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Un curriculum par compétences en formation des adultes : l'entrée par les situations

Authors:
  • ASCAR Inc or ASKAR Inc.

Abstract and Figures

Le présent texte a été écrit en 2005 dans le cadre des travaux sur le renouveau pédagogique en éducation des adultes, Ministère de l'éducation du Québec. Il est présenté ici textuellement, mais doit être compris dans le cadre de ces travaux. Des développements ultérieurs concernant l'approche par compétences et l'approche par situations ont été publiés dans des ouvrages subséquents, notamment dans : Domenico Masciotra et Fidèle Medzo (2009). Développer un agir compétent. Vers un curriculum pour la vie. Bruxelles : DeBoeck. http://superieur.deboeck.com/titres/28677_3/developper-un-agir-competent.html Domenico Masciotra et Denise Morel (2011). Apprendre par l'expérience active et située. La méthode ASCAR. St-Foy : PUQ. http://www.puq.ca/catalogue/livres/apprendre-par-experience-active-situee-5588.html Diverses entrées peuvent être empruntées pour élaborer des programmes d'études par compétences, dont les trois suivantes : l'entrée par les disciplines, l'entrée par les compétences et l'entrée par les situations. Traditionnellement, les curricula ont privilégié l'entrée par les disciplines, la transmission du savoir en étant le but général de la formation. Même si le Ministère de l'éducation du Québec a réalisé une réforme, au primaire et au secondaire, qui se fonde sur le socioconstructivisme et une logique de compétences, l'entrée qui a été privilégiée est celle des disciplines et les contenus organisés en termes d'objectifs. Toutefois, au moins deux alternatives sont possibles pour élaborer des programmes d'études par compétences : (1) une première alternative consiste à construire des devis de compétences –celles-ci sont regroupées dans un référentiel– et d'utiliser ensuite ces devis pour identifier et organiser les « contenus » dans des programmes d'études. Ces « contenus » correspondent essentiellement aux ressources cognitives, conatives, affectives et corporelles que ces compétences sont susceptibles de mobiliser lors de leur exercice ; (2) selon une seconde alternative, bien qu'un référentiel puisse s'avérer utile, ce ne sont pas les devis de compétences qui servent d'organisateurs de contenus de programmes, mais plutôt les situations de référence pour lesquelles ces compétences sont conçues. Par exemple, ce sont des situations de vie telles la situation financière de l'adulte, sa situation d'employabilité, sa situation de citoyen et ainsi de suite qui servent d'entrée aux programmes d'études. En analysant les problématiques personnelles et sociales que les adultes ont à surmonter dans ces situations, des cibles de formation sont identifiées et ce sont celles-ci qui constituent les organisateurs des contenus de programmes. L'originalité du curriculum de la formation de base des adultes du Ministère de l'éducation du Québec est de privilégier cette deuxième alternative, ce qui constitue une innovation curriculaire.
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Masciotra Un curriculum par compétences en formation des adultes
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Un curriculum par compétences en formation des adultes : l’entrée
par les situations
Domenico Masciotra, Ph. D.
Président de ASCAR inc. http://www.er.uqam.ca/nobel/k32277/
masciotra.domenico@gmail.com
Le présent texte a été écrit en 2005 dans le cadre des travaux sur le renouveau pédagogique en
éducation des adultes, Ministère de l’éducation du Québec. Il est présenté ici textuellement,
mais doit être compris dans le cadre de ces travaux. Des développements ultérieurs concernant
l’approche par compétences et l’approche par situations ont été publiés dans des ouvrages
subséquents, notamment dans :
Domenico Masciotra et Fidèle Medzo (2009). Développer un agir compétent. Vers un
curriculum pour la vie. Bruxelles : DeBoeck.
http://superieur.deboeck.com/titres/28677_3/developper-un-agir-competent.html
Domenico Masciotra et Denise Morel (2011). Apprendre par l’expérience active et située. La
méthode ASCAR. St-Foy : PUQ. http://www.puq.ca/catalogue/livres/apprendre-par-experience-
active-situee-5588.html
Diverses entrées peuvent être empruntées pour élaborer des programmes d’études par
compétences, dont les trois suivantes : l’entrée par les disciplines, l’entrée par les compétences et
l’entrée par les situations. Traditionnellement, les curricula ont privilégié l’entrée par les
disciplines, la transmission du savoir en étant le but général de la formation. Même si le
Ministère de l’éducation du Québec a réalisé une réforme, au primaire et au secondaire, qui se
fonde sur le socioconstructivisme et une logique de compétences, l’entrée qui a été privilégiée est
celle des disciplines et les contenus organisés en termes d’objectifs. Toutefois, au moins deux
alternatives sont possibles pour élaborer des programmes d’études par compétences : (1) une
première alternative consiste à construire des devis de compétences –celles-ci sont regroupées
dans un référentiel– et d’utiliser ensuite ces devis pour identifier et organiser les « contenus »
dans des programmes d’études. Ces « contenus » correspondent essentiellement aux ressources
cognitives, conatives, affectives et corporelles que ces compétences sont susceptibles de
mobiliser lors de leur exercice ; (2) selon une seconde alternative, bien qu’un référentiel puisse
s’avérer utile, ce ne sont pas les devis de compétences qui servent d’organisateurs de contenus de
programmes, mais plutôt les situations de référence pour lesquelles ces compétences sont
conçues. Par exemple, ce sont des situations de vie telles la situation financière de l’adulte, sa
situation d’employabilité, sa situation de citoyen et ainsi de suite qui servent d’entrée aux
programmes d’études. En analysant les problématiques personnelles et sociales que les adultes
ont à surmonter dans ces situations, des cibles de formation sont identifiées et ce sont celles-ci
qui constituent les organisateurs des contenus de programmes. L’originalité du curriculum de la
formation de base des adultes du Ministère de l’éducation du Québec est de privilégier cette
deuxième alternative, ce qui constitue une innovation curriculaire.
