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Les archives ouvertes et autres publications scientifiques. L'autogestion des droits par les auteurs, "Creative Commons"

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Abstract

The Creative Commons licenses ; The Dual Publication Policies combining the Open Access Publishing with the commercial diffusion of scientific information
Manuel Durand-Barthez, URFIST Paris, 2011
Les archives ouvertes et autres publications scientifiques
L’auto gestion des droits par les auteurs : Creative commons
Une tendance croissante aujourd’hui incite à valoriser la notion de patrimoine intellectuel
d’une unité de recherche, c’est-à-dire l’opportunité de mettre en valeur des objets (items)
publiés, exorbitants des fondamentaux usuellement exigibles que sont par exemple les articles
classiques « de rang A ».
On peut considérer l’unité de recherche comme une « cellule laborieuse », productrice
d’éléments de savoir aujourd’hui multiformes. Présentations d’informations, notes de travail
(working papers), posters, catalogues d’images scientifiques (médicales, astronomiques,
herbiers…), vidéos de journées d’étude etc… seraient virtuellement représentatifs de ce que,
dans l’absolu, le programme P150 de la LOLF1 appelle la « production scientifique des
opérateurs », au même titre que les articles classiques mentionnés précédemment. Mais le
P150 ignore ouvertement ces objets jugés marginaux2.
Dans la ligne de cette observation, il semble pertinent de mettre en avant ce qu’une unité
estime propre à la « caractériser » (d’où l’expression de plus en plus usitée d’ « évaluation et
caractérisation » des unités de recherche). Car pour pouvoir mieux se comparer aux autres, il
faut d’abord se mesurer soi-même et donc se « caractériser », imprimer à son identité une
série de caractères. C’est justement là qu’interviennent tous les items atypiques cités plus
haut. Et ces éléments doivent, en même temps qu’il sont valorisés, être labellisés sur le plan
de leur paternité3.
C’est précisément ce qu’autorisent les licences Creative Commons.
Aussi aborderons-nous dans un premier temps ce type de licences avant d’examiner les
modalités d’application du droit d’auteur en publication scientifique classique, en regard du
mouvement des Archives ouvertes. Nous conclurons sur les perspectives que laissent
entrevoir ces modalités relativement nouvelles de la caractérisation.
Les licences Creative Commons
Définition
Les licences Creative Commons ont été créées en 2001 à la Stanford Law School à l’initiative
du professeur Lawrence Lessig. Elles s’inspirent d’un mouvement remontant le Copyright « à
contre-courant » : le Copyleft. On attribue ce concept à l’informaticien Richard Stallmann,
créateur de la FSF (Free Software Foundation, 1985). Il est vrai qu’à la base, ce concept se
rattache directement à la sphère logicielle, mais la General Public License (GPL) à laquelle il
a donné lieu s’est rapidement étendue aux autres domaines de la création « rendue publique ».
Creative Commons est une « organisation » multinationale [U.S. Charity type 501(c/3)]. Sans
but lucratif, elle est constituée de juristes volontaires et n’est pas un cabinet de consultants ou
d’avocats. Elle propose des contrats-types que nous définirons plus loin, dans plusieurs pays, ,
adaptés aux différents droits nationaux. « La loi applicable à la version française des contrats
Creative Commons est la loi française. Il n’y a pas de clause déterminant la juridiction
compétente dans les contrats Creative Commons. Les règles de droit international privé
prévalent, et, pour choisir la loi applicable, le juge saisi déterminera le lieu d’exécution de la
prestation caractéristique du contrat, ou le lieu du dommage ou du dépôt de la plainte. »4
En France, l’institution affiliée à Creative Commons est le CERSA, Centre d'Etudes et de
Recherches de Science Administrative. Il s’agit d’un laboratoire de recherche rattaché à
l'Université Panthéon-Assas Paris 2 et au CNRS (UMR 7106).
Ces licences ne sont pas des contrats de cession de droit avec transfert de propriété, mais des
offres (pollicitation) de mise à disposition sous certaines conditions.
La pollicitation est une notion de droit qui remonte à l’époque romaine impériale. Une
promesse de don liait le candidat à une magistrature municipale : en cas d’élection effective,
l’intéressé devait, au regard de la loi, s’acquitter de la somme promise. La reconnaissance
honorifique était proportionnelle au montant.
Dans le contexte juridique actuel, la pollicitation est assimilable à une catégorie d’offre.
Une offre n'est véritablement une pollicitation que si une réponse affirmative, pure et simple
(l'acceptation), suffit à créer un contrat entre les deux parties.
Dans la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de
marchandises, « une proposition de conclure un contrat adressée à une ou plusieurs personnes
déterminées constitue une offre si elle est suffisamment précise et si elle indique la volonté de
son auteur d’être lié en cas d’acceptation. » (art.14-1)5.
