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Démonstration : Aménagement énergétique d'un
territoire - Une approche par simulation multi-agents
Yassine Gangat
Rémy Courdier
Denis Payet
yassine@gangat.com remy.courdier@univ-reunion.fr denis.payet@univ-reunion.fr
EA2525 LIM IREMIA
Université de la Réunion, France.
Résumé
Le projet GERRI donne corps pour l'île de la
Réunion aux orientations du Grenelle Envi-
ronnement, dont l'aménagement énergétique
d’un territoire est l’une des facettes. Il s'agit
de prévoir la consommation et la production
d'énergie future, tout en respectant un en-
semble d'indicateurs économiques et écolo-
giques, à l’aide de nombreux schémas d'inte-
ractions entre les acteurs.
L'originalité du présent article est d’organiser
une nouvelle approche via les multi-agents,
qui offre une alternative pertinente aux autres
modèles. Ce travail, développé sur Gea-
mas-NG et basé sur un outil (Domino-SMAT)
déjà implanté dans le cadre d'un autre projet,
permet la simulation et la géo-localisation des
flux d'énergie tout en tenant compte des inte-
ractions modélisables.
A terme, l’objectif est de réaliser un outil
d’aide à la décision dans l’aménagement
énergétique d'un territoire grâce aux différents
scénarios possibles, notamment en prévision
de nouvelles installations et de leur dimen-
sionnement, ou encore en cas de dysfonction-
nement ou de maintenance d'une infrastruc-
ture.
Mots-clés : simulation multi-agents, énergie,
environnement, application
Abstract
The GERRI project materializes the Grenelle
Environnement’s goals, of which the energy
management of a territory is a facet. The aim
is to forecast future energy production and
consumption, bearing in mind economic and
ecological indicators, and using a large num-
ber of interactions schemes between the in-
volved parties.
The originality of this paper is to present a
new approach using the multi-agents systems,
which could offer an appropriate alternative to
other models. This work is based on one of the
tools (Domino-SMAT) developed on the Gea-
mas-NG platform. It allows the simulation and
geo-localization of energy flow while reckon-
ing with modeled interactions.
Eventually, the aim is to provide a decision-
support tool for the energy planning within a
territory, thanks to the different possible sce-
narios, e.g. in anticipation of new power plant
and its sizing, or in case of a malfunction or
maintenance work.
Keywords: multi-agents simulation, energy,
environment, application
1 Introduction
Les systèmes multi-agents ont montré leur
intérêt pour répondre à une problématique en
rapport avec des systèmes complexes dans
lesquels rentrent en jeu des dynamiques écolo-
giques, économiques et sociales [1]. Ils propo-
sent des formalisations qui prennent en compte
à la fois la gestion collective, et la modélisa-
tion centrée sur les individus [2]. Le couplage
entre l’individuel et le collectif, réalisé au tra-
vers des interactions, ainsi que la richesse sé-
mantique des environnements spatialisés font
des SMA l’approche idéale pour notre modèle
de gestion d’énergie.
1.1 Le contexte énergétique
L'île de la Réunion se situe au centre du projet
GERRIi
Elle se décline en 5 thématiques complémen-
taires relatives à :
(qui est à la fois l’acronyme de Green
Energy Revolution - Reunion Island et de
Grenelle de l’Environnement à la Réunion :
Réussir l’Innovation), un catalyseur pour la
recherche et l’innovation. Ce programme no-
vateur se fixe pour objectif, d’ici 2030, de faire
de l’île un espace de démonstration de toutes
les technologies liées au développement du-
rable. Conduite par l’Etat, la Région, le Dépar-
tement et d’autres acteurs économiques, cette
réalisation se veut être une expérience pilote
pour la planète : faire de la Réunion un terri-
toire d’expérimentation grandeur nature.
− la maîtrise des consommations, la produc-
tion et le stockage d’énergie ;
− les déplacements en modes propres, collec-
tifs et individuels ;
− les éco-quartiers et villes durables ;
− la construction ;
− le tourisme.
