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Fide´lite´, validite´ discriminante et pre´dictive de l’Indice
de pre´diction du de´crochage
Isabelle Archambault et Michel Janosz
Universite´ de Montre´al
Le de´crochage scolaire touche une forte proportion de jeunes de tous les milieux. Ne´anmoins, il demeure
plus fre´quent chez les garc¸ons de milieux de´favorise´s. A
`
l’heure actuelle, les principaux facteurs
(sociaux, familiaux, scolaires) qui pre´disent le de´crochage sont largement documente´s dans les e´crits
scientifiques. Par contre, les outils de de´pistage permettant de cibler efficacement les jeunes a` risque de
de´crocher demeurent peu nombreux. L’objectif de l’e´tude e´tait d’e´tablir la fide´lite´ et la validite´de
l’Indice de pre´diction du de´crochage (IPD), un indicateur permettant de de´pister les de´crocheurs
potentiels. Les qualite´s psychome´triques de cet indicateur ont e´te´e´value´es au moyen d’un e´chantillon
longitudinal (3 ans) de 35 068 e´le`ves (47,2 % de garc¸ons) aˆge´s de 13 a` 16 ans. Ils provenaient de 79
e´coles secondaires qui participaient a` l’e´valuation de la strate´gie d’intervention Agir autrement (SIAA).
Les re´sultats de l’e´tude re´ve`lent que l’IPD pre´sente une bonne stabilite´ ainsi qu’une bonne capacite´
discriminante et pre´dictive. Il s’agit d’un indicateur pertinent pour de´pister les jeunes a` risque de
de´crocher et ainsi favoriser l’implantation efficiente de programmes de pre´vention cible´e.
Mots-cle´s :de´pistage, de´crochage scolaire, diffe´rences de genre, aˆge
Le de´crochage scolaire est un proble`me important dans plusieurs
socie´te´s occidentales. En 2004, au Que´bec, 11,1 % des jeunes de 17
ans, 19,4 % des jeunes de 20 ans et 20,3 % des jeunes de 30 ans ne
posse´daient pas de diploˆme d’e´tudes secondaires et ne fre´quentaient
plus l’e´cole (MELS, 2006). Ces proportions relativement e´leve´es
varieraient cependant en fonction du milieu socioe´conomique et du
sexe des e´le`ves (Ensminger & Slusarcick, 1992; Rumberger, 1995).
En effet, la pauvrete´a` l’enfance, plus particulie`rement, la pauvrete´
persistante repre´senterait l’un des principaux facteurs de risque du
de´crochage scolaire (Pagani, Boulerice, Vitaro & Tremblay, 1999).
Par ailleurs, les garc¸ons sont presque deux fois plus nombreux a`
de´crocher que les filles, et l’e´cart entre les sexes serait d’autant plus
important en milieux de´favorise´s (Bushnik, 2003; MELS, 2005).
Bien que la proportion de de´crocheurs ait diminue´ de moitie´ depuis
les anne´es 80 (MELS, 2006), les de´crocheurs demeurent vulne´rables.
Ils sont plus nombreux a` recevoir des prestations d’assurance-emploi
(Bowlby, 2005; Statistique Canada, 2002), changent plus souvent
d’emploi, gagnent de moins bons salaires (Kerckhoff & Bell, 1997;
McCaul, Donaldon, Coladarci & Davis, 1992) et sont plus a` risque de
de´velopper des proble` mes de comportement inte´ riorise´s et
exte´riorise´s (Freeman, 1996; Kaplan, Damphousse & Kaplan, 1994).
