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All content in this area was uploaded by Thierry Meyer on Jan 06, 2016
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Abstract
Summary : The Heuristic Systematic Model : Multiple motives and regulation of judgment in social cognition.
Recent advances in the Heuristic Systematic Model (Chaiken, Giner-Sorolla and Chen, 1996 ; Chaiken, Liberman and
Eagly, 1989) are investigated as the basis of a general model of social cognition. The three main components of the model
are discussed : dual processing, regulation of quality and quantity of processing, and functional typology of motivations.
We focus both on goal-based regulation (exactitude, defense, and impression motivation) and metacognitive assessment
(perceived cognitive effort and confidence in judgment). The dual-process hypothesis and the distinction between heuristic
eues and arguments are discussed in terms oftext comprehension processes and strategie components of decision and
communication. Suggestions for development of the model are presented.
Key words : heuristic, social cognition, persuasion, motivation, goal, decision making.
Résumé
Résumé
Les développements récents du modèle de Traitement Heuristique Systématique de l'information (Chaiken, Giner-Sorolla
et Chen, 1996 ; Chaiken, Liberman et Eagly, 1989) sont présentés comme les bases d'un modèle général de la cognition
sociale. Les trois composantes du modèle sont passées en revue : dualité des modes de traitement de l'information,
régulation qualitative et quantitative des traitements, et typologie fonctionnelle des motivations. L'accent est mis
conjointement sur le rôle régulateur des buts poursuivis par l'individu (exactitude, défense et adaptation sociale) et sur le
rôle des évaluations métacognitives (effort cognilif subjectif et confiance dans le jugement) dans la production des
jugements. Le postulat de dualité des traitements et la distinction entre indices heuristiques et arguments sont discutés du
point de vue des processus de compréhension de texte et des composantes stratégiques de la communication. Des axes
de développement du modèle sont suggérés.
Mots-clés : heuristique, cognition sociale, persuasion, motivation, but, décision.
Citer ce document / Cite this document :
Meyer Thierry. Le modèle de Traitement Heuristique Systématique de l'information : motivations multiples et régulation
du jugement en cognition sociale. In: L'année psychologique. 2000 vol. 100, n°3. pp. 527-563.
doi : 10.3406/psy.2000.28658
http://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_2000_num_100_3_28658
Document généré le 17/10/2015
L'Année
psychologique,
2000,
100,
527-563
Département
de
Psychologie
EA
1588
Université
Paris
X1
LE
MODELE
DE
TRAITEMENT
HEURISTIQUE
SYSTÉMATIQUE
DE
L'INFORMATION
:
MOTIVATIONS
MULTIPLES ET
RÉGULATION
DU
JUGEMENT
EN COGNITION
SOCIALE
par
Thierry
MEYER2
SUMMARY
:
The
Heuristic
Systematic
Model
:
Multiple
motives
and
regulation
of
judgment
in
social
cognition.
Recent
advances
in
the
Heuristic
Systematic
Model
(Chaiken,
Giner-
Sorolla and
Chen,
1996
;
Chaiken,
Liberman
and
Eagly,
1989)
are
investigated
as
the
basis
of
a
general
model
of
social
cognition.
The
three
main
components
of
the
model
are
discussed
:
dual
processing,
regulation
of
quality
and
quantity
of
processing,
and
functional
typology
of
motivations.
We
focus
both
on
goal-based
regulation
(exactitude,
defense,
and
impression
motivation)
and
metacognitive
assessment
(perceived
cognitive
effort
and
confidence
in
judgment)
.
The
dual-process
hypothesis
and
the
distinction
between
heuristic
cues
and
arguments
are
discussed
in
terms
of
text
comprehension
processes
and
strategic
components
of
decision
and
communication.
Suggestions
for
development
of
the
model
are
presented.
Key
words
:
heuristic,
social
cognition,
persuasion,
motivation,
goal,
decision
making.
L'émiettement
de
la
psychologie
sociale,
qu'elle
soit
ou non
d'inspiration
cognitive,
en
de
multiples
microthéories
attachées
chacune
à
un
paradigme
unique
suscite
aujourd'hui
la
recherche
de
cadres
fédérateurs.
Le
modèle
de
Traitement
heuristique
systématique
de
l'information
(«
Heuris-
1.
200,
avenue
de
la
République,
F-92001
Nanterre.
E-mail
:
thierry.meyer@u-parislO.fr
2.
L'écriture
de
cet
article
a
été
facilitée
par
une
visite
sabbatique
au
département
de
psychologie
de
New
York
University.
Je
remercie
Shelly
Chaiken
et
les
membres
du
Social
Personality
Program
pour
leur
hospitalité.
528
Thierry
Meyer
tic
Systematic Model
»
;
Bohner,
Moskowitz
et
Chaiken,
1995
;
Chaiken,
1980,
1987
;
Chaiken,
Giner-Sorolla
et
Chen,
1996
;
Chaiken,
Liberman
et
Eagly,
1989
;
Chaiken,
Wood
et
Eagly, 1996)
a
l'ambition
de contribuer
à
cet
effort.
Conçu
initialement
dans
le
domaine
de
la
persuasion,
il
s'est
progressivement
enrichi
et
se
présente
aujourd'hui
comme
un
modèle
généraliste
de
la
cognition
sociale
pour
un
niveau
d'analyse
qui
privilégie
le
traitement
de
l'information
par
un
individu
singulier.
Notre
objectif
est
ici
d'offrir
une
synthèse
du
modèle
que
nous
désignons
ici
comme
le
modèle
THS
(Traitement
heuristique
systématique).
