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Algorithmique et apprentissage de la preuve

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Abstract

Dans cet article, nous présentons tout d’abord une étude épistémologique sur la place et le rôle de l’algorithme dans la science mathématique. Nous étudions les différents aspects de l’algorithme suivant une dichotomie outil-objet, puis nous développons le lien privilégié qu’il entretient avec la preuve. En s’appuyant sur cette étude, nous proposons une analyse des pro- grammes du lycée ainsi que des manuels. Nous proposons, dans un troisième temps, une situation de recherche en classe mettant en jeu l’algorithme. Les résultats d’expérimentations de cette situation montrent comment la construction d’algorithmes, leur preuve et l’analyse de leur complexité peuvent être questionnées en classe.
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ALGORITHMIQUE
ET APPRENTISSAGE
DE LA PREUVE
Simon MODESTE, Sylvain GRAVIER
ERTé Maths à Modeler,
Irem de Grenoble
Cécile OUVRIER-BUFFET
ERTé Maths à Modeler
Irem de Paris 7
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
questions. Si bien que la recherche de pro-
cédures effectives est, aujourd’hui encore
plus, une problématique centrale des mathé-
matiques. Le rôle de l’algorithme est si impor-
tant qu’il est au centre d’une discipline propre,
l’algorithmique, à l’intersection entre mathé-
matique et informatique et dont l’essor actuel
est considérable.
Face à cette évolution de la science mathé-
matique et à la présence grandissante de
l’informatique et de ses applications autour
de nous, l’enseignement des mathématiques
Introduction
L’algorithme est un objet méconnu. Sou-
vent vu comme un objet de l’informatique, on
l’associe à la programmation. Cependant,
l’algorithme est avant tout un objet des
mathématiques. « Avant tout », car la notion
d’algorithme précède de beaucoup l’infor-
matique. Le terme trouve d’ailleurs son ori-
gine dans le nom al-Khwarizmi, nom de
l’auteur du plus ancien traité d’algèbre connu,
datant du IXème siècle. Bien sûr, la forma-
lisation de ce concept doit beaucoup aux
avancées de l’informatique. Cette dernière a
aussi enrichi les mathématiques de nouvelles
Résumé : Dans cet article, nous présentons tout d’abord une étude épistémologique sur la place
et le rôle de l’algorithme dans la science mathématique. Nous étudions les différents aspects
de l’algorithme suivant une dichotomie outil-objet, puis nous développons le lien privilégié qu’il
entretient avec la preuve. En s’appuyant sur cette étude, nous proposons une analyse des pro-
grammes du lycée ainsi que des manuels. Nous proposons, dans un troisième temps, une
situation de recherche en classe mettant en jeu l’algorithme. Les résultats d’expérimentations
de cette situation montrent comment la construction d’algorithmes, leur preuve et l’analyse de
leur complexité peuvent être questionnées en classe.
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
doit être requestionné. En 2000, la commis-
sion Kahane proposait l’introduction d’une
« part d’informatique dans l’enseignement
des sciences mathématiques et dans la formation
des maîtres » (Kahane, 2000, p. 1). Aujourd’hui,
c’est dans les programmes de seconde que
l’algorithmique trouve une place. Cette pré-
sence dans l’enseignement mathématique
pourrait entraîner des malentendus entre les
communautés mathématique et informatique,
notamment concernant la légitimité des ensei-
gnants de mathématiques à enseigner l’algo-
rithmique.
Et bien que ces derniers puissent pen-
ser que l’informatique est loin de leurs pré-
occupations, l’algorithmique relève bien de
problématiques mathématiques. Se pose
aussi une question de formation. A priori, peu
d’enseignants ont étudié l’algorithmique en
tant que telle dans leur cursus et l’algorith-
me risque de devenir un simple outil infor-
matique pour les mathématiques. On peut
alors s’interroger : quel accueil les ensei-
gnants de mathématiques vont-ils faire à
l’algorithmique ?
Il semble donc essentiel d’aborder la ques-
tion de l’introduction de l’algorithme dans
l’enseignement des mathématiques d’un point
de vue didactique. Ces questions ont été peu
abordées et la didactique s’est surtout inté-
ressée à la programmation et à l’outil algorithme
plus qu’à l’objet mathématique. On peut citer
des travaux récents tels que Nguyen (2005)
qui s’intéresse à l’introduction d’éléments de
programmation à l’aide de la calculatrice ou
Schuster (2004) qui étudie l’introduction de
problèmes d’optimisation combinatoire au
secondaire. On peut aussi citer les thèses de
Cartier (2008) et Ravel (2003), où l’algorith-
me est étudié dans des domaines mathéma-
tiques particuliers : la théorie des graphes en
spécialité mathématique de terminale ES
pour Cartier et l’arithmétique de la spéciali-
té mathématique en terminale S pour Ravel.
Dans cet article, c’est l’algorithme en tant
qu’objet mathématique que nous allons étu-
dier, sans nous placer dans un champ mathé-
matique en particulier.
Pour mieux appréhender les questions
que soulève l’algorithme, il faut se pencher sur
son rôle dans les mathématiques et sur les dif-
férents aspects qu’il revêt. En s’appuyant sur
la dialectique outil-objet développée par Régi-
ne Douady (1986), on peut les classer sui-
vant qu’ils relèvent de l’aspect « outil » du concept
ou de l’aspect « objet » : l’algorithme n’est pas
uniquement un outil pour la résolution de
problèmes mais c’est aussi un objet mathé-
matique à part entière, pour lequel il existe
un cadre d’étude précis. Précisons :
Ainsi, nous disons qu’un concept est outil
lorsque nous focalisons notre intérêt sur
l’usage qui en est fait pour résoudre un pro-
blème. Un même outil peut être adapté à plu-
sieurs problème, plusieurs outil peuvent être
adaptés à un même problème. Par objet,
nous entendons l’objet culturel ayant sa
place dans un édifice plus large qui est le savoir
savant à un moment à un moment donné,
reconnu socialement.
(Douady, 1986, p. 9)
Dans une première partie, nous allons étu-
dier plus en profondeur le concept d’algo-
rithme afin de mieux comprendre en quoi il
peut être objet d’enseignement en mathéma-
tiques. Nous nous intéresserons ensuite à la
place du concept d’algorithme dans les pro-
grammes et manuels. Ce sera l’objet d’une
deuxième partie. La troisième partie se cen-
trera sur l’étude d’une situation pour mani-
puler l’objet algorithme.
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
1. — L’algorithme, un objet qui
questionne l’activité mathématique
et l’enseignement
1.1 Définition de l’algorithme,
différents aspects pour un même concept
Pour présenter ces différents aspects,
nous nous appuyons sur des extraits de la défi-
nition du terme « algorithme » issue du dic-
tionnaire des mathématiques (Bouvier et al.,
2005). Cet ouvrage présente l’algorithme d’un
point de vue généraliste et évoque les approches
mathématique et informatique du concept.
Un algorithme est une suite finie de règles
à appliquer dans un ordre déterminé à un
nombre fini de données pour arriver avec
certitude (c’est-à-dire sans indétermina-
tion ou ambiguïté), en un nombre fini
d’étapes, à un certain résultat et cela indé-
pendamment des données. Un algorithme
ne résout donc pas un problème unique
mais toute une classe de problèmes ne dif-
férant que par les données mais gouvernés
par les mêmes prescriptions.
(Bouvier et al., 2005, p. 27)
Cette définition, qui est assez couran-
te dans les ouvrages généralistes, met en
avant trois aspects de l’algorithme. Le pre-
mier aspect est d’être soumis à un enjeu
de vérité, de preuve : un algorithme doit
fonctionner avec certitude quel que soit le
problème donné. Un autre aspect est que
l’algorithme est un outil de résolution
de problèmes. Plus précisément, un algo-
rithme permet de résoudre une classe de pro-
blèmes. Le troisième aspect qui apparaît ici
est qu’un algorithme est effectif, il s’applique
à des données finies et résout un problème
en un nombre fini d’étapes : il peut être
mis en œuvre par un opérateur. La notion
d’algorithme est indissociable de cet aspect,
comme le souligne Chabert :
Aujourd’hui sous l’influence de l’informatique,
la finitude devient une notion essentielle
contenue dans le terme algorithme, le dis-
tinguant de mots plus vagues comme pro-
cédé, méthode ou technique. […] Finitude du
nombre des opérations et du nombre des
données, mais finitude aussi de la résolution,
c’est-à-dire que chaque étape doit pouvoir être
réalisée selon un processus fini -ce qui n’est
pas le cas, par exemple, du quotient de deux
nombres réels incommensurables. On parle
aussi de procédé effectif, c’est-à-dire per-
mettant d’obtenir effectivement le résultat (en
un temps fini).
(Chabert, 1994, p. 6)
Une autre question se pose alors : Tout
ce qui est effectif, une formule par exemple,
est-il un algorithme ?
Pour Bouvier et al. (2005) la réponse est
oui. Plus précisément, une formule peut être
vue comme un algorithme dont les prescrip-
tions ne varient pas en fonction des données.
Il semble donc que la notion d’algorithme
englobe celle de procédure effective, mais
nous verrons plus loin que ces « algorithmes-
formules » ont un intérêt limité du point de
vue de l’algorithmique (paragraphe 2.2).
Le développement de l’informatique a
bien sûr une influence importante sur l’algo-
rithmique et soulève des questions d’implé-
mentation de l’algorithme. Ces questions de
programmation et de langages informatiques
ne seront pas étudiées ici. Comme le souligne
Bouvier et al. (2005), des questions se posent
aussi quant à l’efficacité de la mise en œuvre
de ces algorithmes : la question des temps de
calcul, c’est-à-dire le nombre d’étapes élé-
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
mentaires qu’effectue un algorithme en fonc-
tion de la taille des données, mais aussi la ques-
tion de la taille mémoire, c’est-à-dire la place
nécessaire pour stocker les différentes struc-
tures de données, correspondant à la com-
plexité en temps et en espace de l’algorithme.
Un nouvel aspect est ici évoqué : la com-
plexité.
Les questions d’existence d’algorithme
pour certains problèmes et de leur complexi-
té ont conduit à un cadre théorique d’étude de
l’algorithme en tant qu’objet : lhypothèse
fondamentale de la théorie des algorithmes
est que tout algorithme peut être réalisé par
une machine de Turing particulière et aussi,
par conséquent par une machine de Turing uni-
verselle
1
. Cela constitue un autre aspect de
l’algorithme.
Un dernier aspect de l’algorithme peut être
soulevé, l’aspect constructif de l’algorith-
me : En ce qui concerne les problèmes d’exis-
tence, qui divisent les mathématiciens sur le
plan philosophique, les algorithmes permet-
tent d’apporter une méthode de construction
de l’objet reconnue par l’ensemble des mathé-
maticiens (Bouvier et al., 2005).