Plus exactement : « L'offre (la doctrine parle également de pollicitation) est une proposition
ferme de conclure un contrat à des conditions déterminées, de sorte que son acceptation suffit
à la formation de l'acte. L'offre exprime déjà le consentement de son auteur, et doit donc être
précise et ferme, pour pouvoir être acceptée telle quelle et que le contrat en découle. C'est ce
qui la distingue d'une invitation à entrer en pourparlers. Une offre peut valablement être faite
à un public indéterminé, son acceptation entraînera la formation du contrat. »6
Mais cette offre, d’un type bien particulier, présente elle-même des limites lui conférant une
valeur juridique précise.
En effet, « cette offre produit des conséquences juridiques, même si elle n’engage pas son
auteur qui peut toujours la retirer avant l’acceptation par le destinataire. Les offres sont faites
avec délai ou sans délai. Elles sont faites à une personne déterminée ou non. »7
On comprendra qu’une difficulté peut surgir en cas de retrait soudain de l’offre sans que
l’acceptant ait été informé. Il appartient alors à la justice de trancher en fonction des tenants et
aboutissants du dossier. Néanmoins, la philosophie de la licence Creative Commons implique,
de la part du partenaire virtuel du pollicitant, un engagement moral excluant les abus
susceptibles de lui être imputés. On peut évoquer dans ce contexte une « attitude » qui rejoint
celle des instigateurs du mouvement des Archives ouvertes, laquelle se situait en quelque
sorte dans le prolongement des Lumières et de ce qu’il est convenu d’appeler « l’avancement
des Sciences ». Autrement dit, le pollicitant de type Creative Commons ne peut être, par
nature, un procédurier. C’est en quelque sorte un « intellectuel désintéressé » qui exige a
minima la reconnaissance.
Autre limite juridique, néanmoins : en France, indique M.-B. Guillet, « la jurisprudence et la
doctrine hésitent à reconnaître dans l’offre un véritable engagement unilatéral de volonté. Le
droit français, contrairement au droit allemand, a une conception stricte de l’engagement
unilatéral de volonté et il hésite à élargir la notion d’engagement d’une partie sans échange de
consentement entre le débiteur et le créancier. »8
Toutefois, l’ensemble du discours qui suit ne stipule en aucune manière que l’autre partie,
l’acceptant, notifie son accord. Celui-ci est virtuel et universel. Dans cette transaction, le
terme bénéficiaire - et non pas licencié - a été retenu pour désigner dans la traduction
française la personne qui accepte l’offre. Cette licence garantit l’exercice paisible des droits
conférés aux bénéficiaires qui acceptent les termes de l’offre.
Il n'est pas interdit aux bénéficiaires de divulguer l’oeuvre concernée sous des conditions
différentes de celles que postule le type de licence attachée, à la réserve expresse d’obtenir
une autorisation écrite de la part de son auteur, comme dans le système juridique classique,
hors Creative Commons. Dans l’hypothèse où la licence stipule l’interdiction d’une utilisation
à but lucratif, si un cocontractant voulait enfreindre cette directive explicitement énoncée, il
pourrait régulariser la situation en souscrivant un accord exceptionnel écrit, nominatif et
temporaire, auprès du pollicitant. Ceci n’ôte en rien la pérennité de la licence et des termes
initialement édictés. Le cas le plus fréquent, tout à fait exorbitant de la sphère scientifique, est
celui des clips musicaux sous licence C.C.9 dont une chaîne de télévision commerciale
voudrait profiter en diffusant simultanément des annonces publicitaires. La devise employée
par les promoteurs de C.C. est la suivante : « Let’s have a talk ! » (« Discutons-en ! »)
Autrement dit, un accord bilatéral circonscrit à une circonstance spécifique peut rompre à titre
exceptionnel le protocole de base de la licence sans que celle-ci souffre d’une quelconque
altération fondamentale. Ainsi, d’une façon générale, l’auteur qui place ses oeuvres sous
Creative Commons conserve ses droits
Catégories de licences
Licence de base = by
La paternité indiquée dans une offre Creative Commons reste soumise à la bonne foi des
utilisateurs. Elle demeure en fait le concept minimal commun à l'ensemble des licences.
Fondamentalement, la paternité consiste en la citation explicite de la source.
Systématique, la paternité peut constituer l’unique exigence d’une licence C.C. Toute licence
C.C. est obligatoirement de racine « by », quels que soient les cas de figure additionnels
abordés ci-après.