Nous
passerons
en
revue
les
trois
piliers
du
modèle
:
dualité
des
modes
de
traitement
de
l'information,
régulation
qualitative
et
quantitative
des
traitements,
typologie
fonctionnelle
des
motivations.
L'accent
porté
conjointement
sur
les
composantes
métacognitives
du
jugement
(confiance
et
effort
mental
perçus)
et
sur
les
buts
poursuivis
par
l'individu (motivations
multiples)
permet
de
proposer
des
prédictions
largement
«
au-delà
du
contexte
de
la persuasion
»
(Chaiken,
Liberman
et
Eagly,
1989).
La
discussion
portera
en
particulier
sur
le
postulat
de
dualité
des
traitements
et
sur
la
distinction
entre
heuristiques
et
arguments.
Nous
proposerons
quelques
axes
de
développement
du
modèle.
1.
PRESENTATION
DU
MODELE
THS
Le
modèle
THS
a
été
initialement
développé
pour
rendre
compte
des
changements
d'attitude
consécutifs
à
l'exposition
à
un
message
persuasif.
L'attitude
est
définie
comme
:
«
une
tendance
psychologique
qui
se
traduit
par
l'évaluation
d'une
entité
particulière
par
quelques
degrés
de faveur
ou
de
défaveur
»
(Eagly
et
Chaiken,
1993,
p.
1).
Mesurées
comme
un
ensemble
de
réponses
évaluatives
de
nature
cognitive,
affective
ou
comportementale
relatives
à
un
objet
d'attitude
(personne,
groupe,
opinion
politique,
projet,
produit
de
consommation,
etc.),
les
attitudes
présentent
des
propriétés
psychométriques
(consistance
interne)
et
structurales
(force,
accessibilité, etc.)
(Oison
et
Zanna,
1993
;
Petty,
Wegener
et
Fabrigar,
1997).
Le
modèle
THS
porte
en
particulier
sur
la
production
et
la
régulation
des
réponses
cogniti-
ves ou
jugements
de
valeur
qui
contribuent
à
la
permanence
ou
au
changement
des
attitudes.
Nous
ne
reviendrons
pas
ici
sur
l'historique
des
recherches
sur
la persuasion
depuis
les
modèles
fondés
sur
la
tradition de
l'apprentissage
à
ceux
fondés
sur
un
découpage
des
phases
de
réception
du
message
(Bromberg,
1990
;
Chaiken,
Wood
et
Eagly
1996
;
Yzerbyt
et
Corneille,
1994).
Motivations
multiples
et
modèle
THS
529
1.1.
TRAITEMENT
DUAL
DE
L'INFORMATION
:
HEURISTIQUE
VS
SYSTÉMATIQUE
1.1.1.
Dualité
de
traitements
et
principe
de
suffisance
Le
modèle
THS
repose
sur
des
processus
classiquement
documentés
dans l'approche
cognitive
du
jugement
et
de
la
prise
de
décision.
Il
partage
des
présupposés
communs
à
de
nombreux
modèles
de
traitement
de
l'information
arrivés
à
maturité
dans
les
années 80
(continuité
des
traitements,
capacités
limitées
de
traitement
de
l'information,
etc.
;
Massaro
et
Cowan,
1993
;
Smith,
1995).
Nous
traitons
l'information
la
plupart
du
temps
selon
un
principe
de
moindre
effort
(Allport,
1954)
et
de
suffisance
(Simon,
1976)
par
rapport
aux
buts
du
traitement.
Nos jugements
résultent
d'un
compromis
entre
l'effort
cognitif
consenti
et
la
validité
subjective
des
décisions.
L'activation
de
règles
disponibles
en
mémoire
et
facilement
récupérables
est
le
moyen
principal
de
prendre
des
décisions
non
seulement
dans
des
situations
routinières
mais
aussi
dans
des
situations
partiellement
ou
totalement
nouvelles
(Anderson,
1983
;
Higgins,
1996).
Pour
juger,
inférer,
décider,
nous
appliquons
ces
règles
dès
lors
qu'elles
satisfont
un
critère
d'acceptabilité
approprié
au
contexte
de
décision,
à
moins
que
nous
soyons
motivés
à
mobiliser
de
l'énergie
pour
consacrer
plus
d'effort
à
élaborer
des
réponses
nouvelles
plus
appropriées.
Deux
niveaux
de
traitement
sont
donc
distingués
:
la
reconnaissance,
rapide
et
de
faible
coût
cognitif,
basée
sur
des
schémas
disponibles
en
mémoire
et
l'analyse
détaillée
de
l'information
mobilisant
de
nombreuses
ressources
cognitives.
C'est
l'origine
des
modèles
duaux
de
traitement
de
l'information
développés
en
cognition
sociale
dans
le
domaine
de
l'influence
persuasive
(Petty
et
Cacioppo,
1986)
et
dans
le
domaine
de
la
formation
d'impression
(Brewer,
1988
;
Fiske
et
Neuberg,
1990
;
Gilbert,
1989).
Une
synthèse
récente
fait
un
point
critique
sur
ces
modèles
(Chaiken
et
Trope, 1999).
1.1.2.
Modes
de
traitement
heuristique
et
systématique
Le
modèle
THS
identifie
donc
deux
modes
de
traitement
:
le
traitement
heuristique
et
le
traitement
systématique.