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En nous inspirant de l’expérience du curriculum de la formation de base des adultes au Québec,
l’objectif du présent chapitre est de différencier certains des divers sens que prend la notion de
situation dans un curriculum par compétences privilégiant l’entrée par les situations de vie.
L’élaboration des programmes d’études et leur implantation sont particulièrement concernés par
trois types de situations : les situations de vie, les situations d’apprentissage et les situations
d’évaluation. Comment assurer des rapports congruents entre ces trois types de situations ? Des
éléments de réponse à cette question sont présentés ici. Préalablement, il s’avère pertinent de dire
quelques mots sur la logique de compétences et la perspective socioconstructiviste telles quelles
sont conçues dans le cadre du curriculum de la formation de base des adultes au Québec.
Une logique de compétences
La logique de compétences renvoie à une formation qui, au-delà du connaître, favorise le s’y
connaître et le développement de compétences conçues en termes d’intelligence des situations
(Zarifian, 2001 ; Le boterf, 2002 ; Masciotra et Medzo, 2005 ; Masciotra, 2005 ; Perrenoud,
1997.) Cette logique intègre conceptuellement la compétence, les types de situations dans
lesquelles elle fonctionne et les ressources sur lesquelles elle s’appuie. Elle se résume en
quelques points (voir figure 1.) :
Une compétence se définit comme l’intelligence des situations, c’est-à-dire le pouvoir de
s’adapter à des types de situations.
La situation est le lieu d’exercice et de développement de compétences.
La situation est aussi le lieu de mobilisation et de construction de connaissances.
Les connaissances se construisent à l’épreuve des situations et de ce qu’elles comprennent
en termes de ressources matérielles et humaines.
Les connaissances éprouvées dans une divesité de situations typiques sont des ressources
de compétences.
Une compétence s’exerce et se développe en s’appuyant sur des ressources internes
(cognitives, conatives, affectives et corporelles) et des ressources externes (matérielles et
humaines).
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Figure 1. Une logique de compétences dans une perspective socioconstructiviste
Explicitons cette logique de compétences au moyen d’exemples. On apprend la géométrie en
faisant de la géométrie, à additionner en faisant des additions, à écrire en écrivant et ainsi de
suite. Bref, on apprend en faisant. Mais devient-on compétent en procédant ainsi? Si on s’y
limite, probablement pas. On apprend simplement des savoirs et des savoir-faire dont on ne saura
pas toujours quoi en faire dans les situations réelles de la vie. Pourquoi? Parce que les situations
d’utilisation de ce qui est appris ne sont pas prises en compte, que le savoir est appris hors
contexte. Dans cette perspective, tout ce passe comme s’il fallait nécessairement connaître avant
d’appliquer, comme dans la taxonomie de Bloom (1975.)
Peut-on apprendre, non seulement en faisant, mais en « appliquant » d’emblée dans des situations
réelles? C’est le défi que se donne le curriculum de la formation générale de base des adultes.
Dans ce curriculum, la logique de compétences renvoie au pouvoir adaptatif et autonome des
adultes dans leurs situations de vie : compétence et situation sont interdépendantes.
Reprenons notre exemple de la géométrie : on l’apprend en faisant. Peux-t-on l’apprendre en
faisant autre chose que de la stricte géométrie, dans des situations qui impliquent des
connaissances géométriques, mais qui soient aussi proches des situations réelles auxquelles est
confronté l’adulte dans sa vie quotidienne? Certainement. Nous prendrons pour exemple, une
activité de loisir, le billard, mais notre propos s’applique à l’ensemble des situations de vie.
On peut, en effet, construire tout un ensemble de connaissances géométriques en jouant au
billard. Mais le billard implique, au-delà des connaissances géométriques, des connaissances en
physique, en arithmétique, en français, etc. Les situations de jeu au billard représentent les
situations proches de celles de la vie quotidienne telles faire de la menuiserie, cuisiner, se
déplacer en auto, se retrouver dans les couloirs labyrinthiques d’un édifice, etc.
Situations
Les
connaissances
éprouvées
La
compétence
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De plus, ces connaissances éprouvées dans les situations de billard ne sont déjà plus de purs
savoirs. Elles ne constituent plus des savoirs disciplinaires décontextualisés : ainsi, la surface de
la table de billard ne constitue jamais un plan parfait comme en géométrie, le tapis de la table
présente certaines sinuosités et la trajectoire des balles ne suit en aucun cas une ligne droite
parfaite. Bref, la connaissance « appliquée » se transforme en connaissance expérimentée en
situation, elle devient une connaissance expérientielle, c’est-à-dire une connaissance construite à
l’épreuve des situations de billard. Le connaître devient alors un s’y connaître. Connaître la
géométrie et s’y connaître en géométrie au billard sont deux choses significativement liées, mais
pourtant distinctes.
L’adulte qui s’y connaît en géométrisation des situations de billard et qui dispose d’un ensemble
d’autres connaissances éprouvées (connaissances en physique, en arithmétique et ainsi de suite),
est-il compétent? Oui et non. Ce qui est sûr c’est qu’il dispose des connaissances expérientielles
pour jouer au billard. Mais si la compétence s’appuie sur des connaissances éprouvées, elle se
définit essentiellement en termes d’intelligence, de débrouillardise, de prise d’initiative, de
réflexivité, de stratégie… Dans les limites de ce texte, nous nous limitons à quelques mots sur un
seul de ces termes : l’intelligence.
La compétence conçue en termes d’intelligence renvoie au pouvoir adaptatif de la personne dans
une famille de situations : dans notre exemple, la diversité des situations de billard. Avant de
jouer une balle, le joueur doit comprendre la situation de jeu, réfléchir sur les possibilités de jeu
qui s’offrent à lui, choisir quelle balle tirer et l’effet éventuel à lui donner (effet rétro, etc.), bien
se positionner pour optimaliser son tir, être au fait de sa dextérité (ce qu’elle permet ou pas),
anticiper le coup suivant et, dans l’impossibilité de réussir un tir, placer la balle blanche de façon
à s’assurer de ne pas laisser un jeu facile à l’adversaire et ainsi de suite.