Parmi les différents aspects relevés cer-
tains font référence à l’outil, d’autres à l’objet.
Regarder l’algorithme en tant qu’objet, c’est
s’intéresser aux questions de bon fonction-
nement, de domaine de validité, de complexité
et de description des algorithmes. Ce sont
des problématiques de l’algorithmique. Les
aspects preuve, complexité, machine de Turing
et constructif réfèrent à l’objet algorithme.
Regarder l’algorithme en tant qu’outil, c’est
s’intéresser à l’utilisation que l’on en fait pour
résoudre des problèmes. Les aspects résolu-
tion de problème, effectivité et formule réfè-
rent à l’outil algorithme.
Ce sont donc les questions de construction,
de preuve et de complexité des algorithmes
qui font vivre l’algorithme en tant qu’objet
des mathématiques et c’est autour d’elles que
notre étude s’articule.
1.2 L’algorithmique fait-elle appel
à un mode de pensée spécifique ?
Knuth (1985), qui exerce indépendam-
ment des activités mathématiques et infor-
matiques, s’interroge sur les différences qui
existent entre la pensée mathématique et la
pensée algorithmique (l’algorithmique étant,
pour lui, entendue au sens large, comme la scien-
ce informatique). Il repère dans l’activité du
mathématicien neuf grands modes de pensée
et remarque que six d’entre eux sont communs
à la pensée algorithmique :
la manipulation de formules
la représentation d’une réalité
la réduction à des problèmes plus simples
le raisonnement abstrait
les structures d’informations
les algorithmes.
Il ajoute deux catégories à la pensée algo-
rithmique qui lui semblent ne pas être pré-
sentes dans la pensée mathématique
2
:
la notion de complexité
la notion d’affectation symbolisée par :=
ou . Précisons ici que Knuth fait référence
1 Une machine de Turing est un modèle abstrait du fonctionnement
des appareils mécaniques de calcul, créé par Alan Turing afin de
donner une définition précise du concept d’algorithme. Pour plus
de détails on pourra consulter : Pierre Wolper. Introduction à la cal-
culabilité, cours et exercices corrigés, 3ème éd. Dunod (2006).
2 Knuth souligne tout de même que certains textes mathématiques
sont extrêmement proches de ce qu’il appelle la pensée algorith-
mique, en particulier un livre d’analyse constructive : Bishop E. Foun-
dations of constructive Analysis. McGraw Hill (1967).
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
à une notion d’affectation dynamique : l’affec-
tation successive de différentes valeurs à une
même variable au cours des différentes étapes
d’un processus.
La notion de complexité semble donc
propre à l’algorithmique. Knuth fait
remarquer que, dans les résultats
constructifs rencontrés en mathéma-
tiques, le plus souvent, on ne tient pas
compte du « coût » de la construction, pour
lui tous les ingrédients d’un algorithme
ne sont pas rassemblés.
La notion d’affectation n’est pas sans rap-
peler la distinction entre variable mathé-
matique et variable informatique. Une
variable mathématique est un symbole
représentant un élément non spécifié ou
inconnu d’un ensemble ou jouant un rôle de
marque place (en logique par exemple). Une
variable informatique désigne un empla-
cement dans la mémoire, son contenu peut
changer. L’opération d’affectation (relation
antisymétrique) diffère de la relation d’éga-
lité (évidemment symétrique).
L’algorithmique fait appel à des raison-
nements communs aux mathématiques, mais
aussi à un mode de pensée spécifique. Il
semble essentiel que l’étude de l’algorithme
en tant qu’objet permette la confrontation à
ce mode de pensée. Une préoccupation centrale
des mathématiques est de fournir des démons-
trations de ses résultats, il est donc inévi-
table, si l’on regarde l’algorithme comme un
objet des mathématiques, d’interroger le lien
algorithme-preuve.
1.3 Algorithme et preuve
L’algorithme entretient un lien étroit
avec la preuve, de diverses manières. Pour mieux
les comprendre commençons par regarder un
exemple :
Algorithme de recherche du pgcd
L’existence du pgcd de deux entiers peut
être prouvée comme suit :
Preuve : Soient a et b deux entiers avec
a b. Notons D l’ensemble des diviseurs com-
muns à a et b. Comme 1 | a et 1 | b, on a
D Ø, et D est inclus dans {1,... ,a}. D est
borné non vide, donc possède un plus grand
élément d noté pgcd(a,b).
Le pgcd peut être obtenu par l’algorith-
me d’Euclide
3
:
Il n’est pas évident que cet algorithme fonc-
tionne et construise le pgcd de a et b. Il est
nécessaire de le prouver :
Preuve :
— Preuve de la correction
4
. Notons a
k
, b
k
et q
k
les valeurs successives prises par r
1
,
r
2
et q après k pas de la boucle tant que. On
a pour tout k : a
k
= q
k
.b
k
+ b
k+1
.
Euclide(a,b) :
r
1
a
r
2
b
tant que r
2
0
r
1
= q.r
2
+ r (division eucli-
dienne)
r
1
r
2
r
2
r
retourner r
1
3 On utilise ici quelque notations propores à l’informatique et à la
logique pour simplifier la présentation.
4 c’est-à-dire : preuve que l’algorithme donne bien le pgcd.
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
Donc pour tout entier d, (d | a
k
et d | b
k
)
ssi (d | a
k+1
et d | b
k+1
). D’où pgcd(a
k
, b
k
)
= pgcd(a
k+1
, b
k+1
).
Ainsi lorsque l’algorithme s’arrête après n
pas : pgcd(a,b) = pgcd(a
n
, 0) = a
n
.
- Preuve de terminaison
5
. On remarque
que la suite (b
k
) est strictement décrois-
sante. Donc la condition d’arrêt b
k
= 0 sera
vérifiée après un nombre fini d’itérations et
l’algorithme s’arrêtera.
Revenons maintenant sur les liens qu’entre-
tiennent algorithme et preuve.
Preuve d’algorithme
Tout d’abord, pour présenter un algo-
rithme et affirmer qu’il résout une famille
de problèmes, il convient d’en donner une
démonstration. Il faut être certain qu’il abou-
tit au bon résultat quelque soit le problème
en instance, c’est ce que l’on appelle la cor-
rection, et pouvoir garantir que ce résultat
sera atteint en un nombre fini d’étapes, c’est
la terminaison. C’est ce que nous avons
illustré dans l’exemple précédent.
De plus un algorithme peut être utilisé au
cours d’une preuve en tant qu’inférence (par
exemple lorsque l’on fait appel à l’algorithme
du pgcd pour prouver l’existence des coefficients
de Bezout). La preuve de l’algorithme donné
est alors un point indispensable à la valida-
tion de la démonstration concernée.
La preuve d’algorithmes revêt aussi une
importance particulière depuis l’utilisation
d’algorithme dans des preuves récentes, en tant
que substitut au mathématicien pour des
tâches non accessibles à l’homme (théorème
des quatre couleurs par exemple).
L’algorithme dans
l’activité mathématique
Les preuves dites constructives (la preu-
ve par induction en est un exemple) peuvent
en général donner lieu à un algorithme. Il peut
être nécessaire d’expliciter les algorithmes
sous-jacents. Ce type de preuves constructi-
vistes concerne le plus souvent des problèmes
d’existence d’objets ou de reconnaissance
d’une classe d’objets.
Afin de démontrer l’existence d’un objet
ayant une certaine propriété (P) les méthodes
constructives exhibent de tels objets. En
mathématiques, la question de la caractéri-
sation de tous les objets vérifiant (P) s’avère
une question de recherche souvent difficile.
Un moyen de répondre à cette question est
l’énumération de tous ces objets : cette tech-
nique peut aussi faire appel à un algorithme.
Cependant le problème d’énumération est
parfois encore trop difficile. De plus, l’algo-
rithmique permet d’aborder des questions
de reconnaissance des objets vérifiant (P) : étant
donné un objet O, un algorithme de recon-
naissance permet de dire si O vérifie (P). Ces
questions sont clairement de nature mathé-
matique et ne peuvent être abordées sans le
concept d’algorithme.
Reprenons l’exemple des preuves d’exis-
tence. Pour un même résultat, on peut distinguer
deux types de preuves :
Les preuves d’existence « théoriques », sans
construction explicite de l’objet : c’est sou-
vent le cas des preuves par l’absurde ou des
preuves probabilistes. La preuve d’existence
du pgcd donnée plus haut en est un exemple.
5 c’est-à-dire : preuve donne le résultat après un nombre fini
d’étapes.
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
Les preuves constructives parmi lesquels
il faut distinguer les preuves algorithmiques
qui donnent une méthode de construction des
objets et la construction explicite des objets
considérés.
Le plus satisfaisant est sans doute de
bénéficier d’une construction explicite et d’un
algorithme de reconnaissance de la classe
d’objets. On dira alors que le problème de
reconnaissance relatif au théorème d’exis-
tence est entièrement résolu.
Complexité, optimalité et preuve
L’étude de la complexité d’algorithmes
est une autre problématique en lien avec l’acti-
vité de preuve. La complexité peut être abor-
dée sous divers angles dont deux sont clas-
siques dans l’étude d’algorithmes : la
complexité au pire et la complexité en moyen-
ne
6
. Se pose alors la question de recherche
d’algorithmes optimaux pour un problème
donné. Là encore, la preuve joue un rôle
fondamental. L’apprentissage de la preuve est
une problématique centrale de l’enseigne-
ment des mathématiques. Au vu des liens
que l’algorithme entretient avec la preuve, il
est naturel de se poser la question suivante
: L’algorithme peut-il être un levier efficace pour
l’apprentissage de la preuve ?
2. — L’algorithme dans
l’enseignement : outil ou objet ?
2.1 Les intérêts d’un enseignement
d’algorithmique
La commission Kahane (2000) souligne les
intérêts d’ « introduire une part d’informatique
dans l’enseignement des sciences mathéma-
tiques et dans la formation des maîtres ». La
commission avance pour cela des arguments
que nous résumons ici :
l’esprit algorithmique, présent implici-
tement dans l’enseignement, pourrait
être travaillé et mis en lumière grâce aux
instruments de l’algorithmique ;
la programmation permet la formalisation
du raisonnement ;
les questions d’effectivité des algorithmes
mettent en jeu les mathématiques ;
traitement des données et calculs par
informatique sont courants dans les autres
disciplines scientifiques ;
l’informatique a changé les mathéma-
tiques :
en permettant d’aborder les objets sous
un autre angle,
en apportant de nouvelles questions,
en créant de nouveaux domaines des
mathématiques, aujourd’hui en plein
essor,
en transformant l’activité du mathé-
maticien grâce à de nouveaux outils.
