l’influence du
milieu naturel sur le processus de constitution de la spécificité territoriale ; c’est-à-dire, de se
questionner sur la façon dont la nature contribue à la formation de l’ensemble socio-
économique auquel participent les acteurs. Or, à travers le tourisme durable, cette question ne
peut être laissée de côté. D’une part, l’attachement territorial des pratiques n’est pas ignoré
puisque « les activités touristiques doivent être conduites en harmonie avec les spécificités et
traditions des régions et pays d’accueils » (OMT, 1999). D’autre part, il prend en compte
l’impact de l’environnement dans la mesure où il s’agit d’aider « les gens à mener des vies
saines et productives en harmonie avec la nature » (
7
) (Shackleford, 2002). Pour mieux
comprendre ce triptyque activités, milieu socioculturel et environnement naturel, dans lequel
les pratiques économiques s’insèrent, il est utile de se pencher sur le concept d’écotourisme.
En effet, celui-ci est de nature à nous éclairer car il s’intéresse aux sociétés humaines dans la
mesure où elles appartiennent à un écosystème.
De plus, cette référence n’est pas un choix arbitraire, elle apparaît de façon explicite à
maintes reprises dans les documents relatifs au tourisme durable. En effet, « le tourisme de
nature et l’écotourisme sont reconnus comme des formes particulièrement enrichissantes et
valorisantes de tourisme » (OMT, 1999). De cette considération à l’assimilation entre
tourisme durable et écotourisme, il n’y a qu’un pas que certaines autorités n’hésitent pas à
franchir. Ainsi, le Sommet Mondial pour le Développement Durable affirme qu’il faut
permettre aux « communautés autochtones et locales de se développer grâce à
l’écotourisme » (OMT, 2002b). D’ailleurs confondre les deux concepts n’est pas une
démarche absurde. L’ONU a en effet déclaré que 2002 serait à la fois année internationale de
l’écotourisme et année internationale « en vue d’un développement durable des régions
rurales de montagne [et] a ainsi établi un lien au moins virtuel entre le développement
durable des régions rurales et écotourisme » (Baumgartner, 2002). Les participants au
6
Sommet mondial de l’écotourisme considèrent quant à eux que l’écotourisme constitue une
“avant-garde” qui « a joué un rôle prépondérant dans l’introduction des pratiques de
durabilité dans le secteur touristique » (Sommet mondial de l’écotourisme, 2002).
Dans ce contexte, il est intéressant d’approfondir l’étude de l’ensemble de cette
déclaration pour mieux comprendre les éléments clefs de l’écotourisme. Si la nature y tient
une place importante, elle n’est pas un objet isolé et l’environnement est entendu au sens large
du terme. Il est question d’un écosystème global auquel les hommes appartiennent. Leur place
dans cet ensemble est définie selon un mécanisme proche de la constitution des territoires en
économie puisqu’elle se fonde sur une spécificité « culturelle associée à beaucoup d’espaces
naturels, surtout en raison de la présence historique de communautés locales et indigènes
dont certaines ont conservé leur savoir et leurs us et coutumes traditionnels qui, pour
beaucoup, ont prouvé leur durabilité à travers les siècles » (Sommet mondial de
l’écotourisme, 2002). Dans la continuité de cette logique, le tourisme durable a pour dessein
de « renforcer, alimenter et encourager la capacité qu’a la communauté d’entretenir et
d’exploiter ses compétences traditionnelles » (Sommet mondial de l’écotourisme, 2002). Les
particularismes locaux constituent donc des éléments centraux de la politique de tourisme
durable. Leur respect est le signe « d’une production authentique adaptée aux spécificités
locales » (Manzione, 2000). Cette recherche d’authenticité est une dimension forte, de nature
à influencer le type de prestations touristiques. Elle pèse non seulement sur les savoir-faire
mis en œuvre mais aussi sur l’environnement et sur la société locale. Dans ce contexte, l’offre
de loisirs “parachutés”, sans lien avec le milieu dans lequel ils prennent place, devient
obsolète. Ainsi, en prenant place en zone rurale, le tourisme durable valorise une production
spécifique.
2.3. Authenticité et produits du tourisme durable.
Les produits du tourisme durable s’articulent autour de cette authenticité et peuvent
être déclinés selon deux axes. Au premier plan de la durabilité se trouve la prise en compte de
l’environnement. Non seulement ce dernier se révèle être un objet à respecter, mais il est
également considéré comme un facteur d’attraction de la destination touristique. Selon cette
double qualification, les prestations qui entretiennent un contact direct et respectueux avec
une nature préservée sont donc privilégiées et constituent une véritable « offre au naturel »
(SET, 2002b). Mais ce milieu naturel ne peut être compris que dans le cadre des sociétés
humaines et de leurs pratiques traditionnelles. Ainsi, l’offre touristique tend également à
valoriser les productions issues des savoir-faire spécifiques élaborés localement.
Tout d’abord, le contact avec l’environnement est très largement présent à travers
l’ensemble des activités de pleine nature. Parmi les quatre grands types de filières identifiées
par l’Etat, il en effet possible de constater que trois s’y rapportent directement : « itinérance
(tourisme fluvial, équestre, randonnée pédestre, ski de randonnée…) », « aventure (sports
d’eau-vive, via ferrata… » et « nature et remise en forme (golf, thalassothérapie, sports
nautiques, plongée…) » (SET, 2002b). Cependant, dans cet éventail d’alternatives qu’offre
l’environnement, les formes de tourisme plus douces sont privilégiées. La randonnée
notamment est une offre typique du tourisme durable (SEATM, 2000 ; mesures 40, 41 et 44)
car elle est proche de son support naturel ce qui permet de profiter pleinement de ses qualités.