Ce programme « Réunion 2030 GERRI » est
le seul à synthétiser en un lieu unique toutes
les idées issues du Grenelle. Cet espace
d’innovation, circonscrit à un territoire entier
fait toute l’originalité de La Réunion.
Le tronc commun relatif au premier thème est
la maitrise de l’énergie (MDE), réponse aux
défis énergétiques et au souci de protection de
l'environnement des pays industrialisés et en
voie de développement. La MDE (aussi nom-
mée URE : utilisation rationnelle de l'énergie)
regroupe les techniques permettant de dimi-
nuer la consommation d'énergie, d’une part
dans un souci d'économie financière, et d’autre
part pour réduire l'empreinte écologique.
Elle peut se faire à plusieurs niveaux :
− au niveau individuel et familial (gestion du
chauffage et de la climatisation, etc.) ;
− au niveau local ou communal (amélioration
des transports en commun, etc.) ;
− au niveau national (lois anti-pollution, en-
couragement pour une agriculture moins
polluante, etc.) ;
− au niveau international (congrès, etc.).
1.2 Etudes orientées MDE
Dans la communauté informatique, beaucoup
d’efforts ont été déployés pour améliorer la
MDE au niveau individuel ou familial.
Par exemple, une étude présente de nombreux
modèles et méthodes (réseaux de neurones,
« bottom-up », « branch and bound », etc.) qui
ne s’appliquent qu’aux bâtiments [3]. De
même, des thèmes de conférences sont dédiés
à ce sujet comme la journée thématique SFT-
IBPSA de « l’efficacité énergétique des bâti-
ments, vers des bâtiments autonomes en éner-
gie » organisée par l’INES (Institut National
d’Energie Solaire) en 2006.
Dans le domaine des SMA, nous avons aussi
la conception d’un système domotique de ges-
tion de l’énergie dans l’habitat reposant sur le
paradigme multi-agents [4].
Mais il semblerait que peu de travaux traitent
de la MDE au niveau supérieur, c’est-à-dire à
l’échelle d’un territoire ou d’une région.
L’île de la Réunion fournit un terrain favorable
à cette recherche de part son isolement. Tout
d’abord elle peut se permettre d’étudier une
nouvelle forme d’aménagement énergétique,
étant donnée la faible superficie de son terri-
toire, qui n’est que de 2 500 km2. Ensuite, à la
différence de la métropole, il ne peut y avoir
sur notre île de production électrique d’origine
nucléaire (tranche unitaire surdimensionnée et
maintenance impossible)i.
Malgré sa petite superficie, la Réunion pré-
sente les problèmes énergétiques complexes
typiques : la présence de nombreux acteurs de
la production, autant au niveau individuel que
collectif ; un nombre important de consomma-
teur répartis de façon non homogène ; un
grand nombre de microclimats différents ; etc.
Tout ceci fait de cette île un lieu idéal pour
générer recherche et innovation dans ce do-
maine.
La Réunion doit donc réussir ce pari de deve-
nir un territoire autonome sur le plan énergé-
tique. La problématique abordée dans ce pré-
sent article est donc l’aménagement énergé-
tique d’un territoire avec une modélisation
reproductible ensuite sur d’autres régions de la
France ou du monde.
2 Modélisation conceptuelle
L’idée consiste à utiliser les SMA pour simu-
ler des scénarios complètement nouveaux dans
lesquels la géo-localisation de la production
d’énergie est prise en compte.
Nous envisageons par exemple certains scéna-
rios ayant des règles comme « l’écologie avant
l’économie », l’inverse, ou encore un équilibre
entre ces deux politiques. Il est possible aussi
de prévoir un scénario intégrant une sensibili-
sation au niveau de la population consomma-
trice pour limiter le gaspillage. L’île est dé-
coupée en parcelles sur lesquelles les agents
consommateurs et producteurs seront géoloca-
lisés. Dans notre modèle, nos agents impactent
la simulation de différentes manières.
