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Paléontologie humaine et Préhistoire
Découverte d’un assemblage lithique sous un encroûtement
calcaire à El Beyyed Yeslem II, Mauritanie
Henry de Lumley
a,b
, Ousmane Chérif Touré
b,c,
*, Mouamar Ould Rachid
b,c
,
Anne-Marie Moigne
a,b
, Anne Dambricourt-Malassé
a
, Thibaud Saos
b
,
David Pleurdeau
a
, Christine Seaseau
d
, Michel Diebold
e
, Yves Kernaleguen
f
a
Institut de paléontologie humaine, département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle,
1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France
b
Centre européen de recherche préhistorique de Tautavel, av. Léon-Jean-Grégory, 66720 Tautavel, France
c
Institut mauritanien de recherche scientifique, BP 555, Nouakchott, Mauritanie
d
Association GAIA, 26, rue des Boulangers, 75005 Paris, France
e
2, rue Daubenton, 51100 Reims, France
f
Lieudit « La Retentais », 44130 Blain, France
Reçu le 4 novembre 2004 ; accepté après révision le 23 septembre 2005
Disponible sur internet le 19 janvier 2006
Rédigé à l’invitation du Comité éditorial
Résumé
Les missions de recherche dans la région de l’Adrar sont le fruit d’une collaboration scientifique entre l’Institut de paléonto-
logie humaine, le Centre européen de recherche préhistorique de Tautavel et l’Institut mauritanien de recherche scientifique de
Nouakchott, qui a conduit à un programme de recherche sur le Paléolithique inférieur de l’Adrar mauritanien. Dans cette région,
toutes les phases de l’évolution des civilisations sont lisibles, depuis le Paléolithique jusqu’au Néolithique. Le site d’El Beyyed,
découvert par T. Monod en 1934, a révélé une concentration de sites préhistoriques avec un matériel d’âge Acheuléen. Les
récentes découvertes des sites Yeslem II et Yeslem III, respectivement site à assemblage lithique en place dans la stratigraphie
et site à faune associée à l’industrie lithique prise dans un encroûtement calcaire, permettent d’appréhender les questions relatives
aux paléoenvironnements et la diversité des occupations humaines dans l’Adrar de Mauritanie. Pour citer cet article :
H. de Lumley et al., C. R. Palevol 5 (2006).
© 2006 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Discovery of a lithic assemblage under a calcrete at El Beyyed Yeslem II, Mauritania. Scientific field trips in the Adrar
area are the result of a scientific collaboration between the Institute of Human Palaeontology (Paris, France), the European Pre-
historic Research Centre of Tautavel (France) and the Mauritanian Scientific Institute of Research to study the Early Palaeolithic of
Adrar in Mauritania. In this area, all the evolution stages of civilizations were found from the Palaeolithic to the Neolithic. The site
of El Beyyed, discovered by T. Monod in 1934, revealed a concentration of prehistoric sites with a material of Acheulean age.
Other sites recently discovered, Yeslem II and Yeslem III, respectively a site with lithic assemblage in situ found in stratigraphy
and a site with fauna associated with lithic tools inside a calcareous crust, make it possible to explore the questions relating to
http://france.elsevier.com/direct/PALEVO/
C. R. Palevol 5 (2006) 263–271
*
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : t.ousmane@caramail.com (O.C. Touré).
1631-0683/$ - see front matter © 2006 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.crpv.2005.09.022
palaeoenvironments and diversity of the human occupations in Mauritanian Adrar. To cite this article: H. de Lumley et al., C. R.
Palevol 5 (2006).
© 2006 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Acheuléen ; Stratigraphie ; Faune
Keywords: Acheulean; Stratigraphy; Fauna
1. Historique des recherches
Pays de l’Afrique sub-saharienne, la Mauritanie pos-
sède un sous-sol très riche en vestiges archéologiques.
Malgré cette richesse, ces derniers sont restés long-
temps ignorés. Les premières recherches sur la préhis-
toire de la Mauritanie ont privilégié ceux de la période
néolithique. Le Paléolithique est resté inconnu jus-
qu’aux années 1930, date des premières missions orga-
nisées sur les sites paléolithiques en Mauritanie (Fig. 1).