En effet, cette proximité est perçue à travers la possibilité de pratiquer un tourisme de
contemplation, voire d’observation, des paysages, de la faune et de la flore.
En soi, l’environnement naturel constitue un objet digne d’intérêt. C’est pourquoi, il
est souhaitable de « développer les produits de découverte de la nature » (SEATM, 2000). Si
la sensibilisation des visiteurs participe à la protection de l’écosystème, elle peut également
7
être considérée comme une prestation touristique. Les activités proposées sont considérées
comme des vecteurs d’information et les touristes allient l’apprentissage à la détente et aux
loisirs. Les exemples de ce type de produits, allant de l’hébergement (hôtels au naturel ou
Gîtes Panda) jusqu’aux aménagements ludiques (sentiers pédagogiques, botaniques ou encore
écomusées), sont nombreux.
Or cette offre touristique ne peut se fonder que sur un environnement de qualité.
L’interprétation des rapports hommes – territoire propre au tourisme durable que nous avons
abordée précédemment nous a appris que cette qualité était inséparable des activités humaines
traditionnelles. En milieu rural, ces dernières émanent notamment du monde agricole. En
effet, la présence de paysans depuis le Moyen-Age, ainsi que leurs pratiques, de fait, en
contact direct avec la nature leur confèrent une place centrale. Selon M. Demessine (2000),
leur rôle est directement lié au tourisme durable puisque « les agriculteurs sont au cœur des
dispositifs de préservation et d’attractivité [des] territoires ». Il est question d’une agriculture
multifonctionnelle dont les missions peuvent se décliner selon trois catégories allant de « la
production, à la gestion de l’espace, [et] à la préservation de l’environnement » (Demessine,
2000).
Dans cette logique, la volonté de « développer l’agritourisme » porteur « d’un fort
potentiel de développement » (SEATM, 2000) est primordiale. Cette démarche implique que
les produits traditionnels soient privilégiés. De l’exploitation agricole du territoire naît le
terroir. Ce dernier est le reflet du lien entre les activités humaines et l’environnement. La
qualité de l’un ne peut exister sans l’autre et pour assurer une production authentique issue
des territoires ruraux, ces deux facteurs sont à prendre en compte. Non seulement, les matières
premières utilisées sont tirées d’un milieu naturel préservé, mais, ensuite, elles sont également
transformées par l’usage de savoir-faire locaux. De plus cette spécificité des productions peut
être étendue à l’ensemble des activités traditionnelles. Ainsi, la volonté de « généraliser les
démarches qualités » en milieu rural passe notamment par la coordination de « la démarche-
qualité dans le secteur touristique [au sens strict du terme] avec celles concernant les
productions agricoles et artisanales » (SEATM, 2000). En fait, c’est l’ensemble des
aménagements locaux du cadre de vie des populations qui est susceptible d’être valorisé. Le
patrimoine bâti tout particulièrement se trouve au centre des attentions. D’une part, il
constitue une marque des pratiques économiques et sociales locales. Tel est le cas des
fontaines ou fours à pains à usage collectif qui sont autant de signes de la participation de la
communauté sociale aux activités locales. D’autre part, l’habitat propre à chaque région est
mis en avant car « les bourgs et villages traditionnels » (SEATM, 2000) constituent des
marques spécialement visibles de l’adaptation aux contraintes imposées par l’environnement
tant au niveau des matériaux utilisés que des techniques de construction et des particularités
architecturales. Entre savoir-faire et aménagements, en fin de compte, c’est l’ensemble de la
culture qui est mise en avant pour témoigner de l’authenticité de la société locale. Cela passe
notamment par la valorisation des événements rythmant la vie du territoire, depuis les
marchés jusqu’aux fêtes traditionnelles, et du folklore qui les accompagnent.
En fin de compte, en plus de préoccupations environnementales centrales, le tourisme
durable tend à donner une dimension nouvelle au secteur touristique. En effet, il ne s’agit plus
de l’aborder à l’échelle de la station, centre de production intensive, mais à celle du territoire
en proposant de valoriser l’existence d’une communauté socioculturelle particulière et de ses
savoir-faire. Nous sommes donc face à une complexification de la construction des
destinations touristiques mettant en jeu une multitude d’acteurs (et pas seulement les
prestataires typiques du tourisme) qui doivent organiser un ensemble d’activités disséminées
dans l’espace local. Pour illustrer cette volonté du tourisme durable de faire coïncider
8
territoire économique et territoire touristique, il est intéressant d’étudier le cas des PNR en
tant que laboratoires du développement durable et plus particulièrement du tourisme.
-III-
LES PARCS NATURELS REGIONAUX, UNE AVANT-GARDE DU TOURISME
DURABLE
La démarche qui nous a conduits vers les PNR est simple : afin d’étudier un objet
aussi spécifique que le tourisme durable, nous avions besoin, au-delà du phénomène de mode,
d’un territoire dont la gestion a favorisé sa mise en œuvre sur le long terme. Les PNR
constituent une forme d’administration exceptionnelle, ne couvrant que certaines parties du
territoire national. Ils attirent d’autant plus l’attention que, malgré leur nom, leur existence
n’est pas simplement liée à la présence d’un environnement naturel particulier mais s’étend à
un ensemble de caractéristiques de l’économie territoriale. En effet, les PNR apparaissent
comme des structures d’Aménagement du territoire particulièrement novatrices qui auraient
anticipé le mouvement actuel du développement durable. Bien avant que la communauté
internationale ne se réunisse à Rio pour entériner officiellement ce concept, des hommes, tels
que Philippe Lamour dans le PNR du Queyras, pris dans le mouvement français de
l’Aménagement du territoire en furent les fondateurs. De même, bien avant que le rapport
Bruntland n’organise et ne mette en forme une définition de la durabilité, ces aménageurs,
guidés par les exigences du terrain et leur expérience de l’action, avaient pris en compte les
différentes dimensions de la gestion de l’espace qu’impliquent les politiques de
développement et de rééquilibrage territorial. Ainsi, il semble que le rôle des PNR soit plus
complexe qu’une simple protection de la nature et il est nécessaire de présenter dans un
premier temps les particularités de cet instrument d’administration locale.