! Dénomination anglo-saxonne : Attribution (« by »)
Licences restrictives = nd, nc, sa
À la licence de base de type « by » s’ajoutent deux interdictions facultatives :
nd = interdiction de modifier (produit dérivé). Elle suppose implicitement que la licence de
base « by » autorise tacitement l’altération du concept d’origine, moyennant la citation de la
source.
! Dénomination : Non derivative « nd »
nc = interdiction d’en tirer des bénéfices de type commercial
! Dénomination : Non commercial « nc » (le plus souvent symbolisée par un
Euro, un Dollar ou un Yen)
sa = une exigence complémentaire facultative :
o incompatible avec Non derivative “nd”
o le dérivé ne peut faire l’objet d’une pollicitation que dans des termes
rigoureusement identiques à la licence d’origine
o le dérivé doit invoquer la paternité de son ascendant (“by” systématique à la base)
! Dénomination : Share-alike “sa”, i.e . partage à l’identique, autrement dit,
la « ponction » de l’élément implique que le nouvel élément (dérivé) soit
placé sous licence C.C., laquelle doit à son tour être du même type que
celle d’origine.
Toutes ces options sont combinables entre elles dans la limite de leur compatibilité
(notamment dans le cas de la licence « sa »)10.
Une fois apposé dans les conditions décrites notamment ci-dessous, le logo C.C. donne accès
au contrat correspondant. En effet, lorsque l’on clique dessus, une synthèse des droits
consentis apparaît sur une page. En bas de celle-ci figure un lien conduisant dans un second
temps au texte intégral de la licence. Nous suggérons en note un lien vers un type de
contrat11.
Licence « totale » : zero
« En utilisant la licence 0, vous pouvez renoncer à tous droits d'auteur et droits affiliés ou
connexes que vous détenez sur votre oeuvre, comme vos droits moraux (jusqu'à la limite
dénonçable), votre droit à la publicité ou votre droit à la préservation de votre vie privée, les
droits que vous détenez vous protégeant contre la concurrence déloyale, et les droits sur les
données et ceux protégeant l'extraction, la dissémination et le réemploi de données. »12
Telle est la définition de la licence Zéro. Le caractère global de son exploitation permet
d’éviter les démarches unilatérales, multiples et inopérantes, d’autorisations écrites de
renonciation. De fait, si la chronologie avait permis à Jean Giono de connaître ce type de
licence, il aurait évité les litiges suscités par des éditeurs ou des producteurs multimédia qui
ignoraient (ou feignaient d’ignorer) sa volonté d’abandonner expressément toute prétention en
matière de droits d’auteur. Le courrier qu’il avait initialement adressé au Conservateur des
Eaux et Forêts de Digne en 1957, stipulant de manière explicite son renoncement à tout droit
classique en matière de propriété intellectuelle sur un texte de 1953 intitulé L’homme qui
plantait des arbres, est en quelque sorte resté « lettre morte », puisque des entités à but
publiciste lucratif ont exigé son retrait de Wikisource. Il y a fort à parier – ainsi que le suggère
Lionel Maurel13 - que si Giono avait effectivement connu la licence C.C. Zéro, celle-ci eut
bénéficié d’un poids déterminant face à l’inanité du simple courrier qu’il rédigea en 1957.
L’apposition du Logo Creative Commons
Le répertoire Wiki du site de Creative Commons donne les instructions pour labelliser une
page Web. Ce site permet la création automatique d’un code balisé à retranscrire sur le site
d’un auteur souhaitant labelliser sa page.
La plupart des éditeurs de pages Web offrent une fonction Code View permettant d’effectuer
facilement cette retranscription. Exemple:
<a rel="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/"><img
alt="Creative Commons License" style="border-width:0"
src="http://i.creativecommons.org/l/by/2.0/fr/88x31.png" /></a><br /><span
xmlns:dc="http://purl.org/dc/elements/1.1/" property="dc:title">Rechercher des
brevets</span> by <a xmlns:cc="http://creativecommons.org/ns#" href="www.scd.ups-
tlse.fr/barthez/RechBrevSchema.ppt" property="cc:attributionName"
rel="cc:attributionURL">DURAND BARTHEZ Manuel</a> est mis &#224;
disposition selon les termes de la <a rel="license"
href="http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/">licence Creative Commons
Paternit&#233; 2.0 France</a>
Cette séquence de balises génère le logo choisi. Ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, le
seul fait de cliquer sur cet icone introduit en deux étapes à la version intégrale du contrat
Les limites des licences Creative Commons
Comme nous l’avions suggéré en introduction, les licences C.C. sont prioritairement
utilisables pour labelliser des documents susceptibles d’appartenir au patrimoine intellectuel
d’une unité de recherche (ou d’un auteur indépendant ; mais dans le contexte scientifique,
cette autonomie totale est plutôt rare). Autrement dit, cela exclurait a priori les textes
classiques du type « articles issus de revues de rang A ».