2.1 Agents liés à la consommation :
La population ne consomme pas de la même
manière suivant sa position géographique, son
activité, selon la météo, etc. Quelques-unes
des informations qui doivent être gérées par
ces agents consommateurs sont :
− dynamique de la population (évolution dans
le temps, selon le mode d’occupation du
sol) ;
− type d’activité (tertiaire, particulier et in-
dustriel) ;
− niveau de satisfaction de l’agent selon cer-
tains critères (le confort thermique, le coût,
l’empreinte écologique, etc.).
2.2 Agents liés à la production :
Un agent producteur est instancié dans toute
parcelle où il y a production d’énergie.
FIG. 1: Production d'énergie à la Réunion
(d’après EDF)
Ils doivent gérer plusieurs informations :
− Le type de production d’énergie : éolien,
fuel, charbon, hydroélectrique, photovol-
taïque (industriel ou particulier),…
− La capacité de production suivant la pé-
riode. La Réunion possède des centrales
mixtes qui fonctionnent au charbon et à la
bagasse. Cette dernière est le résidu fibreux
de la canne à sucre, passée par le moulin
pour en tirer le suc. C’est une énergie re-
nouvelable, qui n’est disponible que pen-
dant la période de récolte de la canne à
sucre.
− L’impact des contraintes extérieures. Par
exemple, la météo n’a pas d’influence sur
les moteurs à gasoil, mais beaucoup plus
sur le solaire,…
− Le coût de la production (autant le coût
économique que le coût CO2).
− La modularité de la production : certaines
centrales peuvent être activées partielle-
ment. Pour d’autres, il n’est pas possible de
régler le débit.
Les agents producteurs d’énergie ont pour
tâches de négocier entre eux comment pro-
duire l’électricité demandée suivant le scénario
de simulation préétabli.
2.3 Agents tiers :
Les agents producteurs et consommateurs sont
sensibles à différents paramètres que font évo-
luer les agents tiers. On retrouve notamment :
− La météo : d’abord au niveau général
comme l’été et l’hiver, puis à un niveau
plus fin comme par exemple en période de
cyclones, etc.
− Le calendrier : car une personne ne con-
somme pas de la même manière un lundi,
un mardi ou un week-end, ni même lors de
périodes de vacances, etc.
− Les événements : il serait possible par
exemple de rajouter des évènements so-
ciaux comme une période de grève, de
fêtes, etc.
3 Méthodologie d’implémentation
La mise à plat de cette modélisation permet
d’appréhender le problème dans son ensemble
et de se rendre compte de la difficulté de sa
mise en œuvre.
Une méthode immédiate consisterait à mettre
en place ce modèle en partant de rien. La
quantité du travail aurait été très grande, à
cause de la complexité des interactions du
problème auquel nous sommes confrontés.
Nous proposons une solution adaptée à notre
problématique : une modélisation orientée
dynamique qui permet non seulement
d’associer plusieurs couches de modèle mono-
dynamique (Multi-MDM) au travers d’un en-
vironnement, mais aussi de réutiliser les diffé-
rentes mono-dynamiques élaborées dans
d’autres modèles [5].
Ici, nous avons besoin de mettre en place une
dynamique d’évolution de la population, repo-
sant sur les interactions d’une grande quantité
d’agents réactifs qui évolueraient selon un
modèle comportemental spécifique (pyramide
des âges, migration, occupation des zones ha-
bitables, etc.). Ensuite, une seconde dyna-
mique, serait composée d’agents cognitifs
géo-localisés, dont le modèle comportemental
relate une politique de gestion d’énergie.
Ces deux dynamiques, formant les plus impor-
tantes, ont été enrichies ensuite par d’autres
dynamiques météorologique, éphéméride et
événementielle (FIG.2).