Les premières missions dans la région de l’Afrique
sub-saharienne concernaient la géologie. Elles ont per-
mis de répertorier l’essentiel des sites préhistoriques
dans la région, en particulier les sites mauritaniens.
B. Crova fut la première à publier sur la préhistoire de
la Mauritanie entre 1909 et 1912 [5]. Les premières
recherches sur le terrain ont été réalisées à partir des
années 1930. Entre 1934 et 1999, T. Monod a organisé
des missions de recherche dans la région de l’Adrar.
Elles ont permis la découverte de sites du Paléolithique
inférieur, comme El Beyyed [8], oued Akerdeil, Tazaz-
mout, Aderg (Fig. 2).
D’autres missions, comme celles de G. Waterlot, ont
sillonné les autres régions, comme celle de Tichitt entre
1937 et 1938. [7]. Malgré celles-ci, les connaissances
sur les sites paléolithiques sont restées embryonnaires.
Depuis 1999, H. de Lumley organise des missions de
recherches dans la région de l’Adrar pour approfondir
les connaissances sur les sites du Paléolithique infé-
rieur. En 2002, un assemblage lithique sous un encroû-
tement calcaire a été mis au jour à El Beyyed par ses
collaborateurs. C’est le site de Yeslem II, que nous pré-
sentons dans cette étude.
2. Présentation du site
Le site de Yeslem II se trouve dans le cirque d’El
Beyyed (Fig. 2), sur une butte d’encroûtement calcaire,
entourée d’industrie lithique. Les fouilles archéologi-
ques ont été menées pour comprendre la concentration
de matériel lithique abondant dans un rayon de 500 m
2
,
puis pour corréler le matériel trouvé en place dans la
stratigraphie et celui hors stratigraphie. Ce site se situe
à 150 m au nord-est de Yeslem I, où un carroyage de
16 m
2
a été établi pour permettre le ramassage d’envi-
ron 900 pièces lithiques. Il est distant d’environ 1 km
du site de Yeslem III, sur lequel a été découvert de la
faune associée à de l’industrie lithique (Fig. 3).
La première campagne de fouille du site de Yeslem
II (avril 2002) concernait deux bandes H et I, divisées
en quatre carrés d’un mètre chacune. Lors de cette cam-
pagne de fouilles, 600 pièces lithiques, reparties entre
huit carrés, ont été coordonnées (Fig. 4). La fouille a été
menée selon les méthodes classiques consistant à rele-
Fig. 1. Localisation géographique de la Mauritanie.
Fig. 1. Location map of Mauritania.
Fig. 2. Les sites acheuléens de l’Adrar (cirque d’El Beyyed).
Fig. 2. The Acheulean site of Adrar (El Beyyed circus).
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271264
ver systématiquement les coordonnées, à dessiner les
pièces, à relever les coupes stratigraphiques et échantil-
lonner les sédiments. Pour comprendre cet assemblage,
l’extension de la fouille à l’est des deux bandes H et I
est apparue nécessaire lors de la deuxième mission sur
le site (novembre 2002). Elle a été faite sur cinq nou-
velles bandes (J, K, L, M et N), divisées en quatre car-
rés chacune, sur lesquelles ont été coordonnées prés de
1000 pièces lithiques. Il apparaît une forte concentra-
tion de matériel lithique dans les différentes bandes,
mais dans un seul niveau archéologique, protégé par
quatre couches (Fig. 5). Certaines pièces sont hors stra-
tigraphie (Fig. 4).
3. Stratigraphie de Yeslem II
Le site de Yeslem II est le seul, en l’état actuel des
connaissances, à présenter un matériel protégé par une
formation composée de quatre niveaux différents
(Fig. 6). Celle-ci, étudiée par M.O. Rachid, ne montre
pas de niveaux bien individualisés, mais un seul niveau
archéologique, composé exclusivement de matériel li-
thique. Ce niveau, reposant sur une couche de sable
blanc, est protégé par une couche de sable versicolore,
épaisse de 50 cm, puis par une fine couche d’encroûte-
ment ferrugineux de 2 cm d’épaisseur (Tableau 1). Une
quatrième couche limono-sableuse, épaisse de 25 cm,
surmonte la couche ferrugineuse. Les couches de la
base ont une composition granulométrique homogène,
où dominent des sables grossiers et des sables fins. Les
couches du milieu sont marquées par la dominance du
sable fin et celles au sommet de la stratigraphie par
celle des sables grossiers. Afin d’interpréter cette coupe
stratigraphique, il est nécessaire de la comparer avec
Fig. 3. Localisation des sites Yeslem I, II et III.
