Dès l'orée des années 1980 (Domowitz, 1979 ; Fine 1980 ; Turner, 1992), des chercheurs américains ont identifié des légendes urbaines basées sur des histoires exemplaires relatives à la nourriture ou l'alimentation. Cependant, hormis l'ouvrage de l'ethnologue Jean-Loïc le Quellec (1991, réed. 2012), Alcool de singe et liqueur de vipère : Légendes urbaines, peu de travaux ont placés les « légendes alimentaires » (Campion-Vincent et Renard, 1992, réed. 2002) au coeur de leurs recherches. Bien souvent, celles-ci sont diluées dans l'un des trois sous-ensembles (Fine, 1992) importants des légendes urbaines : les atteintes au corps humain. Les deux autres sont les peurs relatives aux nouvelles technologies et les questions liées aux pratiques sexuelles et/ou amoureuses. 1°) Légendes urbaines alimentaires : un rappel à l'ordre moral et à la prudence. Définitions et exemples Les légendes urbaines sont ainsi caractérisées par le récit « d'événements insolites, amusants ou horribles qui renferment des thèmes se rattachant à la vie moderne, qui sont rapportés comme quelque chose ayant eu lieu ou ayant pu se produire, dont on trouve des variantes en des lieux et à des époques différentes, et qui contiennent des implications morales » (Bordia et DiFonzo, 2006 : 36). Pour Renard, elles définissent « un récit anonyme, présentant de multiples variantes, de forme brève, au contenu surprenant, raconté comme vrai et récent dans le milieu social dont il exprime de manière symbolique les peurs et les aspirations » (2013 : 6). De ces définitions, il ressort alors que les légendes urbaines partagent le besoin de (re)créer du sens dans des situations sociales déstructurées en produisant un discours qui mobilise et réaffirme des valeurs morales et culturelles. En ceci, les légendes urbaines nous renseignent en quelque sorte sur les inquiétudes fondamentales d'une société et/ou d'une culture donnée en affirmant une triple nécessité d'appartenance identitaire, de compréhension d'un environnement sociopolitique troublé et, enfin, de contrôle sur le réel. L'aspect moral est alors au coeur des légendes urbaines en ce qu'il exprime, du point de vue fonctionnaliste, une sorte de punition résultant d'un manquement, culturellement sanctionné 1 , à une 1 Ainsi, dans l'anecdote de la viande de rat servie au KFC, les victimes sont surtout des femmes qui au lieu de se conformer aux pratiques attribuées de leur genre, en l'espèce la cuisine, ont préféré servir à leurs enfants de la nourriture industrielle. En règle générale, hormis les légendes incriminant de l'alcool, ceux sont à des femmes que les mésaventures liées à des légendes alimentaires arrivent.