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Amélioration génétique du caféier
Coffea canephora Pierre :
connaissances acquises, stratégies et perspectives
Résumé
L’ame
´lioration varie
´tale de Coffea canephora repre
´sente un grand de
´fi pour augmenter la
productivite
´de cette espe
`ce et assurer un meilleur revenu aux planteurs. Les opportunite
´s
sont nombreuses : la diversite
´ge
´ne
´tique de cette espe
`ce est bien documente
´e, les
parame
`tres ge
´ne
´tiques sont relativement bien e
´tablis pour les principaux caracte
`res
d’inte
´re
ˆt et les ressources ge
´nomiques disponibles s’accumulent. Toutefois, des
contraintes sont e
´galement a
`conside
´rer : en particulier, l’histoire spe
´cifique de la mise
en culture et de la se
´lection a conduit a
`une ine
´galite
´des se
´lectionneurs a
`travers le monde
pour l’acce
`sa
`l’ensemble de la diversite
´ge
´ne
´tique de l’espe
`ce. Ainsi, la se
´lection
re
´currente re
´ciproque (SRR) qui repre
´sente une innovation majeure en termes d’utilisation
raisonne
´e des ressources ge
´ne
´tiques n’a pu e
ˆtre mene
´e qu’en Co
ˆte d’Ivoire qui seule
dispose d’un ensemble complet et re
´fe
´rence
´des ressources ge
´ne
´tiques de base de
C. canephora. Cette strate
´gie est adapte
´ea
`une sortie varie
´tale sous la forme de semences
hybrides, plus adapte
´es a
`une diffusion de masse que les boutures clonales. En dehors de
la Co
ˆte d’Ivoire, une se
´lection massale clonale sur des populations en recombinaison plus
ou moins bien de
´crites reste souvent l’axe des programmes de cre
´ation varie
´tale. Par
ailleurs, le ge
´nome de C. canephora est sur le point d’e
ˆtre se
´quence
´et les ressources
ge
´nomiques sont maintenant suffisantes pour venir en appui des programmes de
se
´lection. Les choix strate
´giques qui permettront d’utiliser au mieux ces ressources au
service de l’ame
´lioration ge
´ne
´tique doivent e
ˆtre l’objet d’une re
´flexion approfondie, tenant
compte de l’expe
´rience acquise pour d’autres plantes : les cle
´s de ces choix sont discute
´es.
Mots cle
´s:choix des varie
´te
´s ; gain ge
´ne
´tique ; ge
´ne
´tique quantitative ; parame
`tres
ge
´ne
´tiques ; ressource ge
´ne
´tique ; vigueur hybride.
The
`mes : ame
´lioration ge
´ne
´tique ; productions ve
´ge
´tales.
Summary
Coffee Coffea canephora Pierre genetic improvement: Acquired knowledge,
strategies and perspectives
Coffea canephora coffee varietal improvement stands as a huge challenge towards better
productivity and hence better income for producers. Opportunities are numerous : the
genetic diversity of the species is well documented, genetic parameters are well
established for the main characteristics of interest and genomic resources are
accumulating. However, constraints are also present: in particular, the specific history
of C. canephora growing and breeding has led to an unequal access to the whole genetic
diversity among breeders around the world. For instance, only Co
ˆte d’Ivoire could
implement a Reciprocal Recurrent Selection (RRS) programme, representing a major
innovation for the comprehensive use of genetic resources, as only this country has the
whole genetic diversity available in its field collections. This RRS strategy is adapted to
hybrid seed varietal release, more suitable than clonal cuttings for a massive varietal
diffusion. Apart from Co
ˆte d’Ivoire, countries are often relying on clonal mass selection
Christophe Montagnon
1
Philippe Cubry
2
Thierry Leroy
2
1
Cirad
UMR RPB
F-34398 Montpellier
France
<christophe.montagnon@cirad.fr>
2
Cirad
UMR AGAP
F-34398 Montpellier
France
<philippe.cubry@hotmail.fr>
<thierry.leroy@cirad.fr>
Tirés à part : C. Montagnon
Pour citer cet article : Montagnon C, Cubry P, Leroy T, 2012. Amélioration génétique du caféier
Coffea canephora Pierre : connaissances acquises, stratégies et perspectives. Cah Agric 21 :
143-53. doi : 10.1684/agr.2012.0556
doi: 10.1684/agr.2012.0556
143Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
Synthèse
Le cafe
´ier Coffea canephora pro-
duit le cafe
´commercialement
de
´nomme
´Robusta. Il repre
´-
sente 35 % de la production mondiale,
le reste correspondant au cafe
´Arabica
produit par C. arabica. Le cafe
´
Robusta est conside
´re
´comme moins
aromatique que l’Arabica mais il est
recherche
´entre autres pour ses pro-
prie
´te
´s technologiques, en particulier
pour l’industrie du cafe
´soluble. La
mise en culture de C. canephora est
re
´cente : fin du XIX
e
-de
´but du XX
e
sie
`cle, alors que C. arabica e
´tait de
´ja
`
cultive
´au XVIII
e
sie
`cle. Elle a e
´te
´
re
´alise
´e par l’utilisation de populations
ge
´ne
´tiquement he
´te
´roge
`nes diffuse
´es
par graines. Dans cet article, nous
passons d’abord en revue les connais-
sances acquises en termes de diversite
´
ge
´ne
´tique de l’espe
`ce, de parame
`tres
ge
´ne
´tiques des traits se
´lectionne
´setde
ressources ge
´nomiques. Ensuite, nous
e
´tudions les diffe
´rentes strate
´gies
d’ame
´lioration ge
´ne
´tique de C. cane-
phora en tenant compte du type de
ressources ge
´ne
´tiques effectivement
disponibles pour les se
´lectionneurs,
en relation avec le choix du type de
varie
´te
´s distribue
´es (semences ou
clones). Nous donnons enfin des
pistes de re
´flexion pour une utilisation
optimale des ressources ge
´nomiques
en appui aux programmes de se
´lec-
tion de C. canephora.
Biologie et diversité
génétique
de C. canephora :
Biologie de la plante
L’espe
`ce C. canephora est une Rubia-
ce
´e des fore
ˆts tropicales africaines.
Elle appartient au genre Coffea qui
comprend plus d’une centaine d’espe
`-
ces ou taxons (Davis et al., 2011).