Néanmoins, on constate aujourd’hui que cette limite est toute relative. Citons par exemple les
revues publiées par l’European Geosciences Union (E.G.U.). Celle-ci, par le truchement de la
maison d’édition allemande qui lui est associée (Copernicus) possède de façon remarquable
huit titres classés au Web of Science. Parmi eux, Atmospheric chemistry and physics figure en
deuxième place sur 63 dans la catégorie Meteorology & atmospheric sciences de l’ISI (Impact
Factor 4,881). Ses articles, comme ceux des autres revues en accès libre publiées par
l’E.G.U., sont labellisés C.C. « by », autrement dit avec une simple licence de base.
Ce constat devrait suffire à montrer que les licences C.C. n’ont pas qu’un caractère
anecdotique mais qu’elles illustrent réellement la volonté d’une part croissante de la
communauté scientifique d’en découdre avec le corsetage d’une conception excessivement
rigide et passablement rétrograde du droit d’auteur. De fait, les brevets pourraient en revanche
constituer l’une des rares exceptions notables et contraignantes obligeant l’auteur à respecter
la « loi du silence ». En effet, publier avant le dépôt d’une demande de brevet invalide
implicitement celle-ci. Mais lorsque les circonstances le permettent, « l’avancement des
sciences » a tout intérêt à bénéficier d’une diffusion aussi large et libre que possible, à la
mesure de ce que la communauté scientifique est en droit d’attendre.
Les Creative Commons offrent là une opportunité qu’il est urgent d’encourager.
Les publications scientifiques classiques
La partie que nous abordons maintenant vise ce qu’il serait convenu d’appeler les
« publications scientifiques classiques », entendons par là pour l’essentiel les articles parus
dans les revues classées en vue de l’évaluation des équipes de recherche.
Les licences CC, avons-nous vu, permettent à des chercheurs de rendre plus visibles, tout en
les protégeant, des données exorbitantes du domaine de la publication de type ACL (revues
« à comité de lecture ») pour reprendre la terminologie de l’AERES. C’est à celles-ci que
nous allons maintenant nous intéresser et, volontairement, nous limiter, pour les motifs ci-
après définis.
L’évolution libérale du droit d’auteur en publication scientifique touche plus généralement le
domaine dit STM (Sciences, Technologie, Médecine). Dans celui des Sciences de l’Homme et
de la Société (SHS) la monographie prime sur le périodique, tout particulièrement en France.
La revue présente l’avantage d’être constitutive de ce que l’on appelle les « publications en
série » et, de ce fait, se prête plus volontiers que la monographie, à l’insertion dans une
matrice d’analyse, en quelque sorte quadrillée et surtout standardisée. Un éditeur de revues
assignera à son bouquet un certain nombre de règles communes (sauf exceptions obligées) et
les titres seront à la fois repérables facilement et dotés d’une couverture internationale.
Plus précisément, nous voulons ici détailler les règles de droit usuellement attribuées aux
revues scientifiques internationales du secteur STM, incluses pour une bonne part dans les
grands répertoires internationaux et majoritairement rencontrées dans les rapports soumis
régulièrement par les laboratoires publics à leur tutelle en vue de leur évaluation.
C’est là que le droit d’auteur semble prendre un tournant libéral affirmé, de manière plutôt
clairement codée et donc susceptible de générer l’énoncé de principes relativement faciles à
généraliser dans le contexte de l’Open Access.
Les chartes d’éditeurs
Un laboratoire de recherche appartient par définition à une entité généralement abonnée à une
série de revues qui sont usuellement consultées en fonction de l’axe de travail de l’équipe.
Bien souvent, la soumission d’un « papier » sera fonction de l’impact de telle ou telle revue
en regard de l’orientation de cet axe. Cette soumission est conditionnée par deux éléments
clés : la charte des droits et devoirs puis les recommandations aux auteurs.
La charte tend à définir des principes d’ordre plutôt éthique, a priori valables en toutes
circonstances. De nombreux éditeurs se sont inspirés de celle, exemplaire et quasi exhaustive,
de l’American Chemical Society14. Les chartes n’ont pas d’incidence réelle sur la
libéralisation du droit d’auteur proprement dit. Résumons néanmoins leur structure habituelle.