Dans son sens profond, le s’y connaître renvoie à cette intelligence des situations qui s’appuie sur
des connaissances éprouvées. De plus, ce pouvoir adaptatif a tendance à se généraliser, d’autant
plus si on permet souvent à l’adulte d’apprendre dans ce type de situations riches et complexes.
Un programme de formation par compétences se fonde sur les liens dynamiques entre la
compétence, la situation et les connaissances (connaissances éprouvées en situation ou
ressources) sur lesquelles s’appuie la compétence.
Le socioconstructivisme
Le curriculum de la formation de base des adultes au Québec a adopté une posture
socioconstructiviste. Cependant, dans cette posture, le constructivisme et socioconstructivisme ne
s’opposent pas et relèvent d’un même paradigme. Dans les limites de ce chapitre, une brève
esquisse de ceux-ci suffira pour alimenter notre propos.
Le constructivisme est une posture épistémologique qui postule qu’une personne construit ses
connaissances dans et par l’action en situation et par la réflexion sur l’action. Au moyen de ses
connaissances antérieures, une personne appréhende les situations nouvelles (elle perçoit et
comprend à travers ce qu’elle sait déjà) et ajuste, différencie ou modifie ses connaissances
antérieures afin de s’adapter aux nouveautés ou aux imprévus qui y surviennent. Chaque
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adaptation à une situation permet d’élargir et d’enrichir le réseau de connaissances antérieures
dont une personne dispose et cette progression continue du réseau lui permettent de traiter des
situations de plus en plus complexes.
Le socioconstructiviste est un constructivisme qui insiste tout particulièrement sur les
interactions sociales qui favorisent la construction des connaissances par la personne (Jonnaert,
2002.) Ces interactions sociales influent sur la situation et constituent des éléments qui la
transforment. Une situation varie donc en vertu de plusieurs facteurs : les ressources cognitives
mobilisées par la personne, celles mobilisées par les autres personnes présentes et le contexte
environnemental et social dans lequel la situation se produit. Dans cette perspective, la personne
se développe et apprend en augmentant progressivement sa capacité d’adaptation aux situations
contextualisées dans lesquelles elle se retrouve.
Certaines distinctions épistémologiques présentent un intérêt particulier pour l’élaboration de
programmes d’études, dont celles entre savoir et connaissance et entre compétence référentielle et
compétence effective.
Considérons d’abord les distinctions entre savoir et connaissance. À ce propos, l’exemple du
joueur de billard peut être repris. En effet, le joueur de billard peut construire un ensemble de
connaissances dont certaines correspondent à des savoirs scientifiques (géométriques, physiques,
arithmétiques, etc.) Ces connaissances demeurent, comme le souligne Schön (1994), souvent
tacites, implicites, cachées dans l’action. En effet, le joueur de billard calcule des angles,
provoque des effets, recherche la ligne droite… Bref il semble appliquer un ensemble de savoirs
scientifiques. Pourtant tel n’est pas toujours le cas. Il est possible qu’il ne sache rien de ces
savoirs et que tout ce qu’il en connaît vient de sa pratique du billard et d’un ensemble d’autres
expériences semblables. Il connaît en action sans pouvoir expliciter ce qu’il sait : ses
connaissances font partie intégrante de ses façons de se positionner, de tenir sa baguette, de tirer
la balle et ainsi de suite. Tout se passe comme s'il ne faisait pas expressément appel à des
formules telles F = ma, w = mg ou encore à des principes comme, par exemple, la distance la plus
courte entre deux points est la ligne droite. D’ailleurs, comme déjà souligné ci-dessus, le plan
géométrique est un idéal qui correspond bien peu au tapis de la table.
Le savoir scientifique sous toutes ses formes (formules, principes, lois, etc.) sont des produits
décontextualisés, morts, sans histoire, désincarnés et impersonnels (Jonnaert, 2002). Les
connaissances sont tout le contraire : elles sont vivantes, contextualisées, historiques, incarnées et
personnelles. Les connaissances sont vivantes parce qu’elles sont agies par un être biologique et
parce qu’elles se transforment perpétuellement pour s’ajuster de mieux en mieux aux situations;
elles sont contextualisées parce qu’elles opèrent en contexte et qu’elles sont guidées par
l’intelligence des situations de la personne; elles sont historiques parce qu’elles sont liées au
développement d’une personne et le vécu des diverses situations de vie; elles sont incarnées
puisque le calcul d’angle, par exemple, est lié à l’expérience de l’œil et à la dextérité corporelle
en son ensemble; enfin, elles sont personnelles parce que la personne connaît de tout son être, au
moyen de toutes ses dimensions (corporelles, intellectuelles, affectives et conatives) et selon ses
expériences propres.
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Lorsqu’il est appris, le savoir est compris (sens de prendre avec soi en l’incorporant) à la structure
des connaissances personnelles. Sans cette dernière, il sera tout simplement inaccessible à la
personne. De plus, le savoir est difficilement compréhensible sans situations de référence et sans
intelligence de ces situations. Pour ces raisons, le constructivisme considère que le savoir n’est
pas transmissible. C’est pour bien comprendre ce postulat que les chercheurs ont distingué la
notion de savoir de celle de connaissance : cette distinction épistémologique présente un intérêt
particulier pour l’élaboration de programmes d’études et pour la pratique pédagogique.
Les distinctions entre compétences référentielles et compétences effectives ou personnelles sont
du même ordre que celles entre savoir et connaissance. Les compétences référentielles sont des
compétences construites par les concepteurs de programmes d’études pour fin d’élaboration des
programmes d’études. Elles sont des standards, des références tout comme les savoirs et ne sont
pas transmissibles. Les compétences effectives sont celles de la personne : celles du joueur de
billard, par exemple. Ce sont des compétences fondées sur l’expérience de la vie et l’intelligence
de familles de situations. Elles servent de structure d’accueil aux compétences référentielles que
l’adulte aura à développer durant sa formation.