Fig. 3. Location map of the Yeslem I, II, and III sites.
Fig. 4. Les deux bandes H et I.
Fig. 4. The two bands H and I.
Fig. 5. Plan de fouilles en carrés J, K, L, M, N (de gauche à droite).
Fig. 5. Excavation map in squares J, K, L, M, N (from left to right).
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271 265
celle établie par le professeur T. Monod [6], basée sur
trois zones : la Majabat, où la stratigraphie est com-
plète, Tazazmout et El Beyyed (Tabl.2). Le sable blanc
est présent au niveau d’=Yeslem II et de Majabat. À
Yeslem II, il est surmonté par le niveau archéologique.
T. Monod attribue les deux niveaux GB1 et SB1 à
l’Acheuléen. Les connaissances sur la stratigraphie de
Yeslem II ne permettent pas d’identifier la couche GB1.
La composition granulométrique de SB1 et celle du
sable blanc de Yeslem II sont les mêmes, sable fin et
grossier. On peut donc se demander si le niveau archéo-
logique de Yeslem II se situerait entre le SB1 et le GB1.
4. L’industrie lithique
La collection de Yeslem II, étudiée par O.C. Touré,
est constituée de l’ensemble du matériel récolté lors des
deux campagnes de fouille. Cette industrie lithique
(1600 pièces) est composée de bifaces, d’hachereaux,
d’éclats, de galets aménagés, de nucléus et de débris
qui ont été coordonnés (Tableau 2).
4.1. Matière première
Homogène au niveau de Yeslem II, la matière pre-
mière dans laquelle a été taillée l’industrie, le grès quar-
tzite, proviendrait des affleurements rocheux des mas-
sifs du Baten et/ou de la Maqteir (Fig. 2). Elle se
présente sous différentes formes : blocs et plaquettes.
Les galets sont rares, voire inexistants, dans l’environ-
nement immédiat de ce site. Les blocs de grès quartzite
sont identifiables à des nucléus sur lesquels sont visi-
bles les négatifs des grands éclats extraits.
4.2. Répartition du matériel
Les éclats et les débris constituent plus de 90% du
matériel coordonné. Au niveau de l’outillage, les bifa-
ces, malgré un pourcentage faible, sont plus abondants.
Les galets aménagés sont composés de chopping-tools
et de galets à enlèvements isolés. Le petit outillage est
constitué de l’ensemble des éclats utilisés. Aucun éclat
transformé en outil n’a été coordonné sur le site (Fig. 7)
Fig. 6. Stratigraphie de Yeslem II.
Fig. 6. Stratigraphy of Yeslem II.
Tableau 1
Stratigraphie de Yeslem II
Table 1. Stratigraphy of the Yeslem II site.
Tableau 2
Stratigraphie comparative entre la Majabat et Yeslem II
Table 2. Comparative stratigraphy between Majabat and Yeslem II.
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271266
4.2.1. Les éclats
Deux groupes d’éclats différents se distinguent par le
type de débitage : des éclats à talon et des éclats sans
talon. Les éclats à talon représentent 18% de l’ensemble
des éclats. Les négatifs des enlèvements sur les diffé-
rents éclats ont des directions variables (longitudinale
unipolaire, centripète, indéterminée, orthogonale, entre-
croisée, transversale unipolaire et divergente). Les enlè-
vements à direction centripète sont plus abondants.
Quatre phases technologiques y ont été reconnues :
les éclats de décorticage, les éclats de dégrossissage,
les éclats de tranchant et les éclats de façonnage. Elles
ont des spécificités liées aux dimensions et à la techno-
logie :
●la phase I, de décorticage, est marquée par la pré-
sence de cortex sur la face supérieure de l’éclat ;
●la phase II, de décorticage, regroupe les éclats très
épais ;
●la phase III est composée d’éclats plats courts, carac-
téristiques d’éclats de tranchant ;
●La phase IV, de façonnage, regroupe des éclats à
face supérieure aménagée par des enlèvements.