A
`
l’heure actuelle, les principaux facteurs sociaux, familiaux et
scolaires permettant de pre´dire le de´crochage scolaire sont largement
documente´s (Ekstrom, Goertz, Pollack & Rock, 1986; Fortin, Royer,
Potvin, Marcotte & Yergeau, 2004; Garnier, Stein & Jacobs, 1997;
Janosz, LeBlanc, Boulerice & Tremblay, 1997). Depuis une quinzaine
d’anne´es, plusieurs programmes de pre´vention cible´e ont e´galement
e´te´e´tablis pour pre´venir le de´crochage (Janosz, Fallu & Deniger,
2000; Lehr, Sinclair & Christenson, 2004; Potvin, Fortin, Marcotte,
Royer & Deslandes, 2004). Par contre, il existe peu de strate´gies
efficaces de de´pistage permettant de cibler rigoureusement les jeunes
qui be´ne´ficieraient le plus de ces programmes. Pourtant, le recours a`
ces strate´gies est primordial dans la mesure ou` les programmes
pre´ventifs cible´s sont ge´ne´ralement couˆteux, d’ou` l’importance de
veiller a` ce que ce soient les e´le`ves risquant de de´crocher qui en
be´ne´ficient.
Le de´pistage des de´crocheurs potentiels
Selon LeBlanc et Morizot (2000), un instrument de de´pistage
valide doit re´pondre a` plusieurs crite`res. Il doit d’abord comporter une
variable de re´fe´rence e´tablie au moyen de pre´dicteurs importants
d’une proble´matique. Il doit e´galement avoir une bonne fide´lite´ dans
le temps (test-retest) et posse´der une bonne validite´ pre´dictive sur une
varie´te´ d’e´chantillons. Au Que´bec, divers outils, tels les question-
naires Pre´vention de l’abandon scolaire (PAS; Laliberte´, Lavoie &
Garneau, 1981, 1984), L’e´cole, c¸a m’inte´resse? (MEQ, 1983), De´ci-
sions (Quirouette, 1988) et E
´
valuation du risque de de´crochage en
milieu scolaire (DEMS) (Potvin et al., 2004), ont e´te´e´labore´s. Le
contenu de ces questionnaires, relativement semblable, fait re´fe´rence
a` plusieurs facteurs de risque individuels (perception de soi, relations
d’amitie´, isolement, etc.), scolaires (rendement, comportements, ab-
sente´isme, motivation, attitudes, aspirations, habilete´s, etc.) et
familiaux (structure familiale, attentes des parents, supervision etc.).
Tous ces outils comportent une variable de re´fe´rence et affichent une
bonne validite´ de contenu. Toutefois, les questionnaires PAS et
L’e´cole, c¸a m’inte´resse? pre´sentent des faiblesses me´thodologiques
qui nuisent a` leur validite´ pre´dictive (Beauchemin & Lemire, 1991;
Laliberte´ et al., 1981; voir Janosz & Le Blanc, 1997). Quant aux
Isabelle Archambault, Michel Janosz, E
´
cole de psychoe´ducation,
Groupe de recherche sur les environnements scolaires, Universite´ de Mon-
tre´al, Que´bec.
Toute correspondance concernant le pre´sent article doit eˆtre adresse´e a`
Isabelle Archambault, E
´
cole de psychoe´ducation, Universite´ de Montre´al,
C. P. 6128, succ. Centre-ville, Montre´al (Que´bec), Canada H3C 3J7.
Courriel : isabelle.archambault@umontreal.ca
Canadian Journal of Behavioural Science © 2009 Canadian Psychological Association
2009, Vol. 41, No. 3, 187–191 0008-400X/09/$12.00 DOI: 10.1037/a0015261
187
questionnaires De´cisions et DEMS, il existe malheureusement peu
d’informations publie´ es sur leurs qualite´ s psychome´triques
spe´cifiques en matie`redepre´diction du de´crochage. Certaines com-
munications rapportent que ces questionnaires pre´sentent une bonne
validite´ pre´dictive du risque de de´crocher (Fortin, Potvin & Pednault,
2004), mais les tests de validation pre´dictive du de´crochage re´el ne
semblent toutefois pas avoir e´te´ publie´s.