La commission propose des contenus pour
cet enseignement d’informatique : les questions
de représentation et d’approximation des
nombres en informatique, les concepts de
base de la programmation et de l’algorith-
mique.
Elle donne trois exemples : l’étude des
graphes, la recherche d’enveloppes convexes
dans le plan et l’étude des fractions conti-
nues. Il semble que cette proposition ait été
entendue au vu des programmes de seconde
pour la rentrée 2009.
6 Ces deux notions de complexité seront définies précisément à la
fin du paragraphe 3.1.
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
2.2 Place actuelle et rôle de l’algorithme
dans les programmes et les manuels
7
Nous avons souligné plus haut que consi-
dérer l’algorithme sous son aspect objet conduit
à se poser les questions de la construction,
la preuve, la complexité et l’optimalité des algo-
rithmes considérés. Nous ne nous intéresse-
rons donc ici qu’aux algorithmes permettant
un questionnement sur au moins un de ces
points (au regard de l’algorithmique comme
savoir savant et non du point de vue des pro-
grammes ou des manuels). Pour préciser
notre démarche, regardons sur des exemples
d’algorithmes issus des programmes si ces
questions sont en jeu.
L’algorithme d’Euclide soulève claire-
ment toutes ces questions, nous nous inté-
resserons donc à lui dans les programmes et
manuels. C’est aussi le cas des algorithmes de
recherche par dichotomie ou du pivot de
Gauss. Les questions de tri de données per-
mettent aussi de tels questionnements.
Par contre, bien que les résolutions d’équa-
tions du premier degré ou du second degré avec
le discriminant puissent être vue comme des
algorithmes, elles ne soulèvent pas ces ques-
tions de construction, de preuve et de complexité
d’algorithmes. Ce sont en quelque sorte des
formules, que l’on peut appliquer de maniè-
re systématique et implémenter informati-
quement mais qui n’interrogent pas l’objet
mathématique algorithme. Nous laisserons ces
«algorithmes » de côté dans nos analyses des
programmes et des manuels.
Dorénavant, si cela n’est pas précisé,
lorsque nous emploierons le terme algorith-
me, nous exclurons les formules. Nous enten-
drons par algorithmique la discipline du savoir
savant qui étudie l’algorithme en tant qu’objet
mathématique. Lorsque nous parlerons par
exemple, d’introduire des notions d’algorith-
mique, nous entendons par là un question-
nement sur la construction d’algorithmes,
leur preuve, l’étude de leur complexité etc.
Ces précisions faites, nous pouvons étu-
dier la place et le rôle de l’algorithme (formules
exclues, donc) dans les programmes et les
manuels. Cette étude s’est appuyée sur la
dialectique outil-objet (Douady, 1986), sur
une approche praxéologique des contenus et
sur une analyse écologique des savoirs (Che-
vallard, 1998). Nous relatons ici les principaux
résultats de cette étude (pour plus de détails,
voir Modeste (2009)).
Programmes de lycée
La place de l’algorithme n’est spécifiée que
dans les programmes de première et termi-
nale L dans le cadre de l’option de mathé-
matiques, et en terminale ES dans le cadre
de la spécialité mathématiques. Dans le cas
de la série littéraire, l’algorithmique est un
domaine transversal qui doit permettre d’abor-
der les mathématiques de manière pratique
et concrète et de distinguer résolutions théo-
rique et effective de problèmes. Les élèves
doivent être entraînés à des techniques rela-
tives à l’algorithmique : décrire, interpréter
et mettre en œuvre des algorithmes simples.
Cela semble s’articuler avec l’enseignement
obligatoire de mathématiques-informatique
(notamment concernant l’utilisation des outils
informatiques). On est proche d’un ensei-
gnement de mathématiques appliquées.
Dans la spécialité mathématiques de ter-
minale ES, l’algorithmique est amenée par la
théorie des graphes. L’algorithme est pré-
7 Avant application des programmes de seconde à la rentrée 2009.
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ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
senté comme un outil indispensable pour trai-
ter des graphes complexes, certains algo-
rithmes doivent être présentés mais la majo-
rité des exercices doit se résoudre sans recours
à l’algorithme. Ici aussi, l’accent est mis sur
l’aspect appliqué des mathématiques, mais cela
passe plutôt par la modélisation.
Dans les deux cas, aucun exposé théorique
d’algorithmique ne doit être fait.
Dans la série scientifique, l’algorithme est
très peu présent et ne fait l’objet d’aucun tra-
vail particulier. Au vu de ce qui est dit de l’algo-
rithmique et son intérêt, dans les programmes
de première et terminale L, on peut s’inter-
roger sur son absence dans la série S. On
peut faire l’hypothèse que le constat serait le
même concernant la place des mathématiques
appliquées.
Dans les trois filières, seul l’aspect outil
de l’algorithme est mis en valeur par les pro-
grammes (avec une légère différence pour la
série L, où la question de la complexité est évo-
quée à propos de l’algorithmique mais ne
réapparaît pas dans les contenus).
D’autre part, on constate que trois domaines
sont privilégiés par les programmes pour
l’introduction d’algorithmes :
L’arithmétique (collège, seconde, pre-
mière et terminale L (option), terminale ES
(spécialité)).
L’analyse, dans le cas d’approximations
(première L (option) et terminale S).
La théorie des graphes (Terminale ES
(spécialité)).
Malgré cela, dans ces domaines, beau-
coup d’algorithmes sont évités alors que tout
est favorable à leur introduction. C’est notam-
ment le cas en arithmétique à différents
niveaux ou en spécialité de terminale ES,
dans le cadre de la théorie des graphes, où l’on
peut s’interroger sur ce qui a motivé le choix
des algorithmes au programmes
8
. On note aussi
que d’autres domaines pourraient être des
champs d’introduction d’algorithmes : simu-
lation et modélisation, géométrie, résolution
de systèmes d’équations, calcul matriciel.
Manuels du lycée
Nous avons choisi d’analyser un manuel
pour chaque classe des filières générales du
lycée. Pour la seconde et la filière S, nous
avons choisi la collection Terracher (Hachet-
te). Mais cette collection n’existe pas pour les
autres filières. Pour la filière ES, nous avons
choisi les manuels de la collection Transma-
th (Nathan). Pour la spécialité de la filière L,
il semble qu’il n’y ait pas de manuels. Pour
répondre à nos questions, concernant cette filiè-
re, une étude des pratiques enseignantes en
classe aurait été nécessaire. Nous n’avons
pas pu la mettre en œuvre ici.
Dans les manuels étudiés, nous avons
fait les constats suivants :
Le concept d’algorithme est présent mais
très peu mis en valeur institutionnellement.
D’une part, l’algorithme n’est pas complète-
ment défini, voire souvent pas du tout défi-
ni
9
. D’autre part, il ne fait pas l’objet d’une pré-
sentation spécifique et les algorithmes sont
souvent présents de manière implicite sans
qu’un travail spécifique ne soit réalisé (travail
de description, de preuve ou d’analyse).
8 Voir (Cartier, 2008).
9La seule définition de l’algorithme que nous avons rencon-
tré dans ces manuels le présente comme une « méthode permettant
de résoudre un problème et qui se présente sous la forme d’une suite
d’opérations élémentaires obéissant à un enchaînement déterminé ».
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
60
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
Les algorithmes proposés dans la partie
« cours » sont rarement prouvés rigoureuse-
ment ; souvent, on n’a pas même l’ébauche d’une
preuve. Cependant, deux domaines mathé-
matiques laissent une place à la preuve :
l’arithmétique en spécialité de terminale S et
la théorie des graphes en spécialité de terminale
ES où quelques algorithmes sont prouvés ou
justifiés (notamment l’algorithme d’Euclide pour
le pgcd et le théorème d’existence d’un cycle
eulerien dans un graphe), mais où d’autres
preuves pourraient être traitées.
La complexité des algorithmes de la par-
tie « cours » n’est questionnée dans aucun
manuel et de manière extrêmement rare dans
les exercices (il s’agit alors de compter des mul-
tiplications ou des additions).
Des algorithmes sont très rarement
mobilisés dans des preuves. Cela est tout de
même présent de manière sporadique dans
les spécialités de terminales S et ES
10
(preu-
ve de l’existence des coefficients de Bezout
ou preuve du théorème d’existence de che-
mins eulériens).
Un unique type de tâche est réellement
développé relativement à l’algorithme : la
mise en œuvre sur des données, c’est-à-dire
un type de tâche relatif à l’aspect outil.
Nous pouvons dire que l’algorithme occu-
pe strictement la même place que celle pré-
vue dans les programmes. Seul son aspect outil
est développé, comme si l’algorithme n’avait
qu’une existence en tant que technique de
résolution. Quant au lien de l’algorithme à la
preuve, il est très peu exploité par les manuels.
2.3 En conclusion
Nous avons vu que l’algorithme est pré-
sent dans le savoir à enseigner, mais sa
place et son rôle sont très restreints et son
lien à la preuve n’est pas exploité : sa place
est limitée à certains domaines mathématiques
(arithmétique, approximation en analyse et
théorie des graphes) où il n’apparaît essen-
tiellement que comme outil. Nous avons
montré dans la première partie, que l’algo-
rithme en tant qu’objet aurait toute sa place
dans l’enseignement, en particulier pour son
lien à la preuve. Actuellement, son rôle est
limité à celui d’outil, comme nous l’avons
montré dans cet état des lieux alors qu’il
existe d’autres aspects de l’algorithme qui pour-
raient être étudiés (la complexité par exemple)
et qui ne sont pas du tout traités dans les pro-
grammes et manuels.
Le lien de l’algorithme à la preuve n’est
ni évoqué dans les programmes ni exploité par
les manuels : on ne rencontre pas beaucoup
de preuves d’algorithme et les algorithmes sont
rarement mis en lien avec les preuves. En résu-
mé, dans les programmes et les manuels de
l’enseignement secondaire français, il semble
que l’algorithme ne vit que dans la niche
technique de résolution. Mais d’autres niches
existent pour lui dans le savoir savant : la niche
preuve et bien sûr la niche algorithmique
elle-même.
3. — Une situation pour l’algorithme
Nous souhaitons montrer ici que l’on peut
proposer des situations permettant l’accès
aux différents aspects de l’algorithme et
notamment à l’aspect objet. Nous allons, pour
cela, nous intéresser à un problème de recherche
de fausses pièces.
10 Concernant la réintroduction de l’arithmétique en termina-
le S (spécialité) on pourra consulter la thèse de Ravel (2003) où la
preuve et l’algorithme sont abordés. Pour les questions concernant
la théorie des graphes en terminale ES (spécialité) on pourra consul-
ter la thèse de Cartier (2008).
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
61
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
3.1 Présentation du problème
Un problème de fausses pièces
Dans un ensemble de pièces, indiscernables
à la vue ou au toucher, se trouvent des
fausses pièces. Les vraies pièces pèsent
toutes le même poids, les fausses aussi
mais leur poids est différent de celui des vraies.