Elles sont subdivisées en trois volets :
! Obligations des éditeurs (au sens scientifique du terme) :
o prendre en compte tout manuscrit soumis, sans préjugé de type « identitaire »
ou politique à l’égard des auteurs15
o traiter les textes soumis rapidement
o assumer l’entière responsabilité de l’acceptation ou du rejet après consultation
des examinateurs (associate editors ou reviewers)
o respecter le secret total vis-à-vis des éléments constitutifs de l’article soumis,
en lien avec les examinateurs qui ne doivent laisser filtrer aucune information
hors du cercle éditorial
o respecter l’indépendance intellectuelle des auteurs
o éviter tous les conflits d’intérêt
o éviter l’examen de textes issus d’auteurs connus à titre personnel dans le milieu
de l’enseignement ou de la recherche, étudiants inclus
o ne pas reprendre à son compte des informations incluses dans le texte soumis,
en vue d’une publication ultérieure, sauf accord exprès de l’auteur
o le cas échéant, publier sans tarder les errata qui s’imposent
! Obligations des auteurs
o la mention des sources doit être aussi exhaustive que possible, afin notamment
que les examinateurs puissent s’y référer
o l’information issue de documents à caractère privé, comme les e-mails, les
entretiens, la correspondance etc., doit être citée après autorisation expresse
des interlocuteurs concernés.
o éviter les publications en chaîne résultant de la segmentation des étapes d’une
recherche. Elles génèrent des auto-citations parasites et ont en soi peu
d’intérêt, à l’inverse d’une publication « aboutie » synthétisant les aspects
globaux d’une innovation.
o éviter l’envoi simultané d’un manuscrit à plusieurs comités de rédaction, de
même que les répliques légèrement modifiées d’un même texte
o l’acceptation d’un texte par un éditeur doit impliquer l’impossibilité de le
modifier a posteriori sauf exception dûment motivée et approuvée par l’éditeur
o critiquer un autre article est possible à condition que n’entre en ligne de compte
aucune rivalité nominative expressément formulée
o tous les co-auteurs doivent être d’accord sur la teneur du texte final. La
mention de co-auteurs décédés dans la période de rédaction n’est possible que
si l’on estime que les conditions de son aval par défaut sont remplies.
o éviter de communiquer dans des medias à large audience, avant la publication
scientifique proprement dite
! Obligations des examinateurs : elles rejoignent bon nombre de celles des éditeurs,
avec néanmoins quelques mentions particulières
o compétence réelle et adéquate en regard du texte examiné
o explicitation des remarques afin qu’elles soient clairement comprises par les
interlocuteurs : éditeur et auteurs
o mention obligatoire et immédiate de tout soupçon quant à l’affinité relative
d’un texte soumis avec un autre, quelles que soient les circonstances dans
lesquelles le second est connu
La similitude de ces directives de l’American Chemical Society avec celles que préconisent
d’autres éditeurs ou sociétés savantes, illustre le caractère quasi universel de ces principes.
C’est notamment le cas de la charte de l’American Geophysical Union (AGU)16 Nous allons,
dans la suite de notre analyse, exposer les bases qui régissent les usages en matière de droits
d’auteur et d’Open Access, chez cet éditeur. Il est suffisamment représentatif des tendances
actuelles en la matière pour être pris en exemple.
Le suivi réglementé des recommandations aux auteurs
L’ensemble des droits fondamentaux garantis aux auteurs par l’AGU se retrouve largement
dans le milieu éditorial scientifique:
! tous droits de propriété autres que le copyright (ex : la brevetabilité)
! présentation orale
! reprographie de figures, tableaux, extraits, moyennant la citation de source appropriée
! reprographie papier de tout ou partie à usage pédagogique dans un local
d’enseignement
! le droit d’interdire à autrui un usage commercial de l’œuvre
! le droit d’introduire l’œuvre ou son résumé sur un site Web moyennant des restrictions
précisées dans le protocole dénommé Dual Policy
Cette Dual Policy est exemplaire. Autrement dit, son exposé permet de comprendre la
structure de fonctionnement, avec les diverses variantes qu’elle peut supposer, d’un éditeur
(cette fois au sens commercial ou organisationnel - publisher) vis-à-vis de l’Open Access.
La Dual Policy de l’AGU17 décrit les 4 étapes de la soumission d’un article :
1) le Preprint.
L’introduction sur le Web de preprints par le biais de services dédiés à l’archivage et à
la citation, constitue en soi une publication.
Si le preprint est retiré de l’archive, il n’est alors plus considéré comme « publié ».
2) la transition soumission/acceptation.
Si l’article a été soumis à publication mais pas encore accepté, l’auteur doit inclure la
précision suivante en cas d’introduction libre sur un site Web : “Submitted for
publication in (titre de la revue)”
3) le transfert des droits de l’auteur à l’éditeur (publisher) immédiatement après
acceptation.
Si l’article a été accepté pour la publication et si le Copyright a été transféré à l’éditeur
(ici : l’AGU), l’auteur peut introduire librement son texte sur son site avec la
mention : Accepted for publication in (titre de la revue). Copyright (année) American
Geophysical Union. Further reproduction or electronic distribution is not permitted ”.