Quelques conséquences pour la rédaction des programmes d’études et leur utilisation :
Un programme d’études comprendra nécessairement des savoirs mis en texte qu’on
appelle savoirs codifiés et des compétences référentielles et non pas des connaissances
personnelles ou des compétences effectives;
Les savoirs codifiés et les compétences référentielles ne sont pas transmissibles et ne
constituent donc pas, en eux-mêmes, des objets directement enseignables : pour permettre
à l’adulte de comprendre les savoirs codifiés et les compétences référentielles (contenus
de programmes d’études), l’enseignant crée des situations d’apprentissage qui favorisent
leur incorporation dans le réseau des connaissances antérieures de l’adulte et dans la
structure de son intelligence des situations;
Les programmes d’études contiennent des savoirs et des compétences à enseigner
indirectement, par la voie de mises en situations dans lesquelles l’adulte construit
activement des connaissances et développe ses compétences et non pas des savoirs et des
compétences référentielles qui constitueraient d’emblée des objets d’apprentissage. Cette
construction et ce développement se réalisent par l’activation située des connaissances et
compétences antérieures de la personne. En définitive, la connaissance nouvelle et la
compétence nouvelle émergent de l’action en situation et de la réflexion sur cette action.
Les trois types de situations
Une logique de compétences qui s’inscrit dans une perspective socioconstructiviste se fonde sur
les relations dynamiques entre une compétence, des ressources et des situations. La notion de
situation prend divers sens, selon l’usage qu’on en fait, et le but est ici de différencier et
d’intégrer les situations de référence (situations pour lesquelles on vise le développement de
compétences), les situations d’apprentissage et les situations d’évaluations (voir figures 2.)
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Figure 2. Rapports congruents entre les situations de référence, les situations
d’apprentissage et les situations d’évaluation
Avant d’expliciter ces trois types de situations, rappelons qu’une situation est une construction.
Une compétence ne saurait fonctionner en situation si la personne ne construisait pas d’abord
cette situation : par exemple, c’est en jonglant qu’on se trouve en situation de jonglerie et jongler
c’est produire la situation. Une situation c’est aussi l’espace-temps dans lequel se développe et
s’exerce une compétence ; c’est aussi dans cet espace-temps que l’adulte mobilise et construit des
ressources. Une situation est évolutive aussi bien que la compétence (Legendre, 2004.) La
situation est un des trois éléments intégrés de la dynamique d’une logique de compétences, les
deux autres étant la compétence et les ressources. Dans cette dynamique, si l’un des trois
éléments change, les deux autres changent aussi. Par exemple, en développant une compétence, je
transforme ma situation d’employabilité, en construisant des ressources j’élargis le champ des
possibilités de ma compétence et grâce à ce développement et ces constructions, la situation
m’apparaît de plus en plus facile d’adaptation.
Les situations de référence
Les situations de vie des adultes sont des situations de référence pour élaborer des programmes
d’études. Une étude a permis d’identifier les principales situations de vie des adultes visés par la
formation générale commune (MEQ-DFGA, 2003.) Ces situations de vie ont servi de référence
pour identifier les besoins de formation des adultes. Elles sont aussi des situations de référence
dans le sens où elles constituent les espaces-temps dans lesquels l’adulte exerce les compétences
et mobilise les ressources qu’il aura acquises durant sa formation. Toutefois, le répertoire des
situations de vie de référence issues de l’étude s’est avéré incomplet lors de leur analyse par les
Situations
d’apprentissage
Situations de
référence Situations
d’évaluation
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concepteurs de programmes d’études. Cependant, la plupart des concepteurs étant des
enseignants ayant une vaste connaissance de la clientèle adulte, il leur a été possible de compléter
le répertoire. Durant les travaux curriculaires, il est apparu important de distinguer deux types de
situations de vie : les situations de vie référentielles (décrites dans le document ou introduites par
les enseignants) et les situations de vie personnelles (situations réelles de l’adulte.) Les premières
servent de référents à l’élaboration des programmes d’études, les secondes permettent à
l’enseignant de concevoir des situations d’apprentissage signifiantes pour la clientèle adulte
composant sa classe.
Dans ses situations de vie, l’adulte réalise des apprentissages in situ, en direct. Ce sont des
apprentissages sur le tas, c’est-à-dire des apprentissages informels. En effet, les situations de vie
constituent des lieux d’apprentissage en termes de développement de compétences et de
construction de ressources. Toutefois, les apprentissages en direct ne s’avèrent pas toujours
suffisants pour permettre à l’adulte une adaptation adéquate et les situations de vie n’ont pas pour
fonction première d’encadrer systématiquement les activités d’apprentissage de l’adulte. Cette
fonction revient plutôt aux situations d’apprentissage scolaires ou autres (formation en entreprise,
etc.) qui visent des apprentissages formels.
Lorsque l’adulte se présente dans un centre de formation, il dispose donc déjà de tout un bagage
d’expériences acquises dans ses situations de vie (ou dans ses situations scolaires antérieures.)
C’est au départ des apprentissages informels ou formels (scolaires) de l’adulte que s’amorce une
formation. L’expérience acquise en situation de vie devient donc le point de départ d’une
formation qui a pour but de l’élargir en termes de compétences et de ressources. Au sortir de la
formation, l’adulte est à mesure de s’adapter adéquatement à ses situations de vie grâce aux
apprentissages réalisés : ce sont les compétences développées et les ressources construites.
Les situations d’apprentissage
En s’inscrivant à une formation, l’adulte se voit proposer des situations d’apprentissage qui
favorisent plus rapidement et plus systématiquement les apprentissages qui lui faut. De plus, la
formation lui fournit également les ressources matérielles et humaines sans lesquelles il ne
pourrait réaliser certains apprentissages. C’est pour cette raison, entre autres, que l’adulte
s’engage dans une formation.
Dans une logique de compétences et une perspective socioconstructiviste, les situations
d’apprentissage sont les lieux de développement de compétences et de construction de ressources.
Ce développement et ces constructions ne sont possibles que si ces situations sont élaborées dans
le but de permettre à l’adulte d’y réaliser des activités qui améliorent son adaptativité aux
situations de vie. Autrement, elles ne permettraient que l’apprentissage de savoirs disciplinaires.