La présentation des missions d’un PNR, en tant qu’outil de développement durable,
sera abordée dans un premier temps. Dans un second, nous verrons que le choix de constituer
un PNR n’est pas neutre et oriente l’économie locale vers le tourisme durable. Enfin, dans un
troisième temps, nous illustrerons plus précisément notre propos en présentant les cas de deux
Parcs, le Vercors et le Queyras, dans des situations originellement contrastées. Cette
démarche permettra de mettre en perspective les éléments de définition du tourisme durable
que nous avons soulignés sur la base des déclarations politiques en s’appuyant sur des
exemples concrets d’actions et de situations locales. C’est seulement ainsi que nous pourrons
élargir notre champ de vision et poser les questions qu’induit la mise en œuvre d’un modèle
uniforme et systématique de valorisation touristique des spécificités territoriales. Alors, il sera
possible d’apporter des éléments de réponses et d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion sur
les caractéristiques et les enjeux d’une démarche de développement et d’organisation de
l’espace rural qui tend à se généraliser.
3.1. Les Parcs Naturels Régionaux, instrument du développement durable
C’est dès 1967, par décret, que les PNR font leur apparition dans le droit de la
décentralisation. Ils se fondent sur une charte (au renouvellement décennal depuis un décret
de 1988) signée par l’ensemble des communes qui y participent. Cette charte arrête le
périmètre du parc, établit un état des lieux et définit le projet de gestion du territoire. Pour
traduire la charte en actions, le PNR ne possède aucune compétence transférée par les
communes. Cependant, il constitue non seulement un organe de discussion à une échelle plus
9
large que leurs territoires respectifs, mais surtout un instrument d’animation du parc. Il est
doté d’une équipe permanente permettant d’assurer un travail d’information auprès des
décideurs locaux, de la population locale et des touristes, de surveiller les différentes actions
qui prennent place dans le parc (quelle qu’en soit l’origine) ou encore de “monter” des projets
variés.
Si les limites du PNR sont inscrites dans la charte négociée entre les différentes
communes, pour prétendre au titre (arrêté par le ministère de l’environnement) la loi stipule
que « peut être classé en parc naturel régional un territoire à l’équilibre fragile, au
patrimoine naturel et culturel riche et menacé »**. Les informations contenues dans cette
définition sont nombreuses quant au type d’espace susceptible de devenir un parc. D’une part,
replacée dans le contexte des années 60 et de l’exode rural, c’est ce type d’espace qui est
directement concerné. D’autre part, la référence simultanée au patrimoine naturel et culturel
n’est pas sans rappeler le lien entre culture et territoire mis en valeur par les SPL.
L’originalité des PNR, réside avant tout dans la diversité de ses missions :
« a) De protéger ce patrimoine, notamment par une gestion adaptée des
milieux naturels et des paysages;
b) De contribuer à l'aménagement du territoire ;
c) De contribuer au développement économique, social, culturel et à la
qualité de la vie;
d) D'assurer l'accueil, I'éducation et l'information du public;
e) De réaliser des actions expérimentales ou exemplaires dans les
domaines cités ci-dessus et de contribuer à des programmes de
recherche. »
Outre la mission d’accueil que nous aborderons ultérieurement, la législation en
vigueur implique l’orientation de l’action des parcs dans deux directions principales : le
développement économique et social ainsi que la protection de l’environnement au sens large
du terme. Ainsi, bien avant le rapport Brundtland et l’adoption du concept de développement
durable à Rio, dès 1967, la France semble en avance et propose une structure pour le mettre
en œuvre. Les pratiques de la Région prennent donc une teinte particulière et elle affirme a
posteriori que les PNR sont des « illustrations vivantes du concept de développement
durable » (ARPE, 1997). Cette affirmation semble d’ailleurs confirmée par la recrudescence
du nombre de PNR suite à la Conférence de Rio et après une période de faible croissance en
1978 et 1995. Cependant, les PNR demeurent une démarche particulière ne concernant que
certaines parties du territoire national. Ils ne constituent pas une méthode globale de
développement durable mais une orientation spécifique de valorisation d’un territoire.
La constitution d’un espace en PNR n’est pas neutre. Elle implique la reconnaissance
d’un territoire sous un label qui en garantit la qualité. Ainsi, c’est un signe attractif qui permet
de distinguer les PNR de l’ensemble des destinations potentielles des touristes. Nous pouvons
donc identifier une troisième dimension d’un parc : le territoire touristique concordant avec
celui vécu et celui administratif. Cette caractéristique du PNR appartient d’ailleurs à ses
missions puisqu’il doit, comme nous l’avons cité auparavant, « assurer l'accueil, I'éducation
et l'information du public ». Du point de vue économique et dans l’optique de contribuer à son
développement durable, cela implique une orientation très claire vers les activités touristiques.
Il paraît donc logique que les PNR soient porteurs d’un discours sur le tourisme durable
** Décret n° 94-765 du 1er septembre 1994 pris pour l'application de l'article L.244-1 du code rural
et relatif aux parcs naturels régionaux
10
comme en témoigne leur participation à la Charte européenne du tourisme durable dans les
espaces protégés. De plus, au-delà de cette revendication et des textes de loi, force est de
constater que la pratique, telle qu’elle est explicitée par la Fédération des PNR, présente de
fortes similitudes avec l’interprétation. En effet, nous allons voir qu’au travers des trois
grands types d’action que propose la Fédération, dans son article du Guide Gallimard Les
Parcs naturels régionaux, ce sont les dimensions du tourisme durable qui apparaissent.
