Michel Braud

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• Professor emeritus at Université de Pau et des Pays de l'Adour

L’intime, littéralement le plus intérieur du dedans, nomme cette zone supposée réservée, où le sujet se tiendrait et s’éprouvait, hors du regard d’autrui. Confrontée à l’exigence de transparence, notre époque brouille la distribution des espaces public et privé et elle met en question la possibilité́ même du retrait. Plus encore, elle invite à une...

Quelles formes prend le journal intime lorsqu'il est publié en ligne?

Chez Toulet, le journal personnel (intime ou de voyage) est une forme accidentelle et marginale, instable, délaissée aussitôt que reprise, et pourtant jamais entièrement abandonnée entre 1885 et 1910. La succession des expérimentations est à envisager en relation à l'enjeu de cette écriture pour Toulet. On fera l'hypothèse que le moteur de cette fo...

L’auteur, dans sa représentation moderne, apparaît en France au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, et plus nettement encore au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. A la même époque, un nouveau genre autobiographique émerge dans le contexte occidental : le journal intime. Cet article se propose de mettre en évidence la mise en place et les caractère...

El diario personal ha experimentado en las últimas décadas un auge tanto en el contexto editorial como en el académico. El presente artículo, fruto de la colaboración entre instituciones de Francia y España, plantea un acercamiento al desarrollo de esta forma textual en el sistema literario de tales países. Para ello, analiza la recepción de la pub...

Resumen: Aparecido en Francia a finales del siglo XVIII en el ámbitoprivado, el diario personal se impone progresivamente en el curso delos siglos XIX y XX como un género literario para conocer diversasmutaciones a finales del siglo XX. La banalización del género, al principiodel siglo XXI, se acompaña de nuevas inflexiones que se identificarán apa...

What is the history of the diary, since its birth at the late eighteenth century, its development in the nineteenth century and its flowering in the twentieth century?

Depuis son apparition dans le champ littéraire, à la fin du XIXe siècle, le journal d'écrivain s'est développé en marge des autres genres, dans une tension irrésolue entre sincérité et facticité. La forme a servi à diverses expérimentations et est devenue, à la fin du XXe siècle, un mode de récit de soi. Sans négliger ces dimensions, les journaux c...

Le Passé défini est un long journal d’écrivain (plus de 4000 pages imprimées), tenu pendant de nombreuses années (12 ans) jusqu’à la mort de son auteur. Au-delà de la routine de la rédaction, cette persévérance présuppose un projet d’écriture de soi qui résiste à l’usure du temps. La constance d’écriture à laquelle le diariste s’oblige est le signe...

La tentation suicidaire est très courante dans les journaux : comment est-elle représentée, et pourquoi le diariste confie-t-il cette tentation à son journal ? Suicidal temptation is very common in diaries : how is it depicted, and why diarist confide this temptation to his paper?

Le lecteur des Mémoires d’une jeune fille rangée ne peut qu’être arrêté par le questionnement récurrent de la jeune Simone de Beauvoir sur son « avenir » ou son « destin », par son attention à la progression de son existence, par les retours sur son passé et ses rêveries sur sa vie future ou encore ses réflexions sur la mission dont elle se sent ch...

Dans un univers caractérisé par leur « éclatement », on peut se demander si les genres littéraires sont autre chose que des étiquettes faciles, des points de repère entre lesquels s’écrivent les textes. Dans cette hypothèse, toutes les combinaisons imaginables entre genres sont permises, et toutes les gradations de leurs caractères formels. Cela es...

Le goût du lecteur pour l’intime tient, me semble-t-il, à trois caractères du journal : la trace du réel, le récit des jours ordinaires et les savoirs existentiels de l’intime.

Le journal intime publié de façon posthume, comme celui d’Amiel, n’est pas un livre expressément voulu et construit par son auteur ; c’est un texte privé devenu œuvre qui impose une lecture en relation directe avec le moment vécu : l’intention du diariste est de narrer son existence au fil de son déroulement en réduisant au maximum les obstacles à...

Les textes autobiographiques sont par définition des représentations d’un temps passé, mais leurs modalités peuvent être assez différentes : l’autobiographie rétrospective présente un temps révolu au moment de l’écriture, là où le journal intime rapporte un passé proche voire enregistre le présent immédiat. Dans le journal, auquel on se limitera, l...