Les situations d’apprentissage ont pour fonction de faire cheminer l’adulte d’un point de départ à
un point d’arrivée :
le point de départ est une situation de vie problématique car l’adulte ne peut s’y adapter
avec compétence ;
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la situation d’apprentissage permet à l’adulte de réaliser des apprentissages qui lui
permettent d’élever son pouvoir adaptatif dans la situation de vie de départ ;
le point d’arrivée est une situation de vie solutionnable par l’adulte grâce aux
apprentissages réalisés dans la situation d’apprentissage, pas en termes de stricte
application, mais en termes d’adaptation.
Une situation d’apprentissage est signifiante pour l’adulte si elle lui permet de réaliser des
apprentissages authentiques, c’est-à-dire des apprentissages qui permettent de progresser dans
une situation de vie, depuis le point départ au point d’arrivée décrit ci-dessus. Lorsque cela se
produit, il s’établit un rapport congruent entre la situation de vie de référence et la situation
d’apprentissage. Comme l’indique la figure 2, cette congruence se traduit par l’interaction
dynamique entre les deux types de situations :
Une situation de vie de détermine l’authenticité ou le réalisme d’une situation
d’apprentissage.
Une situation d’apprentissage permet d’améliorer l’adaptativité à une ou des situations
de vie de référence.
Dans la littérature, ce rapport congruent est exprimé par divers termes ou expressions : situation
d’apprentissage authentique (authenticité), situations d’apprentissage réalistes (réalisme),
situations d’apprentissage significatives (signifiance) pour l’apprenant et ainsi de suite (Angers,
1995 ; Young, 1993.) Ces termes conduisent parfois à des interprétations qui ne sont pas toujours
adéquates : par exemple, l’authenticité pourrait laisser croire que la situation d’apprentissage et la
situation de vie sont presque identiques en termes de complexité et de richesse. Or, ce n’est
évidemment pas toujours le cas !
Une situation d’apprentissage est élaborée pour encadrer et délimiter les activités
d’apprentissage. Elle est élaborée dans le but de systématiser l’apprentissage, de le favoriser et
de lui donner le temps nécessaire à sa réalisation. Encadrer, systématiser, accorder du temps,
laisser libre cours à l’apprenant, laisser se multiplier les essais et ne pas accorder trop
d’importance aux erreurs… c’est justement ce que les situations de vie et leur authenticité ne
permettent souvent pas. Une situation d’apprentissage comporte toujours une part d’artificialité
en regard des situations réelles de la vie, ne serait que parce qu’elle est d’abord conçue par
l’enseignant(e) avant d’être comprise par l’adulte. Par contre l’enseignant(e) l’élabore avec pour
principe que les apprentissages réalisés vont constituer des progrès réels dans des situations
réelles ou authentiques.
La situation d’apprentissage peut s’avérer parfois plus simple et parfois plus complexe que la
situation réelle (de vie.) Par exemple, au hockey, les situations d’apprentissage sont souvent plus
complexes que les situations de jeu réelles. On forme alors au complexe avec l’idée que le joueur
aura d’autant plus de facilité ensuite à s’adapter à des situations plus simples. On nage dans le
complexe mais dans le but de simplifier. Par contre, pour certaines situations de jeu trop
complexes pour y réaliser des apprentissages particuliers, on va plutôt créer des situations
d’apprentissage simples en mettant l’accent sur ces apprentissages : par exemple pour améliorer
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le coup de patin du joueur, on va parfois s’en tenir à des situations strictes de patinage, bien en
deçà de la complexité des situations de jeu. Entre les deux pôles de ces exemples, on peut
imaginer de multiples situations d’apprentissage intermédiaires, toutes présentant un certain
degré d’artificialité en regard de la situation de référence pour laquelle on recherche un progrès.
En ce qui concerne le réalisme des situations d’apprentissage, vis-à-vis du réalisme des situations
de vie, celui-ci n’a pas à reposer sur l’identité entre ces deux types de situations. En certains cas,
le réalisme de la situation d’apprentissage peut être entier : on apprend à cuisiner en cuisinant. En
d’autres cas, le réalisme peut être considérablement réduit : on demande au futur cuisinier de se
cultiver en lisant un livre sur la cuisine chinoise dans le but de s’initier à ce type de cuisine. Dans
ce deuxième cas, la situation d’apprentissage présente tout de même un certain réalisme ne serait-
ce que parce que dans sa lecture, l’apprenant engage son expérience de la cuisine pour
comprendre ce qu’il lit. Ces deux cas extrêmes de situations d’apprentissage peuvent tous deux
s’avérer pertinents dans une logique de compétences. Ne contribuent-ils pas tous les deux, bien
qu’inégalement, au développement d’une compétence de cuisinier.
La problématique de l’authenticité et du réalisme des situations d’apprentissage nécessiterait
d’être développée davantage. Toutefois, si elle n’est qu’esquissée ici, c’est pour nous en tenir aux
relations entre les trois types de situations illustrées en figure 2. L’important est de souligner que
toute situation d’apprentissage qui s’inscrit dans une logique de compétences est pertinente.
Une situation d’apprentissage contribue au développement d’une compétence si elle permet à
l’adulte : d’y mobiliser les ressources dont il dispose déjà tout en les adaptant (donc en les
transformant quelque peu) à la problématique qu’on lui propose et particulièrement d’en
construire de nouvelles. Tout en adaptant ou en construisant de nouvelles ressources, l’adulte est
amené à exercer sa compétence « embryonnaire » et surtout à la développer davantage.
Les situations d’évaluation
Un soir, un monsieur se promène sur la rue. Il voit au loin une personne à quatre pattes et se
demande bien ce qu’elle fait. Il s’approche d’elle pour s’en enquérir.
Que faites-vous à quatre pattes?
J’ai perdu mes clés et je les cherche, répondit l’autre.
Où avez-vous perdu vos clés?
