La croissance en début de vie est souvent associée à la survie juvénile, un paramètre démographique clé en dynamique de population. Selon la théorie des traits d’histoire de vie, puisque les ressources sont limitées, les individus doivent faire des compromis entre différentes fonctions coûteuses, dont la croissance. Ainsi, plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur la croissance, surtout sur la croissance en bas âge (aussi nommée néonatale), notamment le sexe, l’identité individuelle ou encore l’environnement. Il est donc intéressant d’étudier la croissance et les facteurs qui l’affectent à différents stades de développement, étant donné ses effets possibles sur les autres traits vitaux. Or, les études sur les patrons de croissance requièrent une mesure d’âge des individus, qui est souvent peu accessible pour les populations sauvages. Ainsi, mon projet de maîtrise se divisait en deux principaux objectifs. D’abord, le premier objectif (Chapitre 2) visait à valider une méthode d’estimation de l’âge chez les chiots du phoque commun (Phoca vitulina) de l’estuaire du Saint-Laurent. Cette méthode se base sur les scores de dégénération du cordon ombilical. Pour ce faire, j’ai utilisé les données du suivi de la population de phoque commun de l’estuaire depuis 1998 afin d’évaluer l’exactitude et la précision de la méthode ainsi que de mesurer sa capacité à estimer des dates de naissance. La conclusion de ce premier chapitre est que la méthode était répétable et précise et estimait de manière fiable les dates de naissance des individus. Le second objectif (Chapitre 3) de mon projet de maîtrise était d’évaluer la croissance néonatale des chiots du phoque commun. D’abord, j’ai caractérisé le patron de croissance néonatale en comparant différentes courbes de croissance linéaires et non linéaires. Ensuite, j’ai évalué les différences entre les femelles et les mâles pour détecter des signes de dimorphisme sexuel précoces. Puis, j’ai étudié la présence du phénomène de croissance compensatoire et finalement, j’ai analysé l’effet de différents facteurs environnementaux sur la masse au sevrage. Mes résultats montrent que les chiots du phoque commun suivaient un patron de croissance non linéaire de type Gompertz. Je n’ai pas détecté de différence entre les femelles et les mâles dans leur patron de croissance, mais j’ai détecté une petite différence de ~4% en masse où les mâles sont légèrement plus lourds que les femelles à la naissance. Mes résultats ne permettent pas de distinguer un phénomène de croissance compensatoire chez le phoque commun pendant la période néonatale, toutefois j’ai détecté un effet de rendement de croissance. Les jeunes nés avec une masse supérieure à la moyenne retirent plus d’avantages en termes de gain de masse que les plus petits. La masse à la naissance est donc un trait important qui détermine la masse au sevrage chez cette espèce. Finalement, je n’ai pas détecté de corrélation entre la température de surface de la mer, la vitesse du vent, l’abondance de chiots ou le site de naissance avec la masse au sevrage des individus. En somme, mon projet de maîtrise a permis de valider une méthode empirique pour estimer l’âge des chiots et la date de naissance, deux paramètres importants pour les études en écologie animale et la gestion. Il montre aussi l’importance des études sur les patrons de croissance à différents stades de développement et de considérer des facteurs individuels comme le sexe et la masse à la naissance dans ces études. La condition des nouveau-nés, notamment leur masse à la naissance, semble être un bon indicateur de leur masse au sevrage, qui est un facteur déterminant pour la survie lors de la première année de vie chez cette espèce. De plus, nos résultats mettent en évidence que la variabilité de la croissance néonatale des chiots du phoque commun de cette population ne semble pas associée à la variabilité de certains facteurs environnementaux externes, notamment la température de surface de la mer, la vitesse du vent, l’abondance de chiot qui est un proxy de la densité de la population et le site de naissance. Ainsi, cela suggère que les femelles pourraient tamponner les effets de l’environnement sur leur jeune ou encore que les conditions environnementales soient généralement bonnes pour le phoque commun. Comme la croissance néonatale influence plusieurs traits vitaux des jeunes, son suivi est non seulement un outil indirect pour faire le suivi de l’état de la population, mais également un indice sur l’état écologique du Saint-Laurent.