Le but du pre´sent article est de pre´senter les re´sultats des tests
d’e´valuation des qualite´s psychome´triques de l’Indice de pre´diction
du de´crochage (IPD), qui sert a`de´pister les jeunes a` risque de
de´crocher. Les travaux de Janosz, LeBlanc, Boulerice et Tremblay
(1997, 2000) sont a` l’origine de la cre´ation de l’IPD. Cet indice fait
partie de la Trousse d’e´valuation des de´crocheurs potentiels (TEDP;
Janosz, Archambault, Lacroix & Le´vesque, 2007), un outil d’e´valu-
ation complet qui permet de dresser le profil des de´crocheurs poten-
tiels et de les classer selon quatre profils : les discrets, les de´sengage´s,
les sous-performants et les inadapte´s (voir Janosz et al., 2000a). Il
permet e´galement d’e´valuer certaines facettes de la motivation sco-
laire de ces jeunes (sentiment de compe´tence et de controˆle face aux
taˆches scolaires, investissement scolaire), de leur processus de´cision-
nel face au de´crochage (avantages perc¸usdude´crochage, aspirations
scolaires, intentions de de´crocher), de leur investissement parascolaire
et de leur perception de l’engagement scolaire de leurs parents (sou-
tien, valorisation scolaire des parents).
L’IPD a d’abord e´te´e´tabli et valide´ au moyen de deux e´chan-
tillons d’e´le`ves de la re´gion de Montre´al, l’un datant de 1974,
l’autre, de 1985. Il est base´ sur des facteurs largement documente´s
quant a` leur influence sur le de´crochage, soit le rendement, le
retard et l’engagement (Fortin et al., 2004; Janosz et al., 1997).
Selon Janosz et ses colle`gues (1997), au moyen de ces facteurs de
risque scolaires, il est possible de classer correctement et de fac¸on
parcimonieuse plus de 80 % des e´le`ves (de´crocheurs ou diploˆme´s).
L’ajout de pre´dicteurs individuels ou familiaux lie´s au de´crochage
n’ame´liorerait donc pas de manie`re significative la puissance pre´-
dictive de l’IPD. D’ailleurs, a` l’heure actuelle, aucune e´tude ne
permet d’invalider ces re´sultats attestant la primaute´ des facteurs
scolaires en matie`redede´pistage. Cela dit, les e´chantillons sur
lesquels l’IPD a e´te´ teste´ datent de plus de 25 ans. Le but de la
pre´sente e´tude e´tait donc d’e´valuer, a` partir d’un e´chantillon ac-
tualise´, les qualite´s psychome´triques de l’IPD pour valider son
e´ventuelle utilisation clinique.
Me´thode
E
´
chantillon et proce´dure
Les participants a` cette e´tude e´taient issus d’un large e´chantillon
d’e´le`ves (environ 40 000) de 12 a` 18 ans. Ces jeunes provenaient
de 69 e´coles secondaires de milieux de´favorise´s et de 10 e´coles de
la classe moyenne. Puisque nous disposions de trois temps de
mesure (2003, 2004, 2005) et que l’aˆge le´gal pour de´crocher est
de 16 ans au Que´bec, l’e´chantillon se´lectionne´ pour cette e´tude
e´tait compose´ de 35 068 e´le`ves (47,2 % de garc¸ons), qui e´taient
aˆge´s de 13 a` 16 ans au premier temps de mesure.
Des questionnaires de type papier-crayon et auto-re´ve´le´ ont e´te´
administre´s en classe par les enseignants durant les mois de no-
vembre a`fe´vrier de chaque anne´e. On a demande´ le consentement
parental pour tous les e´le`ves de moins de 18 ans. Le taux moyen
de consentement obtenu e´tait de 76 %.
Mesures
L’IPD mesure trois facteurs de risque du de´crochage : le rende-
ment, le retard et l’engagement. Un coefficient de ponde´ration a e´te´
de´termine´ pour chacun de ces pre´dicteurs ve´rifie´s du de´crochage (voir
Janosz et al., 1997). Pour obtenir l’IPD, il suffit de ponde´rer le score
obtenu a` chaque e´chelle du questionnaire par ce coefficient et de faire la
somme de ces scores pour obtenir un score de risque pour chaque
individu (de 0 a`1)
1
. La somme de ces scores ponde´re´s est ensuite reporte´e
sur une e´chelle de probabilite´s de de´crocher gradue´e en rang centiles.