Les éclats de tranchant et les éclats de façonnage
sont plus nombreux que ceux de décorticage et de dé-
grossissage. Les éclats à surface en cortex sont rares.
4.2.2. Les hachereaux
Les hachereaux sont taillés sur de grands éclats issus
d’une percussion bloc contre bloc. Trois types de ha-
chereaux sont distingués : des hachereaux sur éclats
avec un tranchant transversal aménagé par un seul en-
lèvement, des hachereaux à tranchant transversal natu-
rel non aménagé et des hachereaux à tranchant transver-
sal aménagé par plusieurs enlèvements. Trois types de
supports ont été utilisés pour tailler ces hachereaux : des
éclats simples, des éclats à deux bulbes de percussion
probablement des éclats Kombéwa et des galets fendus.
L’aménagement est fait de différentes manières, biface
partiel, uniface et biface. La face d’éclatement de l’éclat
support, qui sert de plan de frappe à l’enlèvement ha-
chereau, porte rarement des aménagements. La base des
pièces n’est pas aménagée en tranchant. Les enlève-
ments sont débités bord par bord. L’indice d’aplatisse-
ment (Fig. 8) dépasse largement 2,35 [2,3] pour la ma-
jorité des hachereaux, qui sont plus plats qu’épais.
Aucune pièce ne présente une plage en cortex. Plus de
la moitié des hachereaux présente des retouches de ré-
gularisation des bords. Le tranchant transversal ne pré-
sente pas de retouches (Fig. 9). Le débitage des hache-
reaux de Yeslem II a été conditionné par la
morphologie des supports. Certains supports ne néces-
sitent pas l’aménagement d’un tranchant transversal
parce que, dès leur détachement, le tranchant était déjà
présent. On distingue un groupe de hachereaux de
phase I, composé de pièces qui ont un aménagement
limité, dont le tranchant transversal semble être l’élé-
ment recherché. Quelques enlèvements sont aménagés
pour la mise en forme des deux bords. Le deuxième
groupe, hachereau de phase II, est composé de pièces
présentant un aménagement poussé pour, non seule-
ment, la mise en forme des bords, mais aussi pour le
dégagement du tranchant transversal par plusieurs enlè-
vements.
4.2.3. Bifaces
Ce sont les plus représentés parmi l’ensemble des
outils de Yeslem II. Deux groupes ont été identifiés :
le premier est composé de bifaces de petite taille, à
retouches sur les bords. Le deuxième groupe renferme
des bifaces sans retouches et de morphologie très fruste,
Fig. 7. Répartition du matériel de Yeslem II.
Fig. 7. Distribution of the material of Yeslem II.
Fig. 8. Indice d’aplatissement des hachereaux.
Fig. 8. Flatness index of bifaces.
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271 267
taillés sur de grands éclats. Les bifaces partiels sont
dominants (Fig. 10). Les supports des bifaces sont iden-
tiques à ceux des hachereaux (éclats simples, éclats à
deux bulbes de percussion). Certaines pièces ont une
cassure oblique à l’emplacement de la pointe distale.
Le débitage est fait face par face, de manière alternée
entre les différents bords, avec un retour sur les bords
pour la régularisation avec des retouches marginales et
épaisses. L’indice d’aplatissement est largement infé-
rieur au 2,35. Les bifaces de Yeslem II sont très épais
(Fig. 11). Certains bifaces présentent une base réservée
(talon de l’éclat support), ce qui démontre, dans un
sens, la faiblesse du degré d’épannelage. Le débitage
à récurrence centripète est le plus fréquent. Les unifaces
sont présents dans l’outillage.
4.3. Diagnose de l’industrie
Les outils ont montré une homogénéité du support.
La majeure partie des outils (bifaces, hachereaux) est
taillée sur des éclats simples ou à deux bulbes de per-
cussion. Le débitage discoïde à tendance centripète est
le plus fréquent. La présence de cône de percussion sur
les négatifs des enlèvements indique l’utilisation d’un
percuteur dur [2], relayé par un percuteur tendre pour
les pièces à retouches de régularisation. Deux groupes
se dégagent :
●le groupe I est composé d’outils (bifaces, hachereaux
et unifaces) frustes, avec un débitage sommaire, ré-
sultat de l’usage d’un percuteur dur en pierre ;
●le groupe II est composé d’outils (bifaces, hache-
reaux et unifaces), le plus souvent de petite taille
avec un fort degré d’aménagement. Les bords sont
régularisés par des retouches épaisses et marginales.
