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Pour une agriculture plus durable des pays sahéliens: simulations dynamiques de l'impact de la pression démographique sur l'agriculture du Sénégal et du Burkina Faso

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Pour une agriculture plus durable des pays sahéliens:
simulations dynamiques de l’impact de la pression démographique sur
l’agriculture du Sénégal et du Burkina Faso
Par Bruno BARBIER
Centre de Coopération Internationale de
Recherche Agronomique pour le Développement (France)
bbarbier@cirad.fr
Par Michel BENOIT-CATTIN
Centre de Coopération Internationale de
Recherche Agronomique pour le Développement (France)
Par Grégoire LECLERC
Centre de Coopération Internationale de
Recherche Agronomique pour le Développement (France)
Par Jean François RUAS
Ministère de l'Agriculture(France)
L'agriculture africaine est souvent qualifiée de peu durable car en grande partie basée sur le
renouvellement de la fertilité des terres agricoles par la jachère et très peu sur la fertilisation minérale ou
organique, ou sur des rotations avec des cultures améliorantes. Or la pression démographique est en train
de réduire considérablement la pratique de la jachère dans le temps et l'espace. Il en résulte une
dégradation rapide des ressources naturelles qui contraignent les gains de productivité des cultures et mais
aussi de l'élevage. Dans cette étude nous utilisons un outil de prospective pour analyser l'impact des
interactions entre la démographie et urbaine, la productivité agricole sur l'autosuffisance alimentaire au
Sénégal et au Burkina Faso à l'horizon 2040. Les simulations, interactives et facilement interprétables,
permettent de mette en regard la production et la demande agricole sous diverses hypothèses concernant la
démographie, la disponibilité en terres arables, et la productivité de la terre et du travail. Pour ces deux
pays les résultats sont contrastés mais permettent de formuler les grandes lignes de stratégies cohérentes
qui favoriseront une gestion plus durable des ressources naturelles et une gestion raisonnée des cultures
vivrières et commerciales.
1. Introduction
De puis 1994 la pluviosité des zones de savanes d'Afrique de l'Ouest a été plus abondante et plus régulière
que dans les deux décennies précédentes. La production agricole a progressé et la sécurité alimentaire
semble s'être améliorée, ce qui dans certaines zones a favorisé une certaine diversification des productions.
Toutefois la sécurité alimentaire de la région, qui dépend essentiellement de la production céréalière locale,
n'est pas encore assurée (Nubukpo 2000). Selon certains modèles climatiques, le réchauffement de la terre
pourrait induire une baisse de la pluviosité dans cette partie de la planète et surtout une plus grande
variabilité climatique. Un autre facteur au moins aussi important et d'une autre nature est la baisse de la
fertilité des sols due à la réduction de la jachère dans le temps et dans l'espace, elle-même due à la pression
humaine (Pieri 1989). Pour maintenir la fertilité des sols, la principale solution proposée par les agronomes, à
savoir l'application combinée de matière organique et d'engrais minéraux, nécessitera un ensemble de
conditions qui sont pour l'instant loin d'être réunies.
Il est plus que jamais nécessaire de pouvoir prédire l'impact de ces changements sur la sécurité alimentaire
des pays ouest africains. Pour se faire nous avons développé un outil de prospective qui permet de simuler
l'impact d'une baisse de rendements sur certains facteurs socio-économiques clés de l'agriculture comme le
solde import/export, l'exode rural et la couverture des besoins alimentaires (Ruas and Benoit-Cattin 1991;
Benoit-Cattin and Ruas 1995). Dans cette étude nous analysons la situation démographique et agricole de
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deux pays sahéliens, le Sénégal et le Burkina Faso, qui illustrent bien les grandes tendances de l'agriculture
de l'Afrique de l'Ouest. Au préalable nous expliquons et illustrons le concept de transition démographique.
2. La transition démographique au Burkina Faso
Le graphique ci-dessous est le résultat de calculs qui reposent sur la généralisation de la transition
démographique (Gaudin 1990). Les modèles démographiques sont construits par strates d’âges, et les
fonctions d’accroissement et de réduction des effectifs, propres à la dynamique du groupe et la population
totale (Pressat 1981). Ces calculs complexes mettent en évidence une transition démographique qui se
déroule en quatre Période :
La première période durant laquelle la population croît faiblement avec des taux de natalité et de
mortalité élevés ;
La seconde période est caractérisée par une chute de la mortalité alors que la natalité reste élevée
et voit donc le taux de croissance démographique s'accroître ainsi que le niveau de la population ;
Pendant fa troisième période la natalité chute à son tour, ce qui occasionne une baisse du taux de
croissance de la population ;
La quatrième période voit la natalité et la mortalité se stabiliser à leur niveau bas ce qui induit un
taux de croissance démographique proche de zéro correspondant à une stabilisation de la
population.