Une modélisation de ce type a déjà été implé-
mentée sur notre plateforme de simulation
Geamas-NG : DS [6]. Il s’agit d’un modèle de
simulation d’évolution des espaces fonciers à
la Réunion. Il permet de simuler sur
l’ensemble de l’île les interactions entre les
trois grandes classes d’utilisation du sol (es-
paces naturels, agricoles et urbains) et
d’observer les évolutions induites.
FIG. 2: Modélisation Multi-MDM
Le modèle DS couple deux dyna-
miques comportementales qui peuvent com-
muniquer entre elles pour évoluer au cours du
temps simulé:
− Une 1ère dynamique d’évolution du mode
d’occupation des sols (MOS), est présente à
l’échelle globale de l’île et repose sur des
agents superviseurs d’échelle macro.
− Une 2nde dynamique, dite d’évolution de la
population, repose sur l’évolution de plu-
sieurs agents Parcelles qui couvrent, tous
ensembles, la totalité du territoire.
Nous nous sommes servis des dynamiques de
ce modèle, composé majoritairement d’agent
réactifs et de quelques agents cognitifs, dans
notre application. Nous les avons complétées
avec une dynamique hautement cognitive de
gestion de l’énergie, ainsi que d’autres dyna-
miques secondaire (météo, éphéméride, évé-
nementielle, …). Tout ceci a été possible grâce
aux capacités de réutilisation que confère
l’approche multi-MDM.
4 Conclusion
La synergie obtenue par ces différentes dyna-
miques produit des résultats pertinents. Les
agents producteurs et consommateurs, étant
géo-localisés, peuvent aussi prendre en compte
dans leurs transactions une donnée qui est
souvent négligée dans les autres modèles exis-
tants au niveau de la distribution : la gestion
des flux d’énergie.
En effet, en 2006, la production électrique à la
Réunion a été de 2 365 GWh pour une con-
sommation de 2 152 GWh. La différence
s’explique par les pertes électriques naturelles
dans les réseaux de transport et de distribu-
tionii
Rajouter cette donnée dans le système permet
donc de prévoir, par exemple, de nouvelles
lignes, de nouvelles installations, ainsi que leur
localisation optimale et leur dimensionnement,
de manière à limiter les coûts autant au niveau
économique qu’écologique.
. Ces pertes d’énergie sont liées au type
de la ligne (haute tension, moyenne tension,
basse tension et les différentes classes de
câbles) et représentent un coût.
Ce système permet aussi de calculer la perte
qu’occasionnerait, par exemple, la mainte-
nance de toute une ligne haute tension, ou en-
core celle d’une centrale.
Par ailleurs, ces travaux ont permis de mettre
une nouvelle fois en pratique notre démarche
de modélisation orientée dynamique [5].
Il est important de relativiser ces résultats en
sachant qu’il ne s’agit que d’une représenta-
tion simplifiée du monde réel. Cependant, plus
ce modèle sera enrichi par des thématiciens
spécialistes dans leurs domaines respectifs
(sciences de l’énergie, météorologie, sociolo-
gie, etc.), plus il pourra venir en aide aux déci-
deurs, et servira en parallèle à d’autres disposi-
tifs de prévisions traditionnels pour anticiper
les installations des années à venir.
5 Bibliographie
[1] Bousquet, F. et al. Modélisation d’Accom-
pagnement: Systèmes Multi-
Agents et
Gestion des Ressources Renouvelables.
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[2]
Ferber, J. La kénétique: des systèmes
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Revue internationale de systémique. 1994.
[3] Le, K. Thèse : Gestion optimale des con-
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Institut Polytechnique de Grenoble. Gre-
noble.10 Juillet 2008.
[4] Bornan, et al. Energy Saving and Added
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Londre. 1998. Practical Applications of
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[5] Payet, D. et al. Environment as support for
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Journées Francophones
Systèmes Multi-Agents (JFSMA’07).
pp. 129-138.
i http://www.gerri.fr/leprojet/historique
ii Selon l’Observatoire Energie Réunion