4) l’article est publié.
Si l’article a été publié, ou au moment même de sa publication, la mention ci-dessus
est ainsi modifiée : « An edited version of this paper was published by AGU.
Copyright (year) American Geophysical Union. »
Dans ce cas, il est recommandé18 de mentionner la référence bibliographique complète
avec un lien vers le résumé dont l’accès (chez cet éditeur) est libre, le cas échéant par
le biais du DOI (Digital Object Identifier) précédé de http://dx.doi.org/
On pourra observer un paradoxe : comment un éditeur commercial peut-il tolérer qu’un article
soit mis en libre accès alors même qu’il est parallèlement publié dans une revue diffusée sur
abonnement à titre onéreux ? Un élément relativement simple de réponse pourrait être le
suivant : tant que le système du facteur d’impact sera en vigueur, ce paradoxe subsistera. En
effet, aux yeux de l’administration évaluatrice des entités de recherche, seul l’article publié
dans une revue recensée par une nomenclature agréée peut être pris en compte pour
l’évaluation. On songe prioritairement au Journal Citation Reports de l’Institute for Scientific
Information (ISI) qui répertorie les sources dûment appréciées. L’auteur doit publier dans ces
revues pour être réglementairement évalué. En conséquence, l’insertion à titre gracieux d’une
copie de l’article publié, dans un réservoir d’archives ouvertes, importe finalement peu à
l’éditeur et ne l’incommode pas outre mesure. Il peut même se targuer d’être favorable au
mouvement de l’Open Access.
Le recensement des politiques éditoriales
Le fichier SHERPA-ROMEO
Un préalable naturel à tout dépôt en archive ouverte est l’acquisition des informations
relatives aux autorisations concédées par les éditeurs en la matière. Dans cette perspective, le
consortium universitaire britannique SHERPA19 a créé et met à jour régulièrement un fichier
recensant la plupart des majors de l’édition scientifique internationale, du secteur STM en
particulier.
Dénommé ROMEO, ce fichier20 analyse, pour chacun des éditeurs, la politique suivie
pour chaque titre de périodique
autorisation éventuelle du preprint
archivage éventuel du postprint
utilisation fréquemment exigée du dernier draft avant acceptation : la
mise en ligne du texte utilisant la charte graphique de l’éditeur n’est pas
autorisée
embargo facultatif (6, 12, 18, 24, 36 mois…) ou archivage immédiat
Rappelons que l’embargo (barrière mobile) correspond à la période durant laquelle les
numéros d’un périodique ne sont accessibles que si le lecteur est abonné. Il permet
d’obliger celui-ci à être doté du statut payant pour obtenir les dernières livraisons de la
revue, naturellement susceptibles d’attirer prioritairement son attention.21
Dans le cadre de ce fichier les éditeurs se voient attribuer une codification colorée :
Vert : le plus libéral (preprint + postprint) Ex. : AGU
Bleu : n’autorise que le POSTprint
Jaune : n’autorise théoriquement que le PREprint ; autorise en fait
souvent le POSTprint moyennant de multiples restrictions
Blanc : le plus restrictif. Aucune autorisation (Archiving not formally
supported). Ex. : American Chemical Society (ACS)
Le fichier ROMEO est systématiquement consulté dans le cadre lu circuit d’insertion de
publications sur certains réservoirs. C’est le cas d’OATAO22, dépôt dont la logistique est
basée dans l’agglomération toulousaine ; son workflow est assuré par les personnels de
bibliothèque. Non seulement les métadonnées sont vérifiées et harmonisées, mais de plus, le
fichier ROMEO est pris en compte obligatoirement. Sur HAL, plate-forme gérée par le
CCSD/CNRS, cette mesure est spécifiée comme incontournable dans le manuel
d’utilisation23.
Le fichier SHERPA-JULIET
Complément naturel de ROMEO, JULIET constitue en quelque sorte son symétrique. Il s’agit
du fichier des bailleurs institutionnels. Autrement dit, il définit la politique de ceux-ci vis-à-
vis du financement de travaux effectués par des équipes en fonction de l’éditeur des revues
dans lesquelles les chercheurs subventionnés comptent publier.