Graphique 1 : La transition démographique au Burkina Faso
3. Fonctionnement du modèle
L’analyse de la dynamique de diffusion des nouvelles techniques montre que celle-ci se fait en suivant une
courbe en S (Gaudin, 1990, p 75). De telles courbes ont pu être tracées en milieu tropical pour illustrer le
rythme de diffusion de I’intensification, par exemple dans le bassin arachidier du Sénégal ((Benoit-Cattin and
Faye 1986), pp 109-l 92). Pour une période de temps donnée (année ou campagne agricole) on distingue dans
le modèle 1) la productivité de la terre qui est le rendement, c’est-à-dire la production par unité de surface
cultivée, et 2) la productivité du travail qui correspond à la production par actif ou par habitant. La
productivité du travail ainsi que la capacité de travail (surface cultivée par habitant) sont évaluées par
rapport à la population rurale totale et non par rapport aux seuls actifs.
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La productivité de la terre et la capacité de travail ne sont pas totalement indépendantes. La capacité de
travail dépend de l’intensification en biens d’équipement, c’est-à-dire dans ce cas des agricultures
sahéliennes sous pluie du passage de la culture manuelle à la culture attelée et à la culture motorisée. On
sait qu’un bon usage de biens d’équipement peut avoir un effet positif sur la productivité de la terre
(amélioration du travail du sol, calendrier agricole mieux maîtrisé). La productivité de la terre par contre est
très largement en relation avec l’emploi de consommations intermédiaires telles que semences améliorées,
engrais et produits phytosanitaires. Au Sénégal, la capacité de travail a baissé de 0.9 ha/personne à 0.5
ha/personnes entre 1961 et 1991 mais l’augmentation des rendements à maintenu la productivité du travail à
peu près constante (Benoit-Cattin et Ruas, 1996).
Dans le modèle nous pourrons faire progresser à des rythmes différents ces deux composantes de
I’intensification agricole. Cette transition technique sera développée dans le modèle par une évolution de
type logistique de la productivité de la terre et de la capacité de travail. Le modèle de transition technique a
été paramétré de façon à ce que 99 % de la transition technique soient effectués en cinquante ans entre
1990 et 2040, et que 90 % soient réalisés en trente ans.
4. Simulation de l'évolution de la productivité de la terre au Sénégal
Pour le Sénégal nous avons simulé un scénario pessimiste de baisse progressive mais régulière des
rendements des céréales de 50% entre 1990 et 2040. Un tel scénario pourrait se réaliser en cas de
changement climatique de grande ampleur, conjugué à une baisse progressive de la fertilité des sols. Les
sécheresses pourraient aussi gravement entamer les réserves de céréales et leur renouvellement, ce qui
correspond effectivement à une baisse de rendement. Les sécheresses ont affecté la production céréalière
du pays qui est passée de plus de 1,2 million de tonnes de millet, de sorgho, de riz et de maïs au cours de la
saison agricole 1999-2000, à seulement 835 000 tonnes en 2002-2003, et les paysans ont dû puiser dans leurs
réserves. Notre modèle suggère que la production de céréales augmenterait tout de même jusqu'à 2010 grâce
à la croissance des surfaces, mais commencerait à baisser dramatiquement quand toutes les surfaces
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cultivables seront cultivées, ce qui entraînerait une augmentation dramatique des importations, et plus tard
une accélération dramatique de l'exode rural.
Si un tel scénario semble extrême, il reste probable que la saturation des terres cultivables, induira des
problèmes importants de productivité agricole. D’ailleurs la réserve de terres arables du Sénégal étant
largement insuffisante (2,3 millions d’hectares), les paysans se sont depuis longtemps rabattu sur des terres
dites « domesticables » à faible rendement. En janvier 2003 des dizaines de millier de paysans Sénégalais
manifestaient leur angoisse face à ce problème, rendant notre scénario tout à fait plausible si rien n’est fait
pour y faire face ; dans le « manifeste des agriculteurs » du CNCR les paysans soulignaient la très faible
productivité agricole et l’insécurité alimentaire persistante dans les zones rurales. La question est de savoir
si les producteurs sénégalais seront en mesure de renouveler la fertilité des sols en appliquant la fumure
organique et surtout minérale nécessaires, et surtout si les politiques agricoles leur viendront en appui.
