Les caractéristiques des environnements côtiers varient à l’échelle du Québec maritime. Plusieurs types d’ouvrage de protection côtière (OPC) existent pour résoudre une problématique d’érosion ou de submersion dans ces environnements. Les effets des OPC sur le système socioécologique côtier (SSEC) sont complexes en raison des nombreuses rétroactions entre les éléments hydrodynamiques et géomorphologiques qui ont aussi des répercussions sur les aspects écologiques et socio-économiques des communautés côtières. Le choix d’un OPC dépend des caractéristiques socioécologiques propres à un secteur de côte, ainsi que des effets souhaités. Cependant, entre 1980 et 2000, au Québec, les OPC ont été aménagés en situation d’urgence et en réaction aux événements de tempête, sans considération des effets indésirables qu’ils pourraient produire. L’objectif principal de cette thèse doctorale est de développer un outil d’aide à la prise de décision élaboré sur une structuration cohérente de l’information permettant de prendre en considération les données tant géomorphologiques et hydrodynamiques, qu’écologiques et socio-économiques nécessaires à l’identification des meilleures alternatives en termes d’OPC au regard des conditions spécifiques d’un SSEC et des besoins exprimés par les acteurs du territoire (professionnels et gestionnaires). Pour ce faire, plusieurs méthodes ont été utilisées : (1) des consultations des acteurs de la zone côtière; (2) un traçage par système d’information géographique des composantes du SSEC; (3) une revue et méta-analyse de la littérature sur les effets des OPC; (4) le développement d’un algorithme; (5) une application d’une analyse multicritère. La thèse est composée de deux volets : (1) caractérisation des interventions passées et établissement d’une base afin d’orienter les décisions futures; (2) développement d’une approche d’évaluation des OPC. Premièrement, en 2017, 97,6 % des OPC présents dans le Québec maritime étaient des enrochements et des murs de protection. Par le passé, en plus de l’urgence des interventions, les principaux facteurs évoqués par les acteurs consultés pour justifier leur choix d’aménagement de ces OPC étaient un manque de connaissance, de financement et de processus collaboratif. Or, les acteurs consultés en 2017-2018 ont démontré une ouverture pour l’utilisation d’une plus grande diversité d’OPC. Ils ont également soulevé un besoin d’acquisition de connaissances scientifiques sur les effets des différents OPC pour pouvoir prendre de meilleures décisions. Les résultats de la méta-analyse de la littérature internationale sur les effets des OPC sur le milieu côtier démontrent que 52,7 % des 355 sites étudiés sont des côtes basses sablonneuses, que les études portent en majorité sur les recharges de plage (40,9 %), les murs de protection (16,7 %) et les brise-lames (12,5 %) et qu’il y a une absence d’études dans un contexte de climat nordique avec la présence de glaces côtières. Ce qui suggère un déséquilibre dans les connaissances scientifiques se rapportant aux effets produits par les OPC sur des environnements côtiers variés, déséquilibre qui doit être redressé afin d’améliorer le processus décisionnel. Deuxièmement, une approche d’évaluation a été développée pour répondre au besoin d’outils d’aide à la décision soulevé par les acteurs du territoire. Cette approche est basée sur la combinaison d’un algorithme d’identification et d’une analyse multicritère. L’algorithme permet d’évaluer et de hiérarchiser des OPC en fonction de leurs effets sur les différents environnements côtiers, et ce en trois étapes. (i) La caractérisation du SSEC est effectuée au moyen d’indicateurs de suivis géomorphologiques (type de côte, substrat) et hydrodynamiques (marnage, vagues, courants). Des données cartographiques (caractérisation côtière, écosystèmes, activités et usages) et hydrodynamiques (vagues et marnage) servent à définir l’état initial des sites à l’étude. (ii) Tirés d’une revue de littérature, les énoncés d’effets observés associés aux caractéristiques environnementales qui y correspondent (type de côte et de substrat, marnage et vagues) ont été compilés dans une base de données, catégorisés et pondérés selon une échelle qualitative de pondération (-5 à 5). Cette échelle est basée sur la pertinence et sur le caractère positif ou négatif des énoncés. (iii) L’information est traitée par l’algorithme sur la base d’une correspondance entre les caractéristiques environnementales du site d’étude et celles enregistrées dans la base de données. L’évaluation et la hiérarchisation des OPC sont réalisées en colligeant et en classant les effets observés connus, produits par ces OPC dans des contextes environnementaux similaires. (iv) Les résultats de l’algorithme présentent la hiérarchisation des OPC selon une structure d’agrégation à plusieurs niveaux qui peut être utilisée par les gestionnaires, les décideurs et les ingénieurs côtiers pour la planification et la conception de projets d’intervention pour protéger des infrastructures ou des milieux sensibles.
L’analyse multicritère est ensuite utilisée pour hiérarchiser les OPC présélectionnés selon les résultats de l’algorithme en trois étapes. (i) Les critères d’évaluation ont été identifiés et pondérés par les acteurs du territoire selon leurs priorités dans le cadre d’une série de cinq ateliers. (ii) Les OPC ont été évalués en regard de chacun des critères et des caractéristiques socioécologiques de quatre secteurs d’études. (iii) Les OPC sont hiérarchisés avec la méthode PROMETHEE. Les résultats de la hiérarchisation montrent que le premier rang est occupé par la végétalisation dans trois des quatre sites et par l’enrochement dans le quatrième site. De manière plus générale, les résultats montrent la pertinence de l’utilisation d’une méthode d’analyse multicritère et de l’implication des acteurs du territoire dans le processus de sélection d’un OPC qui tienne compte des priorités locales et soit adapté aux conditions environnementales. Globalement, cette thèse offre des connaissances permettant d’améliorer le processus décisionnel menant à la sélection d’un OPC. Elle est appuyée sur une approche intégrée et holistique d’identification des OPC adaptés aux conditions spécifiques d’un SSEC, en tenant compte d’une part des effets des OPC sur l’évolution du SSEC et, d’autre part, des besoins exprimés par les acteurs du territoire.