Ce dictionnaire entend d'abord établir le bilan de plusieurs décennies de réflexion théorique, plus de quarante ans après la parution du Pacte autobiographique (1975) de Philippe Lejeune. Il vise ensuite à cartographier un champ de recherches dont l'extension est souvent mal comprise : derrière le succès de l'autobiographie se cache une diversité d...

Contrairement à ce que l’on peut penser, le récit mimétique ne constitue pas la seule représentation narrative du temps ; sans doute même n’est-il qu’une forme historiquement datée qui ne doit pas occulter la présence au long de siècles de formes qui ne sont pas organisées par la poursuite d’une fin et par la recherche d’une clôture. Ce constat nou...

Les premiers journaux intimes, rédigés en français, qui nous soient parvenus, ont été tenus dans les dernières années du XVIIIe siècle. Ce sont, pour beaucoup, des journaux d'écrivains ou futurs écrivains (Nicolas Rétif de la Bretonne, Germaine Necker), de philosophes ou futurs philosophes (Joseph Joubert, Maine de Biran, Pierre Hyacinthe Azaïs). L...

La mélancolie est perceptible dans le journal intime depuis ses débuts à la fin du XVIIIe siècle. Elle peut être mise en relation avec les caractères principaux du genre et l'histoire personnelle des diaristes. Chez H.-F. Amiel, le sentiment mélancolique est particulièrement marqué. Au-delà de la tendance au repli narcissique à l'œuvre dans le jour...

Quels journaux ou textes autobiographiques lisent les diaristes entre l'apparition du journal intime, à la fin du XVIIIe siècle, et sa reconnaissance comme genre, un siècle plus tard ? A l'origine, le journal est une pratique bien connue alors même que les diaristes ne se lisent pas les uns les autres ; seuls quelques-uns même, comme Maine de Biran...

Waleria Stroynowska est née en 1782 à Bubnów en Volhynie (Ukraine actuelle), dans des territoires sous autorité polonaise qui seront occupés par l'Empire russe dès 1793. Son père, le comte Walerian Stroynowski (1753-1834) fait partie de la noblesse polonaise qui possède la plus grande partie de la terre dans les provinces de Volhynie, de Podolie et...

Est ordinaire, nous dit le dictionnaire, ce qui "découle d'un ordre de choses ou appartient à un type présenté comme commun et normal" (TLF) : l'ordinaire est ce qui tient ensemble notre perception habituelle du monde et "l'ordre des choses" qui confère à cette perception une certaine stabilité. En littérature, il se définit d'abord comme la négati...

Le journal intime, «baromètre de l'âme», suspend le flux de l'existence, donne forme au temps, rend palpables les changements de soi et du monde. Il montre ce qu'on n'a jamais vu parce que le roman ne sait pas encore le rendre : le mouvement d'une conscience, ses débats intérieurs, la banalité du quotidien ; il expose ce que le roman ne peut donner...

Quelques diaristes s’imposent donc comme écrivains dans le paysage littéraire par la publication de leur journal, de façon d’abord posthume, puis de façon anthume au cours du XXe siècle. On a toutefois observé que si des auteurs comme Claude Mauriac ou Paul Léautaud connaissent de leur vivant la célébrité avec leur journal, ils possédaient un petit...

Trois jeunes protestantes béarnaises, Adèle Sarradet, Adèle Nogaret et Léontine Nogaret, ont tenu, sur des périodes plus ou moins longues, un journal personnel dans le dernier quart du XIXe siècle. La première a confié les émois et les angoisses de ses quinze ans à son journal intime, dans les années 1874-1876 ; la seconde a tenu des carnets de voy...

La représentation de la durée dans la littérature des XIXe et XXe siècles n'a pas fait jusqu'ici l'objet d'étude spécifique. On l'a cantonnée à l'analyse narratologique (la durée est selon Genette l'une des grandes catégories de l'analyse du récit), et l'on s'est davantage intéressé à l'instant, moment de toutes les épiphanies du moi. Le présent vo...