C. canephora est une plante diploı
¨de
(2n = 22) comme toutes les autres
espe
`ces du genre Coffea, a
`l’exception
de l’espe
`ce te
´traploı
¨de C. arabica (2n
= 44). C. canephora est adapte
´aux
climats chauds (24 a
`26 8C) sans
grandes amplitudes thermiques, dont
la pluviome
´trie n’est pas infe
´rieure a
`
1 200 mm/an. Ses fleurs sont herma-
phrodites et strictement allogames du
fait d’une auto-incompatibilite
´game
´to-
phytique contro
ˆle
´e par une se
´rie
d’alle
`les S (Berthaud, 1980). Les fruits
sont des drupes commune
´ment appe-
le
´es cerises. Elles renferment ge
´ne
´ra-
lement deux graines.
Le cafe
´ier C. canephora est un arbuste
multicaule dont la hauteur de
´passe
rarement 7 a
`8me
`tres. L’espe
`ce peut
fleurir une ou plusieurs fois par an, en
ge
´ne
´ral 6 jours apre
`s une pluie d’au
moins 10 mm suivant une pe
´riode de
stress hydrique. La dure
´edede
´velop-
pement des cerises varie de 8 a
`12
mois. Ainsi, en re
´publique de Co
ˆte
d’Ivoire (RCI), la floraison principale a
ge
´ne
´ralement lieu au cours des mois
de janvier et fe
´vrier et la re
´colte
s’effectue en trois a
`quatre cueillettes,
d’octobre a
`janvier. La pollinisation est
essentiellement entomophile.
Aire de répartition
et structure des populations
naturelles
L’aire de re
´partition de C. canephora a
`
l’e
´tat naturel se situe dans la zone
intertropicale africaine. Cinq re
´gions
de de
´couverte de populations sylves-
tres peuvent e
ˆtre retenues (figure 1):
i) l’Afrique de l’Ouest (Guine
´eetCo
ˆte
d’Ivoire) ; ii) une zone aux confins de
la Centrafrique, du Cameroun et du
Congo ; iii) la fac¸ade atlantique du
Gabon a
`l’Angola ; iv) le Bassin central
du Congo ; et v) l’Ouganda. Pour une
revue bibliographique historique de la
de
´couverte de populations sylvestres
de C. canephora, le lecteur pourra se
rapporter a
`Cramer (1957) et
Montagnon (2000).
Le cafe
´ier C. canephora se trouve a
`
l’e
´tat spontane
´dans les fore
ˆts sous
forme de populations plus ou moins
e
´loigne
´es (de quelques centaines de
me
`tres a
`plusieurs kilome
`tres) les unes
des autres (Porte
`res, 1937 ; Berthaud,
1986). La taille de ces populations peut
varier de quelques unite
´sa
`plusieurs
centaines d’individus. Des e
´changes
ge
´ne
´tiques peuvent avoir lieu entre
populations sylvestres et plantations
avoisinantes (Berthaud, 1985 ;
Montagnon et al., 1993). En RCI,
seules les populations de C. cane-
phora trouve
´es dans les fore
ˆts primai-
res semblent ne pas avoir eu de
contacts ge
´ne
´tiques avec des cafe
´iers
cultive
´s. Inversement, les cafe
´iers
cultive
´s en plantation peuvent pro-
venir de recombinaisons ge
´ne
´tiques
entre les varie
´te
´s introduites et les
populations locales (Montagnon et al.,
1993).
De nombreuses prospections de
cafe
´iers sylvestres de l’espe
`ce C. cane-
phora (tableau 1) ont permis d’en
e
´tudier la diversite
´ge
´ne
´tique.
Diversité génétique
Les re
´sultats les plus re
´cents concernant
la diversite
´ge
´ne
´tique de C. canephora
proviennent d’une e
´tude de plus de 500
individus avec 7 marqueurs microsa-
tellites retenus parmi plusieurs dizaines
(Cubry et al., 2008). La figure 2 montre
cinq groupes ge
´ne
´tiques clairement
se
´pare
´s:
from recombining populations whose genetic background is not always clearly described.
C. canephora genomic resources are now sufficient to support breeding programmes. The
coffee genome is about to be sequenced. Strategic choices for optimal use of these
resources towards better genetic gains deserve deep reflexion based on the acquired
experience with other crops: key elements for these choices are discussed.
Keywords: breeding; genetic gain; genetic parameters; genetic resources; hybrid vigour;
quantitative genetics.
Subjects: genetic improvement; vegetal productions.
144 Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
–le groupe guine
´en (G) repre
´sente
´
par les individus de la zone Co
ˆte
d’Ivoire-Guine
´e en Afrique de l’Ouest ;
–le groupe C repre
´sente
´par les
cafe
´iers collecte
´s aux confins du
Cameroun, de la Centrafrique et du
Congo, dont les cafe
´iers dits de la
Nana.
–le groupe SG1 repre
´sente
´par les
cafe
´iers Luki et Niaouli originaires
du sud du Gabon ainsi que les
Conilons ;
–un grand groupe SG2 constitue
´des
cafe
´iers cultive
´s originaires du Bassin
du Congo et des cafe
´iers du sud de la
Centrafrique ;
–un groupe « Ug » ou « Ougandais »
correspondant aux populations sylves-
tres originaires d’Ouganda.
Cette e
´tude confirme globalement les
re
´sultats obtenus lors de pre
´ce
´dentes
e
´tudes (tableau 2) base
´es sur des
isozenymes (Berthaud, 1986 ;
Montagnon et al., 1992 ; Dussert
et al., 1999) ou les marqueurs RFLP
(Dussert et al., 1999). Toutefois,
l’e
´tude de Cubry (2008) tend a
`rassem-
bler dans un me
ˆme grand groupe SG2
tous les individus originaires du Bassin
du Congo ou de ses marges, y compris
les cafe
´iers du groupe B pre
´ce
´dem-
ment propose
´par Dussert et al.
(1999). Par ailleurs, ce travail confirme
la proximite
´ge
´ne
´tique des Conilons
cultive
´s au Bre
´sil avec les cafe
´iers du
groupe SG1 originaires du Sud Gabon.
Cela confirme l’hypothe
`se de
Montagnon (2000) base
´e sur le phe
´no-
type de ces arbres et sur la de
´rivation
du terme Conilon a
`partir du nom
Kouilou –les « u » devenant « n ».
Kouilou est le nom d’un fleuve co
ˆtier
se jetant dans l’oce
´an Atlantique au
Sud Gabon. L’analyse re
´cente de
cafe
´iers sauvages et cultive
´s du Sud-
Ouest de la Re
´publique de
´mocratique
du Congo a montre
´qu’ils apparte-
naient e
´galement au groupe SG1
(Cubry, 2008). Enfin, Cubry a mis
République Centrafricaine
Cameroun
Gabon
Congo
RD Congo
Ouganda
Angola
Côte
d'Ivoire
Guinée
Guinéens
?