A l’aide d’une balance Roberval à deux pla-
teaux et sans poids, comment peut-on retrou-
ver les fausses pièces ? Quelle est la métho-
de qui permet de les retrouver en effectuant
le moins possible de pesées ?
On peut définir plusieurs variantes de ce
problème en jouant sur les variables de la
situation suivantes :
Poids des fausses pièces :
On sait au départ que les fausses pièces
sont plus lourdes que les vraies (ou plus
légères).
On ne sait rien.
Le nombre de fausses pièces :
Fixé à l’avance.
Compris dans un intervalle donné.
—Non connu à l’avance.
Ce problème ainsi que la plupart de ses
variantes, ne sont pas encore complètement
résolus pour la recherche en mathématiques
11
.
Nous limiterons notre étude à quelques
variantes, en jouant sur les variables didac-
tiques, que nous choisirons pour permettre une
mise en œuvre d’algorithmes et leur étude par
des élèves.
L’algorithmique dans ce problème
Ce problème relève bien d’une problé-
matique d’algorithmique : il s’agit de construi-
re un algorithme de recherche des fausses
pièces, de le prouver et d’étudier son opti-
malité. L’énoncé du problème ne fait appel à
aucune notion mathématique particulière
mise à part la notion d’optimalité, mais qui
peut-être comprise au sens intuitif. L’appro-
priation de ce problème nous paraît donc rela-
tivement facile.
De plus, la construction d’une méthode,
même grossière du point de vue de la complexité,
peut être mise en place. Pour prouver qu’une
méthode de recherche donnée trouve toujours
les fausses pièces, un raisonnement s’appuyant
sur une logique intuitive suffit la plupart du
temps (disjonction de cas par exemple).
La question la plus délicate semble donc
être celle de l’optimalité. En effet, elle soulè-
ve le problème du choix d’un critère d’optimalité.
Deux critères peuvent être utilisés : la com-
plexité au pire et la complexité en moyenne.
La complexité au pire est le nombre de
pesées qu’effectue un algorithme dans le
pire des cas. Autrement dit, la complexité au
pire pour un algorithme donné est le nombre
maximum d’étapes (ici les pesées) qu’il effec-
tue, maximum calculé sur l’ensemble des
instances d’une taille donnée (ici pour un
nombre fixé de pièces). La complexité en
moyenne est la moyenne des nombres d’étapes
effectuées par l’algorithme, moyenne calcu-
lée sur l’ensemble des instances d’une taille
donnée (généralement on suppose les instances
équiprobables). Elles s’expriment toutes les
deux en fonction de la taille de l’instance, c’est-
à-dire ici, en fonction du nombre de pièces.
Ici, nous ne nous intéresserons pas au pro-
blème de l’optimalité pour la complexité en
moyenne. Cela ne veut pas dire que cette ques-
tion n’est pas intéressante du point de vue
mathématique ou didactique.
11 On pourra consulter, entre autres, (Tosic, 1983), (Pyber,
1986) ou (Aigner, Li, 1997).
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
62
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
Malgré ce choix, nous le verrons dans
l’analyse mathématique du problème, ce sont
les questions de complexité et d’optimalité
qui peuvent demander le plus d’outils mathé-
matiques (récurrence, puissances, loga-
rithmes,...).
3.2 Etude mathématique du problème
Le problème des pesées est un problème
d’optimisation. La résolution de tels pro-
blèmes repose sur l’étude de deux sous-pro-
blèmes :
•P
M
: Construire une méthode de recherche
de la fausse pièce pour un problème donné
•P
O
: Prouver l’optimalité de la méthode.
On distinguera parmi les stratégies de réso-
lution de P
O
celles qui relèvent d’un argument
d’optimalité locale et celles qui relèvent d’un
argument d’optimalité globale.
P
M
permet de travailler sur la condition
suffisante et P
O
sur la condition nécessaire.
Parfois les deux sous-problèmes sont traités
simultanément : on construit une méthode et
sa construction prouve son optimalité. Néces-
sairement cela s’appuiera sur un argument
d’optimalité locale. Pour le problème d’opti-
malité P
O
on peut définir le problème dual
P
O
* : Si l’on fixe un nombre de pesées p,
combien de pièces peut-on traiter avec p
pesées ? Parfois le passage à P
O
* pourra
s’avérer fructueux pour répondre à P
O
.
On s’intéresse maintenant aux différentes
stratégies envisageables en fonction des
variables suivantes : le nombre de fausses
pièces et les informations sur leur poids :
Le nombre de fausses pièces peut être
connu (1, 3, compris entre 0 et 2...) ou non.
Le poids de la fausse pièce peut être
connu (plus lourd par exemple) ou non.
Dans notre étude on se limitera aux cas
où le nombre de fausses pièces n’excède pas
un : c’est-à-dire lorsqu’il y a exactement une
fausse pièce ou au plus une fausse pièce. On
s’intéresse donc aux quatre problèmes suivants :
•P
1,+
: 1 fausse pièce, plus lourde.
•P
1,+/_
: 1 fausse pièce, plus lourde ou plus
légère.
•P
0/1,+
: 0 ou 1 fausse pièce, plus lourde.
•P
0/1,+/_
: 0 ou 1 fausse pièce, plus lourde
ou plus légère.
On présentera ici les stratégies et les résul-
tats mathématiques pour P
1,+
. Pour les autres
cas on pourra consulter (Modeste, 2009).
Stratégies pour P
1,+
:
Dans une démarche de recherche on est
souvent amené à étudier des petits cas afin
d’essayer de mieux comprendre l’enjeu du
problème et de pouvoir, par exemple, émettre
des conjectures. Cela donne lieu à la straté-
gie suivante :
• Stratégie expérimentale S
EXP
:
On traite les petits nombres de pièces
(par exemple par énumération de cas). Cela
peut aboutir à des « généralisations » formu-
lées comme conjectures. D’autre part, pour un
nombre de pièces fixé, si l’on a traité tous les
cas plus petits, on peut énumérer toutes les
pesées possibles (de manière plus ou moins orga-
nisée) et déduire la méthode optimale pour ce
cas. Cette méthode s’appuie sur un argument
d’optimalité locale. Elle devient très vite fas-
tidieuse mais permet d’avoir un grand nombre
d’exemples sur lesquels s’appuyer pour faire
des conjectures ou les invalider.
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
63
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
Pour répondre à ces conjectures, il convient
de formaliser ce qu’est une pesée. Un pre-
mier point de vue est qu’effectuer une pesée,
c’est prendre deux ensembles de pièces de
même taille et de les comparer pour savoir lequel
des deux est le plus lourd. Cette vision peut
donner lieu à la stratégie S
DICHO
.
• Stratégie de dichotomie S
DICHO
:
Pour traiter n pièces, on compare « la
moitié » des pièces sur chaque plateau. Le désé-
quilibre permet de garder [n/2] pièces à tes-
ter
12
, on réitère ensuite le processus. Si n est
impair, un équilibre de la balance est possible
et indique que la fausse pièce est celle laissée
de côté. Cela donne un algorithme en [log
2
(n)]
pesées au pire.
Cette stratégie ne conduit pas à un algo-
rithme optimal, il suffit pour s’en convaincre
de regarder le problème pour 9 pièces. Avec
S
DICHO
il faudra 3 pesées alors que S
EXP
donne
une méthode en 2 pesées. L’optimalité de cet
algorithme peut reposer sur la conception
erronée : plus on pèse de pièces à la fois, plus
on est efficace (argument d’optimalité locale).
En fait, cette méthode ne tient pas assez
compte du fait qu’une pesée donne aussi de
l’information sur l’ensemble des pièces non
pesées.
En effet, effectuer une pesée, c’est faire
trois tas : deux de même taille A et B que l’on
compare, et un tas C que l’on laisse de côté.
Trois résultats sont alors possibles :
—A est plus léger que B et alors A contient
la fausse pièce.
—A est plus lourd que B et alors B contient
la fausse pièce.
—A et B sont de même poids et c’est le tas
C qui contient la fausse pièce.
En s’appuyant sur cette observation, on
peut mettre en œuvre la stratégie suivante.
• Stratégie de trichotomie S
TRICHO
:
On divise le tas de pièces restantes en trois
paquets de « même taille » i.e. tels que
|A| = |B| et | |A|–|C| | 1.
Pour n pièces, avec 3
k-1
< n 3
k
, cet algorith-
me demande k pesées, autrement dit [log
3
(n)]
pesées ou encore cette méthode permet de
traiter en k pesées jusqu’à 3
k
pièces.
Proposition. Cet algorithme est optimal
pour la complexité au pire
13
.
Une autre façon de concevoir une pesée,
est de n’interpréter le résultat que comme
un équilibre ou un déséquilibre, sans tenir comp-
te de quelles pièces sont sur le plateau le
plus lourd. Cela peut conduire à la stratégie :
• Stratégie par étalon S
ETAL
:
On utilise un ensemble E de pièces iden-
tifiées comme vraies pour tester un ensemble
A de pièces inconnues par comparaison. Soit
les pièces de A sont vraies et elles s’ajoutent
à l’ensemble E des pièces talons, soit on sait
que A contient la fausse pièce et il ne reste plus
qu’à la retrouver. Pour ce faire on peut, par
exemple, identifier des bonnes pièces dans A
grâce à E et les enlever jusqu’à n’en avoir
plus qu’une.
• Stratégie de passage par un autre problè-
me S
PROB
:
12 On notera entre crochets [ ] la partie entière inférieure.
13 Pour une preuve, voir Modeste (2009).
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
64
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
On se ramène à des problèmes déjà traités
ou qui paraissent plus simples (voire on
déduit de leur optimalité celle de la métho-
de construite).
3.3 Analyse de la situation
Une Situation de Recherche en Classe
Pour observer la construction d’algo-
rithmes, leur preuve ainsi que l’étude de
leur complexité et de leur optimalité, il est
intéressant de mettre les apprenants en
situation de résolution de problème en grou-
pe, face à un problème pour lequel ils peu-
vent adopter une démarche proche de celle
du chercheur (essais-erreurs, conjectures,
preuve, simplification du problème,...). Les
Situations de Recherche en Classe, dites
SiRC, développées et étudiées par l’équipe
Maths à Modeler semblent se prêter parti-
culièrement bien à ce type d’études et le pro-
blème des pesées nous paraît complètement
adapté à ce cadre. D’après les travaux de (Gre-
nier, Payan, 2003), (Godot, Grenier, 2004) et
(Cartier et al., 2006), les SiRC se caractéri-
sent par les aspects suivants :
a) Le problème abordé doit être proche de la
recherche actuelle.
b) La question initiale doit être facile d’accès
et ne doit pas être formalisée en termes mathé-
matiques pour faciliter l’entrée dans le pro-
blème.
c) Des stratégies d’approche simples doi-
vent exister pour permettre d’entrer dans
une démarche de recherche.
d) De nombreuses stratégies de recherche peu-
vent être mises en place, les méthodes de
résolutions ne sont pas désignées.
e) Une question résolue peut amener à se
poser d’autres questions : il n’y a que des cri-
tères de fin locaux.