Le journal intime est habituellement considéré comme un texte sans structure, constitué de notes non liées, posées les unes à la suite des autres, que cet ordre simplement chronologique ne permet pas de lire vraiment comme un récit. Il ne raconte pas une histoire au sens traditionnel du terme mais relève de ce qu'Aristote appelle la chronique. Pour...

Décrire des formes génériques apparaît toujours quelque peu hasardeux. Ne risque-t-on pas de généraliser à partir d'un choix subjectif, et surtout ne sait-on pas que toute description d'un genre pourra être lue comme les traits d'une essence ou les caractères d'une prescription? Pour autant, des termes tels que journal littéraire et journal d'écriv...

Audiberti s'est essayé à plusieurs reprises à des formes qui se rapprochent du journal intime ou personnel. La plus connue est sans doute Dimanche m'attend, rédigé peu de temps avant sa mort, dans lequel l'auteur semble consigner des notations "jour par jour" comme il l'annonce en incipit, mais traite le genre avec la distance ludique dont il est c...

De 1976 à 1987, José Cabanis a publié trois volumes de journal aux éditions Gallimard, chacun sous un titre propre (Les Profondes années, Petit entracte à la guerre et L'Escaladieu) suivi du sous-titre Journal et des années couvertes précisant l'appartenance générique. On pourrait s'attendre à lire de façon continue le journal de jeunesse d'un écri...

"La poésie personnelle a fait son temps de jongleries relatives et de contorsions contingentes" écrit Ducasse dans ses Poésies de 1870. De fait, la modernité littéraire s'est affirmée, au tournant des années 1860-1870, comme refus de la poésie personnelle – refus d'une première personne située et de ses épanchements lyriques. Pour autant, cette dép...

Dans le journal, la note quotidienne se rapproche parfois du poème, la voix du diariste prend une tonalité ou une coloration poétique. Tandis que d'un autre côté, certains recueils poétiques tiennent clairement du journal ou des carnets, jusqu'à leur emprunter leur titre. Je voudrais exposer les modalités de ce rapprochement des genres ou de ce mél...

Le Cahier vert recueille une rêverie de fuite hors du monde des hommes, hors de soi et hors du temps, rêverie aérienne qui laisse voir le désir de n'être pas né et de rejoindre la mère absente. C'est la trace d'une expérience intérieure, la trace de l'expérience d'un rêve de liberté vis-à-vis du réel qui ne pouvait trouver de forme que dans un genr...

Interroger à nouveau la fiction ? Ce volume en a en effet la prétention. niais en déplaçant l'espace du questionnement. Si ces dernières années les chercheurs ont bien montré combien il était périlleux d'espérer une définition stabilisée de la fiction (D. Cohn, J. R. Searle, G. Genette), ce volume cherche à emprunter une voie initiée plus récemment...

Qu'entend-on par journal personnel en ce début de XXIe siècle, à un moment où le genre connaît un développement sans précédent? Quels sont, du Journal de Stendhal au Mausolée des amants d'Hervé Guibert, les caractères de ces textes, qu'on les appelle journaux intimes, journaux littéraires, journaux de voyage, journaux de guerre…? Tenter de répondre...

La nouvelle édition polonaise du journal de Bronislaw Malinowski parue à Cracovie en 2002 offre une vue plus exacte de sa réflexion au jour le jour. L'édition anglaise publiée en 1967 sous le titre A Diary in the strict sense of the term, n'est en effet qu'une traduction du journal tenu en polonais par l'ethnographe (l'édition française est la trad...

On observe chez de nombreux diaristes, comme chez les autobiographes, un rapport de proximité aux morts dont la cause semble résider dans le décès précoce du père ou de la mère. Cette perte se trouve tramée avec les évocations quotidiennes de l'intimité mais n'en possède pas moins une valeur fondatrice.

Le journal personnel, on l'a souvent noté, est un genre du retrait. Dès 1794, Maine de Biran se montre "seul, près de [son] feu, retenu dans [sa] chambre par un froid très piquant", et amené par cette réclusion à "réfléchir sur [sa] position actuelle, sur l'état de [son] cœur, dans cette époque de [sa] vie". Le journal est la forme du repli, l'espa...