C
B
SG2
SG1
Ug
Figure 1. Origine géographique des principaux groupes génétiques de Coffea canephora.
Figure 1. Geographic origin of the main genetic groups of C. canephora.
En rouge : origine g
eographique du pool guin
een ; en vert : origine g
eographique des groupes g
en
etiques du pool
congolais ; cercles avec nom du groupe g
en
etique : origine g
eographique de chaque groupe (les caf
eiers sylvestres
d'Angola restent à
etudier) ; zones hachur
ees : zones refuges du dernier maximum de glaciation (il y a 20 000 ans).
Tableau 1. Liste des prospections de Coffea canephora sylvestres.
Table 1. List of wild Coffea canephora surveys.
Année Pays prospectés Organismes
*
Lieux de mise en collection Référence
1975-1991 Côte d'Ivoire IRCC
Orstom
Côte d'Ivoire Berthaud, 1986
Le Pierres (Rapport)
Couturon et Montagnon,
1991 (Rapport)
1975 R
epublique centrafricaine IRCC R
epublique centrafricaine
Côte d'Ivoire
Berthaud et Guillaumet,
1978
1983 Cameroun IRCC
Orstom
Cameroun
Côte d'Ivoire
Anthony et al., 1984
1985 Congo Orstom Congo
Côte d'Ivoire
De Namur et al., 1988
1987 Guin
ee IRCC
Orstom
Guin
ee
Côte d'Ivoire
Le Pierres et al., 1990
2005-2008 Ouganda Cirad–Uganda Ouganda Musoli et al., 2009
*
IRCC : Institut de recherche sur le café et le cacao, aujourd'hui englobé dans le Cirad ; Orstom : aujourd'hui IRD.
145Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
pour la premie
`re fois en e
´vidence une
structuration au sein du groupe gui-
ne
´en sur la base des microsatellites, ce
que les e
´tudes ante
´rieures n’avaient
pu montrer sur la base de marqueurs
isoenzymes et RFLP. Cette structura-
tion concerne la population Pelezi qui
se diffe
´rencie de l’ensemble des autres
populations guine
´ennes. On peut
me
ˆme observer une structuration plus
fine au sein de ces dernie
`res lorsque
l’on augmente le nombre de mar-
queurs (Cubry, 2008).
Musoli et al. (2009) ont analyse
´en
de
´tail la diversite
´ge
´ne
´tique des ge
´no-
types de C. canephora prospecte
´sen
Ouganda. Ce travail a montre
´que les
deux formes traditionnellement culti-
ve
´es d’Ouganda –Erect et Nganda –
appartenaient au groupe congolais
SG2. Les populations sylvestres sont
quant a
`elles clairement distinctes du
groupe SG2 connu et constituent un
nouveau groupe de diversite
´du pool
congolais.
État
des connaissances
en génétique
quantitative
La ge
´ne
´tique quantitative englobe
toutes les techniques qui permettent
de mieux pre
´dire la valeur ge
´ne
´tique
d’un candidat a
`la se
´lection. L’he
´rita-
bilite
´(h
2
) est un parame
`tre majeur de
ge
´ne
´tique quantitative : il mesure la
part de la ge
´ne
´tique par rapport a
`celle
de l’environnement dans la variabilite
´
phe
´notypique d’un caracte
`re. On dis-
tingue l’he
´ritabilite
´au sens large quand
on conside
`re la variance ge
´ne
´tique
totale, de l’he
´ritabilite
´au sens strict si
l’on utilise la part de la variance
ge
´ne
´tique additive, totalement trans-
missible a
`la ge
´ne
´ration suivante.
Comprise entre 0 et 1, l’he
´ritabilite
´est
nulle ou e
´gale a
`1 si la variation
phe
´notypique du caracte
`re est unique-
ment due, respectivement, a
`la varia-
tion environnementale ou ge
´ne
´tique.
Il est possible d’ame
´liorer la qualite
´de
la pre
´diction de la valeur ge
´ne
´tique
d’un caracte
`re donne
´en utilisant des
caracte
`res dits secondaires. La perti-
nence des caracte
`res secondaires est
mesure
´eparlescorre
´lations ge
´ne
´tiques
et environnementales avec le caracte
`re
principal. Il existe une classe particu-
lie
`re de caracte
`res secondaires : ce sont
les marqueurs mole
´culaires associe
´sa
`
des zones du ge
´nome (QTL, Quanti-
tative Trait Loci) qui expliquent une
partie de la variation du caracte
`re cible
´.
On parle alors de se
´lection assiste
´epar
marqueurs (SAM).
Génétique quantitative
classique
Durant les de
´cennies 1980 et 1990, une
quantite
´conside
´rable de connaissan-
ces a e
´te
´accumule
´e sur les parame
`tres
de ge
´ne
´tique quantitative de C. cane-
phora (Leroy et al., 1993 ; Leroy et al.,
1994 ; Leroy et al., 1997 ; Montagnon
et al., 1998a ; Montagnon, 2000 ;
Montagnon et al., 2003a ; Montagnon
et al., 2008), gra
ˆce a
`des me
´thodes
expe
´rimentales innovantes adapte
´es
aux parcelles e
´le
´mentaires randomi-
se
´es mono-arbre (Montagnon et al.,
2001 ; Montagnon et al., 2003a). La
connaissance de tous ces parame
`tres
ge
´ne
´tiques permet de de
´finir les sche
´-
mas de se
´lection optimaux qui seront
traite
´s plus loin. Les principaux carac-
te
`res e
´tudie
´s sont : le rendement, les
caracte
`res architecturaux, la taille et la
composition biochimique des grains.
Les he
´ritabilite
´s individuelles du ren-
dement estime
´es au sens strict et au
sens large ont une valeur moyenne de
0,32 et 0,43 respectivement. Dans le
cadre d’estimations en test de des-
cendances, l’he
´ritabilite
´familiale est
Ouganda
B
SG2
Conilon
SG1
C
Guinéens
Figure 2. Arbre de Neighbour-Joining basé sur un tableau de dissimilarités entre individus calculées à
l'aide du Simple-Matching Index (519 individus, 7 marqueurs microsatellites).
Figure 2. Neighbour-Joining tree based on dissimilarity matrix calculated from Simple Matching Index (519
individuals and 7 SSR markers).