Le rendement ae´te´ mesure´ au moyen de la moyenne des notes en
franc¸ais et en mathe´matiques (« Au cours de cette anne´e, quelles sont
tes notes moyennes en franc¸ais/mathe´matiques ? »). L’e´chelle de re´-
ponses pour ces questions comporte 15 e´chelons (de 0 a`35%,de36
a`40%,...,de96a` 100 %). Le retard ae´te´ mesure´ au moyen d’un
item (« As-tu de´ja` double´ une anne´e scolaire ? »), auquel les e´le`ves
devaient re´pondre selon une e´chelle a` quatre points (non, 1 an, 2 ans,
3 ans ou plus). L’e´chelle d’engagement scolaire provient du ques-
tionnaire valide´ de Mesures de l’adaptation sociale et personnelle pour
les adolescents que´be´cois (MASPAQ; LeBlanc, 1998). Elle comporte
quatre questions regroupe´es sous une moyenne (par ex., « Jusqu’a`
quel point est-ce important pour toi d’avoir des bonnes notes ? »).
Les e´chelles de re´ponse de type Likert (« pas du tout » a` « tre`s
important ») comportent quatre ou cinq points (␣⫽0,74).
De´crochage. Le statut de de´crocheur a e´te´ obtenu au moyen des
donne´es officielles du MELS. Les jeunes non inscrits et n’ayant pas
obtenu de diploˆme du secondaire au 30 septembre des anne´es 2003,
2004, ou 2005 e´taient conside´re´s comme des de´crocheurs.
2
Re´sultats
Fide´lite´ test-retest
La stabilite´ test-retest
3
de l’IPD a d’abord e´te´e´value´e au moyen de
corre´lations de Pearson effectue´es entre chacune des administrations
du questionnaire. Les corre´lations obtenues e´taient de 0,75 entre l’an
1 et l’an 2, de 0,74 entre l’an 2 et l’an 3, et de 0,71 entre l’an 1 et l’an
3. Selon Cohen, (1988), une corre´lation de 0,50 est grande, ce qui
nous permet d’affirmer que, pour notre e´chantillon, l’IPD pre´sente
une excellente stabilite´ sur des pe´riodes relativement longues.
Validite´ discriminante
Des tests-t et des calculs d’ampleur d’effet ont e´te´ effectue´s pour
comparer les de´crocheurs aux non-de´crocheurs sur l’indice de
risque en fonction de l’aˆge et du sexe. Ces re´sultats sont pre´sente´s
au Tableau 1. Ce tableau indique d’abord que l’IPD permet de
1
P ⫽ exp((score
1
⫹ score
2
⫹ score
3
) ⫹ cste)/(1 ⫹ exp(score
1
⫹ score
2
⫹ score
3
) ⫹ cste); ou`p⫽ la probabilite´dede´crocher (min. 0, max., 1);
score
x
⫽ score ponde´re´ d’une e´chelle; les coefficients de ponde´ration ont
e´te´de´termine´s au moyen de mode`les de pre´diction (re´gressions logistiques,
Janosz et al., 1997); ces coefficients ⫽ beˆta des re´gressions; cste ⫽ la
constante du mode`ledepre´diction, de´termine´e au moyen du taux marginal
de de´crochage de l’e´chantillon de re´fe´rence.
2
Dans nos analyses, les raccrocheurs ne sont pas conside´re´s comme des
de´crocheurs.
3
La stabilite´ test-retest sur une pe´riode plus courte (trois semaines) a e´te´
ve´rifie´e aupre`s d’un sous-e´chantillon de 305 e´le`ves de secondaire 1 a`5.La
corre´lation obtenue e´tait de 0,84.
188
ARCHAMBAULT ET JANOSZ
discriminer de manie`re significative les non-de´crocheurs des de´-
crocheurs pour les garc¸ons et les filles de tous les groupes d’aˆges.
Par ailleurs, les re´sultats montrent que les garc¸ons de 13 ans
repre´sentent le groupe pour lequel l’indice semble le moins bien
discriminer. Enfin, en e´tudiant les ampleurs d’effet, on remarque
qu’a` 13, a`15eta` 16 ans, l’IPD semble le´ge`rement mieux dis-
criminer les de´crocheurs chez les filles.
Efficacite´ pre´dictive
La validite´ pre´dictive de l’IPD a e´te´ teste´e pour les garc¸ons et pour
les filles de diffe´rents groupes d’aˆges.