Étant donné leurs dimensions et la morphologie de la
face supérieure, les éclats seraient le résultat du débi-
tage des pièces bifaciales. L’ensemble de l’industrie
s’inscrit dans la période acheuléenne [1,6].
Fig. 9. Hachereau sur galet fondu.
Fig. 9. Cleaver on split pebble.
Fig. 10. Indice d’aplatissement des hachereaux.
Fig. 10. Flatness index of cleavers.
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271268
Afin de percevoir ce qu’était l’environnement des
hommes préhistoriques de la région et de ce site, nous
avons pris en compte les données obtenues par A.-M.
Moigne, sur le matériel de Yeslem III, découvert en
décembre 2002, composé de faune et d’industrie li-
thique.
5. Évolution des paléoenvironnements
et des occupations humaines
Au niveau de Yeslem II, l’étude sédimentologique a
révélé la présence d’eau et atteste un transport fluviatile
des sédiments. La faune de Yeslem III comprend de
nombreuses esquilles de 3 à 5 cm de long, des osse-
ments déterminables et des dents qui ont permis l’iden-
tification d’espèces différentes. Le degré de fossilisa-
tion des fragments est très poussé. Leur surface
présente une altération importante. Les os présentent
une fragmentation de format homogène, avec des bords
de fractures géométriques, mais érodés. Le remontage
de plusieurs os montre que le matériel n’a pas été trans-
porté après sa fracturation. Certains ossements ont une
forte concentration d’oxyde, en particulier de fer, et
sont parfois inclus dans une concrétion. Huit mammifè-
res et un reptile ont été identifiés : éléphant, phaco-
chère, hippopotame, grand bovidé, gazelles de deux
tailles, équidé, crocodilien.
Le proboscidien est représenté par des fragments
dentaires et des esquilles de grands os et deux frag-
ments de lame qui correspondent à des dents inférieures
d’un éléphant (Fig. 12). La lame a une épaisseur de
11,5 et une largeur de 43 mm. L’émail est épais de
6 mm. Il s’agit d’un émail épais et peu ridulé. Des élé-
ments de défense (35 × 35 × 15) présentant une lamina-
tion concentrique ont été identifiés. Des fragments d’os
long montrent une spongiosa caractéristique de l’épais-
seur d’un fémur ou d’un tibia d’éléphant.
Les hippopotames sont représentés par six fragments
dentaires et une paroi de mandibule. Il n’est pas pos-
Fig. 11. Biface de Yeslem II.
Fig. 11. Biface from the Yeslem II site.
Fig. 12. Lame de dent inférieure d’éléphant.
Fig. 12. Blade of an elephant lower tooth.
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271 269
sible de déterminer le type d’hippopotame présent
(Fig. 13).
Le phacochère est représenté par les dernières cuspi-
des de la dernière molaire inférieure (Fig. 14). Cette
dent est gracile par rapport à celles des phacochère ac-
tuels africanus ou fossile, aethiopicus, et appartiendrait
à un individu femelle.
Les grands bovidés sont représentés par des frag-
ments de molaire supérieure et inférieure, dont l’hypso-
dontie et la taille font penser au Boselaphus. La taille
du talus, les fragments de vertèbres et de côte identifiés
(Y III.105, Y III.104) correspondent à cette taille d’her-
bivores. Les gazelles sont représentées par deux méta-
podes, des os du carpe et un plateau tibial non soudé
(Fig. 15). Leurs dimensions sont proches de celles des
petites gazelles de la taille de Gazella atlantica et Ga-
zella dorcas (largeur sus-articulaire : Y III.8 : 22 mm et
Y III.6 : 26 mm). Un fragment d’os du tarse, navicu-
laire, est attribuable à un équidé.