Cet arbre regroupe l'ensemble des populations ou groupes de diversit
e
etudi
es jusqu'à pr
esent (Cubry, 2008).
Chaque couleur correspond à un groupe g
en
etique : guin
een, SG1, SG2, B, C, Ouganda (= Ug). La couleur violette
correspond au mat
eriel repr
esentatif de la vari
et
ebr
esilienne Conilon.
146 Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
importante : elle s’e
´le
`ve a
`0,83 en
moyenne avec 30 a
`40 arbres par
descendance. Enfin, dans le cadre de
l’identification d’arbres individuels
combinant les informations familiales
et individuelles –en vue d’une se
´lec-
tion clonale –, l’he
´ritabilite
´indivi-
duelle intrafamille est un e
´le
´ment
important. Elle atteint 0,22 en
moyenne. Dans quelques cas, les
he
´ritabilite
´s effectivement re
´alise
´es
ont pu e
ˆtre mesure
´es ; elles confir-
ment les valeurs obtenues par estima-
tion, sauf pour l’he
´ritabilite
´re
´alise
´e
individuelle intrafamille du rendement
(0,04 re
´alise
´e contre 0,22 estime
´e).
Les parame
`tres ge
´ne
´tiques de caracte
`-
res secondaires, en particulier lie
´sa
`
l’architecture des arbres, ont e
´gale-
ment e
´te
´e
´tudie
´s, soit comme cibles de
la se
´lection, soit comme pre
´dicteurs
du rendement. Comme attendu, les
caracte
`res architecturaux –par exem-
ple la longueur des entre-nœuds –ont
des he
´ritabilite
´se
´leve
´es, parfois au-
dela
`de 0,50. Cependant, les corre
´la-
tions ge
´ne
´tique et environnementale
avec le rendement s’ave
`rent respecti-
vement faible et e
´leve
´e et n’en font pas
des pre
´dicteurs efficaces.
L’he
´ritabilite
´individuelle au sens strict
de la taille des grains s’est ave
´re
´e
variable selon les essais. La difficulte
´
de pre
´dire la valeur des descendants
est certainement lie
´ea
`la corre
´lation
environnementale ne
´gative entre le
rendement et la taille des grains.
Les parame
`tres ge
´ne
´tiques de la
composition biochimique du cafe
´vert
de C. canephora ont e
´te
´e
´tudie
´spar
Montagnon et al. (1998a). Les he
´rita-
bilite
´s individuelles au sens strict
observe
´es pour la teneur en cafe
´ine
et en matie
`res grasses sont e
´leve
´es
(0,80 et 0,74, respectivement). Elles
sont interme
´diaires pour la teneur en
trigonelline et en acides chloroge
´ni-
ques (0,38 et 0,36 respectivement) et
faibles pour la teneur en saccharose
(0,11). Aucune de ces teneurs n’est
corre
´le
´ege
´ne
´tiquement au rendement.
Toutefois, la teneur en matie
`res grasses
a une forte corre
´lation environnemen-
tale ne
´gative avec le rendement.
Vers une sélection assistée
par marqueurs
Pour une revue de
´taille
´e des connais-
sances acquises en matie
`re de ge
´no-
mique des cafe
´iers, le lecteur pourra
se rapporter a
`Lashermes et al. (2008
et 2012) et a
`De Kochko et al.
(2010). Nous ne de
´taillerons ici que
les re
´sultats concernant la cartogra-
phie ge
´ne
´tique et l’identification de
QTL.
Les premie
`res cartes ge
´ne
´tiques de
C. canephora ont e
´te
´construites en
utilisant des haploı
¨des double
´sde
C. canephora et ont permis d’ouvrir
la voie aux e
´tudes de QTL (Paillard
et al., 1996 ; Lashermes et al., 2001)
dont ceux lie
´s au locus de l’incompa-
tibilite
´game
´tophytique (Lashermes
et al., 1996). Plus re
´cemment, des
travaux ont e
´te
´mene
´sa
`partir de
descendances en se
´gre
´gation issues
de croisement entre un parent congo-
lais et un parent hybride congolais par
guine
´en. Dans un cas, la population
de 93 individus a permis d’e
´tablir une
carte ge
´ne
´tique qui a e
´te
´compare
´e
avec la cartographie ge
´ne
´tique de la
tomate (Lefebvre-Pautigny et al.,
2010). Cette me
ˆme population a par
ailleurs permis de localiser des QTL
pour l’aptitude a
`la multiplication
horticole et par embryogene
`se soma-
tique (Priyono et al., 2010).
Dans l’autre cas, la construction d’une
carte ge
´ne
´tique de plus de 200
marqueurs a
`partir d’une population
en se
´gre
´gation de 248 individus (Leroy
et al., 2011) a permis de mettre en
e
´vidence des QTL pour des caracte
`res
de rendement, mais aussi des caracte
`-
res lie
´sa
`la qualite
´comme les teneurs
Tableau 2. Les groupes génétiques de Coffea canephora et leur origine géographique établis par Cubry
(2008). Correspondances avec les travaux antérieurs.
Table 2. Genetic groups of C. canephora and their geographic origin after Cubry (2008). Comparison with previous studies.
Correspondance avec travaux antérieurs
Origine géographique
Type de marqueurs Microsatellites RFLP
1
Isoenzymes Isoenzymes
Référence Cubry, 2008 Dussert
et al, 1999
Montagnon
et al., 1992
Berthaud,
1986
Groupes g
en
etiques
Guin
een D Guin
een Guin
een Guin
ee + Côte d'Ivoire
SG1 A SG1
Congolais
Fac¸ade atlantique
de l'Afrique centrale
SG2 E + B
3
SG2 Bassin du fleuve Congo (RDC)
2
Sud Centrafrique
CC
Non inclus
Confins Centrafrique-
Cameroun-RDC
Ug Non inclus
4
Non inclus Ouganda
1
: RFLP =Restriction fragment length polymorphism ;
2
: RDC = République démocratique du Congo ;
3
: Dussert et al ont attribué des lettres aux différents groupes
génétiques. Cubry (2008) a inclus le groupe B dans le groupe SG2 ;
4
: le matériel végétal représentatif des groupes C et Ug n'a pas été inclus dans toutes les études.
Les populations sylvestres d'Ouganda (Ug) n'ont été étudiées que par Cubry (2008).
147Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
en acides chloroge
´niques ou en sac-
charose des graines.
Notons e
´galement que des cartes
ge
´ne
´tiques de
´veloppe
´es a
`partir de
croisements interspe
´cifiques impli-
quant C. canephora ont permis
d’identifier des QTL de caracte
`res
contraste
´s entre espe
`ces : dure
´edu
cycle de fructification (Akaffou et al.,
2003) ou caracte
`res morphologiques
(N’Diaye et al., 2007).