Là-bas! dit-il, en pointant du doigt un champ dans la pénombre,
Pourquoi les cherchez-vous ici alors?
Mais parce qu’ici il y a un lampadaire et c’est éclairé! Là-bas on n’y voit rien.
C’est à cela que ressemble parfois le discours sur l’évaluation. On est prêt à perdre le sens des
réalités complexes pour s’en remettre à ce qui est visible.
L’évaluation a toujours fait l’objet de préoccupations de la part des enseignants. Les questions
qui reviennent toujours concernent l’opérationnalisation des compétences, de l’autonomie, des
attitudes et d’autres visées éducatives abstraites. Plus spécifiquement, les questions concernent
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l’observabilité et la mesurabilité des apprentissages réalisés, en l’occurrence des compétences ou
des ressources auxquelles s’ajoutent les attitudes. Or une compétence, par exemple, n’est pas
observable, ni mesurable, du moins pas en sa totalité. Est-ce à dire qu’elle n’est pas
opérationnalisable ? Si dans la perspective béhavioriste, on s’en tenait, tant au niveau de
l’enseignement qu’à celui de l’évaluation, aux comportements parce qu’eux seuls sont
mesurables et observables (eux seuls, sont sous le lampadaire, même si la clé est dans la
pénombre), mais aussi pour des raisons anti-mentalistes, les perspectives constructivistes, au
contraire, misent davantage sur ce qui va au-delà des comportements (les clés qui sont dans la
pénombre) : les représentations, les intentions, les motivations intrinsèques, les opérations
mentales, les attitudes (dans leur aspect interne et seulement partiellement observable).
On pourrait simplifier les différences entre le béhaviorisme et le constructivisme en prenant pour
exemple l’iceberg. Le béhaviorisme veut s’en tenir à la pointe de l’iceberg parce qu’elle seule est
observable. Le constructivisme veut prendre en compte l’ensemble de l’iceberg, la pointe n’en
étant que la face externe.
À ce propos, Perrenoud (1996), s’appuyant sur Piaget, montre que pensée et comportement ne
s’opposent pas (compétence et comportement non plus) :
« La pensée ne s’oppose pas au "comportement" puisqu’elle est aussi action ; action
symbolique, intériorisée, mentale, mais qui trouve sa source et son prolongement dans des
comportements manifestes, observables. Opérations mentales et comportements
manifestes sont des modalités complémentaires de l’action. Actions certes distinctes, mais
qui se coordonnent entre elles selon les mêmes structures logiques. Cette unité
fondamentale de la pensée et du comportement fonde le refus d’opposer à une éthologie
des comportements, limitée aux observables, à la manière de l’éthologie animale, une
anthropologie culturelle étudiant le contenu ou la forme de représentations détachées de
leurs conditions pratiques de genèse et de mise en œuvre. » Tiré de
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1976/1976_02.html#Heading2
Les concepts action et conduite se distinguent du comportement en ce qu’ils renferment des
intentions, des motivations et qu’ils renvoient aussi bien à la partie cachée d’un iceberg qu’à sa
pointe émergente. La pensée, entre autres, fait partie de la partie immergée de l’iceberg. Comme
le souligne Perrenoud ci-dessus, la pensée est aussi action. En effet, du point du constructivisme
aussi bien que du socioconstructivisme, la pensée est une activité et non pas une pure
représentation passive au moyen d’images statiques comme le seraient des photos, par exemple.
Il en va de même pour la compétence : elle est pouvoir d’agir (pensée actuelle et action effective)
et ce pouvoir ne se manifeste qu’en partie, car pour l’essentiel il demeure opaque ou en
immersion comme l’iceberg.
Comment évaluer la totalité de l’iceberg alors que seule sa pointe est observable ? Comment
évaluer la pensée d'une personne si elle n’est extériorisée qu’en partie et qui plus est une toute
petite partie ? Comment évaluer une compétence en action si elle est pour l’essentiel opaque à
l’évaluateur ? Les experts en évaluation ont des réponses multiples à ces questions. Nous allons
nous limiter ici à y répondre à un niveau très général. Notre but est essentiellement d’alimenter la
réflexion sur les situations d’évaluation selon une logique de compétence et une perspective
socioconstructiviste.
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Comment s’y prend le psychologue pour « observer » l’intelligence ou les connaissances d’une
personne ? Il met la personne dans une situation d’action qu’il a construite préalablement.
Ensuite, il observe
Ce que cherche à faire la personne dans cette situation (cela renvoie à son intention ou
ses objectifs.) Son intention peut être apparente ou cachée. Mais on peut demander à la
personne ce qu’elle cherche à faire.
Ce que fait effectivement la personne ; la suite des activités réalisées.
Le processus sous-jacent aux activités déployées.
Les résultats des activités de la personne : échec ou réussite, par exemple ;
Les productions de la personne.
C’est peut-être caricatural et un peu trop simplifié, mais c’est à peu près ainsi que l’on
procèderait pour observer la personne dont on veut inférer le degré de compétence ou le degré de
construction de ressources. Les observations portent sur la partie visible de l’iceberg. Mais les
observations faites permettent d’inférer ce qui se passe au niveau profond de l’iceberg. Pour que
les inférences soient valides, il faut s’assurer que la situation d’évaluation construite sera
adéquate et réponde bien aux objectifs d’évaluation qu’on s’est fixé.
Pour évaluer la compétence d’une personne à se chercher un emploi, par exemple, l’enseignant
peut se référer préalablement à ce que nous avons appelé des activités situées, c’est-à-dire les
activités qu’une personne compétente réalise habituellement pour se chercher un emploi.
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Tableau 1. Exemple d’analyse d’activités situées pour construire des situations d’évaluation
Activités situées :
Comment sont réalisées ces activités
par une personne compétente?
Comment sont réalisées ces activités
par la personne évaluée?
consulter le journal
écrire son curriculum vitæ
remplir un formulaire de
demande d’emploi
participer à une entrevue
solliciter une lettre de
recommandation
se présenter directement
au lieu d’embauche
chercher sur Internet, etc.