4
Selon diffe´rents points de
coupure, nous avons de´termine´ : 1) le nombre de vrais positifs, de
faux positifs, de vrais ne´gatifs et de faux ne´gatifs
5
; 2) la sensibilite´et
la spe´cificite´; 3) le rapport entre la sensibilite´etlaspe´cificite´. Pour une
variable donne´e, la sensibilite´re´fe`re a` la capacite´ de l’outil de classer
les e´le`ves a` risque qui vont de´velopper un proble`me (de´crocheurs),
tandis que la spe´cificite´ mesure sa capacite´a` classer les e´le`ves non a`
risque qui ne de´velopperont pas de proble`mes (non-de´crocheurs). Le
Tableau 2 pre´sente ces indices pour la totalite´ de l’e´chantillon. Il
indique d’abord que le taux de base du de´crochage (TBASE –
proportion de de´crocheurs) est de 9,3 % pour l’ensemble de l’e´chan-
tillon. Par ailleurs, les re´sultats spe´cifiques indiquent que, pour tous
les groupes d’aˆges, la pre´valence du de´crochage demeure toujours
plus e´leve´e chez les garc¸ons (e´cart de2%a` 8 %).
En outre, le Tableau 2 indique que plus le point de coupure
augmente, plus la spe´cificite´ augmente et plus la sensibilite´ diminue.
Ainsi, les chances de bien classer les jeunes qui de´crochent devien-
nent plus faibles. Pour maximiser la spe´cificite´ et la sensibilite´, le
point de coupure a` privile´gier pour l’ensemble de l’e´chantillon se situe
donc autour de 0,40. Selon ce point de coupure, la proportion
de non-de´crocheurs ade´quatement classe´s (spe´cificite´) est semblable
(72 %) a` la proportion de de´crocheurs correctement classe´s (73 %).
En examinant les donne´es spe´cifiques, on constate cependant
que les points de coupure a` privile´gier pour le de´pistage des
garc¸ons et des filles augmentent de fac¸on constante avec l’aˆge. En
effet, pour les garc¸ons, le point de coupure optimal a` 13 ans serait
de 0,35, tandis qu’il atteint 0,55 a` 16 ans. Chez les filles,
l’augmentation est moins importante puisque les points de coupure
optimaux qui permettent de maximiser la sensibilite´etla
spe´cificite´ varient de 0,35 a` 0,45 entre 13 et 16 ans.
Enfin, le rapport entre la sensibilite´etlaspe´cificite´ae´te´e´value´
au moyen de la Receiver Operating Characteristic Curve (courbe
ROC), et plus spe´cifiquement avec la zone sous la courbe (AREA
under the curve). Cet indicateur de´termine si la probabilite´
d’obtenir une classification valide (vrais positifs et vrais ne´gatifs)
est plus e´leve´e que la probabilite´ d’obtenir une classification non
valide (faux positifs et faux ne´gatifs). La valeur de 0,79 du AREA
pour l’ensemble de l’e´chantillon (Tableau 2) indique que la classifi-
cation est ade´quate.
6
Par ailleurs, compte tenu des re´sultats
spe´cifiques en fonction de l’aˆge et du sexe, on note que la classifica-
tion est ade´quate (de 0,70 a` 0,80) ou bonne (de 0,80 a` 0,90) et qu’elle
est le´ge`rement supe´rieure pour les filles et les e´le`ves plus aˆge´s.
Discussion
L’e´valuation des qualite´s psychome´triques de l’IPD indique
d’abord que, lorsqu’il est utilise´ aupre`s de jeunes de 13 a` 16 ans,
cet indice pre´sente une tre`s bonne stabilite´ sur trois anne´es con-
se´cutives. Ainsi, les e´le`ves qui pre´sentent un risque e´leve´de
de´crocher sont plus susceptibles de conserver ce niveau de risque
d’une anne´e a` l’autre s’ils ne sont pas soumis a` des interventions
spe´cifiques. Compte tenu que l’IPD est base´ sur des pre´dicteurs du
de´crochage relativement stables au fil des anne´es (Garnier et al.,
1997), ce constat est peu surprenant.