Les stratégies
d'amélioration
génétique
de C. canephora
Origine des caféiers
disponibles pour la sélection
La diversite
´ge
´ne
´tique connue de
C. canephora n’est pas force
´ment dispo-
nible telle quelle pour tous les pro-
grammes d’ame
´lioration dans le monde.
Nous conside
´rons les diffe
´rents types
suivants de populations auxquelles un
se
´lectionneur peut avoir acce
`s, en
fonction de ce qu’elles repre
´sentent
de la diversite
´ge
´ne
´tique de l’espe
`ce
de
´crite en premie
`re partie de cet
article :
–populations P
0
: populations sylves-
tres locales et populations domesti-
que
´es localement a
`partir de
populations sylvestres : ces popula-
tions P
0
repre
´sentent une partie origi-
nelle de la diversite
´ge
´ne
´tique de
l’espe
`ce ;
–populations P
1
: populations issues
d’un croisement naturel ou contro
ˆle
´de
premie
`re ge
´ne
´ration entre des popula-
tions P
0
ge
´ne
´tiquement distantes ;
–populations P
n
: populations issues
d’un ou plusieurs cycles de recombi-
naison entre une ou plusieurs popu-
lations P
1
. La richesse alle
´lique des
populations P
n
de
´pend directement
du nombre de populations P
1
fonda-
trices et de la diversite
´ge
´ne
´tique des
populations parentales P
0
.
Nous conside
´rons dans la suite les
diffe
´rents centres de recherche impli-
que
´s dans la se
´lection. L’histoire de la
se
´lection de C. canephora est particu-
lie
`re dans le sens ou
`diffe
´rents centres
principaux de se
´lection (CPS) se sont
succe
´de
´dans le temps (Montagnon et
al., 1998c) : Java en Indone
´sie au
de
´but du XX
e
sie
`cle, l’Ouganda et le
Congo de 1930 a
`1960 et la Co
ˆte
d’Ivoire de 1960 a
`2000. Cela ne
signifie pas que les programmes de
se
´lection de C. canephora sont inexis-
tants ailleurs durant ces pe
´riodes
(Angola, Inde, Madagascar...), mais
ils n’ont pas la me
ˆme magnitude et le
me
ˆme rayonnement que ceux re
´alise
´s
dans les CPS. Le Bre
´sil devient depuis
les anne
´es 1980 un centre important
de se
´lection de C. canephora en
devenir, ainsi que le Mexique.
Le tableau 3 re
´sume le mate
´riel
ve
´ge
´tal disponible dans les diffe
´rents
centres de se
´lection qui se sont succe
´de
´
dans le temps. Il re
´sume e
´galement des
informations historiques de
´taille
´es
(Montagnon, 1998b ; Montagnon,
1998c ; Montagnon, 2000). Seuls la
Guine
´e/Co
ˆte d’Ivoire et le Congo/
Ouganda ont eu acce
`s sur leurs
territoires a
`des populations P
0
.En
revanche, la Co
ˆte d’Ivoire, avec des
partenariats internationaux, a introduit
de fac¸onre
´fe
´rence
´e et documente
´e des
populations P
0
de l’ensemble de la
diversite
´ge
´ne
´tique connue en Afrique,
mises a
`part les populations P
0
«Ug»
d’Ouganda. Tous les autres centres ont
de
´pendu et de
´pendent toujours uni-
quement de mate
´riel introduit pour
re
´aliser l’ame
´lioration de C. cane-
phora. Dans la plupart de ces cas
(Indone
´sie, Madagascar, Mexique),
les diffe
´rentes e
´tapes des introductions
de P
0
et/ou P
1
, de croisement de ces P
0
pour devenir P
1
puis P
n
ne sont que peu
ou pas de
´crites (voir Cramer, 1957 pour
l’Indone
´sie). L’introduction du Conilon
au Bre
´sil est un peu plus documente
´e
(Ferrao et al., 2009). Pour ces pays,
seule l’observation des P
n
actuelles
donne une ide
´e de la diversite
´ge
´ne
´-
tique disponible et de sa structuration.
Quand elles existent, ces e
´tudes mon-
trent que la plupart des P
n
disponibles
aujourd’hui sont issues de recombinai-
sons entre P
0
originelles des groupes
SG2 et SG1 congolais (Prakash et al.,
2005 pour Indone
´sie ; Cubry, 2008
pour le Bre
´sil ; Montagnon, donne
´es
non publie
´es pour le Mexique), avec
une pre
´dominance d’alle
`les SG1 dans
le cas du Bre
´sil et SG2 dans le cas du
Mexique. A
`notre connaissance,
aucune e
´tude sur les populations du
Vietnam n’a e
´te
´publie
´e.
Donc, seule la Co
ˆte d’Ivoire dispose
dans ses collections de populations
repre
´sentatives de la quasi-totalite
´de
la diversite
´ge
´ne
´tique de l’espe
`ce pour
la re
´alisation de programmes d’ame
´-
lioration de C. canephora. Tous les
autres centres de se
´lection ne dispo-
sent au mieux que d’une partie de la
diversite
´ge
´ne
´tique connue sous
forme de populations en recombinai-
son (P
n
).
Une grande majorite
´des publications
scientifiques re
´centes sur l’ame
´liora-
tion de C. canephora provient de la
Co
ˆte d’Ivoire durant la pe
´riode 1980-
2000 et fournit les principaux re
´sultats
de cette revue.
Le choix du type
de variétés : clones
et/ou hybrides ?
Toute strate
´gie d’ame
´lioration et de
cre
´ation varie
´tale se doit de de
´termi-
ner le type de varie
´te
´sa
`cre
´er. La
biologie de C. canephora permet de
produire a
`grande e
´chelle soit des
clones, soit des hybrides de clones. Le
choix entre ces deux types de varie
´te
´s
de
´pend de diffe
´rents facteurs :
La faisabilite
´technique et e
´conomique
de la reproduction de masse des
varie
´te
´s: la production de semences
hybrides est relativement simple pour
C. canephora. Du fait de sa stricteauto-
incompatibilite
´, il suffit de planter un
champ semencier suffisamment isole
´
comportant les deux parents A et B.
Toutes les graines re
´colte
´es sur le
parent A et sur le parent B seront issues
du croisement de A par B. S’il n’y a pas
d’effets maternels marque
´s–ce qui
semble e
ˆtre le cas ge
´ne
´ral –la stabilite
´
et la reproductibilite
´de la varie
´te
´sont
assure
´es.
