Nous présentons ici la traduction d’un texte sur les aspects développementaux de la fonction exécutive chez les enfants typiques et atypiques.
Il s’agit d’une synthèse, assez unique en son genre. En effet, s’appuyant sur l’expérience clinique et la recherche (plus de 400 références expérimentales), elle privilégie une approche qui intègre la multiplicité des niveaux d’analyse en abordant notamment les phénomènes de la plasticité cérébrale et les influences multiples intervenant dans le développement des fonctions exécutives. Les auteurs abordent également les influences dynamiques réciproques des processus et des contextes (notamment familial et scolaire), sans oublier les implications possibles dans le domaine de l’éducation.
Ce chapitre, rédigé par des chercheurs de pointe en psychologie du développement, présente donc un intérêt majeur pour les professionnels de l’enfance, pédopsychiatres, pédiatres, psychologues et neuropsychologues, rééducateurs (psychomotriciens, orthophonistes, ergothérapeutes ou thérapeutes occupationnels), infirmiers, éducateurs et enseignants (voire les parents informés). Mais ces aspects de la trajectoire développementale jettent un éclairage singulier sur la psychopathologie adulte, ce qui n’est pas sans intérêt pour la psychiatrie.
Comme le rappelait encore tout récemment Adele Diamond (2016), les fonctions exécutives sont des facteurs clés qui prédisent la réussite à l’école et la réussite professionnelle, bien mieux que le QI : la prise en compte de la trajectoire développementale des composantes de la fonction exécutive d’un individu permettra de spécifier et d’optimiser les thérapeutiques, de favoriser une prévention optimale des troubles psychosociaux psychiatriques et développementaux, d’assurer une meilleure qualité des apprentissages réalisés par les enfants. Par ailleurs, de plus en plus d’équipes oeuvrent au développement de techniques et de programmes de remédiation cognitive, susceptibles de promouvoir le rétablissement (Franck, 2016 ; Giraud-Barod & Roussel, 2012) des patients en souffrance psychique.
Ces programmes validés ne sont pas des procédures standard d’application indifférenciée mais doivent s’accorder avec les attentes, les points forts et les faiblesses du sujet qui s’y engage et vis-à-vis du contexte dans lequel il vit. Il s’agit de rendre au patient la capacité d’agir, d’être et de trouver un équilibre physique et mental dans son milieu.
« Les techniques de remédiation cognitive ont pris une place centrale, incontournable au sein des techniques classiques de réhabilitation psychosociale » (Giraud-Baro & Roussel, 2012). Elles visent des processus neuropsychologiques extrêmement subtils et notamment les fonctions exécutives, indispensables à la réalisation des comportements adaptés aux situations nouvelles. Elles sous-tendent la capacité de se reconnaître être humain à part entière parmi les autres, doté et responsable d’un réel pouvoir de compréhension, de décision, d’action et d’échange.
Un des premiers programmes est le CRT, pour Cognitive Remediation Therapy ou thérapie par remédiation cognitive, dont les versions initiales australiennes cherchaient à lutter contre les conséquences délétères des lésions cérébrales chez l’enfant (Frontal/executive program, Delahunty et al., 1993). Développé par T. Wykes et C. Reeder en Grande-Bretagne dans le domaine de la schizophrénie (2002), il a été traduit et validé en français par l’équipe du Professeur Nicolas Franck (2009).
Depuis, l’alliance de cliniciens et de chercheurs permet d’adapter ou d’utiliser ce programme (et bien d’autres), de type crayon-papier, avec des enfants ou des adolescents présentant un TSA, un TDA/H, un trouble des apprentissages non verbaux, du contrôle de soi, des troubles des conduites ou une anorexie (i.e., Doyen, 20127 ; Doyen et al., 2015 ; Lapasset et al., 2013). De nouveaux programmes sont en cours de développement, y compris dans le cadre d’une déficience intellectuelle et peuvent combiner les approches informatisée et crayon papier (Cognitus et moi, Demily et al., 2016), mais tous tirent profit de l’affinement des connaissances sur la nature et le rôle des fonctions exécutives, y compris dans le domaine des relations sociales et affectives.
Bien qu’il y ait un intérêt considérable pour ces dernières et de nombreuses recherches, nous ne disposions d’aucune synthèse complète en langue française, notamment sur le développement du fonctionnement exécutif et les facteurs qui l’influencent. Nous remercions donc le professeur Nicolas Franck de nous avoir permis de collaborer pour réviser la première traduction de Jérôme Alain Lapasset (psychomotricien en pédopsychiatrie après l’avoir été en psychiatrie, et praticien en remédiation cognitive) du chapitre des professeurs Stephanie Carlson, Philip David Zelazo et Susan Faja.
Au fur et à mesure, nous est apparue la portée de l’enjeu. Comprendre le développement (typique et atypique) des fonctions exécutives depuis les stades les plus primaires, où elles ne sont encore qu’un concept unitaire, à l’adolescence, en suivant leurs différenciations et leurs spécifications, ouvre bien des perspectives quant à la prévention et la réhabilitation des troubles psychiatriques et autres conditions singulières.
Tout homme, et le sens de soi, étant le fruit de ses expériences, de ses capacités d’adaptation et d’intégration, il est heureux que nous commencions à disposer d’éléments fiables susceptibles de déboucher sur de nouveaux modèles de la santé et de soins, liant la réhabilitation avec les dispositifs médicaux sociaux psychiatriques dont la pédopsychiatrie.
En conséquence, nous mettons à la disposition de nos collègues francophones, et des étudiants, une traduction de cette synthèse remarquable.