4
Un rapport complet incluant les tableaux de´taille´s en fonction de l’aˆge
et du sexe sera fourni sur demande.
5
Selon un point de coupure donne´, 1) vrais positifs : jeunes qui sont a`
risque (ayant un score supe´rieur au point de coupure) et qui de´crochent; 2)
faux positifs : jeunes qui sont a` risque et ne de´crochent pas; 3) vrais
ne´gatifs : jeunes qui ne sont pas a` risque et qui de´crochent; 4) faux
ne´gatifs : jeunes non a` risque qui de´crochent.
6
Afin de ve´rifier si le pouvoir de classification de l’IPD pouvait eˆtre
tributaire du niveau socioe´conomique des e´coles de notre e´chantillon, nous
avons e´galement e´value´ le AREA uniquement pour les 10 e´coles de la
classe moyenne. Selon les re´sultats de cette analyse, le pouvoir de classi-
fication de l’IPD demeurait le meˆme pour ce sous-e´chantillon (0,80) que
pour l’ensemble des e´coles de notre e´chantillon (0,79).
Tableau 1
Moyennes, e´carts types, tests-t et ampleur d’effet de l’IPD pour les de´crocheurs et les non-
de´crocheurs en fonction de l’aˆge et du sexe
Variable
Non de´crocheur De´crocheur
dl t A.E.ME
´
.-T. M E
´
.-T.
Garc¸ons
13 ans 0,21 0,21 0,27 0,22 2660 ⫺2,19
ⴱ
0,28
14 ans 0,28 0,26 0,57 0,30 3280 ⫺15,82
ⴱⴱⴱ
1,03
15 ans 0,37 0,28 0,64 0,28 2758 ⫺20,21
ⴱⴱⴱ
0,96
16 ans 0,36 0,28 0,68 0,27 2149 ⫺21,50
ⴱⴱⴱ
1,16
Filles
13 ans 0,25 0,24 0,47 0,31 3444 ⫺6,25
ⴱⴱⴱ
0,79
14 ans 0,34 0,28 0,60 0,29 2981 ⫺16,49
ⴱⴱⴱ
0,91
15 ans 0,28 0,25 0,62 0,28 3231 ⫺22,36
ⴱⴱⴱ
1,28
16 ans 0,26 0,25 0,66 0,25 2599 ⫺25,48
ⴱⴱⴱ
1,51
ⴱ
p ⬍ 0,05.
ⴱⴱⴱ
p ⬍ 0,001.
189
INDICE DE PRE
´
DICTION DU DE
´
CROCHAGE
Conforme´ment aux re´sultats rapporte´s par Janosz et al. (2000a),
notre e´tude indique e´galement que l’IPD pre´sente une bonne
validite´ discriminante pour les e´le`ves de tous aˆges. La capacite´
discriminante de l’IPD augmenterait toutefois avec l’aˆge des
e´le`ves et semble le´ge`rement supe´rieure pour les filles. La nature
des questions qui e´valuent l’engagement scolaire dans l’IPD pour-
rait expliquer ce re´sultat. En effet, il est possible qu’ au de´but de
l’adolescence, en re´ponse a` certaines contraintes de´veloppemen-
tales et contextuelles (par exemple, la puberte´ , la queˆte
d’autonomie, la transition primaire-secondaire, etc.), certains gar-
c¸ons pour qui l’e´cole fait peu de sens s’y sentent moins engage´s
sans toutefois eˆtre a` risque de de´crocher. Par contre, avec le temps,
leur engagement pourrait se pre´ciser et mieux permettre de dis-
criminer les de´crocheurs des non-de´crocheurs. Cette hypothe`se
me´rite toutefois d’eˆtre teste´e.