3.2. Des destinations de tourisme durable
La première série de missions concerne la protection et la gestion des richesses
naturelles qui participent globalement à l’entretien et à la qualité du cadre touristique. Dans
cette optique, l’importance accordée à la gestion des paysages est particulièrement
significative : elle est une façade du territoire, une vision globale de la destination. Ainsi, tant
au niveau des paysages urbains que des paysages naturels, les PNR utilisent des programmes
d’entretien, de classification pour maintenir leur qualité et privilégier leur diversité. Dans la
même logique d’image, nous pouvons interpréter les mesures pour favoriser la biodiversité
(protection des espèces présentes et réintroduction d’espèces disparues) comme un gage de la
qualité globale de l’environnement et les mesures spécifiques de protection des ressources
naturelles comme une assurance de son entretien. Mais ces actions dépassent le cadre naturel
pour mettre en valeur sa relation avec les hommes. En effet, les paysages sont des paysages
agricoles et le leitmotiv concernant leur entretien consiste à lutter contre leur fermeture
consécutive à la déprise et à l’avancée de la forêt. De même, dans la préservation de la
biodiversité, la place accordée aux usages de l’environnement par les hommes est centrale. Le
rôle de la culture de certaines plantes ou de l’emploi de certains animaux domestiques dans
l’exploitation apparaît en premier plan. Pour ces deux types de mesures (paysages et
biodiversité), il est d’ailleurs frappant de voir que ce qui sert de faire-valoir, c’est
l’authenticité : « espaces authentiques et harmonieux » dans un cas et « authenticité des
milieux » dans l’autre (Marchand, 1999). Enfin, dans l’optique de l’hominisation des
territoires, la préservation des ressources naturelles peut être interprétée dans la continuité de
l’entretien passé de l’environnement comme une forme moderne d’usage respectueux du
milieu.
Tout comme pour cette première mission, les actions de « valorisation des activités
économiques » (Marchand, 1999) se concentrent sur leur participation secteur touristique.
Cependant, une nouvelle fois il est nécessaire de constater que c’est surtout à travers cette
dernière que les initiatives auprès des différents secteurs sont envisagées. D’ailleurs, les
agriculteurs se trouvent encore les premiers concernés et leur rôle s’inscrit dans la continuité
logique des actions précédentes. En effet, ils sont à l’origine de l’environnement dont hérite le
territoire, en tant que conséquence indirecte de leur exploitation, et ils se voient maintenant
attribuer des fonctions nouvelles pour l’entretenir. Ainsi, il est question qu’ils « deviennent à
la fois des producteurs et des gestionnaires de l’espace » (Marchand, 1999). Ces mesures
visent globalement l’image de la destination et vont parfois au-delà quand elles servent à
financer directement l’entretien de haies ou de chemins d’exploitation favorisant la création
de sentiers touristiques. D’autre part, les agriculteurs sont encouragés à infléchir leurs
pratiques dans une double direction : respect de l’environnement mais aussi productions à
fortes valeurs ajoutées ce qui se traduit notamment par la valorisation directe et la
commercialisation locale. Ce sont en général des productions labellisées revendiquant la
qualité que leur confère le terroir dont elles sont issues : non seulement par rapport à
l’environnement naturel mais aussi par l’usage de savoir-faire locaux.
11
Le schéma guidant la mise en valeur des entreprises en général est à peu près similaire.
D’une part, il s’agit de soutenir celles qui infléchissent leurs processus de production pour
qu’ils respectent plus l’environnement ou plus directement de promouvoir la création
“d’emplois verts”. D’autre part, les activités se distinguent par leur labellisation, marque de
leur attachement territorial : “Produit du Parc”, “Savoir-faire du Parc” ou encore “Accueil du
Parc” qui « traduisent des valeurs fortes […] :original, naturel, authentique, artisanal »
(Marchand, 1999). Finalement, l’importance du tourisme dans les différents secteurs
économiques est telle qu’elle constitue l’unique dimension envisagée pour le secteur tertiaire.
La production se fonde sur l’ensemble des procédés que nous avons décrits précédemment
pour « proposer une offre touristique à la hauteur [des] ambitions de protection, de
valorisation et de développement » (Marchand, 1999) d’un territoire classé PNR. Ainsi, il
s’agit de produire d’une manière spécifique et authentique, reconnue par des labels : création
des Gîtes Panda en partenariat avec Gîtes de France et WWF ou des voyages et des “hôtels au
naturel”.
Si le but de valorisation de l’image territoriale qui découle d’actions de protection et
de gestion de l’environnement naturel ainsi que de la mise en valeur des activités
économiques peut paraître relativement surprenant, dans le cas de la dernière mission, ce
résultat semble plus direct. En effet, son intitulé même permet de présumer sa participation à
la construction de la destination : valorisation du patrimoine culturel. Cependant, nous allons
voir que cette dernière action s’écarte des sentiers battus pour prendre une teinte de tourisme
durable. Si certains parcs furent le théâtre d’événements qui ont marqué leur histoire, comme
la résistance dans le PNR du Vercors, qui font l’objet d’une présentation traditionnelle, cela
n’est pas un élément concernant l’ensemble des PNR. Les choix de valorisation communs
visent l’authenticité de l’ensemble territorial à travers ses spécificités culturelles.