Le
mode
de
traitement
heuristique
est
fondé
sur
l'application
de
règles
simples
(«
on
peut
faire
confiance
aux
avis
des
experts
»,
«
les
opinions
partagées
sont
correctes
»,
«
les
opinions
modérées réduisent
les
désaccords
»,
«
les
gens
sont
d'accord
avec
ceux
qu'ils
aiment
»,
etc.).
La
notion
d'heuristique
correspond
ici
à
l'idée
que
jugements
et
décisions
sont
issus
d'un
nombre
limité
d'opérations
mentales
ou
d'heuristiques,
peu
coûteuses
à
mettre
en
œuvre,
entendues
comme
des
moyens
simplifiés
de
traiter
l'information.
Des
règles
préconstruites
permettent
de
réduire
rapidement
le
nombre
d'alternatives
pour
produire
une
réponse
evaluative.
Les
individus
«
utilisent
une
entrée
d'information
minimale
en
conjonction avec
de
simples
structures de
connaissances
530
Thierry
Meyer
(déclaratives
ou procédurales)
pour
déterminer
rapidement
et
efficacement
la
validité
d'un
message
»
(Chaiken, Liberman
et
Eagly,
1989,
p.
216). Par
exemple,
des
applaudissements
associés
à
un
message
rendent
le
message
plus attractif
comme
si
les
individus
suivaient la
règle
«
l'opinion
de
la
majorité
est
correcte
»
(Axsom, Chaiken
et
Yates,
1987).
Les
heuristiques
ne
se
placent
pas
ici
dans
un cadre
normatif
où
elles
seraient
envisagées
comme
des
sources
d'erreur
de
jugement
(cf.
approche
en
termes
de
biais
et
d'heuristique
;
Fiedler
et
Schmidt,
1995
;
Kahneman
et
Tversky,
1996
;
Tversky
et
Kahneman,
1974).
Même
si
les
risques
d'invalidité
des
jugements
sont
augmentés,
l'application
de
ces
règles
est
la
plupart
du
temps
suffisante
dans
le
contexte
de
la
décision.
Le
mode
de
traitement
heuristique
ne
requiert
«
ni
élaboration
cognitive,
ni
implication émotionnelle
»
(Chaiken,
Pomerantz
et
Giner-Sorolla,
1995).
Bien
que
peu
formalisées,
les
heuristiques
de
jugement
se
présentent
généralement
sous
forme
de
règle
de
production
(
«
si
la
source
du
message
est
experte
alors l'argument
est
valable
»
).
Les
heuristiques
sont
supposées
reliées
aux
attitudes,
elles
présentent
donc
généralement
une
orientation
evaluative.
Par
exemple,
la
longueur
d'un
message
est
associée
à
une
valeur
positive
(
«
un
message
long
est
un
message
de
qualité
»
).
Assimilées
à
des
connaissances
procédurales conservées
en
mémoire,
les
heuristiques
ne
seront
activées
que
pour
autant
qu'elles
soient
disponibles
et
aisément
récupérables
au
moment
du
jugement. Sensibles
aux
effets
de
l'amorçage
(priming),
elles
ne
sont
pas
appliquées
de manière
automatique,
mais selon
leur
pertinence
dans la
situation
actuelle
(Higgins,
1996
;
Roskos-Ewoldsen
et
Fazio,
1992).
Le
traitement
heuristique
procède
par
sélection
d'indices
définis
comme
«
toute
variable
dont
l'impact
sur
le
jugement
est
supposé
être
médiatisé
par
une
simple
règle
de
décision ».
Dans
le
domaine
de
la
persuasion
basée
sur
un message,
ces
«
indices
heuristiques
»
concernent
typiquement
les
éléments
distincts
du
contenu
sémantique
du
message
(les
arguments
du
message).
Les
indices
les
plus
fréquemment étudiés
sont
:
—
la
source
du
message
:
identité,
crédibilité,
attrait
physique,
état
émotionnel,
etc.
;
—
les
comportements
et
opinions
d'
Autrui
à
propos
de
l'objet
d'attitude
sur
lequel
porte
le
message
:
opinion
d'un
individu, réactions
spontanées d'un
public,
résultats
d'une enquête,
etc.
;
—
les
propriétés
non
sémantiques
ou
caractéristiques
dites
de
surface
du
message
:
nombre d'arguments,
vitesse
d'élocution,
média,
typographie,
etc.
Plus
récemment
a
été
introduite
l'idée que la
conscience
de
ses
propres
états
et
processus
mentaux
impliqués
dans
le
jugement
sur
l'objet
d'attitude
pourrait
fonder
des
heuristiques.
Ainsi
Rothman
et
Schwarz
(1998)
montrent
que
chez
des
individus
qui
s'estiment peu
exposés
aux
risques
cardiaques,
la
vulnérabilité
subjective
relative
à
ces
risques
est
fonction
de
la
facilité
de
rappel
de
comportements risqués
(il
est
plus
facile
de
se
Motivations
multiples
et
modèle
THS
531
rappeler
trois
plutôt
que
huit
comportements
risqués)
:
«
Si
je
me
souviens
facilement de
situations
d'exposition
au
risque
alors
je
suis
exposé
au
risque
». Le
même
type
de
raisonnement
pourrait
être
élargi
aux
émotions.
En
contrepoint,
le
mode
de
traitement
systématique
implique
«
une
orientation
comprehensive
et
analytique
du
traitement
de
l'information
dans
laquelle
le
percevant
prendra
en
compte
toute
l'information
disponible
en
fonction
de
sa
pertinence
et
de
son
importance
au
regard
de
la
tâche
de
jugement
;
il
intègre
toute l'information
utile
pour
fonder
ses
jugements
»
(Chaiken,
Liberman
et
Eagly,
1989,
p.