La faune de Yeslem III correspond à un environne-
ment de bord de lac, avec des espèces de zones humides
et de prairie. Le phacochère correspond à la faune sa-
hélienne. Le reste de la faune, à caractère diversifié, se
rencontre dans la savane, à proximité des points d’eau.
L’ensemble de ces espèces est connu jusqu’au Néoli-
thique. Dans la région du Zemmour, des restes de faune
presque similaire ont été étudiés par Y. Coppens [4].
6. Conclusion
L’étude de l’industrie de Yeslem II a révélé un
double caractère fruste et évolué. La dominance de dé-
bris et d’éclat fait de cet assemblage un atelier de taille
des pièces comme bifaces, hachereaux, etc.
Les données actuelles sur la stratigraphie permettent
d’établir que les pièces actuellement en surface étaient
bien protégées par des formations probablement détrui-
tes par la forte érosion que connaît la zone. Les diffé-
rents niveaux archéologiques révèlent la présence de
l’eau qui a participé à leur mise en place. Il faut se
demander si la concentration de sites paléolithiques
dans un périmètre restreint n’est pas due aux facteurs
climatiques.
L’identification de la faune de Yeslem III ne peut
faire intervenir que le climat comme l’une des causes
des diverses occupations humaines dans la région. Les
Fig. 13. Fragment dentaire d’hippopotame.
Fig. 13. Hippopotamus dental fragment.
Fig. 14. Cuspide de la dernière molaire inférieure d’un phacochère.
Fig. 14. Cusp of the last lower molar of a warthog.
Fig. 15. Métacarpe de gazelle.
Fig. 15. A gazelle metacarpus.
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271270
espèces identifiées n’existent que dans des zones où le
climat est plus clément que l’actuel. La réponse à ces
questions sera, nous l’espérons, apportée par la suite
des fouilles des deux sites Yeslem II et Yeslem III, de
manière à nous permettre d’appréhender les problèmes
de la mobilité des hommes préhistoriques dans la région
de l’Adrar au Quaternaire.
Remerciements
Le professeur Henry de Lumley porte un grand in-
térêt à la Préhistoire de la Mauritanie ; ses efforts four-
nis pour le renouvellement des connaissances sur cette
discipline, ont bénéficié du soutien de l’ambassade de
France en Mauritanie. Notre gratitude va aux membres
du Centre européen de recherche préhistorique de Tau-
tavel, de l’Institut de paléontologie humaine de Paris et
de l’Institut mauritanien de recherche scientifique. Nous
remercions la compagnie Point-Afrique et la SOMA-
SERT pour leur soutien logistique.
Références
[1] P. Biberson, Récentes découvertes de nouveaux gisements acheu-
léens en Adrar de Mauritanie, Anthropol. (1969) 73.
[2] F. Bordes, Typologie du Paléolithique ancien et moyen, Mém.
Inst. Préhist. Univ. Bordeaux-1, Delmas, 1961 (2 volumes).
[3] M.N. Brézillon, in: La dénomination des objets de pierre taillée :
matériaux pour un vocabulaire des préhistoriens de langue fran-
çaise, CNRS, Paris, 1968, p. 411.
[4] Y. Coppens, R. Gouzes, R. Le Floch, M. Paquet, Découverte
d’un gisement de vertébrés fossiles avec industrie acheuléenne
près de Zouérate en Mauritanie, in: Actes du IVe congrès pana-
fricain de Préhistoire, Dakar, Sénégal, 1967.
[5] B. Crova, in: Y a-t-il du Paléolithique en Mauritanie ?, Fonds
général GN, Le Mans, 1913 (7 p.)
[6] R. Mauny, Les industries paléolithiques de la région d’El
Beyyed-Tazazmout, in: Actes du IVe congrès panafricain de Pré-
histoire, Léopoldville, Congo, 1959, 1962, pp. 179–193.
[7] G. Szumowski, L’industrie en schiste aux environs de Bamako,
Bull. Soc. Préhist. Fr. 54 (1957) 350–357.
[8] T. Monod, Note sur le Quaternaire de la région de Tazazmout–El
Beyyed (Adrar de Mauritanie), in: Actes du IVe congrès panafri-
cain de Préhistoire, Léopoldville, Congo, 1959, 1962, pp. 177–
188.
H. de Lumley et al. / C. R. Palevol 5 (2006) 263–271 271