Dans ce dessein, la culture n’apparaît pas figée comme dans un musée mais plutôt
“mise en situation” dans le territoire auquel elle est liée. La marque la plus significative de
cette volonté concerne le patrimoine bâti. Tout d’abord sa mise en valeur consiste à remettre
en état l’ensemble des petits éléments appartenant au patrimoine populaire :fours à pain
communaux, fontaines, lavoirs, ponts, ou encore croix. Ensuite, ce sont surtout les savoir-faire
qui sont exploités. Ainsi, il paraît important de « construire vrai » (Marchand, 1999) et les
PNR appuient cette démarche par la publication de brochures pour guider la construction ou
la restauration locale. Il s’agit non seulement de reproduire la structure des habitations
traditionnelles, mais surtout d’utiliser des procédés typiques qui passent notamment par
l’utilisation de matériaux locaux (mélèze, chaume, lauze, ou encore terre).
Cette démarche relative à l’habitat évoque directement l’idée de symbiose entre
l’homme et son milieu naturel : l’aménagement d’un cadre de vie adapté aux conditions
locales construit avec les moyens disponibles localement. Au-delà du bâti, les savoir-faire
dans leur ensemble font l’objet d’une attention particulière notamment par le biais des
productions agricoles de terroir, comme nous l’avons déjà abordé, mais aussi par rapport au
savoir-faire artisanal ou industriel. L’usage actuel de ces pratiques participe à l’image
authentique de la destination et se prolonge dans le présent, de façon similaire à la gestion du
patrimoine naturel, grâce à une politique d’animation culturelle visant à renforcer l’identité
locale. Pour nous convaincre de la dimension touristique de ce type d’opération, nous
pouvons nous référer au projet du PNR d’Armorique : il met en place des panneaux de
signalisation, publie des documents bilingues et crée des primes pour ses techniciens qui
parlent le breton ou qui l’apprennent.
La dimension de label du classement PNR constitue sans aucun doute une orientation
du développement économique vers le tourisme comme le confirme l’utilisation que les parcs
font de la marque Parc Naturel Régional qu’ils ont déposée. De plus, le cadre touristique,
12
c’est-à-dire un environnement préservé ainsi qu’une production de produits liés aux territoires
tant par les ressources que par des savoir-faire locaux utilisés, rappelle sans équivoque la
dimension authentique attachée au tourisme durable. Pour bien comprendre l’importance de
cette orientation impulsée par le Parc, l’étude de cas concrets est indispensable.
3.3. Le tourisme dans les PNR du Vercors et du Queyras
Le choix d’étudier plus particulièrement ces deux Parcs tient à la fois à leurs
similitudes et à leurs différences (
8
.) En effet, bien que ces zones soient à l’origine dans une
situation commune, territoires ruraux de moyenne montagne, elles ont connu des trajectoires
contrastées, notamment du point de vue de la mise en place du secteur touristique. La
localisation même des deux Parcs est significative : celui du Vercors est proche des Alpes du
Nord alors que le Queyras se situe plus au Sud.
LOCALISATION DES PARCS NATURELS
REGIONAUX DU VERCORS ET DU QUEYRAS
Plus précisément, le Vercors est un cas complexe, un Parc qui s’articule autour d’une
grande réserve naturelle au centre du massif et qui s’étend du Nord au Sud sur les
départements de l’Isère et de la Drôme. La partie Nord de ce Parc, notamment le territoire dit
des Quatre montagnes (
9
), profite de la proximité de Grenoble et s’ouvre très tôt sur
l’extérieur pour accueillir des visiteurs. Par la suite, il bénéficiera de l’organisation des Jeux
Olympiques de 1968 qui marque un virage décisif pour le massif et son orientation vers les
loisirs liés à la neige ; domaine auquel les acteurs locaux sont toujours particulièrement
attachés puisque Villard-de-Lans est la première commune à utiliser des canons à neige sur
des pistes de ski nordique.
Le PNR du Queyras quant à lui a connu une évolution très différente. Sa situation
géographique tout d’abord est un facteur explicatif : il s’agit d’un territoire relativement
enclavé dont l’accès n’est possible que par trois routes (dont deux cols, Izoard et Agnel qui est
fermé en hiver, ainsi que la première d’entre-elle, ouverte seulement en 1836, qui rejoint la
13
ville de Guillestre) et relativement éloigné des centres urbains, les plus proches étant Briançon
et Gap. Cet éloignement fut d’ailleurs répercuté au niveau des politiques publiques,
notamment du “Plan neige” qui a appuyé le développement des stations de sports d’hiver.
Ainsi, confrontés seuls à l’exode rural et aux catastrophes naturelles en 1957, les habitants
n’ont d’autre choix que de trouver des solutions originales. Sous l’impulsion de Philippe
Lamour, qui devint alors maire de Ceillac (une petite commune du Parc) et se révèlera plus
tard un militant actif du concept de PNR, le Queyras fut un « précurseur du tourisme vert »
(ARPE, 1997). En réalité cette dénomination recouvre une destination touristique plus
complexe impliquant l’ensemble des acteurs locaux.
En fin de compte, nous sommes donc face à deux modalités de développement
touristique sur un même type de territoire. Cependant, malgré ces évolutions distinctes, on ne
peut que constater la similitude des images renvoyées par les Parcs et le conditionnement
relatif de l’offre touristique. En effet, si certains produits ne peuvent être semblables, on
réalise que chacun des PNR veut organiser globalement des prestations similaires ce qui tend
à orienter les destinations dans la même direction. En effet, l’analyse des documents de
communication (
10
) produits par chacun des Parcs la convergence des images qu’ils veulent
valoriser vers trois dimensions fondamentales du tourisme durable : le cadre naturel et sa
découverte, l’existence d’une communauté socioculturelle locale ainsi que les produits et
savoir-faire qui en sont issus. Le but de cette présentation est bien de montrer les éléments
constitutifs de l’image que les PNR veulent présenter d’eux-mêmes à travers leur démarche
marketing.