212).
Dans
le
cadre
du
paradigme
de
l'exposition
à
un
message
persuasif,
le
mode
de
traitement
systématique
s'adresse
typiquement
au
contenu
sémantique
du
message.
Ce
contenu
est
le
plus souvent
opérationnalisé
par
un
contraste
entre
deux
textes
distincts
selon
la
force
de
leurs
arguments.
Par
exemple,
les
attitudes
quant
au
recyclage
des
déchets
sont
mesurées
avant
et
après
l'exposition
à
un
message
sur
ce
thème
(Smith
et
Petty,
1996).
Celui-ci
comporte
soit
un
argument
fort
(
«
le
recyclage
réduit
la
surcharge
des
décharges
qui
sont
déjà
remplies
à
75
%
de
leur
capacité »
)
soit
un
argument
plus
faible
(le
pourcentage
est
moins
alarmiste
:
«
[...]
25
%
de
leur
capacité
»).
L'impact
de
la
qualité
des
arguments
sur
le
changement
d'attitudes
relatives
au
recyclage
est
un
indicateur
opérationnel
de
traitements
plus
systématiques. Comme
les
traitements
heuristiques,
les
traitements
systématiques
sont
sensibles
aux
effets
de
la
disponibilité
et
de
l'accessibilité
des
connaissances.
Nous
reviendrons
en
discussion
sur
la
validité
d'une
opposition
entre
arguments
fondés
sur
le
contenu
sémantique
du
message
et
indices
heuristiques
fondés
sur
des
informations
non
sémantiques.
1.1.3.
Modes
de
traitement
et
changement
d'attitude
La
distinction
entre
deux
modes
de
traitement,
heuristique
et
systématique,
est
légitimée
en
pratique
par
sa
valeur
prédictive relative
au
changement
d'attitude
consécutif
à
l'exposition
à
un
message
persuasif.
Suivant
Greenwald
(1968),
le
changement
d'attitude
serait
proportionnel
aux
«
réponses
cognitives
»
suscitées
par
les
arguments
du
message.
Avec
un
message
fortement
argumenté,
un
traitement
systématique
(haut
degré
d'élaboration)
amènerait
un
changement
dans
le
sens
favorable au
message
(et
un
changement défavorable
dans
le
cas
d'un message
faiblement
argumenté).
Autant
que
les
indicateurs
de
la
quantité
des
traitements
(qualité
de
la
mémorisation
des
arguments,
temps
de
latence),
les
indicateurs
de
la
qualité
des
traitements
sont
donc
prédictifs
d'un
changement ou
d'un
non-
changement
d'attitude.
Les
elaborations
sont
généralement recueillies
immédiatement
après
l'exposition
au
message
persuasif
selon
le
protocole
de
la
tâche
de
listage
des
idées
(Brock
et
Shavitt,
1983).
Chaque
participant
est
invité
à
rapporter
en
temps contraint
(trois
minutes
par
exemple)
ce
qui
lui
est
venu
à
l'esprit
pendant
la
lecture
du
message.
Une
analyse
de
contenu
permet
de
séparer
les
contenus
manifestes
(centrés
sur
les
arguments
du
texte,
la
source
ou
autres)
et
l'orientation
par
rapport
à
l'objet
532
Thierry
Meyer
d'attitude
(favorable,
défavorable
ou
neutre),
et
d'en
dériver
des
indices.
Remarquons
qu'une
consigne
qui
demande
explicitement
des
elaborations
positives ou
négatives
a
un
effet
sur
le
changement
d'attitude
(Killeya
et
Johnson,
1998).
Cette
congruence
entre
réponses
cognitives suscitées
par
le
message
et
changement
d'attitude
a
été
à
la
base
du
modèle de
Probabilité
d'élaboration
ou
modèle
ELM
(Corneille,
1993
;
Petty
et
Cacioppo,
1986).
Ce
modèle
identifie
deux
«
routes
»
pour
la persuasion
en
opposant
des
traitements
«
périphériques
»
-
analogues
aux
traitements
heuristiques
—
aux
traitements
«
centraux
»
—
analogues
aux
traitements
systématiques.
Le
modèle
THS
prolonge
le
modèle
ELM
et
suggère
des
processus
plus
précis
de
traitement
de
l'information
(cf.
Chaiken,
Wood
et
Eagly,
1996
;
Eagly
et
Chaiken,
1993
;
Petty,
1994
pour
une
comparaison
des
deux
modèles).
1
.
2.
ACTIVATION
DES
MODES
DE
TRAITEMENT
:
MOTIVATIONS,
CAPACITÉS,
CONNAISSANCES
L'activation
de
tel
ou
tel
mode
de
traitement
dépend
de
facteurs
cogni-
tifs
et
motivationnels.
La
capacité
cognitive concerne
les
ressources
disponibles
pour
effectuer
les
traitements. Cette
capacité
peut
être
limitée
par
des
facteurs
connus
comme
le
temps
disponible
(Ratneshwar
et
Chaiken,
1991
;
Svenson
et
Maule,
1993),
la
concurrence
d'autres
tâches
et
la
distraction
(Gilbert,
1989),
le
rythme
circadien
(Bodenhausen,
1990),
le
stress
(Driskell
et
Salas,
1996).