En revanche, la multiplication clonale
par bouturage horticole ne
´cessite des
infrastructures lourdes. En conse
´-
quence, la production d’une semence
revient dix fois moins che
`re que la
production d’une bouture. L’embryo-
gene
`se somatique peut repre
´senter une
alternative pour la reproductionclonale
de C. canephora (Ducos et al., 2007).
L’acceptation par le planteur : dans la
plupart des pays, les planteurs pre
´fe
`rent
nettement utiliser des semences qui sont
plus faciles a
`e
´lever en pe
´pinie
`re que les
boutures (Rakotomalala et al., 1997).
L’homoge
´ne
´ite
´de la varie
´te
´distri-
bue
´e: d’une part, chaque clone est
e
´videmment homoge
`ne, mais au
niveau de la parcelle un me
´lange
d’au moins cinq clones diffe
´rents est
148 Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
Tableau 3. Description des populations disponibles dans les différents centres de sélection de C. canephora.
Table 3. Available populations for different breeding centers of C. canephora.
Indonésie Afrique centrale
(Ouganda
et surtout Congo)
Côte d'Ivoire Madagascar Brésil Mexique
(et Guatemala)
Centre principal
de sélection (CPS)
Centre important
de sélection dans
les années 1960
Centre important
de sélection depuis
les années 1980
Futur centre
important
de sélection ?
CPS de 1900
à 1940
CPS de 1930
à 1960
CPS de 1960
à 2000.
Populations P
0
:
sylvestres et/ou
domestiqu
ees
Pr
eexistantes NON OUI,
pool congolais et Ug
1
OUI,
pool guin
een
NON NON NON
Introduites OUI. Vraisemblablement
pool congolais.
Pas de P
0
guin
eenne
OUI.
Vraisemblablement
pool congolais.
Pas de P
0
guin
eenne
OUI, ensemble
de la diversit
e
g
en
etique
connue sauf Ug
OUI,
essentiellement
des P
0
SG1
1
+
espèce
C. congensis
OUI, essentiellement
des P
0
SG1
1:
(Conilon)
Populations actuelles
en plantations
vraisemblablement
issues de
recombinaisons
impliquant à
l'origine des P
0
SG1
et SG2
1
. L'historique
d'introduction sous
forme de P
0
,P
1
ou P
n
n'est pas document
e.
Populations P
1:
issues d'un
croisement de première g
en
eration
entre populations P
0
d'origines
g
en
etiques diff
erentes
OUI, entre P
0
congolaises. N'ont pas
et
e
utilis
ees/conserv
ees comme telles et ont
et
e recombin
ees en P
n
OUI, exploit
ees
sous forme
d'hybrides F1
dans le cadre
de la s
election
r
ecurrente
r
eciproque
Oui, mais peu
document
e
Peu document
e
Populations P
n
: issues de un ou
plusieurs cycles de recombinaisons
entre une ou plusieurs populations
P
1
OUI, à partir des P
0
et P
1
disponibles. Les recombinaisons peuvent être naturelles dans les plantations
ou contrôl
ees en station de recherche.
1
: Ug, SG1 & SG2 = groupes génétiques de C. canephora.
149Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
ne
´cessaire pour e
´viter des proble
`mes
d’incompatibilite
´et assurer des polli-
nisations croise
´es efficaces. D’autre
part, l’homoge
´ne
´ite
´ge
´ne
´tique des
hybrides de clones de
´pend du niveau
d’homozygotie des deux parents
(Montagnon, 2000).
Les performances agronomiques ge
´ne
´-
rales de la varie
´te
´: les clones se
´lec-
tionne
´s ont ge
´ne
´ralement de bonnes
performances agronomiques. Seuls les
hybrides intergroupes entre des
parents suffisamment homozygotes et
distants ge
´ne
´tiquement –en ge
´ne
´ral
issus de populations P
0
guine
´enne et
congolaise –peuvent atteindre et
me
ˆme de
´passer jusqu’a
`40 % le niveau
des anciens clones en termes de
rendement et de vigueur (Montagnon
et al., 2003a).
Les performances spe
´cifiques de la
varie
´te
´:des caracte
`res exceptionnels
lie
´sa
`la qualite
´,a
`la re
´sistance a
`certaines
maladies, sont facilement fixables par
clonage, mais parfois difficiles a
`repro-
duire par semences. En effet, certaines
caracte
´ristiques spe
´cifiques sont diffici-
les a
`re
´unir dans un me
ˆme individu a
`
partir de croisements et/ou a
`reproduire
par croisement. Il s’agit ici soit de
re
´sistances polyge
´niques a
`un bioagres-
seur, soit de caracte
`res spe
´cifiques de
qualite
´organoleptique ou de taille des
grains. Dans de tels cas, seule une
reproduction clonale permet une fixa-
tion rapide du progre
`sge
´ne
´tique. Pour
ce qui est des bioagresseurs, C. cane-
phora est relativement e
´pargne
´;seule
la crainte d’une maladie re
´e
´mergente en
Ouganda, la trache
´omycose (Fusarium
xylaroı
¨des), semble suffisamment forte
pour favoriser des varie
´te
´s clonales qui
de
´montreraient une certaine tole
´rance a
`
cette maladie (Musoli et al., 2008).
En re
´sume
´,silese
´lectionneur a acce
`s
a
`une diversite
´ge
´ne
´tique incluant des
populations P
0
de groupes ge
´ne
´tiques
suffisamment distants et s’il ne ren-
contre pas de contraintes biotiques ou
de demande particulie
`re pour la
qualite
´, il optera certainement pour
la cre
´ation varie
´tale d’hybrides, faciles
a
`produire sous forme de semences.
Les stratégies de création
variétale
Création variétale d'hybrides
Le principal programme de se
´lection
visant a
`produire des hybrides de clones
de C. canephora est la se
´lection re
´cur-
rente re
´ciproque (SRR) applique
´een
RCI depuisle milieu des anne
´es 1980. La
SRR repre
´sente une innovation majeure
en ce qu’elle optimise l’utilisation de la
diversite
´ge
´ne
´tique connue de C. cane-
phora. Ce programme a de
´ja
`e
´te
´de
´crit
par Montagnon et al. (1998c) et nous
n’en reprenons ici que les re
´sultats et
enseignements principaux.