écrire un courriel
Comme le laisse supposer le tableau 1, une analyse des activités situées, celles que réalise
généralement une personne compétente, permet de construire des situations d’évaluation.
L’analyse permet de construire une attente à l’intérieur d’un module de formation. Les activités
de la personne compétente permettent aussi d’établir un standard avec lequel sera comparée la
personne évaluée.
Au départ d’inférences tirées de l’interprétation des observables (les actions et les produits de la
personne dans des situations d’évaluation), l’évaluation de la compétence peut s’appuyer sur les
réponses à un ensemble de questions articulées du type suivant :
Comment l’adulte s’y prend-il pour construire la situation? Comment comprend-il la
situation? Comment problématise-t-il la situation?
Que cherche à faire l’adulte? Quel est son but? Ce but tient-il compte de la situation et du
contexte?
Quelles actions pose-t-il pour atteindre son but? Suivant quelle séquence? Ces actions
sont-elles pertinentes, coordonnées? Ces actions permettent-elles de cheminer vers le but
fixé?
Quelles ressources matérielles l’adulte utilise-t-il? Leur utilisation est-elle adéquate?
L’adulte maîtrise-t-il ces ressources?
L’adulte fait-il appel à des ressources humaines? Est-ce approprié et pertinent à l’atteinte
de son but?
L’adulte fait-il une pose réflexive au besoin?
Et bien d’autres questions du genre.
Attentes de
l’enseignant (e)
en termes de
mobilisation
compétente de
ressources
Le degré de
construction des
ressources
appropriées et le
niveau de leur
mobilisation
com
p
étente.
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La figure 2 traduit certains des principes qui émergent d’une logique de compétence. Ces
principes concernent les liens entres les situations de vie de et les situations d’évaluation ainsi
que ceux entre les situations d’apprentissage et les situations de vie :
Les liens entre les situations de vie et les situations d’évaluation sont les suivants :
Les situations de vie conditionnent la construction des situations d’évaluation. Pourquoi?
Parce qu’on recherche une personne compétente dans ses situations de vie et que
l’évaluation porte sur ça.
Les situations d’évaluation « prédisent » l’adaptation ou non des apprentissages réalisés
par l’adulte (en termes de compétences qui mobilisent des ressources) dans ses situations
de vie. Pourquoi? Pour la même raison que le point précédent, autrement l’évaluation ne
ferait que sanctionner des apprentissages scolaires sans prendre en compte leur caractère
d’adaptabilité aux situations de vie.
Nous retenons de cette analyse que l’opérationnalisation d’une compétence, du moins dans le
contexte de l’évaluation, ne nécessite absolument pas qu’elle soit réduite à des comportements
(partie visible de l’iceberg). C’est la totalité de l’iceberg qui est visé par la formation.
Conclusion
Un curriculum élaboré selon une logique de compétences s’inscrivant dans une perspective
socioconstructiviste et privilégiant l’entrée par les situations de vie représente un beau défi et
grand défi. C’est ce défi que s’est proposé de relever la Direction générale de la formation des
adultes du Ministère de l’éducation au Québec.
Dans ce curriculum, des liens de congruence se doivent d’être établis entre trois types de
situation : les situations de vie pour lesquelles on veut former un adulte compétent, les situations
d’apprentissage au moyen desquelles on forme l’adulte et finalement les situations d’évaluation.
Il est à souhaiter que la nature et les conditions de ces liens, qui ont fait l’objet d’une analyse
dans le présent chapitre, feront l’objet de futures recherches empiriques et théoriques qui
permettront de les fonder scientifiquement.
Références
Angers, P. (1995.) La genèse d’une recherche sur l’art d’apprendre. Québec : Bellarmin.
Bloom, B. S. (1975.) Taxonomie des objectifs pédagogiques. Tome 1, domaine cognitif. Québec :
Presses de l’université du Québec.
Jonnaert, Ph. (2002.) Compétences et socioconstructivisme. Un cadre théorique. Bruxelles : De
Boeck.
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Le Boterf, G. (2002.) Développer la compétence des professionnels. Construire les parcours de
professionnalisation. Paris : Éditions d’Organisation. 4e édition, 1ère édition en 1997.
Legendre, M-F. (2004.) Cognitivisme et socioconstructivisme : des fondements théoriques à leur
utilisation dans l’élaboration et la mise en œuvre du nouveau programme de formation. In
Philippe Jonnaert et Armand M’Batika (dir.) Les réformes curriculaires. Sainte-Foy : Presses de
l’université du Québec, pp. 13-47.
Masciotra, D. (2005, soumis.) L’intelligence des situations : au-delà de la compétence. Revue des
sciences de l’éducation.
Masciotra, D. et Medzo, F. (2005, soumis.) La compétence comme pouvoir adaptatif aux
situations nouvelles. Revue canadienne de l’éducation.
Philippe Perrenoud (1996.) De quelques apports piagétiens à une sociologie de la pratique. Revue
européenne des sciences sociales, 1976, n° 38-39, pp. 45l-470
Schön, D. A. (1994.) Le praticien réflexif: À la recherche du savoir caché dans l'agir
professionnel. Montréal : Les Éditions Logiques.
Zarifian, Ph. (2001.) Le modèle de la compétence. Paris : Éditions Liaisons.
Young, M.F. (1993.) Instructional Design for Situated Learning. Educational Technology
Research and Development, 41, no. 1: 43-58.