Par
exemple,
chez
les
participants
dont
l'humeur
a
été
manipulée
dans
le
sens
de
la
dépression,
des
pensées
intruses
distraient
l'attention
et
entraînent
une
incapacité
à
repérer
des
contradictions dans
un
texte
du
fait
de
la
difficulté
à
allouer
des
ressources
suffisantes
pour
la
compréhension
elle-même
(Ellis
et
al.,
1997).
Le
défaut de
connaissances
quant
à l'objet
d'attitude
(Wood,
Kallgren
et
Priestier,
1985),
ou
la
complexité
d'un
message
(Hafer,
Reynolds
et
Obertynski,
1996)
peuvent
entraîner
une
incapacité
à
traiter
l'information
relative
au message.
Une
telle
limitation
des
capacités
attentionnelles,
comme observée
sous un
niveau
élevé
de
stress,
a
elle-même
un
impact
sur
les
stratégies
de décision.
Loin
de
considérer
l'ensemble
des
alternatives
possibles,
les
individus
stressés
choisissent
la
première
option
viable
qu'ils
trouvent
(Keinan,
1987).
Plus
généralement,
le
stress
amène
à
choisir
des
stratégies de
prise
de
décision
de type
heuristique plutôt
que systématique.
Comme
le
prévoit
le
modèle
THS,
les
deux
stratégies
peuvent
tout
autant
améliorer
que
diminuer
la
performance
(Klein,
1996).
Le
traitement
systématique,
parce
que
consommateur
de
capacité
cognitive,
est
spécialement
affecté
par
une
limitation
des
ressources.
La
capacité
n'est
cependant
pas
à
elle
seule
suffisante
pour
engager
des
traitements
systématiques.
Les
individus doivent
être
motivés
pour
traiter
l'information.
La
motivation
est
entendue
sous
deux
angles
classiques
(Vallerand
et
Thill,
1993).
Un
angle énergétique
avec
l'allocation
de ressources cognitives,
et
un
angle
plus
stratégique avec
la
prise
en
compte
des
buts
de
l'activité
qui
affectent
les
ressources
vers
cer-
Motivations
multiples
et
modèle
THS
533
taines activités plutôt
que
d'autres.
Le
but
est
défini
ici
comme
un
schéma
de
connaissance
représenté
en
mémoire
et
donc
susceptible
d'être influencé
par
des
effets
de
contexte
(Gollwitzer
et
Bargh,
1996).
Nous développerons
plus
loin
la
typologie
des
motivations
proposée
par
le
modèle
THS.
1.3.
INTÉGRATION
ENTRE
MODES
DE
TRAITEMENT
ET
AUTORÉGULATION
DES
JUGEMENTS
Les
résultats
produits
d'un
côté
par
les
traitements
heuristiques
et
de
l'autre
côté
par
les
traitements
systématiques
font
l'objet d'une
intégration
pour
élaborer
le
jugement
courant
sur
l'objet
d'attitude.
Celui-ci
est
ensuite
évalué
comme
étant
ou
non
suffisant
au
regard
des
buts
poursuivis.
S'il
est
insuffisant,
d'autres
traitements
seront
engagés.
S'il
est
suffisant,
le
jugement
courant
sera
accepté
comme
le
jugement
final1.
Autrement
dit,
le
modèle
THS
appelle
une régulation
dirigée
par
les
buts.
C'est
l'appréciation
de
l'écart
au
but
qui
dirige
l'allocation
de
nouvelles
ressources
pour
les
traitements.
1.3.1.
Combinaison
additive
et
non
additive
des
modes
de
traitement
L'intégration
entre
les
modes
de
traitement
a
fait
l'objet
de
recherches
empiriques qui
ont
en
particulier
testé
l'influence
du
caractère
complémentaire
ou
contradictoire
(degré
de
congruence)
des
informations
issues des
traitements
heuristiques
et
systématiques
(Bohner,
Moskowitz
et
Chaiken,
1995). L'attention
s'est
par
ailleurs
portée
sur
l'influence
de
la
motivation
et
des
propriétés
du
message
lui-même
(nombre
d'arguments,
ambiguïté,
etc.).
L'intégration
des
modes
de
traitement
est
soit
additive
soit
non
additive.
1.3.1.1.
Influence
additive
:
indépendance
entre
traitement
systématique
et
traitement
heuristique
L'influence
du
traitement
systématique
s'ajoute
au
traitement
heuristique
suivant
une
intégration
de
type
algébrique (Anderson,
1991).
C'est
le
poids
relatif
accordé
aux
informations
issues
de
chaque
mode
de
traitement
qui
entraîne
la
décision
finale.
Même
si
un
traitement
parallèle
n'est
pas
exclu,
le
traitement
heuristique
interviendrait
en
premier
ou par défaut.
La
coïncidence
entre
un
schéma attendu
et
des
indices
disponibles
entraîne
l'adoption
de
l'heuristique.
Ainsi
la
reconnaissance
d'indices
typiquement
1.
C'est
dans
le
but
de
faciliter
l'exposé
du
modèle
que
nous
introduisons
cette
distinction
entre
jugement
courant
et
jugement
final
sur
l'objet
d'attitude.
Le
jugement
courant,
de
caractère
privé,
est
plus
directement
saisis-
sable
par
des
protocoles
verbaux
de
type
pensée
à
voix
haute,
alors
que
le
jugement
final
est
recueilli
par
des
procédures
de
recueil
explicite
des
jugements
(échelle
d'attitude
par
exemple).
534
Thierry
Meyer
associés
à
l'expertise
de
la
source
du
message,
par
exemple
un
titre
honorifique
comme
«
Dr
X
»,
entraîne
l'application
de
l'heuristique
«
les
experts
ont
raison
».