Au contraire une simulation d'un gain de rendement de 50%, qui signifierait alors un rendement moyen de
1200 kilos par hectare de céréales en 2040, permettrait au Sénégal de rester globalement autosuffisant et
permettrait d'éviter l'exode rural produit par la première simulation. De tels gains de rendement sur les 40
prochaines années ne sont pas totalement illusoires, même si les 40 années passées n’ont vu pratiquement
aucune amélioration des rendements de céréales (http://earthtrends.wri.org). Un emploi même modéré
d'engrais minéraux et organiques, le développement de variétés adaptées au climat et aux sols devraient
permettre de réaliser de tels gains.
Par contre une autre simulation montre qu'un gain de productivité du travail sans gain de rendement, qui
réduirait le temps de travail par hectare, aurait un impact très limité sur les grands indicateurs. Il ne
permettrait que de saturer l'espace cultivable plus vite et contribuerait plus rapidement au sous emploi
rural.
5. L'amélioration de la productivité du travail au Burkina Faso
Les réserves en terre sont plus abondantes au Burkina Faso qu'au Sénégal. Avec le maintien de la productivité
actuelle du travail agricole, il resterait encore des réserves de terre en 2040 (vraisemblablement dans l'est
du pays). Le graphique ci-dessous montre qu'une augmentation progressive (courbe en S) de la productivité
du travail, allant jusqu'au triplement en 2040, accélèrerait la mise en valeur (et la déforestation) des terres
non cultivées au point de cultiver tout le cultivable vers 2012. Actuellement une personne rurale travaille en
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moyenne moins d'un demi-hectare de céréales. Un triplement de la productivité du travail consisterait à
passer de 0,4 hectare de culture par personne rurale à 1,2 hectares. Une telle augmentation de la
productivité du travail est envisageable par un meilleur contrôle du désherbage par la généralisation des
sarcleuses attelées ou par l'emploi de désherbants chimiques, mais de tels innovations peuvent entraîner des
conséquences environnementales qu'il est nécessaire de prévoir et minimiser.
Conclusions
Les résultats des simulations sont contrastés pour les deux pays étudiés. Au Sénégal la saturation
démographique et des disponibilités en terre rend nécessaire l'intensification du système actuel, un défi
important dans un contexte de ressources limitées. Défi que le président Wade devra relever lorsqu’il
réaffirme le besoin de "moderniser" l'agriculture sous-développée et à faibles intrants de son pays pour faire
des "paysans" de subsistance du Sénégal des "fermiers" à l'écoute des marchés, capables de produire plus sur
le plan national et international. Au Burkina Faso, par contre, la réserve de terre arable permet d'envisager
des stratégies agricoles plus ambitieuses notamment en ce qui concerne la productivité du travail. La
question de la protection de la savane arborée du sud du pays reste centrale au débat sur la durabilité de
l'agriculture du pays. Enfin l'étude montre que certains pays sahéliens gagneraient à ouvrir leur marché aux
denrées des pays de la sous région mieux dotés en ressources naturelles. Les simulations dynamiques peuvent
donc contribuer de manière significative à une mise en œuvre raisonnée du processus de régionalisation du
développement envisagé par le NEPAD.
Références
Benoît-Cattin, M. and J. Faye (1986). Recherche et développement agricole : Les Unités
expérimentales du Sénégal. Montpellier, CIRAD-DSA: 100.
Benoît-Cattin, M. and J.-F. Ruas (1995). “Concepts et instruments de prévisions alimentaires des
pays d'Afrique sahélienne.” Economie et Société(22): 269-280.
Gaudin, T., Ed. (1990). 2100, récit du prochain siècle. Paris, Payot.
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Nubukpo, K. (2000). Insécurité alimentaire en Afrique Subsaharienne: le rôle des incertitudes. Paris,
L'Harmattan.
Pieri, C. (1989). Fertilité des terres de savanes. Bilan de trente de recherche et de développment
agricole au sud du Sahara. Paris, Ministère de la coopération.
Pressat, R. (1981). Les méthodes en démographie. Paris, PUF Que sais-je?