Dans les deux cas, la nature, cadre des activités et objet particulier de la gestion des
PNR est mise au premier plan. Pour le Queyras, elle est présente en vitrine de l’ensemble des
documents d’un Parc « nature » et dans le Vercors, elle est au centre d’un grand nombre de
dépliants. Mais ce n’est pas une nature morte, c’est une nature support d’activités et objet à
découvrir. Ainsi dans le Queyras, il faut aller « à la rencontre des espèces sauvages et
protégées du Parc » dont l’accès est possible par le biais de nombreuses activités de pleine
nature. Le PNR du Vercors quant à lui propose un guide pour partir à la découverte du
patrimoine naturel et culturel essentiellement axé sur l’organisation de mini excursions, dont
36 sur 49 sont directement liées à la sensibilisation à l’environnement. De plus, ce dernier est
ensuite décliné dans des dépliants spécifiques (le bouquetin, les itinéraires de randonnée –
découverte, le musée de l’eau ou encore les gîtes Panda). Ainsi, dans chacun des PNR, on
trouve la préoccupation environnementale
La société d’accueil est elle aussi présentée de manière similaire par les deux PNR : ce
qui importe c’est l’existence d’une communauté aux liens forts, aux rapports sociaux
relativement sereins, une forme de bien-être ensemble. Le PNR du Vercors avance un
« savoir-être » typique et dépaysant dont la « dimension humaine » assurant la
« convivialité ». De même, dans le Queyras, l’accueil se fait dans la « convivialité », dans une
ambiance de « partage » et en toute « sérénité » (mots-clefs présentés par le PNR). Cette
valorisation se traduit tout particulièrement par la mise en avant des « 8 petits villages dans un
parc naturel de montagne » dans lesquels on retrouve la “dimension humaine” du tourisme
durable. Cela s’explique notamment parce qu’ils constituent le cadre global de l’accueil mais
également parce qu’ils sont fortement caractéristiques et sont une représentation matérielle
des spécificités de la société locale. Finalement, quelles que soient les différences réelles entre
communautés queyrassine et vertacomicorienne, ce sont des caractéristiques identiques qui
sont vendues par les PNR.
Les produits et savoir-faire particuliers qui émanent de cette communauté sont un
élément important de la politique des PNR qui s’illustre notamment dans la politique de
labellisation (labellisation des produits qui s’effectue dans la continuité de celle du territoire).
14
Dans le Queyras, cette pratique est relativement ancrée dans l’histoire du tourisme et elle tend
surtout à reconnaître ce qui existait auparavant. Ainsi, le premier label fut attribué, dès 1985,
aux artisans du bois fabriquant du mobilier caractéristique (Queyras artisanal – vrai – de
tradition) afin de relancer une activité débutée dans les années 20 (mais qui était alors surtout
destinée à l’exportation hors Queyras). Ensuite, cette démarche de labellisation se généralise
dès 1988 où un vaste de projet de “produit de qualité du Parc” touchant les produits issus de
l’agro-alimentaire et destinés à une vente local. La seule condition est qu’il s’agisse de
produits dont les matières premières sont cultivées et transformées sur place. Si cette
démarche est souple elle a clairement pour résultat de multiplier les produits revendiquant leur
origine queyrassine. Dans le cas du Vercors, si les labels apparaissent moins, il n’existe pas
moins un effort important dans ce sens. Actuellement seuls viande bovine, truites et
salmonidés en profitent mais la volonté est bien d’étendre cette démarche comme en témoigne
la déclinaison de la marque Parc en « savoir-faire du Parc » et « produits du Parc ». De plus,
la valorisation des productions locales ne s’arrête pas là : les agriculteurs ont construit, en
collaboration avec le PNR, un réseau des fermes du Vercors qui outre des circuits propose
notamment des goûters ou des repas liés à la découverte de l’activité. Dans les deux PNR, les
pratiques traditionnelles, notamment l’agriculture, sont des éléments privilégiés de la
politique d’affichage du territoire par le biais de labels.
Malgré la forte convergence des images que nous venons de présenter, nous pouvons
constater des différences révélatrices de différents positionnements des Parcs par rapport aux
situations locales et à l’existence de trajectoires économiques propres. C’est notamment le cas
des activités de sport d’hiver et de l’hébergement nature. Parmi les dépliants transmis par le
PNR du Vercors, le ski est absent tout comme le Queyras ne distingue pas particulièrement
les offres d’accueil spécifique de type gîte Panda ou hôtel au naturel. Dans le cas des loisirs
liés à la neige, cette différence s’explique sans doute parce que le Parc du Vercors fut créé
juste après les Jeux Olympiques de Grenoble, notamment dans l’optique de prévenir un
développement outrancier des stations. Il existe donc une opposition latente du PNR à ce type
d’activité alors que dans le Queyras, il fut mis en place dans la continuité des premières
installations de ski et que le Parc revendique sa différence : « loin du stress et de la cohue des
grandes stations… le Queyras, 8 stations village au cœur d’un Parc Naturel Régional ». Cette
importance de la continuité des pratiques peut encore être évoquée par rapport à
l’hébergement et dans la volonté du Vercors de se démarquer des hôteliers installés dans les
stations en faisant valoir l’importance de la nature dans le PNR (volonté également marquée
par la volonté de créer un label particulier « accueil du parc ».
Les marques laissées par les pratiques économiques passées ne sont donc pas sans
influence sur la mise en place d’une offre typique de tourisme durable. Si les images mises en
avant sont proches, elles sont néanmoins rattrapées par cette réalité. De plus, ce ne sont que
des représentations marketing des territoires et leur décalage avec la situation réelle est un
problème dont l’étude doit être approfondie.