Variables de la situation
On s’intéresse ici aux différentes variables
de la situation, et notamment à celles des
deux types suivants :
• Les variables de recherche
• Les variables didactiques
Les variables de recherche sont les variables
de la situation qui sont à disposition de l’élève
pour organiser son travail de recherche.
L’élève se retrouve en effet en position de « cher-
cheur » mais aussi en situation de « ges-
tionnaire » de sa propre recherche : c’est lui
qui choisit et modifie les valeurs des variables
de recherche.
(Cartier et al., 2006)
Elles déterminent la compréhension et
l’intérêt de la question, son ouverture à
de nouvelles questions, l’élargissement
des stratégies de recherche, les possibi-
lités de transformation du problème
(modélisation).
(Grenier & Payan, 2003)
Les variables didactiques sont celles parmi
les variables de la situation, dont les modifi-
cations peuvent provoquer un changement
de stratégie chez l’apprenant (Brousseau,
1982). Dans la situation étudiée, nous avons
repéré les variables didactiques suivantes :
Parmi les variables du problème :
• Le nombre de fausses pièces :
Le problème peut devenir relativement com-
plexe, si l’on s’autorise plus d’une fausse
pièce : par exemple le problème à deux fausses
pièces n’est à ce jour pas complètement réso-
lu pour la recherche en mathématiques. Pour
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
65
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
le problème où l’on sait qu’il y a au maxi-
mum une fausse pièce, pour n’importe quelles
valeurs des autres variables, on peut savoir
si le nombre de fausses pièces est 0 ou 1 en
une ou deux pesées ce qui favorisera une stra-
tégie du type S
PROB
.
Au contraire, si l’on sait qu’il y a exacte-
ment une fausse pièce, la question de recher-
cher une fausse pièce qui n’existe peut-être pas
n’interfère plus et des stratégies comme
S
DICHO
ou S
TRICHO
pourront être mises en
place directement.
• Le poids des fausses pièces ou plutôt les infor-
mations sur leur poids :
Si l’on sait qu’elles sont plus lourdes (ou
plus légères, c’est le même problème), ou si l’on
ne le sait pas, les stratégies envisageables vont
sensiblement différer. Dans le problème
P
1,+/_
par exemple : Ne pas connaître le poids
de la fausse pièce pousse à rechercher cette
information avant de rechercher la fausse
pièce, c’est-à-dire renforce la stratégie S
PROB
.
Ou au contraire, on peut être amené à pen-
ser que le poids de la fausse pièce ne peut être
déterminé et se tourner vers une stratégie de
type S
ETAL
, qui n’utiliserait par exemple que
l’information que le poids de la fausse pièce
est différent de celui d’une vraie.
Si l’on connaît à l’avance le poids de la faus-
se pièce (P
1,+
), la première de ces stratégies
n’a pas de sens. La deuxième, bien que pou-
vant aboutir à une méthode de recherche
acceptable, sera effacée par des stratégies
moins complexes et utilisant toute l’infor-
mation sur le poids de la fausse pièce (S
DICHO
,
S
TRICHO
…).
• Le nombre de pièces :
Lorsque l’on veut résoudre un cas parti-
culier du problème avec un nombre de pièces
fixé, ce nombre peut influencer les straté-
gies. Par exemple, un petit nombre de pièces
permet la stratégie S
EXP
mais dès que l’on s’inter-
roge sur un grand nombre de pièces, ce type
de stratégie devient impossible à mettre en
œuvre (notamment une énumération de tous
les cas devient très vite fastidieuse). Ou enco-
re pour les problèmes P
1,+
ou P
0/1,+
, un nombre
pair de pièces poussera à partager les pièces
en deux tas et à toutes les peser ensemble et
favorisera S
DICHO
. De même si l’on cherche
sur un cas à 3k+1 ou 3k+2 pièces, S
TRICHO
pei-
nera à apparaître face à d’autres stratégies.
Ces trois variables, nombre de fausses
pièces, poids des fausses pièces et nombre de
pièces sont des variables de recherche de la
situation.
Parmi les autres variables de la situation
nous avons distingué deux variables
didactiques :
• L’énoncé du problème : La présentation du
problème et l’ordre dans lequel sont présen-
tés les différentes variantes peut avoir une
influence sur les méthodes de résolutions
choisies pour chacun d’eux, de même que le
choix des exemples préliminaires qui peu-
vent être proposés.
• Le matériel disponible : La présence d’une
balance Roberval et de « pièces » peut avoir
une influence sur la dévolution de l’énoncé du
problème et sur la méthodologie de recherche.
Cela peut favoriser les stratégies de type
S
EXP
, mais cela peut aussi entraver le passa-
ge à des grands nombres de pièces et créer des
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
66
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
difficultés à énumérer tous les cas possibles
pour un algorithme donné.
Hypothèses sur les stratégies
Le calcul de la complexité des algorithmes
proposés sera, d’après nous, souvent interro-
gé. Mais il nous semble que cela aboutira
plus rarement car cela met en jeu plus d’outils
mathématiques. En résumé nous retenons
les hypothèses suivantes :
H
1
: Pour P
1,+
, la stratégie naturelle est
S
DICHO
. Les stratégies S
EXP
et S
TRICHO
vien-
nent plus tard.
H
2
: L’optimalité de S
TRICHO
sera peu abordée
et lorsque ce sera le cas ce sera très majori-
tairement avec un argument d’optimalité
locale.
H
3
: Pour les autres variantes, la stratégie natu-
relle est S
PROB
pour revenir à P
1,+
.
H
4
: L’optimalité sera peu abordée et lorsque
ce sera le cas elle sera déduite de celle de
P
1,+
.
Cadre d’expérimentation
Nous avons expérimenté cette situation
dans deux classes (chacune d’une vingtaine
d’étudiants répartis en cinq groupes) :
Un cours de mathématiques de la for-
mation des PE
2
, à l’Iufm de Créteil.
—Option « Jeux combinatoires et raison-
nements mathématiques » proposé à l’uni-
versité Joseph Fourier et ouvert aux étu-
diants de première et deuxième années des
licences scientifiques.
Les séances se sont déroulées suivant un
même plan :
1) Présentation du problème et constitution
des groupes.
2) Recherche en groupe sur le problème
donné. Ce moment a duré entre 1 heure et 1
heure et demi. Pendant tout ce temps, les
gestionnaires de situation ont circulé dans les
groupes pour suivre leurs avances et répondre
aux questions.
3) Préparation de la présentation orale.
Chaque groupe a présenté ensuite son travail
à la classe (résultats, conjectures, questions
en suspend...).
4) Institutionnalisation.
L’étude a porté sur les brouillons des étu-
diants, leurs présentations orales et des enre-
gistrements vidéos de certains groupes en
travail de recherche.
3.4 Résultats de l’expérimentation
Stratégies utilisées
Nous avons retrouvé la plupart des stra-
tégies présentes dans l’analyse mathéma-
tique. Tous les groupes ont utilisé une repré-
sentation de la balance (plus ou moins
schématique) pour symboliser une pesée.
Représentations d’une pesée
Que ce soit pour P
1,+
, P
1,+/_
ou P
0/1,+
, la stra-
tégie la plus présente est S
DICHO
ou ses
variantes. Elle est développée dans plus de la
moitié des productions et évoquée dans toutes.
Les groupes filmés évoquent clairement cette
stratégie dès le début. Cela semble confir-
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
67
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
mer les hypothèses sur les stratégies. Cette
stratégie donne souvent lieu à un algorithme
qui est parfois énoncé en langage courant,
d’autres fois représenté par un schéma (dans
ce cas il est généralement présenté sur un
exemple).
La stratégie de dichotomie.
• On retrouve aussi beaucoup la stratégie
S
EXP
, elle peut être utilisée dans deux buts :
chercher la méthode optimale ou évaluer la com-
plexité d’une méthode. On l’a clairement iden-
tifiée dans la moitié des groupes observés.
Elle permet à ces groupes de valider ou d’inva-
lider des méthodes, d’en conjecturer d’autres
et de faire des hypothèses sur le nombre de
pesées. On retrouve très clairement cette stra-
tégie dans les échanges oraux, où elle est uti-
lisée pour étudier S
TRICHO
et conjecturer la com-
plexité de l’algorithme construit. Les nombres
de pièces plus petits sont, par exemple, utili-
sés pour traiter les cas suivants. Cela semble
aider à repérer le lien de récurrence existant.
La stratégie expérimentale.
• Une autre stratégie que l’on retrouve sou-
vent est la stratégie est S
TRICHO
. On la retrou-
ve clairement chez quatre groupes et elle
semble être évoquée chez deux autres. Elle donne
lieu à un algorithme, parfois difficile à préciser
selon le nombre de pièces. Comme pour
S
DICHO
l’algorithme est présenté en langage
courant ou par un schéma. L’optimalité de cet
algorithme est souvent conjecturée mais rare-
ment prouvée. Elle est clairement évoquée dans
les discussions des groupes et apparaît dans
les deux cas (parfois assez tôt).
La stratégie de trichotomie.
• S
PROB
est aussi beaucoup utilisée chez les
groupes qui ont traité plusieurs problèmes :
pour résoudre P
1,+/_
ou P
0/1,+
, ils cherchent à
se ramener au problème P
1,+
qui leur semble
peut-être plus simple. Sur les 7 ou 8 groupes
qui ont traité plusieurs problèmes, quatre
ont eu clairement recours à cette stratégie.
• On retrouve aussi des variantes de ces stra-
tégies, par exemple mélangeant S
TRICHO
et
S
DICHO
, ou d’autres encore, proposant des
partages des pièces dans d’autres propor-
tions. On retrouve aussi dans une produc-
tion la stratégie S
ETAL
.
Il semble donc que la stratégie la plus natu-
relle soit S
DICHO
et que S
EXP
puisse être une
bonne stratégie pour rejeter la dichotomie. Vien-
nent alors les autres stratégies et notam-
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
68
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
ment S
TRICHO
. Il apparaît aussi que le pas-
sage par P
1,+
soit un recours naturel dans la
résolution des autres variantes proposées.
La majorité des stratégies évoquées dans
l’analyse mathématique sont présentes et
leur ordre prévu dans l’analyse a priori semble
se confirmer.