Dans
un
second
temps,
d'autres
traitements,
systématiques
ou
heuristiques,
s'ajoutent
à
cette
première
décision
et
pondèrent
le
jugement
courant.
Dans
la
mesure
où
les
heuristiques
sont
des
règles
fonctionnelles
dans
un
contexte
de
décision
particulier,
les
traitements ultérieurs
confirment
le
plus
souvent
le
schéma attendu. Cependant,
si
les
attentes
liées
au
schéma
ne
sont
pas
confirmées,
alors
un
effort
plus
élevé
d'exploration
de
l'information
sera
engagé
(traitement
systématique).
L'heuristique
sera
ainsi
corrigée
ou
même
abandonnée
si
le
Dr
X
s'avère
tenir
des
propos
qui
minent
sa
crédibilité.
Il
s'ensuit
que
l'impact
initial
du
traitement
heuristique
diminue
au
fur
et
à
mesure
que
le
traitement
systématique
se
poursuit.
Dans
une
recherche
présentée
comme
une étude
commerciale
sur
les
répondeurs
téléphoniques
(Maheswaran
et
Chaiken,
1991),
les
participants
sont
amenés
à
croire
que
soit
une
minorité,
soit
une majorité
de
consommateurs
préfère
telle
marque.
Comme
attendu,
les
participants
les
plus
impliqués
(ils
répondent
à
un
questionnaire
pour
la
mise
au
point
définitive
du
produit
dans
leur
région)
traitent
le
message
de
manière
plus
systématique
que
les
participants
les
moins
impliqués
(ils
répondent
à
un
questionnaire
qui
intéresse
une
région
qui
n'est
par
la
leur,
et
dont
le
traitement
donnera
peu de
place
aux
réponses
individuelles).
La
règle
(
«
si
la
majorité
apprécie
le
produit
alors
le
produit
est
bon
»
)
est
pondérée
par
un
examen
attentif
des
arguments
du
message.
Si
les
arguments
du
message
plaident
dans
le
sens
contraire
de
la
règle
(les
informations
relatives
au
produit
vont
dans
le
sens
opposé
à
l'opinion
de
la
majorité)
alors
cette
incongruence
donne
encore
plus
de
poids
au
traitement
systématique
dans
l'élaboration
du
jugement
courant.
Si
bien
que
même
si
l'implication
initiale
est
faible,
une
incongruence
entre
le
message
et
les
attentes
motive
à
engager
un
traitement
systématique
qui
corrige
le
traitement
heuristique.
1.3.1.2.
Influence
non
additive
:
le
traitement
heuristique
biaise
le
traitement
systématique
Quand
un
message
est
ambigu,
la reconnaissance d'un
indice
heuristique
engage
les
traitements
dans
une
direction
particulière.
L'interprétation
du
message
est
alors colorée
par l'heuristique
initiale,
que
celle-ci
soit
valide
ou
non.
Par
exemple,
le
compte
rendu
d'une
étude
comparative
sur
trois
produits
de
consommation conclut
clairement
soit
en
faveur
du
produit
A,
soit
en
défaveur
du
produit
A,
ou
donne
une
conclusion
ambiguë
(autant
d'arguments
favorables
que
défavorables, Chaiken
et
Maheswaran,
1994).
La
source
du
texte
(Revue
de
consommateurs
vs
Publicité
d'un
grand
magasin)
est
supposée
servir
d'indice
appelant
une
heuristique
de
crédibilité
de
la
source.
Les
participants
ayant
un
niveau
faible
de
motivation
à
traiter
l'information
(ils
sont
informés
que
leurs
réponses
ne
seront
pas
prises
en
compte pour
la
mise
au
point
définitive
du
produit)
utilisent
l'indice
heuristique
(crédibilité
de
la
source
du
texte)
pour
fonder
leur
jugement
Motivations
multiples
et
modèle
THS
535
envers
le produit
quels
que
soient
les
arguments
du
texte.
Quand
la
motivation
est
élevée
(les
participants
sont
informés
que
leurs
réponses
aideront
à
la
mise
au
point
définitive
du
produit),
l'indice
heuristique
n'est
utilisé
que
si
les
arguments
sont
ambigus.
Le
message
est
alors
interprété
dans
le
sens
suggéré
par
la
crédibilité
de
la
source.
L'heuristique
de
crédibilité
de
la
source
n'infléchit
pas
les
jugements
quand
les
arguments
sont
clairement
orientés
(le jugement
est
d'autant
plus
favorable
que
la
source
est
crédible).
Pour
ces
participants
seulement
(motivation
élevée),
une crédibilité
haute
(Revue
de
consommateurs)
entraînera une
attitude
plus
favorable.
Le
principe
d'une
combinaison, additive
ou
non
additive,
des
modes
de
traitement
est
aujourd'hui
partagé par
la
plupart
des
modèles
qui
postulent
une
dualité
de traitement.
Les
deux
routes
de
la
persuasion
selon
le
modèle
ELM,
envisagées
à
l'origine
comme
substitutives,
sont
présentées
dans
les versions
plus
récentes
du
modèle
comme
susceptibles
de
se
combiner
entre
elles
(Petty,
1994).
1.3.2.
Régulation
des
modes
de
traitement
:
les
composantes
métacognitives
Pour
rendre
compte
des
principes
de
régulation
impliqués
dans
le
modèle
THS,
nous
avons
recours
à
un schéma
(cf.
fig.
1).
