Le chevalier cuivré (Moxostoma hubbsi), seul vertébré endémique au Québec, est menacé d’extinction
(officiellement désigné menacé en vertu de la Loi québécoise sur les espèces menacées ou vulnérables
depuis le 8 avril 1999). La seule population encore décelable est dans la rivière Richelieu où elle vit en
sympatrie avec quatre autres espèces du même genre (M. macrolepidotum, M. anisurum, M.
valenciennesi et M. carinatum). Différentes études ont mis en évidence une diminution de son
abondance et de son aire de répartition et un faible succès de reproduction. Les causes potentielles de
son déclin seraient d’origine anthropique, principalement attribuables à la détérioration et à la
contamination de l’habitat. À l’heure actuelle, les divers travaux ont porté principalement sur les
adultes du chevalier cuivré mais les données concernant les juvéniles et les interactions entre les
différentes espèces en milieu naturel sont encore très fragmentaires. L’acquisition de connaissances
sur l’ensemble du cycle vital est primordiale pour la mise en place de mesures visant sa sauvegarde.
En vue de compléter nos connaissances, cette étude vise à comparer la croissance et l’alimentation de
même qu’à caractériser l’habitat des juvéniles 0+ et 1+ des différentes espèces de chevalier dans la
rivière Richelieu. Deux hypothèses ont été mises de l’avant en rapport avec l’alimentation. La
première prévoit que les espèces dont les périodes de fraye sont rapprochées présentent un
recouvrement plus élevé de leur régime alimentaire et la seconde stipule que le degré de recouvrement
du régime alimentaire des juvéniles 0+ des différentes espèces est plus élevé durant l’été et s’atténue à
l’automne. Les spécimens ont été capturés à la seine de rivage de juin à novembre 1997 ainsi qu’au
printemps et à l’automne 1998. L’abondance relative des juvéniles 0+ et 1+ de chevalier cuivré est très
faible soit 0,4 % (16 spécimens ont été capturés). Au cours de la première année, les jeunes chevaliers
fréquentent les rives caractérisées par de faibles profondeurs (profondeur moyenne ≤ 1,5 m et
profondeur maximale ≤ 3 m), de faibles pentes (≤ 20°), pourvues de végétation et où le substrat est
relativement fin (mélange d’argile-limon et sable). La taille moyenne des jeunes chevaliers cuivrés de
l’année (40,4 mm) est nettement inférieure à celle des autres espèces qui est d’environ 60 mm pour les
chevaliers rouge et blanc, 52 mm chez le jaune et de 48,7 mm chez le chevalier de rivière. Les mêmes
tendances ont été trouvées chez les juvéniles 1+. Les juvéniles 0+ et 1+ de chevalier s’alimentent
principalement de microcrustacés (cladocères de la famille des chydoridés et copépodes
harpacticoïdes), des larves d’insectes (chironomides), de vers (nématodes) et d’algues (diatomées et
desmidées). Les régimes alimentaires diffèrent généralement peu entre les espèces (recouvrement
élevé) à l’exception du chevalier rouge qui se distingue nettement des autres par sa plus grande
utilisation de larves d’insectes. De même, au fil de leur première saison de croissance, les régimes
alimentaires des jeunes chevaliers des différentes espèces varient peu. Ces résultats infirment les deux
hypothèses précédemment énoncées. Plusieurs données recueillies au cours de la présente étude
mettent en évidence que les jeunes chevaliers cuivrés présentent davantage de caractères de
vulnérabilité par rapport aux autres espèces et ce, dès leur première année de vie. Pour l’ensemble de
l’échantillon de jeunes chevaliers, nous n’avons pu mettre en évidence de mortalité qui serait sélective
quant à la taille au cours de leur premier hiver. Cependant, dans le cas particulier du chevalier cuivré,
en raison du très faible nombre de captures, l’hypothèse ne peut être rejetée. Nos résultats ne viennent
que confirmer que le chevalier cuivré est en danger de disparition. Des actions concrètes telles la
protection des aires de reproduction et d’alevinage, l’élaboration d’un plan de reproduction de même
que l’ensemencement de spécimens de plus grande taille que ceux déjà remis en milieu naturel doivent
être mises de l’avant le plus tôt possible pour le sauvegarder. Enfin, un suivi périodique du
recrutement des jeunes chevaliers de l’année pourrait être effectué en vue de mesurer l’impact des
diverses actions entreprises et de suivre de près les populations de chevaliers jaune et de rivière qui
pourraient également être en difficulté dans la rivière Richelieu.
Mots clés : Moxostoma, hubbsi, menacé, juvénile, alimentation, croissance, habitat, identification.