Algorithmes
Les étudiants produisent des algorithmes
sous deux formes principalement : en lan-
gage courant et sous forme de schémas
(arbres ou succession de pesées). Dans le
deuxième cas l’algorithme est souvent pré-
senté sur un exemple. Il est alors difficile de
savoir si l’algorithme a été généralisé à un
nombre quelconque de pièces ou non. La
construction d’algorithmes apparaît très
nettement dans les échanges oraux à divers
moments. Les descriptions sont très claires
et l’on retrouve des termes tels que « la
même procédure sera appliquée » ou « jusqu’à
ce que tu tombes sur plus qu’une pièce »
qui mettent en évidence une itération. Les
algorithmes construits sont tous des algo-
rithmes valides de recherche de la fausse pièce,
il semble que la question de produire un ou
plusieurs algorithmes pour le problème ne
pose pas de grosses difficultés.
• Se pose la question de la preuve de ces
algorithmes. Elle transparaît très peu dans
les documents écrits des étudiants mais on peut
constater que dans la majorité des productions,
tous les cas possibles pour la fausse pièce
sont pris en compte. On constate aussi l’uti-
lisation (en apparence) d’invariants pour trai-
ter moins de cas (symétrie, cas similaires,
retour à un nombre de pièces déjà traité...).
Concernant la preuve des algorithmes, l’étude
des échanges oraux nous en dit un peu plus.
En effet, la preuve des algorithmes transpa-
raît à de nombreux endroits et de manière très
nette. Elle a lieu en même temps que la
construction des algorithmes, par disjonction
des différents cas : « on a soit 2k pièces soit
2k+1 pièces » ou « Si c’est ni dans l’un ni dans
l’autre... » par exemple.
Deux algorithmes en langage courant.
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
69
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
• Les algorithmes sont parfois comparés entre
eux, sur des exemples ou sur un nombre quel-
conque de pièces, ce qui permet de rejeter, pour
un algorithme trouvé, la conjecture selon
laquelle il est optimal. La stratégie S
EXP
déve-
loppée par plusieurs groupes peut aussi rele-
ver de la comparaison d’algorithmes. Les com-
paraisons d’algorithmes ne sont faites que
sur des exemples ou par des arguments d’effi-
cacité locale (sur une pesée). On voit claire-
ment ces comparaisons dans les échanges
des étudiants.
Comparaison des stratégies
de trichotomie et dichotomie.
La complexité, ou plutôt le nombre de
pesées, est questionnée par plusieurs groupes,
souvent sans succès. Cependant quelques
groupes émettent des hypothèses sur ce
nombre de pesées, souvent à l’aide de S
EXP
.
Certains vont jusqu’à produire une preuve de
la complexité de leur méthode que nous pré-
ciserons dans la partie concernant la preu-
ve. Dans les échanges, la complexité est ques-
tionnée et l’on retrouve des calculs (ou des
tentatives de calcul) de cette complexité. Par
exemple, « On peut calculer le nombre de
pesées mais ça dépend de n », évoque claire-
ment la complexité. L’optimalité est aussi
questionnée et ce sont plutôt les échangent
oraux qui nous en informent. De manière
générale, il semble que l’enjeu d’optimisa-
tion ait vécu dans l’activité des groupes. Le
critère de complexité au pire a été sujet à dis-
cussion dans les groupes. Les questions d’opti-
malité ont aussi donné lieu, par exemple, à
des discussions sur le passage d’un problème
à un autre et la conservation de l’optimali-
té, qui sont des questions importantes de
l’algorithmique.
Démarche de preuve
D’après les résultats présentés jusqu’ici,
un enjeu de preuve semble être présent dans
l’activité des étudiants. Elles peuvent être
des preuves d’algorithmes, des preuves de
complexité ou des preuves d’optimalité. Voyons
plus précisément quels sont les éléments
constitutifs de cette activité.
• D’une part, quelques preuves sont pré-
sentes dans les productions écrites, la difficulté
est qu’elles ne sont pas toujours très forma-
lisées et il est difficile de les identifier clairement.
L’étude des échanges oraux nous a permis de
mieux repérer ces preuves, nous les avons
déjà évoquées dans les paragraphes précédents.
Une preuve par récurrence.
• D’autre part, des hypothèses, des conjectures
et des questions sont présentes sur les pro-
ductions. Elles sont significatives d’une
démarche de preuve, mais sont, pour beaucoup,
formulées oralement. Citons comme exemples :
« Ah ouais, c’est les plus équilibrés en fait, je
pense... », « Mais 5 tu l’auras pas avant 90. »
ou « Mais pourtant c’est la meilleure métho-
de. Enfin on suppose que. »...
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
70
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
• On retrouve aussi l’expression d’une néces-
sité de recourir à la preuve dans les discussions,
par exemple dans un groupe : « Je pense quand
même qu’il y a une raison un peu plus...
logique », « Ben allez, faut le prouver. », « Une
récurrence pour prouver quoi ? » ou « Si il te
la prouve pas comment tu vas le croire ? »...
Ou dans un autre groupe : « Je pense plutôt
qu’on est pas assez rigoureux. » ou « On va faire
un raisonnement en probabilités... ».
• L’utilisation de contre-exemples permet
aussi de déceler une activité de preuve. Cepen-
dant, il est difficile de voir sur les productions
écrites si des contre-exemples sont utilisés. On
peut en repérer mais ils sont sûrement plus
souvent évoqués à l’oral. Les comparaisons de
méthodes entre elles constituent aussi des
contre-exemples à l’optimalité de l’une des
deux. S
EXP
permet de construire de nombreux
exemples qui peuvent servir de contre-exemples
à l’optimalité de certaines méthodes. C’est
ce que semble faire l’un des groupes : « Si tu
fais 4, 4 et 2. Si t’enlèves les 2, en gros t’auras,
t’auras perdu une pesée quoi. » pour rejeter
une stratégie de découpage en 2, 2, 1.
Comparaison des deux publics
Même si nous avons présenté ensembles
les résultats des deux expérimentations, il
est nécessaire de discuter des différences
et des points communs entre les deux publics
observés.
• Concernant les stratégies mises en œuvre,
on rencontre chez les deux publics les stratégies
S
DICHO
et S
EXP
de façon courante. La straté-
gie S
PROB
est aussi commune aux deux expé-
rimentations. Cependant, les PE
2
n’ont pas sou-
levé S
TRICHO
que l’on ne retrouve que chez les
étudiants de licences scientifiques.
• Concernant les algorithmes, leur construc-
tion est mise en œuvre par les deux publics
mais le passage au cas général semble plus
difficile pour les PE
2
et tous ne l’ont pas trai-
té. Comme la preuve de ces algorithmes se fait
généralement en parallèle de leur construc-
tion, on la retrouve aussi chez les deux publics.
L’enjeu d’optimisation semble bien présent dans
les deux expérimentations et la notion de
complexité au pire paraît assez naturelle pour
tous les étudiants. Des tentatives de calcul de
cette complexité existent aussi bien dans les
deux expérimentations, mais il semble qu’elles
n’aboutissent pas chez les étudiants de PE
2
.
Concernant l’enjeu de preuve, on le retrouve
à des degrés différents dans les deux cas.
Cependant des preuves d’optimalité ne sont
présentes que chez les étudiants de L
1
et L
2
.
Exemples de conjectures.
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
71
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
En conclusion
On constate, sans surprise, que le rap-
port à la preuve des deux publics auprès
desquels nous avons expérimenté est diffé-
rent. Ces résultats, concernant la mise en
place de preuves semblent aller dans le sens
de ceux de Schuster qui a étudié l’intro-
duction de problèmes d’optimisation com-
binatoire dans l’enseignement secondaire
(Schuster, 2004). Il constate que la construc-
tion d’algorithmes peut vivre en classe dès
le grade 9 et que la preuve n’est réellement
mise en œuvre qu’aux grades 11 et 12 de
manière autonome
14
. Il serait pertinent
d’étudier le rapport à la preuve des différents
publics concernés par cette situation.
Cette situation a permis à certains groupes
de mettre en œuvre la construction d’algorithmes
et de questionner certains aspects de l’algo-
rithme (preuve, complexité, optimalité) qui sont
absent des programmes et manuels. Ces
aspects sont du côté objet de l’algorithme.
Concernant les hypothèses sur les stratégies,
elles se sont vérifiées ici. La construction et
la preuve d’algorithmes ont été effectuées
par une majorité d’étudiants. La question de
l’optimalité a été rarement résolue et les
groupes qui l’ont traité ont privilégié l’optimalité
locale. Pour beaucoup d’étudiants, traiter
l’optimalité demanderait sûrement un temps
plus long.
Cette situation semble donc porteuse d’un
potentiel pour la manipulation de l’algorith-
me en tant qu’objet. Il semble donc important
de poursuivre son étude sur une période plus
longue (5 à 6 séances de 2 heures par exemple
pour une SiRC classique). Cette étude pour-
rait être mise en œuvre avec différents publics
(du primaire à l’université et en formation
d’enseignants) afin d’étudier le rapport de
chacun à l’algorithme et de comprendre l’évo-
lution de ce rapport au fil de la situation.
Conclusion
L’algorithme peut être vu sous différents
aspects, dont certains ont un potentiel réel pour
l’enseignement des mathématiques et en par-
ticulier pour l’apprentissage de la preuve.
Malheureusement, ces aspects semblent
absents des programmes et manuels de l’ensei-
gnement secondaire en France et sont donc
difficiles à exploiter par les enseignants. En
effet, l’algorithme ne joue dans les programmes
et les manuels que le rôle d’un outil. Pourtant,
il semble que l’on peut questionner les diffé-
rents aspects de ce concept dans certaines
situations, et tenter de faire apparaître l’algo-
rithme comme un véritable objet mathéma-
tique.
En proposant le « problème des pesées »
à des étudiants, sous la forme d’une situation
de recherche, nous avons pu constater que la
construction d’algorithmes, leur preuve et
leur étude pouvaient vivre en classe. Cepen-
dant, l’étude de leur complexité reste une
question difficile. La complexité est une notion
spécifique à l’algorithmique (Knuth, 1985) et
son étude passe nécessairement par l’objet algo-
rithme. Cette notion pourrait trouver sa place
au sein d’un enseignement de mathématiques
et même redonner du sens à certains des
objets enseignés.
L’algorithme est sur le point de prendre
une place plus grande dans l’enseignement fran-
çais et il est nécessaire de suivre cette évolution
et de l’accompagner.
14 Le grade 9 correspond à la tranche d’âge 15-16 ans et les
grades 11 et 12 à la tranche 17-19 ans.