... Aunque ninguno de estos cuatro ingredientes de las competencias son una novedad absoluta y de todos ellos podemos encontrar antecedentes en otras propuestas y consenso bastante amplio en lo que concierne a la presencia de estos cuatro aspectos o ingredientes en el concepto de competencia, su interpretación, y sobre todo la importancia que se otorga a cada uno de ellos, son objeto de controversia. Desde la perspectiva que nos ocupa, cuando la finalidad es profundizar en el enfoque competencial y facilitar y promover su aterrizaje en las aulas, el contexto de adquisición y uso -más bien genérico y poco preciso, recordémoslo, en las competencias clave-adquiere una especial relevancia (Jonnaert, 2019;Masciotra, 2013 que las competencias específicas de área y materia proporcionan, por una parte, el engarce con el perfil de salida del alumnado en su doble vertiente competencial (conexiones con las competencias clave) y de situaciones y actividades asociadas con el afrontamiento de los desafíos del siglo XXI; y por otra, son el punto de referencia para la formulación de los otros componentes curriculares de este nivel, unos de carácter prescriptivo, como los contenidos básicos y los criterios de evaluación, y otros de naturaleza más bien explicativa y orientativa, como pueden ser las conexiones con las competencias específicas de otras áreas y materias y con las competencias clave, los criterios para el diseño de situaciones y actividades de aprendizaje, y los jalones de desarrollo competencial en el área o materia en cuestión a lo largo de la educación básica. ...
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Resumen El artículo realiza una reflexión sobre la oportunidad que supone la LOMLOE y su desarrollo para la modernización curricular de nuestro sistema educativo. Se analiza el papel que juega el currículo, la importancia de conocer las intenciones educativas y las orientaciones para favorecer el aprendizaje y organizar la enseñanza. Se exponen las nuevas exigencias de aprendizaje y se presentan algunas opciones y criterios que convendría tener en cuenta en el proceso de modernización curricular, atendiendo, por un lado, al perfil de salida del alumnado, que toma como referencia las ocho competencias clave y los grandes desafíos del siglo XXI y, por otro lado, a los aprendizajes esenciales de las competencias específicas de las áreas y materias, diferenciando entre aprendizajes básicos imprescindibles o esenciales y aprendizajes básicos deseables, recalcando que la meta del aprendizaje no son los contenidos sino las competencias. Por último, se señala la importancia de unas buenas políticas para el adecuado desarrollo curricular y la colaboración entre el Ministerio y las comunidades autónomas, destacando que el reto de la equidad necesita dotar de la suficiente autonomía curricular a los centros para que puedan ampliar y profundizar
... Les travaux conduits en France par la didactique professionnelle (Vergnaud, 1990 ;1996 ;Pastré, 2011 ;Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006) ou à l'étranger (Jonnaert, 2007(Jonnaert, , 2011Masciotra, 2005 ;Charland et Cyr, 2013) convergent vers le postulat que la finalité de la formation professionnelle abordée dans une approche par compétences est l'apprentissage des actions à déployer pour agir avec compétence dans les situations professionnelles visées par le curriculum. En effet, dans ce cadre, « un professionnel compétent est une personne capable de « maîtriser » un ensemble de situations professionnelles, et, par extension, de classes de situations, plus ou moins complexes, constitutives de son emploi ou métier » (Mayen, Métral, Tourmen, 2010, p. 33). ...
... Les travaux conduits en France par la didactique professionnelle (Vergnaud, 1990 ;1996 ;Pastré, 2011 ;Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006) ou à l'étranger (Jonnaert, 2007(Jonnaert, , 2011Masciotra, 2005 ;Charland et Cyr, 2013) convergent vers le postulat que la finalité de la formation professionnelle abordée dans une approche par compétences est l'apprentissage des actions à déployer pour agir avec compétence dans les situations professionnelles visées par le curriculum. En effet, dans ce cadre, « un professionnel compétent est une personne capable de « maîtriser » un ensemble de situations professionnelles, et, par extension, de classes de situations, plus ou moins complexes, constitutives de son emploi ou métier » (Mayen, Métral, Tourmen, 2010, p. 33). ...
Chapter
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El debat sobre si el que s’ensenya i s’aprèn actualment a les escoles i els instituts respon realment a les necessitats d’aprenentatge de les persones, i, en especial, de les generacions més joves, ha anat guanyant presència i intensitat en el transcurs de les dues darreres dècades. Aquest debat té un doble vessant. D’una banda, es qüestiona que alguns continguts que tenen una presència significativa en el currículum serveixin per satisfer aquestes necessitats d’aprenentatge; de l’altra, s’afirma que alguns continguts que podrien contribuir a satisfer-les estan absents del currículum o hi tenen un lloc clarament secundari.
Article
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The design of situated learning must be closely linked to the ecological psychology of situated cognition, as exemplified by problem solving in a complex situated context, the Jasper Series. The extreme view of situated learning contends thatall thinking must be viewed as situated, and is therefore better explained by concepts of perception and action than by the concepts of information processing psychology. In this article, ideas of ecological psychology provide the background for describing four broad tasks for the design of situated learning: selecting the situations, providing scaffolding, determining and supporting the role of the teacher, and assessing situated learning. Further, three metrics for evaluating situated learning are suggested: affording transfer, providing meaning, and providing an anchor for cross-curricular investigation.
La genèse d'une recherche sur l'art d'apprendre
  • Références Angers
Références Angers, P. (1995.) La genèse d'une recherche sur l'art d'apprendre. Québec : Bellarmin.
des liens de congruence se doivent d'être établis entre trois types de situation : les situations de vie pour lesquelles on veut former un adulte compétent, les situations d
  • Dans Ce Curriculum
Dans ce curriculum, des liens de congruence se doivent d'être établis entre trois types de situation : les situations de vie pour lesquelles on veut former un adulte compétent, les situations d'apprentissage au moyen desquelles on forme l'adulte et finalement les situations d'évaluation.
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  • Ph Jonnaert
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Masciotra, D. (2005, soumis.) L'intelligence des situations : au-delà de la compétence. Revue des sciences de l'éducation.
De quelques apports piagétiens à une sociologie de la pratique. Revue européenne des sciences sociales
  • Philippe Perrenoud
Philippe Perrenoud (1996.) De quelques apports piagétiens à une sociologie de la pratique. Revue européenne des sciences sociales, 1976, n° 38-39, pp. 45l-470
Taxonomie des objectifs pédagogiques. Tome 1, domaine cognitif
  • B S Bloom
Bloom, B. S. (1975.) Taxonomie des objectifs pédagogiques. Tome 1, domaine cognitif. Québec : Presses de l'université du Québec.