Bien
que
le
modèle
ne
se
soit
pas
prêté
à
une
modélisation
forte,
de
type
symbolique
ou
connexionniste, nous
utiliserons
un
diagramme
de
flux1
.
Le
point
de
départ
est
la
prise
d'information
relative
à
un
message
persuasif
concernant
un
objet
d'attitude
produit
par
une
source
dans
un
contexte
donné.
Le
point
d'arrivée
est
le
jugement
final
concernant
cet
objet
d'attitude
(L.
8).
Comme
nous
l'avons
vu,
les
traitements
heuristiques
et
systématiques,
ainsi
que
leur
intégration,
dépendent
de
facteurs
cognitifs,
motivationnels
et
des
capacités
cognitives
(L.
1
et
2).
Nous
avons
représenté
ces
facteurs
comme
un
seul
ensemble
pour
limiter
la
complexité
du
schéma.
Une
capacité
réduite
de
traitement
ou
une
motivation
faible
entraîne
une
prépondérance
du
mode de
traitement
heuristique
qui
privilégie
les
informations
indépendantes
de
la
qualité
des
arguments
contenus
dans
le
texte
(crédibilité
de l'émetteur,
longueur
du
message, réactions
du
public
vis-à-vis du
message,
etc.).
Quand
les
capacités
cognitives
sont
disponibles
et
que
la
motivation
est
forte,
alors
le
mode
de
traitement
systématique
aura
un
poids
plus
élevé
dans
l'élaboration
du
jugement
final.
Consécutivement,
le
changement
d'attitude
deviendra
plus
probable. Même
si
ces
prédictions
sont
déjà
suffisantes
pour
justifier
l'intérêt
pour les
modèles
duaux,
un
tel
cadre
est
à
l'évidence
trop
rigide
pour
rendre
compte
de
la
flexibilité de
la
pensée
humaine.
Une
caractéristique remarquable
du
modèle
THS
est
d'introduire
un
principe
de
régulation
fondé
sur
les
buts
du
jugement
et
sur
1.
Ce
diagramme
est
un
simple
support
pour
l'exposition
du
principe
de
régulation
proposé
dans
le
modèle
(cf.
Smith,
1995,
pour
une
discussion
approfondie
de
la
modélisation
en
cognition
sociale).
Début
■
Message
sur
l'objet
d'attitude
source
contexte
Prise
d'information
Capacités
Motivations
A
Connaissances
Confiance
désirée
dans
le
jugement
final
Traitements
heuristiques
0
Traitements
systématiques
Intégration
Jugement
courant
sur
l'objet
d'attitude
Confiance
perçue
dans
le
jugement
courant
Non-
Oui
Jugement
final
sur
l'objet
d'attitude
Fig.
1.
—
Représentation
élémentaire
des
composantes
du
modèle
de
traitement
heuristique
systématique
Schematic
depiction
of
the
main
components
of
the
Heuristic
Systematic
Model
Motivations
multiples
et
modèle
THS
537
l'évaluation
de
ses
propres
jugements.
L'individu
a
plus
ou
moins
conscience
de
l'effort
cognitif
qu'il
fournit
pour
atteindre
ces
buts,
comme
il
a
plus
ou
moins
confiance
dans
les
traitements
qu'il
met
en
œuvre.
1.3.2.1.
Régulation
à
partir
des
buts
:
confiance
désirée
et
confiance
perçue
Le
jugement
final
sur
l'objet
d'attitude
est
envisagé
non
comme
le
résultat
mécanique
de
l'intégration
des
informations
issues
des
traitements
heuristiques
et
systématiques,
mais
comme
le
produit
d'une
activité
régulée
par
l'évaluation
de
ses
propres
jugements
quant
à l'objet
d'attitude. Les
individus
proportionnent
leur
effort
de
traitement
de
l'information
en
fonction
d'une
comparaison
entre
la
confiance
désirée
dans
le
jugement
final
et
la
confiance
perçue
dans
le
jugement
courant.
D'un
côté,
la
confiance
désirée
dans
le
jugement
final
dépend
du
but
du
traitement.
Plus l'enjeu
est
important
(motivation
forte),
plus
les
individus
choisissent
un
seuil
élevé
de
confiance
désirée
ou
une
limite
de
suffisance
élevée
(L.
4).
D'un
autre
côté,
les
individus
ont
plus
ou
moins confiance
dans
le
jugement
courant (confiance
perçue)
.
Les connaissances
disponibles
à
propos
de
l'objet
d'attitude
(L.
3)
ou
le
fait
de
savoir
que
le
jugement
était
contraint
par
un
facteur
extérieur
diminuent
la
confiance
perçue.
L'effort
de
traitement sera
proportionné
au
degré
de
désaccord
(discrepancy)
entre
la
confiance
perçue
dans
le
jugement courant
(L.
6)
et
la
confiance
désirée
dans
le
jugement
final
(L.
5).
Quand
le
niveau
de
confiance
perçue rejoint
le
niveau
de confiance
désirée,
alors
le
jugement
courant
est
suffisant
pour
devenir
le
jugement
final
sur
l'objet
d'attitude
(L.
8).
Quand
le
niveau
de
confiance
perçue
ne
coïncide
pas
avec
le
niveau
de
confiance
désirée,
les
individus
allouent
plus
de ressources
au
traitement
de
l'information
dans
le
but
d'augmenter
la
confiance
perçue.
De
nouveaux
traitements
sont
donc
demandés
avec
un poids
accru accordé au
traitement
systématique
(L.
7),
pour
autant
que
les
ressources
disponibles
permettent
de
tels
traitements.