Apre
`slepremiercycledese
´lection, la
moyenne des hybrides de
´passe de 15 %
les meilleurs clones se
´lectionne
´sdans
les anne
´es 1970 (figure 3). Les meilleurs
hybrides produisent jusqu’a
`40 % de
plus que ces clones et leur production
de
´passe 3 tonnes de cafe
´vert par
hectare (Montagnon et al., 2008). En
Co
ˆte d’Ivoire, les hybrides intergroupes
entre guine
´ens et congolais produisent
en moyenne deux fois plus que les
hybrides entre groupes SG1 et SG2 du
pool congolais (Montagnon, 2000) ;
cela e
´tant, les re
´sultats pourraient e
ˆtre
diffe
´rents dans d’autres conditions
pe
´doclimatiques.
Apre
`s le premier cycle, la valeur en
test des populations de base des
guine
´ens et des congolais a e
´te
´
ame
´liore
´e pour le rendement de 38
et 31 % respectivement. Ces re
´sultats
sont tre
`s encourageants et permettent
d’envisager la poursuite de la SRR sur
plusieurs ge
´ne
´rations.
L’utilisation des haploı
¨des double
´sde
C. canephora offre la possibilite
´de
cre
´er de ve
´ritables hybrides F1 homo-
ge
`nes (Charrier et Berthaud, 1988).
Toutefois, la difficulte
´d’obtention des
haploı
¨des double
´s et leurs faibles
performances agronomiques en
valeur propre (Lashermes et al.,
1994) ont conduit a
`attendre la
redynamisation des recherches sur
l’haplome
´thode chez C. canephora.
Création variétale de clones
Dans la plupart des pays (autres que la
Co
ˆte d’Ivoire), les populations dispo-
nibles pour la se
´lection sont des
populations P
n
issues de recombinai-
sons (voir ci-dessus le paragraphe
« Origine des cafe
´iers disponibles
pour la se
´lection »). Dans cette situ-
ation, une se
´lection massale de clones
avec une forte intensite
´de se
´lection
peut permettre des gains ge
´ne
´tiques
conse
´quents. Ce fut le cas en Co
ˆte
d’Ivoire (avant la pe
´riode SRR) dans
les anne
´es 1950 et 1960 (Capot, 1977 ;
Charmetant et al., 1990), au Cameroun
(Bouharmont et Awemo, 1979), a
`
Madagascar (Braudeau et al., 1962)
mais e
´galement au Mexique avec la
varie
´te
´Romex (Zamarrippa, comm.
pers.).
2 200
1 870
3 080
2 530
1 320
Rendement moyen
(kg de café vert/
hectare
)
Hybrides « 1970 » Moyennes hybrides
« SRR »
Meilleurs hybrides
« SRR »
Meilleurs clones
« SRR »
Clones « 1970-1980 »
Figure 3. Rendement de différentes variétés clonales (vert foncé) et hybrides (vert clair) de C. canephora
sélectionnées en Côte d'Ivoire (d'après Montagnon, 2000).
Figure 3. Yield of different C. canephora clonal (deep green) and hybrid (light green) varieties selected in Côte
d'Ivoire (Montagnon, 2000).
SRR : s
election r
ecurrente r
eciproque.
150 Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
Au Bre
´sil, un remarquable travail de
se
´lection clonale a
`partir des popula-
tions localement disponibles a e
´te
´
re
´alise
´depuis plusieurs de
´cennies
(Ferrao et al., 2007a). Les progre
`s
ge
´ne
´tiques re
´alise
´s sont significatifs
gra
ˆce aux diffe
´rents me
´langes clonaux
se
´lectionne
´s dont le dernier « Vitoria –
Incaper 8142 », diffuse
´a
`partir de 2004,
atteint en moyenne dans des essais
contro
ˆle
´s sans irrigation, une produc-
tivite
´de pre
`s de 3 tonnes de cafe
´vert
par hectare et par an (Ferrao et al.,
2007b).
Combinaison de la création
variétale de clones et d'hybrides
La cre
´ation varie
´tale de clones et celle
d’hybrides ne sont pas exclusives l’une
de l’autre. Au contraire, dans l’histoire
de la se
´lection de C. canephora, l’une
a souvent pre
´ce
´de
´l’autre. En re
´alite
´,
on peut distinguer deux situations :
1. Le programme est focalise
´sur la
se
´lection clonale : les clones se
´lec-
tionne
´s sont essentiellement utilise
´s
dans des me
´langes clonaux ou plus
rarement comme parents d’une varie
´te
´
synthe
´tique « semences » : c’est le cas
de la varie
´te
´« Robusta Tropical » du
Bre
´sil (Ferrao et al., 2007b) ou de la
varie
´te
´Romex quand elle est distri-
bue
´e par semences (Zamarrippa,
comm. pers.). D’un point de vue
ge
´ne
´tique, les semences produites
par des clones e
´lites ont une perfor-
mance proche de ces clones si ceux-ci
sont issus de populations P
n
sans
structuration marque
´e.
2. Le programme est focalise
´sur la
se
´lection d’hybrides intergroupes : la
descendance d’un croisement entre
deux ge
´niteurs C. canephora, stricte-
ment allogames, pre
´sente ne
´cessaire-
ment une certaine variabilite
´ge
´ne
´tique
puisque les parents ne sont jamais
comple
`tement homozygotes. Toute-
fois, les gains ge
´ne
´tiques obtenus
par se
´lection clonale intra-hybride ne
sont pas significativement diffe
´rents
de 0 et me
ˆme parfois sont ne
´gatifs
(Montagnon, 2000). Pour capter la
faible variabilite
´ge
´ne
´tique pre
´sente
dans les hybrides, il faudrait de
´ployer
des efforts de
´mesure
´s par rapport aux
gains ge
´ne
´tiques possibles.
Me
ˆme si la se
´lection clonale peut
permettre des progre
`s rapides dans
certaines situations, la multiplication
ve
´ge
´tative et l’acceptation des plants
clonaux par les planteurs demeurent
des contraintes a
`moyen et long
termes. En paralle
`le a
`une premie
`re
se
´lection clonale pour un progre
`s
ge
´ne
´tique a
`court terme, il est donc
recommande
´en ge
´ne
´ral d’accroı
ˆtre la
diversite
´ge
´ne
´tique disponible pour
s’orienter vers une se
´lection d’hybri-
des intergroupes, tout en tenant
compte des caracte
´ristiques phe
´no-
typiques de chacun des groupes
ge
´ne
´tiques (Montagnon et al., 1998a).