"Vae soli" (Ecclésiaste, IV, 10 ; 5 fév.66) Amiel se sent seul face au monde, aux marges de l'activité sociale, hors de l'action qui l'indiffère, étranger aux hommes parmi lesquels il vit, toujours « déclassé et hors de son vrai milieu » (17 mars 66). Il n'enregistre que dissonance entre lui et ce qui l'entoure: Genève la malveillante, "ville des l...

A la différence de l'autobiographie, le journal ne semble pas à première vue avoir été véritablement affecté par la question de l'autofiction; le soupçon moderne jeté sur la capacité de l'individu à produire une histoire de lui-même, et plus largement sur la capacité du langage à transcrire le réel, ne paraît que l'avoir peu touché. Là où l'autofic...

L'auteur, nous fait observer Michel Foucault, "n'est que la projection, dans des termes plus ou moins psychologisants, du traitement que l'on fait subir aux textes" . C'est un effet du texte : la figure de son créateur élaborée par le lecteur, dont il a puisé les éléments à même le texte et hors de lui, dans le paratexte. Figure, aussi, constituée...

Répétition, reprise, retour, épuisement, correction, réexamen, leitmotiv, variation: aucun terme ne semble convenir aussi bien que ce lui de r essassement pour désigner des modes d'écriture propres à la modernité. L'hypothèse de départ de ce livre collectif est précisément que le ressassement fonde des façons d'écrire inédites, et plus profondément...

Le journal reprend, malaxe continûment la même matière, transcrit les mêmes sensations, les mêmes expériences. Benjamin Constant ne le réduit-il pas à une forme abrégée et codée qui ne porte, quasiment, que le numéro des situations rencontrées ce jour-là, parmi les dix-sept qu'il répertorie? Quelques chiffres suffisent alors, pour chaque jour, lors...

L'aveu intime emprunte au discours de l'émotion, fortement codé. Le diariste adopte diverses attitudes vis-à-vis du stéréotype, combinant dénonciation et acceptation, en un discours double qui manifeste sa distance par rapport à sa propre expression mais confirme la valeur d'usage du stéréotype.

Alix Cléo Roubaud est morte en 1983, à l'âge de trente et un ans, en laissant un journal dont les derniers cahiers, de décembre 1979 à sa mort, ont été publiés en 1984 par son mari, Jacques Roubaud . Elle y consigne ce qui fait le fond de tous les journaux - les événements du quotidien, les voyages, les rencontres -, y élabore des éléments de réfle...

L'œuvre de Jacques Borel, depuis L'Adoration, n'a cessé de s'affirmer comme profondément exigeante. Tout entière portée par la recherche du passé, par la "folie de la trace", elle s'est développée en volumes d'autobiographie, de journal, de récits, d'essais critiques, de théâtre ou de fragments. Cette diversité formelle ne doit toutefois pas occult...

La théâtralité, dans le Journal 1942-1945 de Cocteau, se manifeste d'abord dans le regard qu'il porte sur le théâtre (le sien ou celui des autres) et dans l'analyse qu'il mène des phénomènes théâtraux en général. On la décèle, ensuite, avec un sens métaphorique, dans le regard que le diariste pose sur le monde - sur son époque et sur le quotidien....

Le présent apparaît au point de rencontre de deux saisies du temps : celle de l'instant, espace temporel limité dans lequel s'établit une relation à soi et au monde, protégée contre le passage du temps, et celle de l'écoulement qui étire sa perspective de la naissance à la mort. Le Journal 1922-1989 de Michel Leiris est marqué par cette double tens...

Les textes autobiographiques comme la poésie ou le théâtre de Charles Juliet se donnent comme la transcription d'une aventure intérieure qui oscille entre l'écoute de soi et la distanciation - la première étant submergée par l'angoisse, et la seconde se révélant mortifère, par le dédoublement qu'elle suscite. L'expérience directe du moi est celle d...

La tentation du suicide dans le journal intime se présente comme un projet de mort qui porte une quête de sens, comme le point extrême de l'existence qu'un individu puisse envisager. Dans le journal, écriture a priori privée, non socialisée, elle se donne comme le signe d'un désespoir vécu et comme un aveu de soi indépassable. Mais par cela-même, p...