Prenons l’exemple français de l’INSERM. La publication résultant d’une recherche financée
par cet Institut
doit faire l’objet d’un dépôt en archive ouverte
au moins et obligatoirement dans HAL-INSERM
l’éditeur de la revue publiant l’article ne peut exiger un embargo
supérieur à 6 mois
Dans le domaine biomédical, une constante peut être observée vis-à-vis de l’embargo, sujette
à de rares exceptions. Ainsi que le révèle le signalement proposé par JULIET de l’homologue
américain de l’INSERM, les NIH (National Institutes of Health), les conditions limites
d’embargo sont de 12 et non de 6 mois. Cette barrière mobile d’un an minimum apparaît de
fait majoritairement dans la liste des principales revues du secteur assortie des caractéristiques
en matière d’embargo, publiée par le site de Stanford (cf. note 21). Cela tendrait donc à
montrer qu’existe une certaine forme d’accommodement de l’institution vis-à-vis des
protocoles commerciaux largement en usage dans l’édition américaine. L’homologue du
portail HAL-INSERM est, outre-Atlantique, PubMed-Central dans lequel les auteurs
bénéficiant d’un financement NIH sont tenus de déposer.
Stratégies communes en dépôt d’archives ouvertes
Les principes précédemment évoqués s’appliquent assez généralement lors des formalités de
dépôt. L’incertitude qui a pu les affecter voilà quelques années tend à se dissiper et la plupart
des grands organismes de recherche ont réglementé leur pratique en la matière pour éprouver
le moins d’inconvénients possible. Il est clair que les stratégies pourront être modulées dans
des cas bien précis, notamment celui du dépôt de brevet.
En vue de faire évoluer l’application de l’Open Access, l’auteur doit faire valoir ses droits. On
ne le dira jamais assez : les éditeurs commerciaux ne disposent que des droits que les auteurs
leur ont cédés explicitement.
En l’absence de précisions fournies par ROMEO, les auteurs peuvent éventuellement recourir
à l’Addendum24 de Science Commonsfiliale » de Creative Commons). Il s’agit d’un
formulaire électronique en langue anglaise téléchargeable à partir du site de Science
Commons, spécifiant que l’auteur conserve le droit d’user libéralement de son œuvre sans but
lucratif.
L’Addendum peut stipuler soit :
l’octroi par l’auteur d’une licence Creative Commons de type
Attribution Non Commercial (By-NC)
la volonté de l’auteur de mettre l’œuvre immédiatement en libre accès sur un
entrepôt institutionnel à but non lucratif
la mise en accès libre par l’auteur du draft final pendant 6 mois, puis celle de
l’article en version commerciale sans la charte graphique de celle-ci
Le formulaire électronique de l’Addendum est téléchargeable sur le site de Science Commons.
Le recours à cette solution n’est pas fréquent et, lorsqu’elle vient à être appliquée, son refus
par l’éditeur est rarement relevé par Science Commons qui invite l’auteur, le cas échéant, à
l’en informer.
Une approche préalable de l’éditeur est indispensable pour juger de l’opportunité de telle ou
telle de ces stratégies.
Nous n’avons certes pas pu recenser la totalité des hypothèses envisageables dans le contexte
des liens associant : publication scientifique, droit d’auteur et archives ouvertes. La
jurisprudence en énoncerait naturellement beaucoup. Nous avons néanmoins tenté d’offrir une
approche globale, une synthèse des principes régissant majoritairement la publication des
travaux de recherche dans la perspective de l’Open Access.
On peut formuler l’espoir que l’influence du fichier JULIET s’accroisse. On devrait émettre le
vœu que les bailleurs de fonds institutionnels et les instances administratives usent de cette
influence pour faire admettre très largement une politique éditoriale favorable à une diffusion
des connaissances aussi large que possible.
Et ce, dans le respect du droit des auteurs…
1 La loi organique relative aux lois de finances promulguée en 2001. Cf. Agence de
mutualisation des universités et établissements (AMUE), Programme 150, formations
supérieures, recherche universitaire, projet annuel de performance, 2008.
http://www.amue.fr/fileadmin/amue/finances/documents-
publications/PAP_2008_Prog_150.pdf
2 Ajoutons que les livres, monographies, chapitres d’ouvrages, très fréquents dans le mode de
publication français en Sciences humaines, ne bénéficient pas de la part du P150 et de
l’O.S.T. (Observatoire des Sciences et des Techniques) du même régime de faveur que
l’article de périodique, a fortiori issu d’une revue dite « de rang A »
3 Ce qui vaut collectivement pour une équipe est a fortiori pertinent pour un auteur pris
individuellement.
4 http://fr.creativecommons.org/FAQjuridiques.htm Lien consulté le 3 juin 2011, périmé à ce
jour, §5 Quelle sera la loi applicable en cas de conflit ? Site Creative Commons-France. Les
FAQ actuelles de ce site, sans contredire ces propos, les formulent différemment sans entrer
dans les détails : http://creativecommons.fr/licences/faq/#5
5 Commission des Nations Unies pour le droit commercial international
www.uncitral.org/pdf/french/texts/sales/cisg/V1056998-CISG-f.pdf
6 http://fr.jurispedia.org/index.php/Pollicitation_%28fr%29 §1 Définition
7 Guillet, Marie-Bénédicte. Exercices : droit des obligations : sources, contrats,
responsabilités. Levallois-Perret : Studyrama, 2006. p.17
8 id. ibid.