REPERES - IREM. N° 79 - avril 2010
72
ALGORITHMIQUE ET
APPRENTISSAGE DE LA PREUVE
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... La notion d'algorithme tire son nom d'al-Khawarizmi, fondateur du domaine de l'algèbre, ce qui rappelle que l'algorithme est un objet mathématique originel avant d'être un objet associé à l'informatique et, plus précisément, à la programmation. L'algorithme joue un rôle très important au centre d'une discipline propre, « l'algorithmique 11 » mais il se situe également à l'intersection des mathématiques et de l'informatique (Gravier, Ouvrier-Buffet, & Modeste, 2010 Pour s'assurer de la validité d'un algorithme, celui-ci peut être démontré ; la preuve d'un algorithme tient en deux dimensions : (1) preuve de correction, qui assure que quelle que soit l'entrée de l'algorithme, l'algorithme produit une réponse valide ; (2) preuve de terminaison qui assure que quelle que soit l'entrée de l'algorithme, l'algorithme produit une réponse après un nombre fini d'étapes. ...
... Nous vérifions l'existence de l'aspect « preuve » en nous appuyant sur la dualité outil/objet de Douady (1992), c'est-à-dire que nous observons si les preuves de correction et de terminaison sont faites ou pas. Nous souhaitons interroger le lien particulier entre preuve et algorithme, dû au fait que l'algorithme fait appel à des raisonnements communs aux mathématiques et à un mode de pensée spécifique (Gravier, Ouvrier-Buffet, & Modeste, 2010). ...
Thesis
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Notre thèse est centrée principalement sur l’étude et l’analyse épistémologiques et didactiques des mathématiques discrètes dans l’enseignement supérieur avec un focus sur la théorie des graphes. Identifier les potentialités d’enseignement en mathématiques discrètes pour le supérieur est une question peu explorée en didactique des mathématiques. Nous nous interrogeons ainsi sur les points suivants : Comment les recherches en didactique des mathématiques étudient les mathématiques discrètes ? Quelle est l’épistémologie sous-jacente dans des ouvrages en mathématiques discrètes utilisés dans le supérieur ? Pour mener à bien notre étude, nous avons conduit un état de l’art en didactique des mathématiques. Nous avons ensuite organisé une exploration contemporaine de nature épistémologique, en interrogeant des chercheurs en mathématiques discrètes. Nous avons également utilisé une approche praxéologique et mobilisé la dialectique outil/objet pour analyser trois grands types de problèmes en théorie des graphes dans une sélection d’ouvrages universitaires. L’ensemble des résultats des expérimentations a été confronté à l’état de l’art. Les résultats de la thèse mettent en évidence une richesse du domaine en termes de bloc « logos », notamment au niveau des preuves, algorithmes et modélisation, des complexités de différentes natures, ainsi qu’une hétérogénéité suivant les ouvrages universitaires. Les résultats de cette recherche représentent un pas vers la construction d’une didactique des mathématiques discrètes dans l’enseignement supérieur.
... Such is the problem posed by Modeste, Gravier, & Ouvrier-Buffet (2010), but without Archimedes (!), to pre-service teachers, playing on the constraints of weight and the number of counterfeit coins. This problem does indeed concern an algorithmic problematic, because it is a matter of elaborating an effective method to search for counterfeit coins, proving it and studying its optimality, e.g. by means of successive weighing operations or trees. ...
... Besides, in the research of Modeste, Gravier, & Ouvrier-Buffet (2010), the natural link between the algorithmic approach and the learning of proof is particularly emphasized: ...
Chapter
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Our article aims to define the notion of instrumental proof based on didactic, epistemological and cognitive considerations. We raise issues and challenges related to the use of this type of proof in mathematical work and mathematical thinking. The theory of mathematical working spaces serves as a construct on which we address questions about proof, reasoning and epistemic necessity, taking advantage of the possibilities offered by the development geneses and fibrations in an instrumented perspective. The coordination of the semiotic, discursive and instrumental geneses of the working space founds discursive-graphic proofs, mechanical proofs and algorithmic proofs that are activated at school in the subject-milieu interactions. We end with a discussion on some consequences of the computer-assisted modelling of the learning conditions of mathematics, and we conclude on a necessary reconciliation of heuristics and validation. Notre article vise à définir la notion de preuve instrumentale en partant de considérations didactiques, épistémologiques et cognitives. Nous soulevons des enjeux et des défis liés à ce type de preuve au regard du travail mathématique et de la pensée mathématique. La théorie des espaces de travail mathématique sert de charpente sur laquelle nous abordons des questions sur la preuve, le raisonnement et la nécessité épistémique, profitant des possibilités qu'offrent le développement des genèses et des fibrations dans une perspective instrumentée. La coordination des genèses sémiotique, discursive et instrumentale de l'espace de travail fondent des preuves discursivo-graphiques, des preuves mécaniques et des preuves algorithmiques qui s'activent à l'école dans l'interaction sujet-milieu. Nous terminons par une discussion de quelques conséquences de la modélisation des conditions d'apprentissage des mathématiques assisté par des dispositifs informatiques, et nous concluons sur un rapprochement nécessaire entre heuristique et validation.
... Sa place se situe pour l'essentiel dans une approche de type application numérique, en particulier, dans les domaines d'analyse » (Ibid.). Comme le soulignent Ouvrier-Buffet, Modeste et Gravier (2010), pour une majorité des tâches algorithmiques proposées par les manuels, l'algorithme « ne vit que dans la niche technique de résolution », bien que dans le savoir mathématique savant : la niche preuve peut être un lieu « écologique » justifiant l'utilisation de l'algorithmique (Laval, 2018). ...
Conference Paper
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Les filiations communes entre l'algèbre et l'algorithmique nous permettent de définir pensée algébrique et pensée algorithmique de façon similaires. Toutefois, des disparités se dessinent notamment autour des formes et des usages pris par les objets étudiés. Une analyse didactique de deux versions d'une même tâche exploitée en formation des maîtres, respectivement en didactique de l'algèbre et en programmation informatique, nous permet de mieux comprendre ces deux modes de pensée. Mots-clefs : Pensée algébrique, pensée algorithmique, programmation informatique Abstract-Starting from the common ancestry between algebra and algorithmics, we similarly define algebraic thinking and algorithmic thinking. However, disparities appear, especially in the forms and uses of the objects studied. A didactic analysis of two versions of the same task used in teacher training, respectively algebra didactics and computer programming, allows us to better understand these two ways of thinking.
Conference Paper
Full-text available
Prendre en compte les enjeux algorithmiques. Résumé : Nous présentons une réflexion sur le rôle à donner à l'algorithmique dans la formation initiale des enseignants de mathématiques au secondaire au Québec, dans un contexte où l'algorithmique n'est pas inscrite dans les programmes officiels du secondaire. Ancré à la fois en didactique des mathématiques et en didactique de l'informatique, notre travail cherche à prendre en compte les enjeux didactiques algorithmiques et mathématiques dans l'utilisation d'activités de programmation informatique pour des futurs enseignants en formation initiale à la fois en didactique et en mathématiques. Il s'agit de préserver la richesse intrinsèque de l'activité algorithmique, au carrefour des sciences informatiques et mathématiques, tout en répondant à la volonté institutionnelle québécoise d'intégrer la programmation informatique à l'école dans une vison très instrumentale et transversale. Le cadre théorique de l'approche instrumentale nous permet d'aborder les liens possibles entre activité algorithmique et activité mathématique dans la conception de ressources algorithmiques pour l'enseignement des mathématiques. Mots-clés : algorithmique, programmation informatique, formation initiale, enseignement des mathématiques au secondaire, genèse instrumentale. La programmation informatique au Québec Au Québec, suivant une dynamique internationale, l'apprentissage de la programmation informatique à l'école prend de l'expansion. Le plan d'action numérique en éducation et en enseignement supérieur (MEES, 2020) prévoit le développement de l'usage pédagogique de la programmation dans les écoles. Barma et al. (2018), dans un rapport visant à proposer des actions optimales à poser pour favoriser l'usage pédagogique de la programmation informatique dans les écoles du Québec, recommandent que la programmation informatique soit ajoutée au curriculum québécois comme une nouvelle compétence transversale en lien avec la pensée informatique. L'algorithmique n'est donc pas considérée comme un domaine d'étude à part entière. De fait, elle n'est envisagée que de façon implicite pour sous-tendre une compétence prenant ancrage dans plusieurs compétences disciplinaires, en mathématiques,
Thesis
Full-text available
Title: An Algorithmic Thinking Development Characterization for Students of the Bachelor in Mathematics and Bachelor in Statistics at the central campus of the University of El Salvador between 2018-2020. This correlational and mixed-method —quantitative and qualitative— research constitutes an approach to the cross-sectional characterization of the Algorithmic Thinking development in Mathematics and Statistics Bachelor students at central campus of University of El Salvador, in the period from 2018 to 2020. The quantitative part consists of a survey to measure the development level of Algorithmic Thinking from four groups of students (80 students in total) of the mentioned study programs, as the students increase their academic level according to the curriculum, specifically through the courses that require and are related to computer programming. A moderate correlation was found between this advance in the academic level and the development level of Algorithmic Thinking. In addition, no significant correlation was found between the development level of Algorithmic Thinking and the global grades of the students, nor their age, nor their gender. The qualitative part includes an in-depth study of the cognitive processes carried out by a group of students from the same study programs (14 students in total) during the resolution of mathematical problems whose solution is an algorithm. It was found that students develop Algorithmic Thinking very slowly and with many obstacles, especially in the process of analyzing problems. Much variation was also found in the development of this type of thinking among students. Some of them have developed it acceptably and others have developed it very little. The theoretical products of this work are: (a) the development of an operational definition of Algorithmic Thinking, (b) its corresponding generic evaluation rubric, (c) a specific rubric, and (d) a new expanded design of the Schoenfeld-like graphs. Keywords: Algorithmic Thinking, Algorithmization, Computational Thinking, Schoenfeld Diagrams, Mathematician Training. Título: Una Caracterización del Desarrollo del Pensamiento Algorítmico de los Estudiantes de las carreras de Licenciatura en Matemática y Licenciatura en Estadística de la sede central de la Universidad de El Salvador en el período 2018-2020. Esta investigación correlacional de enfoque de métodos mixtos, cuantitativo y cualitativo, constituye un acercamiento a la caracterización transversal del desarrollo del Pensamiento Algorítmico en los estudiantes de las carreras de Licenciatura en Matemática y Licenciatura en Estadística de la sede central de la Universidad de El Salvador, en el período de 2018 a 2020. La parte cuantitativa consiste de aplicar un instrumento de medición del nivel de desarrollo del Pensamiento Algorítmico a cuatro grupos de alumnos (80 alumnos en total) de las carreras mencionadas, a medida que los educandos de estas carreras van aumentando su nivel académico de acuerdo al pensum, específicamente a través de las asignaturas que requieren y están relacionadas con la programación de computadoras. Se encontró una correlación moderada entre este avanze en el nivel académico y el nivel de desarrollo del Pensamiento Algorítmico. Así mismo no se encontró una correlación significativa entre el nivel de desarrollo del Pensamiento Algorítmico y las notas globales de los estudiantes, ni su edad, ni su género. La parte cualitativa comprende un estudio profundo de los procesos cognitivos que realiza un grupo de educandos de esas mismas carreras (14 alumnos en total) durante la resolución de problemas matemáticos cuya solución es un algoritmo. Se encontró que los alumnos desarrollan el Pensamiento Algorítmico muy lentamente y con muchos obstáculos, especialmente en el proceso de analizar los problemas. También se encontró mucha variación en el desarrollo de este tipo de pensamiento entre los alumnos. Unos lo han desarrollado aceptablemente y otros lo han desarrollado muy poco. Los productos teóricos de este trabajo son: (a) el desarrollo de una definición operacional propia de Pensamiento Algorítmico, (b) su correspondiente rúbrica de evaluación genérica, (c) una rúbrica específica, y (d) un nuevo diseño ampliado de los gráficos tipo Schoenfeld. Palabras clave: Pensamiento Algorítmico, Algoritmización, Pensamiento Computacional, Diagramas de Schoenfeld, Formación de Matemáticos.