Un écart
important
entre
la
confiance
désirée
et
la
confiance
perçue
n'entraîne
en
effet
pas
toujours
un
traitement
plus
systématique.
En
particulier
si
la
capacité
à
traiter
l'information
est
faible,
alors
l'individu
pourra
activement
rechercher
d'autres
indices
heuristiques
susceptibles
d'accroître
la
confiance
perçue.
Cette
boucle
de
régulation
élémentaire
repose
donc
sur
la comparaison
entre
un
produit
(l'évaluation
du
jugement
courant)
avec
un
standard (confiance
désirée).
Deux
conditions
motivent
spécialement
à
plus
d'effort
cognitif
:
—
une
augmentation
de
la
confiance
désirée,
entraînée
par
exemple
par
une
augmentation
de
la
motivation
;
—
une
diminution
de
la
confiance
perçue
dans
le
jugement
courant.
Nous
avons
déjà
évoqué
le
cas
dans
lequel
l'heuristique
«
la majorité
a
raison
»
est
corrigée
par
l'examen
attentif
des
arguments
du
message
qui
plaide
pour
un
autre
choix
que
la
majorité
(Maheswaran
et
Chaiken,
1991).
C'est
bien
la
confiance
perçue
dans
l'heuristique
qui
est
affaiblie.
538
Thierry
Meyer
1.3.2.2.
Indicateurs
métacognitifs
Même
si
la
notion
de
métacognition
(Kliiwe,
1987
;
Nelson,
1996)
n'apparaît
pas
explicitement
dans
le
modèle
THS,
celui-ci
s'appuie
sur
des
indicateurs
métacognitifs
comme
la
fiabilité
perçue
des
jugements
ou
la
confiance
plus
ou
moins
grande
dans
les
processus
de
jugement
eux-mêmes
et
surtout
comme
l'écart
entre
confiance
désirée
et
confiance
perçue.
D'autres
indicateurs
métacognitifs
sont
aussi
invoqués
qui
contribuent
à
la
régulation
qualitative
et
quantitative
des
efforts
de
traitement.
Les
heuristiques
ne
sont
pas
toutes
équivalentes
du
point
de vue de
leur
crédibilité
subjective
:
celles
qui
résultent
d'un
défaut
de
connaissances
sont
jugées
moins
fiables
que
celles
qui
résultent
d'une
expertise
dans
un
domaine.
Dans
le
mode
de
traitement
systématique,
le
traitement
des
arguments
est
aussi
vraisemblablement
piloté
par
le
sentiment de
connaître
le
contenu
du
message.
La
confiance
dans
les
processus
de
jugement
eux-mêmes
appelle
par
exemple
le
sentiment
de
faire
un
effort
cognitif
plus
ou
moins
grand.
Les
traitements
systématiques
sont
ainsi
couramment
jugés
subjectivement
plus
crédibles
et
plus
coûteux
que
les
traitements
heuristiques.
Dans
ce
domaine
des
différences
individuelles
sont
attendues.
Le
sentiment
de
faire
un
effort
cognitif
varie
selon
que
les
individus
présentent
un
«
besoin
de
cognition
»
plus
ou
moins
élevé
:
si
la
tâche
est
routinière
les
individus
à
besoin
de
cognition
élevé
jugent
leur
effort
mental
plus
faible
que
ceux
à
besoin
de
cognition
faible.
Inversement,
si
la
tâche
est
nouvelle
et
complexe
les
individus
à
besoin
de
cognition
élevé
jugent
leur
effort
mental plus
important
que
ceux
à
besoin
de
cognition
faible
(Cacioppo,
Petty,
Feinstein
et
Jarvis,
1996).
Dans
une autre
direction,
Bohner,
Franck
et
Erb
(1998)
ont
discuté
des
conditions
dans
lesquelles
l'écart
entre
confiance
désirée
et
confiance
perçue
dépendrait
de
l'évaluation
de
sa
propre
capacité
à
réduire
cet
écart.
Des
traitements
supplémentaires
ne
sont
consentis
que
dans
la
condition
où
l'individu
croit
que
cet
effort
sera
bénéfique
parce
qu'il
est
capable
de
mettre
en
œuvre
ces traitements
appropriés
(auto-efficacité).
Si
je
doute
de
ma
propre
capacité
à
produire un
jugement
satisfaisant
alors
aucun
effort
supplémentaire
ne
sera
engagé.
La
régulation
des
jugements
ne
se
réalise
pas
nécessairement
selon
une
pleine
conscience
de
toutes
les
étapes
des
décisions. Une indication
de
ce
faible
degré
de
conscience
est
l'utilisation
des
effets
d'amorçage
pour
initier
des
buts
de
traitement
à
l'insu
de
l'individu
(Chen,
Schecter
et
Chaiken,
1996).
De
plus, même
si
les
individus
sont
conscients
des
buts
qu'ils
poursuivent,
ils
ne
sont
pas
nécessairement
conscients
des
conséquences
de
ces
buts
sur
les
modes
de
traitement
de
l'information.
Suivant
les
travaux
sur
le
contrôle
(Uleman
et
Bargh,
1989),
et
plus
particulièrement
sur
les
rapports
entre
intentionnalité
et
motivation
(Bargh,
1997
;
Gollwitzer
et
Bargh,
1996),
le
point
de
vue
est
donc
balancé.
Plusieurs voies
sont
envisageables,
les
unes
conscientes,
les
autres
inconscientes.
Dans
la
mesure
où
la
rupture
d'une
routine
entraîne
un
mode
plus