Pourquoi 1968-1990 ? Pourquoi reprendre ce document de 1990 en 2015 ?
La fin des années 60 a vu surgir une sécheresse sans précédent, parcourant d’est en ouest l’Afrique subsaharienne. Le régime des pluies a diminué fortement, déplaçant le front intertropical, le FIT, de plusieurs centaines de kilomètres vers le sud. Les populations rurales et pastorales ont été frappées à la fois par le manque d’eau et de nourriture. Après la Sécheresse de 1968, brutale, en 1972, seulement quatre années après, la sécheresse revient par surprise, détruisant les récoltes et le bétail et piégeant mortellement le bétail autour des points d’eau. Il y a eu très peu de victimes humaines durant cette période. En 1973, rétrospectivement par chance, se tient le Conseil des Ministres du Comité Interafricain d’Etudes Hydrauliques à Libreville. Il constate le désastre et rend actuelles les solutions étudiées pour remédier à la situation de 1968. La situation est assez urgente pour faire retourner dans leur pays plusieurs délégués. La sécheresse de 1983, la plus forte a paradoxalement eu moins d’effet que les précédentes. Car les états Africains ont placé l’approvisionnement en eau des zones rurales en tête de leurs préoccupations. En particulier les routes et pistes de dégagement permettent aux populations de quitter rapidement les points d’eau lorsque leur bétail a tout dévoré alentour. La maîtrise de l’eau s’est entre-temps diffusée. Depuis le début du XVIIIe siècle, la population humaine a été multipliée par huit et l’espérance de vie moyenne a plus que doublé. Les villes africaines ont souvent vu leur population multipliée par sept au cours des trente dernières années. Le développement urbain est clairement un phénomène inéluctable. Dans les pays les moins développés, il se fait, pour une large part, par la création de quartiers spontanés en périphérie des villes ou dans des espaces laissés libres et insalubres, dans les espaces verts. Ajoutée à celles du logement, de l’éducation et des communications, la situation de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement devient tragique. La désertification progresse. La conférence de Nairobi sur la désertification [United Nations, 1977] prévoit que « le tiers des terres arables du monde aura cessé d’être productif dans les 50 ans à venir ». Entre 1989 et 1992 se tiennent, notamment à Sophia Antipolis, les réunions des Bailleurs de fonds avec pour ordre du jour la mise en place de la future politique de coopération. Les grandes tendances sont d’abord un retrait de l’Afrique par manque de fonds, ensuite un accroissement des projets de maintenance en raison de la défaillance des pompes provoquée par la fermeture de l’entretien public, enfin une réorientation de l’aide vers les pays de l’Est enfin libérés de l’emprise soviétique. Et pourtant les perspectives sont sombres, pessimistes. Pourtant, pendant cette période 1968-1992, près du tiers des aides aux pays du Sahel a été consacré aux programmes d’hydraulique villageoise et pastorale. Des sommes considérables ont été investies dans la construction de puits et dans la réalisation de forages, cependant les évaluations des besoins estimés au milieu des années soixante, ne sont satisfaits qu’au tiers. En matière d’eau potable, compte tenu de la croissance démographique et de l’augmentation individuelle des besoins, liés à l’urbanisation et aux progrès de l’hygiène, on est très au-dessous de cette estimation. La conférence mondiale de l’eau de Mar del Plata a été l’étape-clé de la Décennie Internationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DIEPA) achevée en 1991. La formation et la diffusion des connaissances sont les instruments capables de susciter et d’accompagner les évolutions et les changements. La maîtrise de l’eau est hissée au rang de l’un des thèmes majeurs de notre monde. La DIEPA a engendré de nombreuses réalisations et fait surgir une masse d’informations contribuant à l’émergence d’experts. L’éducation, l’alimentation et la prévention, instruments essentiels d’une politique démographique et d’une réduction de la mortalité infantile, progressent partout, et surtout dans les pays en développement. Le milieu rural est le volet important de l’autosuffisance alimentaire. L’économie de l’eau est de mieux en mieux pratiquée. Les retenues, les barrages, les canaux, les dérivations se multiplient. La production agricole et l’irrigation en contre-saison commencent à être associées à la lutte contre la désertification et à la protection de l’environnement. La planification des besoins et des ressources devient une discipline à part entière. Les tentatives pour gérer les interactions des individus et de leur environnement sont aussi vieilles que les civilisations humaines, mais les changements quantitatifs de vitesse, d’échelle et de complexité imposent des modifications qualitatives et quantitatives de notre approche. Et l’on voit apparaître des experts dans cette discipline difficile, en même temps que des organismes dédiés. L’humanité a compris la nécessité de la solidarité et de l’effort. Au début du XXIème siècle, 11 % de la population mondiale, soit 768 millions d’individus, n’a pas accès à l’eau potable. C’était 23 % en 1990. Le progrès est énorme. Mais les statistiques sont trompeuses, l’Italie dispose de plus d’eau que l’Angleterre, en moyenne. En Afrique sub-saharienne, la situation reste peu rassurante. De 1990 à 2010, le taux de la population non raccordée est passé de 51 à 37 %. En moyenne. Le travail à accomplir est considérable. Si l’eau reste le patrimoine essentiel de l’espèce humaine, l’homme apprend tous les jours à la gérer, l’économiser, la préserver. Ce travail à peine ébauché progresse chaque jour, la leçon a été comprise. Il y a vingt-cinq ans, les prévisions pour l’Afrique sub-saharienne étaient fort pessimistes. Elles sont encore loin d’être bonnes.
Rien n’est jamais aussi bon que ce que l’on espère ni pire que ce que l’on craint