Chapter
Cet ouvrage explore le rôle que peut jouer l’épistémologie en didactique des sciences expérimentales et des mathématiques. Il offre une vue d’ensemble sur cette question ainsi qu’une série d’études de cas portant sur des contenus d’enseignement variés et couvrant différents niveaux d’enseignement, depuis l’école primaire jusqu’à l’université. Les contributions se répartissent selon deux axes de recherche. Le premier examine la construction des connaissances scientifiques elles-mêmes et leur transposition pour la classe, tandis que le second s’intéresse davantage au mode d’enseignement des sciences.
Chapter
Our article aims to define the notion of instrumental proof based on didactic, epistemological and cognitive considerations. We raise issues and challenges related to the use of this type of proof in mathematical work and mathematical thinking. The theory of mathematical working spaces serves as a construct on which we address questions about proof, reasoning and epistemic necessity, taking advantage of the possibilities offered by the development geneses and fibrations in an instrumented perspective. The coordination of the semiotic, discursive and instrumental geneses of the working space founds discursive-graphic proofs, mechanical proofs and algorithmic proofs that are activated at school in the subject-milieu interactions. We end with a discussion on some consequences of the computer-assisted modelling of the learning conditions of mathematics, and we conclude on a necessary reconciliation of heuristics and validation.
Thesis
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Les nouveaux programmes des lycées français, mis en place depuis la rentrée 2010, ont fixé des objectifs précis en matière d’algorithmique. A la lecture de ces programmes, l’enseignement de l’algorithmique apparaît comme outil (au sens de Douady, 1986) pour donner sens à un certain nombre de notions étudiées. Comment dépasser ce stade pour que l’algorithmique devienne objet d’apprentissage (au sens de Douady, 1986) ? Le travail de recherche se situe dans le cadre d’apprentissages de connaissances sur les algorithmes en mathématiques dans l’enseignement au niveau des classes de Seconde et du Cycle Terminal Scientifique du lycée. L’étude et la construction d’algorithmes par les élèves sont situées dans un cadre plus général de raisonnement et de preuve, mais aussi de démarches de modélisation en mathématiques. Il s’agit d’étudier l’effectivité de tels enseignements dans le cadre institutionnel français du point de vue des apprentissages effectivement réalisés par les élèves et des pratiques des enseignants, et d’en inférer des résultats plus généraux sur le raisonnement mathématique dans certains domaines spécifiques, pour les classes du lycée. Le travail de recherche entrepris privilégie la place occupée par les algorithmes dans l’enseignement des mathématiques et propose un cadre théorique tenant compte des cadres généraux de la didactique des mathématiques, en particulier les Espaces de Travail Mathématique (ETM) (Kuzniak, Richard, 2014) associés à des domaines mathématiques spécifiques. Plus particulièrement, poursuivant la spécification d’un modèle Espaces de Travail Algorithmique (ETA) (Laval, 2014, 2016), nous précisons ce que peuvent être les plans épistémologique et cognitif dans ces espaces en mettant l’accent sur leurs interactions liées aux genèses sémiotique, instrumentale et discursive auxquelles ces plans donnent lieu. Nous étudions aussi quels espaces personnels peuvent se construire chez les élèves des différents niveaux scolaires du lycée, et comment ils articulent des connaissances sur les algorithmes et les domaines mathématiques scolaires. Les modèles des ETM/ETA sont consacrés à l’analyse du travail mathématique dans des domaines mathématiques spécifiques avec, en particulier, des paradigmes guidant et orientant le travail des élèves. De plus, partant du fait que peu d’études sur des tâches de modélisation ont été basées sur les modèles ETM/ETA, nous affinons certaines de nos analyses dans le cadre des ETM/ETA sur la base du cycle de modélisation proposé par Blum et Leiss (2005) en relation avec certains domaines spécifiques des mathématiques. Pour cela, nous construisons plusieurs ingénieries didactiques mettant en place des expérimentations dans trois domaines mathématiques : (1) la théorie élémentaire des nombres ; (2) l’analyse ; (3) les probabilités et les simulations aléatoires. Ces ingénieries sont expérimentées et analysées dans les trois niveaux du lycée français : seconde et cycle terminal scientifique. Notre travail de recherche comporte des outils d’analyse de tâches et d’activités dans différents domaines mathématiques. La méthodologie employée permet d’obtenir des données globales et d’observer finement les activités des élèves en classe et les pratiques des enseignants
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There is a fundamental solidarity between mathematics and computer science that is based on the history and the current practice of these two disciplines. A proof of this is constant resort to algorithms in the resolutions of fundamental mathematical problems, and the existence of algorithmics as constituent domain of computer science alongside others, like the theory of languages or the theory of robots. Our research studies the question of the introduction of elements of algorithmics and programming in the secondary mathematical teaching. It relies on epistemological and institutional analyses that show, on one hand that the notions of loop and computer variable are built at the same time as the architecture of the machine is transformed. On the other hand, it testifies the difficult presence of the elements of algorithmics and programming in secondary teaching in France and in Vietnam. The results of these analyses build the conception and the realization of a didactic engineering in a computer environment. It is conceived as an experimental genesis of the machine of Von Neumann and programming through the writing of the successive messages (programs) to machines endowed with different characteristics. This conception uses the tools of the theory of Didactic Situations to organize, from a fundamental situation of algorithmics and programming, a first encounter with different types of memories of the machine, in particular erasable memories. This first encounter allows for the emergence of the notion of computer variables and the loop in our didactic engineering. For the need of our research, we constructed an emulated calculator, named Alpro. This emulator is based on the model of calculator existing in the secondary teaching of the two countries and having the additional capacity to record the history of the pressed keys at the time of a calculation.
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My purpose in this paper is to stimulate discussion about a philosophical question that has been on my mind for a long time: What is the actual role of the notion of an algorithm in mathematical sciences? For many years I have been convinced that computer science is primarily the study of algorithms. My colleagues don't all agree with me, but it turns out that the source of our disagreement is simply that my definition of algorithms is much broader than theirs: I tend to think of algorithms as encompassing the whole range of concepts dealing with well-defined processes, including the structure of data that is being acted upon as well as the structure of the sequence of operations being performed; some other people think of algorithms merely as miscellaneous methods for the solution of particular problems, analogous to individual theorems in mathematics. In the U.S.A., the sorts of things my colleagues and I do is called Computer Science,
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The well-known counterfeit problem asks for the minimum number of weighings necessary to determine all fake coins in a given set ofn coins. We derive a new upper bound when we know that at mostd coins are defective, improving a previous result of L. Pyber.
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This article introduces an investigation dealing with the question of what role the mathematical discipline “combinatorial optimization” can play in mathematics and computer science education at high school. Combinatorial optimization is a lively field of applied mathematics and computer science that has developed very fast through the last decades. Der Artikel stellt eine Untersuchung vor, die sich mit der Frage beschäftigt, welche Rolle das mathematische Teilgebiet der Kombinatorischen Optimierung, einer Disziplin, die im Umfeld von angewandter Mathematik und Informatik in den letzten Dekaden eine stürmische Entwicklung durchlaufen hat, für den Mathematik- und Informatikunterricht am Gymnasium spielen kann. ZDM-ClassificationN70-N90-U70
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We propose an algorithm for findingm defective coins, that uses at most ( *20c n m ) \left\lceil {\log _3 \left( {\begin{array}{*{20}c} n \\ m \\ \end{array} } \right)} \right\rceil + 15m weighings on a balance scale, wheren is the number of all coins.
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We consider the problem of ascertaining the minimum number of weighings which suffice to determine the counterfeit (heavier) coins in a set of n coins of the same appearance, given a balance scale and the information that there are exactly two heavier coins present. An optimal procedure is constructed for infinitely many n's, and for all other n's a lower bound and an upper bound for the maximum number of steps of an optimal precedure are determined which differ by just one unit. Some results of Cairns are improved, and his conjecture at the end of [3] is proved in a slightly modified form.
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La raison initiale du sujet de cette thèse est l'introduction, pour la première fois en France, d'éléments de théorie des graphes dans un curriculum de l'enseignement secondaire, à savoir celui de la spécialité mathématiques de la Terminale économique et sociale (ES) en 2002. Après une brève étude historique de la genèse – relativement récente – du graphe en tant que concept mathématique et de la signification épistémologique de cette genèse, nous analysons les choix faits pour la transposition de ce concept, en particulier les énoncés proposés aux élèves, qui montrent le décalage entre les intentions affichées et la réalité. Cette partie du programme de terminale ES se particularise par sa mise en œuvre « axée sur le seule résolution de problèmes ». Or, nous montrons que les manuels scolaires sont dans ce chapitre composés d'exercices et non de problèmes. L'enseignement de théorie des graphes, s'il se limite à la résolution, locale, de ces exercices ou de « casse-tête » mathématiques, ne permet pas aux élèves de comprendre les concepts mathématiques sous-jacents ni surtout d'accéder au sens du raisonnement mathématique (en particulier autour de la modélisation et de la preuve) et à la richesse de la démarche scientifique, ce qu'aurait dû permettre ce domaine facilement abordable des mathématiques. Une étude théorique et expérimentale du problème de « parcours eulériens dans les graphes » a ensuite été menée, du primaire au supérieur, sous des formes différentes (situations-recherche en classe avec ou sans support matériel, étude de documents). Des éléments didactiques ont aussi été tirés de deux stages de formation d'enseignants en théorie des graphes pour la Terminale ES. Ces différentes études nous ont conduit à proposer un nouvel ensemble organisé de problèmes à destination des enseignants de Terminale ES, accompagnés de leur résolution et d'analyses didactiques qui attestent que des mathématiques plus consistantes peuvent être abordées et construites sur ce thème.