Ruas, J.-F. and M. Benoit-Cattin (1991). “Modélisation technico-économique des futurs alimentaires
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Article
There is considerable interest in the potential for using operational research (O.R.) in developing countries. One sign of this is the formation of new societies for O.R. scientists in countries and regions where no such society had existed. Since 2003, such societies have been formed in several parts of Africa. This paper focuses on West Africa, and presents a bibliography of papers relating to applications of O.R. in the nations of this part of the continent. The paper describes the way in which the bibliography was collated and discusses the overall picture that the list of papers presents of the state of O.R. in the 18 countries that are considered.
... La pression qu'exercent les villes sur leurs espaces périphériques est liée à leur croissance démographique et à l'extension spatiale du tissu urbain (Barbier et al., n.d.;Boserup, 1970;Elloumi et al., 2002). Pour situer le contexte démographique de la (Brunhes, 1925). ...
Thesis
Full-text available
Cette recherche porte sur les mutations paysagères et les stratégies foncières locales mises en œuvre par les exploitants agricoles à la périphérie de la ville de Lomé au Togo. Elle s’appuie sur une approche pluridisciplinaire qui intègre des questions sur la démographie, l’occupation des sols, la marchandisation des terres et les perceptions des différents acteurs de ces espaces. Des méthodes à la fois qualitatives et quantitatives sont mises en œuvre ; mobilisant des données démographiques à l’échelle la plus fine, des images satellitaires sub-métriques, une base de données sur les prix des terres, une série d’entretiens auprès d’informateurs-clé impliqués dans le foncier et une enquête quantitative auprès d’un large échantillon d’exploitants agricoles.Les résultats montrent que les périphéries de la ville de Lomé se recomposent aujourd’hui dans leur structure économique, leur organisation spatiale et leur tissu social. Cette recomposition s’inscrit dans un mouvement général de croissance démographique forte, engagé depuis la deuxième moitié du XXème siècle et qui se manifeste à la fois par l’augmentation rapide du nombre de localités peuplées et par la croissance démographique des localités elles-mêmes. Près de 15 nouvelles localités apparaissent chaque année dans cette petite région et le nombre des localités de plus de 1000 habitants a augmenté de 80 à 168 entre 1970 et 2010. Le volume important de la population ainsi que la croissance rapide sont une dimension essentielle du développement. Cette densification du peuplement est à la fois une cause et une conséquence de la course effrénée à la terre qui est observée à la périphérie de Lomé. Les trois-quarts des transferts fonciers sont maintenant monétarisés dans cet espace. Pourtant le marché foncier dynamique demeure encore en grande partie informel et non régulé par les pouvoirs publics. Les acquisitions foncières dans ces espaces périphériques sont en effet destinées en majorité à l’urbanisation (66 %). De fait la diminution rapide des terres agricoles qui en résulte constitue un défi majeur pour l’agriculture, surtout périurbaine. Tous les ans, une grande proportion des terres agricoles est convertie en bâti : 26 % dans les périphéries proches de la ville de Lomé et 7 % dans les périphéries plus éloignées, notamment au-delà de 25 km. La grande majorité des acquéreurs (93 %) réside dans des centres urbains proches et ces urbains sont souvent des cadres de l’administration (24 %). L’offre de terres pour le logement, limitée face à la forte demande, vient essentiellement de deux filières : la filière coutumière informelle, prédominante (77,5 %), et la filière privée formelle (22,5 %). Si la filière coutumière permet aux ménages à faibles ou moyens revenues d’accéder à la propriété foncière, elle ne garantit pas la sécurité de la tenure et les prix restent élevés par rapport au pouvoir d’achat des populations. La structuration de ces filières d’approvisionnement en terre pour le logement sera déterminante pour que l’urbanisation ainsi que le processus de peuplement contribuent à une croissance plus inclusive et à une prospérité partagée et ne constitue pas une opportunité manquée pour l’agriculture.Cette marchandisation des terres permet toutefois aux femmes, longtemps marginalisées par la tenure foncière coutumière, d’accéder à la terre. Contrairement aux hommes, ces femmes perçoivent la croissance urbaine comme une opportunité pour leur exploitation agricole et leurs stratégies foncières visent au maintien de l’agriculture. Les femmes deviennent sans doute des acteurs importants pour le maintien des activités agricoles dans ces espaces périphériques sous tension autour des villes africaines.
Insécurité alimentaire en Afrique Subsaharienne: le rôle des incertitudes
  • K Nubukpo
Nubukpo, K. (2000). Insécurité alimentaire en Afrique Subsaharienne: le rôle des incertitudes. Paris, L'Harmattan.