Perspectives de la sélection
assistée par marqueurs
pour l'optimisation
de l'amélioration
de C. canephora
De plus en plus de QTL sont identifie
´s
chaque anne
´e pour C. canephora
(voir ci-dessus le paragraphe « Vers
une se
´lection assiste
´e par mar-
queurs »). Il n’y a cependant pas eu
d’application directe pour l’ame
´liora-
tion varie
´tale de C. canephora. Pour
d’autres plantes cultive
´es au contraire,
les travaux en ce sens sont nombreux.
C’est une opportunite
´pour C. cane-
phora afin d’apprendre de l’expe
´-
rience acquise pour d’autres plantes.
Apre
`s plusieurs anne
´es d’utilisation
des marqueurs mole
´culaires pour
l’ame
´lioration de plantes mode
`les ou
industrielles, les re
´sultats n’ont pas e
´te
´
a
`la hauteur des espe
´rances, en
particulier pour les caracte
`res quanti-
tatifs complexes. Bernardo et Yu
(2007) estiment que deux objectifs
distincts ont e
´te
´confondus : le pre-
mier objectif est la de
´couverte de
ge
`nes d’inte
´re
ˆt ; le second concerne
la se
´lection assiste
´e par marqueurs
(SAM) afin d’optimiser la pre
´diction de
la valeur ge
´ne
´tique. L’identification de
QTL a e
´te
´fort utile pour confirmer des
ge
`nes d’inte
´re
ˆt avec lesquels ils colo-
calisent, mais elle n’a pas eu l’impact
espe
´re
´pour la SAM et la pre
´diction de
la valeur ge
´ne
´tique (voir Hill, 2010
pour une revue).
Fort de ce constat, plusieurs auteurs
ont propose
´de nouvelles me
´thodes
pour optimiser la SAM. La plus
repre
´sentative de ce mouvement est
la se
´lection pange
´nomique –Genome
Wide Selection –qui utilise un jeu de
marqueurs re
´partis sur l’ensemble du
ge
´nome, sur de grandes populations
pour pre
´dire la valeur ge
´ne
´tique
(Meuwissen et al., 2001 ; Bernardo
et Yu, 2007). Pour C. canephora les
populations de base P
0
mais e
´galement
des populations P
n
en recombinaison
seraient d’excellentes candidates pour
appliquer la se
´lection pange
´nomique.
Dans l’e
´tat actuel, une application
optimale de la SAM pour la pre
´diction
de la valeur ge
´ne
´tique serait perti-
nente : i) en SRR pour laquelle les
populations de bases sont recombi-
ne
´es a
`chaque cycle : on parlerait alors
de MARS (Marker Assisted Recurrent
Selection) ; et ii) en se
´lection clonale
applique
´ea
`de larges populations en
recombinaison (P
n
), pour laquelle la
se
´lection pange
´nomique est parfaite-
ment adapte
´e.
Conclusions
Le besoin de nouvelles varie
´te
´sde
C. canephora n’a certainement jamais
e
´te
´aussi fortement ressenti. Les pro-
ducteurs demandent plus de producti-
vite
´. Les industriels demandent plus de
volume, en particulier sous la pression
de l’industrie du cafe
´soluble : C.
canephora pre
´sente en effet un taux
d’extractibilite
´de matie
`res solides plus
e
´leve
´que C. arabica. La part du cafe
´
Robusta –produit par C. canephora –
face a
`l’Arabica est en constante
augmentation sur le marche
´: elle est
passe
´ede25a
`35 % en 15 ans et
certains analystes pre
´disent qu’elle
pourrait atteindre 50 %.
Les connaissances acquises –diversite
´
ge
´ne
´tique, parame
`tres ge
´ne
´tiques,
QTL –constituent autant d’opportu-
nite
´s pour re
´pondre a
`ce de
´fi. Cepen-
dant, les faiblesses lie
´es au contexte de
l’activite
´des acteurs de la se
´lection ne
sont pas moins nombreuses : l’acce
`sa
`
la diversite
´ge
´ne
´tique disponible est
restreint ; pour la premie
`re fois depuis
un sie
`cle, il n’y a plus aujourd’hui de
grands centres de se
´lection de C.
canephora ; le secteur de l’ame
´liora-
tion varie
´tale manque de profession-
nalisme.
En outre, la protection juridique des
varie
´te
´sdeC. canephora par le sys-
te
`me de l’Union internationale pour la
protection des obtentions ve
´ge
´tales
(Upov) est quasi absente du secteur de
la production de cette espe
`ce, me
ˆme si
des travaux de se
´lection des cafe
´iers
ont e
´te
´mene
´s dans diffe
´rents pays au
cours du XX
e
sie
`cle. Or, ce syste
`me
151Cah Agric, vol. 21, n82–3, mars-avril –mai-juin 2012
permet une protection des obtentions
ve
´ge
´tales qui assure une re
´mune
´ration
des acteurs qui souhaitent investir
dans la cre
´ation varie
´tale, tout en
laissant ces nouvelles ressources ge
´ne
´-
tiques libres d’acce
`s.
Aujourd’hui, paradoxalement, ce sont
les programmes a
`long terme sur le
terrain qui font le plus de
´faut a
`la
mise en œuvre de l’ame
´lioration et
de la cre
´ation varie
´tale susceptibles
d’apporter un progre
`sge
´ne
´tique pro-
fitable au planteur. Le Bre
´sil (Incaper)
est aujourd’hui l’un des acteurs les
plus actifs, avec probablement le
Mexique (Inifap) dans un futur pro-
che. Les acteurs prive
´s commencent –
pour certains depuis un certain temps
–a
`investir dans l’ame
´lioration ge
´ne
´-
tique de C. canephora. Il est probable,
voire souhaitable, que ce secteur de la
cre
´ation varie
´tale pour le cafe
´ier se
professionnalise a
`l’instar des autres
grandes cultures. En particulier, le
secteur cafe
´doit adopter la notion
de varie
´te
´prote
´ge
´e au sens de l’Upov.
Ce syste
`me prote
`ge aussi bien les
obtenteurs de varie
´te
´s et leurs inves-
tissements que les producteurs be
´ne
´-
ficiant de varie
´te
´s de qualite
´.
Des collaborations entre le secteur
public et le secteur prive
´, telle que
l’alliance Ecom-Cirad pour le cafe
´ier
Arabica en Ame
´rique centrale, sont du
plus grand inte
´re
ˆt pour cette profes-
sionalisation (Menendez-Yuffa et al.,
2010). Les producteurs be
´ne
´ficieront,
gra
ˆce a
`ce type d’alliances, des varie
´te
´s
ame
´liore
´es dont ils ont tant besoin. &
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