9 Le sigle C.C. est communément employé pour désigner les Creative Commons
10 http://creativecommons.fr/licences/les-6-licences/
11 Exemple, pour une licence by-nc-sa : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-
sa/2.0/fr/legalcode
12 http://creativecommons.org/choose/zero/
13 http://scinfolex.wordpress.com/2011/01/06/si-jean-giono-avait-connu-les-licences-libres/
Ce très intéressant billet du blog S.I.Lex est assorti de liens multiples et fort bien documentés
sur ce « cas ».
14 American Chemical Society, Ethical Guidelines to Publication of Chemical Research , 13
décembre 2011 http://pubs.acs.org/userimages/ContentEditor/1218054468605/ethics.pdf
15 id. ibid. « without regard to race, religion, nationality, sex, seniority, or institutional
affiliation of the author(s) »
16 American Geophysical Union, Guidelines to Publication of Geophysical Research, mai
2006 http://www.agu.org/pubs/authors/manuscript_tools/journals/pub_guidelines.shtml
17 American Geophysical Union, Usage Permissions, © 2012
http://www.agu.org/pubs/authors/usage_permissions.shtml
18 le verbe « recommended » est mentionné ; il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une
obligation, mais on conçoit que l’auteur puisse agir ainsi pour authentifier la qualité de sa
publication ; tout est là, bien sûr, affaire de jugement.
19 32 institutions universitaires plus la British Library, siège à l’Université de Nottingham
http://www.sherpa.ac.uk/about.html
20 http://www.sherpa.ac.uk/romeo/
21 dans le domaine biomédical, par exemple, le site de l’Université américaine de Stanford
propose une liste en ligne des principales revues du secteur assortie des caractéristiques en
matière d’embargo http://highwire.stanford.edu/lists/freeart.dtl
22 Open Archive-Toulouse-Archive Ouverte, dépôt multi-institutionnel, fondé et coordonné
par l’Institut national polytechnique de Toulouse (INPT) http://oatao.univ-toulouse.fr/
23 cf. CNRS Centre de Communication scientifique directe Guide du dépôt et du bon usage de
Hal http://www.ccsd.cnrs.fr/support.html#guide_bon_usage_hal et Mode d’emploi de HAL,
la plate-forme d’archives ouvertes du CCSD
http://ccsd.cnrs.fr/support/content/PDF/docHAL.pdf page 11
24 http://www.sciencecommons.org/resources/faq/authorsaddendum
ResearchGate has not been able to resolve any citations for this publication.
est communément employé pour désigner les Creative Commons 10 http
  • C C Le Sigle
Le sigle C.C. est communément employé pour désigner les Creative Commons 10 http://creativecommons.fr/licences/les-6-licences/
Guidelines to Publication of Geophysical Research
  • American Geophysical Union
American Geophysical Union, Guidelines to Publication of Geophysical Research, mai 2006 http://www.agu.org/pubs/authors/manuscript_tools/journals/pub_guidelines.shtml
Exercices : droit des obligations : sources, contrats, responsabilités. Levallois-Perret : Studyrama
  • Marie-Bénédicte Guillet
Guillet, Marie-Bénédicte. Exercices : droit des obligations : sources, contrats, responsabilités. Levallois-Perret : Studyrama, 2006. p.17
Institut national polytechnique de Toulouse (INPT) http://oatao.univ-toulouse.fr/ 23 cf. CNRS Centre de Communication scientifique directe Guide du dépôt et du bon usage de Hal http
  • Open Archive-Toulouse-Archive Ouverte
Open Archive-Toulouse-Archive Ouverte, dépôt multi-institutionnel, fondé et coordonné par l'Institut national polytechnique de Toulouse (INPT) http://oatao.univ-toulouse.fr/ 23 cf. CNRS Centre de Communication scientifique directe Guide du dépôt et du bon usage de Hal http://www.ccsd.cnrs.fr/support.html#guide_bon_usage_hal et Mode d'emploi de HAL, la plate-forme d'archives ouvertes du CCSD http://ccsd.cnrs.fr/support/content/PDF/docHAL.pdf page 11
Université américaine de Stanford propose une liste en ligne des principales revues du secteur assortie des caractéristiques en matière
  • Dans Le
dans le domaine biomédical, par exemple, le site de l'Université américaine de Stanford propose une liste en ligne des principales revues du secteur assortie des caractéristiques en matière d'embargo http://highwire.stanford.edu/lists/freeart.dtl