-IV-
CONCLUSION
Autant aux niveaux international que national, un consensus s'établit pour considérer
le tourisme comme un instrument de développement économique et social. Cependant, l'usage
de cet outil pour lutter contre les inégalités se fonde sur des points de vue à des paliers
différents. A l'échelle du monde, il s'agit des relations entre Nord et Sud et, à l'échelle
française, des relations entre milieux urbain et rural. Cette liaison entre politique de
développement économique et zones rurales est cruciale dans la définition de l'offre de
tourisme durable française. Pour bien saisir la teneur de cette influence, il est nécessaire de
15
l'envisager sous l'angle de la philosophie qui guide l'application de la durabilité au tourisme.
Elle se compose de deux dimensions liées l'une à l'autre : si les rapports entre les activités
humaines et l'environnement doivent être harmonieux, cela est favorisé par la construction
territoriale des pratiques des acteurs locaux. Cette vision privilégie une offre touristique
valorisant l'authenticité des milieux ruraux. Ainsi, la production est orientée vers les produits
favorisant le contact avec des milieux naturels humanisés ou issus du terroir et transformés à
l'aide des savoir-faire locaux. Cet ensemble de prestations réunies pour former une destination
de tourisme durable se retrouve au sein des PNR. Par le biais de cet instrument
d’aménagement, nous assistons à un certain formatage de son territoire dans le sens d’une
image touristique particulière. Nous sommes donc confrontés à un modèle de développement
touristique spécifique et appliqué de manière à reproduire cette forme de destination sans tenir
réellement compte des situations locales.
Cependant, plusieurs éléments conduisent à s’interroger sur la réalité du tourisme
durable au-delà de l’image. En premier plan, ce qui pose problème, c’est l’évolution des
pratiques locales. En effet, le propre du territoire est d’assurer une certaine continuité dans le
temps, une certaine pérennité de la société locale et de ses savoir-faire. Or, l’exemple du
Vercors et plus particulièrement de la commune de Villard-de-Lans qui concentre ses efforts
sur les activités de ski et la multiplication des équipements de loisir vient contredire
directement l’image avancée par le PNR. Cette situation est le fruit d’une interprétation locale
de la dimension durable qui est assimilée à la rentabilité à long terme de l’activité touristique :
si l’image est modifiée, la logique et le mode d’exploitation restent identiques. Plus
largement, cette situation remet en cause la capacité du tourisme durable à renouveler les
pratiques de production. Ainsi, au second plan, face à l’inertie locale, se pose le problème de
l’aspect novateur du tourisme durable. Au-delà de contextes territoriaux spécifiques, quelle
nouveauté apporte-t-il à la production touristique ? Non seulement les PNR sont loin d’être
nouveaux et pourtant la philosophie de la durabilité semble déjà largement les imprégner,
mais surtout ils ne représentent qu’une proportion limitée du territoire national. Que
représente alors la généralisation du modèle à l’ensemble ?
Une nouvelle fois, il apparaît que le tourisme durable tend à s’inscrire dans les
pratiques existantes. Si ce n’est le formatage des destinations touristiques en y organisant
l’agencement des prestations, quelles évolutions de fond de l’offre propose-t-il ? La définition
que nous en avons dégagée montre avant tout qu’il emprunte à différentes formes de tourisme,
tourisme doux, agritourisme ou encore écotourisme. Sous cet angle, le tourisme durable peut
être interprété comme un discours globalisant sur le tourisme en espace rural. Dans la
continuité des initiatives éparses à ce sujet (notamment les politiques menées par la DATAR
dans les années 60 ou le ministère de l’agriculture), il se présente comme un modèle
reconnaissant et permettant de pérenniser cette forme de développement. Dans la continuité
de ce raisonnement, quel regard porter sur les déclarations internationales ? Dans la lutte
contre les inégalités Nord-Sud, on retrouve une forte continuité du discours de l’OMT relatif à
la vulnérabilité des populations du Sud (importance de l’éthique du tourisme) et au
développement de sorte que ses déclarations ne peuvent être comprises qu’au regard de son
action passée. Appartenant à la constellation des organisations ONUsiennes, son but principal
n’a pas réellement évolué : à travers le tourisme et la prospérité économique, c’est la paix
entre nations qui est recherchée.
De plus, si le tourisme durable prend plus de place dans le discours, cela n’est pas
forcément reflété dans la réalité. Ainsi, sans remettre en cause telle ou telle forme de
développement touristique, on ne peut que constater cette divergence entre les propos et
l’action. En effet, bien que le tourisme de masse soit l’objet de critiques nombreuses, son
existence est loin d’être remise en cause. Au contraire, en 2001, six régions françaises
16
accueillent 60,2 % de la fréquentation touristique en termes de nuitées (SET, 2002a). Hormis
l’Île-de-France, ces régions, et plus particulièrement PACA et Rhône-Alpes, sont des
symboles du développement du tourisme de masse en montagne et sur le littoral. Continuité
d’un type de tourisme d’un côté et ne remettant pas véritablement en cause les formes de
production qu’il critique de l’autre, le tourisme durable est un concept ambigu. Si les
pratiques ne changent pas, ne serait-il qu’un mythe sans réelle application?
Dans la continuité de ce questionnement sur la réalité du tourisme durable, il est
légitime de s’interroger sur la nature des besoins qui ont guidé la formation d’un tel discours.