Le dernier objectif de cette e´tude e´tait d’e´tablir la validite´
pre´dictive de l’IPD. Nos re´sultats montrent que cet indice pre´sente
une sensibilite´ et une spe´cificite´ ade´quates. Il n’en demeure pas
moins que l’utilisation de l’IPD au cours d’une de´marche de
de´pistage ne´cessite un jugement clinique rigoureux. Puisque le
pouvoir de classification de l’indice varie selon le sexe, l’aˆge et les
diffe´rents points de coupure, l’intervenant doit tenir compte, dans
le cadre d’un de´pistage, d’une multitude de facteurs afin de bien
cibler les jeunes a` risque. Ainsi, si l’objectif de de´part est de faire
du de´pistage dans l’ensemble d’une e´cole, le point de coupure a`
privile´gier ne sera pas le meˆme que si l’on cherche a` cibler des
jeunes en classe d’adaptation scolaire. De la meˆme fac¸on, si
l’objectif est d’implanter un programme de pre´vention cible´, in-
trusif et couˆteux, l’intervenant devra cerner les jeunes a` haut risque
en ajustant le point de coupure en conse´quence.
Bien que cette e´tude ait permis d’e´tablir les qualite´s psy-
chome´triques de l’IPD, elle comporte certaines limites qu’il im-
porte de souligner. D’abord, e´tant donne´ que l’aˆge le´gal du de´cro-
chage au Que´bec est de 16 ans et que nous ne disposions que de
trois temps de mesure, la validite´ pre´dictive de l’IPD n’a pu eˆtre
ve´rifie´e que pour les e´le`ves de 13 a` 16 ans. Les e´tudes futures
devront donc chercher a` valider cet indice aupre`s d’un e´ventail
plus large d’e´le`ves du secondaire, voire du primaire. De plus,
l’e´chantillon d’e´le`ves utilise´ dans cette e´tude e´tait essentiellement
compose´ de jeunes issus d’e´coles de milieux de´favorise´s. Bien que
le de´crochage scolaire demeure plus e´leve´ dans ces milieux, dans
les e´tudes futures, il serait pertinent d’e´valuer la validite´ pre´dictive
de l’IPD aupre`s d’un e´chantillon plus repre´sentatif, compose´de
jeunes issus de tous les milieux.
Abstract
School dropout is a major issue reaching a high proportion of
youth; still, it is more prevalent for boys having low socioeco-
nomic status (SES). Predictors of this outcome (social, familial,
school) have been well documented in scientific literature. How-
ever, the number of effective tools developed to screen at-risk
students is less important. The aim of this study is to establish the
reliability and validity of the Dropout Prediction Index (DPI), a
screening indicator precisely built to target potential dropouts. The
psychometrics characteristics of this index were evaluated using a
3-year longitudinal sample of 35,068 students (47.2% boys aged
between 13 and 16 years at the first time of data collection (school
year 2002–2003). They came from 79 secondary schools partici-
pating in the New Approach New Solution Strategy (NANS).
Results of this study indicate that the DPI presents great reliability
as good predictive and discriminant validity. It appears as a rele-
vant indicator to target students at risk of dropping out and, thusly,
favor the implementation of more efficient prevention programs
for them.
Keywords: screening, school dropout, gender differences, age
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Tableau 2
Indices d’efficacite´ pre´dictive pour l’ensemble de la cohorte
Point de
coupure TBASE
Vrais
positifs
Faux
positifs
Vrais
ne´gatifs
Faux
ne´gatifs Spe´cificite´ Sensibilite´ AREA
0,35 0,093 1 936 8 508 18 193 616 68 % 76 % 0,79
0,40 0,093 1 847 7 348 19 353 705 72 % 73 % 0,79
0,45 0,093 1 750 6 280 20 421 802 76 % 70 % 0,79
0,50 0,093 1 655 5 477 21 224 897 80 % 65 % 0,79
0,55 0,093 1 532 4 615 22 086 1 020 83 % 60 % 0,79
0,60 0,093 1 399 3 856 22 845 1 153 86 % 55 % 0,79
0,65 0,093 1 270 3 238 23 463 1 282 88 % 50 % 0,79
0,70 0,093 1 143 2 704 23 997 1 409 90 % 45 % 0,79
190
ARCHAMBAULT ET JANOSZ
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Rec¸u le 1 mai 2007
Re´vise´ le 1 mai 2007
Accepte´ le 16 janvier 2009 䡲
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INDICE DE PRE
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DICTION DU DE
´
CROCHAGE