En effet, si les pratiques demeurent identiques, pourquoi est-il nécessaire de les présenter
différemment ? Plusieurs hypothèses peuvent être avancées à ce sujet. Peut-être s’agit-il
simplement d’un besoin de distinction d’une élite sociale afin de se démarquer par ses
pratiques particulières de loisir au moment où ces derniers s’ouvrent au grand public. A moins
que le tourisme durable ne réponde à des aspirations plus larges de notre société. C’est
effectivement ce que suggère la réaction passéiste au tourisme de masse, forme de production
standardisée, à laquelle le tourisme durable préfère l’authenticité que véhiculent les produits
traditionnels.
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18
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RESUME
2002 est une année clef pour le tourisme durable : celle de sa reconnaissance internationale,
notamment au Sommet de Johannesburg. Ce résultat est le fruit de la mobilisation des acteurs du
tourisme. Cependant, la multitude de leurs initiatives crée un flou sur la définition de tourisme durable,
notamment par rapport au type de productions offertes. L’analyse des déclarations qui s’y rapportent,
tant internationales que nationales, complétée par l’étude du cas particulier des Parcs Naturels
Régionaux appliqué aux territoires du Queyras et du Vercors nous permet d’y voir plus clair. Le
tourisme durable apparaît alors comme un modèle de développement du tourisme en espace rural
proposant de formater ces zones sur la base d’un cadre unificateur des initiatives privées fondé sur une
valeur transversale : l’authenticité. Cependant, les rigidités d’un tel modèle nous amènent finalement à
nous interroger sur son application réelle.
SUMMARY
2002 is a key year for sustainable tourism because of its international recognition at
Johannesburg Summit. This one is due to tourism actors’ mobilisation. However, multiple initiatory
make sustainable tourism difficult to understand, mainly about production offered. When one analyse
both nationals and internationals declarations about sustainable tourism helped by particular case of
PNR applied both in Vercors and Queyras mountains, one can clarify the situation. Then sustainable
tourism appears as a tourism development model in rural areas which aims at formatting these spaces
following a unification framework for private initiatives based upon a common value : authenticity.
However, rigidities of this model finally lead us to wonder about its real application.
NOTES
(
1
) Cette contribution se situe dans la continuité d’un mémoire de DEA d’économie (DESTIN, Développement
Soutenable Intégré) soutenu le 19/09/2002 : Implications du tourisme durable dans la structure des territoires
réalisé à l’Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, sous la direction de M. Denis Réquier-
Desjardins.
(
2
) « The World Conference on Sustainable Tourism attracted more than 1000 participants from 75 countries,
including government representatives and the representatives of all major international organisations. »
(
3
) Source : statistiques de l'OMT, http://www.world-tourism.org/market_research/facts&figures/latest_data/
tita01top15._07-02pdf.pdf, consultée le 16/01/2003.
(
4
) Notamment, nous éluderons les questions de droit aux vacances pour tous et d'accès des handicapés au
tourisme dans la mesure où elles ne constituent pas une forme de production spécifique mais une adaptation des
produits existants afin d'en élargir l'accès à de nouveaux consommateurs. Pour plus de précisions sur ces aspects,
il est possible de se référer, pour le niveau international, au Code Mondial d'Ethique du Tourisme (OMT, 1999)
et au projet politique français en matière de tourisme (SET, 2002b) pour le niveau national.
(
5
) « We need to realize that there are limits : limits to the number of visitors in the same place at the same time ;
limits to the patience and welcome of our hosts ; and limits to the number of persons who can visit natural sites »
(Enriquez Savignac, 1995).
(
6
) Les passages qui sont surlignés en gras le sont par l’auteur de cette communication avant de mettre en valeur
certains éléments clefs des propos cités.
(
7
) « tourism should assist people to lead healthy and productives lives in harmony with nature » (Schackleford,
2002).
19
(
8
) Cette contribution se situe dans la continuité de mes travaux de DEA : ces derniers furent l’occasion
d’aborder le cas du PNR du Vercors. Par ailleurs, j’ai également eu l’occasion d’étudier le PNR du Queyras dans
mon mémoire de troisième année à l’IEP de Toulouse : “PNR du Queyras, avant-garde du développement
durable ?” réalisé sous la direction de M. Emile Chiffre.
(
9
) L’objet de notre étude de cas sera plus particulièrement ce terrain de Quatre Montagnes. En effet, l’ensemble
du PNR Vercors est d’une taille disproportionnée par rapport à celui du Queyras. De plus, du fait de ses
dimensions, le PNR Vercors recouvre des zones aux trajectoires économiques différentes : les Quatre
Montagnes, le Vercors Central, le Royan, le Diois plus la Gervanne et le Trièves. Comme le souligne le
diagnostic de territoire accompagnant la nouvelle Charte du PNR « leur situation géographique […] est une
donnée déterminante quant à leur dynamisme et leur type de développement » . Dans cette diversité, nous avons
fait le choix du territoire des Quatre Montagnes.
(
10
) Il semble difficile d’établir une liste de ces documents ou de les faire figurer en bibliographie dans la
mesure où il s’agit d’un matériel hétéroclite composé de brochures, prospectus, dépliants… C’est-à-dire, les
supports directs de l’image que les Parcs veulent projeter sur leur territoire. Il est cependant possible de
différencier les deux campagnes de communication sur la forme. En effet, le PNR du Queyras a choisi de
diffuser une pochette illustrée de photos et de mots clefs dans laquelle on trouve trois livrets : le premier
présentant globalement le Parc et les activités, le second étant un guide des activités hivernales et estivales et le
troisième recensant offres d’hébergement. Le PNR du Vercors a quant à lui fait le choix de multiples dépliants
de deux types : soit spécifiques, présentant une activité ou une attraction particulières au Parc, soit thématiques,
regroupant des prestations au tourisme par type (hébergement, découverte de la nature…). Mais au-delà de la
forme de ces campagnes, ce qui nous intéresse ici, ce sont les différents éléments mis en avant par les deux
parcs.